Tribunal administratif de Lille, 28 septembre 2021, n° 2005711 2008872

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE

Nos 2005711, 2008872 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________
Mme C Z M. E F AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Mme G X ___________
Mme I Y Le tribunal administratif de Lille Rapporteure ___________ (2ème chambre)
M. Pierre Lassaux Rapporteur public ___________

Audience du 7 septembre 2021 Décision du 28 septembre 2021 ___________

135-02-01-02-01-01 C

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 2005711 les 15 août et 18 novembre 2020 puis les 1er avril et 20 juillet 2021, Mme C Z et M. E A demandent au tribunal :

1°) d’annuler la délibération du 16 juin 2020 par laquelle le conseil municipal de Cucq a adopté son règlement intérieur ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par la commune de Cucq au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Ils soutiennent que :

- l’article 24 a) du règlement intérieur actuellement en vigueur n’est pas conforme au projet adopté par l’assemblée délibérante ;

- l’article 24 a) du règlement intérieur méconnait les dispositions des articles L2121-27-1 et L. 2141-1 du code général des collectivités territoriales dès lors que, premièrement, la moitié de la page consacrée à l’expression des élus est attribuée au groupe majoritaire, deuxièmement, l’espace dévolu aux élus de la minorité a été réduit par rapport au précédent mandat, troisièmement, l’espace qui leur est réservé n’est ni suffisant ni équitable,



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quatrièmement, aucune modalité d’expression n’est prévue sur le site internet et les réseaux sociaux de la commune ;

- l’article 8 du règlement intérieur, qui instaure une obligation générale de confidentialité, porte atteinte à la liberté d’expression des élus, au droit des élus d’être informés de l’ensemble des affaires de la commune ainsi qu’à la bonne information des citoyens ;

- le règlement intérieur, et plus particulièrement ses articles 13 et 22, devrait préciser les modalités de rédaction des procès-verbaux et comptes rendus de conseils municipaux, qui sont trop succincts et ne permettent pas de bien informer les administrés ;

- l’article 16 du règlement intérieur, qui impose que les téléphones portables soient éteints, ne permet pas de procéder à l’enregistrement de la séance pourtant autorisé par l’article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales, ni d’avoir accès aux documents de travail au format numérique ; cette mesure police présente un caractère excessif.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 mars et 2 juin 2021, la commune de Cucq, représentée par Me Lubac, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 2008872 les 8 et 9 décembre 2020 puis les 19 avril et 25 juin 2021, Mme G X, représentée par Me Deldique, demande au tribunal :

1°) d’annuler, d’une part, la délibération du 16 juin 2020 par laquelle le conseil municipal de Cucq a adopté son règlement intérieur en tant qu’elle approuve les dispositions de l’article 8 (alinéas 8 et 9) et de l’article 24 a) du règlement intérieur et en tant qu’elle ne comporte aucune disposition relative à l’utilisation du site internet et des réseaux sociaux de la commune, et d’autre part, la décision implicite du 13 octobre 2020 par laquelle le maire de Cucq a rejeté son recours gracieux ;

2°) d’enjoindre au maire de Cucq de convoquer le conseil municipal afin qu’il délibère à nouveau sur ces articles ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cucq la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l’article 24 a) du règlement intérieur méconnait les dispositions de l’article L2121-27-1 du code général des collectivités territoriales dès lors que, premièrement, les élus de la majorité disposent d’un espace d’expression sur la page consacrée à l’expression des élus de l’opposition, deuxièmement, l’espace qui leur est réservé n’est pas suffisant, troisièmement, la liberté de s’exprimer dans le bulletin municipal est réservée aux élus appartenant à un groupe constitué, sans possibilité d’évolution, enfin, les modalités d’utilisation par les conseillers de l’opposition du site internet de la commune et de ses réseaux sociaux, qui doivent être assimilés à des bulletins d’informations générales, ne sont pas prévues ; les tribunes libres créées sur le site internet de la commune ne sont pas mentionnées dans le règlement intérieur et les commentaires



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postés sur Facebook ne suffisent pas à remplir les conditions de l’article L2121-27-1 du code général des collectivités territoriales précité ;

