Tribunal administratif de Paris, 4 février 2016, n° 1315259

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 4 févr. 2016, n° 1315259
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 1315259

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N° 1315259/1-1

________________

M. et Mme Y X

________________

M. Mas

Rapporteur

________________

M. Segretain

Rapporteur public

________________

Audience du 20 janvier 2016

Lecture du 4 février 2016

________________

19-01-03-03

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris

(1re Section – 1re Chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement les 18 octobre 2013, 4 juin 2014, 24 juin 2014, 3 juillet 2014, 4 septembre 2014 et 14 octobre 2014, M. et Mme Y X, représentés par Me Jacqueline Sollier, demandent au Tribunal :

1. de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2. de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— ils ont fait l’objet d’un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle sans avoir bénéficié des garanties attachées à cette procédure ;

— l’administration ne pouvait modifier les conséquences financières des rectifications en cours de procédure ;

— ils n’ont pas obtenu copie de l’ensemble des documents obtenus de tiers avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, malgré leur demande en ce sens ;

— la procédure suivie devant le comité de l’abus de droit fiscal a méconnu les droits de la défense ;

— l’administration n’a mis en évidence aucun désinvestissement, seule les modalités de détention des titres ayant été modifiées par une opération intercalaire devant rester fiscalement neutre ; ils n’ont pas appréhendé de liquidités permettant l’acquittement de l’impôt ;

— l’opération regardée par l’administration comme constitutive d’un abus de droit n’avait pas un but exclusivement fiscal ;

— l’abus de droit allégué par l’administration n’a pas permis d’atténuer la charge fiscale pesant sur eux, dès lors qu’un autre montage leur aurait permis de bénéficier du même sursis d’imposition ;

— l’abus de droit allégué par l’administration aboutit à traiter le gain prétendument réalisé comme une plus-value de cession de droits sociaux ;

— les motifs retenus par le comité de l’abus de droit ne justifient pas la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit fiscal ;

— l’administration n’était pas fondée à requalifier en avantage salarial une plus-value réalisée sur un investissement risqué, d’un montant significatif et réalisé à prix de marché ;

— l’administration n’établit pas l’existence d’une libéralité de 7,3 millions d’euros, la minoration alléguée du prix d’une option d’achat n’ayant pas été mise en évidence par les différentes expertises réalisées ;

— l’avantage constitué par cette libéralité alléguée n’a pu être accordé que par les autres associés de la société Compagnie de l’Audon ;

— la prescription du droit de reprise de l’administration fait obstacle à l’imposition au titre de l’année 2007 de ce prétendu avantage datant de 2004 ;

— la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit fiscal est exclusive d’une requalification des revenus correspondants dans la catégorie des traitements et salaires ;

— aucune pénalité pour abus de droit ne peut être appliquée en l’absence d’abus de droit ; le principe de sécurité juridique fait obstacle à l’application de telles pénalités dès lors que le comité de l’abus de droit considérait alors qu’une opération telle que celle en cause n’était pas constitutive d’un abus de droit ;

— l’administration n’établit aucune intention frauduleuse de Mme X ;

— en l’absence de bénéfices et réserves non encore distribués au capital de la société Compagnie de l’Audon au 31 décembre 2006, aucun revenu distribué ne pouvait être imposé sur le fondement de l’article 112 du code général des impôts ; ils peuvent se prévaloir à cet égard de la doctrine administrative ;

— l’imposition du gain allégué dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers méconnaît l’autorité de la chose jugée attachée à la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-404 QPC.

Par un mémoire en défense et des mémoires enregistrés respectivement les 2 mai 2014, 7 août 2014 et 11 mai 2015, la directrice en charge de la direction nationale de vérification des situations fiscales conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu’aucun des moyens invoqués n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014,

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Mas, rapporteur,

— les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

— et les observations de Me Sollier pour M. et Mme X.

1. Considérant qu’à la suite de vérifications de comptabilités de sociétés du groupe Wendel, dans lequel Mme X exerce des fonctions de direction, et du contrôle sur pièces de leur dossier fiscal, l’administration, mettant en œuvre la procédure de répression des abus de droit, a remis en cause le bénéfice, par les requérants, du régime du sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du code général des impôts au titre d’un gain réalisé au cours de l’année 2007 à l’occasion du rachat par la société Compagnie de l’Audon de ses propres titres à la société civile Gatsby, créée et contrôlée par eux ; qu’elle a, par suite, assigné à M. et Mme X des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l’année 2007, assorties notamment de la majoration de 40 %, dont les requérants sollicitent la décharge ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales : « Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l’impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l’envoi ou la remise d’un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix » ; qu’aux termes de l’article L. 48 du même livre : « à l’issue d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle au regard de l’impôt sur le revenu (…), lorsque des rectifications sont envisagées, l’administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 (…), le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu’à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l’administration modifie les rehaussements (…) cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement (…) » ;

3. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que si l’administration a procédé à des vérifications de comptabilités de sociétés du groupe Wendel et à un contrôle sur pièces des déclarations de M. et Mme X, elle n’a ainsi pas effectué d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de ces derniers au regard de l’impôt sur le revenu, dès lors qu’elle ne s’est livrée à aucun contrôle ayant pour objet de vérifier la cohérence entre les revenus et le patrimoine, la trésorerie ou le train de vie des intéressés ; qu’il suit de là que le moyen selon lequel le contrôle dont les requérants ont fait l’objet aurait dû être précédé de l’envoi ou de la remise d’un avis de vérification en application de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales ne peut qu’être écarté ;

4. Considérant, d’autre part que, pour les mêmes motifs, M. et Mme X ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l’article L. 48 du livre des procédures fiscales, qui ne sont pas applicables au contrôle sur pièces dont ils ont fait l’objet, ni par suite de l’erreur initialement commise par l’administration dans l’indication des conséquences financières des rectifications proposées, à laquelle elle n’était pas tenue de procéder ; que cette erreur de calcul, alors que les bases rectifiées d’imposition ont toujours été correctement indiquées aux contribuables, ne les ont pas privés de la possibilité de formuler ses observations ou de faire connaître leur acceptation ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales : « L’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 ou de la notification prévue à l’article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande » ; que cette obligation ne s’impose à l’administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications ;

6. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, en réponse à leur demande, l’administration a communiqué à M. et Mme X une copie des documents obtenus de tiers dont elle s’est servie pour fonder les rectifications ; que si les requérants font valoir qu’ils n’ont pas reçu une copie du rapport d’évaluation de la banque ABN AMRO, il résulte de l’instruction que l’administration ne leur a pas opposé la teneur de ce rapport pour fonder les rectifications en litige mais s’est bornée à procéder à sa propre évaluation selon la méthode dite « Black & Scholes » couramment utilisée par les professionnels et notamment dans ce rapport invoqué par les requérants, en modifiant certaines des données de fait et hypothèses retenues par la banque ABN AMRO ; qu’ainsi, ce rapport n’a pas davantage fondé les rectifications en litige au sens des dispositions précitées de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; qu’il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de communication prévue par cet article ne peut qu’être écarté ;

7. Considérant que si M. et Mme X soutiennent que l’administration a méconnu le principe de loyauté des débats en ne notifiant pas les actes de procédures à la société civile Harcelor alors que celle-ci est susceptible d’être recherchée solidairement au paiement des impositions en litige en application des dispositions du 1 du V de l’article 1754 du code général des impôts, ces dispositions n’instaurent une telle solidarité que pour le paiement des pénalités ; que ce moyen doit dès lors être écarté comme inopérant à l’encontre des droits en litige au principal ;

8. Considérant que, conformément aux dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, le sens de l’avis rendu par le comité de l’abus de droit fiscal, lorsque celui-ci a été régulièrement saisi par l’administration, ne peut avoir d’incidence que sur la charge de la preuve du bien-fondé des impositions en litige ; que les vices de forme ou de procédure susceptibles d’avoir entaché cet avis demeurent dès lors sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition et ne peuvent, le cas échéant, que faire obstacle à ce que le contribuable supporte la charge de la preuve du mal-fondé des impositions mises à sa charge conformément à un avis irrégulièrement rendu par le comité ;

Sur le bien-fondé de l’imposition

En ce qui concerne l’abus de droit retenu par l’administration

9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité de l’abus de droit fiscal. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité. Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. Les avis rendus font l’objet d’un rapport annuel qui est rendu public » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

S’agissant de la charge de la preuve :

10. Considérant que, par avis en date du 19 avril 2012, le comité de l’abus de droit fiscal a estimé l’administration fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit à l’encontre de M. et Mme X pour écarter l’application du régime du sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du code général des impôts et à appliquer la majoration de 40 % prévue par les dispositions du b) de l’article 1729 du code général des impôts ; que seul un vice de forme ou de procédure de nature à entacher d’irrégularité l’avis du comité peut être utilement invoqué pour contester la validité de cet avis ou pour faire obstacle aux conséquences, quant à la charge de la preuve, que les dispositions législatives précitées attachent à la conformité entre l’avis donné par le comité sur le véritable caractère de l’opération litigieuse et les impositions établies à raison de cette opération ;

