Tribunal administratif de Melun, 10 janvier 2013, n° 1209294

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Sur la décision

Référence :
TA Melun, 10 janv. 2013, n° 1209294
Juridiction : Tribunal administratif de Melun
Numéro : 1209294

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MELUN

N° 1209294/8

___________

SOCIETE REBILLON SCHMIT PREVOT

___________

M. Z

Juge des référés

___________

Ordonnance du 10 janvier 2013

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Melun,

Le juge des référés

Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2012, présentée par La société Rébillon Schmitt Prévot, sise au XXX à XXX ; La société Rébillon Schmitt Prévot demande que le tribunal :

1°) annule la procédure lancée par la commune de Champdeuil pour la passation, selon une procédure adaptée, d’un marché ayant pour objet l’entretien et l’agrandissement du cimetière ;

2°) mette à la charge de la commune de Champdeuil une somme de 1.200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Rébillon Schmitt Prévot soutient :

— que le pouvoir adjudicateur exige, sans justification, un modèle précis de columbarium exclusivement commercialisé par un opérateur déterminé ;

— que ce choix donne un avantage économique manifeste à la société Granimond au détriment de tous ses concurrents et lui réserve de fait le marché ;

— que cette circonstance méconnait les dispositions de l’article 6 III et 6 IV du code des marchés publics ;

— que les spécifications litigieuses ne sont pas justifiées par l’objet du marché ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2012, présenté pour la société Granimond par Me Y ; la société Granimond conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la suppression de passages de la requête injurieux, outrageants, ou diffamatoires ;

3°) à ce qu’une somme de 3.000 euros soit mise à la charge de la société Rébillon Schmitt Prévot en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Granimond soutient :

— qu’elle n’a pas présenté d’offre pour la consultation litigieuse et doit être mise hors de cause ;

— que les passages de la requête, p. 7 depuis « En conséquence » jusqu’à « code des marchés », et p. 8 depuis « En quatrième lieu » jusqu’à « un autre concurrent » et depuis « En cinquième lieu » jusqu’à « code des marchés », présentent un caractère diffamatoire ou injurieux ;

— que l’article 35 II-8 du code des marchés publics autorise la passation d’un marché avec un seul opérateur pour des raisons techniques ou artistiques notamment en ce qui concerne les marchés portant sur des modèles déposés pour ne pas dépareiller par rapport à l’existant ;

— que le besoin exprimé par la commune n’est pas de nature à rompre l’égalité entre les candidats ;

— que le dossier de consultation des entreprises prévoit la possibilité de fournir un modèle équivalent au modèle proposé par la société Granimond ;

— que le modèle proposé par la société Granimond à travers ses supports de communication était susceptible de répondre aux besoins de la commune en terme de dimension et de prix ;

— que la commune a fait référence à ce produit pour se prémunir d’un appel d’offre infructueux en éclairant les candidats sur ses attentes ;

— que la référence à ses produits n’a pas pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs ;

— que la requérante n’a cherché à aucun moment à obtenir des renseignements quant aux critères techniques du marché ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2012, présenté pour la commune de Champdeuil par Me Y ; la commune de Champdeuil conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 3.000 euros soit mise à la charge de la société Rébillon Schmitt Prévot en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Champdeuil soutient :

— que le besoin exprimé par la commune n’est pas de nature à rompre l’égalité entre les candidats ;

— que les candidats pouvaient fournir un produit équivalent à celui de la société Granimond ;

— que toutes les entreprises spécialisées pouvaient se procurer le modèle litigieux

— que le prix et les caractéristiques du modèle proposé par la société Granimond étaient susceptibles de répondre aux besoins de la commune ;

— qu’elle a fait référence à ce produit pour se prémunir d’un appel d’offres infructueux en éclairant les candidats sur ses attentes ;

— qu’elle risque de perdre le bénéfice des subventions obtenues pour ce projet si la procédure de passation n’est pas suffisamment développée ;

— que six sociétés ont présenté une offre de sorte que le besoin exprimé par la commune n’a pas été de nature à rompre l’égalité entre les candidats ;

— que la société Granimond n’a pas déposé d’offre ;

