Tribunal administratif de Polynésie française, 24 novembre 2015, n° 1500319

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Polynésie française, 24 nov. 2015, n° 1500319
Juridiction : Tribunal administratif de Polynésie française
Numéro : 1500319
Décision précédente : Tribunal administratif de Polynésie française, 12 octobre 2015

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LA POLYNESIE FRANCAISE

N°1500319

___________

SOCIETE LIBB3

___________

M. Retterer

Rapporteur

___________

M. Reymond-Kellal

Rapporteur public

___________

Audience du 10 novembre 2015

Lecture du 24 novembre 2015

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif

de la Polynésie française

68-03-025-02

C+

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 11 juin 2015, et des mémoires enregistrés le 7 septembre 2015 et le 29 octobre 2015, la société Libb3, représentée par Me Eftimie-Spitz, avocat, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté 13-162-2 MET AU ISLV du 10 février 2015 autorisant M. X Y, gérant de la Sarl société hôtelière Motu Ome’e, à construire 25 bungalows en extension de l’hôtel Saint-Régis sur un emplacement du domaine public maritime sis à Faanui, à XXX

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 150 000 F CFP à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Libb3 soutient que :

— la décision en litige est entachée d’un vice de procédure car la société Motu Ome’e ne peut justifier de ses titres de propriété ;

— les règles relatives à la notification préalable des recours sont inapplicables ;

— le recours pour excès de pouvoir a été introduit dans les délais ;

— la société requérante justifie de son intérêt à agir ;

— en présence d’un désaccord des copropriétaires indivis, l’autorisation en litige est entachée d’une erreur de droit ;

— la construction projetée conduirait à une dépréciation des parcelles IR 1 et IR 2 en raison de la dégradation de l’environnement ; en accordant ainsi le permis de construire, l’administration a commis une erreur manifeste d’appréciation.

Par des mémoires enregistrés le 9 juillet 2015 et le 5 novembre 2015, la société hôtelière du Motu Ome’e, représentée par Me Quinquis, avocat, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire au sursis à statuer, et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 300 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société hôtelière du Motu Ome’e soutient que :

— la requête est irrecevable car le délai de recours contentieux était expiré à la date de la saisine du tribunal ;

— la société requérante est dépourvue de qualité pour agir ;

— elle a justifié de ses droits sur les parcelles attenantes au domaine public maritime sur lesquelles elle est autorisée à construire ;

— les travaux litigieux seront réalisés sur le domaine public maritime qui est inaliénable et appartient à la collectivité, et ainsi l’opposition de la société requérante ne pourrait porter que sur une autorisation valant sur les parcelles dont elle serait propriétaire ;

— l’étude d’impact réalisée ne met en exergue aucune dégradation de l’environnement ;

— il convient de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la cour administrative d’appel de Paris ; elle a d’ores et déjà sollicité une concession maritime auprès de la direction des affaires foncières.

Par un mémoire, enregistré le 22 septembre 2015, la Polynésie française, représentée par son président en exercice, conclut au rejet de la requête.

La Polynésie française soutient que :

— la requête est irrecevable car l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de le notifier à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation en application de l’article R 600-1 du code de l’urbanisme ;

— le pétitionnaire a parfaitement justifié d’un titre suffisant l’habilitant à construire ;

— le moyen tiré de la dégradation de l’environnement et de la dépréciation des parcelles attenantes n’est pas suffisamment développé pour permettre une quelconque réponse.

Par lettre du 26 octobre 2015, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir est susceptible d’être fondée sur un moyen soulevé d’office tiré de l’autorité absolue de la chose jugée qui s’attache à l’annulation prononcée par le tribunal administratif de la Polynésie française, dans son jugement n° 1500211 du 13 octobre 2015, de la décision du 19 décembre 2014 portant autorisation d’occupation temporaire de divers emplacements du domaine public maritime à Faanui, commune de XXX, au profit de la société hôtelière Motu Ome’e XXX.

Par un mémoire, enregistré le 29 octobre 2015, la société Libb3, représentée par Me Eftimie-Spitz, avocat, a répondu au moyen soulevé d’office en faisant valoir que l’autorité de la chose jugée qui s’attache au jugement du 13 octobre 2015 trouve à s’appliquer dans le cadre du présent litige.

Par un mémoire, enregistré le 5 novembre 2015, la société hôtelière Motu Ome E XXX, représentée par Me Quinquis, avocat, a répondu au moyen soulevé d’office en faisant valoir que le jugement du 13 octobre 2015 n’est pas passé en force de chose jugée, et l’autorisation de travaux immobiliers n’est pas affectée par l’annulation de l’autorisation d’occupation du domaine public maritime.

Vu :

— la décision attaquée ;

— les autres pièces du dossier ;

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ;

— le décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme ;

— le code de l’aménagement de la Polynésie française ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Retterer, rapporteur,

— les conclusions de M. Reymond-Kellal, rapporteur public,

— les observations de Mme Z-A, représentant la Polynésie française.

