Tribunal administratif de Rennes, 31 mars 2016, n° 1304085

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 31 mars 2016, n° 1304085
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 1304085
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Nantes, 19 janvier 2011

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE RENNES

N° 1304085

___________

M. Y-Z X

___________

Mme Agnès Allex

Rapporteur

___________

M. David Bouju

Rapporteur public

___________

Audience du 3 mars 2016

Lecture du 31 mars 2016

___________

36-13-03

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Rennes

(4e Chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 novembre 2013, 13 novembre 2014, 23 octobre 2015 et 16 février 2016, M. Y-Z X, représenté par la SELARL Horus Avocats, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le président d’Orange a rejeté sa demande tendant à la reconstitution de sa carrière et au versement des rémunérations et des cotisations retraite correspondantes, ainsi qu’à son inscription sur la liste d’aptitude au grade d’inspecteur ;

2°) d’enjoindre à la société Orange de procéder à la reconstitution de sa carrière en le réintégrant à compter du 1er avril 1993 au 4e échelon du grade de chef dessinateur avec 9 mois d’ancienneté et en rétablissant ses promotions d’échelons ;

3°) de condamner la société Orange à lui verser la somme de 57 388,85 euros au titre de sa perte de rémunération induite par cette reconstitution et à verser les cotisations retraites correspondant à la rémunération qu’il aurait du percevoir au service des pensions de retraite de La Poste et de France Télécom ;

4°) de condamner la société Orange à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice né du retard dans la reconstitution de sa carrière ;

5°) de condamner la société Orange à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de l’illégalité du refus de France Télécom d’établir des listes d’aptitude et des tableaux d’avancement depuis le 26 novembre 2004 ;

6°) d’ordonner sa promotion au grade d’inspecteur ;

7°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

▪ en ce qui concerne la reconstitution de sa carrière :

— France Télécom l’a illégalement privé de son droit à bénéficier d’un déroulement normal de sa carrière ainsi qu’il résulte, d’une part, de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 24 octobre 2005 et, d’autre part, de l’arrêt rendu le 20 janvier 2011 par la Cour administrative d’appel de Nantes aux termes duquel il a été considéré qu’entre le 25 mars 1993 et le 26 novembre 2004, date d’édiction du décret organisant les promotions internes, il avait subi une perte de chance sérieuse d’être promu au grade de dessinateur projeteur chef de section ; que ces décisions impliquent nécessairement qu’il soit procédé à une reconstitution de sa carrière en lui attribuant rétroactivement le grade de chef dessinateur (CDES) au 4e échelon avec une ancienneté acquise de 9 mois à compter du 1er avril 1993 ;

— les conséquences pécuniaires de cette reconstitution impliquent que lui soient versées les pertes de traitement qu’il a subies entre le grade de DESPR et le grade de DPCION entre le 1er avril 1993 et le 1er octobre 2013 et qui s’élèvent à la somme de 57 388,85 euros à parfaire ;

▪ en ce qui concerne ses préjudices :

— France Télécom a commis une faute en ne procédant pas à la reconstitution de sa carrière dans un délai raisonnable, alors qu’il était en droit d’être promu au grade de CDES dés le 1er avril 1993 ; le préjudice en résultant devra être réparé par l’allocation d’une somme de 10 000 euros à parfaire ;

— en dépit de l’intervention du décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004, France Télécom n’a toujours pas mis en place des listes d’aptitude et des tableaux d’avancement pour les fonctionnaires reclassés ce qui constitue une illégalité fautive ; France Télécom avait la possibilité de mettre en place des promotions avant l’intervention du décret du 26 novembre 2004, ainsi qu’il résulte de la décision n° 14 du 2 juillet 2004 ; France Télécom ne produit aucun élément de nature à démontrer qu’il aurait démérité depuis 2004 alors qu’il justifie de ses aptitudes professionnelles ; il a candidaté à divers postes de promotion interne mais n’a pu le faire pour le grade de CDES à défaut d’avoir été informé de l’ouverture de voies de promotion interne pour ce grade ; le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence en résultant doivent être réparés par l’allocation d’une somme de 30 000 euros à parfaire ;

— Les voies de promotion mises en place par France Télécom à compter de 2004 sont entachées d’illégalité :

∙ si des voies de promotion ont été ouvertes par le décret du 26 novembre 2004, elles ne profitent pas à l’ensemble des agents reclassés ;