11. Considérant qu’aux termes de l’article 1653 E du code général des impôts : « Lorsque le comité de l’abus de droit fiscal est saisi, le contribuable et l’administration sont invités par le président à présenter leurs observations » ; que si M. et Mme X ont été invités à présenter des observations tant écrites qu’orales devant le comité de l’abus de droit fiscal, ils soutiennent que l’avis rendu par ce comité a été rendu au terme d’une procédure irrégulière faute qu’ils aient été invités à présenter des observations sur les éléments d’abus de droit relevés par le comité, dès lors que ce dernier aurait évoqué des éléments différents de ceux qui lui était soumis par l’administration, sans inviter les contribuables à discuter sa position ; qu’il résulte toutefois des termes mêmes de cet avis que le comité a retenu les mêmes motifs que ceux avancés par l’administration, nonobstant la circonstance qu’il a également mentionné des motifs de droit et de fait qui n’étaient pas susceptibles de s’appliquer à la situation de M. et Mme X mais à celle d’autres contribuables faisant l’objet d’une même procédure pour des faits similaires ; que le principe du contradictoire sur les motifs retenus par le comité pour confirmer la position de l’administration n’a dès lors pas été méconnu ;

12. Considérant qu’il en résulte que les impositions en litige ont été établies conformément à l’avis régulièrement rendu par le comité de l’abus de droit fiscal ; que M. et Mme X supportent dès lors la charge de la preuve du mal-fondé des rectifications en litige ;

S’agissant de l’application de la procédure de répression des abus de droit au régime de sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du code général des impôts :

13. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par acte du 24 avril 2007, M. et Mme X ont créé la société civile Gatsby, ayant pour objet social la constitution et la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières, qui a immédiatement opté pour l’impôt sur les sociétés ; que par acte du 3 mai 2007, Mme X a fait apport à cette société civile des titres qu’elle détenait depuis 2004 dans la société Compagnie de l’Audon, la plus-value réalisée à l’occasion de cet apport étant placée sous le régime du sursis d’imposition en application des dispositions de l’article 150-0 B du code général des impôts ; que le même jour, l’assemblée générale des actionnaires de la société Compagnie de l’Audon a décidé d’une réduction de capital non motivée par des pertes, par voie de rachat, par cette société, de ses propres titres ; que le 29 mai suivant, la société civile Gatsby a cédé à la société Compagnie de l’Audon les titres qu’elle détenait, pour un prix identique à la valeur pour laquelle elle en avait reçu l’apport par le requérant, prix versé sous forme de SICAV monétaires ; que, faisant application de la procédure de répression des abus de droit, l’administration a remis en cause le bénéfice du sursis d’imposition, prévu par les dispositions de l’article 150-0 B du code général des impôts, sous le régime duquel M. et Mme X avaient placé la plus-value d’apport réalisée le 3 mai 2007 ;

14. Considérant qu’en vertu de l’article 150-0 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en cause, les règles d’imposition des gains nets retirés des cessions, à titre onéreux, de valeurs mobilières ne sont pas applicables, au titre de l’année de l’échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d’une opération d’offre publique, de fusion, de scission, d’absorption d’un fonds commun de placement par une société d’investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement, réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d’un apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés ; qu’il y est substitué, en vertu de l’article 150-0 D du même code, l’imposition de plein droit des plus-values effectivement réalisées l’année de la cession des titres reçus lors de l’échange ; que ce différé d’imposition a pour objectif d’éviter que le contribuable qui réalise une plus-value à l’occasion d’un apport en société soit immédiatement taxé sur celle-ci alors qu’il n’a pas perçu de liquidités lui permettant d’acquitter l’impôt ;

15. Considérant que lorsque l’administration entend remettre en cause les conséquences fiscales d’une opération qui s’est traduite, sur le fondement de ces dispositions, par un sursis d’imposition au motif que les actes passés par le contribuable ne lui sont pas opposables, elle est fondée à se prévaloir des dispositions précitées de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dès lors qu’une telle opération, dont l’intérêt fiscal est de ne pas soumettre à l’impôt la plus-value réalisée au titre de l’année de l’échange des titres, a nécessairement pour effet de minorer l’assiette de l’année au titre de laquelle l’impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable ; que le bénéfice du sursis d’imposition d’une plus-value réalisée par un contribuable lors de l’apport de titres à une société qu’il contrôle et qui a été suivi de leur cession par cette société est constitutif d’un abus de droit s’il s’agit d’un montage ayant pour seule finalité de permettre au contribuable, en interposant une société, de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres tout en restant détenteur des titres de la société reçus en échange lors de l’apport ; qu’il n’a en revanche pas ce caractère s’il ressort de l’ensemble de l’opération que cette société a, conformément à son objet, effectivement réinvesti le produit de ces cessions dans une activité économique ;