- l’article 8 du règlement intérieur méconnait tant les dispositions de l’article L. 2121-13 que celles de l’article L. 2121-25 du code général des collectivités territoriales en ne prévoyant que la rédaction d’un compte rendu sommaire des commissions municipales ; il méconnait les dispositions des articles L. 2121-26 et L. 2121-27 du code général des collectivités territoriales en interdisant la publication des documents reçus et produits lors de la commission et en instaurant une obligation générale de confidentialité, qui ne résulte d’aucun texte ; une telle obligation porte atteinte à la liberté d’expression des élus.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 février, 2 juin et 22 juillet 2021, la commune de Cucq, représentée par Me Lubac, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme X au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Y,

- les conclusions de M. Lassaux, rapporteur public,

- les observations de Mme Z, de Me Dermenghem, substituant Me Deldique, représentant Mme X et de Me Blanquinque, substituant Me Lubac, représentant la commune de Cucq.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 16 juin 2020, le conseil municipal de la commune de Cucq (Pas- de-Calais) a approuvé son nouveau règlement intérieur. Par courrier du 8 août 2020, reçu le 13 août suivant, Mme X, conseillère municipale, membre du groupe d’opposition « Le triangle citoyen », a présenté un recours gracieux tendant à la modification de ce règlement. Le silence gardé pendant deux mois par la commune a fait naître une décision implicite de rejet de sa demande. Par une première requête, enregistrée sous le n° 2008872, Mme X demande au tribunal d’annuler cette délibération en tant qu’elle porte approbation des articles 8, alinéas 8 et 9, et 24 du règlement intérieur et qu’elle ne comporte aucune disposition relative à l’utilisation du site internet et des réseaux sociaux de la commune, ainsi que la décision implicite du 13



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octobre 2020 par lequel le maire a rejeté son recours gracieux. Par ailleurs, par une seconde requête, enregistrée sous le n° 2005711, Mme Z et M. A, conseillers municipaux, membres du groupe d’opposition « Avançons ensemble », demandent au tribunal l’annulation de ce même règlement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes de Mme X, d’une part, et de Mme Z et M. A, d’autre part, présentent à juger le même règlement intérieur et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne l’article 24 a) du règlement intérieur :

S’agissant de l’approbation de cet article :

3. Il ressort des pièces du dossier que le projet de règlement intérieur joint à la convocation précisait, en son article 24 a) : « (…) / (…) le bulletin d’information comprendra un espace réserve à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité et ce dans les conditions suivantes : / liste Cucq demain (23 élus) : 3/6 d’une page/Liste Le Triangle Citoyen : 2/6 d’une page/liste Avançons ensemble (2élus) : 1/6 page / (…) ». La version finale du règlement intérieur ne comprend plus la mention « n’appartenant pas à la majorité », mais conserve la même répartition d’espaces entre les trois groupes. Cette modification constitue une simple rectification d’une erreur de rédaction que le maire, interpellé sur ce point, a reconnu au cours de la séance du 16 juin 2020. En tout état de cause, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à l’adoption d’un amendement en cours de séance du conseil municipal. Le moyen ne peut, dès lors, qu’être écarté.

S’agissant de la méconnaissance de l’article L2121-27-1 du code général des collectivités territoriales :

4. En vertu de l’article L2121-27-1 du code général des collectivités territoriales : « Dans les communes de 1 000 habitants et plus, lorsque des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal sont diffusées par la commune, un espace est réservé à l’expression des conseillers élus sur une liste autre que celle ayant obtenu le plus de voix lors du dernier renouvellement du conseil municipal ou ayant déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale. /Les modalités d’application du présent article sont définies par le règlement intérieur du conseil municipal ». Par ailleurs, en vertu de l’article 24 du règlement intérieur du conseil municipal de Cucq : « (…) / Ainsi le bulletin d’information comprendra un espace réservé à l’expression des conseillers et ce dans les conditions suivantes : / Liste Cucq Demain (23 élus) : 3/6 d’une page/Liste Le Triangle Citoyen (4 élus) : 2/6 d’une page/Liste Avançons Ensemble (2élus) : 1/6 d’une page./ (…) ». Ni les dispositions précitées, qui se bornent à imposer de réserver un espace d’expression aux conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale, ni les travaux parlementaires préalables à leur adoption, ne font obstacle à ce qu’un tel espace soit également ouvert dans le journal municipal aux élus de la majorité. Toutefois, l’espace réservé aux conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale doit, sous le contrôle du juge, présenter un caractère suffisant et être équitablement réparti.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le bulletin municipal de la commune de Cucq contient, outre des informations pratiques, des informations générales sur les



