Tribunal administratif de Paris, 3e section - 2e chambre, 13 avril 2023, n° 2205429

  • Stade·
  • Consortium·
  • L'etat·
  • Euro·
  • Sociétés·
  • Contrat de concession·
  • Exploitation·
  • Sport·
  • État·
  • Tribunaux administratifs

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Paris, 3e sect. - 2e ch., 13 avr. 2023, n° 2205429
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 2205429
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montreuil, 15 février 2022
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 25 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 16 février 2022, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a transmis au tribunal la requête n° 2004170 présentée pour la société Consortium Stade de France.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 avril 2020 et 30 septembre 2020, la société Consortium Stade de France, représentée par Me Courtel (cabinet Gide Loyrette Nouel), demande au tribunal de condamner l’Etat à lui verser la somme à parfaire de 7 450 000 euros, augmentée des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts à compter du 28 août 2015, en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de la promesse non tenue d’indemniser les pertes d’exploitation causées par la période d’indisponibilité du Stade de France pendant l’organisation et le déroulement du championnat d’Europe de football (« UEFA Euro 2016 »), entre le 10 juin 2016 et le 10 juillet 2016.

Elle soutient que :

— le tribunal administratif de Montreuil est compétent en application du 3° de l’article R. 312-14 du code de justice administrative ;

— elle est fondée à engager la responsabilité extracontractuelle de l’Etat dès lors que la promesse non tenue constitue une faute détachable du contrat de concession ;

— la créance n’est pas prescrite ;

— en l’autorisant à signer le contrat de stade, qu’elle était de surcroît tenue de signer, l’Etat lui a donné l’assurance, comme au cours des négociations et au vu de la pratique antérieure, que ses pertes d’exploitation seraient indemnisées ;

— elle a subi un préjudice certain tenant à des pertes d’exploitation liées au produit de ses partenariats et de ses activités permanentes et à l’impossibilité d’accueillir cinq concerts ainsi que la finale du championnat de rugby du Top 14, évalué à la somme de 7 450 000 euros HT.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 septembre 2020 et 4 décembre 2020, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et la ministre déléguée chargée des sports concluent à l’incompétence territoriale du tribunal administratif de Montreuil et au rejet au fond de la requête.

Ils soutiennent que :

— le tribunal administratif de Montreuil n’est pas territorialement compétent compte tenu de la clause attributive de compétence au profit du tribunal administratif de Paris figurant à l’article 54 du contrat de concession ;

— aucun engagement ni aucune assurance de prendre en charge les pertes d’exploitation, qui devaient faire l’objet de négociations entre la société requérante et son cocontractant la Fédération française de football, n’ont été donnés par l’Etat, qui a uniquement entendu faciliter ces négociations et suivre l’impact financier de l’accord signé par le concessionnaire ;

— le caractère certain du préjudice allégué n’est pas établi dès lors que la société ne justifie pas avoir effectivement renoncé à l’organisation des évènements en cause du fait de l’accueil de l’Euro 2016.

Par une ordonnance du 20 avril 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 20 mai 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme A,

— les conclusions de Mme Privet, rapporteure publique,

— et les observations de Me Courtel, avocat de la société Consortium Stade de France.

Considérant ce qui suit :

