Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 23 mai 2018, n° 1506791

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blog.landot-avocats.net · 6 juin 2018

Un contribuable attaque, par exception d'illégalité, sa TEOM, jugée illégale car excédentaire (en application de la jurisprudence Auchan)… au titre d'un taux voté en année n. S'il gagne, on n'applique pas du coup le taux de l'année n-1 (comme le prévoit le CGI)… mais, pour peu que le taux de l'année n-1 conduise lui-aussi à une TEOM excédentaire… le juge décharge TOTALEMENT le contribuable de toute sa TEOM… vient d'estimer le TA de Cergy-Pontoise dans une série de jugements particulièrement audacieux… et inquiétants. Le présent blog a souvent eu l'occasion de déplorer la rigidité …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Cergy-Pontoise, 23 mai 2018, n° 1506791
Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Numéro : 1506791

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE CERGY-PONTOISE

cl

No 1506791 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE __________

SAS Louvresses Développement I

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


M. X

Magistrat désigné

___________ Le tribunal administratif

de Cergy-Pontoise Mme Y

(8ème chambre) Rapporteur public ___________

Audience du 9 mai 2018 Lecture du 23 mai 2018 ___________

Code de publication : C PCJA : 19-03-03-02

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juillet 2015, 25 avril 2016 et 25 avril 2018, la SAS Louvresses Développement I, représentée par la société EIF, demande au tribunal :

1°) la décharge de la cotisation de taxe d’enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2013 dans les rôles de la commune de Gennevilliers à raison d’un immeuble, dit « le Cristal », situé […] ;

2°) le versement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la délibération de la commune de Gennevilliers ayant fixé le taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour l’année 2013 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que ce taux est disproportionné par rapport aux besoins de financement du service ; que cette disproportion se déduit de l’absence d’institution dans le périmètre de la communauté de communes de la redevance spéciale pour l’enlèvement des déchets non ménagers ; qu’elle se déduit également de la disproportion entre le montant des recettes tirées de la taxe qui excède de 761 000 euros le montant des dépenses du service selon ce qui ressort du rapport annuel 2013 sur le prix et la qualité du service public d’élimination des déchets publié par la commune ;


No 1506791 – 2 -

que si le tribunal lui donne satisfaction, la décharge ne saurait se limiter à l’impôt résultant de l’application de la fraction excessive du taux ; qu’il n’existera aucun enrichissement sans cause de sa part.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 février 2016 et 13 avril 2018, le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ; que subsidiairement si le tribunal devait estimer que le taux d’imposition est excessif, il sera demandé de procéder à une substitution de base légale sur le fondement du III de l’article 1639 A du code général des impôts ; or le taux adopté pour l’année 2012 est identique à celui de 2013 ; que de même le tribunal devra limiter la décharge accordée dans la mesure de la fraction excessive de ce taux, à défaut de quoi la société, qui a bénéficié du service de collecte, bénéficierait d’un enrichissement sans cause.

Par ordonnance du 11 avril 2018, la clôture d’instruction a été fixée au 27 avril 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. X, président, pour statuer sur les affaires relevant de l’article R. 222-13 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. X, président-rapporteur,

- et les conclusions de Mme Y, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions aux fins de décharge :

1. D’une part, qu’aux termes du I de l’article 1520 du code général des impôts: « Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n’ayant pas le caractère fiscal (…) » ; en vertu des articles 1521 et 1522 du même code, cette taxe a pour assiette celle de la taxe foncière sur les propriétés bâties. L’article 1523 du même code prévoit que la taxe est imposée au nom des propriétaires ou usufruitiers. La taxe d’enlèvement des ordures ménagères n’a pas le caractère d’un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales. Il en résulte que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de ces dépenses, tel qu’il peut être estimé à la date du vote de la délibération fixant ce taux.


No 1506791 – 3 -

2. D’autre part, aux termes de l’article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales : « Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes qui bénéficient de la compétence prévue à l’article L. 2224-13 peuvent instituer une redevance d’enlèvement des ordures ménagères calculée en fonction du service rendu dès lors qu’ils assurent au moins la collecte des déchets des ménages (…) » ; aux termes de l’article L.

2333-78 du même code : « (…) A compter du 1er janvier 1993, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale ainsi que les syndicats mixtes qui n’ont pas institué la redevance prévue à l’article L. 2333-76 créent une redevance spéciale afin d’assurer l’élimination des déchets visés à l’article L. 2224-14 (…) Elles peuvent décider, par délibération motivée, d’exonérer de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères les locaux dont disposent les personnes assujetties à la redevance spéciale visée au premier alinéa ». Les déchets mentionnés à l’article

L. 2224-14 sont les déchets non ménagers que ces collectivités peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières. Il résulte de ces dispositions, d’une part, que l’instauration de la redevance spéciale est obligatoire en l’absence de redevance d’enlèvement des ordures ménagères, d’autre part, que, compte tenu de ce qui a été dit au point 1 du présent jugement , la taxe d’enlèvement des ordures ménagères n’a pas pour objet de financer l’élimination des déchets non ménagers, alors même que la redevance spéciale n’aurait pas été instituée.

