Tribunal administratif de Paris, 5e section - 2e chambre, 13 juillet 2022, n° 2016855

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Sur la décision

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 14 octobre 2020 complétée par un mémoire enregistré le 27 février 2022, M. C B doit être regardé comme demandant au tribunal :

1°) d’annuler la décision en date du 9 octobre 2020 par laquelle le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a refusé la communication des documents listant les indices de position sociale (IPS) de chacun des collèges et des classes de CM2 qui en découlent, ainsi que les différentes bases de données établies au niveau des établissements par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère ;

2°) d’enjoindre au ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports de faire droit à la demande de communication des documents listant les indices de position sociale, dans un délai d’un mois à compter du jugement à intervenir ;

3°) d’enjoindre au ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports de publier en ligne les différentes bases de données établies au niveau des établissements par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, dans un délai de 3 mois à compter du jugement à intervenir.

Il soutient que :

— la base de données des IPS est un document administratif communicable ;

— aucun motif légitime ne peut utilement être opposé à la communication de cette base de données, laquelle fait l’objet d’un traitement automatisé d’usage courant par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;

— les données sollicitées ne concernent pas les élèves mais seulement les établissements scolaires et ne permettent pas l’identification des élèves ;

—  l’IPS de plusieurs établissements scolaires a déjà été communiqué par voie de presse ou par certaines académies ;

— enfin si sa demande initiale ne portait que sur la communication de la base de données des IPS, il souhaite que soient communiquées les différentes bases de données établies au niveau des établissements par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère lesquelles répondent aux mêmes obligations de communication.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 février 2022, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il soutient, d’une part, que s’agissant des conclusions visant à la communication des indicateurs autre que les données IPS, elles sont irrecevables, faute de demande préalable à l’administration, d’autre part, s’agissant de celles relatives aux données IPS, aucun moyen n’est fondé.

Par ordonnance du 27 janvier 2022, la clôture d’instruction a été fixée au

17 février 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendus, au cours de l’audience publique:

— le rapport de M. A,

— les conclusions de Mme Florence Nikolic, rapporteure publique,

— les observations M. B C,

— le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports n’était pas présent, ni représenté.

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 novembre 2019, M. B a demandé au ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports la communication des indices de position sociale (IPS) de chacun des collèges et des classes de CM2. Saisie à la suite du refus implicite opposé par l’administration, la commission d’accès aux documents administratifs a rendu un avis favorable le 24 septembre 2020. De nouveau sollicité par le requérant, le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a opposé un nouveau refus, par une décision expresse en date du 9 octobre 2020, à la communication des documents sollicités précisant au surplus qu’aucun des documents établis au niveau des établissements par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère n’avait vocation à être diffusé. Par la présente requête, M. B demande au tribunal d’annuler cette décision.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports :

2. Aux termes de l’article R.342-1 du code des relations entre le public et l’administration : « La Commission d’accès aux documents administratifs émet des avis lorsqu’elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de communication ou un refus de publication d’un document administratif en application du titre Ier, un refus de consultation ou de communication des documents d’archives publiques, à l’exception (). La saisine pour avis de la commission est un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux. ». Aux termes de l’article R.343-1 du même code : « L’intéressé dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus ou de l’expiration du délai prévu à l’article R. 311-13 pour saisir la Commission d’accès aux documents administratifs. ». Aux termes de l’article R.313-13 du même code : « Le délai au terme duquel intervient la décision mentionnée à l’article R.311-12 est d’un mois à compter de la réception de la demande par l’administration compétente. ». Aux termes de l’article R.311-12 du même code : « Le silence gardé par l’administration, saisie d’une demande de communication de documents en application de l’article L. 311-1, vaut décision de refus. ».

