Tribunal administratif de Bordeaux, 4ème chambre, 9 février 2023, n° 2104773

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Sur la décision

Référence :
TA Bordeaux, 4e ch., 9 févr. 2023, n° 2104773
Juridiction : Tribunal administratif de Bordeaux
Numéro : 2104773
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 24 février 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 septembre 2021, 25 mars, le 14 avril et 6 mai 2022, non-communiqué pour ce-dernier, la confédération paysanne Nouvelle-Aquitaine, demande au tribunal :

1°) à titre principal d’annuler l’arrêté du 17 mars 2021 par lequel la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a fixé le schéma directeur des exploitations agricoles (SDREA) pour la région Nouvelle-Aquitaine ;

2°) d’enjoindre à la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine de modifier le schéma directeur des exploitations agricoles régional de façon à tenir compte des motifs de l’annulation prononcée par le jugement à intervenir.

Elle soutient que :

— sa requête, qui n’est pas tardive, est recevable dès lors qu’elle dispose d’un intérêt à agir et que son porte-parole dispose d’une habilitation pour agir en justice ;

— l’arrêté du 17 mars 2021 n’a pas été publié sur le site internet de chacune des préfectures concernées en méconnaissance des dispositions de l’article R. 312-2 du code rural et de la pêche maritime ;

— l’article 4.1.a. de l’arrêté en litige ajoute à la loi et méconnaît les dispositions du II de l’article L. 312-1 et de l’article R. 312-3 du code rural et de la pêche maritime en excluant les petites exploitations agricoles du calcul de la surface agricole utile régionale moyenne ; c’est à tort que le modèle de schéma directeur des exploitations agricoles annexé à l’arrêté ministériel du 10 mars 2021 permet d’exclure ces mêmes exploitations du calcul de la surface agricole utile régionale moyenne, et la préfète de la région Nouvelle Aquitaine ne pouvait faire application de ce modèle illégal ;

— l’article 4.1.b. méconnaît les dispositions du II de l’article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime dès lors qu’il détermine appliquer à la zone 1 un coefficient de 1,04, supérieur au maximum autorisé par ces dispositions ; il est entaché d’erreur d’appréciation dès lors qu’un coefficient moyen de 0,66 serait plus cohérent avec la réalité des exploitations de la région ;

— le zonage prévu à l’article 4.1.b et précisé en annexe 1 méconnaît le principe d’égalité de traitement dès lors que seules les exploitations agricoles situées dans le département des Pyrénées-Atlantiques bénéficient d’une prise en compte de leurs spécificités locales ; il est entaché d’erreur d’appréciation dès lors que d’importantes disparités territoriales au sein de la zone 1 justifient une différenciation plus marquée ; il doit être tenu compte de chaque petite région agricole conformément à l’article 2 de l’arrêté ministériel du 20 juillet 2015 ;

— l’article 5, qui fixe un seuil de viabilité des exploitations agricoles de 90 hectares s’agissant de la zone 1, méconnaît l’objectif de favoriser les installations prévu à l’article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime dès lors qu’il exclut les petites exploitations et l’hypothèse d’une installation progressive des jeunes agriculteurs ; ce seuil est déterminé à partir de la surface agricole utile moyenne régionale dont le calcul est lui-même illégal ; il est entaché d’erreur d’appréciation dès lors qu’une division par deux ce seuil permettrait un plus grand respect de l’ordre des priorités ;

— l’annexe 3 méconnaît les dispositions du II de l’article L. 312-1, de l’article L. 331-1, et du I-5° de l’article L. 331-2 dès lors qu’elle prévoit des abattements aux coefficients d’équivalence pour les productions animales hors sol qui ont pour effet de soustraire ce mode d’exploitation du contrôle des structures.

Par des mémoires en défense enregistrés les 25 janvier et 26 avril 2022, la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce que les effets d’une éventuelle annulation soient modulés dans le temps.

Elle fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Par ordonnance du 20 avril 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 20 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code rural et de la pêche maritime ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. B,

— les conclusions de M. Naud, rapporteur public,

— et les observations de Mme A, représentant la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine, préfète de la Gironde.