∙ la décision n° 14 du 2 juillet 2004 organisant une promotion interne par voie d’examen professionnel est entachée d’illégalité : à supposer même que cet examen puisse être considéré comme un concours, il ne dispensait pas France Télécom d’organiser une autre voie de promotion interne conformément aux articles 19 et 26 de la loi du 11 janvier 1984 ; la composition des jurys d’examens qu’elle prévoit méconnaît les articles 20 bis, 26 bis et 58 bis de la loi du 11 janvier 1984 relatifs à la parité ;

∙ France Télécom n’a organisé aucune publicité sur les examens qu’elle a organisés depuis 2004 de manière à priver ses agents d’une chance de concourir ;

∙ le processus de promotion mis en place n’est pas conforme aux dispositions statutaires issues de la loi du 11 janvier 1984 : la modalité de sélection consistant à présélectionner les reclassés susceptibles d’obtenir une promotion par un jury et sur dossier avant de soumettre les candidats à une épreuve d’admission ne peut être assimilée à un concours, un examen professionnel ou à une liste d’aptitude conforme à ces dispositions ;

— le décret du 26 novembre 2004 est entaché d’illégalité en ce qu’il méconnaît l’article 26 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984 qui prévoit que la promotion interne doit être organisée non seulement par voie de concours mais également par la voie d’un examen professionnel ou d’une liste d’aptitude ; les dispositions de l’article 10 de la loi ne permettaient pas de déroger à l’article 26 dès lors que cet article n’est nullement visé par le décret alors que ces dispositions ne sont pas obligatoires et résultent seulement d’une possibilité pour l’administration ; dans le cadre du processus d’édiction du décret du 26 novembre 2004, ni l’Etat ni France Télécom n’ont entendu se placer sous l’empire de ces dispositions législatives ; ce décret n’a pas par ailleurs été précédé d’un avis du Conseil supérieur de la fonction publique comme l’exige l’article 10 ;

▪ en ce qui concerne son inscription sur la liste d’aptitude au grade d’IN :

— dans son arrêt du 20 janvier 2011, la Cour administrative d’appel de Nantes a condamné France Télécom pour le blocage de sa carrière et a reconnu qu’il aurait dû être promu au grade de chef dessinateur dès 1993 ; si sa carrière s’était déroulée à un rythme normal il était en droit de demander à France Télécom de l’inscrire sur la liste d’aptitude 2013 au grade d’inspecteur et que cette demande soit suivie d’effet dans un délai raisonnable.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 septembre 2014, 17 août 2015, 24 octobre 2015 et 12 février 2016, la société Orange, représentée par Me de Guillenchmidt, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. X la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— aucune faute ne peut lui être reprochée : dès lors qu’elle ne procédait plus depuis 1993 au recrutement de fonctionnaires par la voie des concours, elle ne pouvait pas avant l’intervention du décret du 26 novembre 2004, mettre en place des listes d’aptitude pour l’accès au corps des inspecteurs dès lors que les statuts particuliers en vigueur avant cette date prévoyaient que les promotions par liste d’aptitude étaient effectuées dans la limite d’un certain plafond des titularisations prononcées ; avant cette date, les agents reclassés ont toujours pu accéder aux grades de classification par la voie de la promotion ; ces dispositions statutaires ne sont devenues illégales qu’à partir du 1er janvier 2002 ; à compter de cette date et jusqu’à l’intervention du décret du 26 novembre 2004 elle ne pouvait procéder à des mesures de promotion interne en l’absence de modification des statuts par le pouvoir règlementaire ; il n’existait pas d’emploi vacant susceptible d’être occupé par le requérant dans le grade supérieur, toutes les fonctions occupées par les salariés de l’entreprise étant rattachées à un grade de classification ;

— depuis l’intervention du décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004, l’effectivité de la promotion interne est assurée conformément aux dispositions légales et statutaires en vigueur ; un document intitulé « la promotion des fonctionnaires titulaires d’un grade de reclassement » a été établi et largement diffusé au sein de la société prévoyant la mise en œuvre pratique du décret de 2004 ; de nombreux agents reclassés ont été promus depuis cette date, les fonctionnaires reclassés pouvant désormais opter soit pour un grade de reclassement soit pour un grade de classification ; elle a fait le choix de privilégier le concours comme mode de promotion interne, ce qui est conforme aux articles 26 et 19 de la loi du 11 janvier 1984, les modalités d’organisation de la promotion interne et des concours étant établies par la décision n° 14 du 2 juillet 2004 ; le requérant n’est donc pas fondé à revendiquer une promotion au grade d’inspecteur uniquement par le biais d’une liste d’aptitude, dès lors qu’il avait la possibilité de se présenter aux concours ouverts en application de la décision n° 14 du 2 juillet 2004 pour l’accès aux grades de chef dessinateur, ce qu’il n’a pas fait ;

— l’ensemble des préjudices a été déjà réparé par la Cour administrative d’appel de Nantes qui a ordonné l’indemnisation du préjudice professionnel et financier subi par le requérant au titre de la perte de chance sérieuse d’accéder au grade de dessinateur projeteur chef de section.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— l’arrêt du Conseil d’Etat n° 266319 du 24 octobre 2005.