16. Considérant, d’une part, que M. et Mme X contestent tant l’existence d’un désinvestissement que l’appréhension du produit de la cession correspondante et soutiennent avoir, avant comme après l’apport de leur participation dans la société Compagnie de l’Audon à la société civile Gatsby et le rachat des titres correspondants par la société Compagnie de l’Audon, détenu des titres de la société Wendel Investissement, seule les modalités de détention de ces titres ayant été modifiées ; qu’il résulte cependant de l’instruction que le produit de cette cession a été appréhendé sous forme de SICAV monétaires, dont le nantissement a d’ailleurs permis à Mme X d’obtenir un prêt ; que la circonstance qu’ils aient fait le choix d’utiliser ce prêt pour acquérir, en propre, des actions de la société Wendel Investissement est à cet égard sans incidence, dès lors d’une part que ce réinvestissement n’est pas le fait de la société civile Gatsby et, d’autre part, que les requérants n’établissent aucunement qu’ils se seraient engagés à détenir et conserver ces titres ; que ce choix témoigne d’ailleurs de la libre disposition qu’avait M. et Mme X du produit du rachat par la société Compagnie de l’Audon de ses propres titres ; que la disposition s’entendant de la faculté d’appréhension sans nécessiter l’appréhension effective, il en résulte qu’ils se sont désengagés de leur investissement dans la société Compagnie de l’Audon et ont appréhendé le produit de la cession réalisée le 29 mai 2007, égal à la plus-value constatée lors de l’apport de ces titres à la société civile Gatsby le 3 mai 2007 et placée en report d’imposition, en contrariété avec l’objectif du législateur de ne pas faire peser l’imposition sur une plus-value dont le contribuable n’aurait pas disposé ;

17. Considérant, d’autre part, que M. et Mme X soutiennent que l’apport à la société civile Gatsby des titres qu’ils détenaient dans la société Compagnie de l’Audon n’avait pas pour but exclusif d’éluder les charges fiscales résultant de l’imposition du produit de la cession de ces titres ; qu’il résulte cependant de l’instruction que la société civile Gatsby a été créée une semaine avant cet apport, réalisé le jour même où l’assemblée générale des actionnaires de la société Compagnie de l’Audon décidait le rachat par la société de ses propres titres ; qu’il n’est pas allégué que la société civile Gatsby, dont l’objet est la gestion d’un patrimoine de valeurs mobilières, aurait réinvesti le produit de cette cession dans une activité économique, l’acquisition de valeurs mobilières en vue d’une gestion patrimoniale constituant une activité à caractère civil ; que si M et Mme X soutiennent que la constitution de cette société civile aurait pour objectif de conforter la garantie de passif consentie à la société Compagnie de l’Audon, ils n’établissent pas la nécessité de ce montage ; qu’il en résulte que le produit de la cession des titres Compagnie de l’Audon réalisée le 29 mai 2007 n’a pas été réinvesti dans une activité économique ;

18. Considérant que, même lorsque le contribuable passe un acte dans l’unique but d’atténuer ses charges fiscales, celui-ci ne peut pas constituer un abus de droit au sens des dispositions précitées de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales lorsque la charge fiscale de l’intéressé ne se trouve en réalité pas modifiée par cet acte ; que M. et Mme X soutiennent qu’ils auraient pu bénéficier du même sursis d’imposition en procédant de manière différente à la réorganisation des différentes sociétés du groupe Wendel ; que cependant, une telle réorganisation nécessitait que soient passés de nombreux actes que les requérants n’avaient pas compétence pour prendre et se heurtait, ainsi que le fait valoir l’administration en défense, à des obstacles tenant à l’existence de droits de vote doubles que souhaitaient conserver les actionnaires familiaux du groupe ; qu’ainsi, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que la création de la société civile Gatsby et l’apport à cette dernière des parts détenues par Mme X dans la société Compagnie de l’Audon est demeurée sans incidence sur la charge fiscale qu’ils auraient supportée en l’absence de ces actes ;

19. Considérant qu’il en résulte que l’administration était, sur le terrain de la loi, fondée à écarter comme ne lui étant pas opposable l’apport des titres détenus par Mme X dans la société Compagnie de l’Audon à la société civile Gatsby et, par suite, à imposer directement dans les mains de M. et Mme X le produit de la cession de ces titres le 29 mai 2007 ;

20. Considérant que, sur le terrain de la doctrine administrative, M. et Mme X ne peuvent utilement se prévaloir de la position adoptée par le comité de l’abus de droit lors d’affaires passées concernant d’autres contribuables ni sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors que la position du comité de l’abus de droit, dont les avis ne lient pas l’administration fiscale, ne peut être regardée comme une prise de position formelle de cette dernière pour l’application de ces dispositions, ni sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 B du même livre pour le même motif et dès lors au surplus qu’ils ne se trouvent pas dans la situation de fait sur laquelle a été portée une appréciation par le comité de l’abus de droit ; qu’à la supposer établie, la circonstance que l’administration fiscale aurait abandonné des procédures de rectification concernant des contribuables distincts des requérants à la suite de ces avis ne saurait constituer une prise de position formelle au sens des dispositions de ces articles et ne saurait dès lors être utilement invoquée sur leur fondement par M. et Mme X ;

