Tribunal administratif de Montreuil, 2ème chambre, 17 juillet 2023, n° 2214218
Sur la décision
Référence : | TA Montreuil, 2e ch., 17 juill. 2023, n° 2214218 |
Juridiction : | Tribunal administratif de Montreuil |
Numéro : | 2214218 |
Importance : | Inédit au recueil Lebon |
Type de recours : | Excès de pouvoir |
Dispositif : | Sursis à statuer |
Date de dernière mise à jour : | 20 juillet 2023 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 septembre 2022, 28 janvier, 13 mars et 7 avril 2023, Mme C E, représentée par Me Heddi, demande au tribunal :
1°) de l’admettre provisoirement à l’aide juridictionnelle ;
2°) d’annuler l’arrêté n° 2022-2044 du 21 juillet 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis déclarant cessibles les biens immobiliers et emportant transfert de gestion de dépendances du domaine public, portant sur des emprises en surface à acquérir en vue de la réalisation sur le territoire de la Seine-Saint-Denis de la ligne 15 Est du réseau complémentaire du réseau de transport public du Grand Paris entre Saint-Denis Pleyel (gare exclue) et Champigny centre sur la commune de Bondy, en tant qu’il déclare cessible la parcelle cadastrée n° AU 103 située 4 bis rue Etienne Dolet ;
3°) d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d’informer le juge de l’expropriation du jugement d’annulation à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
— l’arrêté attaqué est entaché d’illégalité, dès lors que la déclaration d’utilité publique (DUP) du 13 février 2017 modifiée est elle-même entachée d’incompétence, dans la mesure où elle relevait des dispositions du 4° de l’article R. 121-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, dès lors que la ligne 15 Est appartient au réseau ferré national, et dès lors que le projet de ligne 15 Est met en œuvre le schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris (RTPGP) au sens des dispositions de l’article 4 de la loi du 3 juin 2010, et relevait, par suite, de la compétence du Premier ministre ;
— il est entaché d’illégalité, dès lors que la DUP du 13 février 2017 modifiée est elle-même illégale, dans la mesure où l’étude d’impact est entachée d’insuffisances, constituées par les circonstances selon lesquelles les poids-lourds chargés d’évacuer les déblais du chantier ne seront pas en mesure, au regard de leur poids, de la fragilité et de la largeur du pont Jules Ferry, de circuler sur ce dernier, qu’ils devront emprunter des axes du centre-ville eux-mêmes interdits aux poids-lourds au-delà d’un certain tonnage, et que ce flux de circulation lié aux rotations des poids lourds n’est pas mentionné, ni matérialisé sur le plan de circulation, de sorte que la configuration du chantier de la gare de Bondy est erronée et que cela a nui à l’information du public, la fermeture de la passerelle piétonne qui traverse les voies ferrées et relie la route de Villemomble à la gare de Bondy afin de la transformer en bande transporteuse des déblais engendrera des difficultés d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite (PMR), dès lors que ces dernières devront emprunter soit le pont Jules Ferry, dangereux et très étroit, soit un souterrain réservé aux usagers de la SNCF non adapté aux PMR, l’étude d’impact se borne à considérer le flux « sortant » des poids lourds « au départ du chantier des gares » et ne tient pas compte du flux « entrant » des poids lourds nécessaires à l’acheminement des matériaux et engins de génie civil, le trafic routier des poids-lourds circulant sur les voies communales n’est pas mesuré, l’étude d’impact ne tient pas compte des incidences du flux de poids lourds à proximité immédiate de la crèche Janusz Korczak, qui n’est pas identifiée comme un bâtiment sensible au titre des nuisances sonores, et dont la sensibilité est évaluée à tort, à « moyenne » s’agissant des nuisances sonores, l’impact des nuisances sonores et l’impact résiduel de ces nuisances autour de la gare de Bondy sont considérés, à tort, comme « fort » et « moyen » ;
— il est entaché d’illégalité, dès lors que la DUP modificative n° 2 du 2 décembre 2021 est elle-même illégale, dans la mesure où l’étude d’impact ne décrit pas les solutions de substitution raisonnables au projet, telles que l’élargissement du ont Jules Ferry ou l’évacuation des déblais par voie ferrée, ni les raisons des choix opérés ;
— l’arrêté attaqué est entaché d’illégalité, dès lors que la DUP modificative n° 2 est elle-même illégale, dans la mesure où la séquence éviter, réduire, compenser (ERC) est insuffisante autour du chantier de la gare de Bondy, notamment s’agissant de l’exposition de la crèche Janusz Korczak aux nuisances sonores du chantier ;
— l’arrêté attaqué est entaché d’illégalité, dès lors que la DUP modificative n° 2 est elle-même illégale, dans la mesure où le projet est dépourvu d’utilité publique, dès lors que l’extension de l’emprise du chantier de la gare de Bondy ne sera que temporairement affectée au stockage des déblais et à l’installation de la centrale à béton et permettra en réalité l’implantation de futurs projets immobiliers très lucratifs, que la parcelle dont elle est propriétaire est sans rapport avec le projet, dès lors qu’il n’est pas établi qu’elle est indispensable à la conduite du chantier, puisque la société du Grand Paris, qui justifie l’extension de l’emprise par une réponse apportée à une recommandation de la commission d’enquête publique en 2017, s’est en réalité méprise sur la portée de cette recommandation, que l’utilisation de cette emprise pour le stockage des déchets est incertaine au stade de la conduite du chantier, alors même que le maître d’œuvre en charge de la conduite du chantier n’a pas encore déterminé les modalités d’utilisation de cette emprise, et, enfin, que l’évacuation des déblais ne sera, en tout état de cause, pas possible via le pont Jules Ferry ou par d’autres axes routiers de la commune de Bondy, en raison des mesures de limitation de tonnage des poids-lourds applicables, de sorte que la société du Grand Paris sera contrainte d’élargir le pont Jules Ferry ou de construire un nouveau pont, ou d’évacuer les déblais par voie ferrée, de sorte que l’extension du chantier et l’expropriation de sa parcelle sont, par suite, inutiles ;
— l’arrêté attaqué méconnait les dispositions de l’article R. 132-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, dès lors qu’il ne porte que sur les parcelles déclarées cessibles sur le territoire de la commune de Bondy, alors que l’ensemble des parcelles déclarées cessibles, y compris celles situées sur les territoires de la commune de Saint-Denis et du département du Val-de-Marne auraient dû y être incluses, au titre d’un arrêté de cessibilité unique ;
— il méconnait les dispositions de l’article L. 132-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, dès lors que l’inclusion de la parcelle dont la requérante est propriétaire au sein du périmètre de l’expropriation n’était pas nécessaire à la réalisation de l’opération, dans la mesure où le stockage de déblais sur cette emprise de chantier déportée n’est pas nécessaire à la réalisation de la ligne 15 Est et qu’il n’est pas établi que cette emprise sera utilisée pour le stockage des déblais.
