Annulation 10 décembre 2024
Commentaire • 0
Sur la décision
| Référence : | TA Cergy-Pontoise, 8e ch., 10 déc. 2024, n° 2313173 |
|---|---|
| Juridiction : | Tribunal administratif de Cergy-Pontoise |
| Numéro : | 2313173 |
| Type de recours : | Excès de pouvoir |
| Dispositif : | Satisfaction partielle |
| Date de dernière mise à jour : | 30 mai 2025 |
Sur les parties
| Parties : | société civile immobilière ( SCI ) NRS |
|---|
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2023, la société civile immobilière (SCI) NRS, représentée par Me Agenton, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision en date du 14 juin 2023 par laquelle le maire de la commune d’Asnières-sur-Seine a décidé d’exercer son droit de préemption urbain sur la vente du bien composé d’un local commercial et d’une cave (lots n° 1, 28, 29, 30 et 19) sis 34 boulevard Voltaire sur la parcelle cadastrée S77 à Asnières-sur-Seine (92600) pour un montant de 315 000 euros ;
2°) de mettre à la charge de la commune d’Asnières-sur-Seine une somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
— la décision de préemption est tardive au regard de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme, dès lors que la commune ayant demandé la communication de pièces complémentaires au notaire qui y a répondu par un courrier du 24 mai 2023, réceptionné le 30 mai 2023, un nouveau délai d’un mois a commencé à courir à cette date et la décision de préemption a été notifiée le 1er juillet 2023 au notaire, soit après le délai légal d’un mois ;
— elle a été prise sans consultation préalable du service des domaines dès lors que l’avis de France Domaine a été rendu le 19 juin 2023, soit postérieurement à la décision de préemption du 14 juin 2023 ;
— elle est insuffisamment motivée, dès lors que la commune ne précise pas l’objet exact du projet ni sa réalité et méconnait ainsi les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme ;
— - il n’existe aucun projet réel d’action ou d’opération d’aménagement en méconnaissance de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme.
— elle est entachée d’un détournement de pouvoir dès lors que la commune ne fait pas état d’un intérêt général de nature à justifier l’exercice de son droit de préemption ni d’éléments de nature à démontrer que la société NRS ne puisse parvenir à l’objectif affiché de diversité commerciale dont se prévaut la commune ;
— elle ne fait pas état de la condition d’aliénation indiquée dans la promesse de vente du 15 avril 2023.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2024, le maire de la commune d’Asnières-sur-Seine conclut au non-lieu à statuer.
Il fait valoir que la décision contestée a été abrogée par une décision du 25 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
— le code de l’urbanisme ;
— le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
— le rapport de Mme Cuisinier-Heissler, rapporteure,
— et les conclusions de M. Bories, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le bien composé d’un local commercial et d’une cave (lots n° 1, 28, 29, 30 et 19) sis 34 boulevard Voltaire sur la parcelle cadastrée S77 à Asnières-sur-Seine (92600) appartenant à la société civile immobilière (SCI) NRS a fait l’objet d’une déclaration d’intention d’aliéner pour un montant de 315 000 euros. Par une décision du 14 juin 2023, le maire d’Asnières-sur-Seine a décidé d’exercer, au nom de la commune, son droit de préemption urbain sur ce bien pour un montant de 315 000 euros. Par la présente requête, la SCI NRS demande au tribunal d’annuler cette décision.
Sur l’exception de non-lieu à statuer :
2. Si le maire de la commune d’Asnières-sur-Seine a, le 25 janvier 2024, décidé de d’abroger la décision du 14 juin 2023, cette deuxième décision, qui n’a produit aucun effet sur le passé alors que la préemption par la commune d’Asnières sur Seine du bien de la SCI NRS avait notamment fait obstacle durant près de six mois à la réalisation de la vente de son bien, n’a pas privé d’objet la requête. Par suite l’exception de non-lieu à statuer doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du 14 juin 2023 :
3. En premier lieu, L’article L. 213-2 du code de l’urbanisme prévoit que : « Toute aliénation visée à l’article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l’indication du prix et des conditions de l’aliénation projetée (). Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble (). / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l’exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d’un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l’exercice du droit de préemption. / () / Le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien dans des conditions fixées par décret. / () ». Et aux termes de l’article D. 213-13-1 du même code : « La demande de la visite du bien prévue à l’article L. 213-2 est faite par écrit. / Elle est notifiée par le titulaire du droit de préemption au propriétaire ou à son mandataire ainsi qu’au notaire mentionnés dans la déclaration prévue au même article, dans les conditions fixées à l’article R. 213-25. / Le délai mentionné au troisième alinéa de l’article L. 213-2 reprend à compter de la visite du bien ou à compter du refus exprès ou tacite de la visite du bien par le propriétaire ». Il résulte de ces dispositions que le délai de deux mois ouvert au titulaire du droit de préemption est suspendu lorsque celui-ci formule une demande unique de documents complémentaires ou une demande de visite des lieux. Si le délai restant à courir à la reprise du délai est inférieur à un mois, il est porté à un mois à l’expiration duquel le droit de préemption ne peut plus être exercé.
4. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que par un courrier en date du 2 mai 2023, le maire de la commune d’Asnières-sur-Seine a demandé à la société requérante la communication de documents complémentaires. La SCI NRS a répondu par un courrier du 24 mai 2023, réceptionné le 30 mai 2023, ce que le maire ne conteste pas. Un nouveau délai d’un mois a commencé à courir à compter du 30 mai 2023. Toutefois, la décision de préemption a été réceptionnée par le notaire le 1er juillet 2023, soit postérieurement au délai de préemption. Il s’ensuit que la décision contestée est tardive.
5. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 213-21 du code de l’urbanisme : « Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l’avis du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques sur le prix de l’immeuble dont il envisage de faire l’acquisition dès lors que le prix ou l’estimation figurant dans la déclaration d’intention d’aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l’arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l’article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques ».
6. Il ressort des pièces du dossier que l’avis de France domaine date du 19 juin 2023 alors que la décision contestée, qui le vise, est datée du 14 juin 2023 et que le courrier qui transmet la décision contestée est daté quant à lui du 12 juin 2023. Dans ces conditions, la commune d’Asnières-sur-Seine n’établissant pas que l’avis de France domaine serait entaché d’une erreur de plume quant à la date qu’il indique, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été prise avant que l’avis requis par l’article R. 213-21 du code de l’urbanisme n’ait été porté à la connaissance de la commune d’Asnières-sur-Seine. Partant, l’autorité administrative a méconnu ces dispositions en décidant d’exercer son droit de préemption préalablement à la consultation de France domaine, privant ainsi la société requérante de la garantie qu’elles prévoient, et a donc entaché la procédure d’irrégularité.
7. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1, à l’exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau et à permettre l’adaptation des territoires au recul du trait de côte, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d’aménagement. / () / Toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel ce droit est exercé. () ». Aux termes du premier alinéa de l’article L. 300-1 du même code : « Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser la mutation, le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, notamment en recherchant l’optimisation de l’utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser ». Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
8. Il ressort des termes de la décision attaquée que le maire de la commune d’Asnières-sur-Seine a exercé son droit de préemption urbain afin de veiller à la diversité et à la qualité des activités commerciales sur le territoire communal, dans le cadre de la politique de valorisation et de revitalisation commerciale portée par la ville, au motif que le bien en litige qui se situe au sein du secteur de mise en valeur et d’animation commerciale du boulevard Voltaire, est exploité aux fins de restauration et bar à chicha, activité qui ne favorise pas la diversité commerciale dans le secteur en raison de la proximité de plusieurs commerces exerçant une activité comparable. Toutefois, en se bornant à préciser que la préemption du local a pour but d’assurer le maintien d’une activité commerciale de qualité et répondant aux besoins des habitants de ce quartier en permettant d’organiser le maintien, l’extension et l’accueil des activités économiques et qu’elle s’inscrit dans l’orientation n°5 du projet d’aménagement et de développement durable du plan local d’urbanisme visant à « favoriser le maintien et le meilleur fonctionnement des commerces de proximité », la commune d’Asnières-sur-Seine ne fait pas apparaître la nature du projet d’aménagement envisagé. Il s’ensuit que la commune d’Asnières-sur-Seine ne justifiait pas, à la date de la décision litigieuse, de la réalité d’un projet entrant dans les prévisions de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme. Il suit de là que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme.