1. Considérant qu’un arrêté en date du 9 décembre 2014 a autorisé la société hôtelière Motu Ome’e XXX à occuper 20 480 m² du domaine public maritime pour l’extension de l’hôtel Saint Régis exploité par cette société au droit du motu Ome’e à Faanui, sur le territoire de la commune de XXX que par arrêté du 10 février 2015, la Polynésie française a autorisé M. X Y, gérant de la Sarl société hôtelière Motu Ome’e, à construire 25 bungalows en extension de cet hôtel ; que par jugement du 13 octobre 2015 le tribunal de céans a annulé l’arrêté du 9 décembre 2014 ; que la société Libb3 demande au tribunal d’annuler l’arrêté du 10 février 2015 ;

Sur les fins de non recevoir opposées par la Polynésie française et le bénéficiaire de l’autorisation de travaux immobiliers

2. Considérant en premier lieu qu’en vertu des dispositions combinées de l’article R. 421-1 du code de justice administrative et de l’article R. 421-6 du même code alors en vigueur, le délai de recours contentieux devant le tribunal administratif de la Polynésie française est de trois mois à compter de la notification ou de la publication de la décision attaquée ; que l’arrêté contesté a été publié au journal officiel de la Polynésie française du 10 mars 2015 ; qu’ainsi, la requête enregistrée le 11 juin 2015 n’est pas tardive ;

3. Considérant en deuxième lieu qu’il ressort des pièces du dossier que l’un des propriétaires indivis des parcelles référencées IR nos 1 et 2 au cadastre de la commune de XXX, au droit desquelles l’arrêté attaqué autorise l’occupation du domaine public maritime, s’est engagé à les vendre à la SARL Libb 3 sous des conditions suspensives dont la réalisation a été, en dernier lieu, repoussée au 10 mai 2021, par acte du 16 décembre 2010 portant avenant à la vente conclue le 10 mai 2006 ; que la qualité d’acquéreur de ces terrains confère ainsi à la société requérante un intérêt suffisant pour lui donner qualité à agir ;

4. Considérant en troisième lieu qu’aux termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme : « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d’aménager ou de démolir (…) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours » ;

5. Considérant qu’il résulte de l’abrogation de l’article R. 411-7 du code de justice administrative par le décret n° 2013-879, pris en application de l’ordonnance n° 2013-638, que l’obligation de notification des recours résultant des dispositions précitées du code de l’urbanisme, qui a le caractère d’une règle de procédure contentieuse, est désormais applicable de plein droit aux requêtes présentées devant le tribunal administratif de la Polynésie française, ainsi qu’à l’exercice des voies de recours contre les décisions rendues par cette juridiction (CE 8 avril 2015 « Epoux Pando » n°368349) ; que, toutefois, cette obligation, qui traduit un changement d’interprétation de la règle de droit, est de nature, compte tenu des difficultés qui peuvent en résulter pour les justiciables, à porter atteinte au principe de sécurité juridique ; qu’en effet, l’exercice du droit au recours effectif garanti par les dispositions de l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, impose que cette obligation de notification du recours à l’encontre d’un acte visé par les dispositions de l’article R 600-1 du code de l’urbanisme et à destination de l’auteur de la décision et du titulaire de l’autorisation ne soit applicable en Polynésie française qu’aux décisions prises par l’administration à compter du 1er janvier 2016 ; qu’il incombe aux pouvoirs publics de prendre avant cette date l’ensemble des mesures nécessaires à la mise en œuvre de ces dispositions et à l’information des justiciables ; qu’il résulte de ce qui précède qu’en l’absence d’une obligation de notification pesant en l’espèce sur la société requérante, la fin de non recevoir tirée du non respect des dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

6. Considérant qu’en raison des effets qui s’y attachent, l’annulation pour excès de pouvoir d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l’annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n’auraient pu légalement être prises en l’absence de l’acte annulé ou qui sont en l’espèce intervenues en raison de l’acte annulé ; qu’il incombe au juge de l’excès de pouvoir, lorsqu’il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d’office un tel moyen, qui découle de l’autorité absolue de chose jugée qui s’attache à l’annulation du premier acte ;

7. Considérant que par un jugement du 13 octobre 2015, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l’arrêté en date du 9 décembre 2014 autorisant la société hôtelière Motu Ome’e XXX à occuper 20 480 m² du domaine public maritime pour l’extension de l’hôtel exploité par cette société au droit du motu Ome’e à Faanui sur le territoire de la commune de XXX que l’arrêté attaqué n’aurait pu être légalement pris en l’absence d’une décision autorisant l’occupation du domaine public maritime ; que, par voie de conséquence de l’annulation de l’autorisation du 9 décembre 2014 prononcée par le tribunal de céans, l’arrêté du 10 février 2015 portant autorisation de construire les 25 bungalows en extension de l’hôtel Saint-Régis doit également être annulé ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Libb3 est fondée à demander l’annulation de l’arrêté en litige ;

9. Considérant qu’afin de donner le meilleur effet au présent jugement, il y a lieu de prévoir la publication au Journal officiel de la Polynésie française d’un extrait de celui-ci ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. / Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;

11. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 150 000 F CFP à verser à la société requérante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées sur le même fondement par la société hôtelière Motu Ome’e XXX, qui est la partie perdante, doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté n° 13-162-2 du 10 février 2015 MET AU ISLV du 10 février 2015 autorisant M. X Y, gérant de la Sarl société hôtelière Motu Ome’e, à construire 25 bungalows en extension de l’hôtel Saint-Régis sur un emplacement du domaine public maritime sis à Faanui, à XXX est annulé.

Article 2 : La Polynésie française versera à la société Libb3 une somme de 150 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société hôtelière Motu Ome’e XXX au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Un extrait du présent jugement, comprenant son dispositif et les motifs qui en sont le support et notamment les points 4 et 5, sera publié au Journal officiel de la Polynésie française dans un délai de huit jours à compter de sa notification.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Libb3, à la Polynésie française et à la société hôtelière Motu Ome’e XXX.

Délibéré après l’audience du 10 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Tallec, président,

Mme Meyer, première conseillère,

M. Retterer, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 novembre 2015.

Le rapporteur, Le président,

S. Retterer J-Y. Tallec

La greffière,

D. Germain

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier,

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