Mme E a maintenu sa requête les 27 octobre et 28 décembre 2022, en application des dispositions de l’article R. 612-5-2 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu’aucun des moyens soulevés par la requérante n’est fondé.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 février, 31 mars et 24 avril 2023, la société du Grand Paris, représentée par Me Cloëz, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de la requérante une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu’aucun des moyens soulevés par la requérante n’est fondé.
Les parties ont été informées, par courrier du 20 juin 2023, de ce que le tribunal était susceptible de surseoir à statuer, dans l’attente de la régularisation, d’une part, des insuffisances et inexactitudes de l’étude d’impact du dossier d’enquête publique relatif à la déclaration d’utilité publique modificative attaquée par la voie de l’exception s’agissant du plan de circulation des poids lourds entre l’emprise du chantier, l’emprise déportée et les lieux d’évacuation des déchets autour de la gare de Bondy, des incidences sur la qualité de l’air et la pollution atmosphérique, ainsi que des incidences des nuisances sonores liées à cette circulation et à la présence d’une centrale à béton, et, d’autre part, des insuffisances des mesures prévues au titre de la séquence « Eviter Réduire Compenser » pour préserver le lieu sensible constitué par la crèche Janusz Korczak rue Etienne Dolet, et, par voie de conséquence, de surseoir également à statuer sur la légalité de l’arrêté de cessibilité attaqué.
Un mémoire en réponse, enregistré le 20 juin 2023 pour Mme E, a été communiqué.
Vu :
— l’arrêté attaqué ;
— les autres pièces du dossier.
Vu :
— le code de l’environnement ;
— le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
— le code des transports ;
— le décret n° 2002-1359 13 novembre 2002 fixant la consistance du réseau ferré national ;
— le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
— le rapport de Mme Hardy, rapporteure,
— les conclusions de M. Löns, rapporteur public,
— les observations de Me Heddi, représentant Mme E, de M. D, représentant le préfet de la Seine-Saint-Denis, et de Me Sienack et de M. B, représentant la société du Grand Paris.
Une note en délibéré a été enregistrée pour la société du Grand Paris le 30 juin 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté n° 2022-2044 du 21 juillet 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré cessibles les biens immobiliers emportant transfert de gestion de dépendances du domaine public portant sur des emprises en surface à acquérir en vue de la réalisation sur le territoire de la Seine-Saint-Denis de la ligne 15 Est du réseau complémentaire du réseau de transport public du Grand Paris entre Saint-Denis Pleyel (gare exclue) et Champigny centre sur la commune de Bondy. Par la présente requête, Mme C E doit être regardée comme demandant au tribunal l’annulation de cet arrêté en tant qu’il déclare cessible la parcelle cadastrée n° AU 103 située 4 bis rue Etienne Dolet, dont elle est propriétaire.
Sur l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Dans les cas d’urgence (), l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président »
3. Il ressort des pièces du dossier que par une décision du 3 novembre 2022, postérieure à l’introduction de la requête, le bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bobigny a fait droit à la demande d’aide juridictionnelle totale déposée par Mme E le 4 octobre 2022. Par suite, il n’y a plus lieu de statuer sur sa demande d’admission provisoire à cette aide.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
En ce qui concerne les moyens soulevés par la voie de l’exception et dirigés contre l’arrêté du 20 juin 2018 modifiant la déclaration d’utilité publique du 13 février 2017 :
S’agissant de l’incompétence des auteurs de la déclaration d’utilité publique :
4. Aux termes du premier alinéa de l’article 4 la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris : « Les projets d’infrastructures qui mettent en œuvre le schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris sont déclarés d’utilité publique par décret en Conseil d’Etat () ». Aux termes de l’article 3 de la même loi : « I. -Le schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris () est établi après avis des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération intercommunale, s’ils sont compétents en matière d’urbanisme ou d’aménagement, de l’association des maires d’Ile-de-France, du syndicat mixte » Paris-Métropole « , du Syndicat des transports d’Ile-de-France et de l’atelier international du Grand Paris. Le public est également associé au processus d’élaboration de ce schéma. A cette fin, un débat public est organisé par la Commission nationale du débat public, conformément au présent article. () V.- Dans un délai de deux mois à compter de la date de clôture du débat public, le président de la Commission nationale du débat public en publie le compte rendu et le bilan (). Dans un délai de deux mois suivant la publication de ce bilan, l’établissement public » Société du Grand Paris « , par un acte motivé qui est publié, indique les conséquences qu’il tire de ce bilan pour le schéma d’ensemble qui a fait l’objet du débat public. () Il précise le schéma d’ensemble retenu et les modifications éventuellement apportées ainsi que les conditions prévues pour sa mise en œuvre () ».
5. Aux termes de l’article L. 2111-1 du code des transports, dans sa rédaction alors applicable : « La consistance et les caractéristiques principales du réseau ferré national sont fixées par voie réglementaire () ». Aux termes de l’article 1er du décret du 13 novembre 2002 susvisé : " Le réseau ferré national est constitué des lignes ou sections de lignes de chemin de fer suivantes : / – lignes concédées par l’Etat à la Société nationale des chemins de fer français avant le 31 décembre 1982 et non retranchées du réseau ferré national ; / – lignes ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique depuis le 1er janvier 1983 et mises en exploitation par la Société nationale des chemins de fer français ou par Réseau ferré de France ; / – lignes incorporées au réseau ferré national et non retranchées de ce réseau ; / – lignes dites « voies mères d’embranchement », établies dans les conditions prévues par le décret du 5 mai 1997 susvisé ou en application de dispositions antérieures régissant leur établissement et non retranchées du réseau ferré national « . Aux termes de l’article 2 de ce même décret : » La liste des lignes ou sections de lignes composant le réseau ferré national est annexée à l’arrêté prévu au troisième alinéa de l’article 2 du décret du 5 mai 1997 susvisé ".
6. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 121-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « L’utilité publique est déclarée par l’autorité compétente de l’Etat ». Aux termes du I de l’article R. 121-1 de ce code : " () l’utilité publique est déclarée : / – soit par arrêté du préfet du lieu où se trouvent les immeubles faisant l’objet de l’opération lorsqu’ils sont situés sur le territoire d’un seul département ; / – soit par arrêté conjoint des préfets concernés, lorsque l’opération porte sur des immeubles situés sur le territoire de plusieurs départements « . Aux termes de l’article R. 121-2 du même code : » Sont déclarés d’utilité publique par décret en Conseil d’Etat : / () 4° Les travaux de création ou de prolongement de lignes du réseau ferré national d’une longueur supérieure à 20 kilomètres, à l’exclusion des travaux d’aménagement et de réalisation d’ouvrages annexes sur le réseau existant () ".
