Tribunal administratif de Lille, 18 juin 2014, n° 1402216

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Chronologie de l’affaire

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www.doctrinactu.fr · 5 juillet 2019

A la veille des élections municipales, il apparait opportun de revoir brièvement les règles régissant la propagande électorale – entendue comme les « initiatives des candidats pour tenter de convaincre les électeurs de leur donner leur suffrage » [1] –, à la lumière d'un échantillon des décisions rendues par la juridiction administrative à propos des précédentes élections municipales. Pour mémoire, l'article L. 48-2 du code électoral dispose qu'il « est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Lille, 18 juin 2014, n° 1402216
Juridiction : Tribunal administratif de Lille
Numéro : 1402216

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LILLE

N° 1402216

___________

M. C Z

___________

Mme Stefanczyk

Rapporteur

___________

M. Martin

Rapporteur public

___________

Audience du 4 juin 2014

Lecture du 18 juin 2014

___________

28-04-04-02-02

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Lille,

(6e Chambre)

Vu la protestation, enregistrée au tribunal le 4 avril 2014, formée par M. C Z, demeurant XXX à XXX, contre les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de La Sentinelle ;

M. Z soutient :

— que la liste « La Sentinelle plus forte avec vous » conduite par le maire sortant a diffusé le 28 mars 2014 en fin de journée un tract contenant des informations mensongères et polémiques ;

— qu’il a été maire de La Sentinelle de 1999 à 2008 et qu’il est à ce titre attaqué dans son intégrité morale et sur son honneur par la nature insultante des propos contenus dans ce tract ;

— qu’il a été dans l’impossibilité matérielle de répondre à ce tract ;

— que ce tract est de nature à remettre en cause la sincérité du scrutin compte tenu du faible écart de voix ;

— que la présence d’agents de sécurité et de maîtres-chiens à l’entrée des trois bureaux de vote, y compris dans la cour donnant accès à ces bureaux, a été de nature à intimider les électeurs au second tour du scrutin ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2014, présentée par Mme AR Y qui demande au Tribunal d’annuler les opérations du second tour des élections municipales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 dans la commune de La Sentinelle ;

Mme Y soutient :

— que la distribution de tracts contenant des informations mensongères et polémiques, le 28 mars 2014 en fin de soirée, n’a pas permis à la liste « La Sentinelle pour tous » de répondre à ces calomnies ;

— que la présence d’agents de sécurité et de maîtres-chiens au second tour du scrutin, à l’entrée des trois bureaux de vote ont intimidé plusieurs personnes qui ne sont pas venues voter ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2014, présenté par M. E T, qui indique au Tribunal que le tract diffusé par la liste « La Sentinelle plus forte avec vous » le 28 mars 2014 n’a pas permis à la liste concurrente de répondre aux allégations et qu’il a constaté le 30 mars 2014 la présence d’un maître-chien à proximité de l’entrée de la cour menant aux bureaux de vote avant 18h00 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2014, présenté par Mme G B, qui demande au Tribunal d’annuler le second tour des élections municipales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 dans la commune de La Sentinelle ;

Mme B soutient :

— que le tract diffusé par la liste « La Sentinelle plus forte avec vous » conduite par le maire sortant et distribué en début de soirée le 28 mars 2014 n’a pas permis à la liste « La Sentinelle pour tous » d’y apporter une réponse ;

— que la présence des maîtres-chiens dans la cour menant aux trois bureaux de vote en fin d’après-midi a dû induire une peur chez certains habitants ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2014, présenté pour Mme AP A, M. C D, Mme AF AG, M. E R, Mme U V, M. K L, Mme AL AM, M. E F, Mme AW AX, M. AT AU AV, Mme AJ AK, M. AH AI, Mme M X, M. O P, Mme AD AE, M. AN AO, Mme W AA et M. AY-BC BD, par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés, qui concluent au rejet de la protestation de M. Z et à la mise à la charge de l’intéressé d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme A et autres soutiennent :

— que la présence de maîtres-chiens le 31 mars 2014 en fin d’après-midi à l’entrée des trois bureaux de vote était nécessaire pour permettre le bon déroulement du dépouillement et de la proclamation des résultats en raison des insultes, des huées et des jets de pétards suivis d’apéritifs improvisés sur la place centrale par des électeurs de M. Z qui avaient eu lieu le 23 mars 2014, jour du premier tour des élections municipales ;

— que Mme A, en sa qualité de maire et dans le cadre de ses pouvoirs de police a demandé à une société de gardiennage d’assurer la sécurité des opérations de dépouillement du second tour ;

— qu’entre les deux tours des élections municipales, des menaces avaient été répandues faisant craindre une soirée très agitée ;

— qu’a aucun moment les électeurs n’ont été empêchés de voter, l’accès étant libre ;

— que le nombre de votants a augmenté entre le premier et le second tour ;

— qu’aucune remarque n’a été faite sur le procès verbal ;

— que le tract diffusé le 28 mars 2014 n’était pas tardif puisqu’il a été distribué entre 18h15 et 19h30, soit avant la clôture de la campagne électorale ;

— que M. Z avait la possibilité de répondre à ce tract ;

— que le tract était une réponse au tract de la troisième liste du 27 mars 2014 qui annonçait une absence de consignes sur le report de voix et une réponse aux attaques, manœuvres et rumeurs de M. Z ;

— que le tract diffusé n’était ni diffamant ni mensonger mais contenait des éléments argumentaires classiques en matière de propagande électorale sur les fausses promesses, les mensonges et la réponse aux différentes critiques formulées par une liste adverse dans d’autres tracts précédemment distribués ;

