Tribunal administratif de Rennes, 7 octobre 2021, n° 1900215

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 7 oct. 2021, n° 1900215
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 1900215

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES

N° 1900215 ___________ RÉPUBLIQUE SOCIÉTÉ FRANÇAISE PHARMACIE LES FILETS BLEUS ___________ AU NOM DU M. Yann Y PEUPLE Rapporteur FRANÇAIS ___________
M. Pierre Leroux Rapporteur public Le tribunal ___________ administratif de Rennes Audience du Décision du (2ème Chambre B) ___________ 55-03-04-01 55-03-04-01-01-02 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 janvier, 11 février, 14 novembre 2019 et 6 août et 10 septembre 2021 la société pharmacie les filets bleus, représentée par Me Dubourg, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne a autorisé le transfert de la SELARL Pharmacie du Rhun du […] ;

2°) de mettre à la charge de l’Agence régionale de santé de Bretagne une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 7611 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l’Agence régionale de santé devra justifier du dossier de demande et de sa conformité à l’article R. 5125-1 du code de la santé publique ;

- la décision attaquée est entachée d’une méconnaissance de l’article L. 5125-3 du code de la santé publique et d’une erreur d’appréciation au regard des besoins en médicaments de la population résidente du quartier d’accueil, ainsi que de la population résidente du quartier d’origine ; elle ne présente pas une réponse optimale aux besoins de la population résidante dans le quartier d’accueil mais à ceux de celle fréquentant la zone commerciale, donc de passage ;



- le transfert ne sert pas l’intérêt général mais seulement celui du bénéficiaire ;

- le syndicat des pharmaciens d’officine et le conseil régional de l’ordre ont rendu respectivement d’une part un avis défavorable et d’autre part un avis favorable mais assorti de fortes réserves.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2019, l’Agence régionale de santé de Bretagne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les documents joints par M. X à sa demande de transfert attestent de la complétude de son dossier, en outre, le fait que le permis de construire ait été transféré est inopérant, et la surface concernée n’est pas irrégulière ;

- l’approvisionnement de la population en médicaments n’est pas compromis ;

- la réponse aux besoins en médicaments est optimale

- la circonstance que le transfert ait lieu sur le même terrain que celui devant accueillir une maison de santé pluridisciplinaire (MSP) est inopérante.

Par des mémoires enregistrés les 23 avril, 17 décembre 2019 et le 11 septembre 2021, la SELARL pharmacie du Rhun, gérée par M. X et représentée par Me Sequeval, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société pharmacie les filets bleus en application de l’article L. 7611 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- au regard des pièces composant le dossier de demande de transfert, elle a respecté ces dispositions réglementaires ainsi que la circulaire du 21 mars 2000 fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à une demande de transfert d’officines de pharmacie ;

- la pharmacie les filets bleus ne justifie pas avoir entamé un recours à l’encontre du permis de construire N° PC 29039 15 00138 en date du 11 avril 2016 ;

- le fait que le permis de construire ait été transféré est inopérant, de même que la différence de surface ;

- en outre, les bâtiments de la pharmacie et ceux de la MSP sont bien distincts ;

- le permis de construire n’est pas caduc, contrairement à ce que soutient la société requérante ;

- l’arrête attaqué respecte les prescriptions de l’article L.5125-3 du code de la santé publique, en effet, le transfert n’entraîne pas un changement de quartier pour l’officine ;

- le transfert n’entraîne aucun abandon de population ;

- il permettra une desserte optimale en médicaments à la population.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l’ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Y,

- les conclusions de M. LeRoux, rapporteur public,

- et les observations de Me Dubourg, représentant la pharmacie les filets bleus, et de Me Sequeval, représentant la pharmacie du Rhun.



Considérant ce qui suit :

• Par un courrier du 29 juin 2018, M. B-C X, pharmacien, a demandé l’autorisation de transférer son officine de pharmacie, sise au 2, rue Joseph Bigot-Ecoparc le Rhun à Concarneau au […] sur la même commune. Par un arrêté du 13 novembre 2018, publié au recueil des actes administratifs le 16 novembre suivant, le directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne a fait droit à sa demande et a autorisé le transfert de son officine. La SARL Pharmacie Les filets bleus, représentée par M. Z A et M. B-Z D, demande au tribunal d’annuler cet arrêté.

Sur les dispositions applicables :

• Aux termes de l’article 5 de l’ordonnance du 3 janvier 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie : « I. – Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables à la date de publication des décrets pris pour leur application, et au plus tard le 31 juillet 2018, sous réserve des dispositions prévues au II. / II. – Les demandes d’autorisation de création, transfert ou regroupement d’officines déposées auprès des agences régionales de santé et dont la complétude a été constatée avant l’entrée en vigueur de la présente ordonnance demeurent soumises aux dispositions du code de la santé publique dans leur rédaction antérieure à la date de publication des décrets pris pour l’application de la présente ordonnance ». Le décret n° 2018-672 du 30 juillet 2018 pris pour l’application de l’ordonnance précité a été publié le 31 juillet 2018.