7. D’une part, ainsi que l’a au demeurant jugé le tribunal par le jugement nos 1807799, 1807921, 1807985, 1807987 du 28 février 2019 par lequel il a statué sur des requêtes dirigées contre l’arrêté du 20 juin 2018, l’atlas géographique et l’acte motivé prévu par l’article 3 précité de la loi du 3 juin 2010, qui composent le schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris approuvé par décret n° 2011-1011 du 24 août 2011, distinguent le tracé de référence du réseau de transport public du Grand Paris, composé des lignes rouge, bleue et verte, du tracé du réseau complémentaire mentionné à titre indicatif, « ne préjugeant en rien des décisions des maitres d’ouvrages concernés », et qui n’apparaît pas dans le plan intitulé « Tracés et gares du réseau de transport public du grand Paris » figurant dans l’atlas. Dès lors, la déclaration d’utilité publique des travaux de réalisation de la ligne orange, qui fait partie de ce réseau complémentaire dont la maîtrise d’ouvrage, déléguée à la Société du Grand Paris, appartenait en premier lieu au Syndicat des transports d’Île-de-France, ne peut être regardée comme mettant en œuvre le schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris.
8. D’autre part, il résulte des dispositions précitées des articles L. 2111-1 du code des transports et 1er du décret du 13 novembre 2002 que la ligne 15 Est / orange ne figure pas parmi les lignes concédées à la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF) ou mises en exploitation par elle ou Réseau Ferré de France (RFF), ni parmi les lignes ou voies mères d’embranchement ayant fait l’objet d’une incorporation expresse au réseau, et la circonstance que le projet du Grand Paris soit reconnu, par la loi du 3 juin 2010, comme d’intérêt national et que cette loi confie la création du réseau à l’Etat ne suffit pas à faire de cette infrastructure une composante du réseau ferré national.
9. Il résulte de ce qui précède que l’arrêté attaqué devait être édicté dans les conditions prévues par les dispositions des articles L. 121-1 et R. 121-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique précitées, ce qui est le cas en l’espèce, dès lors qu’il a été édicté conjointement par les préfets de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, dans la mesure où l’opération déclarée d’utilité publique porte sur des immeubles situés sur les territoires des départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Par suite, Mme E n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté du 13 février 2017 déclarant d’utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de la ligne 15 Est / orange du réseau complémentaire du réseau de transport public du Grand Paris entre « Saint-Denis Pleyel » (gare exclue) et « Champigny centre » et emportant mise en compatibilité des documents d’urbanisme des communes de Saint-Denis, Aubervilliers, Pantin, Drancy, Bobigny, Noisy-le-Sec, Bondy, Rosny-sous-Bois, Fontenay-sous-Bois et Le Perreux-sur-Marne modifié le 20 juin 2018 et le 2 décembre 2021, est entaché d’incompétence.
S’agissant du dossier d’enquête publique :
Au regard des règles applicables et de l’office du juge :
10. En premier lieu, l’article 6 de l’ordonnance n° 2016-1058 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes, dans sa version issue de l’article 65 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017, dispose que cette ordonnance s’applique « aux projets faisant l’objet d’une évaluation environnementale systématique pour lesquels la première demande d’autorisation, notamment celle qui conduit à une déclaration d’utilité publique, est déposée à compter du 16 mai 2017 ».
11. Si les dispositions précitées imposent, en principe, d’appliquer les dispositions relatives à l’évaluation environnementale dans leur version antérieure à la réforme issue de l’ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 susvisée, il appartient toutefois au maître d’ouvrage, comme il sera dit au point 16, de produire, à l’occasion de la modification d’une déclaration d’utilité publique, les éléments du dossier soumis à enquête publique nouvellement requis par la réglementation. Par suite, il y a lieu de faire application des dispositions régissant l’évaluation environnementale dans leur rédaction à la date de l’arrêté attaqué.
12. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 122-2 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté attaqué : « I. – Les projets relevant d’une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l’objet d’une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l’article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. / A titre dérogatoire, les projets soumis à évaluation environnementale systématique qui servent exclusivement ou essentiellement à la mise au point et à l’essai de nouveaux procédés ou de nouvelles méthodes, pendant une période qui ne dépasse pas deux ans, font l’objet d’une évaluation environnementale après examen au cas par cas. / II. – Les modifications ou extensions de projets déjà autorisés, qui font entrer ces derniers, dans leur totalité, dans les seuils éventuels fixés dans le tableau annexé ou qui atteignent en elles-mêmes ces seuils font l’objet d’une évaluation environnementale ou d’un examen au cas par cas. / Les autres modifications ou extensions de projets soumis à évaluation environnementale systématique ou relevant d’un examen au cas par cas, qui peuvent avoir des incidences négatives notables sur l’environnement sont soumises à examen au cas par cas. / Sauf dispositions contraires, les travaux d’entretien, de maintenance et de grosses réparations, quels que soient les projets auxquels ils se rapportent, ne sont pas soumis à évaluation environnementale. / III. – Lorsqu’un même projet relève à la fois d’une évaluation environnementale systématique et d’un examen au cas par cas en vertu d’une ou plusieurs rubriques du tableau annexé, le maître d’ouvrage est dispensé de suivre la procédure prévue à l’article R. 122-3. L’étude d’impact traite alors de l’ensemble des incidences du projet, y compris des travaux de construction, d’installations ou d’ouvrages ou d’autres interventions qui, pris séparément, seraient en dessous du seuil de l’examen au cas par cas. / IV. – Lorsqu’un même projet relève de plusieurs rubriques du tableau annexé, une évaluation environnementale est requise dès lors que le projet atteint les seuils et remplit les conditions de l’une des rubriques applicables. Dans ce cas, une seule évaluation environnementale est réalisée pour le projet ».