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réalisations et la gestion de la commune, entrant ainsi dans le champ d’application des dispositions de l’article L2121-27-1 précité du code général des collectivités territoriales. Compte tenu de ce qui précède, la circonstance que l’article 24 a) du règlement intérieur inclut les élus du groupe majoritaire dans la répartition de l’espace du bulletin municipal dédié à l’expression des élus ne méconnait pas les dispositions précitées de l’article L2121-27-1 du code général des collectivités territoriales. En revanche, en limitant l’expression des conseillers municipaux d’opposition aux seuls conseillers appartenant aux groupes d’opposition déjà constitués, alors même que les conseillers ne sont pas tenus d’appartenir à un groupe et qu’ils jouissent de la faculté de librement décider de leur appartenance à un groupe d’opposition ou de s’opposer individuellement à la politique menée par la municipalité et en retenant une répartition de l’espace ne permettant pas de tenir compte d’éventuelles évolutions de la composition des groupes politiques en cours de mandat, l’article 24 a) méconnait les dispositions précitées de l’article L2121-27-1 du code général des collectivités territoriales. Au surplus, les dispositions précitées de l’article 24 du règlement intérieur a pour effet de réserver à l’opposition une demi page du bulletin municipal, et seulement 1/6 de page, soit 800 caractères, au groupe le moins représentatif. L’espace réservé dans ces conditions à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité doit ainsi être regardé comme excessivement restreint au sein d’une publication de périodicité semestrielle qui comprend en moyenne une trentaine de pages. Les requérants sont, dès lors, fondés, pour ce second motif, à soutenir que l’article en litige méconnait les dispositions de l’article L. 2121-7-1 du code général des collectivités territoriales. Les modalités pratiques de publication des articles, qui n’apparaissent pas dans le règlement intérieur, et la circonstance que les élus n’appartenant pas à la majorité disposaient, lors du précédent mandat, d’un espace plus important sont quant à eux sans incidence sur la légalité de l’article 24 a) en litige.

6. En second lieu, il ressort également des pièces du dossier que les sites internet de la commune et sa page Facebook diffusent également des informations générales sur les réalisations et la gestion de la commune, distinctes de celles publiées au sein du bulletin municipal, nécessitant par suite que soit également réservé aux élus n’appartenant pas à la majorité un espace pour s’exprimer conformément à l’article L2121-27-1 du code général des collectivités territoriales. Si la commune soutient avoir créé un espace intitulé « tribunes libres » sur son site internet, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l’article contesté qui n’en prévoit ni l’existence ni les modalités d’utilisation. Par ailleurs, s’agissant de sa page Facebook, à supposer que les tiers puissent y rédiger des commentaires sous les publications officielles de la commune, voire même poster directement des messages sur cette page, l’administrateur de la page pourrait librement les supprimer ou les bloquer et, en tout état de cause, les publications des tiers n’ont pas le même statut que celles de l’administrateur, n’apparaissant notamment sur la page que si le lecteur demande à les voir. Par ailleurs, les commentaires ne permettent pas d’évoquer un nouveau sujet. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir qu’en ne prévoyant pas dans le règlement intérieur la création d’un espace d’expression pour les élus d’opposition sur son site internet et sur sa page Facebook, ainsi que les modalités d’exercice du droit d’expression dans ces espaces, l’article 24 a) méconnait également l’article L2121-27-1 du code général des collectivités territoriales. Enfin, s’agissant du compte Twitter de la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il permettrait la diffusion d’informations générales relatives aux réalisations et à la gestion de la commune. En tout état de cause, il résulte de la définition même et du mode de fonctionnement d’un compte twitter, lequel constitue un outil de « microblogage » personnalisé, limité en nombre de caractères et fonctionnant en temps réel, que ce support dématérialisé ne peut pas être regardé comme constituant un bulletin d’information générale au sens des dispositions précitées de l’article L2121-27-1 du code général des collectivités territoriales.



