Tribunal administratif de Grenoble, 2ème chambre, 31 décembre 2024, n° 2407919
TA Grenoble
Annulation 31 décembre 2024

Arguments

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  • Rejeté
    Violation du droit au respect de la vie privée et familiale

    La cour a estimé que le préfet n'a pas porté atteinte de manière disproportionnée au droit de M. B au respect de sa vie privée et familiale, compte tenu de son absence d'attaches en France.

  • Rejeté
    Méconnaissance des stipulations de la convention européenne

    La cour a jugé que M. B n'a pas établi la réalité des menaces alléguées, et que sa demande d'asile ayant été rejetée, ce moyen doit être écarté.

  • Accepté
    Erreur manifeste d'appréciation concernant l'interdiction de retour

    La cour a reconnu que la décision d'interdiction de retour était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, justifiant l'annulation de cette partie de l'arrêté.

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Sur la décision

Référence :
TA Grenoble, 2e ch., 31 déc. 2024, n° 2407919
Juridiction : Tribunal administratif de Grenoble
Numéro : 2407919
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 30 mai 2025

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 15 octobre 2024, M. A B, représenté par Me Blanc, demande au tribunal :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d’annuler l’arrêté n° OQTF2024/74/A225 du 6 août 2024 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour et de le munir d’un récépissé de demande de titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sans délai sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l’État une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. B soutient que :

— la requête est recevable ;

— la décision l’obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la décision désignant le pays de destination méconnait les stipulations de l’article 3 de cette convention ; sa vie est menacée en cas de retour au Kosovo ;

— l’interdiction de retour sur le territoire français méconnait les dispositions de l’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile ; elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une insuffisante motivation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2024, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.

Vu l’arrêté attaqué et les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique, Mme Letellier a lu son rapport. Les parties n’étaient ni présentes, ni représentées.

Considérant ce qui suit :

1. M. A B, ressortissant kosovare âgé de 34 ans, est entré en France le 4 juillet 2022 dans des conditions irrégulières. Sa demande d’asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d’asile, le 22 avril 2024. Par arrêté du 6 août 2024, le préfet de la Haute-Savoie l’a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur l’aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Dans les cas d’urgence (), l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ». En raison de l’urgence qui s’attache au règlement du présent litige, il y a lieu d’admettre M. B, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français :

3. La présence de M. B en France est récente. En outre, célibataire et sans charge de famille, il est dépourvu de toute attache familiale ou amicale en France. En dehors de l’allocation perçue en tant que demandeur d’asile, il est sans ressource. Enfin, la seule attestation d’affiliation à la sécurité sociale du 1er février 2024 qu’il produit en tant qu’auto-entrepreneur ne permet pas de retenir une quelconque insertion professionnelle en sa faveur. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Savoie n’a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n’a, dès lors, pas méconnu l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne le pays de destination :

4. Aux termes de l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " L’autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l’étranger a la nationalité, sauf si l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d’asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s’il n’a pas encore été statué sur sa demande d’asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d’un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l’accord de l’étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 « . Selon l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales : » Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

5. M. B dit craindre pour sa vie en cas de retour dans son pays d’origine du fait d’une dette dont il ne s’est pas acquitté auprès d’un usurier. Toutefois, il n’établit pas la réalité des menaces alléguées contre lui alors que sa demande d’asile a été rejetée par la Cour nationale du droit d’asile, comme il a été dit au point 1. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

En ce qui concerne l’interdiction de retour sur le territoire français :

6. Aux termes de l’article L. 612-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsque l’étranger n’est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. () ». Aux termes de l’article L. 612-10 du même code : « Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative tient compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l’édiction et la durée de l’interdiction de retour mentionnée à l’article L. 612-8 () ».

7. En premier lieu, M. B, qui n’entrait pas dans les cas prévus aux articles L. 612-6 et L. 612-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dès lors que la mesure d’éloignement prise à son encontre est assortie d’un délai de départ volontaire de trente jours, était en conséquence au nombre des étrangers pouvant faire l’objet d’une interdiction de retour sur le territoire français sur le fondement de l’article L. 612-8 du même code.

8. En deuxième lieu, l’arrêté attaqué vise l’article L. 612-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dont il rappelle les dispositions et mentionne les éléments de fait sur lesquels le préfet s’est fondé pour édicter à l’encontre du requérant une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de trois ans. Il ressort de ces éléments que le préfet a pris en compte l’ensemble des critères mentionnés par les dispositions de l’article L. 612-10 du même code. Ainsi, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation doit être écarté.

9. En dernier lieu, il est vrai que M. B est présent depuis une courte période en France et qu’il n’y a aucune attache et ne démontre aucune insertion dans la société française. Toutefois, M. B n’a pas fait l’objet d’une précédente mesure d’éloignement et les faits de nature pénale qui lui sont reprochés en Allemagne et en Suisse, ayant donné lieu à deux fiches de signalement émises par la direction centrale de la police judiciaire sur lesquelles le préfet de la Haute-Savoie pour prononcer une interdiction de retour de trois ans, ne ressortent pas des pièces du dossier. Dans ces conditions, M. B est fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation sur ce point et à demander l’annulation de l’arrêté attaqué, uniquement en tant qu’il fixe une interdiction de retour sur le territoire français à M. B pour une période de trois ans.

10. Il résulte de ce qui précède que l’arrêté du 6 août 2024 doit être annulé uniquement en tant qu’il interdit pour une durée de trois ans le retour de M. B sur le territoire français.

Sur les conclusions en injonction :

11. L’annulation de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans n’implique aucune mesure d’exécution. Par conséquent, les conclusions en injonction doivent être rejetées.

Sur les frais de justice :

12. Dans les circonstances de l’espèce, les conclusions présentées par le requérant au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

D E C I D E :

Article 1er :M. B est admis provisoirement au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Article 2 :L’arrêté du 6 août 2024 du préfet de la Haute-Savoie est annulé en tant qu’il interdit à M. B tout retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Article 3 :Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.

Article 4 :Le présent jugement sera notifié à M. A B, à Me Blanc et au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l’audience du 20 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

— M. Sauveplane, président,

— Mme Letellier, première conseillère,

— Mme Aubert, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.

Le rapporteur,

C. Letellier

Le président,

M. SauveplaneLa greffière,

C. Jasserand

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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