13. Aux termes de l’article R. 122-5 de ce code, dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté attaqué : " I. – Le contenu de l’étude d’impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d’être affectée par le projet, à l’importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l’environnement ou la santé humaine. / II. – En application du 2° du II de l’article L. 122-3, l’étude d’impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d’incidences sur l’environnement qu’il est susceptible de produire : / 1° Un résumé non technique des informations prévues ci-dessous. Ce résumé peut faire l’objet d’un document indépendant ; / 2° Une description du projet, y compris en particulier : / – une description de la localisation du projet ; / – une description des caractéristiques physiques de l’ensemble du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition nécessaires, et des exigences en matière d’utilisation des terres lors des phases de construction et de fonctionnement ; / – une description des principales caractéristiques de la phase opérationnelle du projet, relatives au procédé de fabrication, à la demande et l’utilisation d’énergie, la nature et les quantités des matériaux et des ressources naturelles utilisés ; / – une estimation des types et des quantités de résidus et d’émissions attendus, tels que la pollution de l’eau, de l’air, du sol et du sous-sol, le bruit, la vibration, la lumière, la chaleur, la radiation, et des types et des quantités de déchets produits durant les phases de construction et de fonctionnement. / Pour les installations relevant du titre Ier du livre V du présent code et les installations nucléaires de base mentionnées à l’article L. 593-1, cette description pourra être complétée dans le dossier de demande d’autorisation en application des articles R. 181-13 et suivants et de l’article 8 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 modifié relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives ; / 3° Une description des aspects pertinents de l’état actuel de l’environnement, dénommée « scénario de référence », et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet ainsi qu’un aperçu de l’évolution probable de l’environnement en l’absence de mise en œuvre du projet, dans la mesure où les changements naturels par rapport au scénario de référence peuvent être évalués moyennant un effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des connaissances scientifiques disponibles ; / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l’article L. 122-1 susceptibles d’être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l’eau, l’air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement résultant, entre autres : / a) De la construction et de l’existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ; / b) De l’utilisation des ressources naturelles, en particulier les terres, le sol, l’eau et la biodiversité, en tenant compte, dans la mesure du possible, de la disponibilité durable de ces ressources ; / c) De l’émission de polluants, du bruit, de la vibration, de la lumière, la chaleur et la radiation, de la création de nuisances et de l’élimination et la valorisation des déchets ; / d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l’environnement ; / e) Du cumul des incidences avec d’autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l’utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l’environnement susceptibles d’être touchées. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l’étude d’impact : / – ont fait l’objet d’une étude d’incidence environnementale au titre de l’article R. 181-14 et d’une enquête publique ; / – ont fait l’objet d’une évaluation environnementale au titre du présent code et pour lesquels un avis de l’autorité environnementale a été rendu public. / Sont exclus les projets ayant fait l’objet d’un arrêté mentionnant un délai et devenu caduc, ceux dont la décision d’autorisation est devenue caduque, dont l’enquête publique n’est plus valable ainsi que ceux qui ont été officiellement abandonnés par le maître d’ouvrage ; / f) Des incidences du projet sur le climat et de la vulnérabilité du projet au changement climatique ; / g) Des technologies et des substances utilisées. / La description des éventuelles incidences notables sur les facteurs mentionnés au III de l’article L. 122-1 porte sur les effets directs et, le cas échéant, sur les effets indirects secondaires, cumulatifs, transfrontaliers, à court, moyen et long termes, permanents et temporaires, positifs et négatifs du projet ; / 6° Une description des incidences négatives notables attendues du projet sur l’environnement qui résultent de la vulnérabilité du projet à des risques d’accidents ou de catastrophes majeurs en rapport avec le projet concerné. Cette description comprend le cas échéant les mesures envisagées pour éviter ou réduire les incidences négatives notables de ces événements sur l’environnement et le détail de la préparation et de la réponse envisagée à ces situations d’urgence ; / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d’ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l’environnement et la santé humaine ; / 8° Les mesures prévues par le maître de l’ouvrage pour : / – éviter les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine et réduire les effets n’ayant pu être évités ; / – compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine qui n’ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S’il n’est pas possible de compenser ces effets, le maître d’ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l’estimation des dépenses correspondantes, de l’exposé des effets attendus de ces mesures à l’égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; / 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d’évitement, de réduction et de compensation proposées ; / 10° Une description des méthodes de prévision ou des éléments probants utilisés pour identifier et évaluer les incidences notables sur l’environnement ; / 11° Les noms, qualités et qualifications du ou des experts qui ont préparé l’étude d’impact et les études ayant contribué à sa réalisation ; / 12° Lorsque certains des éléments requis ci-dessus figurent dans l’étude de maîtrise des risques pour les installations nucléaires de base ou dans l’étude des dangers pour les installations classées pour la protection de l’environnement, il en est fait état dans l’étude d’impact. / III. – Pour les infrastructures de transport visées aux 5° à 9° du tableau annexé à l’article R. 122-2, l’étude d’impact comprend, en outre : / – une analyse des conséquences prévisibles du projet sur le développement éventuel de l’urbanisation ; / – une analyse des enjeux écologiques et des risques potentiels liés aux aménagements fonciers, agricoles et forestiers portant notamment sur la consommation des espaces agricoles, naturels ou forestiers induits par le projet, en fonction de l’ampleur des travaux prévisibles et de la sensibilité des milieux concernés ; / – une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité. Cette analyse comprendra les principaux résultats commentés de l’analyse socio-économique lorsqu’elle est requise par l’article L. 1511-2 du code des transports ; / – une évaluation des consommations énergétiques résultant de l’exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu’elle entraîne ou permet d’éviter ; / – une description des hypothèses de trafic, des conditions de circulation et des méthodes de calcul utilisées pour les évaluer et en étudier les conséquences. / Elle indique également les principes des mesures de protection contre les nuisances sonores qui seront mis en œuvre en application des dispositions des articles R. 571-44 à R. 571-52. / IV. – Pour les projets soumis à autorisation en application du titre Ier du livre II, l’étude d’impact vaut étude d’incidence si elle contient les éléments exigés pour ce document par l’article R. 181-14. / V. – Pour les projets soumis à une étude d’incidences en application des dispositions du chapitre IV du titre Ier du livre IV, le formulaire d’examen au cas par cas tient lieu d’évaluation des incidences Natura 2000 lorsqu’il permet d’établir l’absence d’incidence sur tout site Natura 2000. S’il apparaît après examen au cas par cas que le projet est susceptible d’avoir des incidences significatives sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ou si le projet est soumis à évaluation des incidences systématique en application des dispositions précitées, le maître d’ouvrage fournit les éléments exigés par l’article R. 414-23. L’étude d’impact tient lieu d’évaluation des incidences Natura 2000 si elle contient les éléments exigés par l’article R. 414-23. / VI. – Pour les installations classées pour la protection de l’environnement relevant du titre Ier du livre V du présent code et les installations nucléaires de base relevant du titre IX du livre V du code de l’environnement susmentionnée, le contenu de l’étude d’impact est précisé et complété en tant que de besoin conformément au II de l’article D. 181-15-2 du présent code et à l’article 9 du décret du 2 novembre 2007 susmentionné. / VII. – Afin de veiller à l’exhaustivité et à la qualité de l’étude d’impact : / a) Le maître d’ouvrage s’assure que celle-ci est préparée par des experts compétents ; / b) L’autorité compétente veille à disposer d’une expertise suffisante pour examiner l’étude d’impact ou recourt si besoin à une telle expertise ; / c) Si nécessaire, l’autorité compétente demande au maître d’ouvrage des informations supplémentaires à celles fournies dans l’étude d’impact, mentionnées au II et directement utiles à l’élaboration et à la motivation de sa décision sur les incidences notables du projet sur l’environnement prévue au I de l’article L. 122-1-1 ".