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En ce qui concerne la rédaction des procès-verbaux et comptes rendus de séances du conseil municipal :

7. En vertu de l’article L. 2121-25 du code général des collectivités territoriales: « Dans un délai d’une semaine, le compte rendu de la séance du conseil municipal est affiché à la mairie et mis en ligne sur le site internet de la commune, lorsqu’il existe ». Par ailleurs, en vertu de l’article L. 2121-26 du même code : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux. / Chacun peut les publier sous sa responsabilité. / La communication des documents mentionnés au premier alinéa, qui peut être obtenue aussi bien du maire que des services déconcentrés de l’Etat, intervient dans les conditions prévues par l’article L. 311-9 du code des relations entre le public et l’administration. / Les dispositions du présent article s’appliquent aux établissements publics administratifs des communes ».

8. Si Mme Z et M. A soutiennent que le règlement intérieur devait préciser les modalités de rédaction des comptes rendus et procès-verbaux des séances de conseil municipal, une telle obligation ne résulte d’aucun texte. Par ailleurs, il ne résulte ni des dispositions précitées ni d’aucune autre disposition législative ou réglementaire que le compte rendu de la séance du conseil municipal ou le procès-verbal de la séance doivent respecter un formalisme particulier. S’ils doivent retranscrire fidèlement l’ensemble des questions abordées ainsi que les principaux débats, ni le droit à l’information des habitants de la commune ni aucune autre disposition ne fait obstacle à ce qu’ils se présentent sous une forme synthétique. Dans ces conditions, ce moyen ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne l’article 8 du règlement intérieur :

9. Aux termes de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales: « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération ». En outre, en vertu de l’article L. 2121-22 du même code : « Le conseil municipal peut former, au cours de chaque séance, des commissions chargées d’étudier les questions soumises au conseil soit par l’administration, soit à l’initiative d’un de ses membres./ (…)/ Dans les communes de plus de 1 000 habitants, la composition des différentes commissions, y compris les commissions d’appel d’offres et les bureaux d’adjudications, doit respecter le principe de la représentation proportionnelle pour permettre l’expression pluraliste des élus au sein de l’assemblée communale ». Par ailleurs, aux termes de l’article 8 du règlement intérieur : « (…) / Les réunions des commissions donnent lieu à l’établissement d’un compte-rendu sommaire. / Les discussions et présentations de documents écrits ou graphiques doivent rester confidentielles et sont exclues de toute publication par tout moyen de communication ».

10. En premier lieu, il ne résulte ni des dispositions de l’article L. 2121-25 du code général des collectivités territoriales ni d’aucune autre disposition que les réunions des commissions municipales créées en application de l’article L. 2121-22 précité du même code doivent donner lieu à un compte rendu, ni a fortiori que celui-ci doive retracer de manière exhaustive l’ensemble des échanges qui s’y sont déroulés. Compte tenu des règles encadrant la composition de ces commissions et de l’information qui doit être délivrée aux élus préalablement aux séances du conseil municipal, l’absence de compte rendu ne saurait être regardée comme étant de nature à porter atteinte au droit des élus à être informés des affaires de la commune faisant l’objet d’une délibération. Le moyen ainsi soulevé, doit, par suite, être écarté.



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11. En second lieu, l’obligation générale de confidentialité prévue à l’alinéa 9 de l’article 8, qui n’est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire, ainsi que l’interdiction de publier tout document reçu ou produit à l’occasion des commissions administratives portent atteinte de manière disproportionnée à la liberté d’expression des conseillers municipaux, qui s’exerce sous leur responsabilité propre et qui concourt directement à l’exercice de la démocratie locale, et aux droits que les élus tiennent de leur mandat. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à demander l’annulation de l’alinéa 9 de l’article 8 du règlement intérieur de la commune de Cucq.