Considérant ce qui suit :

1. En application des dispositions de l’article R. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a fixé, par arrêté du 17 mars 2021, le schéma directeur des exploitations agricoles pour la région Nouvelle-Aquitaine. La confédération paysanne Nouvelle-Aquitaine demande l’annulation de l’article 4 de ce schéma, qui fixe la surface agricole utile régionale moyenne, délimite les territoires présentant une cohérence en matière agricole et fixe pour la zone 1 un seuil de déclenchement du contrôle des structures exprimé en surface agricole utile pondérée de 80 ha, de son article 5 en tant qu’il fixe un seuil de viabilité des exploitations agricoles de 90 hectares s’agissant de la zone 1 et enfin de l’annexe 3 qui fixe la grille des équivalences pour les élevages hors sols.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne le schéma pris dans son ensemble :

2. Aux termes de l’article R. 312-2 du code rural et de la pêche maritime : « Le schéma directeur régional des exploitations agricoles est () publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région ainsi que sur le site internet des préfectures de la région et des départements concernés () ».

3. Les conditions de publication d’une décision administrative étant sans incidence sur sa légalité, le moyen tiré de ce que l’arrêté du 17 mars 2021 n’aurait pas été publié sur le site internet de chacune des préfectures de la région Nouvelle-Aquitaine ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne les dispositions de l’article 4 de l’arrêté du 17 mars 2021 fixant schéma directeur des exploitations agricoles :

S’agissant du calcul de la surface agricole utile régionale moyenne :

4. D’une part, aux termes du II de l’article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : « Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe, compte tenu des orientations mentionnées au I du présent article, le seuil de surface au-delà duquel l’autorisation d’exploiter est requise en application de l’article L. 331-2. Ce seuil est compris entre le tiers et une fois la surface agricole utile régionale moyenne, établie dans des conditions fixées par le décret mentionné au V du présent article () ». Aux termes de l’article R. 312-3 de ce code, dans sa rédaction issue du décret du 22 juin 2015 : « Pour fixer le seuil de surface mentionné au II de l’article L. 312-1, le schéma directeur régional des exploitations agricoles prend en compte soit la surface agricole utile moyenne toutes productions confondues, soit la surface agricole utile moyenne par classe d’orientation technico-économique des exploitations particulières, au sens du b de l’article 2 du règlement (CE) n° 1217/2009 du Conseil du 30 novembre 2009 portant création d’un réseau d’information comptable agricole sur les revenus et l’économie des exploitations agricoles dans l’Union européenne, fixées au niveau régional lors du dernier recensement agricole ou, le cas échéant, par l’enquête sur les structures des exploitations agricoles réalisée à la suite de ce recensement () ».

5. D’autre part, aux termes de l’article R. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : « Le schéma directeur régional des exploitations agricoles prévu à l’article L. 312-1 est élaboré par le préfet de région avec l’appui des préfets des départements concernés. Ce schéma est conforme à un modèle fixé par arrêté du ministre chargé de l’agriculture ». Aux termes de l’article 4 du modèle de schéma annexé à l’arrêté du 10 mars 2021 fixant le modèle d’arrêté préfectoral portant schéma directeur régional des exploitations agricoles : « Fixation des seuils de contrôle. / Dans le cadre prévu par la loi (article L. 312-1 et L. 331-2-I,1°), le décret (article R. 312-3) et de l’arrêté du 20 juillet 2015 fixant les modalités de calcul des équivalences par type de production, région naturelle ou territoire pour l’établissement du SDREA. Il est possible de choisir en critère de seuil : / – la SAU moyenne régionale TOUTE PRODUCTION : / – soit celle de la catégorie » toute exploitation confondue » ; / – soit celle de la catégorie « moyenne et grande exploitation » ; / – la SAU moyenne régionale par OTEX () ".

6. L’article 4.1.a de l’arrêté du 17 mars 2021 en litige, intitulé « Fixation des seuils de contrôle » / « Seuil de surface » a déterminé les seuils de contrôle au-delà desquels l’autorisation d’exploiter est requise à partir de la surface agricole utile régionale moyenne toutes productions confondues de la catégorie « moyenne et grande exploitation ».