En ce qui concerne l’imposition dans la catégorie des traitements et salaires

21. Considérant qu’aux termes de l’article 79 du code général des impôts : « Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l’impôt sur le revenu » ; qu’aux termes de l’article 82 du même code : « Pour la détermination des bases d’imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits (…) » ; que sont imposables sur le fondement de ces dispositions l’ensemble des revenus trouvant leur origine dans le contrat de travail liant le contribuable à son employeur ;

22. Considérant que l’administration a eu recours à la procédure de l’abus de droit fiscal pour écarter le bénéfice du sursis d’imposition prévu par les dispositions de l’article 150-0 B du code général des impôts et établir ainsi l’existence d’un revenu imposable au titre de l’année au cours de laquelle il a été effectivement appréhendé ; qu’à la supposer établie, la circonstance que l’administration aurait pu avoir recours à une autre procédure d’imposition pour imposer cet avantage salarial n’est pas de nature à la priver de la possibilité de recourir à la procédure de l’abus de droit fiscal, dès lors que sont remplies les conditions de mise en œuvre de cette dernière ; que le recours à cette procédure ne fait pas obstacle à ce que l’administration impose ensuite tout ou partie de ce revenu dans la catégorie des traitements et salaires, cette qualification constituant une question distincte de celle de l’existence d’un revenu imposable au titre de l’année 2007 ; que ce faisant, l’administration n’a dès lors commis ni vice de procédure, ni erreur de droit ;

23. Considérant que le 25 octobre 2004, la société Solfur a vendu à la société Compagnie de l’Audon une option d’achat de sa participation dans Wendel Participation, correspondant à 569 333 titres pour un prix de 4 000 000 d’euros ; que l’administration a retenu que la valeur vénale de l’option était de 11 304 000 euros, soit une libéralité de 7,3 millions d’euros correspondant à 65 % de sa valeur réelle ; qu’au motif que l’objectif de l’opération avait été, pour le groupe Wendel, de rémunérer ses dirigeants pour leur contribution à la réussite de ce dernier, comme indiqué lors de la réunion du conseil d’administration de la Société Lorraine de Participations le 24 avril 2007, l’administration a regardé la plus-value réalisée par les requérants lors du rachat de ses propres actions par la société Compagnie de l’Audon, à hauteur de 65 % de son montant soit 5 203 588 euros, comme constituant un complément de salaire imposable sur le fondement des dispositions précitées des articles 79 et 82 du code général des impôts ;

24. Considérant que M. et Mme X soutiennent qu’un avantage n’a pu lui être accordé, à la date à laquelle Mme X est entrée au capital de la société Compagnie de l’Audon soit le 27 décembre 2004, que par les autres actionnaires de la société Compagnie de l’Audon, dont elle n’a jamais été le salarié ; qu’il résulte toutefois de l’instruction que l’entrée au capital de cette société n’était proposée qu’aux cadres dirigeants du groupe Wendel, la souscription au capital se faisant d’ailleurs à proportion des responsabilités exercées dans le groupe ; qu’ainsi qu’il a été dit, les publications officielles du groupe Wendel attestent de la volonté du groupe de rémunérer ses cadres dirigeants par l’intermédiaire de ces opérations ; qu’ainsi, l’administration justifie de ce que l’entrée de Mme X au capital de la société Compagnie de l’Audon, à des conditions avantageuses lui permettant de bénéficier des effets de la libéralité auparavant consentie à cette société, n’a été possible qu’en raison des fonctions salariées qu’elle exerçait dans le groupe en sa qualité de directeur de la communication et de membre du comité opérationnel D Investissement ;

25. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a notifié les redressements en litige au titre de 2007, année au cours de laquelle les requérants ont réalisé un gain à l’occasion du rachat par la société Compagnie de l’Audon de ses propres titres, conformément aux dispositions des articles 13 et 82 du code général des impôts ; que M. et Mme X, qui n’ont appréhendé un revenu qu’en 2007, constitué par la disposition de SICAV monétaires, ne sont ainsi pas fondés à soutenir que l’année d’imposition ne peut être que 2004, année au cours de laquelle un avantage tenant à la minoration du prix de cession aurait été consenti ; que le moyen tiré de la prescription de l’imposition en litige doit donc également être écarté ;

S’agissant de l’existence d’une libéralité :

