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Sur la décision
| Référence : | TA Lille, 6e ch., 31 déc. 2024, n° 2401750 |
|---|---|
| Juridiction : | Tribunal administratif de Lille |
| Numéro : | 2401750 |
| Type de recours : | Excès de pouvoir |
| Dispositif : | Rejet |
| Date de dernière mise à jour : | 30 mai 2025 |
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 février 2024, 22 février 2024 et 31 octobre 2024, M. D B, représenté par Me Danset-Vergoten, demande au tribunal :
1°) d’annuler l’arrêté du 17 février 2024 par lequel le préfet du Nord l’a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d’éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d’une durée d’un an ;
2°) d’enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d’un mois à compter du jugement, et de lui délivrer dans l’attente une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 500 euros qui sera versée à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le moyen commun à l’ensemble des décisions attaquées :
— elles sont insuffisamment motivées ;
— elles sont entachées d’un défaut d’examen particulier de sa situation ;
— elles méconnaissent les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français, portant refus de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination de la mesure d’éloignement :
— elles sont entachées d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne le moyen commun portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d’éloignement et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an :
— elles sont illégales, par voie d’exception de l’illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an :
— elle méconnait les dispositions des articles L. 612-6 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2024, le préfet du Nord, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
— le code des relations entre le public et l’administration ;
— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
— le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Le rapport de M. Goujon a été entendu au cours de l’audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B, ressortissant albanais, né le 16 février 1979, soutient être entré en France en décembre 2018. Il a été interpellé le 17 février 2024 à la suite d’un contrôle d’identité opéré boulevard de Turin à Lille. N’étant pas à même de justifier de son droit à circuler ou séjourner en France, M. B a fait l’objet d’une mesure de retenue administrative à fin de vérification de ce droit. Après qu’il est apparu qu’il avait fait l’objet d’un refus de titre de séjour et d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours à destination de l’Albanie le 4 octobre 2019 par le préfet du Pas-de-Calais, il s’est vu notifier par le préfet du Nord le même jour de son interpellation, une obligation de quitter sans délai le territoire français à destination de l’Albanie, assortie d’une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an. M. B demande l’annulation de ces décisions.
Sur les moyens communs à l’ensemble des décisions attaquées :
2. En premier lieu, le préfet a mentionné avec suffisamment de précisions les circonstances de fait et de droit sur lesquelles il s’est fondé pour prendre les décisions de refus de titre de séjour, d’obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et du choix du pays de destination de la mesure d’éloignement. En outre, concernant la décision d’interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an, il ressort des termes de l’arrêté que, contrairement à ce que soutient M. B, le préfet a expressément motivé sa décision prise à son encontre au regard de sa durée de présence en France, de la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace à l’ordre public que représente ou non sa présence en France. Par suite, cette décision est suffisamment motivée en fait et en droit. Dès lors, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation des décisions attaquées doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des termes de l’arrêté du 17 février 2024 que le préfet du Nord a bien procédé à un examen particulier de la situation de M. B avant de prendre les décisions attaquées.
4. En troisième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B se maintient sur le territoire français, malgré un arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 4 octobre 2019 qui a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. Il est père de trois enfants, A, né le 5 octobre 2011, C, née le 1er août 2016 et Manuel, né le 14 octobre 2017, tous trois scolarisés sur le territoire français, notamment depuis l’année scolaire 2019-2020 pour l’aîné. Ces deux derniers enfants sont atteints de handicap et bénéficient d’une scolarité dans des établissements spécialisés. Toutefois, il n’est pas établi que ses enfants ne pourraient bénéficier d’une prise en charge adaptée en Albanie. En particulier, pour sa fille C, il ressort des pièces du dossier que l’arrêté du 4 octobre 2019 du préfet du Pas-de-Calais s’est notamment appuyé pour rejeter sa demande de titre de séjour, de l’avis du 16 septembre 2019 du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui a considéré que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entrainer des conséquences d’une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d’origine. En outre, en dehors de sa femme, elle aussi ressortissante albanaise et de ses enfants, aucune pièce du dossier ne fait état de la présence de membre de sa famille sur le territoire français. S’il produit plusieurs documents attestant que lui et sa conjointe ont suivi des cours d’apprentissage de la langue française et participé à des activités d’insertion mises en œuvre par des associations, ces éléments sont insuffisants pour démontrer son insertion sociale ou professionnelle et l’existence de liens privés stables et d’une particulière intensité en France, alors qu’il a vécu en Albanie au moins jusqu’à l’âge de trente-et-neuf ans. Par ailleurs, il ne démontre pas non plus l’impossibilité de poursuivre sa vie familiale dans son pays d’origine avec sa famille. Par suite, en lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de destination de la mesure d’éloignement et en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an, le préfet du Nord n’a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée.
Sur le moyen commun aux décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français, portant refus de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination de la mesure d’éloignement :
6. Pour les motifs exposés aux point 5, les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français, portant refus de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination de la mesure d’éloignement ne sont pas entachées d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur le moyen commun aux décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d’éloignement et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an :
7. Il résulte des points 2 à 6 que le moyen tiré, par voie d’exception, de l’illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne peut qu’être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an :
8. Compte tenu de la situation personnelle et familiale de M. B telle qu’elle a été exposée au point 5, le préfet du Nord n’a pas méconnu les dispositions des articles L. 612-6 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en estimant qu’aucune circonstance humanitaire ne faisait obstacle à ce qu’il soit interdit au requérant de revenir sur le territoire français et en fixant à un an la durée de cette interdiction.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 17 février 2024 par lequel le préfet du Nord l’a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d’éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d’un an. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d’injonction ainsi que celles relatives aux frais liés au litige.
D É C I D E :
Article 1er : : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D B et au préfet du Nord.
Copie pour information sera adressée au ministre de l’intérieur.
Délibéré après l’audience du 18 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Cotte, président,
M. Fougères, premier conseiller,
M. Goujon, conseiller
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.
Le rapporteur,
signé
J.-R. Goujon
Le président,
signé
O. CotteLa greffière,
signé
C. Lejeune
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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