Tribunal administratif d'Orléans, 14 avril 2015, n° 1402125

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Orléans, 14 avr. 2015, n° 1402125
Juridiction : Tribunal administratif d'Orléans
Numéro : 1402125
Décision précédente : Tribunal administratif de Limoges, 12 novembre 2014, N° 1400026

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

d’ORLÉANS

N° 1402125

___________

EARL FLECHE-SCHEEPERS

___________

Ordonnance du 14 avril 2015

___________

im

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La vice-présidente

du tribunal administratif d’Orléans,

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2014, l’EARL Flèche-Scheepers représenté par son gérant M. Y, assisté par Me Forget de la société d’avocats Terresa, demande au tribunal :

1°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 12 600 euros correspondant au montant de son préjudice et de l’aide à l’engraissement des jeunes bovins qui lui a été refusée au titre de la campagne 2012, avec intérêts de droit à compter du 3 février 2014 ou, subsidiairement, la seule somme de 1 500 euros au titre de la faute commise par l’Etat en revenant sur l’engagement de verser cette aide ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2014, la préfète du Cher a conclu au rejet de la requête .

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la Constitution ;

— le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 ;

— le code rural et de la pêche maritime ;

— le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 ;

— le jugement n° 1400026 rendu le 13 novembre 2014 par le tribunal administratif de Limoges ;

— le code de justice administrative.

1- Considérant qu’aux termes de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : « (…) les présidents des formations de jugement peuvent, par ordonnance : (…) 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l’article L. 761-1 ou la charge des dépens ; 6° Statuer sur les requêtes relevant d’une série, qui présentent à juger en droit et en fait, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu’elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée (…) » ;

2- Considérant que la requête présentée par l’EARL Flèche-Scheepers, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présente à juger en droit et en fait des questions identiques à celles déjà tranchées ensemble par le jugement n°1400026 rendu le 13 novembre 2014 par le tribunal administratif de Limoges, devenu définitif ; que, par suite, il y a lieu de statuer sur la requête par voie d’ordonnance, en application des dispositions précitées du 6° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative ;

3- Considérant qu’en application de l’article 68 du règlement (CE) n° 73/2009 du 19 janvier 2009, le Conseil de l’Union européenne a prévu que les Etats membres pouvaient accorder un soutien spécifique aux agriculteurs notamment en vue de compenser les désavantages spécifiques dont souffrent certains agriculteurs dans le secteur, entre autres, de la viande bovine ; qu’en vertu du point 3 de cet article, ce soutien ne peut être octroyé que dans la mesure nécessaire pour encourager le maintien des niveaux de production actuels ; que, par circulaire du 12 avril 2012, le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire a défini les conditions d’octroi de la mesure de soutien spécifique à l’engraissement de jeunes bovins, présentée comme mise en œuvre en application de l’article 68 du règlement du Conseil rappelé ci-dessus et annoncée comme devant être versée au cours du premier semestre de l’année 2013 ; que, cependant, par une circulaire du 29 janvier 2013, le ministre, constatant que le seuil de cinquante animaux était contesté par certains professionnels qui l’estimaient excessif, que le montant unitaire serait finalement assez faible et que le décret qui devait intervenir pour la création de l’aide n’avait pas été signé, a retiré la circulaire du 12 avril 2012 ; que le requérant, qui soutient avoir procédé à l’engraissement de jeunes bovins dans les conditions prévues par la circulaire du 12 avril 2012, demande la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 12 600 euros, correspondant au montant de l’aide à laquelle il aurait pu prétendre en application de cette circulaire, ou subsidiairement une somme de 1 500 euros ;

4- Considérant, en premier lieu, que le droit de se prévaloir du principe général du droit de l’Union de la protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable auquel l’administration, dans une situation juridique régie par le droit de l’Union, a pu laisser espérer l’obtention d’une somme d’argent ; que, toutefois, le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives consistant, d’une part, en des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, d’autre part, en des assurances de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent et, de troisième part, en la conformité de ces assurances aux normes applicables ;

5- Considérant qu’en l’espèce, le ministre chargé de l’agriculture ne tenait d’aucune disposition législative ou réglementaire le pouvoir d’instaurer en France l’aide à l’engraissement de jeunes bovins ; qu’avant l’intervention du décret n° 2013-836 du 17 septembre 2013, aucun texte réglementaire n’était intervenu pour instaurer cette aide ; que le décret n° 2010-1585 du 16 décembre 2010 visé dans la circulaire du 12 avril 2012, ne concerne pas l’aide à l’engraissement de jeunes bovins ; qu’ainsi, compte tenu de l’incompétence du ministre chargé de l’agriculture pour créer une telle aide et pour en définir les conditions d’octroi sans qu’elle ait été régulièrement créée, la circulaire du 12 avril 2012 ne peut être regardée comme émanant d’une source autorisée et fiable ; qu’ainsi, les opérateurs désignés comme bénéficiaires de cette aide par la circulaire du ministre ne pouvaient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer de l’instauration de l’aide par un texte réglementaire, alors surtout qu’en l’espèce, les producteurs concernés devaient, pour bénéficier de l’aide, adhérer à une organisation de producteurs, laquelle devait être en mesure de s’assurer de la légalité de l’instauration de cette aide et d’en informer ses adhérents ;