Vu :

— la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

— la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

— la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 ;

— le décret n° 56-448 du 30 avril 1956 ;

— le décret n° 58-777 du 25 août 1958 ;

— le décret n° 91-11 du 4 janvier 1991 ;

— le décret n° 92-924 du 7 septembre 1991 ;

— le décret n° 91-103 du 25 janvier 1993 ;

— les décrets nos 93-514 à 93-519 du 25 mars 1993, modifiés ;

— le décret n° 2004-1300 du 22 novembre 2004 ;

— le décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Allex,

— les conclusions de M. Bouju, rapporteur public,

— et les observations de Me Bernard, représentant M. X.

Des notes en délibéré présentées pour M. X ont été enregistrées les 11 et 16 mars 2016.

1. Considérant que M. X, fonctionnaire de France Télécom depuis le 22 mars 1977, nommé dessinateur (DES) puis promu à compter du 1er décembre 1978 au grade de dessinateur projeteur (DESPR) et titularisé dans ce grade à compter du 2 décembre 1979 a refusé, lors du changement de statut de son employeur, d’intégrer les corps dits de « reclassification » et a opté en faveur de la conservation de son grade ; que, par un arrêt du 20 janvier 2011 devenu définitif, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé que France Télécom et l’Etat avait commis des illégalités fautives en privant à partir de 1993 les fonctionnaires reclassés d’une possibilité de promotion interne ; qu’elle a considéré qu’en raison de ces illégalités M. X, qui satisfaisait aux conditions posées par les statuts pour figurer sur la liste d’aptitude pour l’accès au grade de dessinateur projeteur chef de section à compter du 15 juin 1991, avait perdu une chance sérieuse d’accéder à ce grade résultant de l’impossibilité d’être inscrit sur la liste d’aptitude à compter de cette date ; qu’elle a en revanche considéré que l’intéressé n’établissait pas avoir eu une chance sérieuse d’accéder aux grades de chef dessinateur (CDES), de chef dessinateur de classe exceptionnelle (CDESE) ou à celui d’inspecteur (IN), si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires « reclassés » après 1993 ; que, par suite, elle a estimé que le requérant n’était fondé à demander la réparation de ses préjudices professionnel, financier, moral et des troubles dans ses conditions d’existence, qu’à raison de l’absence de sa promotion au grade de dessinateur projeteur chef de section, et lui a alloué la somme de 15 000 euros à ce titre ; que, par un courrier du 20 août 2013, M. X a saisi le président d’Orange d’une demande tendant à la reconstitution de sa carrière à compter du 1er avril 1993, au versement, d’une part, de la somme de 56 226,72 euros au titre de la perte de traitement et accessoires induit par cette reconstitution et, d’autre part, des cotisations de retraites correspondantes, ainsi qu’à son inscription sur la liste d’aptitude au grade d’inspecteur ; que M. X demande au tribunal d’annuler la décision implicite par laquelle le président de la société Orange a rejeté ces demandes et de condamner cette société, venant aux droits de France Télécom, à l’indemniser des préjudices qu’il estime avoir subi ;

Sur la demande de reconstitution de carrière :

2. Considérant que les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l’avenir ; que s’agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, l’administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l’agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation ; que ni l’arrêt n° 266319 du 24 octobre 2005 par lequel le Conseil d’Etat a annulé le refus du président de France Télécom de faire droit à une demande tendant à assurer aux fonctionnaires reclassés un avancement propre à leur corps de reclassement, ni l’arrêt susmentionné du 20 janvier 2011 par lequel la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé qu’en raison des illégalités fautives commises par France Télécom M. X avait été privé d’une chance sérieuse de promotion au grade de dessinateur-projeteur chef de section, mais qu’il n’établissait pas avoir été privé d’une telle chance pour l’accès aux grades de chef dessinateur (CDES), de chef dessinateur de classe exceptionnelle (CDESE) ou d’inspecteur (IN), n’impliquaient que la société Orange procède rétroactivement à la reconstitution de la carrière du requérant, lequel ne disposait d’aucun droit à être promu ; que, par suite, en refusant de procéder à la reconstitution de carrière de M. X en le nommant au 4e échelon du grade de CDES à compter du 1er avril 1993 et d’en tirer les conséquences pécuniaires s’agissant de sa rémunération et des ses cotisations de retraite, le président d’Orange n’a pas entaché sa décision d’illégalité ;