— que la propagande électorale de M. Z est plus agressive ;

— que ce tract n’est pas de nature à détourner les voix s’étant portées au premier tour sur M. Z ;

— que le protestataire n’apporte pas la preuve d’une quelconque altération de la sincérité du scrutin ;

— que M. Z aurait dû voir l’élection de ses propres candidats élus invalidée en ce que, d’une part, sa campagne a été souterraine, s’illustrant uniquement par la distribution de quelques tracts, d’autre part, une troisième liste servait de « faire-valoir », et enfin, l’intéressé avait fait des promesses incessantes et généralisées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2014, présenté par M. AY-AZ X, qui demande au Tribunal d’annuler le second tour des élections municipales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 dans la commune de La Sentinelle ;

M. X soutient :

— qu’un tract mensonger a été diffusé le 28 mars 2014 par la liste « La Sentinelle plus forte avec vous » ;

— que des agents de sécurité avec des maîtres-chiens s’étaient déployés le 30 mars 2014 dans la cour fermée de la salle des votes, empêchant ainsi par peur bon nombre d’habitants d’accéder aux bureaux de vote ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 avril 2014, présenté par M. C Z, qui confirme ses précédentes écritures ;

M. Z soutient, en outre :

— que c’est la présence d’agents de sécurité aux abords du bureau de vote dès la fin de matinée du dimanche 30 mars 2014 qui a eu pour effet d’intimider les électeurs ;

— que la campagne de la liste « La Sentinelle pour tous » a été menée dans la dignité sans attaques personnelles ;

— que le tract distribué par sa liste le même jour n’était pas une réponse au tract diffusé par la liste « La Sentinelle plus forte avec vous » ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juin 2014, présentée pour Mme A et autres, par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés ;

Vu le procès-verbal des opérations électorales et les documents y annexés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 4 juin 2014 :

le rapport de Mme Stefanczyk, premier conseiller,

les conclusions de M. Martin, rapporteur public,

et les observations de M. Z, Me Carton pour Mme A et autres, Mmes B et Y et M. X ;

1. Considérant qu’à l’issue du second tour des opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 lors des élections municipales de la Sentinelle, dix huit candidats de la liste « La Sentinelle plus forte avec vous » conduite par le maire sortant, Mme A, et cinq candidats de la liste « La Sentinelle pour tous », conduite par M. Z, ont été proclamés élus ; que M. Z demande l’annulation des opérations électorales du second tour du scrutin en date du 30 mars 2014 ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation des opérations électorales :

Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief de la protestation ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 48-2 du code électoral : « Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale. » ; qu’aux termes de l’article L. 49 du même code : « A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents. / A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est également interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale. » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la liste « La Sentinelle plus forte avec vous » emmenée par le maire sortant, Mme A, a distribué de façon massive, le vendredi 28 mars 2014 entre 18h15 et 19h30, dans les boites aux lettres des habitants de La Sentinelle un tract qui, d’une part, appelait à voter en sa faveur, d’autre part contenait des arguments de polémique électorale relatifs à M. Z, candidat conduisant la liste « La Sentinelle pour tous » et, enfin, introduisait un nouvel élément dans la campagne électorale en faisant état d’une réunion organisée le 24 mars 2014 entre l’intéressé et la tête de la liste « La Sentinelle plus juste » afin d’inciter les électeurs de cette liste, présente au premier tour des élections municipales, à voter pour lui au second tour des élections ; que la distribution l’avant-veille du scrutin de tels tracts qui contenaient ainsi un élément nouveau de polémique électorale n’a pas laissé à M. Z, tête de la liste « La Sentinelle pour tous » le temps d’y répliquer ; que si la liste « La Sentinelle pour tous » a également distribué des tracts dans la soirée du 28 mars 2014, ces tracts, qui ne répondaient pas à celui de la liste « La Sentinelle plus forte avec vous », ne dépassaient ni par leur contenu, ni par les termes employés, les limites de la polémique électorale et ne comportaient aucun élément nouveau de polémique ; que dans les circonstances de l’espèce, la diffusion, le 28 mars 2014, des tracts par la liste « La Sentinelle plus forte avec vous », a été constitutive d’une manœuvre ; que celle-ci compte tenu de l’écart de six voix seulement entre les deux listes en présence, a été de nature à fausser les résultats du scrutin ; que dès lors, M. Z est fondé à demander l’annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 pour l’élection des conseillers municipaux de la commune de La Sentinelle ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;

5. Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme A et autres doivent dès lors être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 dans la commune de La Sentinelle en vue de la désignation des conseillers municipaux sont annulées.

Article 2 : Les conclusions de Mme A et autres présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C Z, à Mme AR Y, M. E T, à Mme G B, à Mme AP A, à M. C D, à Mme AF AG, à M. E R, à Mme U V, à M. K L, à Mme AL AM, à M. E F, à Mme AW AX, à M. AT AU AV, à Mme AJ AK, à M. AH AI, à Mme M X, à M. O P, à Mme AD AE, à M. AN AO, à Mme W AA, à M. AY-BC BD, à M. AY-AZ X et au préfet du Nord.

Délibéré après l’audience publique du 4 juin 2014 à laquelle siégeaient :

M. Vanhullebus, président,

Mme Balussou, premier conseiller,

Mme Stefanczyk, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 juin 2014.

Le rapporteur Le président

S. STEFANCZYK T. VANHULLEBUS

Le greffier

N. GINESTET-TREFOIS



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