Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 8 novembre 2019, n° 1912600

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Chronologie de l’affaire

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SW Avocats · 2 mai 2021

Par deux ordonnances n° 1912597 et n° 1912600 du 8 novembre 2019, le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de faire droit aux demandes de suspension introduites par le Préfet des Hauts-de-Seine contre des arrêtés dits « anti-pesticides » pris, respectivement, par le maire de Gennevilliers et le maire de Sceaux. Plus précisément, ces arrêtés interdisaient l'utilisation du glyphosate et d'autres produits phytopharmaceutiques destinés à lutter contre des organismes réputés nuisibles, et à l'entretien de certains espaces. Après avoir cité plusieurs …

 

SW Avocats · 2 mai 2021

Par deux ordonnances n° 1912597 et n° 1912600 du 8 novembre 2019, le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de faire droit aux demandes de suspension introduites par le Préfet des Hauts-de-Seine contre des arrêtés dits « anti-pesticides » pris, respectivement, par le maire de Gennevilliers et le maire de Sceaux. Plus précisément, ces arrêtés interdisaient l'utilisation du glyphosate et d'autres produits phytopharmaceutiques destinés à lutter contre des organismes réputés nuisibles, et à l'entretien de certains espaces. Après avoir cité plusieurs …

 

blog.landot-avocats.net · 4 mars 2020

Pour l'instant, seul le TA de Cergy-Pontoise avait accepté de ne pas suspendre, en référé, certains arrêtés municipaux fixant des distances entre habitations et épandages de pesticides (produits phytosanitaires…) de type glyphosate ou autres… Ledit TA ayant en revanche censuré d'autres de ces arrêtés. Les autres juridictions, désormais nombreuses, y compris la CAA de Paris et celle de Douai en février 2020, ont été dans le sens de l'Etat sur ce point (censure des arrêtés municipaux), mais avec des formulations fort différentes d'une affaire à l'autre. Le droit semblait donc stabilisé …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Cergy-Pontoise, 8 nov. 2019, n° 1912600
Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Numéro : 1912600
Sur renvoi de : Conseil d'État, 25 juin 2019, N° 415426-415431

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE CERGY-PONTOISE

1912600 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE _____________

PREFET DES HAUTS-DE-SEINE

_____________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Mme X

Juge des référés

_____________

La juge des référés Ordonnance du 8 novembre 2019

_____________

PCJA : 03-11

49-04-05 49-05-02 Code de publication : C+

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 et 28 octobre 2019, le préfet des Hauts-de-Seine demande au juge des référés du tribunal, sur le fondement des dispositions de l’article L. 554-1 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté n° 2019-300 du 20 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Sceaux a interdit l’utilisation du glyphosate et autres substances chimiques utilisées pour lutter contre des organismes considérés comme nuisibles sur le territoire communal jusqu’à nouvel ordre.

Il soutient qu’il existe des moyens de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué ;

- le maire de Sceaux a, en prenant l’arrêté attaqué, excédé les pouvoirs qu’il tient des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; l’arrêté attaqué est entaché d’une erreur d’appréciation au regard de ces mêmes dispositions, de celles de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime et des stipulations de l’article 11 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 dès lors que le législateur a, lors de la transposition des décisions européennes, organisé une police spéciale des produits phytopharmaceutiques qui, selon les produits, relèvent de la compétence des ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation ; il n’existe pas de carence définitive de l’Etat en matière de protection des personnes ; aucune étude n’établit de péril imminent pour la santé des populations qui pourrait justifier que le maire se substitue en urgence à l’Etat ; la clause générale de compétence relève des attributions du conseil municipal et non de celles du maire dans le cadre de ses pouvoirs de police ;



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- le principe de précaution, s’il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d’attributions, ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attributions ;

- M. P tenait de l’arrêté n° 2017-52 du 31 août 2017 le pouvoir de signer le recours gracieux ; M. D tenait de l’arrêté n° 2019-57 du 17 septembre 2019 le pouvoir de signer le déféré et la demande aux fins de suspension de l’arrêté contesté.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2019, la commune de Sceaux, représentée par Me Lepage, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours gracieux portant demande de retrait de l’arrêté attaqué a été signé par une personne incompétente et n’a pu ainsi proroger le délai de recours ; l’arrêté ne pouvait donc être déféré au tribunal ou faire l’objet d’un recours gracieux introduit par une personne compétente que jusqu’au 21 juillet 2019 ; le déféré transmis le 8 octobre 2019 était donc irrecevable car tardif ; la présente requête introduite le 8 octobre 2019 ainsi que le déféré ont été signés par une autorité incompétente ;

