Tribunal administratif de Montreuil, 8ème chambre, 31 décembre 2024, n° 2411227
TA Montreuil
Annulation 31 décembre 2024

Arguments

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  • Accepté
    Insuffisance de motivation de la décision

    La cour a estimé que la décision du préfet portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M me E, justifiant ainsi l'annulation de l'arrêté.

  • Accepté
    Violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme

    La cour a jugé que le refus de titre de séjour était en contradiction avec les stipulations de l'article 8, compte tenu de la durée de sa présence en France et de sa communauté de vie.

  • Accepté
    Délivrance d'un certificat de résidence

    La cour a ordonné au préfet de délivrer le certificat de résidence dans un délai de deux mois, en raison de l'annulation de l'arrêté litigieux.

  • Accepté
    Droit à l'indemnisation en vertu de l'article L. 761-1

    La cour a décidé que l'Etat, partie perdante, devait verser à M me E la somme de 1 100 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 8e ch., 31 déc. 2024, n° 2411227
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 2411227
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 15 juin 2025

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 2 août 2024, Mme D A épouse E, représentée par Me Vitel, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 2 juillet 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours sous la même astreinte journalière et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler durant cet examen ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

— elle méconnaît le point 5) de l’article 6 de l’accord franco-algérien ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’exercice du pouvoir général de régularisation dont dispose le préfet ;

— elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’obligation de quitter le territoire français n’est pas motivée ;

— l’illégalité de la décision de refus de titre de séjour prive de base légale l’obligation de quitter le territoire français ;

— cette décision est entachée d’une erreur de droit dès lors que le préfet s’est cru en situation de compétence liée pour prononcer une mesure d’éloignement ;

— elle méconnaît le principe général du droit d’être entendu préalablement à toute décision individuelle défavorable ;

— elle méconnaît le point 1 de l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;

— la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale du fait de l’illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l’obligation de quitter le territoire français ;

— elle est insuffisamment motivée ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;

— la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale du fait de l’illégalité de la décision de refus de séjour et de l’obligation de quitter le territoire français ;

— elle méconnaît le point 1 de l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Guiral,

— et les observations de Me Dulac substituant Me Vitel, représentant Mme E.

Le préfet de la Seine-Saint-Denis n’était pas présent ni représenté.

Connaissance prise de la note en délibéré, présentée pour Mme E, enregistrée le 13 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E, ressortissante algérienne née le 10 juin 1978, demande l’annulation de l’arrêté du 2 juillet 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

2. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme E est entrée sur le territoire français le 15 juin 2019 munie de son passeport revêtu d’un visa de court séjour délivré par les autorités françaises. Contrairement à ce que mentionne l’arrêté litigieux, la requérante justifie, par les pièces suffisamment nombreuses et probantes qu’elle verse aux débats, notamment des documents médicaux et des factures de fournisseur d’énergie, qu’elle réside de manière habituelle en France depuis la date de son arrivée, soit depuis plus de cinq ans à la date d’édiction de l’arrêté litigieux. Par ailleurs, Mme E a épousé, le 6 janvier 2020, à L’Ile Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), M. B E, ressortissant algérien, titulaire d’un certificat de résidence de dix ans valable jusqu’au 9 janvier 2029, qui exerce la profession d’agent de sécurité. La communauté de vie du couple, au demeurant non contesté par le préfet, est établie au moins depuis la date de célébration du mariage par les pièces versées au dossier, soit depuis quatre ans et demi à la date d’édiction de l’arrêté litigieux. En outre, il est constant qu’une enfant est issue de cette union, la jeune C née le 6 octobre 2020 à Saint-Denis (93) et scolarisée depuis septembre 2022. Il ressort enfin des pièces du dossier que la sœur de la requérante, titulaire d’un certificat de résidence de dix ans valable jusqu’au 17 mars 2030, séjourne régulièrement en France. Dans ces conditions, alors même que Mme E serait susceptible de bénéficier de la procédure de regroupement familial, la décision de refus de titre de séjour porte, compte tenu notamment de la durée de sa présence en France et de l’ancienneté de sa communauté de vie avec son époux, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, en refusant son admission au séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que la décision du 2 juillet 2024 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de certificat de résidence de Mme E doit, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, être annulée. Il y a lieu, par voie de conséquence, d’annuler les décisions du même jour par lesquelles le préfet a obligé l’intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

5. L’exécution du présent jugement implique, compte tenu du motif sur lequel il se fonde, que le préfet territorialement compétent délivre à Mme E un certificat de résidence portant la mention « vie privée et familiale ». Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative et de lui enjoindre d’y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sans qu’il soit besoin, en revanche, d’assortir cette injonction de l’astreinte demandée.

6. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat, qui est la partie perdante, le versement à Mme E de la somme de 1 100 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du 2 juillet 2024 du préfet de la Seine-Saint-Denis est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à Mme E un certificat de résidence portant la mention « vie privée et familiale » dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L’Etat versera à Mme E la somme de 1 100 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme D A épouse E et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l’audience du 11 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

— M. Gauchard, président,

— M. Guiral, premier conseiller,

— Mme Lamlih, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.

Le rapporteur,

S. Guiral

Le président,

L. Gauchard

La greffière,

S. Jarrin

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
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