Tribunal administratif de Nantes, 10ème chambre, 21 juin 2023, n° 2301426
TA Nantes
Annulation 21 juin 2023

Arguments

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  • Accepté
    Défaut de motivation de la décision

    La cour a jugé que la décision de la commission était effectivement insuffisamment motivée, ce qui justifie son annulation.

  • Accepté
    Violation des droits des enfants

    La cour a estimé que l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale, et que leur situation justifie l'annulation de la décision.

  • Accepté
    Délai de délivrance des visas

    La cour a ordonné au ministre de délivrer les visas dans un délai d'un mois, sous peine d'astreinte, en raison de l'annulation de la décision de refus.

  • Accepté
    Droit à l'aide juridictionnelle

    La cour a décidé que l'État devait verser une somme pour les frais d'avocat, conformément aux dispositions légales sur l'aide juridictionnelle.

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 10e ch., 21 juin 2023, n° 2301426
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2301426
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 3 juin 2025

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête enregistrée le 27 janvier 2023 sous le n° 2301426, Mme C F et M. G B, agissant en leur nom et en qualité de représentants légaux des enfants D H B et I B, représentés par Me Pollono, demandent au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite née le 21 janvier 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions implicites de l’autorité consulaire française à Abidjan (Côte d’Ivoire) refusant de délivrer à D H B et I B des visas d’entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur et des outre-mer de délivrer les visas sollicités, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer les demandes de visas, dans les mêmes conditions de délai et d’astreinte,

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 800 euros à verser à Me Pollono en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’elle renonce à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

— la décision contestée est entachée d’un défaut de motivation faute pour la commission d’avoir répondu à la demande de motifs qui lui a été adressée ;

— elle méconnaît l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui doit être interprété de manière à ne pas créer de discrimination entre les enfants selon qu’ils sont ou pas accompagnés d’un de leur parent ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.

La requête a été communiquée au ministre de l’intérieur, qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 30 janvier 2023, la clôture d’instruction a été fixée au 30 mars 2023.

M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2023.

II. Par une requête enregistrée le 4 avril 2023 sous le n° 2304877, Mme C F et M. G B, agissant en leur nom et en qualité de représentants légaux des enfants D H B et I B, représentés par Me Pollono, demandent au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 9 mars 2023 par laquelle le ministre de l’intérieur a, en exécution de l’ordonnance du juge des référés n° 2301381 du 22 février 2023 lui ordonnant de réexaminer les demandes de visas d’entrée et de long séjour en France pour D H B et I B, rejeté lesdites demandes ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur et des outre-mer de délivrer les visas sollicités, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer les demandes de visas, dans les mêmes conditions de délai et d’astreinte,

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 800 euros à verser à Me Pollono en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’elle renonce à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle ;

Ils soutiennent que :

— la décision contestée est entachée d’une insuffisance de motivation ;

— elle méconnaît l’autorité de la chose jugée par l’ordonnance du juge des référés du 22 février 2023 ;

— elle méconnaît l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui doit être interprété de manière à ne pas créer de discrimination entre les enfants selon qu’ils sont ou pas accompagnés d’un de leur parent ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

— elle méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.

La requête a été communiquée au ministre de l’intérieur, qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 17 avril 2023, la clôture d’instruction a été fixée au 22 mai 2023 à 17h00.

M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 7 avril 2023.

Vu :

— les autres pièces des dossiers ;

— l’ordonnance n°2301381 du 22 février 2023 par laquelle le juge des référés a suspendu l’exécution de la décision implicite du 21 janvier 2023.

Vu :