3. La légalité de la délibération et du taux qu’elle fixe doit s’apprécier à la date du vote de la délibération fixant ce taux, les éléments définitifs postérieurs, notamment résultant du compte administratif, n’étant pris en compte qu’à défaut de précisions dans les dépenses estimées, en comparant le produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères au montant estimé des dépenses réelles de fonctionnement du service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et non ménagers non couvertes par des recettes non fiscales augmenté de l’éventuelle dotation aux amortissements des immobilisations affectées au service.

4. La SAS Louvresses Développement I soulève, par voie d’exception, l’illégalité de la délibération de la commune de Gennevilliers fixant le taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour l’année 2013. Il résulte des éléments financiers transmis au tribunal, issus du rapport annuel de 2013 sur le prix et la qualité du service public d’élimination des déchets ménagers et assimilés de la commune de Gennevilliers, qui seront pris en compte à défaut de tout élément au dossier relatif aux prévisions sur l’équilibre du budget de ce service présentés lors de

l’adoption de cette délibération, que le total des dépenses réelles de fonctionnement du service

d’enlèvement et de traitement des ordures ménagères et des déchets non ménagers, c’est-à-dire hors dotation pour l’autofinancement des dépenses d’investissement, aucune dotation aux amortissements ne figurant dans ce document, s’élève, pour la commune de Gennevilliers à

5 147 400 euros. Le montant des recettes de taxe d’enlèvement des ordures ménagères s’établit à

5 666 000 euros. En l’absence de redevance spéciale instaurée en application de l’article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales, cette taxe finance donc en partie le service de collecte et traitement des déchets non ménagers. Cette circonstance ainsi que l’existence de recettes non fiscales pour 241 500 euros sont de nature à établir que le produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères doit être regardé comme excédant manifestement le coût du seul service que cette taxe peut financer. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que la délibération de la commune de Gennevilliers fixant le taux d’imposition en litige pour 2013 est entachée d’illégalité et ne peut fonder l’imposition mise à la charge de la SAS

Louvresses Développement I.


No 1506791 – 4 -

Sur la demande de substitution de base légale :

5. Aux termes du III de l’article 1639 A du code général des impôts « (…). La notification a lieu par l’intermédiaire des services préfectoraux pour les collectivités locales et leurs groupements, par l’intermédiaire de l’autorité de l’Etat chargée de leur tutelle pour les chambres de commerce et d’industrie territoriales, et directement dans les autres cas. /A défaut, les impositions peuvent être recouvrées selon les décisions de l’année précédente. ». La déclaration d’illégalité de la délibération en litige, qui fait suite à l’exception d’illégalité sur laquelle il a été statué au point précédent n’a pas pour effet de faire disparaître rétroactivement cette délibération de l’ordonnancement juridique ou de rendre sans objet la communication des taux à l’administration fiscale à laquelle il a été procédé. Dans ces conditions, les dispositions de l’article 1639 A du code général des impôts ne sont pas applicables et il ne peut être fait droit à la substitution demandée par l’administration. De même, faire droit à la demande du service de prononcer la décharge de l’imposition contestée dans la seule mesure de la disproportion de taux constatée dans le présent jugement équivaudrait à opérer, par la substitution d’un taux à un autre, une telle substitution de base légale qui, pour les mêmes raisons, ne peut être accueillie. Enfin, si l’administration soutient qu’à défaut de se voir accorder une réduction d’imposition dans la seule mesure du caractère excessif du taux reconnu par le tribunal, la requérante bénéficierait d’un enrichissement sans cause, elle n’apporte pas, en tout état de cause, la preuve de cet enrichissement en se bornant à faire valoir que la requérante aurait bénéficié d’un service dont elle n’aurait pas supporté le coût, dès lors que la taxe contestée est due par celle-ci à raison de sa qualité de propriétaire ou d’usufruitier d’un immeuble imposé à la taxe foncière sur les propriétés bâties, indépendamment de sa qualité d’usager ou non du service de collecte et de traitement des ordures ménagères.

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’en l’absence de base légale permettant d’établir l’imposition, la SAS Louvresses Développement I est fondée à demander d’être totalement déchargée de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie pour l’année 2013 à raison de l’immeuble situé […] à Gennevilliers.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 500 euros à la SAS Louvresses Développement I au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La SAS Louvresses Développement I est déchargée de la cotisation de taxe d’enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie pour l’année 2013 à raison de l’immeuble situé […] à Gennevilliers.

Article 2 : L’Etat versera une somme de 1 500 euros à la SAS Louvresses Développement I en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


No 1506791 – 5 -

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Louvresses Développement I et au directeur départemental des finances publiques du Val-d’Oise.

Lu en audience publique le 23 mai 2018.

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