— qu’il y a lieu d’examiner si la spécification litigieuse a pour effet de restreindre la concurrence et, seulement dans cette hypothèse, d’examiner si cette spécification est justifiée par l’objet du marché ;

— que la référence aux produits de la société Granimond n’a pas pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs ;

— que la circonstance que la société Granimond soit détentrice de modèles protégés ne porte pas atteinte à la concurrence ;

— que les candidats pouvaient fournir le modèle de leur choix en étant protégés des actions en contrefaçon par le pouvoir adjudicateur aux termes de l’article 8 du CCAG ;

— que les exigences de la commune de Champdeuil sont techniquement différentes de celles qui composent les modèles déposés par la société Granimond à l’INPI ;

— que les moyens relatifs à la propriété intellectuelle ne peuvent être tranchés que par le juge commercial ;

— que la requérante n’a cherché à aucun moment à obtenir des renseignements quant aux critères techniques du marché ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2012, présenté par la société Rébillon Schmitt Prévot ; la société Rébillon Schmitt Prévot persiste dans ses conclusions et conclut en outre au rejet des conclusions de la société Granimond présentées sur le fondement des dispositions de l’article

L. 741-2 du code de justice administrative , à ce que les conclusions présentées par Me Y pour le compte de la commune de Champdeuil soient déclarées irrecevables, à ce qu’il soit fait injonction à la commune de Champdeuil de produire copie du marché de prestations juridiques conclu avec

Me Y et au Bâtonnier de se prononcer sur la situation de conflit d’intérêts ;

La société Rébillon Schmitt Prévot soutient en outre :

— que les conclusions rédigées par Me Y pour la commune de Champdeuil sont irrecevables compte tenu de la situation de conflit d’intérêts objectif de Me Y également conseil de la société Granimond ;

— que cette situation méconnait l’article 7 du décret 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat dès lors qu’en l’espèce, les intérêts des défendeurs sont au moins partiellement divergents ;

— que les passages litigieux de la requête ne présentent pas de caractère diffamatoire injurieux ou outrageant ;

— que contrairement à ce que prévoit le IV de l’article 6 du code des marchés publics, la mention « ou équivalent » faisant suite à la référence à un produit précis n’est justifiée ni par l’objet du marché, ni par le fait qu’une description des prestations attendues serait impossible en l’absence de référence à ce produit ;

— que le cadre de décomposition global et forfaitaire qui est le document le plus contraignant de la consultation et qui prévaut sur les documents plus généraux exige un columbarium Esterel de la société Granimond, sans équivalent ;

— que la fourniture d’un modèle équivalent expose les candidats à une action en contrefaçon ;

— que la consultation litigieuse porte sur un marché de fournitures et concerne un modèle déposé, de sorte que les principes qui gouvernent la passation de marchés de service à partir de produits librement accessibles n’est pas transposable ;

— que la société Granimond a indirectement déposé des offres par l’intermédiaire de revendeurs de sorte que la pluralité des offres n’est qu’apparente ;

— que seuls les revendeurs des produits Granimond pouvaient candidater ;

Vu la décision par laquelle le président du tribunal a désigné M. Z comme juge des référés ;

Vu les pièces jointes à la requête ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir, au cours de l’audience publique du 4 janvier 2013, présenté son rapport et entendu :

— les observations de M. X représentant la société Rébillon Schmitt Prévot qui maintient ses écritures et soutient en outre : qu’il ressort du rapport d’analyse des offres que cinq candidats ont fait une offre et non six ;

— les observations de Me Y pour la commune de Champdeuil et la société Granimond, ainsi que les observations du maire de Champdeuil pour la commune, qui maintiennent leurs écritures ; la commune de Champdeuil et la société Granimond demandent en outre la suppression de passages du mémoire de la société Rébillon Schmitt Prévot enregistré le 29 novembre 2012 sur le fondement de l’article L. 741-2 du code de justice administrative, à savoir p 4 depuis « Au mépris » jusqu’à « a produit », p. 7 2e paragraphe intégralement, p. 14 le mot « servilement », p. 15 depuis « Il est vrai » jusqu’à « instance », p. 17 le mot « servilement » ; la commune de Champdeuil et la société Granimond soutiennent en outre : qu’elles ont les mêmes intérêts dans la présente instance, de sorte qu’il n’existe pas de conflit d’intérêts qui s’opposerait à ce qu’elles aient un conseil commun ; que l’action de la société Rébillon Schmitt Prévot n’a d’autre but que de scléroser l’action administrative ; que la commune s’est bornée à repérer un modèle de columbarium correspondant à ses besoins en termes de surface et de prix ; que cette circonstance n’a pas crée de rupture d’égalité ;