9. Pour l’application des dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, les moyens tirés l’insuffisance de motivation de la décision en litige, de l’absence de mention, dans la décision contestée, de la condition d’aliénation figurant dans la promesse de vente et de ce que la décision serait entachée d’un détournement de pouvoir, en l’absence de tout projet réel, ne sont pas, en l’état de l’instruction, susceptibles d’entraîner l’annulation de la décision contestée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI NRS est fondée à demander l’annulation de la décision du 14 juin 2023 par laquelle le maire d’Asnières-sur-Seine a décidé d’exercer, au nom de cette commune, son droit de préemption urbain sur la vente du bien composé d’un local commercial et d’une cave (lots n° 1, 28, 29, 30 et 19) sis 34 boulevard Voltaire sur la parcelle cadastrée S77 à Asnières-sur-Seine (92600).
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune d’Asnières-sur-Seine une somme de 1 500 euros à verser à la SCI NRS au titre de l’article L. 761-1 du code justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er La décision du 14 juin 2023 du maire de la commune d’Asnières-sur-Seine est annulée.
Article 2 : La commune d’Asnières-sur-Seine versera à la SCI NRS une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SCI NRS et à la commune d’Asnières-sur-Seine.
Délibéré après l’audience 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Bertoncini, président,
M. Jacquinot, conseiller,
Mme Cuisinier-Heissler, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
La rapporteure,
signé
S. Cuisinier-HeisslerLe président,
signé
T. BertonciniLa greffière,
signé
N Magen
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
N°2313173
Décisions similaires
Citées dans les mêmes commentaires • 3
- Taxe d'habitation ·
- Location ·
- Meubles ·
- Logement ·
- Réserver ·
- Justice administrative ·
- Rhône-alpes ·
- Commissaire de justice ·
- Finances publiques ·
- Contribuable
- Justice administrative ·
- Domaine public ·
- Commune ·
- Mise en concurrence ·
- Sociétés ·
- Personne publique ·
- Propriété des personnes ·
- Contrat administratif ·
- Service public ·
- Tribunaux administratifs
- Région ·
- Pêche maritime ·
- Pays ·
- Autorisation ·
- Agriculture ·
- Parcelle ·
- Exploitation agricole ·
- Justice administrative ·
- Forêt ·
- Concurrent
Citant les mêmes articles de loi • 3
- Droit d'asile ·
- Réfugiés ·
- Séjour des étrangers ·
- Cartes ·
- Police ·
- Justice administrative ·
- Apatride ·
- Commissaire de justice ·
- Aide juridictionnelle ·
- Délai
- Justice administrative ·
- Mayotte ·
- Juge des référés ·
- Territoire français ·
- Urgence ·
- Liberté fondamentale ·
- Commissaire de justice ·
- Atteinte ·
- Sauvegarde ·
- Vie privée
- Justice administrative ·
- Expert ·
- Maire ·
- Habitation ·
- Construction ·
- Bâtiment ·
- Commune ·
- Immeuble ·
- Désignation ·
- Commissaire de justice
De référence sur les mêmes thèmes • 3
- Justice administrative ·
- Carte de séjour ·
- Commissaire de justice ·
- Admission exceptionnelle ·
- Passeport ·
- Légalité externe ·
- Droit d'asile ·
- Séjour des étrangers ·
- Régularisation ·
- Chercheur
- Justice administrative ·
- Urgence ·
- Aide juridictionnelle ·
- Suspension ·
- Juge des référés ·
- Titre ·
- Légalité ·
- Droit d'asile ·
- Séjour des étrangers ·
- Asile
- Logement-foyer ·
- Injonction ·
- Astreinte ·
- Structure ·
- Hébergement ·
- Habitation ·
- Construction ·
- Tribunaux administratifs ·
- Commissaire de justice ·
- Médiation
Sur les mêmes thèmes • 3
- Justice administrative ·
- Légalité ·
- Suspension ·
- Juge des référés ·
- Commissaire de justice ·
- Urgence ·
- Sérieux ·
- Infraction ·
- Sécurité routière ·
- Vérification
- Territoire français ·
- Droit d'asile ·
- Séjour des étrangers ·
- Pays ·
- Commissaire de justice ·
- Éloignement ·
- Destination ·
- Justice administrative ·
- Interdiction ·
- Obligation
- Région ·
- Recette ·
- Justice administrative ·
- Commissaire de justice ·
- Caractère ·
- Intention ·
- Collectivités territoriales ·
- Titre ·
- Tribunaux administratifs ·
- Voies de recours
Textes cités dans la décision
Aucune décision de référence ou d'espèce avec un extrait similaire.