• Par ailleurs, aux termes du 8ème alinéa du I de l’article R. 5125-1 du code de la santé publique : « Le directeur général de l’agence régionale de santé procède à l’enregistrement de la demande à la date et à l’heure de la réception du dossier complet. Il délivre au demandeur un récépissé mentionnant la date et l’heure de cet enregistrement. ».

• Il ressort des pièces du dossier que la complétude du dossier de demande d’autorisation de transfert en litige a été constatée par l’ARS de Bretagne le 13 juillet 2018. Dès lors, c’est à bon droit que l’ARS de Bretagne a instruit cette demande au regard des dispositions antérieures à l’ordonnance du 3 janvier 2018.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

• En premier lieu, aux termes de l’article R.5125-1 du code de la santé publique : « L’autorisation de création ou de transfert d’une officine de pharmacie ou de regroupement d’officines, sauf pour celles mentionnées à l’article L. 5125-19, est demandée au directeur général de l’agence régionale de santé où l’exploitation est envisagée par la personne responsable du projet, ou son représentant s’il s’agit d’une personne morale. Lorsque la demande est présentée par une société ou par plusieurs pharmaciens réunis en copropriété, elle est signée par chaque associé ou copropriétaire devant exercer dans l’officine. La demande est accompagnée d’un dossier comportant : 1° L’identité, la qualification et les conditions d’exercice professionnel des pharmaciens auteurs du projet ; 2° Le cas échéant, les statuts de la personne morale pour laquelle la demande est formée ; 3° La localisation de l’officine projetée et, le cas échéant, de l’officine ou des officines dont le transfert ou le regroupement est envisagé ; 4° Les


éléments de nature à justifier les droits du demandeur sur le local proposé ; 5° Les éléments permettant de vérifier le respect des conditions minimales d’installation prévues à la sous-section 2 de la présente section. La liste des pièces justificatives correspondantes est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Lorsque le dossier est complet, le directeur général de l’agence régionale de santé procède à l’enregistrement de la demande. Il délivre au demandeur un récépissé mentionnant la date et l’heure de cet enregistrement. »

• D’une part, il ressort des pièces du dossier que le dossier présenté par M. X était complet et conforme aux dispositions de l’article R. 5125-1 du code de la santé publique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

• D’autre part, la pharmacie les filets bleus soutient que le permis de construire initial a été accordé le 11 avril 2016 à la pharmacie du Rhun pour une surface de plancher de 907,74 m² consistait l’édification de deux bâtiments, dont l’un devant accueillir la pharmacie pour 474,12 m², et l’autre la maison médicale pour 489,51 m². Elle précise que le permis de construire a été partiellement transféré à la SCCV Pôle de Santé de Vidie par un arrêté du 8 février 2018, pour une surface de plancher de 497 m² et souligne qu’il existe donc une différence de 7,49 m².

• Premièrement, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société requérante ait contesté le permis de construire N°PC 29039 15 00138 du 11 avril 2016, dans les délais du recours contentieux.

• Deuxièmement, l’ARS dans le cadre de l’instruction du dossier de transfert de la pharmacie du Rhun a sollicité et obtenu de M. X les précisions à l’instruction du dossier dans les conditions fixées par l’arrêté du 21 mars 2000 fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à une demande de transfert d’officine de pharmacie. Il ressort également des pièces du dossier que les surfaces consacrées d’une part à la pharmacie et d’autre part au pôle santé sont nettement distinctes dans le projet constituant deux bâtiments. En outre, la seule circonstance qu’il existe une différence de 7,49 m2, ne suffit à établir que l’appréciation de l’ARS de Bretagne aurait faussée. Dès lors, le moyen tiré de la légalité externe doit être écarté.

• En second lieu, aux termes du premier alinéa de l’article L. 51253 du code de la santé publique, dans sa version applicable : « Les créations, les transferts et les regroupements d’officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d’accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s’ils n’ont pas pour effet de compromettre l’approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d’origine. Les créations, les transferts et les regroupements d’officines de pharmacie ne peuvent être effectués que dans un lieu qui garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet à celle-ci d’assurer un service de garde ou d’urgence mentionné à l’article L. 512522 ». Pour l’application de ces dispositions, il appartient à l’autorité administrative d’apprécier les effets du transfert envisagé sur l’approvisionnement en médicaments du quartier d’origine et du quartier de destination de l’officine qui doit être transférée ainsi que, le cas échéant, des autres quartiers pour lesquels ce transfert est susceptible de modifier significativement l’approvisionnement en médicaments. La population résidente, au sens des mêmes dispositions, doit s’entendre, outre éventuellement de la population saisonnière, de la seule population domiciliée dans ces quartiers ou y ayant une résidence stable.



L’administration peut toutefois tenir compte, pour apprécier cette population, des éventuels projets immobiliers en cours ou certains à la date de sa décision. Enfin, le caractère optimal de la réponse apportée par le projet de transfert ne saurait résulter du seul fait que ce projet apporte une amélioration relative de la desserte par rapport à la situation d’origine.

