Annulation 8 juin 2023
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Sur la décision
| Référence : | TA Cergy-Pontoise, 3e ch., 8 juin 2023, n° 2216851 |
|---|---|
| Juridiction : | Tribunal administratif de Cergy-Pontoise |
| Numéro : | 2216851 |
| Importance : | Inédit au recueil Lebon |
| Type de recours : | Excès de pouvoir |
| Dispositif : | Satisfaction totale |
| Date de dernière mise à jour : | 3 juin 2025 |
Texte intégral
Vu les procédures suivantes :
I. Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2022 sous le n° 2216851, et un mémoire enregistré le 30 mars 2023, M. B A, représenté par Me Bahic, demande au tribunal :
1°) d’annuler, pour excès de pouvoir, l’arrêté du 14 octobre 2022 par lequel le préfet du Val-d’Oise a rejeté sa demande de titre de séjour et l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
2°) d’enjoindre au préfet du Val-d’Oise de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » ou, à titre subsidiaire, « salarié », ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :
— elles ont été signées par une autorité incompétente ;
— elles ne sont pas motivées en droit ;
— elles méconnaissent les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et sont à cet égard entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
— elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L. 421-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et est entachée, à cet égard, d’une erreur manifeste d’appréciation ;
— elle est entachée d’une erreur manifeste dans l’application des dispositions de l’article L. 435-1 de ce code.
En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français :
— elle est illégale par exception d’illégalité de la décision refusant de l’admettre au séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2023, le préfet du Val-d’Oise conclut au non-lieu à statuer sur la requête.
La clôture de l’instruction est intervenue trois jours francs avant l’audience.
II. Par une requête, enregistrée le 31 mars 2023 sous le n° 2304241, M. B A, représenté par Me Bahic, demande au tribunal :
1°) d’annuler, pour excès de pouvoir, l’arrêté du 22 mars 2023 par lequel le préfet du Val-d’Oise a rejeté sa demande de titre de séjour et l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
2°) d’enjoindre au préfet du Val-d’Oise de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » ou, à titre subsidiaire, « salarié », ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soulève les mêmes moyens qu’à l’appui de la requête n° 2216851.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2023, le préfet du Val-d’Oise transmet les pièces utiles en sa possession et conclut au rejet de la requête.
La clôture de l’instruction est intervenue trois jours francs avant l’audience.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— le code des relations entre le public et l’administration ;
— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
— le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
— le rapport de M. Sitbon, conseiller ;
— et les observations de Me Bahic pour M. A.
Considérant ce qui suit :
1. M. A, ressortissant malien né le 4 mai 1997, indique être entré en France le 9 septembre 2014 sous couvert d’un visa de long séjour valant titre de séjour. Le 28 juillet 2022, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l’article L. 421-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par la requête n° 2216851, M. A demande au tribunal d’annuler l’arrêté du 14 octobre 2022 par lequel le préfet du Val-d’Oise a refusé de faire droit à cette demande et l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Cet arrêté a été abrogé le 22 mars 2023 pour être remplacé par un arrêté de portée identique le même jour, attaqué dans la requête n° 2304241.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n°s 2216851 et 2304241 sont relatives au séjour du même ressortissant étranger, présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul jugement.
Sur l’exception de non-lieu soulevée par le préfet en défense :
3. 3. Lorsqu’une décision administrative faisant l’objet d’un recours contentieux est abrogée en cours d’instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l’annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.