- depuis plusieurs années, les chercheurs et médecins alertent sur le danger des produits phytopharmaceutiques notamment en ce qui concerne leur impact sur le système endocrinien et au regard du développement de diverses maladies comme les cancers ; le tribunal administratif de Lyon dans un jugement n° 1704067 en date du 15 janvier 2019 a estimé que l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail avait commis une erreur d’appréciation en autorisant le produit Round Pro 360 en raison d’un risque d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé ; le Conseil d’État dans sa décision du 26 juin 2019 (nos 415426, 415431) statuant sur une requête en annulation du décret du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants a estimé que devaient être prises des mesures nécessaires à la protection de la santé publique s’agissant des riverains, en leur qualité de populations fortement exposées aux pesticides sur le long terme ; ces juridictions ont estimé que les produits concernés étaient dangereux ;

- dans un arrêt très récent du 1er octobre 2019, affaire C616-17, la Cour de justice de l’Union européenne a rappelé l’importance et la portée du principe de précaution qui justifie l’adoption de mesures restrictives lorsque la probabilité d’un dommage réel pour la santé publique persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait ; elle précise en particulier à son point 75 que « les procédures conduisant à l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique doivent impérativement comprendre une appréciation non seulement des effets propres des substances actives contenues dans ce produit, mais aussi des effets cumulés de ces substances et de leurs effets cumulés avec d’autres composants dudit produit », ce qui n’est pas le cas en l’espèce en France ;

- ainsi, le maire, qui dispose lui-même d’un pouvoir de police sanitaire, est fondé à l’exercer, dans le but de protéger les riverains des zones traitées avec des produits phytopharmaceutiques, en l’absence d’exercice par l’État ou ses représentants de leurs pouvoirs de police spéciale, qui constitue une carence ; la clause générale de compétence des communes autorise le maire à intervenir ; le maire pouvait légalement intervenir, en vertu des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu’un péril imminent ou des circonstances locales le justifient ;



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Vu :

- les autres pièces du dossier.

- le déféré n° 1912601, enregistré le 8 octobre 2019, par lequel le préfet des Hauts-de-Seine demande l’annulation de l’arrêté susvisé.

Vu :

- la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ;

- le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme X, première conseillère, en application des dispositions de l’article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience publique du 29 octobre 2019 à 9 h 15.

Ont été entendus, au cours de l’audience publique, tenue en présence de Mme X, greffière d’audience :

- le rapport de Mme X, juge des référés ;

- les observations orales de M. F, représentant le préfet des Hauts-de-Seine, qui reprend les termes de la requête ;

- les observations orales de Me Lepage, représentant la commune de Sceaux, qui reprend les termes de ses écritures et précise, en outre, que s’agissant d’un sujet dont la France entière, rurale comme urbaine, s’est saisie, les juridictions européenne et nationale évoluent dans le sens d’une reconnaissance de la dangerosité des produits visés par l’arrêté attaqué ; elle soutient également que le danger que font courir ces produits à la population justifie une situation de péril imminent au vue des circonstances locales dans la commune de Sceaux ;

- les observations orales de Mme X, adjointe au maire de Sceaux, qui indique que le maire, en prenant l’arrêté attaqué, estime avoir agi dans l’intérêt de ses administrés ;

- les observations orales du Docteur C qui précise que les risques auxquels expose l’utilisation des produits chimiques et phytosanitaires portent sur des aspects environnementaux majeurs s’agissant de la pollution, persistante, des sols et de l’eau, et que de nombreuses études européennes et internationales montrent tous les risques potentiels et désormais avérés pour la santé des personnes de l’exposition, même lointaine, à ces produits, à travers la constatation du développement de diverses maladies pour les populations exposées.

A l’issue de l’audience, la clôture de l’instruction a été reportée au 30 octobre 2019 à 12 heures.

Une pièce complémentaire, enregistrée le 29 octobre 2019, a été présentée par le préfet des Hauts-de-Seine.



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Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions aux fins de suspension :

1. Aux termes de l’article L. 554-1 du code de justice administrative : « Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l’Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : « Art. L. 2131-6, alinéa 3.- Le représentant de l’Etat peut assortir son recours d’une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l’un des moyens invoqués paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué. Il est statué dans un délai d’un mois. » ».

2. Par un arrêté n° 2019-300 du 20 mai 2019, le maire de la commune de Sceaux a interdit l’utilisation du glyphosate et autres substances chimiques utilisées pour lutter contre des organismes considérés comme nuisibles sur le territoire communal jusqu’à nouvel ordre. Par un courrier du 18 juillet 2019, le préfet des Hauts-de-Seine a adressé ses observations au maire et lui a demandé de retirer son arrêté. Par un courrier signé conjointement avec le maire de la commune de Gennevilliers, reçu le 4 septembre 2019, le maire de la commune de Sceaux a refusé de faire droit à cette demande. Par la présente requête, le préfet des Hauts-de-Seine demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre l’arrêté précité.