14. D’une part, il résulte de ces dispositions que le contenu de l’étude d’impact doit être proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d’être affectée par le projet, à l’importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l’environnement ou la santé humaine.
15. D’autre part, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.
16. Enfin, lorsqu’un projet déclaré d’utilité publique fait l’objet de modifications substantielles durant la période prévue pour procéder aux expropriations nécessaires, sans toutefois qu’elles conduisent à faire regarder celui-ci comme constituant un projet nouveau, il incombe à l’autorité compétente de porter une nouvelle appréciation sur son utilité publique au regard de ces changements et de modifier en conséquence la déclaration d’utilité publique initiale. Une telle modification, qui n’a pas pour effet de prolonger la durée pendant laquelle doivent être réalisées les expropriations, ne saurait toutefois légalement intervenir qu’à la suite d’une nouvelle enquête publique, destinée notamment à éclairer le public concerné sur la portée des changements ainsi opérés au regard du contexte dans lequel s’inscrit désormais le projet. La procédure de cette enquête publique et la composition du dossier sont régies par les dispositions applicables à la date de la décision modifiant la déclaration d’utilité publique. Il appartient donc au maître d’ouvrage, d’une part, de reprendre les éléments du dossier soumis à l’enquête publique initiale en les actualisant pour prendre en compte les modifications substantielles apportées au projet et les évolutions du contexte si ces dernières sont significatives, et, d’autre part, de produire les éléments du dossier soumis à enquête publique nouvellement requis par la réglementation.
17. Il résulte de ce qui précède qu’à l’occasion d’un recours contre une déclaration d’utilité publique modificative, l’incomplétude du dossier soumis à la nouvelle enquête publique ne peut être utilement invoquée qu’en ce qui concerne, outre les éléments nouvellement requis par la réglementation, les inexactitudes, omissions ou insuffisances relatives, d’une part, aux modifications substantielles apportées au projet et, d’autre part, aux évolutions significatives du contexte. Il appartient aux parties qui invoquent l’existence de ces lacunes de justifier qu’elles se rapportent soit à des modifications substantielles opérées par la déclaration d’utilité publique modificative, soit à des évolutions significatives du contexte.
Au regard de la complétude de l’étude d’impact :
18. Il est constant que la déclaration d’utilité publique modificative n° 1 du 20 juin 2018 a pour objet, notamment, de modifier l’emprise du chantier de la gare de Bondy et d’instituer un plan de circulation des poids-lourds pour la gestion de l’approvisionnement et de l’évacuation des déblais du chantier. Par suite, les inexactitudes et insuffisances invoquées par Mme E, liées au plan de circulation et des flux des poids-lourds autour du chantier de la gare de Bondy, aux solutions d’évacuation des déchets, à la circulation des piétons et des personnes à mobilité réduite durant la conduite du chantier, aux incidences et à l’évaluation des nuisances sonores et de la qualité de l’air autour du chantier se rapportent à des modifications substantielles opérées par cette déclaration d’utilité publique et peuvent être utilement invoquées.
19. D’une part, il ressort de l’étude d’impact que celle-ci prévoit que les poids-lourds qui approvisionnent le chantier et évacuent les déblais feront des rotations autour des axes routiers de la route de Villemomble, de la rampe du Pont et de la rue Étienne Dolet, et emprunteront également le pont Jules Ferry. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le pont Jules Ferry est soumis à une limitation de tonnage des véhicules depuis 1958, soit antérieurement à l’arrêté litigieux. Cette circonstance induisant nécessairement l’impossibilité de mettre en œuvre le plan de circulation des poids-lourds autour de l’emprise du chantier de la gare de Bondy, et donc le plan d’approvisionnement et d’évacuation des déblais, Mme E est fondée à soutenir que l’étude d’impact est entachée d’une inexactitude du plan de circulation des poids-lourds. Eu égard à l’importance des nuisances induites par ces rotations, cette inexactitude a eu pour effet de nuire à l’information complète de la population.
20. Ensuite, il ressort de l’étude d’impact qu’aucune information n’y figure à propos des incidences de la centrale à béton sur la qualité de l’air et que, s’agissant du flux des poids lourds, il est indiqué qu’en l’absence de données de trafic précises et d’étude sur la circulation routière locale, aucune comparaison ne peut être réalisée entre les flux routiers locaux avant et pendant les travaux. Il s’ensuit que l’incidence des travaux sur la pollution de l’air dans l’emprise déportée de la gare de Bondy, et, particulièrement, à proximité immédiate de la crèche Janusz Korczak, située à une dizaine de mètres de l’emprise déportée du chantier, qui, eu égard à la circulation prévue et à la sensibilité de cet établissement, est notable, n’est pas décrite par l’étude d’impact. Dès lors que cette omission a eu pour effet de nuire à l’information complète de la population, Mme E est fondée à soutenir que la procédure est entachée d’un vice.
21. D’autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, l’étude d’impact ne se borne pas à envisager le flux sortant des poids lourds au départ du chantier des gares, à l’exclusion du flux entrant nécessaire à l’acheminement des matériaux et engins de génie civil. Par ailleurs, l’étude d’impact relève qu’une partie du trafic routier des poids-lourds circulera sur les voies communales et tient compte des incidences du flux de circulation des poids lourds à proximité immédiate de la crèche Janusz Korczak, cette dernière étant, au demeurant, bien identifiée comme un bâtiment sensible au regard des nuisances sonores engendrées par le projet. A cet égard, si la requérante soutient que les nuisances sonores dans le secteur du chantier de la gare de Bondy ont été à tort évaluées comme « fortes », elle n’établit pas que cette appréciation serait entachée d’une inexactitude. En outre, la pièce G4 comportant le résumé non technique de l’étude d’impact fait état de l’ensemble des solutions de substitution et des variantes qui ont été envisagées, à la fois, à l’échelle du projet et à l’échelle de chaque déplacement d’ouvrage et modification d’emprise de chantier.
22. Enfin, si la requérante soutient que la fermeture de la passerelle piétonne qui traverse les voies ferrées et relie la route de Villemomble à la gare de Bondy afin de la transformer en bande transporteuse des déblais engendrera des difficultés d’accessibilité pour les PMR, dès lors que ces dernières devront emprunter soit le pont Jules Ferry, dangereux et très étroit, soit un souterrain réservé aux usagers de la SNCF non adapté, ces éléments sont toutefois relatifs aux choix opérés sur le fond du projet et ne sont pas susceptibles d’entacher l’étude d’impact d’insuffisances.