3. En l’espèce, M. B demande l’annulation de la décision du

9 octobre 2020, notamment, en ce qu’elle a refusé la communication des différentes bases de données établies au niveau des établissements par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si le requérant a saisi la commission d’accès aux documents administratifs d’une demande d’avis sur le caractère communicable de ces documents, il est toutefois constant que ces données n’ont jamais fait l’objet d’une demande de communication préalable auprès de l’administration, laquelle n’a été saisie que d’une demande de communication des indices de position sociale de chacun des collèges et des classes de CM2. Dès lors, les conclusions aux fins d’annulation de la décision

du 9 octobre 2020 en tant qu’elles portent sur la communication des différentes bases de données établies au niveau des établissements par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, hors données IPS, sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

4. Aux termes de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration dispose que : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. () ». Aux termes de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ». Aux termes de l’article L. 311-6 du même code : " Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires () ; 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ".

5. Aux termes de la documentation produite par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports (« Enquête sur l’éducation artistique et culturelle (2017-2018), MENJ-MESRI-DEPP, MC-DEPS): » L’indice de position sociale (IPS) est calculé sur les PCS (Professions et Catégories sociales) des deux représentants des élèves. L’IPS est une variable quantitative qui synthétise plusieurs dimensions (sociale, économique, scolaire) à partir de la PCS. Il a pour objectif de décrire les inégalités sociales à l’école et d’étudier les relations entre la performance scolaire et l’origine sociale. Il est calculé pour chaque établissement scolaire comme la moyenne des IPS croisés des élèves. Cet indice prendra une valeur d’autant plus élevée que les PCS sont considérées favorables à la réussite scolaire de l’élève ". Les indices de position sociale sont donc des données chiffrées produites par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports à partir de variables sociale, économique et culturelle telles que le diplôme et les revenus des parents de l’élève, le nombre de pièces dont dispose le logement familial, l’accès de l’élève à un ordinateur, à un réseau internet ou à des livres, la pratique d’activités sportives ou culturelles comme le théâtre, le cinéma ou la fréquentation des musées. Cette modélisation statistique permet d’attribuer à chaque élève un indice chiffré. L’IPS d’un établissement est la moyenne des IPS de tous les élèves qui le composent. Cet indicateur est un outil de pilotage des politiques publiques éducatives, permettant, notamment la répartition des moyens financiers en fonction de l’IPS attribué à un établissement.

6. Il résulte de ce qui précède que les documents produits par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports listant les indices de position sociale des différents collèges et des classes de CM2 sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions législatives précitées.

7. Par ailleurs, l’indice de position sociale affecté à un collège ou à une classe de CM2, est une donnée chiffrée moyenne, dont la nature statistique, la rend insusceptible de pouvoir porter atteinte à la protection de la vie privée des élèves pris individuellement ou de l’établissement auxquels ils se rattachent, ni même à pouvoir porter une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable. Enfin, si le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports fait valoir que la publication des données en cause serait susceptible de renforcer le risque de contournement de la carte scolaire et partant de préjudicier aux objectifs de mixité sociale, ces arguments, pour légitimes qu’ils soient, sont, en tout état de cause, insusceptibles de se rattacher à l’une des exceptions au droit d’accès prévues par la législation en vigueur

8. Il résulte de ce qui précède que M. B est fondé à demander l’annulation de la décision de refus de communication des documents sollicités opposée par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

9. Dans les circonstances de l’espèce, compte tenu du motif d’annulation retenu, il y a seulement lieu d’enjoindre au ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports de communiquer à M. B les documents sollicités listant les indices de position sociale (IPS) de chacun des collèges et des classes de CM2 qui en découlent dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a pas lieu en revanche d’assortir cette injonction d’une astreinte, ni de prévoir que lesdites données fassent l’objet d’une publication en ligne par le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse.

D E C I D E :

Article 1er : La décision en date du 9 octobre 2020 du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports en tant qu’elle a refusé la communication des documents listant les indices de position sociale (IPS) de chacun des collèges et des classes de CM2 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse de communiquer à M. B les documents sollicités listant les indices de position sociale (IPS) de chacun des collèges et des classes de CM2 dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C B et ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l’audience du 30 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président,

M. Feghouli, premier conseiller,

M. Hélard, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.

Le rapporteur, Le président,

M. A DC. DUCHON-DORIS

La greffière,

S. PORRINAS

La République mande et ordonne au ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.



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