7. En restreignant le calcul de la surface agricole utile régionale moyenne à la seule catégorie des moyennes et grandes exploitations, la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine n’a pas tenu compte de toutes les productions conformément aux dispositions de l’article R. 312-3 du code rural et de la pêche maritime précitées et a ainsi introduit illégalement une distinction ayant pour effet restreindre la portée des dispositions législatives et réglementaires applicables. Par suite l’article 4.1.a. de l’arrêté du 17 mars 2021, qui est divisible, doit être annulé en tant qu’il écarte les petites exploitations agricoles du calcul de la surface agricole utile régionale moyenne.

S’agissant de la délimitation de territoires présentant une cohérence en matière agricole et de la fixation d’un coefficient seuil de déclenchement du contrôle des structures pour chacun de ces espaces :

8. D’une part, aux termes du II de l’article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : « Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe, compte tenu des orientations mentionnées au I du présent article, le seuil de surface au-delà duquel l’autorisation d’exploiter est requise en application de l’article L. 331-2. Ce seuil est compris entre le tiers et une fois la surface agricole utile régionale moyenne, établie dans des conditions fixées par le décret mentionné au V du présent article. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles détermine des équivalences à la surface agricole utile régionale moyenne, par type de production, en particulier pour les productions mentionnées à l’article L. 641-5 et pour les ateliers de production hors sol. S’il y a lieu, ces équivalences peuvent être fixées par région naturelle ou par territoire présentant une cohérence en matière agricole, en tenant compte de la surface agricole utile moyenne des espaces concernés ».

9. D’autre part, aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 20 juillet 2015 fixant les modalités de calcul des équivalences par type de production, région naturelle ou territoire pour l’établissement du schéma directeur régional des exploitations agricoles : « Le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) peut fixer : / 1° Des équivalences relatives aux productions végétales en fonction des natures de culture particulières lorsque celles-ci ne nécessitent pas la même surface par rapport à la surface agricole utile (SAU) moyenne pour dégager une valeur ajoutée équivalente. / Pour l’appréciation de cette équivalence, il est tenu compte de la superficie nécessaire pour que cette nature de culture produise une valeur de production brute standard (PBS) équivalente à celle dégagée par la surface agricole utile régionale moyenne retenue par le SDREA. / 2° Des équivalences par type de production hors sol. Pour la fixation de ces équivalences, l’autorité administrative pourra procéder préalablement à la consultation de certaines organisations professionnelles, notamment celles spécialisées dans les productions retenues, en particulier pour les productions les plus présentes sur le territoire régional. / Ces équivalences peuvent, notamment, être exprimées en mètres carrés (m2), en nombre de cages mères ou de ruches, en nombre d’animaux ou couples produits par an, ou d’animaux présents par an sur l’exploitation ou vendus par an morts ou vifs. La valeur retenue sera traduite en ha équivalents à la surface agricole utile régionale moyenne retenue par le SDREA ». Aux termes de l’article 2 de ce même arrêté : « Le SDREA peut, le cas échéant, fixer des équivalences par région naturelle. / Pour la détermination de ces régions naturelles, il sera tenu compte des petites régions agricoles correspondant à la nomenclature INSEE. Ces régions naturelles s’apprécient de manière infra ou supra départementale. / Il peut également être tenu compte des (ou de certaines des) particularités biophysiques retenues à l’annexe III du règlement n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 fixant des critères biophysiques pour la délimitation des zones soumises à des contraintes naturelles ».

10. En premier lieu, l’article 4.1.b. de l’arrêté du 17 mars 2021 en litige, intitulé « Fixation des seuils de contrôle » / « Seuil de surface » délimite trois régions naturelles au sens des dispositions précitées de l’article 2 de l’arrêté ministériel du 20 juillet 2015 : la première, est composée des onze départements de la région Nouvelle-Aquitaine à l’exception des Pyrénées-Atlantiques, la deuxième zone regroupe l’est des Pyrénées-Atlantiques et la troisième l’ouest de ce même département.

11. Si la confédération paysanne Nouvelle-Aquitaine soutient que la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a entaché sa décision d’erreur d’appréciation en ne tenant pas compte, à l’exception des Pyrénées-Atlantiques, des caractéristiques propres à chaque territoire, elle ne justifie pas que les conditions d’exploitations agricoles seraient sensiblement différentes d’un département à l’autre au sein de la zone n°1.