S’agissant de l’analyse, dans l’étude d’impact, des mesures prévues au titre du 8° du II de l’article R. 122-5 du code de l’environnement relatives à la séquence éviter – réduire – compenser :
23. Aux termes de l’article L. 122-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « Dans les cas où les atteintes à l’environnement ou au patrimoine culturel que risque de provoquer un projet de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements le justifient, la déclaration d’utilité publique comporte, le cas échéant, les mesures prévues au I de l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement ».
24. Aux termes de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors applicable : « II.- Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine font l’objet d’une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d’entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l’autorité environnementale. / Pour la fixation de ces critères et seuils et pour la détermination des projets relevant d’un examen au cas par cas, il est tenu compte des données mentionnées à l’annexe III de la directive 2011/92/ UE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. / III.- L’évaluation environnementale est un processus constitué de l’élaboration, par le maître d’ouvrage, d’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, dénommé ci-après » étude d’impact ", de la réalisation des consultations prévues à la présente section, ainsi que de l’examen, par l’autorité compétente pour autoriser le projet, de l’ensemble des informations présentées dans l’étude d’impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d’ouvrage. / L’évaluation environnementale permet de décrire et d’apprécier de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences notables directes et indirectes d’un projet sur les facteurs suivants : / 1° La population et la santé humaine ; / 2° La biodiversité, en accordant une attention particulière aux espèces et aux habitats protégés au titre de la directive 92/43/ CEE du 21 mai 1992 et de la directive 2009/147/ CE du 30 novembre 2009 ; / 3° Les terres, le sol, l’eau, l’air et le climat ; / 4° Les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage ; / 5° L’interaction entre les facteurs mentionnés aux 1° à 4°. / Les incidences sur les facteurs énoncés englobent les incidences susceptibles de résulter de la vulnérabilité du projet aux risques d’accidents majeurs et aux catastrophes pertinents pour le projet concerné. / Lorsqu’un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l’espace et en cas de multiplicité de maîtres d’ouvrage, afin que ses incidences sur l’environnement soient évaluées dans leur globalité. / IV.- Lorsqu’un projet relève d’un examen au cas par cas, l’autorité environnementale est saisie par le maître d’ouvrage d’un dossier présentant le projet afin de déterminer si ce dernier doit être soumis à évaluation environnementale. / V.- Lorsqu’un projet est soumis à évaluation environnementale, le dossier présentant le projet comprenant l’étude d’impact et la demande d’autorisation déposée est transmis pour avis à l’autorité environnementale ainsi qu’aux collectivités territoriales et à leurs groupements intéressés par le projet. / Les avis des collectivités territoriales et de leurs groupements, dès leur adoption, ou l’information relative à l’absence d’observations émises dans le délai fixé par décret en Conseil d’Etat sont mis à la disposition du public sur le site internet de l’autorité compétente lorsque cette dernière dispose d’un tel site ou, à défaut, sur le site de la préfecture du département. / L’avis de l’autorité environnementale fait l’objet d’une réponse écrite de la part du maître d’ouvrage. / VI. – Les maîtres d’ouvrage tenus de produire une étude d’impact la mettent à disposition du public, ainsi que la réponse écrite à l’avis de l’autorité environnementale, par voie électronique au plus tard au moment de l’ouverture de l’enquête publique prévue à l’article L. 123-2 ou de la participation du public par voie électronique prévue à l’article L. 123-19 ".
25. Aux termes de l’article R. 122-5 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors applicable : " II. () l’étude d’impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d’incidences sur l’environnement qu’il est susceptible de produire : / () 8° Les mesures prévues par le maître de l’ouvrage pour : éviter les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine et réduire les effets n’ayant pu être évités ; : – compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine qui n’ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S’il n’est pas possible de compenser ces effets, le maître d’ouvrage justifie cette impossibilité () ".
26. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 et 17 qu’à l’occasion d’un recours contre une déclaration d’utilité publique modificative, l’insuffisance des mesures destinées à éviter, compenser ou réparer les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ne peut être utilement invoquée qu’en ce qui concerne, outre ceux mis au jour à la suite d’éléments nouvellement requis par la réglementation, ceux afférents, d’une part, aux modifications substantielles apportées au projet et, d’autre part, aux évolutions significatives du contexte.
27. La requérante soutient que les mesures de la séquence « éviter, réduire et compenser » (ERC) sont insuffisantes en ce qui concerne la protection de la crèche Janusz Korczak contre le bruit lié à la circulation des poids lourds et au fonctionnement de la centrale à béton, alors que cette dernière se situe 5 rue Etienne Dolet, à environ 10 mètres de l’emprise du chantier de la gare de Bondy, et qu’aucune mesure particulière n’a été édictée pour limiter les nuisances sonores au sein des logements du secteur Montgolfier et au Perreux-sur-Marne. Il ressort de l’étude d’impact que ces zones sont classées en niveaux modéré à fort en termes de nuisances sonores liées au bruit aérien et de vibration et solidien durant la conduite du chantier. Ce même document, prévoit, au titre des mesures d’évitement et de réduction, l’instauration d’un dialogue avec les riverains et de mesures de suivi des nuisances, la sensibilisation du personnel, incluant la limitation de la circulation en marche-arrière, le traitement sonore des installations des engins et des matériels, grâce à l’utilisation de blocs néoprènes et d’écrans acoustiques amovibles, et, le cas échéant, le renforcement de l’isolement acoustique individuel de façade, ainsi qu’une organisation du chantier visant à l’éloigner, autant que possible, des zones et bâtiments sensibles. Toutefois, il est constant qu’aucune mesure spécifique à la crèche, qui, comme il a été dit, est située à environ 10 mètres de l’emprise du chantier, ne figure dans la synthèse des mesures pour éviter, réduire ou compenser les effets négatifs notables. Si le maître d’ouvrage soutient en défense que les nuisances sonores du chantier au niveau de la gare de Bondy seront réduites entre 13h et 15h afin de préserver au mieux le sommeil des enfants, l’amplitude du temps de sommeil des enfants en bas âge est largement supérieure à deux heures quotidiennes, et les poids lourds, la bande transporteuse et la centrale à béton sont susceptibles de créer de très fortes nuisances sonores tout au long de la journée. Compte tenu de la vulnérabilité des jeunes enfants et de l’impact potentiel sur leur développement d’une exposition durable à un fort niveau de bruit, Mme E est fondée à soutenir que les mesures de la séquence éviter – réduire – compenser envisagées par le maître d’ouvrage s’agissant des nuisances sonores du projet au niveau de la crèche sont manifestement insuffisantes.