1. Considérant que la commune de Champdeuil a lancé, le 5 octobre 2012, une consultation pour la passation, selon une procédure adaptée, d’un marché relatif à l’entretien et l’agrandissement de son cimetière ; que les travaux comportent la réfection et la consolidation du mur d’enceinte et la création d’un columbarium dans l’enceinte du cimetière ; que, le 17 décembre 2012, le marché a été attribué à la société Restauration Patrimoine Lagarde ; que la société Rébillon Schmitt Prévot qui a retiré un dossier de consultation, estime que les conditions de la consultation ne sont pas régulières et demande l’annulation de la procédure ;

Sur la présence de la société Granimond :

2. Considérant qu’en dirigeant ses conclusions contre la société Granimond, qui n’a pas été candidate à l’attribution du marché litigieux, la société Rébillon Schmitt Prévot doit être regardée comme ayant appelé cette société en cause pour observations ; qu’ainsi, cette société est présente à l’instance sans y être partie ; que ses conclusions tendant à être mise hors de cause sont donc sans objet et par suite irrecevables ;

Sur les demandes des communes de Champdeuil et de la société Granimond tendant à l’application de l’article L. 741-2 du code de justice administrative :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 741-2 du code de justice administrative : « Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : " Art. 41, alinéas 3 à 5. – Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. / Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. » ;

4. Considérant que la circonstance que la société Granimond ne soit pas partie à l’instance ne fait pas obstacle à ce qu’elle puisse former des conclusions sur le fondement de l’article L. 741-2 du code de justice administrative dès lors que les écritures sur lesquelles il lui est demandé de formuler des observations comporteraient des passages injurieux, outrageants ou diffamatoires à son égard ;

5. Considérant que les passages du mémoire enregistré le 31 octobre 2012, p. 7 commençant par « En conséquence » et se terminant par « marchés publics » excèdent le droit à la libre discussion et présentent un caractère diffamatoire ; qu’il y lieu d’en prononcer la suppression ; qu’il en est de même du passage p. 8 commençant par « il est connu que » et finissant par « autre concurrent » et du passage commençant par « en cinquième lieu » jusqu’à « code des marchés publics » ;

6. Considérant que dans le mémoire de la société Rébillon Schmitt Prévot enregistré le

29 novembre 2012, le passage commençant p. 4 par « Au mépris » finissant par « apparences » n’excède pas les limites de la libre discussion ; qu’il n’y a pas lieu d’en prononcer la suppression ; que le deuxième paragraphe de la p. 7 comporte un moyen de droit tendant à démontrer l’irrecevabilité des écritures déposées en défense et est fondé sur la citation d’un texte ; qu’il n’y a pas lieu d’en prononcer la suppression nonobstant l’usage de l’expression « prêt d’avocat » ; que l’usage du mot « servilement » p. 14 et p. 17 ne présente pas un caractère injurieux au sens des dispositions de l’article L. 741-2 du code de justice administrative ; qu’en revanche, le passage p. 15 commençant par « Il est vrai » et finissant par « pour doubler ses frais d’instance » présente un caractère diffamatoire ; qu’il y a lieu d’en prononcer la suppression ;

7. Considérant qu’il y a lieu de prononcer la suppression des passages sus-énumérés des écritures de la société Rébillon Schmitt Prévot et d’examiner sa demande, sans tenir compte des passages supprimés ; que, toutefois, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de condamner la société Rébillon Schmitt Prévot au versement de dommages et intérêts ;

Sur les conclusions de la société Rébillon Schmitt Prévot :

8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public. Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. » ;