3. Aux termes de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime : « I.-Sans préjudice des missions confiées à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et des dispositions de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, l’autorité administrative peut, dans l’intérêt de la santé publique ou de l’environnement, prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention des produits mentionnés à l’article L. 253-1 du présent code et des semences traitées par ces produits. Elle en informe sans délai le directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. / L’autorité administrative peut interdire ou encadrer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières, et notamment : / 1° Sans préjudice des mesures prévues à l’article L. 253-7-1, les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables au sens de l’article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 ; / 2° Les zones protégées mentionnées à l’article L. 211-1 du code de l’environnement ; / 3° Les zones recensées aux fins de la mise en place de mesures de conservation visées à l’article L. 414-1 du code de l’environnement ; / 4° Les zones récemment traitées utilisées par les travailleurs agricoles ou auxquelles ceux-ci peuvent accéder. / L’autorité administrative peut aussi prendre des mesures pour encadrer : / 1° Les conditions de stockage, de manipulation, de dilution et de mélange avant application des produits phytopharmaceutiques ; / 2° Les modalités de manipulation, d’élimination et de récupération des déchets issus de ces produits ; / 3° Les modalités de nettoyage du matériel utilisé ; / 4° Les dispositifs et techniques appropriés à mettre en œuvre lors de l’utilisation des produits mentionnés à l’article L. 253-1 du présent code pour éviter leur entraînement hors de la parcelle. / II.-Il est interdit aux personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques d’utiliser ou de faire utiliser les produits phytopharmaceutiques mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-1 du présent code, à l’exception de ceux mentionnés au IV du présent article, pour l’entretien des espaces verts, des forêts, des voiries ou des promenades accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé. Cette interdiction ne s’applique pas aux traitements et mesures



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nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles mentionnés à l’article L. 251-3, en application de l’article L. 251-8. Cette interdiction ne s’applique pas non plus aux traitements par des produits phytopharmaceutiques qui, sur la base des résultats de la surveillance réalisée en application de l’article L. 251-1, s’avèrent nécessaires pour lutter contre un danger sanitaire grave menaçant la pérennité du patrimoine historique ou biologique et ne pouvant être maîtrisé par un autre moyen, y compris une méthode non chimique. / II bis.-Par exception au II, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques est autorisée pour l’entretien des voiries dans les zones étroites ou difficiles d’accès, telles que les bretelles, échangeurs, terre-pleins centraux et ouvrages, dans la mesure où leur interdiction ne peut être envisagée pour des raisons de sécurité des personnels chargés de l’entretien et de l’exploitation ou des usagers de la route, ou entraîne des sujétions disproportionnées sur l’exploitation routière. / III.-La mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention des produits mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-1 pour un usage non professionnel sont interdites, à l’exception de ceux mentionnés au IV du présent article. Cette interdiction ne s’applique pas aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles mentionnés à l’article L. 251-3, en application de l’article L. 251-8 (…) ».

4. Aux termes de l’article L. 253-7-1 du même code : « A l’exclusion des produits à faible risque ou dont le classement ne présente que certaines phrases de risque déterminées par l’autorité administrative : / 1° L’utilisation des produits mentionnés à l’article L. 253-1 est interdite dans les cours de récréation et espaces habituellement fréquentés par les élèves dans l’enceinte des établissements scolaires, dans les espaces habituellement fréquentés par les enfants dans l’enceinte des crèches, des haltes-garderies et des centres de loisirs ainsi que dans les aires de jeux destinées aux enfants dans les parcs, jardins et espaces verts ouverts au public ; / 2° L’utilisation des produits mentionnés au même article L. 253-1 à proximité des lieux mentionnés au 1° du présent article ainsi qu’à proximité des centres hospitaliers et hôpitaux, des établissements de santé privés, des maisons de santé, des maisons de réadaptation fonctionnelle, des établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées et des établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologie grave est subordonnée à la mise en place de mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d’éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement. Lorsque de telles mesures ne peuvent pas être mises en place, l’autorité administrative détermine une distance minimale adaptée en deçà de laquelle il est interdit d’utiliser ces produits à proximité de ces lieux. / En cas de nouvelle construction d’un établissement mentionné au présent article à proximité d’exploitations agricoles, le porteur de projet prend en compte la nécessité de mettre en place des mesures de protection physique. / Les conditions d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire. ».

5. L’article R. 253-45 du code rural et de la pêche maritime précise que : « L’autorité administrative mentionnée à l’article L. 253-7 est le ministre chargé de l’agriculture. / Toutefois, lorsque les mesures visées au premier alinéa de l’article L. 253-7 concernent l’utilisation et la détention de produits visés à l’article L. 253-1, elles sont prises par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation. ». L’article D. 253-45-1 du même code dispose que : « L’autorité administrative mentionnée au premier alinéa de l’article L. 253-7-1 est le ministre chargé de l’agriculture. / L’autorité administrative mentionnée au troisième alinéa du même article est le préfet du département dans lequel a lieu l’utilisation des produits définis à l’article L. 253- 1. ».