S’agissant de l’utilité publique du projet :
28. Il appartient au juge, lorsqu’il doit se prononcer sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu’elle répond à une finalité d’intérêt général, que l’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente. Il lui appartient également, s’il est saisi d’un moyen en ce sens, de s’assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l’expropriation, que l’inclusion d’une parcelle déterminée dans le périmètre d’expropriation n’est pas sans rapport avec l’opération déclarée d’utilité publique.
29. Par ailleurs, lorsqu’un projet déclaré d’utilité publique fait l’objet de modifications substantielles durant la période prévue pour procéder aux expropriations nécessaires, sans toutefois qu’elles conduisent à faire regarder celui-ci comme constituant un projet nouveau, il incombe à l’autorité compétente de porter une nouvelle appréciation sur son utilité publique au regard de ces changements et de modifier en conséquence la déclaration d’utilité publique initiale.
30. En l’espèce, l’arrêté litigieux a pour objet de tenir compte de l’évolution des coûts et de la rentabilité socio-économique du projet du Grand Paris Express et de la ligne 15 Est, de déplacer des ouvrages et de modifier plusieurs emprises nécessaires à la conduite du chantier.
31. D’une part, il ressort des pièces du dossier que la nouvelle implantation des ouvrages OE 71 E 01 – Entonnement Rosny-Sous-Bois – Perrier, OA 6502P – rue de la Maladrerie, et 74E05 – Entonnement Jean-Baptiste Clément à Champigny, et des modifications des emprises de chantier sur les communes d’Aubervilliers (gare du Fort d’Aubervilliers), de Bobigny (OA 6801P – Rue Auguste Delaune, gare de Bobigny Pablo Picasso et gare de Pont de Bondy), de Bondy (OA 7001P – ZI Marcel Dassault), de Drancy (gare de Drancy-Bobigny), de Fontenay-sous-Bois (OA 7301P – Z.A. des Marais), de Nogent-sur-Marne (emprise déportée de la gare de Nogent – Le Perreux), de Noisy-le-Sec (gare de Pont de Bondy et OA 6901P – Avenue de Rosny), de Rosny-sous-Bois (OE 71E01 – Entonnement Rosny Bois-Perrier), et de Saint-Denis (OA 6401P – Canal Saint-Denis Puits Agnès), ont été rendues nécessaires afin d’améliorer les aspects techniques du chantier, notamment en termes de capacités de stockage et d’évacuation des déblais, d’assurer la maîtrise du calendrier des travaux, de le combiner à d’autres chantiers en cours, notamment celui de l’espace aquatique olympique du Fort d’Aubervilliers, de limiter ses incidences sur des réseaux structurants de gaz et d’assainissement et, autant que possible, de limiter l’exposition des riverains aux nuisances sonores, d’éviter des démolitions d’équipements publics et la destruction d’espaces boisés. S’agissant particulièrement de l’extension de l’emprise du chantier de la gare de Bondy, il ressort des pièces du dossier que cette dernière permettra d’installer un site de stockage des déblais issus des travaux de réalisation de la gare et alimenté par une bande convoyeuse traversant la voie ferrée, installation justifiée par la trop faible superficie du chantier de travaux situé au nord de la gare et la nécessité d’éviter qu’un flux quotidien de cinquante à soixante-quinze poids-lourds transportant les déblais circule dans la partie nord de la ville, plus densément peuplée, aux voies non adaptées et plus éloignée des grands axes, conformément aux recommandations de la commission d’enquête publique émises en 2017. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la circonstance, à la supposer établie, que la société du Grand Paris détient 60 % des terrains de l’emprise déportée du chantier, ou que l’élargissement du pont Jules Ferry ou la construction d’un nouveau pont auraient permis d’éviter le recours à l’expropriation des parcelles nécessaires au stockage des déblais. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modifications d’implantation des ouvrages et l’extension des emprises de chantier seraient de nature à remettre en cause la finalité d’intérêt général s’attachant à l’opération et que Société du Grand Paris était en mesure de réaliser la ligne 15 Est / orange dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation des parcelles concernées par ces modifications et extensions.
32. D’autre part, contrairement à ce que soutient Mme E, le caractère temporaire de l’acquisition parcellaire et la circonstance qu’elle sera finalement valorisée par la Société du Grand Paris, qui utilisera les parcelles afin de réaliser des projets immobiliers, et les circonstances que les modalités précises de l’utilisation de l’emprise par les entreprises chargées de la conduite du chantier est encore indéterminée et que certains axes routiers sont soumis à des limitations de tonnage ne sont pas de nature, notamment eu égard à ce qui a été dit au point 31, à considérer que l’inclusion de la parcelle dont elle est propriétaire dans le périmètre d’expropriation est sans rapport avec l’opération déclarée d’utilité publique.
33. Ensuite, eu égard aux bénéfices attendus du projet de réalisation de la ligne 15 Est / orange du réseau complémentaire du réseau de transport public du Grand Paris, ainsi que l’a au demeurant jugé le Tribunal par le jugement nos 1703348, 1703353, 1703362 du 14 juin 2018 par lequel il a statué sur des requêtes dirigées contre l’arrêté du 13 février 2017 de DUP initiale, puis par le jugement nos 1807799, 1807921, 1807985, 1807987 du 28 février 2019 par lequel il a statué sur des requêtes dirigées contre l’arrêté du 20 juin 2018 de DUP modificative n°1, qui a pour objectif de désenclaver l’Est francilien en apportant de nouvelles dessertes, d’améliorer le maillage du réseau francilien, particulièrement à l’Est, et d’accompagner le développement des territoires de l’Est francilien en améliorant notamment l’accessibilité aux emplois et aux universités pour 675 000 habitants, et grâce auquel la fréquentation d’une partie du réseau de transports collectifs, actuellement saturée, diminuera, en raison des correspondances assurées sur cette ligne avec 12 gares (métro, RER et tramway). En outre, la fréquentation de l’ensemble de la ligne 15 Est étant estimée entre 100 millions et 140 millions de voyageurs annuels, soit une moyenne d’environ 50 000 voyageurs à l’heure de pointe du matin, cette circonstance aura pour effet de désengorger les transports en commun actuels, qui demeurent insuffisants en termes de liaison des territoires concernés, et de limiter l’usage du véhicule personnel pour les trajets domicile – travail. L’opération conserve, par suite, sa finalité d’intérêt général.