26. Considérant que M. et Mme X soutiennent qu’aucun avantage n’a été consenti à la société Compagnie de l’Audon, par rapport aux prix du marché, lors de la détermination du prix d’exercice de l’option ni du prix de cession de celle-ci, ainsi qu’il résulterait notamment de la valorisation effectuée par la banque ABN AMRO le 9 décembre 2004, soit postérieurement à l’acquisition de l’option le 25 octobre 2004, évaluation confirmée par des experts et des assistants spécialisés du Parquet étant intervenus dans le cadre d’une procédure pénale ;

27. Considérant que l’autorité de la chose jugée en matière pénale ne s’attache qu’aux décisions juridictionnelles qui statuent sur le fond de l’action publique ; que tel n’est pas le cas des décisions de non lieu que rendent les juges d’instruction, quelles que soient les constatations sur lesquelles elles sont fondées ; que M. et Mme X ne peuvent dès lors se prévaloir utilement d’une ordonnance de non-lieu prise par un juge d’instruction au tribunal de grande instance de Paris le 4 avril 2011, d’un arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 avril 2012 confirmant cette ordonnance et d’un arrêt de la cour de cassation rejetant le pourvoi dirigé contre cet arrêt, qui ne lient pas le juge de l’impôt ; qu’à la supposer avérée, la circonstance que la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires aurait, par avis du 9 mars 2012, rendu un avis confirmant la valorisation retenue par la société anonyme Wendel, contribuable distinct, ne lie pas davantage le juge de l’impôt et ne saurait être regardée comme une prise de position formelle de l’administration au sens de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

28. Considérant que, pour établir l’existence d’une libéralité tenant à l’insuffisante valorisation de l’option d’achat de titres de la société Wendel Participations cédée par la société Solfur à la société Compagnie de l’Audon, ainsi qu’il a été dit au point 23 du présent jugement, l’administration, sans remettre en cause la méthode de valorisation de « Black and Scholes » retenue par la banque ABN AMRO et d’ailleurs validée par l’expert mandaté par l’autorité judiciaire, qui ne s’est pas prononcé sur la valeur des paramètres retenus, a modifié la valeur de certains de ces paramètres ;

29. Considérant en premier lieu qu’il n’est ainsi pas contesté que la banque ABN AMRO a retenu que la société Solfur détenait, par transparence, 2 475 000 titres de la société Wendel Investissement alors qu’elle en détenait en réalité 2 554 000 ;

30. Considérant, en deuxième lieu, que si, pour déterminer la valeur initiale du titre faisant l’objet de l’option à valoriser, la banque a retenu la moyenne de la valeur de ce titre sur les six derniers mois, période considérée comme nécessaire à l’acquisition de l’ensemble des titres concernés sans influer sur le cours du marché, l’administration fait valoir sans être utilement contredite qu’une telle période est excessive dès lors que la société Solfur détenait déjà ces titres, et y a substitué la moyenne de leur valeur sur les trente derniers jours ; que les requérants ne sont en effet pas fondés à se référer aux contraintes qui pèseraient sur un cédant ne disposant pas des titres sur lesquels il consentirait une option d’achat, dès lors que tel n’est pas le cas en l’espèce dans la transaction réalisée entre les sociétés Solfur et Compagnie de l’Audon ;

31. Considérant, en troisième lieu, que, pour déterminer la valeur de la décote d’illiquidité appliquée, la banque a retenu la décote d’illiquidité moyenne constatée sur les titres de la Société Lorraine de Participations pendant les six dernières années avant la cession alors que, au cours des quatre premières années de cette période, il existait deux structures intermédiaires entre la Société Lorraine de Participations et la société du groupe Wendel ayant les actions les plus liquides et non pas une comme à la date de la souscription de l’option ; que l’administration y a dès lors substitué la décote d’illiquidité moyenne constatée au cours des deux dernières années avant la cession, inférieure de six points à celle retenue par la banque ; que si M. et Mme X soutiennent d’une part qu’il y a lieu de prendre en compte la période de référence la plus longue possible et demandent d’autre part à ce que soit prise en compte la moyenne constatée sur les douze derniers mois, ils ne contestent pas dans son principe la prise en compte du changement dans la structure du groupe Wendel ni, par suite, le fait que l’administration a pris en compte la plus longue période de référence possible compte-tenu de ce changement ;

32. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que l’administration relève sans être sérieusement contestée que cette décote d’illiquidité doit en outre être minorée dès lors que la banque n’a pas pris en compte les différences existant entre les titres de la Société Lorraine de Participations servant de référence et les titres de la société Wendel Participations sur lesquels portaient l’option à évaluer, dès lors que l’illiquidité des titres de la Société Lorraine de Participations est renforcée par la double circonstance que ces titres ne peuvent être cédés qu’à un nombre restreint de personnes, descendantes de C D, et qu’il existe une structure intermédiaire entre la Société Lorraine de Participations et la société du groupe Wendel dont les titres sont les plus liquides, ce qui n’est pas le cas de la société Wendel Participations ; que les requérants n’établissent aucunement que les titres de la Société Lorraine de Participations se seraient en pratique révélés plus liquides que ceux de la société Wendel Participations au cours des années en litige ; qu’au surplus, l’administration relève sans être contredite qu’aucune décote d’illiquidité des titres de la société Wendel Participations n’a été prévue lors de la constitution du montage, ainsi qu’en attestent notamment la définition de l’avantage pour les cadres dirigeants présentés dans le rapport annuel 2004 de la société Wendel Investissement et l’indemnité contractuellement prévue en cas de résiliation anticipée de l’option ;

33. Considérant qu’au regard de l’ensemble de ces éléments, l’administration fiscale doit être regardée comme établissant la minoration, à hauteur de 7,3 millions d’euros, de la valeur de l’option d’achat de titres de la société Wendel Participations vendue par la société Solfur à la société Compagnie de l’Audon le 25 octobre 2004 ;

S’agissant du montant du revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires :

34. Considérant que les requérants ne contestent pas que l’opération consistant en la création de la société Compagnie de l’Audon et l’acquisition par celle-ci d’une option d’achat sur des titres de la société Wendel Investissement a été conçue en vue d’intéresser les dirigeants du groupe Wendel à sa réussite, ainsi qu’il résulte notamment des publications financières du groupe ; que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme X, il ne résulte pas de l’instruction, particulièrement de ce qui a été dit supra, qu’en acquérant des parts de la société Compagnie de l’Audon, Mme X aurait pris un risque tel qu’il s’opposerait à toute qualification d’une partie du gain réalisé en traitements et salaires, dès lors d’une part que le prix d’acquisition de l’ option constituant l’unique actif de la société et déterminant dès lors la valeur de ses titres avait été minoré, ainsi qu’il a été dit au point 33 du présent jugement, et que d’autre part cette option pouvait être exercée à tout moment pendant une période de six ans ; que si les requérants ont investi des sommes importantes, la majeure partie de cet investissement a été réalisé en février 2007, dans un contexte boursier favorable et alors que le débouclage de l’opération en mai 2007 était déjà prévu ; que le risque supporté par les requérants, ainsi fortement atténué, a été pris en compte par l’administration qui n’a requalifié le gain réalisé lors de la cession qu’à hauteur de 65 %, soit à hauteur de la libéralité consentie par la société Solfur lors de la cession de l’option d’achat en 2004 ;

35. Considérant que, pour le même motif, M. et Mme X, qui n’ont appréhendé aucun revenu lors de la libéralité accordée sous forme de titres ayant une valeur de 7,3 millions d’euros consentie par la société Solfur à la société Compagnie de l’Audon en 2004, ne sont pas fondés à soutenir que l’administration aurait dû limiter à ce montant les revenus salariaux imposables qu’ils ont perçus en 2007, la valeur de ces titres s’étant accrue au cours de cette période ;

36. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’administration justifie, ainsi qu’il lui incombe, de l’imposition dans la catégorie des traitements et salaires de revenus d’un montant de 5 203 588 euros au titre de l’année 2007 ;

En ce qui concerne l’imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers

37. Considérant que lorsqu’un rachat d’actions ou de parts sociales est effectué en vue d’une réduction du capital non motivée par des pertes conformément à l’article L. 225-207 du code de commerce, les sommes ou valeurs reçues à ce titre par l’actionnaire ou l’associé personne physique cédant sont en principe soumises au régime fiscal prévu par les dispositions combinées du 2° du 1 de l’article 109, du 8 ter de l’article 150-0 D et du second alinéa de l’article 161 du code général des impôts, à savoir, d’une part, l’imposition de la plus-value à l’impôt sur le revenu selon le régime des plus-values de cession pour la différence entre la valeur de l’apport et le prix d’acquisition et, d’autre part, l’imposition d’un revenu distribué dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour la différence entre le prix de rachat des titres et leur prix ou valeur d’acquisition ou de souscription ou, s’il est supérieur, le montant des apports compris dans la valeur nominale des titres rachetés ; que l’administration a imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement de ces dispositions, la fraction de la plus-value réalisée le 29 mai 2007, d’un montant de 2 801 932 euros, qu’elle n’avait pas requalifiée en traitements et salaires ;

38. Considérant en revanche que, par dérogation à ces dispositions, le 6° de l’article 112 du code général des impôts alors en vigueur prévoyait que lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce, les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions par la société émettrice sont soumises, pour leur ensemble, à un régime de plus-values de cession des valeurs mobilières ;

39. Considérant qu’aux termes de l’article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause. / Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » ;

