Rejet 8 août 2025
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Sur la décision
| Référence : | TA Grenoble, 3e ch., 8 août 2025, n° 2505114 |
|---|---|
| Juridiction : | Tribunal administratif de Grenoble |
| Numéro : | 2505114 |
| Type de recours : | Excès de pouvoir |
| Dispositif : | Rejet |
| Date de dernière mise à jour : | 8 septembre 2025 |
Texte intégral
Vu les procédures suivantes :
I. Par une requête, enregistrée le 16 mai 2025 sous le n°2505114, Mme B C, représentée par Me Huard, demande au tribunal :
1°) de l’admettre provisoirement au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;
2°) d’annuler l’arrêté du 15 avril 2025 par lequel le préfet de la Savoie l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et l’a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;
3°) d’enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour et à défaut de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l’attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
L’arrêté dans son ensemble
— est insuffisamment motivé ;
— méconnaît l’article R. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
La décision portant obligation de quitter le territoire français
— méconnaît le droit d’être entendu et le principe général de droit de l’union européenne du droit de la défense et de la bonne administration ;
— méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— méconnaît l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;
— est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.
La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
— est dépourvue de base légale en raison de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
— est insuffisamment motivée ;
— méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— méconnaît l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;
— est disproportionnée et est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.
Des pièces complémentaires ont été versées par le préfet de la Savoie le 20 juin 2025.
II. Par une requête, enregistrée le 16 mai 2025 sous le n°2505115, M. A D, représenté par Me Huard, demande au tribunal :
1°) de l’admettre provisoirement au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;
2°) d’annuler l’arrêté du 15 avril 2025 par lequel le préfet de la Savoie l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et l’a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;
3°) d’enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour et à défaut de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l’attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
L’arrêté dans son ensemble
— est insuffisamment motivé ;
— méconnaît l’article R. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
La décision portant obligation de quitter le territoire français
— méconnaît le droit d’être entendu et le principe général de droit de l’union européenne du droit de la défense et de la bonne administration ;
— méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— méconnaît l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;
— est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.
La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
— est dépourvue de base légale en raison de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
— est insuffisamment motivée ;
— méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— méconnaît l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;
— est disproportionnée et est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.
Des pièces complémentaires ont été versées par le préfet de la Savoie le 20 juin 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;
— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
— le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
— le rapport de Mme Triolet,
— les conclusions de M. Callot, rapporteur public,
— et les observations de Me Huard, représentant Mme B C et M. A D.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B C et M. A D, ressortissants angolais respectivement nés en septembre et juin 1985, déclarent être entrés en France le 22 octobre 2022, accompagnés de leurs trois enfants mineurs, afin d’y demander l’asile. M. A D avait formé une première demande rejetée en 2015 et sa demande de réexamen a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d’asile par une décision du 18 mars 2024, notifiée le 2 avril 2024. La première demande de B C a été rejetée par cette même Cour par une décision du 26 juin 2024, notifiée le 8 juillet 2024. Par des arrêtés du 15 avril 2025, le préfet de la Savoie les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé des interdictions de retour sur le territoire français d’une durée de deux ans.
Sur la jonction :
2. Les requêtes de Mme B C et M. A D sont relatives à la situation d’un couple au regard de leur droit au séjour en France et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.
Sur la demande d’aide juridictionnelle :
3. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : « Dans les cas d’urgence () l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée () par la juridiction compétente ou son président () ». Eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu de prononcer, en application de ces dispositions, l’admission provisoire de Mme B C et M. A D au bénéfice de l’aide juridictionnelle.
Sur les arrêtés pris dans leur ensemble :
4. En premier lieu, chacun des arrêtés attaqués mentionne les éléments de fait propres à la situation des intéressés et les considérations de droit sur lesquels le préfet s’est fondé. Ces décisions, qui permettent à chacun des requérants de les contester utilement, sont suffisamment motivées.