1. La société Consortium Stade de France (anciennement société Consortium Grand Stade) est titulaire, depuis le 29 avril 1995, du contrat de concession pour le financement, la conception, la construction, l’entretien et l’exploitation du Grand Stade à Saint-Denis, devenu le Stade de France. La France s’étant portée candidate, auprès de l’Union des associations européennes de football (UEFA), pour l’accueil de la compétition « Euro 2016 », un contrat de stade conclu entre la Fédération française de football (FFF), en sa qualité d’association hôte, et le propriétaire ou l’exploitant d’un stade ayant vocation à accueillir les matchs, devait être joint au dossier de candidature. Ce contrat prévoyait notamment des périodes d’indisponibilité du stade au cours desquelles les évènements pouvant être organisés dans son enceinte étaient strictement limités ainsi qu’une annexe relative aux conditions financières de mise à disposition du stade, dont les modalités devaient être négociées avec l’association hôte. Par des lettres des 2 et 10 février 2010, l’Etat a donné son accord à la société Consortium Stade de France pour qu’elle signe le contrat de stade avec la FFF, sous réserve que les accords complémentaires issus des négociations prévues au sujet notamment de l’indemnisation des pertes financières subies par l’exploitant pendant la période d’indisponibilité du stade soient également soumis à son approbation. Après que l’UEFA a retenu la candidature de la France le 28 mai 2010, des négociations ont été engagées entre la société Euro 2016 SAS, représentant l’UEFA et la FFF dans le cadre de l’organisation de la compétition, et la société Consortium Stade de France, au sujet des conditions financières de la mise à disposition du stade. La société Euro 2016 SAS ayant formellement refusé de prendre en charge les pertes d’exploitation invoquées par la société Consortium Stade de France pendant la période d’indisponibilité du stade définie par le contrat de stade, cette dernière a demandé à l’Etat, par lettre du 17 avril 2014, de compenser son préjudice par des « ajustements » à certaines clauses du contrat de concession. A la suite du refus de l’Etat de cette proposition, la société Consortium Stade de France lui a adressé une demande indemnitaire portant sur la somme de 7 450 000 euros. Cette demande a été expressément rejetée par une décision du 22 avril 2015. Par un jugement n° 15020501/4-3 du 1er juin 2017, confirmé par un arrêt n° 17PA02659 de la Cour administrative d’appel de Paris du 13 juin 2019, le tribunal a rejeté la requête indemnitaire présentée par la société Consortium Stade de France sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l’Etat.

2. Dans le même temps, la société Consortium Stade de France a saisi le tribunal arbitral du sport du litige l’opposant à la FFF compte tenu du refus de cette dernière de l’indemniser pour les pertes d’exploitation induites par le contrat de stade. Par une sentence du 12 juillet 2017, le tribunal arbitral du sport a rejeté la requête estimant, en substance, que les deux parties au contrat de stade avaient tenté de bonne foi de trouver une solution commerciale acceptable avant que l’Etat français refuse finalement de prendre part à l’effort financier en dépit de leurs attentes légitimes à ce titre.

3. Par une lettre du 29 novembre 2019, reçue le 11 décembre 2019 par l’administration, la société Consortium Stade de France a de nouveau demandé à l’Etat de lui verser une indemnité de 7 450 000 euros en réparation des pertes d’exploitation qu’elle a subies du fait de l’accueil de l’Euro 2016, du fait de la promesse non tenue de compenser ses pertes. Le ministre des sports a rejeté cette demande par une décision du 19 février 2020. Par la présente requête, la société Consortium Stade de France demande au tribunal de condamner l’Etat à lui verser une indemnité de 7 450 000 euros.

4. La société Consortium Stade de France soutient que l’Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité quasi délictuelle en ne respectant pas son engagement, pris dès l’autorisation de signer le contrat de stade avec la FFF puis dans le cadre des négociations relatives aux conditions financières de mise à disposition du stade, de compenser les pertes d’exploitation résultant pour elle de l’accueil de l’Euro 2016.

5. Toutefois, d’une part, il résulte de l’instruction que l’Etat a clairement indiqué, dès le mois d’octobre 2009, qu’il ne serait pas signataire du contrat de stade conclu avec la FFF mais que les accords intervenus dans ce cadre devraient lui être soumis en application de l’article 18 du cahier des charges du contrat de concession en vertu duquel l’accueil des manifestations sportives exceptionnelles, parmi lesquelles figure le championnat européen en cause, fait l’objet de conventions spécifiques conclues en accord avec le concédant. La société a expressément adhéré à cette position, sans qu’aucun échange concernant cette question du signataire du contrat de stade ne traduise un quelconque engagement de l’Etat à participer aux conséquences financières de ce contrat. A cet égard, contrairement à ce que la société Consortium Stade de France fait valoir, compte tenu de son objet et de ses termes, la lettre du 7 octobre 2009 par laquelle l’Etat lui a demandé d’apprécier les impacts, notamment financiers, du contrat de stade sur le contrat de concession ne permet pas de regarder l’administration comme ayant donné l’assurance, même implicite, de prendre en charge les conséquences financières du contrat de stade. De même, les lettres des 2 et 10 février 2010 par lesquelles l’Etat a autorisé la société à signer le contrat en cause, qui se réfèrent notamment à l’équilibre de la concession et à la nécessaire approbation des accords devant être conclus avec la FFF au sujet de l’indemnisation du manque à gagner lié à la période d’indisponibilité du stade pour d’autres activités que le football, ne comportent aucun engagement ni même aucune allusion à une éventuelle participation financière de l’Etat à ce titre. A l’inverse, il résulte de l’instruction, notamment de la note de méthodologie établie par la FFF pour la rédaction de l’annexe A du contrat de stade, des termes de la contre-proposition transmise par la FFF le 28 janvier 2010 et de la réserve consentie sur l’indemnisation des pertes financières lors de la finalisation du dossier de candidature, que la problématique de l’immobilisation du stade et des pertes d’exploitation était expressément envisagée comme devant être discutée avec l’UEFA et négociée entre les parties au contrat de stade.

