Tribunal administratif de Grenoble, 2 octobre 2019, n° 1906106

  • Produit phytopharmaceutique·
  • Justice administrative·
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  • Maire·
  • Commune·
  • Pêche maritime·
  • Collectivités territoriales·
  • Juge des référés·
  • Principe de précaution·
  • L'etat

Sur la décision

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE GRENOBLE

N°1906106

___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

PRÉFET DE LA DRÔME

___________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS M. Y X

Juge des référés

___________

Le juge des référés Ordonnance du 2 octobre 2019 __________ 54-035-02 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 et 30 septembre 2019, le préfet de la Drôme demande au juge des référés de suspendre l’exécution de l’arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le maire de Saoû a réglementé les modalités d’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur l’ensemble du territoire communal.

Il soutient que :

- le maire est incompétent pour édicter une telle réglementation ;

- Subsidiairement, il n’existe pas de situation de péril imminent ou de circonstances locales particulières justifiant l’arrêté.

Par des mémoires enregistrés les 25 et 30 septembre 2019, la commune de Saoû, représentée par Me C…, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la carence de l’Etat justifie l’intervention du maire ;

- il existe un risque grave et imminent de dissémination des produits justifiant son intervention ;

- le principe de précaution s’impose à toute autorité publique ;

- l’arrêté n’a qu’un caractère mesuré et temporaire.

Vu :

- la requête en annulation enregistrée sous le n° 1906099 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;



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- le code de la santé publique ;

- l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

- la décision du 19 décembre 2016 du président du tribunal désignant M. X comme juge des référés.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience publique du 30 septembre 2019 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus Me C… pour la commune de Saoû, ainsi que M. B…, son maire.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 554-1 du code de justice administrative : « Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l’Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales (…) » selon lequel « le représentant de l’Etat peut assortir son recours d’une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l’un des moyens invoqués paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué (…) ».

2. Il résulte des dispositions des articles L. 253-7, R. 253-45 et D. 253-45-1 du code rural et de la pêche maritime que le législateur a organisé une police spéciale des produits phytopharmaceutiques. En vertu de ces dispositions, la réglementation de l’utilisation de ces produits relève de la compétence de l’Etat et principalement de celle du ministre chargé de l’agriculture.

3. Le maire ne saurait donc, en principe, s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale par l’édiction d’une réglementation de police locale. Il ne peut en aller autrement, par exception, qu’en cas de péril imminent, s’il y a carence de la police spéciale, auquel cas il peut faire usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales.

4. En l’espèce, si le Conseil d’Etat, dans son arrêt n° 415426, 415431 du 26 juin 2019, a annulé l’arrêté du 4 mai 2017 en tant qu’il ne prévoyait pas de dispositions destinées à protéger les riverains des zones traitées par des produits phytopharmaceutiques et a enjoint à l’Etat de prendre des mesures réglementaires impliquées par sa décision dans un délai de six mois, cette décision ne permet pas à elle seule de reconnaître l’existence d’un péril imminent. Par ailleurs, la commune de Saoû n’est pas, à l’égard de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques pour l’agriculture, dans une situation spécifique par rapport aux autres communes rurales permettant d’admettre la réalité d’un tel péril.

5. Enfin, le principe de précaution, s’il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d’attributions, ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à celle-ci d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de celui qui lui est fixé par la loi.



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6. Dès lors, en l’état de l’instruction, le moyen tiré de l’incompétence du maire de Saoû est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de son arrêté du 2 septembre 2019. Son exécution doit donc être suspendue.

7. En vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de Saoû doivent dès lors être rejetées.

O R D O N N E

Article 1er : L’exécution de l’arrêté du 2 septembre 2019 est suspendue.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saoû présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au préfet de la Drôme et à la commune de Saoû.

Fait à Grenoble, le 2 octobre 2019.

Le juge des référés, La greffière,

C. X S. Besse

La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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