9. Considérant qu’aux termes de l’article 6 du code des marchés publics : « I. – Les prestations qui font l’objet d’un marché ou d’un accord-cadre sont définies, dans les documents de la consultation, par des spécifications techniques formulées : 1° Soit par référence à des normes ou à d’autres documents équivalents accessibles aux candidats, notamment des agréments techniques ou d’autres référentiels techniques élaborés par les organismes de normalisation ; / 2° Soit en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles. Celles-ci sont suffisamment précises pour permettre aux candidats de connaître exactement l’objet du marché et au pouvoir adjudicateur d’attribuer le marché. Elles peuvent inclure des caractéristiques environnementales. (…) Pour les marchés passés selon une procédure adaptée, les spécifications techniques peuvent être décrites de manière succincte. (…) IV. – Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d’un mode ou procédé de fabrication particulier ou d’une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu’une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits. Toutefois, une telle mention ou référence est possible si elle est justifiée par l’objet du marché ou, à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de l’objet du marché n’est pas possible sans elle et à la condition qu’elle soit accompagnée des termes : « ou équivalent ».(…) » ; qu’aux termes de l’article 53 du même code « I.-Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l’environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, les performances en matière d’insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d’utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l’assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d’exécution, la sécurité d’approvisionnement, l’interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D’autres critères peuvent être pris en compte s’ils sont justifiés par l’objet du marché (…) » ;

10. Considérant que s’agissant d’un marché de travaux, il y a lieu, pour l’application de ces dispositions d’examiner si la spécification technique en cause a ou non pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs économiques puis, dans l’hypothèse seulement d’une telle atteinte à la concurrence, si cette spécification est justifiée par l’objet du marché ou, si tel n’est pas le cas, si une description suffisamment précise et intelligible de l’objet du marché n’est pas possible sans elle ;

11. Considérant que si le marché litigieux est, à titre principal, un marché de travaux, le dossier de consultation des entreprises prévoyait en l’espèce, notamment, « la fourniture d’un columbarium en granit rose poli de la société Granimond ou équivalent » qui en représente une part significative ; que le cadre de décomposition du prix précisait qu’il s’agissait du « modèle Estérel granit rose boréal des Etablissements Granimond » ; qu’il n’est pas sérieusement contesté que cette exigence correspond à un modèle déposé ; que l’avis d’appel public à la concurrence prévoyait que « les candidats peuvent répondre à tout ou partie du marché » ; qu’il résulte de l’instruction que tous les opérateurs ne sont pas susceptibles de se procurer le modèle exigé dans des conditions équivalentes et qu’en particulier il est improbable que des fabricants concurrents qui avaient vocation à candidater seuls ou en groupement avec un entrepreneur de travaux, pour tout ou partie du marché, aient pu s’approvisionner auprès de la société Granimond dans des conditions équitables par rapport à des opérateurs tiers ; qu’ainsi, la disposition litigieuse a eu nécessairement pour effet de restreindre la concurrence et de porter atteinte à l’égalité des candidats ; que la circonstance que cinq candidats aient déposé une offre est sans incidence à cet égard ;

12. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la commune souhaite disposer d’un columbarium modulaire de 40 urnes en granit rose ; qu’un tel produit, qui ne présente aucune spécificité particulière peut être fourni par d’autres sociétés que la société Granimond, et peut être décrit sans faire référence à une marque où à un modèle particulier ; que la mention d’un produit équivalent n’est régulière, lorsqu’il a été fait référence à un modèle déposé que si une telle référence est justifiée par l’objet du marché, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; qu’il n’est nullement établi qu’en l’absence de référence à une marque, la consultation aurait été infructueuse ;

13. Considérant que la commune de Champdeuil fait valoir que le §8 du II de l’article 35 du code des marchés publics autorise la passation de « (…) marchés et les accords-cadres qui ne peuvent être confiés qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité ; » ; qu’ainsi, qu’il vient d’être dit il ne résulte pas de l’instruction qu’un seul opérateur serait en mesure de fournir un columbarium modulaire de 40 urnes en granit rose ; que la seule préférence de la commune de Champdeuil pour le modèle de la société Granimond n’est pas au nombre des « raisons artistiques ou tenant à la protection des droits d’exclusivité » visés par les dispositions précitées, justifiant qu’il ne puisse être fait appel qu’à un seul opérateur ; qu’enfin, il est constant que la consultation litigieuse fait appel à la concurrence et que le pouvoir adjudicateur doit, dès lors, s’assurer de la régularité de la procédure à laquelle il a choisi d’avoir recours ; que s’il est loisible à la commune d’avoir des préférences d’un point de vue esthétique et si elle est sensible au coût de l’opération, il lui appartient de faire figurer le critère esthétique et le critère du prix parmi les critères d’attribution du marché conformément à l’article 53 du code des marchés publics afin de comparer l’intérêt de l’ensemble des propositions qui pourront lui être faites, le cas échéant avec des produits concurrents;

14. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Rébillon Schmitt Prévot est fondée à soutenir que les documents de la consultation méconnaissaient les dispositions de l’article 6 du code des marchés publics et par conséquent, les obligations de mise en concurrence qui incombaient au pouvoir adjudicateur; qu’il résulte de l’instruction que cette société qui a retiré un dossier de consultation, et qui fabrique des produits concurrents de celui qui est exigé par les pièces du marché alors que l’avis d’appel public à la concurrence prévoyait que les candidats pouvaient ne répondre qu’à une partie du marché, est susceptible d’avoir été lésée par le manquement qu’elle invoque ;

15. Considérant, il est vrai, que la commune de Champdeuil fait valoir qu’elle a bénéficié de subventions pour l’opération litigieuse dont elle risque de perdre le bénéfice si la procédure de passation n’est pas suffisamment développée ; que cependant, il ne résulte pas de l’instruction que la procédure, lancée le 5 octobre 2012, et qui a donné lieu à une attribution du contrat en décembre, ne pourrait être relancée et aboutir rapidement ni, à supposer même que cette circonstance soit au nombre des considérations d’intérêt général mentionnées à l’article L. 551-2 du code de justice administrative qui sont de nature à faire obstacle à ce qu’il soit enjoint au pouvoir adjudicateur de se conformer à ses obligations dans l’hypothèse où un manquement est constaté, qu’en cas d’annulation de la procédure, elle perdrait le bénéfice des subventions dont elle allègue avoir bénéficié ;

16. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’alors même qu’il n’apparait pas que l’irrégularité litigieuse n’aurait pas été commise en toute bonne foi par le pouvoir adjudicateur, la société Rébillon Schmitt Prévot n’en est pas moins fondée à demander l’annulation de la procédure lancée par la commune de Champdeuil, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité du mémoire en défense et sans qu’il soit besoin de prononcer les mesures d’injonction demandées à les supposer recevables ;

Sur l’application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;

18. Considérant que la société Rébillon Schmitt Prévot ne justifie pas avoir exposé des frais pour l’établissement de sa requête ; que sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doit donc être rejetée ; que ces dispositions font obstacle à ce que la société Rébillon Schmitt Prévot qui n’est pas partie perdante dans la présente instance soit condamnée à verser à la commune de Champdeuil la somme qu’elle demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens ; que la société Granimond étant simple observatrice dans la présente instance ne peut former de conclusions propres, hormis l’hypothèse rappelée ci-dessus d’une demande de suppression de passages diffamatoires injurieux ou outrageants à son égard ; que ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu’être rejetées ;

ORDONNE

Article 1er : Les passages du mémoire introductif d’instance de la société Rébillon Schmitt Prévot, p. 7 commençant par « En conséquence » et se terminant par « marchés publics », et p. 8 commençant par « il est connu que » et finissant par « autre concurrent » et commençant par « en cinquième lieu » jusqu’à « code des marchés publics », d’une part, les passages du mémoire de la société Rébillon Schmitt Prévot enregistré le 29 novembre 2012, p. 15 commençant par « Il est vrai » et finissant par « pour doubler ses frais d’instance », d’autre part, sont supprimés.

Article 2 : La procédure lancée par la commune de Champdeuil pour la passation, selon une procédure adaptée, d’un marché ayant pour objet l’entretien et l’agrandissement du cimetière est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties et de la société Granimond est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à La société Rébillon Schmitt Prévot, à la commune de Champdeuil, à la société Granimond et la société Restauration Patrimoine Lagarde.

Fait à Melun, le 10 janvier 2013,

Le juge des référés, Le greffier,

Signé : G. Z Signé : A. DAVY

La République mande et ordonne à la préfète de Seine-et-Marne en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

Le greffier

A. DAVY



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