En ce qui concerne l’article 16 du règlement intérieur :

12. En vertu de l’article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales: « Les séances des conseils municipaux sont publiques. / (…)/ Sans préjudice des pouvoirs que le maire tient de l’article L. 2121-16, ces séances peuvent être retransmises par les moyens de communication audiovisuelle ». Aux termes de l’article 13 du règlement intérieur du conseil municipal de Cucq que : « (…) / Aucun texte n’interdit l’enregistrement des séances du conseil municipal. (..) / L’enregistrement peut être effectué indifféremment par les services municipaux, un membre du conseil ou par un tiers appartenant au public. /(…) ». Par ailleurs, en vertu de l’article 16 du même règlement : « (…). / Les téléphones portables devront être éteints ».

13. L’obligation de conserver son téléphone portable éteint fait obstacle, d’une part, et en l’absence de toute réserve sur ce point, à ce que les conseillers municipaux ou les tiers puissent enregistrer les séances du conseil municipal, et d’autre part, à ce que les élus puissent accéder en cours de séance et via ce support aux documents de travail qui leur seraient adressés au format numérique. Dans ces conditions, alors même que les téléphones portables peuvent être positionnés en mode « silencieux » afin d’éviter toutes sonneries intempestives, aucune contrainte d’organisation des séances du conseil municipal non plus que la nécessité de garantir le bon déroulement des débats ne justifient une telle obligation. Dès lors, les requérants sont fondés à soutenir qu’en imposant aux conseillers municipaux d’éteindre leur téléphone portable, de façon générale et permanente, l’article 16 précité est entaché d’erreur d’appréciation et doit être annulé.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l’annulation de l’article 24 a) du règlement intérieur du conseil municipal de Cucq adopté par délibération du 16 juin 2020 en tant qu’il limite le droit d’expression aux conseillers appartenant à un groupe constitué, sans prévoir de possibilité d’évolution, en tant qu’il ne réserve pas un espace suffisant aux élus n’appartenant pas à la majorité et en tant qu’il ne prévoit aucun espace d’expression sur le site internet et la page Facebook de la commune, l’alinéa 9 de l’article 8 du même règlement intérieur ainsi que son article 16 en tant qu’il impose que les téléphones portables soient éteints. Par conséquent, la décision du 13 octobre 2020 portant rejet du recours gracieux de Mme X doit également être annulée.

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

15. L’exécution du présent jugement implique que le maire de Cucq convoque le conseil municipal afin qu’il soit délibéré à nouveau sur les articles mentionnés au point 14. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de lui enjoindre d’y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.



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Sur les frais liés au litige :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Cucq la somme de 1 500 euros à verser à Mme X au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme quelconque soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas dans la présente instance les parties qui succombent.

D E C I D E :

Article 1er : L’article 24 a) du règlement intérieur du conseil municipal de Cucq adopté par délibération du 16 juin 2020 est annulé en tant qu’il limite le droit d’expression aux conseillers appartenant à un groupe constitué, sans prévoir de possibilité d’évolution, en tant qu’il réserve un espace insuffisant aux élus n’appartenant pas à la majorité et en tant qu’il ne prévoit aucun espace d’expression sur le site internet et la page Facebook de la commune.

Article 2 : L’alinéa 9 de l’article 8 du règlement intérieur du conseil municipal de Cucq adopté par délibération du 16 juin 2020 est annulé.

Article 3 : L’article 16 du règlement intérieur du conseil municipal de Cucq adopté par délibération du 16 juin 2020 est annulé en tant qu’il impose que les téléphones portables soient éteints.

Article 4 : La décision du 13 octobre 2020 par laquelle le maire de la commune de Cucq a rejeté le recours gracieux présenté par Mme X est annulée.

Article 5 : Il est enjoint au maire de la commune de Cucq de convoquer le conseil municipal afin qu’il soit délibéré à nouveau sur les dispositions mentionnées aux articles 1 à 3 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 6 : La commune de Cucq versera à Mme X la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.



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Article 8 : Le présent jugement sera notifié à Mme C Z, à M. E A, à Mme G X et à la commune de Cucq.

Délibéré après l’audience du 7 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bauzerand, président, M. Even, premier conseiller, Mme Y, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.

La rapporteure, Le président,

Signé Signé

C. Y Ch. BAUZERAND

La greffière,

Signé
M. B

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme, Le greffier,



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