6- Considérant que, ni la circonstance que la circulaire du 12 avril 2012 ait été publiée sur le site internet du ministère, conformément au décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008, ni la réponse du ministre chargé de l’agriculture à M. X, sénateur, publiée le 4 octobre 2012 et confirmant la décision de la France de soutenir le secteur de l’engraissement de jeunes bovins, ne constituent des circonstances exceptionnelles ayant pu légitimement fonder la confiance légitime du requérant dans le caractère régulier de l’instauration de l’aide à l’engraissement de jeunes bovins ;

7- Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le requérant ne peut se prévaloir d’une confiance légitime dans la régularité de l’aide à l’engraissement de jeunes bovins à laquelle il soutient pouvoir prétendre ;

8- Considérant, en second lieu, que la circulaire du 12 avril 2012 indique que « la France a décidé de mettre en œuvre une aide à l’engraissement de jeunes bovins en France métropolitaine à partir de la campagne 2012, afin d’apporter un soutien à un secteur de production économiquement fragile, de favoriser l’organisation et la professionnalisation de la filière au travers de la démarche obligatoire de contractualisation entre les producteurs engraisseurs et les abatteurs » ; que cette circulaire mentionne de manière précise et détaillée les conditions d’éligibilité à l’aide à l’engraissement de jeunes bovins pour la campagne 2012, les modalités et le délai de présentation des demandes et les engagements à prendre par le demandeur, ainsi que les contrôles du respect de la conditionnalité de l’aide ; que, si elle ne prévoit pas de montant unitaire précis, la circulaire indique le montant de l’enveloppe annuelle destinée à financer l’aide, le montant unitaire devant être défini ultérieurement en fonction du nombre d’animaux éligibles à l’aide ; que l’engagement de l’Etat français de verser une aide à l’engraissement de jeunes bovins aux opérateurs qui rempliraient les conditions prévues a été confirmé par la réponse ministérielle mentionnée au point 4 ci-dessus, selon laquelle « la France a ainsi décidé, à compter de l’année 2012, de soutenir le secteur de l’engraissement de jeunes bovins qui fait face à des difficultés économiques » par une aide « dotée d’un budget annuel de 8 millions d’euros » qui « s’appuiera jusqu’à la prochaine réforme de la PAC sur la base des dispositions actuelles » ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient l’administration, le ministre ne s’est pas borné à préparer la mise en place d’une aide à l’engraissement de jeunes bovins, mais a laissé supposer aux producteurs qui remplissaient les conditions posées qu’ils pourraient bénéficier d’une telle aide, en soutien financier de leur activité ;

9- Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, le ministre n’était pas compétent pour décider de l’instauration de l’aide à l’engraissement de jeunes bovins et des conditions mises à son attribution ; qu’ainsi, les engagements dont se prévaut le requérant étaient entachés d’illégalité ; qu’ils ne pouvaient, dès lors, être légalement tenus ; qu’ils ne l’ont d’ailleurs pas été, la circulaire du 29 janvier 2013 ayant retiré

, avant la période prévue pour le versement de l’aide, celle du 12 avril 2012 ; qu’en donnant aux producteurs concernés des assurances qui ne pouvaient être légalement suivies d’effet, le ministre chargé de l’agriculture a commis une faute de nature à engager, au moins partiellement, la responsabilité de l’Etat dans la mesure du préjudice qui a pu en résulter pour ceux-ci, sous réserve de tenir compte de l’imprudence commise par eux en agissant sur le fondement d’engagements dont ils ne pouvaient ignorer l’illégalité ;

10- Considérant, toutefois, que le requérant se borne à demander la condamnation de l’Etat à lui verser, l’aide à l’engraissement à laquelle il soutient qu’il aurait pu prétendre eu égard au nombre d’animaux éligibles qu’il a produits, et, une somme de 1 500 euros, mais n’apporte aucune précision sur la nature et l’étendue du préjudice qu’aurait entraîné pour lui l’annonce illégale de l’attribution d’une aide qui ne lui a pas été versée ; que le requérant ne produit notamment aucun élément sur sa situation personnelle permettant d’apprécier dans quelle mesure l’annonce de l’aide puis sa suppression ont pu préjudicier à ses intérêts ; qu’en l’absence, par ailleurs, d’éléments permettant d’estimer que le requérant aurait adopté un comportement économique, en particulier en exposant des coûts, en fonction de cette annonce, il ne peut être regardé comme justifiant d’un préjudice directement imputable aux engagements illégaux pris par l’Etat ;

11- Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée, que l’EARL Flèche-Scheepers n’est pas fondé à demander la condamnation de l’Etat à lui verser les sommes qu’il demande au titre de l’aide à l’engraissement de jeunes bovins ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12- Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande le requérant au titre des frais d’instance exposés et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de l’EARL Flèche-Scheepers est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l’EARL Flèche-Scheepers et au ministre de l’agriculture, de l’agro-alimentaire et de la forêt.

Une copie en sera adressée, pour information, à la préfète du Cher.

Fait à Orléans, le 14 avril 2015.

La vice-présidente,

Z A

La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture, de l’agro-alimentaire et de la forêt en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

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