Rejet 31 décembre 2024
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Sur la décision
| Référence : | TA Paris, 8e sect. - mesd, 31 déc. 2024, n° 2432324 |
|---|---|
| Juridiction : | Tribunal administratif de Paris |
| Numéro : | 2432324 |
| Dispositif : | Rejet |
| Date de dernière mise à jour : | 30 mai 2025 |
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 et 9 décembre 2024, M. A B, retenu au centre de rétention administrative de Paris, demande au tribunal :
1°) d’annuler l’arrêté du 5 décembre 2024 par lequel la préfète de l’Essonne l’a maintenu en rétention administrative ;
2°) de procéder sans délai et sous astreinte à la délivrance d’une attestation de demande d’asile prévue par l’article R. 521-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de lui fournir les droits prévus par la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ainsi qu’une allocation journalière et de lui remettre l’imprimé mentionné à l’article R.531-3 du même code afin de saisir l’OFPRA ;
3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761 1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
— l’arrêté attaqué est entaché d’incompétence de son auteur ;
— il est insuffisamment motivé ;
— il est entaché d’un défaut d’examen de sa situation personnelle ;
— il est entaché d’un vice de procédure, le principe du contradictoire ayant été méconnu ;
— il est entaché d’un vice de procédure, son droit à l’information ayant été méconnu ;
— il est entaché d’une méconnaissance des dispositions de l’article L. 754-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et d’une erreur d’appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2024, la préfète de l’Essonne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
— la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
— le code des relations entre le public et l’administration ;
— le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Guglielmetti en application de l’article L. 754-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
— le rapport de Mme Guglielmetti, magistrate désignée ;
— et les observations de Me Raad, représentant M. B, assisté d’un interprète, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et soutient en outre que l’état de santé de requérant ainsi que sa vie privée et familiale ne sont pas mentionnés dans l’arrêté contesté, qu’il est arrivé en France en 2022, qu’il pourrait être mobilisé comme réserviste en cas de retour en Ukraine, qu’il a un enfant né en France en 2015 et qu’il possède des garanties de représentation.
La clôture d’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B, ressortissant ukrainien, né le 19 novembre 1985, a fait l’objet, d’un arrêté du 14 septembre 2023 par lequel la préfète de l’Essonne l’a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans. Par un arrêté du 3 décembre 2024, la préfète de l’Essonne l’a placé en rétention administrative en application de l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. M. B, alors qu’il était en rétention administrative, a déposé une demande d’asile auprès de l’OFPRA le 5 décembre 2024. Par arrêté du 5 décembre 2024, la préfète de l’Essonne a maintenu M. B en rétention administrative en application de l’article L. 754-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il demande au tribunal d’annuler cet arrêté du 5 décembre 2024.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
2. Aux termes de l’article L. 754-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Lorsqu’un étranger placé ou maintenu en rétention présente une demande d’asile, l’autorité administrative peut procéder, pendant la rétention, à la détermination de l’État responsable de l’examen de cette demande conformément à l’article L. 571-1 et, le cas échéant, à l’exécution d’office du transfert dans les conditions prévues à l’article
L. 751-13. « . L’article L. 754-3 du même code précise que » Si la France est l’État responsable de l’examen de la demande d’asile et si l’autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution de la décision d’éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l’étranger pendant le temps strictement nécessaire à l’examen de sa demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité de celle-ci, dans l’attente de son départ. / Cette décision de maintien en rétention n’affecte ni le contrôle ni la compétence du juge des libertés et de la détention exercé sur le placement et le maintien en rétention en application du chapitre III du titre IV. La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. / A défaut d’une telle décision, il est immédiatement mis fin à la rétention et l’autorité administrative compétente délivre à l’intéressé l’attestation mentionnée à l’article L. 521-7. « . L’article L. 754-4 de ce code dispose que : » L’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de la décision de maintien en rétention prévue à l’article L. 754-3 dans les quarante-huit heures suivant sa notification afin de contester les motifs retenus par l’autorité administrative pour estimer que sa demande d’asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution de la décision d’éloignement. / Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction, ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue après la notification de la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides relative au demandeur, dans un délai qui ne peut excéder quatre-vingt-seize heures à compter de l’expiration du délai de recours, dans les conditions prévues aux articles L. 614-7 à L. 614-13. (). ". Il résulte notamment de ces dispositions que, hormis le cas particulier où il a été placé en rétention en vue de l’exécution d’une décision de transfert vers l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile, prise en application de l’article L. 572-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, cas étranger au présent litige, il doit en principe être mis fin à la rétention administrative d’un étranger qui formule une demande d’asile. Toutefois, l’administration peut maintenir l’intéressé en rétention, par une décision écrite et motivée, dans le cas où elle estime, sur le fondement de critères objectifs, que sa demande d’asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement prise à son encontre.