12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les exploitations agricoles installées au sein de la zone n°1 seraient soumises à des contraintes de même nature que celles des zones n°2 et 3, eu égard aux contraintes géophysiques des Pyrénées-Atlantiques. Dans ces conditions, la fédération syndicale requérante n’est pas fondée à soutenir que ce zonage méconnaîtrait les principes d’égalité et de non-discrimination des administrés, dès lors que ces-derniers ne sont pas placés dans une situation analogue.

13. En troisième lieu, il résulte de la combinaison des dispositions précitées du II de l’article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé l’adoption de l’article 32 de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de laquelle elles sont issues, et de l’article 2 de l’arrêté du 20 juillet 2015 fixant les modalités de calcul des équivalences que le schéma directeur des exploitations agricoles peut fixer des équivalences par région naturelle et ainsi adapter le seuil de déclenchement du contrôle des structures. Dans un tel cas, il est tenu compte de la surface agricole utile moyenne de l’espace concerné.

14. La fédération syndicale requérante soutient que le seuil de déclenchement du contrôle des structures en zone n°1 (de 80 hectares) fixé à 1,04 fois la surface agricole utile moyenne régionale méconnaît les dispositions du II de l’article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime citées au point 11, selon lesquelles ce seuil ne peux excéder une fois cette même surface agricole utile moyenne régionale. Toutefois, lorsque le schéma directeur des exploitations agricoles fixe des équivalences par région naturelle, il est tenu compte de la surface agricole utile moyenne de l’espace concerné. Le coefficient de 1,04 correspond ainsi à la traduction de la valeur retenue (une fois la surface agricole utile moyenne de la zone n°1) en hectares équivalents à la surface agricole utile moyenne sur l’ensemble de la région retenue par le schéma. Par suite, en précisant que le coefficient d’équivalence à la surface agricole utile moyenne régionale est de 1,04 pour la zone n°1, la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine n’a pas méconnu les dispositions citées au point 11.

En ce qui concerne le seuil de viabilité prévu par les dispositions de l’article 5 de l’arrêté du 17 mars 2021 fixant schéma directeur des exploitations agricoles :

15. D’une part, aux termes de l’article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : « Le contrôle des structures des exploitations agricoles s’applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d’une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d’organisation juridique de celle-ci et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. / L’objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l’installation d’agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d’installation progressive. Ce contrôle a aussi pour objectifs de : / 1° Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d’atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles () 3° Maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandissements et les concentrations d’exploitations au bénéfice, direct ou indirect, d’une même personne physique ou morale excessifs au regard des critères précisés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles ».

16. D’autre part, aux termes de l’article L. 312-1 de ce même code : « III. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l’ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l’ordre des priorités entre les différents types d’opérations concernées par une demande d’autorisation mentionnée à l’article L. 331-2, en prenant en compte l’intérêt économique et environnemental de l’opération. Les différents types d’opérations concernées par une demande d’autorisation sont l’installation d’agriculteurs, l’agrandissement ou la réunion d’exploitations agricoles et le maintien ou la consolidation d’exploitations agricoles existantes. / Les critères d’appréciation de l’intérêt économique et environnemental d’une opération, en fonction desquels est établi l’ordre des priorités, sont les suivants : / 1° La dimension économique et la viabilité des exploitations agricoles concernées () Le schéma directeur régional des exploitations agricoles peut déterminer l’ordre des priorités en affectant une pondération aux différents éléments pris en compte. / IV. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe les critères servant à l’appréciation de la dimension économique et de la viabilité des exploitations concernées par la demande d’autorisation mentionnée à l’article L. 331-2 () ».

17. L’article 3 de l’arrêté du 17 mars 2021 en litige, intitulé « Ordre des priorités » détermine un premier rang de priorité dans lequel entrent certains cas d’installations ainsi que la consolidation de l’exploitation dans la limite de la surface permettant d’atteindre la dimension économique viable, qui sont ainsi concurrents. La notion de dimension économique viable est précisée par l’article 5.2 du même arrêté qui fixe un seuil de viabilité exprimée en surface agricole utile pondérée par chef d’exploitation de 90 hectares pour la zone n°1, de 70 hectares pour la zone n°2 et de 45 hectares pour la zone n°3.

18. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que pour fixer le seuil de viabilité à 90 hectares s’agissant de la zone n°1, la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine se soit fondée sur la surface agricole utile régionale moyenne. Par suite, la confédération requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que ce seuil serait illégal du seul fait des modalités de calcul erronées de la surface agricole utile régionale moyenne.

19. En second lieu, la confédération paysanne de Nouvelle-Aquitaine soutient qu’un tel seuil de viabilité méconnaît l’objectif de favoriser les installations, prévu par l’article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime cité au point 18, dès lors que l’installation d’un jeune agriculteur est érigée au même rang de priorité que la consolidation de l’exploitation dans la limite de la surface permettant d’atteindre la viabilité économique, et que le seuil de viabilité retenu risque de fait d’exclure les petites installations et les installations progressives. Eu égard à ce qui a été dit aux points 4 à 10, le seuil de viabilité fixé par la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine est nettement supérieur à la surface agricole utile moyenne régionale. En fixant le seuil de viabilité des exploitations agricoles, au sein de la zone n°1, à 90 hectares par chef d’exploitation, la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a ainsi, de manière disproportionnée, restreint l’objectif principal du contrôle des structures qui est de favoriser l’installation d’agriculteurs au profit de la consolidation des exploitations déjà existantes.

20. Il résulte de ce qui précède que l’article 5 de l’arrêté en litige, qui est divisible, doit être annulé en tant qu’il fixe un seuil de viabilité de 90 hectares pour la zone n°1.

En ce qui concerne les équivalences prévues par l’annexe 3 de l’arrêté du 17 mars 2021 fixant schéma directeur des exploitations agricoles :

21. D’une part, aux termes de l’article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : « Le contrôle des structures des exploitations agricoles s’applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d’une exploitation agricole () ». Aux termes de l’article L. 331-2 de ce code : « Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : () 5° Les créations ou extensions de capacité des ateliers de production hors sol au-delà d’un seuil de production fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles ».

22. D’autre part, aux termes du II de l’article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : « Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe, compte tenu des orientations mentionnées au I du présent article, le seuil de surface au-delà duquel l’autorisation d’exploiter est requise en application de l’article L. 331-2. Ce seuil est compris entre le tiers et une fois la surface agricole utile régionale moyenne, établie dans des conditions fixées par le décret mentionné au V du présent article. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles détermine des équivalences à la surface agricole utile régionale moyenne, par type de production, en particulier pour les productions mentionnées à l’article L. 641-5 et pour les ateliers de production hors sol () ». Aux termes de l’article R. 312-3 de ce code : « () Les modalités de calcul des équivalences par type de production et, le cas échéant, par région naturelle ou par territoire, sont fixées par un arrêté du ministre chargé de l’agriculture ». Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 20 juillet 2015 fixant les modalités de calcul des équivalences par type de production, région naturelle ou territoire pour l’établissement du schéma directeur régional des exploitations agricoles : « Le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) peut fixer : / 1° Des équivalences relatives aux productions végétales en fonction des natures de culture particulières lorsque celles-ci ne nécessitent pas la même surface par rapport à la surface agricole utile (SAU) moyenne pour dégager une valeur ajoutée équivalente. / Pour l’appréciation de cette équivalence, il est tenu compte de la superficie nécessaire pour que cette nature de culture produise une valeur de production brute standard (PBS) équivalente à celle dégagée par la surface agricole utile régionale moyenne retenue par le SDREA. / 2° Des équivalences par type de production hors sol. Pour la fixation de ces équivalences, l’autorité administrative pourra procéder préalablement à la consultation de certaines organisations professionnelles, notamment celles spécialisées dans les productions retenues, en particulier pour les productions les plus présentes sur le territoire régional. / Ces équivalences peuvent, notamment, être exprimées en mètres carrés (m2), en nombre de cages mères ou de ruches, en nombre d’animaux ou couples produits par an, ou d’animaux présents par an sur l’exploitation ou vendus par an morts ou vifs. La valeur retenue sera traduite en ha équivalents à la surface agricole utile régionale moyenne retenue par le SDREA ».