• D’une part, la société requérante soutient que le transfert autorisé compromet l’approvisionnement en médicaments de la population résidente du quartier d’origine, notamment celle de Beuzec-Concq et de Kerandon.

• Il ressort des pièces du dossier que la distance entre la pharmacie du Rhun dans son emplacement actuel et celui du projet est d’un à un kilomètre et demi suivant l’itinéraire. Le nouveau site est par ailleurs accessible en cinq minutes de Beuzec et quatre minutes de Kerandon en véhicule motorisé. Le recours à ce mode de transport était également nécessaire pour les résidents de ces quartiers pour se rendre au […] à Concarneau. En outre, concernant les résidents du quartier de Beuzec-Concq, avant ou après le transfert projeté, ces derniers devaient franchir la route départementale (RD) 783.

• D’autre part, si la société requérante soutient que la pharmacie du Rhun dans son nouvel emplacement serait moins bien desservie en transport en commun que sur son ancien site, il résulte toutefois, que l’obligation de déserte par une offre de transport collectif telle que prévue par l’article L. 5125-3,1° du code de la santé publique n’est pas applicable à la demande de M. X, car comme mentionné au point 4, elle relevait des dispositions de l’article L. 51253 du code de la santé publique antérieures à l’ordonnance du 3 janvier 2018.

• Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier que la population de Kerandon est approvisionnée en médicaments par la pharmacie requérante, qui est située à l’entrée même de ce quartier. En outre, la patientèle de la pharmacie du Rhun provient essentiellement des quartiers nord de Concarneau, en l’espèce des IRIS 0106, 0107 et 0108, dont le transfert envisagé vers le nord de la commune aurait pour conséquences de rapprocher les locaux de l’officine vers les habitants desdits quartiers. Cette population pourra donc, dans ces circonstances, être approvisionnée par les pharmacies les filets bleus et du Rhun.

• Enfin, la pharmacie requérante soutient également que le transfert autorisé ne répond pas de façon optimale aux besoins en médicaments de la population du quartier d’accueil. Elle fait valoir, que le dossier de demande de transfert n’apporte pas la preuve d’une réponse optimale aux besoins en médicaments notamment des quartiers du Zins- Kerauret, de Penanguer-Kerhun, du Poteau Vert et de Keramporiel, situés dans la zone Nord de Concarneau et elle ajoute que la localisation projetée ne se situe pas à proximité immédiate d’habitations. Elle précise également que le transfert envisagé vise à capter une population de passage par l’implantation à proximité d’un pôle médical.

• Il ressort des pièces du dossier que dès 2009, l’ordre national des pharmaciens de Bretagne avait émis un avis favorable à une implantation d’une pharmacie dans le nord de la commune de Concarneau et que l’union régionale des pharmacies de Bretagne, la même année avait privilégiée l’implantation d’une officine dans ce secteur, tout comme, la chambre syndicale des pharmaciens du Finistère. En l’espèce, le transfert envisagé vise bien à déplacer la pharmacie du Rhun d’environ 750 mètres vers le nord de la commune


de Concarneau.

• Par ailleurs, si le nouvel emplacement se trouve dans une zone commerciale, toutefois le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune fait apparaître que plusieurs habitations se trouvent à proximité du site, notamment à l’ouest de ce dernier ainsi que les zones 1 AU et 2 AU situées de l’autre côté de la RD 783 qui ont vocation à accueillir également des habitations à termes, d’autres zones de ce type sont également présentes à l’ouest et au nord du site. Si effectivement le nouvel emplacement est situé sur le même terrain que la maison de santé pluridisciplinaire, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de considérations tenant à la captation par la pharmacie du Rhun de la patientèle de la MSP situés à proximité de son officine. En tout état de cause, les intentions qui auraient conduit la pharmacie du Rhun à demander son transfert sont sans lien avec la légalité de la décision contestée.

• Enfin, la circonstance que syndicat des pharmaciens d’officine et le conseil régional de l’ordre aient rendu respectivement d’une part un avis défavorable et d’autre part un avis favorable mais assorti de fortes réserves est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

• Il résulte de ce qui précède que la requérante n’est sont pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne a autorisé le transfert de de la SELARL Pharmacie du Rhun du […].

Sur les frais liés au litige :

• Les dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative faisant obstacle à l’octroi d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par les requérants sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, en l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société pharmacie les filets bleus une somme de 1 500 euros à verser à la pharmacie du Rhun au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société pharmacie les filets bleus est rejetée.

Article 2 : La société pharmacie les filets bleus versera une somme de de 1 500 euros à la pharmacie du Rhun.



Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société pharmacie les filets bleus, à l’Agence régionale de santé de Bretagne et à la SELARL pharmacie du Rhun.

Délibéré après l’audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Descombes, président, M. Y, premier conseiller, M. Grondin, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.

Le rapporteur, Le président,

signé signé

Y. Y G. Descombes

La greffière,

Signé

V. Le Boëdec

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à

l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme, La greffière,

V. Le Boëdec

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Tribunal administratif de Rennes, 7 octobre 2021, n° 1900215