5. En deuxième lieu, le délai de quinze jours imparti par les dispositions de l’article R. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour statuer sur la situation d’un étranger mentionné à l’article L. 542-4 précité du code de l’entrée et du séjour des étrangers n’est pas prescrit à peine d’irrégularité. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées sont intervenues après ce délai de quinze jours ne peut qu’être écarté.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire :
6. En premier lieu, le droit d’être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l’Union, se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l’autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d’entendre l’intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
7. Dans le cas prévu au 4° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise, notamment, après que la qualité de réfugié a été définitivement refusée à l’étranger ou si l’étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Or, celui-ci est conduit, à l’occasion du dépôt de sa demande d’asile, à préciser à l’administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnu la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l’objet d’une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d’apporter à l’administration toutes les précisions qu’il juge utiles et il lui est loisible, au cours de l’instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d’éléments nouveaux, notamment au regard de sa situation dans son pays d’origine ou de sa situation personnelle et familiale.
8. Il ne ressort d’aucune pièce du dossier et n’est pas même soutenu que les requérants auraient vainement tenté de faire part au préfet d’informations sur leur situation personnelle en déposant leur demande d’asile, durant l’instruction de celle-ci ou même après la notification des décisions de rejet qui précède de plusieurs mois l’édiction des arrêtés en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu doit être écarté.
9. En deuxième lieu, Mme B C et M. A D où ils ne disposent d’aucune attache familiale. S’ils ont su tisser des liens par le bénévolat, dans le cadre de la formation suivie par M. A D ou de la scolarité de leurs enfants, l’arrivée de la famille en France demeure récente alors qu’ils ont vécu jusqu’à l’âge de 37 ans dans leur pays d’origine. Dans ces circonstances, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées auraient porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels elles ont été prises.
10. En troisième lieu, le couple a quatre enfants, dont trois sont nés en Angola en juillet 2008, novembre 2013 et mai 2017 et un en France en mars 2023. La circonstance que les trois aînés soient scolarisés en tâchant de s’intégrer au mieux, suivis psychologiquement pour deux d’entre eux et que l’un va bénéficier d’un accompagnement scolaire et d’un placement en établissement spécialisé n’est pas suffisante pour retenir que l’obligation de quitter le territoire méconnaîtrait les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.
11. En dernier lieu, dans les circonstances énoncées aux points 9 et 10, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision en litige serait entachée d’erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences.
Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède s’agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français que le moyen tiré de l’annulation par voie de conséquence des décisions portant interdiction de retour doit être rejetée.
13. En deuxième lieu, les arrêtés litigieux visent l’article L. 612-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui constitue le fondement légal des décisions leur faisant interdiction de retour sur le territoire français et se prononce au regard des différents critères prévus par l’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
14. En troisième lieu, pour interdire aux requérants de retourner sur le territoire français durant deux ans, le préfet de la Savoie s’est fondé sur la circonstance qu’ils sont entrés récemment sur le territoire français et qu’ils ne disposent pas de liens personnels anciens et stables en France. En conséquence, nonobstant l’absence de menace à l’ordre public, et compte tenu de la durée de l’interdiction, les décisions attaquées ne sont ni disproportionnées ni entachées d’une erreur d’appréciation.
15. En quatrième lieu, au vu de la situation de la famille telle qu’exposée aux points 9 et 10, les interdictions de retour en litige ne méconnaissent ni les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni celles de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions en annulation des requêtes présentées par Mme B C et M. A D doivent être rejetées. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d’injonction et celles présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Mme B C et M. A D sont admis provisoirement à l’aide juridictionnelle.
Article 2 : Les requêtes de Mme B C et M. A D sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme F B C, à M. E A D, à Me Huard et au préfet de la Savoie.
Délibéré après l’audience du 2 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Triolet, présidente-rapporteure,
M. Doulat, premier conseiller,
Mme Rogniaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 août 2025
La présidente-rapporteure,
A. TRIOLET
L’assesseur le plus ancien dans l’ordre du tableau,
F. DOULATLe greffier,
S. RIBEAUD
La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
2, 2505115
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