3. En premier lieu, par un arrêté du 29 octobre 2024, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial, la préfète de l’Essonne a donné délégation à Mme C, cheffe du bureau de l’éloignement du territoire, signataire de l’arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure les décisions portant confirmation du placement en rétention administrative en cas de demande d’asile en rétention administrative. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’arrêté attaqué doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l’arrêté attaqué comporte l’énoncé des considérations de droit en application desquels il a été pris et indique également, avec suffisamment de précisions les circonstances de fait sur lesquelles il est fondé. En effet, il ressort des termes de l’arrêté attaqué que la préfète de l’Essonne, après avoir rappelé que M. B faisait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français assortie d’une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans prononcée à son encontre le 14 septembre 2023 et qu’il avait fait l’objet d’un arrêté le plaçant en rétention le 3 décembre 2024, a mentionné la volonté de déposer une demande d’asile le 5 décembre 2024, alors qu’il était entré en France en 2022 et y séjournait depuis lors de façon irrégulière sans n’avoir entrepris aucune démarche en vue de formuler une demande d’asile. En outre, la préfète de l’Essonne a considéré que cette demande devait être regardée comme ayant été introduite dans le seul but de faire échec à son éloignement, justifiant son maintien en rétention le temps de l’examen de sa demande d’asile. Par suite, cet arrêté comporte l’ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivé.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la préfète de l’Essonne s’est livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. B avant de prononcer la décision portant maintien en rétention administrative.
6. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1er de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : « Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union ». Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / – le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre [] ".
7. M. B invoque l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et allègue que, en l’absence d’audition portant spécifiquement sur ses craintes en cas de retour dans son pays d’origine, la décision de maintien en rétention a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière et en violation du respect du principe du contradictoire dans la procédure préalable. Si les dispositions de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement telle qu’une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l’Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu’il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d’éloignement envisagée. Ce principe n’implique toutefois pas que l’administration mette l’intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision de le maintenir en rétention administrative pendant le temps nécessaire à l’examen de sa demande d’asile par l’OFPRA et, en cas de décision de rejet de celle-ci, dans l’attente de son départ, dès lors qu’il a pu être entendu sur l’irrégularité du séjour ou sur la perspective de l’éloignement. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B a été entendu le 13 septembre 2023 dans le cadre de son audition par les services de police et il ne ressort pas des pièces du dossier qu’à la date de l’arrêté en litige, il aurait été empêché, depuis son placement en rétention le 3 décembre 2024, ou depuis l’expression, le 5 décembre 2024, de son intention de demander l’asile, d’émettre toutes observations utiles relatives à son maintien en rétention durant l’examen de sa demande d’asile. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du principe fondamental du droit d’être entendu tel qu’il est énoncé au 2 de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être écarté.
8. En cinquième lieu, aux termes de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013, « 1. Dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l’application du présent règlement (). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. () ». Aux termes de l’article 12 de la directive n°2013/32/UE, « Les Etats membres veillent à ce que tous les demandeurs d’asile bénéficient des garanties suivantes : a) ils sont informés, dans une langue qu’ils comprennent ou dont il est raisonnable de supposer qu’ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. ».
9. Si M B soutient que les dispositions l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013, de l’article 12 de la directive n°2013/32/UE et de l’article L. 754-2 précité du code de l’entrée et du séjour des étranger et du droit d’asile ont été méconnues, il est constant qu’il a formulé une demande d’asile le 5 décembre 2024 après avoir été placé en rétention le
3 décembre 2024. Dans ces conditions, et faute de précisions supplémentaires, le moyen tiré de l’absence d’information quant à la possibilité de déposer une demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus doit être écarté.
10. En sixième lieu, eu égard aux critères objectifs, mentionnés par la préfète de l’Essonne dans sa décision, soit notamment les circonstances que l’intéressé a fait l’objet d’une mesure d’éloignement le 14 septembre 2023, et aux circonstances, ressortant de la décision en litige et non contestées, qu’il a dissimulé des éléments de son identité, s’est précédemment soustrait à deux mesures d’éloignement antérieures et risque de se soustraire définitivement à son retour, la préfète de l’Essonne n’a pas entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation. Par ailleurs, si le requérant soutient qu’il a différents problèmes de santé et qu’il entretient des liens privés et familiaux sur le territoire français, il n’apporte, en tout état de cause, aucun élément à l’appui de ces allégations. Il ressort en outre des pièces du dossier que sa demande d’asile a été rejetée par l’OFPRA, le 20 décembre 2024. Par suite, le moyen ne peut être qu’écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 5 décembre 2024, par lequel la préfète de l’Essonne l’a maintenu en rétention administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et à la préfète de l’Essonne.
Décision rendue le 31 décembre 2024.
La magistrate désignée,
S. GUGLIELMETTI La greffière,
A. DEPOUSIER
La République mande et ordonne à la préfète de l’Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution du présent jugement.
N°2432324/8
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Textes cités dans la décision
- Dublin III - Règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte)
- Directive Procédure d'asile - Directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte)
- Directive Accueil - Directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte)
- Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- Code de justice administrative
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