Annulation 22 juillet 2024
Rejet 20 mai 2025
Commentaire • 0
Sur la décision
| Référence : | TA Cergy-Pontoise, 7e ch., 22 juil. 2024, n° 2400045 |
|---|---|
| Juridiction : | Tribunal administratif de Cergy-Pontoise |
| Numéro : | 2400045 |
| Type de recours : | Excès de pouvoir |
| Dispositif : | Satisfaction partielle |
| Date de dernière mise à jour : | 30 mai 2025 |
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Par une requête, des mémoires et des pièces complémentaires, enregistrés les 3 et 16 janvier, 24 mars et 10 avril 2024, M. B C, représenté par Me Legros, demande au tribunal :
1°) de l’admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;
2°) d’annuler les décisions du 29 novembre 2023 du préfet des Hauts-de-Seine portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination, portant interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an et signalement aux fin de non admission dans le système d’information Schengen ;
2°) d’enjoindre, au préfet des Hauts-de-Seine, de lui délivrer une attestation de séjour, et de réexaminer sa situation dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C soutient que :
— l’arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
— l’arrêté attaqué en tant qu’il porte obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de destination est entaché d’un défaut de motivation ;
— il est entaché d’un défaut d’examen particulier de sa situation ;
— il est entaché d’une erreur de droit, d’une erreur de fait et d’une erreur manifeste d’appréciation ;
— il viole les conventions internationales ;
— la décision fixant le pays de destination méconnait l’article L. 513-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
— la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
— elle méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
— elle est entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés n’étaient pas fondés.
Par une décision du 12 février 2024, M. C a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 15 avril 2024, la clôture de l’instruction a été fixée au 30 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
— le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
— le rapport de Mme Drevon-Coblence, présidente-rapporteure ;
— et les observations de Me Legros, représentant M. C.
Considérant ce qui suit :
1. M. C, ressortissant égyptien né le 25 octobre 2005, est entré en France le 15 novembre 2021 selon ses déclarations, alors qu’il était mineur, et a été admis à l’aide sociale à l’enfance des Hauts-de-Seine à compter du 12 janvier 2022. Il a sollicité le 20 juillet 2023 son admission exceptionnelle au séjour au titre de l’article L. 435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par un arrêté du 29 novembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d’être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an. Par la présente requête, M. C demande l’annulation de ces trois dernières décisions.
Sur l’admission, à titre provisoire, à l’aide juridictionnelle :
2. M. C a été admis, par une décision du 12 février 2024, au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à son admission à cette aide à titre provisoire sont devenues sans objet et il n’y a pas lieu d’y statuer.
Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté en tant qu’il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi :
3. En premier lieu, l’arrêté du 29 novembre 2023 est signé par Mme A, attachée, cheffe du bureau des examens spécialisés et de l’éloignement, qui dispose d’une délégation de signature pour prendre les décisions concernées en vertu d’un arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 31 octobre 2023 régulièrement publié. Dès lors, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’arrêté attaqué doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l’arrêté attaqué, en tant qu’il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination, comporte l’énoncé suffisamment précis des circonstances de droit et de fait qui le fondent. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine aurait procédé à un examen insuffisant de la situation du requérant. Par suite, ces deux moyens doivent être écartés.
5. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de l’arrêté attaqué que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. C, le préfet des Hauts-de-Seine s’est fondé sur une ancienneté insuffisante de séjour en France, sur les circonstances qu’il ne justifiait pas suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, qu’il était célibataire sans charge de famille en France, qu’il ne démontrait pas être dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine, où résident ses parents et sa sœur, et que ses liens personnels et familiaux en France n’étaient ni anciens, ni intenses et stables. Si le requérant soutient qu’il suit depuis au moins six mois une formation professionnelle en apprentissage de CAP peintre – application de revêtements, il ressort des pièces du dossier que celle-ci n’a débuté qu’à partir du 19 décembre 2023, soit postérieurement à la date d’édiction de l’arrêté attaqué. Enfin, si M. C se prévaut des liens personnels et professionnels qu’il aurait établis lors de son séjour en France, il ressort des pièces du dossier qu’il demeure célibataire et sans enfant et n’est pas dépourvu d’attaches dans son pays d’origine où résident ses parents et sa sœur. Dans ces conditions, M. C n’est pas fondé à soutenir que l’arrêté contesté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
6. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « () Un étranger ne peut être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ». Aux termes de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants. » Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d’un étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé s’y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l’Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
7. M. C n’apporte ni précisions, ni pièces, de nature à établir qu’il serait susceptible d’être personnellement soumis à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d’origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées, qui n’est opérant qu’à l’encontre de la décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté.
8. En cinquième lieu, si M. C soutient que l’arrêté attaqué est entaché d’une erreur de droit, d’une erreur de fait et « viole les conventions internationales », il n’assortit ces moyens d’aucune précision permettant d’en apprécier le bien-fondé. Par suite, les moyens doivent être écartés.
Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
9. Aux termes de l’article L. 612-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsque l’étranger n’est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l’expiration d’une durée, fixée par l’autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français. ». Selon l’article L. 612-10 du même code : « Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative tient compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l’édiction et la durée de l’interdiction de retour mentionnée à l’article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l’interdiction de retour prévue à l’article L. 612-11. ».
10. Il résulte de ces dispositions que l’autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l’encontre de l’étranger soumis à l’obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu’elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l’un ou plusieurs d’entre eux.
11. Ainsi qu’il a été dit ci-dessus au point 5, il ressort des pièces du dossier que M. C, qui a été admis à l’aide sociale à l’enfance, suit une formation professionnelle, n’a jamais fait l’objet d’une mesure d’éloignement et ne constitue pas une menace à l’ordre public. Dès lors, le préfet des Hauts-de-Seine, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an, a méconnu les dispositions précitées de l’article L. 612-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et entaché sa décision à cet égard d’une erreur d’appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C est uniquement fondé à demander l’annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an. Le surplus des conclusions à fin d’annulation de sa requête doit donc être rejeté.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
13. Par voie de conséquence de l’annulation, par le présent jugement, de la seule interdiction de retour sur le territoire français, il y a lieu d’enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder ou de faire procéder sans délai à l’effacement du signalement aux fins de non-admission de M. C dans le système d’information Schengen.
Sur les frais du litige :
14. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l’admission, à titre provisoire, de M. C au bénéfice de l’aide juridictionnelle.
Article 2 : La décision portant interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine, ou au préfet compétent au regard du lieu de résidence actuel de M. C, de procéder ou de faire procéder, sans délai, à l’effacement du signalement de l’intéressé aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B C, à Me Legros et au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l’audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Drevon-Coblence, présidente,
Mme Fléjou, première conseillère, et Mme Moinecourt, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2024.
La présidente-rapporteure,
signé
E. Drevon-Coblence
L’assesseure la plus ancienne,
signé
V. FléjouLa greffière,
signé
D. Charleston
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Décisions similaires
Citées dans les mêmes commentaires • 3
- Justice administrative ·
- Immigration ·
- Ordonnance ·
- Exécution ·
- Bénéfice ·
- Droit d'asile ·
- Aide juridictionnelle ·
- Tribunaux administratifs ·
- Allocation ·
- Juge des référés
- Justice administrative ·
- Haïti ·
- Juge des référés ·
- Urgence ·
- Atteinte ·
- Saint-barthélemy ·
- Vie privée ·
- Traitement ·
- Enfant ·
- Pays
- Bâtonnier ·
- Justice administrative ·
- Plainte ·
- Commissaire de justice ·
- Juridiction administrative ·
- Compétence ·
- Profession judiciaire ·
- Décret ·
- Refus ·
- Portée
Citant les mêmes articles de loi • 3
- Vitesse maximale ·
- Permis de conduire ·
- Dépassement ·
- Justice administrative ·
- Infraction ·
- Commissaire de justice ·
- Erreur ·
- Téléphone ·
- Route ·
- Retrait
- Justice administrative ·
- Commissaire de justice ·
- Commune ·
- Désistement d'instance ·
- Acte ·
- Parking ·
- Permis de construire ·
- Maire ·
- Droit commun ·
- Pourvoir
- Justice administrative ·
- Commissaire de justice ·
- Administrateur provisoire ·
- Désistement ·
- Titre ·
- Renouvellement ·
- Prolongation ·
- Attestation ·
- Décision implicite ·
- Demande
De référence sur les mêmes thèmes • 3
- Justice administrative ·
- Légalité ·
- Commissaire de justice ·
- Juge des référés ·
- Ordonnance ·
- Garde des sceaux ·
- Tribunaux administratifs ·
- Épouse ·
- Droit commun ·
- Pourvoir
- Quorum ·
- Agrément ·
- Cartes ·
- Sécurité des personnes ·
- Recours administratif ·
- Service public ·
- Contrôle ·
- Commission nationale ·
- Activité ·
- Délibération
- Justice administrative ·
- Associations ·
- Commissaire de justice ·
- Acte ·
- Décision implicite ·
- Désistement d'instance ·
- Information ·
- Tribunaux administratifs ·
- Exécution du jugement ·
- Droit commun
Sur les mêmes thèmes • 3
- Alsace ·
- Solidarité ·
- Revenu ·
- Action sociale ·
- Justice administrative ·
- Allocations familiales ·
- Famille ·
- Titre exécutoire ·
- Fausse déclaration ·
- Amende
- Titre ·
- Refus ·
- Préjudice ·
- Justice administrative ·
- Demande ·
- Asile ·
- Commissaire de justice ·
- Illégalité ·
- Étranger malade ·
- Retraite
- Expert ·
- Justice administrative ·
- Maire ·
- Désignation ·
- Syndic de copropriété ·
- Habitation ·
- Construction ·
- Commissaire de justice ·
- Vacation ·
- Parcelle
Textes cités dans la décision
Aucune décision de référence ou d'espèce avec un extrait similaire.