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6. Il résulte de ces dispositions que le législateur a organisé une police spéciale des produits phytopharmaceutiques selon laquelle la règlementation de l’utilisation de ces produits relève selon les cas de la compétence des ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation ou de celle du préfet du département dans lequel ces produits sont utilisés. Il appartient ainsi à l’autorité administrative, sur le fondement du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, de prévoir l’interdiction ou l’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières, et notamment « les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables » que l’article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 définit comme « les personnes nécessitant une attention particulière dans le contexte de l’évaluation des effets aigus et chroniques des produits phytopharmaceutiques sur la santé » et dont font partie « les femmes enceintes et les femmes allaitantes, les enfants à naître, les nourrissons et les enfants, les personnes âgées et les travailleurs et habitants fortement exposés aux pesticides sur le long terme ».

7. Aux termes de l’article L. 2122-24 du code général des collectivités territoriales : « Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de l’exercice des pouvoirs de police, dans les conditions prévues aux articles L. 2212-1 et suivants. ». Aux termes de l’article L. 2212-1 du même code : « Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs. ». L’article L. 2212-2 de ce code précise que : « La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure (…) ». L’article L. 2212-4 du code précité prévoit que : « En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’article L. 2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / Il informe d’urgence le représentant de l’Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu’il a prises. ».

8. Il résulte des dispositions précitées que la police spéciale relative à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques a été attribuée au ministre de l’agriculture. S’il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale qu’en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières.

9. Il ne saurait être sérieusement contesté que les produits phytopharmaceutiques visés par l’arrêté en litige, qui font l’objet d’interdictions partielles mentionnées à l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime précité, constituent un danger grave pour les populations exposées, notamment celles mentionnées au I de ce même article et définies à l’article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 ou celles présentes à proximité des espaces et lieux mentionnés à l’article L. 253-7- 1 du même code. La commune de Sceaux, qui compte plus de 20 000 habitants, fait valoir que les espaces verts couvrent la moitié de son territoire et que l’entretien des deux tiers d’entre eux n’est pas visé par les interdictions des produits phytosanitaires mentionnées précédemment, ce qui



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concerne de nombreux espaces et équipements fréquentés par le grand public. Elle se prévaut, en outre, de l’importance des populations vulnérables sur son territoire parmi lesquelles les enfants qui sont accueillis dans huit crèches, huit écoles, deux collèges et quatre lycées ainsi que les personnes âgées résidant notamment dans les quatre établissements de santé situés sur ce territoire. Il est constant également que, par une décision nos 415426-415431 du 26 juin 2019, le Conseil d’État statuant au contentieux a annulé l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, notamment en tant qu’il ne prévoit pas de dispositions destinées à protéger les riverains des zones traitées par des produits phytopharmaceutiques, après avoir considéré que ces riverains devaient être regardés comme des « habitants fortement exposés aux pesticides sur le long terme », au sens de l’article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 et rappelé qu’il appartient à l’autorité administrative de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé publique. Dans ces conditions, eu égard à la présomption suffisamment établie de dangerosité et de persistance dans le temps des effets néfastes pour la santé publique et l’environnement des produits que l’arrêté attaqué interdit sur le territoire de la commune de Sceaux et en l’absence de mesures réglementaires suffisantes prises par les ministres titulaires de la police spéciale, le maire de cette commune a pu à bon droit considérer que les habitants de celle-ci étaient exposés à un danger grave justifiant qu’il prescrive les mesures contestées, en vertu des articles L. 2212-1, L. 2212-2 et L. 2212-4 précités du code général des collectivités territoriales, et ce alors même que l’organisation d’une police spéciale relative aux produits concernés a pour objet de garantir une cohérence au niveau national des décisions prises, dans un contexte où les connaissances et expertises scientifiques sont désormais largement diffusées et accessibles.

10. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que le maire de la commune de Sceaux était incompétent pour prendre l’arrêté attaqué et de ce qu’ont été méconnues les dispositions des articles L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, L. 2212-1, L. 2212-2 et L. 2212-4 précités du code général des collectivités territoriales et les stipulations de l’article 11 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté. La requête présentée par le préfet des Hauts-de-Seine doit, dès lors, être rejetée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense.

Sur les frais du litige :

11. Il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par la commune de Sceaux et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête du préfet des Hauts-de-Seine est rejetée.

Article 2 : L’Etat versera à la commune de Sceaux une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.



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Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au préfet des Hauts-de-Seine et à la commune de Sceaux.



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Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 8 novembre 2019, n° 1912600