23. Il résulte des dispositions citées aux points 24 et 25 que le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe un seuil de surface au-delà duquel une autorisation d’exploiter est nécessaire, dit seuil de déclenchement. Les productions hors-sol étant également soumises au contrôle des structures, le schéma détermine, pour ces productions, des équivalences à ce même seuil de déclenchement traduites en hectares.

24. L’annexe 3 de l’arrêté du 17 mars 2021 en litige, intitulée « Grille d’équivalences pour les élevages hors sol », détermine pour chaque production : l’unité de référence (tête, m2), le coefficient d’équivalence (ha/unité), sa correspondance en unités pour chacune des trois zones (seuil de déclenchement) ainsi qu’un abattement par unité pour l’établissement du rang de priorités. En sus des équivalences déterminées en application des dispositions citées aux points 24 et 25, la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a ainsi fixé un régime d’abattements forfaitaires. Ces abattements, concernant uniquement le classement de la demande dans l’un des rangs de priorités prévus par le schéma, représentent selon les productions environ la moitié du seuil de déclenchement. L’annexe en litige mentionne l’exemple d’un élevage de 200 truies, représentant une surface équivalente à 120 hectares, qui pour le classement parmi les rangs de priorités doit être considéré comme représentant 75 hectares par le bénéfice de l’abattement ainsi institué.

25. Or, aucune disposition législative ou règlementaire ne permet à l’autorité territorialement compétente pour élaborer ce schéma à partir d’un modèle prédéfini, d’introduire de tels abattements. Ainsi que le soutient la confédération paysanne de Nouvelle-Aquitaine, ces abattements forfaitaires d’une ampleur significative, ont pour effet de restreindre le contrôle des structures d’élevage hors-sol et portent une atteinte disproportionnée à l’objectif principal de ce contrôle, qui est de favoriser l’installation d’agriculteurs.

26. Il résulte de ce qui précède que l’annexe 3 de l’arrêté du 17 mars 2021 en litige, qui est divisible, doit être annulée en tant qu’elle prévoit des abattements pour l’établissement du rang de priorités.

Sur les conséquences des illégalités affectant l’arrêté du 17 mars 2021 :

27. En premier lieu, aux termes de l’article L. 911-2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ».

28. Eu égard aux motifs d’annulation retenus, il y a seulement lieu d’enjoindre au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, de modifier son arrêté du 17 mars 2021 en ce qui concerne le calcul de la surface agricole utile régionale moyenne et le seuil de viabilité des exploitations agricoles en tenant compte des motifs du présent jugement dans un délai de six mois à compter de sa notification.

29. En second lieu, l’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu. Toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif – après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens d’ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause – de prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation . Il lui revient d’apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine.

30. Compte tenu des effets excessifs d’une disparition immédiate et rétroactive de l’arrêté du 17 mars 2021, en particulier des conséquences de cette disparition sur les autorisations d’exploiter déjà accordées sur son fondement, il y a lieu de différer l’effet de l’annulation jusqu’au 1er septembre 2023.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté préfectoral du 17 mars 2021 fixant le schéma directeur des exploitations agricoles (SDREA) pour la région Nouvelle-Aquitaine est annulé en tant que son article 4.1a., pour fixer le seuil de surface, prend en compte la surface agricole utile moyenne des seules moyennes et grandes exploitations, en tant que son article 5 fixe le seuil de viabilité des exploitations agricoles à 90 hectares et en tant que son annexe n°3 prévoit des abattements pour le classement parmi les rangs de priorités, des productions animales hors sol. Cette annulation prendra effet le 1er septembre 2023.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine de modifier, son arrêté du 17 mars 2021, en ce qui concerne le calcul de la surface agricole utile régionale moyenne et le seuil de viabilité des exploitations agricoles en tenant compte des motifs du présent jugement dans un délai de six mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la confédération paysanne Nouvelle-Aquitaine et au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine.

Délibéré après l’audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Lahitte, conseillère,

M. Bongrain, conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.

Le rapporteur,

A. B

La présidente,

F. MUNOZ-PAUZIÈSLa greffière,

C. SCHIANO

La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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Tribunal administratif de Bordeaux, 4ème chambre, 9 février 2023, n° 2104773