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Rimeu, rapporteuse,

— et les observations de Me Neve, substituant Me Pollono, avocate des requérants.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 2301426 et 2304877 concernent les mêmes demandes de visa et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. E A B, née le 11 mai 2020 de Mme C F et M. G B, ressortissants ivoiriens, s’est vu reconnaître la qualité de réfugiée par une décision de l’office français de protection des réfugiés et des apatrides du 24 février 2022. Le 14 septembre 2022, des demandes de visas d’entrée et de long séjour en France ont été déposées auprès de l’autorité consulaire française à Abidjan pour ses sœurs, D H B née le 28 décembre 2005, et I B née le 14 mai 2014. Les refus opposés à ces demandes ont fait l’objet d’un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France, lequel a été implicitement rejeté par une décision née le 21 janvier 2023, à laquelle s’est substituée une décision expresse de rejet du 9 mars 2023. Par la requête n° 2301426, Mme F et M. B, qui demandent l’annulation de la décision implicite née le 21 janvier 2023, doivent donc être regardés comme demandant l’annulation de cette décision de la commission du 9 mars 2023. Par ailleurs, par une ordonnance n° 2301381 du 22 février 2023 le juge des référés a suspendu la décision implicite née le 21 janvier 2023 et a enjoint au ministre de réexaminer la demande des deux enfants. Par une décision du 9 mars 2023 prise en exécution de cette ordonnance, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a refusé de délivrer les visas sollicités. Par la requête n° 2304877, Mme F et M. B demandent l’annulation de cette décision du ministre de l’intérieur et des outre-mer du 9 mars 2023.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision de la commission du 9 mars 2023 :

3. Aux termes du premier paragraphe de l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant du 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale () ».

4. Il est constant que D H et I B sont les filles de Mme C F et de M. G F et que le couple a deux autres enfants nés en France, Mohamed Kevin, né le 5 septembre 2018, et E A, née le 11 mai 2020, réfugiée en France. Il ressort des pièces du dossier et n’est, d’ailleurs, pas contesté que les deux filles D H et I B vivent en Côte d’Ivoire sans leurs parents, lesquels ne peuvent durablement s’y établir eu égard au statut de réfugiée de la jeune E A. Par ailleurs, l’aînée, D H, après avoir été séparée de sa mère lors de leur parcours d’exil en 2016 et été retenue pendant trois ans en Libye, a été excisée à son retour en Côte d’Ivoire par sa famille paternelle et risque désormais un mariage forcé. Sa sœur I vit également sous la menace de subir une excision et un mariage forcé. Dans ces conditions, il est de l’intérêt supérieur de ces deux enfants de rejoindre leur famille en France et les requérants sont fondés à soutenir que la décision de la commission méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l’article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête n° 2301426, que Mme F et M. B sont fondés à demander l’annulation de la décision de la commission du 9 mars 2023.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du ministre 9 mars 2023 :

6. La décision du ministre de l’intérieur du 9 mars 2023, qui a été prise en exécution d’une ordonnance du juge des référés, présentait, par sa nature même, un caractère provisoire jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours en annulation de la décision de rejet prise par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France. Dans ces conditions, les conclusions présentées par la partie requérante tendant à l’annulation de cette décision provisoire sont devenues sans objet. Il y a lieu, par suite, de constater qu’il n’y a pas lieu d’y statuer.

Sur les conclusions à fin d’injonction:

7. Le présent jugement, eu égard au motif d’annulation retenu, implique nécessairement qu’il soit enjoint au ministre de l’intérieur et des outre-mer de faire délivrer à D H B et I B les visas d’entrée et de long séjour sollicités dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.

8. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de prononcer contre l’Etat, à défaut pour lui de justifier de l’exécution du présent jugement dans un délai d’un mois à compter de sa notification, une astreinte de 100 euros par jour jusqu’à la date à laquelle ce jugement aura reçu exécution.

Sur les frais d’instance :

9. M. G B a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Il y a donc lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 200 euros à verser à son avocate, Me Pollono, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pollono renonce à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France du 9 mars 2023 est annulée.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 2304877 tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’intérieur et des outre-mer du 9 mars 2023.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l’intérieur et des outre-mer de faire délivrer à D H B et I B les visas de long séjour sollicités, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 4 : Une astreinte de 100 euros par jour est prononcée à l’encontre de l’Etat, s’il n’est pas justifié de l’exécution du présent jugement dans le délai mentionné à l’article 3 ci-dessus.

Article 5 : L’Etat versera à Me Pollono la somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’elle renonce à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme C F, à M. G B, au ministre de l’intérieur et des outre-mer et à Me Pollono.

Délibéré après l’audience du 12 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Rimeu, présidente,

Mme Louazel, conseillère,

M. Tavernier, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2023.

La présidente-rapporteuse,

S. RIMEU

L’assesseure la plus ancienne

dans l’ordre du tableau,

M. LOUAZELLa greffière,

S. JEGO

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2 et 2304877

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