40. Considérant que, par décision n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du 6° de l’article 112 du code général des impôts alors en vigueur au motif qu’elles instituaient, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, un régime dérogatoire d’imposition des plus-values réalisées par les actionnaires ou associés personnes physiques lors du rachat par la société émettrice de ses actions ou parts sociales, qui n’était justifié ni par une différence de situation entre les procédures de rachat faisant l’objet de ces différents régimes d’imposition, ni par un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi ; qu’afin de préserver l’effet utile de sa décision, il a jugé, au point 14 de sa décision, que : « les sommes ou valeurs reçues avant le 1er janvier 2014 par les actionnaires ou associés personnes physiques au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice, lorsque ce rachat avait été effectué selon une procédure autorisée par la loi, ne devaient pas être considérées comme des revenus distribués et devaient être imposées selon le régime des plus-values de cession prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB du code général des impôts » ;

41. Considérant que l’administration n’a pas remis en cause, par la procédure de l’abus de droit fiscal, le rachat par la société Compagnie de l’Audon de ses propres actions, dont il est constant qu’il a été réalisé conformément aux dispositions de l’article L. 225-207 du code de commerce, mais l’interposition par les requérants d’une société civile soumise à l’impôt sur les sociétés, à laquelle les titres ont été apportés avant leur cession ; que si cet acte a pu légalement être écarté par l’administration comme ne lui étant pas opposable en application des dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, il n’en résulte pas que le rachat de ses propres actions par la société Compagnie de l’Audon auprès de Mme X a été effectué selon une procédure qui ne serait pas autorisée par la loi au sens de la décision n° 2014-404 QPC du Conseil constitutionnel ;

42. Considérant qu’il résulte des termes de cette décision, qui prévoit son application aux instances en cours, que le juge de l’impôt doit, après un débat sur ce point entre les parties, imposer la plus-value correspondante selon le régime des plus-values de cessions de titres prévu par les dispositions de l’article 150-0 A du code général des impôts ; que M. et Mme X sont dès lors fondés à obtenir la décharge de la fraction des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2007 correspondant à la différence entre l’imposition retenue par l’administration dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers d’une somme de 2 801 932 euros, résultant de la plus-value réalisée lors de la cession des titres le 29 mai 2007, et l’imposition de la même somme selon le régime des plus-values de cession, sur le fondement des dispositions de l’article 150-0 A du code général des impôts ;

Sur les pénalités

43. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : (…) b. 80 % en cas d’abus de droit au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire (…) » ;

44. Considérant que compte tenu de ce qui a été analysé précédemment aux points 13 à 20 du jugement, l’administration doit être regardée comme établissant, ainsi qu’il lui incombe en application de l’article L. 195 A du livre des procédures fiscales, l’abus de droit reproché à M. et Mme X ; que dès lors, c’est à bon droit qu’elle a fait application aux requérants de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées ; qu’ainsi qu’il a été dit au point 20 du présent jugement, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la position qu’aurait adoptée le comité de l’abus de droit fiscal dans des affaires similaires ;

45. Considérant que si la majoration de 40 % pour abus de droit prévue par les dispositions précitées est au nombre des sanctions qui doivent être motivées en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et faire l’objet d’une procédure contradictoire en application de l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales, l’administration n’est tenue à ces deux obligations qu’à l’égard du contribuable qu’elle envisage de soumettre à la pénalité et non des personnes qui, après mise en recouvrement de cette dernière, sont solidairement responsables de son paiement ; que l’administration n’était dès lors, en tout état de cause, pas tenue de notifier les actes de procédure aux codébiteurs solidaires de cette majoration ;

46. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à obtenir la décharge, en droits et pénalités, de la différence entre les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2007, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et celles résultant de l’imposition selon le régime des plus-values de cession, sur le fondement des dispositions de l’article 150-0 A du code général des impôts, d’une somme de 2 801 932 euros résultant de la plus-value réalisée lors de la cession des titres le 29 mai 2007 ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 2 801 932 euros correspondant à la fraction de la plus-value réalisée par Mme X le 29 mai 2007 imposée par l’administration dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers est imposée selon le régime des plus-values de cession sur le fondement des dispositions de l’article 150-0 A du code général des impôts.

Article 2 : M. et Mme X sont déchargés, en droits et pénalités, de la différence entre les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2007 et celles résultant de l’article 1er.

Article 3 : L’Etat versera à M. et Mme X une somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme Y X et à la directrice en charge de la direction nationale de vérification des situations fiscales (Service du contentieux).

Délibéré après l’audience du 20 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Evgénas, président,

M. Charles, premier conseiller,

M. Mas, conseiller.

Lu en audience publique le 4 février 2016.

Le rapporteur, Le président,

B. MAS J. EVGENAS

Le greffier,

E. FREITAS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Paris, 4 février 2016, n° 1315259