Sur la nomination de M. X au grade d’inspecteur :

3. Considérant que, pour justifier sa demande d’inscription sur la liste d’aptitude 2013 au grade d’inspecteur, M. X se borne à soutenir que, s’il avait été nommé dès 1993 au grade de chef dessinateur, il aurait, compte tenu d’un déroulement normal de carrière, atteint le 31 décembre 2012 le 10e échelon du grade de CDES avec une ancienneté de 2 ans et 8 mois dans cet échelon ; que, toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que M. X, qui, comme il a été dit ci-dessus, n’avait aucun droit acquis à une promotion, mais qui a seulement été privé d’une chance sérieuse d’accéder au grade de dessinateur-projeteur chef de section, ainsi que l’a jugé la Cour administrative d’appel de Nantes par l’arrêt précité du 20 janvier 2011, devait être nommé dans ce grade à compter du 1er avril 1993 ; que, par suite, en refusant de faire droit à la demande du requérant tendant à être promu au grade d’inspecteur, le président d’Orange n’a pas entaché sa décision d’illégalité ;

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Considérant qu’aux termes de l’article 26 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : « En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d’être proposés au personnel appartenant déjà à l’administration (…) non seulement par voie de concours selon les modalités définies au troisième alinéa (2°) de l’article 19 ci-dessus, mais aussi par la nomination de fonctionnaires (…) suivant l’une des modalités ci-après : 1° Examen professionnel ; 2° Liste d’aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire du corps d’accueil, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l’expérience professionnelle des agents. Chaque statut particulier peut prévoir l’application des deux modalités ci-dessus, sous réserve qu’elles bénéficient à des agents placés dans des situations différentes. » ; qu’aux termes de l’article 19 de cette loi : « Les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours organisés suivant l’une des modalités ci-après ou suivant l’une et l’autre de ces modalités : 1° Des concours ouverts aux candidats justifiant de certains diplômes ou de l’accomplissement de certaines études. (…) ; 2° Des concours réservés aux fonctionnaires de l’Etat (…) » ; qu’en vertu de l’article 10 de la même loi : « (…) Les statuts particuliers de corps interministériels ou communs à plusieurs départements ministériels ou établissements publics de l’Etat peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres à l’organisation de la gestion de ces corps au sein de chacun de ces départements ministériels ou établissements. » ; qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom : « Les dispositions de l’article 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée s’appliquent à l’ensemble des corps de fonctionnaires de La Poste et de France Télécom » ;

5. Considérant, en premier lieu, qu’il est constant que France Télécom a pris, après l’intervention du décret susvisé du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom, entré en vigueur le 30 novembre 2004, des mesures permettant la promotion interne de fonctionnaires appartenant à des corps de « reclassement » ; que, si M. X soutient que le mode de promotion mis en place par France Télécom méconnaît les dispositions précitées de l’article 26 de la loi du 11 janvier 1984, un tel moyen est inopérant s’agissant de l’accès aux grades de dessinateur projeteur chef de section et de chef dessinateur qu’il revendique, lequel relève de l’avancement de grade et non pas des dispositions de l’article 26 ; qu’en revanche, s’agissant de l’accès au grade d’inspecteur, si France Télécom indique avoir fait le choix de privilégier le concours interne, cette circonstance ne la dispensait pas, en application des dispositions précitées de l’article 26 de la loi du 11 janvier 1984, et alors que cette autre voie de promotion était prévue par le décret susvisé du 25 janvier 1991 relatif au statut particulier du corps des inspecteurs de France Télécom jusqu’à la date d’entrée en vigueur du décret susvisé du 29 novembre 2011, de procéder à l’établissement de listes d’aptitude permettant la promotion interne des fonctionnaires ; que, par suite, en ne procédant pas à compter de 2004 à l’établissement de telles listes d’aptitude, alors qu’aucune disposition dérogatoire ne justifiait légalement cette exclusion avant le 29 novembre 2011, la société Orange a commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité ;