34. Enfin, si les modifications opérées conduisent à une augmentation significative du coût global du projet, évalué initialement à 3,179 milliards d’euros et désormais évalué à 5,651 milliards d’euros, il ressort des pièces du dossier que cette augmentation est justifiée par les modifications de programmes et d’approfondissement des études techniques, la forte revalorisation de la provision pour risques, suite aux conclusions des différents rapports d’audit et réflexions méthodologiques sur la prise en compte des risques dans un projet d’ampleur inédite, initialement évaluée à 243 millions d’euros et réévaluée à 448 millions d’euros, la prise en compte d’une provision pour aléas et imprévus, ventilée sur chaque poste, à hauteur de 530 millions d’euros pour la ligne 15 Est, et par les retours d’expérience sur les marchés publics passés pour d’autres lignes du Grand Paris Express, notamment s’agissant du génie civil et du matériel roulant des lignes 15 sud, 16 et 17. En outre, la rentabilité du projet, estimée à 7,8 milliards d’euros, demeure élevée. Par ailleurs, les incidences liées aux ouvrages déplacés et aux emprises de chantier modifiées sont, pour la plupart, temporaires, pendant la durée de réalisation des travaux, et concernent des installations dont l’emprise a été limitée ou déplacée afin de tenir compte des nuisances subies par les riverains et de préserver les jardins familiaux et certains espaces boisés. Enfin, les modifications apportées répondent à des considérations de faisabilité, de calendrier et de coûts confortant la mise en œuvre du projet d’ensemble.
35. Par suite, et en dépit des atteintes à la propriété privée et des nuisances très importantes liées à la conduite du chantier auxquelles seront exposés les riverains, il ne ressort pas des pièces des dossiers que ces modifications seraient de nature à retirer à la DUP attaquée son caractère d’utilité publique.
En ce qui concerne la légalité de l’arrêté de cessibilité du 21 juillet 2022 :
36. Aux termes de l’article L. 132-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « L’autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l’expropriation est nécessaire à la réalisation de l’opération d’utilité publique. Elle en établit la liste, si celle-ci ne résulte pas de la déclaration d’utilité publique ». Aux termes de l’article R. 132-1 de ce même code : « Au vu du procès-verbal prévu à l’article R. 131-9 et des documents qui y sont annexés, le préfet du département où sont situées les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire les déclare cessibles, par arrêté () ».
37. Il résulte de ces dispositions qu’en cas de pluralité de parcelles à exproprier, le préfet doit, à l’issue de l’enquête parcellaire, prendre un seul arrêté de cessibilité mentionnant la liste de toutes les parcelles figurant au plan parcellaire pour lesquelles l’administration entend poursuivre la procédure d’expropriation. Elles imposent également à l’autorité administrative de faire figurer dans un même arrêté de cessibilité l’ensemble des parcelles appartenant à un même propriétaire, dont l’expropriation est poursuivie. Le respect de cette procédure, de nature à permettre de vérifier la conformité de l’expropriation avec l’opération autorisée par la déclaration d’utilité publique, présente un caractère substantiel.
38. D’une part, comme il a été dit au point 9, l’arrêté attaqué devait être édicté dans les conditions prévues par les dispositions des articles L. 121-1 et R. 121-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique précitées, et a été édicté conjointement par les préfets de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, dans la mesure où l’opération déclarée d’utilité publique porte sur des immeubles situés sur les territoires des départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Par suite, chaque préfet devant être regardé comme prononçant la cessibilité de l’ensemble des parcelles à exproprier situées dans le ressort de son département, les dispositions précitées ne font pas obstacle à ce que les parcelles expropriées, respectivement, sur le territoire du département de la Seine-Saint-Denis et sur le territoire du Val-de-Marne, fassent l’objet d’un arrêté de cessibilité distinct, et le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 132-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique doit être écarté.
39. D’autre part, il résulte de ce qui a été dit aux points 31 et 32 que l’inclusion de la parcelle n° AU 103 appartenant à Mme E dans le périmètre de l’expropriation pour cause d’utilité publique est nécessaire à la réalisation de l’opération projetée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
Sur la régularisation des vices entachant l’arrêté portant déclaration d’utilité publique du 20 juillet 2018 et, par voie de conséquence, l’arrêté de cessibilité contesté :
40. Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un arrêté déclarant d’utilité publique des travaux estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.
41. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l’intervention d’une décision corrigeant le vice dont est entaché l’arrêté attaqué. Un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de l’arrêté attaqué, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l’illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d’autres modalités, qu’il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.
42. Aucun autre moyen que les vices relevés aux points 19, 20 et 27 du présent jugement n’est susceptible de fonder l’illégalité de l’arrêté du 20 juillet 2018 et d’entraîner l’annulation de l’arrêté de cessibilité attaqué. Ces vices peuvent être réparés par la réalisation, à titre de régularisation, d’un plan précis de circulation des poids-lourds chargés de l’approvisionnement et de l’évacuation des déblais du chantier de la gare de Bondy prenant en considération les limitations et interdictions de circulation des poids-lourds applicables sur les axes routiers empruntés eu égard à leur tonnage, par l’insertion de données relatives aux incidences, s’agissant de la pollution de l’air, de la centrale à béton et des flux de poids-lourds sur les axes routiers locaux au sein du secteur de la gare de Bondy, et par la détermination de mesures suffisantes et adaptées de la séquence « éviter, réduire, compenser » s’agissant des nuisances sonores à proximité immédiate de la crèche Janusz Korzak, lesquels seront insérées au sein de l’étude d’impact, et soumises à une nouvelle procédure de consultation du public.
43. Eu égard aux modalités de régularisation ainsi fixées, les mesures de régularisation devront être notifiées au tribunal administratif dans un délai de douze mois à compter de la notification du présent jugement.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n’y pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme E tendant à son admission provisoire à l’aide juridictionnelle.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de Mme E pendant un délai de douze mois à compter de la notification du présent jugement en vue de la notification des mesures de régularisation prises selon les modalités mentionnées aux points 41 à 43.
Article 3 : Pendant la période mentionnée à l’article précédent, le préfet de la Seine-Saint-Denis et la société du Grand Paris fourniront au tribunal, au fur et à mesure de leur accomplissement, les actes entrepris en vue de la régularisation prévue à l’article précédent.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n’est pas statué par le présent jugement sont réservés jusqu’en fin d’instance.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme C E, au préfet de la Seine-Saint-Denis et à la Société du Grand Paris.
Délibéré après l’audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :
— Mme Katia Weidenfeld, présidente,
— Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
— Mme Marjorie Hardy, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2023.
La rapporteure,
M. Hardy
La présidente,
K. Weidenfeld
La greffière,
M. A
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Textes cités dans la décision
- Décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007
- Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
- Décret n°2002-1359 du 13 novembre 2002
- LOI n° 2010-597 du 3 juin 2010
- Ordonnance n°2016-1058 du 3 août 2016
- LOI n°2017-257 du 28 février 2017
- Code de justice administrative
- Code de l'environnement
- Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
- Code des transports