4. L’arrêté initial du 14 octobre 2022 a été abrogé par un arrêté du 22 mars 2023. Cette abrogation étant devenue définitive, il n’y a plus de lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre cet arrêté. En revanche, les conclusions dirigées contre l’arrêté de substitution du 22 mars 2023 n’ont pas perdu leur objet.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
5. Aux termes de l’article L. 421-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger qui exerce une activité professionnelle salariée et a obtenu, dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention » passeport talent « d’une durée maximale de quatre ans, sous réserve de justifier du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’Etat. / Cette carte permet l’exercice de l’activité professionnelle salariée ayant justifié sa délivrance. () ». Selon l’article R. 431-5 de ce code : " Si l’étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants : / 1° L’étranger qui dispose d’un document de séjour mentionné aux 2° à 8° de l’article L. 411-1 présente sa demande de titre de séjour entre le cent-vingtième jour et le soixantième jour qui précède l’expiration de ce document de séjour lorsque sa demande porte sur un titre de séjour figurant dans la liste mentionnée à l’article R. 431-2. Lorsque sa demande porte sur un titre de séjour ne figurant pas dans cette liste, il présente sa demande dans le courant des deux mois précédant l’expiration du document dont il est titulaire ; () « . Selon l’article R. 431-2 du même code : » La demande d’un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l’immigration s’effectue au moyen d’un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté. Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code. / () « . Selon l’article 1 de l’arrêté du 27 avril 2021 pris en application de l’article R. 431-2 relatif aux titres de séjour dont la demande s’effectue au moyen d’un téléservice, figurant à l’annexe 9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : » Sont effectuées au moyen du téléservice mentionné à l’article R. 431-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : / () 2° A compter du 25 mai 2021, les demandes de cartes de séjour pluriannuelles portant la mention « passeport talent » () ".
6. Pour refuser d’admettre au séjour M. A sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 421-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet du Val-d’Oise a retenu que l’intéressé ne justifiait pas d’un visa de long séjour et qu’il ne remplissait aucune des conditions prévues par ces dispositions. Toutefois, d’une part, M. A établit avoir obtenu en France un diplôme de master en mathématiques appliquées à l’université de Paris le 9 février 2022. Il démontre également travailler depuis le 15 novembre 2021, sous couvert d’un contrat à durée indéterminée et à temps plein depuis le 29 janvier 2022, en qualité de consultant pour le compte de la société Quanteam, établie à Paris, et percevoir une rémunération mensuelle supérieure à deux fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance. D’autre part, si M. A a présenté tardivement sa demande de délivrance d’une carte pluriannuelle après l’expiration de son dernier titre de séjour le 29 janvier 2022, il ressort des pièces du dossier que ce retard est exclusivement imputable à la préfecture du Val-d’Oise, qui ne lui a délivré son dernier titre de séjour portant la mention « étudiant » qu’après l’expiration de ce dernier. Dans ces conditions, M. A, qui était dans l’impossibilité de présenter sa demande dans les délais prévus à l’article R. 431-5 précité, doit être regardé comme remplissant l’ensemble des conditions permettant l’obtention d’une carte pluriannuelle de séjour portant la mention « passeport talent ». Il est dès lors fondé à soutenir que le préfet du Val-d’Oise, en refusant de lui délivrer un tel titre de séjour, a fait une inexacte application des dispositions précitées de l’article L. 421-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. A est fondé à demander l’annulation de la décision refusant de l’admettre au séjour et, par voie de conséquence, de l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
7. Eu égard au motif d’annulation retenu, il y a lieu d’enjoindre au préfet du Val-d’Oise de délivrer à M. A une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l’espèce et pour tenir compte des deux recours formés par M. A, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ces motifs, le tribunal décide :
Article 1er : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 14 octobre 2022.
Article 2 : L’arrêté du 22 mars 2023 par lequel le préfet du Val-d’Oise a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A et l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-d’Oise de délivrer à M. A une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 4 : L’Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au préfet du Val-d’Oise.
Délibéré après l’audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Oriol, présidente,
Mme C et M. Sitbon, conseillers,
Assistés de Mme Ricaud, greffière.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
Le rapporteur,
Signé
J. Sitbon
La présidente,
Signé
C. Oriol La greffière,
Signé
V. Ricaud
La République mande et ordonne au préfet du Val-d’Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour ampliation,
La greffière
N°s 2216851 – 2304241
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