6. Considérant cependant, que l’avancement au choix ne constitue pas un droit pour un fonctionnaire ; que le requérant, dont l’évaluation globale pour l’année 2013 a été jugée satisfaisante et dont la candidature en 2009, 2010, 2011 et 2012 sur des postes de niveau 2-3 n’a pas été retenue n’établit pas qu’il aurait eu une chance sérieuse d’accéder à compter de 2004 au grade d’inspecteur si des listes d’aptitude avaient été mises en place par France Télécom ; qu’il n’est donc pas fondé à solliciter l’indemnisation d’un préjudice moral ou de troubles dans les conditions d’existence qu’il subirait à ce titre ; que M. X est toutefois en droit de prétendre au versement d’une indemnité en raison du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence résultant de la faute commise par France Télécom consistant à avoir privé de manière générale les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne par la voie de la liste d’aptitude à compter de 2004 ; que dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice distinct de celui déjà indemnisé par l’arrêt précité de la Cour administrative d’appel de Nantes en l’évaluant globalement à la somme de 1 000 euros ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que le décret susvisé du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom, qui abroge les dispositions des décrets statutaires qu’il mentionne en annexe, en tant que ces dispositions prévoient notamment pour les corps de France Télécom les recrutements externes et la répartition des emplois à pourvoir par la voie interne et la voie externe, n’a ni pour objet ni pour effet d’instituer une seule et unique voie de promotion interne et de déroger aux dispositions du statut général ; que les moyens tirés de la méconnaissance par ce décret des dispositions précitées des articles 10 et 26 de la loi du 11 janvier 1984 doivent donc être écartés ; que, par suite, M. X n’est pas fondé à soutenir que le décret du 26 novembre 2004 serait entaché d’illégalité et qu’en en faisant application France Télécom aurait commis une illégalité fautive ;

8. Considérant, en troisième lieu, que les allégations de M. X, selon lesquelles les voies de promotion internes mises en place par France Télécom à compter de 2004, ne profiteraient pas à l’ensemble des agents reclassés ne sont pas assorties des précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé ; qu’il résulte par ailleurs de l’instruction que la société Orange a assuré une large information relative aux voies de promotions mises en place à compter de 2004 par la diffusion d’un document intitulé « la promotion des fonctionnaires titulaires d’un grade de reclassement » et qu’elle indique, sans être sérieusement contestée, que de nombreux agents reclassés ont pu depuis cette date bénéficier d’une promotion ; qu’en tout état de cause le requérant n’établit pas que la faute alléguée l’aurait privé d’une chance de se présenter aux concours internes mis en place, en particulier pour l’accès au grade de CDES ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen, tiré de ce que le mode de promotion prévu par la décision n° 14 du 2 juillet 2004 de France Télécom ne pourrait être assimilé à un des modes de promotion interne prévu par les dispositions statutaires de la loi du 11 janvier 1984, n’est pas assorti des précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé ; que, par ailleurs, l’intéressé qui ne justifie ni n’allègue s’être jamais porté candidat à ce mode de promotion pour l’accès aux grades qu’il revendique, n’établit pas l’existence d’un lien de causalité direct entre la faute alléguée et le préjudice dont il sollicite réparation, et n’est donc pas fondé à se prévaloir d’une telle circonstance ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que si M. X fait par ailleurs valoir que la composition des jurys d’examens prévus par la décision du 2 juillet 2004 méconnaît les articles 20 bis, 26 bis et 58 bis de la loi du 11 janvier 1984 relatifs à la parité, l’intéressé, qui ainsi qu’il a été dit au point 9, ne justifie ni n’allègue s’être porté candidat à ce mode de promotion pour l’accès aux grades qu’il revendique, n’établit pas le préjudice dont il serait victime à ce titre ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu’il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu’en refusant de procéder à la reconstitution de la carrière du requérant France Télécom n’a commis aucune illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité ; que, par suite, les conclusions indemnitaires de M. X tendant à l’indemnisation d’un préjudice résultant du retard de France Télécom à procéder à cette reconstitution ne peuvent être accueillies ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X est uniquement fondé à obtenir la condamnation de la société Orange à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d’existence résultant de l’absence de mise en place par France Télécom à compter du 30 novembre 2004 de toute possibilité de promotion interne par la voie de listes d’aptitude pour les fonctionnaires reclassés ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

13. Considérant que l’exécution du présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d’annulation, n’implique pas qu’il soit enjoint à la société Orange de procéder à la reconstitution de la carrière du requérant ni de le promouvoir au grade d’inspecteur ; que, par suite, les conclusions à fin d’injonction doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu’il a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Orange la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Orange demande sur ce fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : La société Orange est condamnée à verser à M. X une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice.

Article 2 : La société Orange versera à M. X une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Orange sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. Y-Z X et à la société Orange.

Délibéré après l’audience du 3 mars 2016, où siégeaient :

M. Sudron, président,

Mme Allex, première conseillère,

M. Vennéguès, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 mars 2016.

Le rapporteur, Le président,

signé signé

A. ALLEX A. SUDRON

Le greffier,

signé

XXX

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Rennes, 31 mars 2016, n° 1304085