Tribunal administratif de Nice, 9 juin 2015, n° 1305386
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« Laïcité : le mot sent la poudre »[1], et l'actualité récente, qui a amené le tribunal administratif de Grenoble à rendre son ordonnance du 25 mai 2022, n'est pas sans rappeler cette fameuse formule de J. Rivero. En effet, le 16 mai dernier, une délibération du conseil municipal de la ville de Grenoble a mis le feu aux poudres en approuvant le nouveau règlement intérieur des piscines municipales, dont l'article 10 a notamment pour effet d'autoriser le port du burkini dans les piscines de la ville. Considérant, de ce fait, que la délibération du conseil municipal était de nature à porter …
Sur la décision
Référence : | TA Nice, 9 juin 2015, n° 1305386 |
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Juridiction : | Tribunal administratif de Nice |
Numéro : | 1305386 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
Texte intégral
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE NICE
N° 1305386
___________
Mme Z Y
___________
M. B de Villefort
Rapporteur
___________
M. Laso
Rapporteur public
___________
Audience du 12 mai 2015
Lecture du 9 juin 2015
___________
24-01-02-01-01
C+
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif de Nice
(5e Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2013, présentée pour Mme Z Y, demeurant XXX à XXX par Me Guez Guez ; Mme Y demande au tribunal :
— d’annuler la décision par laquelle elle n’a pas été autorisée à accompagner les élèves participant à la sortie organisée le 6 janvier 2014 par l’école élémentaire Jules Ferry de Nice ;
— de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
— la décision attaquée est insuffisamment motivée, notamment en droit ;
— aucun texte n’interdit aux parents accompagnant une sortie scolaire d’exprimer de façon passive leurs croyances religieuses ;
— la décision attaquée méconnaît le principe d’égalité ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2014, présenté par le recteur de l’académie de Nice, qui conclut au rejet de la requête au motif qu’aucun des moyens n’est fondé ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 mai 2015, présenté pour Mme Y ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 mai 2015 :
— le rapport de M. B de Villefort,
— les conclusions de M. Laso, rapporteur public,
— les observations de Me Guez Guez pour Mme Y ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une mention inscrite le 16 décembre 2013 sur le carnet de liaison de son enfant, scolarisé en cours élémentaire deuxième année à l’école élémentaire Jules Ferry de Nice, Mme Y a été informée de ce que l’administration recherchait des parents désireux d’accompagner une sortie scolaire organisée le 6 janvier 2014. Mme Y a fait connaître sur ce même document qu’elle était disponible pour participer à cet accompagnement et a interrogé l’administration sur la possibilité de conserver son voile à cette occasion. Il lui a été répondu par la même voie que « Nous n’avons malheureusement plus le droit d’être accompagnés par les mamans voilées. Vous ne pourrez nous accompagner que si vous l’enlevez. ». Mme Y demande au tribunal d’annuler cette décision.
2. Les parents d’élèves autorisés à accompagner une sortie scolaire à laquelle participe leur enfant doivent être regardés, comme les élèves, comme des usagers du service public de l’éducation. Par suite, les restrictions à la liberté de manifester leurs opinions religieuses ne peuvent résulter que de textes particuliers ou de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service. Il ressort de l’énoncé même de la réponse apportée à la proposition de Mme Y d’accompagner la sortie scolaire organisée le 6 janvier 2014 que l’administration a refusé d’y donner suite en ne se prévalant ni d’une disposition légale ou règlementaire précise, ni de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision procède d’une erreur de droit est fondé.
3. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, Mme Y est fondée à soutenir que la décision par laquelle elle n’a pas été autorisée à accompagner une sortie scolaire organisée le 6 janvier 2014 par l’école élémentaire Jules Ferry de Nice est illégale et doit, par suite, être annulée.
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par Mme Y et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La décision par laquelle Mme Y n’a pas été autorisée à accompagner une sortie scolaire organisée le 6 janvier 2014 par l’école élémentaire Jules Ferry de Nice est annulée.
Article 2 : L’Etat versera à Mme Y une somme de 1000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme Z Y et à la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Copie en sera adressée au recteur de l’académie de Nice, à l’inspecteur de l’académie, directeur académique des services de l’éducation nationale des alpes-maritimes et au directeur de l’école élémentaire Jules Ferry de Nice.
Délibéré après l’audience du 12 mai 2015, à laquelle siégeaient :
M. Parisot, président,
M. X et M. B de Villefort, premiers conseillers ;
Lu en audience publique le 9 juin 2015.
Le rapporteur, Le président,
P. B de VILLEFORT B. PARISOT
Le greffier,
J. F
La République mande et ordonne à la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
Textes cités dans la décision
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