6. D’autre part, il est vrai qu’à compter de la validation de la candidature de la France pour l’accueil de la compétition, l’Etat, en sa qualité d’autorité concédante, a été associé aux négociations entre la société Euro 2016 SAS et la société Consortium Stade de France relatives notamment à la compensation des pertes d’exploitation liées à la période d’indisponibilité du stade. Cependant, aucune pièce versée au dossier ne permet de faire regarder l’Etat comme ayant, par son comportement ou par ses propos, témoigné d’un engagement ferme ou d’une assurance précise au sujet de sa participation financière à la prise en charge du manque à gagner invoqué par la société Consortium Stade de France. Ainsi, compte tenu de leurs termes, les échanges produits permettent seulement de confirmer que l’Etat a incité la société Consortium Stade de France à obtenir, auprès de la société Euro 2016 SAS, des avancées pour réduire les dépenses, optimiser les recettes issues du loyer et limiter les pertes d’exploitation, sans pour autant prendre position sur son éventuelle participation à l’effort financier requis. En outre, si la société a indiqué à l’Etat, lors de la réunion de suivi de la concession du 20 novembre 2013, que ses actionnaires n’accepteront pas une perte d’exploitation prévisionnelle de plus de 10 millions d’euros, elle n’a pas pour autant, à cette occasion et avant sa demande formelle de compensation présentée le 17 avril 2014, demandé clairement une prise en charge financière à l’Etat, qui ne s’est donc pas non plus positionné sur ce sujet. En revanche, il résulte de l’instruction que chacune des demandes formelles de compensation présentée par la société Consortium Stade de France a par la suite été clairement rejetée par l’Etat.

7. Enfin, la circonstance que les autorités politiques françaises aient publiquement défendu la candidature de la France pour l’accueil de l’Euro 2016, avec des arguments notamment financiers, ne permet pas, à elle seule, de faire regarder l’Etat comme ayant, par son comportement, donner des assurances relatives à la prise en charge du manque à gagner causé à la société Consortium Stade de France, laquelle devait, conformément à ses obligations contractuelles définies aux points 1.1 et aux articles 17 et 18 du cahier des charges annexé au contrat de concession, « chercher à attirer les plus grands évènements » et « accueillir en priorité, sur toute autre utilisation, les grandes manifestations organisées sous l’égide de la Fédération française de football ». De même, la circonstance que l’Etat, en qualité de co-signataire des contrats de mise à disposition du stade, avait, à l’occasion de l’organisation des championnats du monde d’athlétisme en 2003 et de la Coupe du monde de rugby en 2007, convenu contractuellement de prendre en charge les conséquences financières des nouvelles obligations ou restrictions imposées à ses co-contractants, n’est pas de nature à caractériser un quelconque engagement de sa part à réitérer cette pratique, de surcroît en dehors de tout contrat conclu avec le concessionnaire et la Fédération concernée.

8. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que l’Etat aurait donné des assurances erronées à la société Consortium Stade de France sur son intention ou sa volonté de compenser les pertes d’exploitation liées à la période d’indisponibilité du Stade de France pour d’autres activités que l’accueil de l’Euro 2016.

9. Il résulte de ce qui précède les conclusions indemnitaires présentées par la société Consortium Stade de France ne peuvent qu’être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Consortium Stade de France est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Consortium Stade de France et à la ministre des sports et des jeux olympiques et paraolympiques.

Délibéré après l’audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

— Mme Amat, présidente,

— Mme Armoët, première conseillère,

— M. Rezard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.

La rapporteure,

E. A

La présidente,

N. Amat

La greffière,

P. Tardy-Panit

La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paraolympiques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Paris, 3e section - 2e chambre, 13 avril 2023, n° 2205429