Tribunal administratif de Rouen, 19 décembre 2019, n° 1903419

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE ROUEN

N° 1903419 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________


M. C Z A

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


M. Y X

Rapporteur

___________ Le tribunal administratif de Rouen

(3e chambre) Mme Lucie Cazcarra Rapporteur public

___________

Audience du 5 décembre 2019 Lecture du 19 décembre 2019 ___________ 335-01-03 335-03 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2019, M. C Z A, représenté par Me Leprince, associée de la Selarl Eden avocats, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le préfet de l’Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l’expiration de ce délai ;

2°) d’enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable pendant le réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’État et au bénéfice de la Selarl Eden avocats la somme de 1 500 euros en application de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; à titre subsidiaire, de mettre la même somme à son propre bénéfice en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision rejetant sa demande de titre de séjour :

- est insuffisamment motivée ;



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- a été précédée d’une procédure irrégulière ; il n’est pas établi que les médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) aient rendu leur avis à l’issue d’une délibération collégiale ; un avis ne revêtant que des copies numérisées des signatures des médecins ne remplit pas les conditions d’authenticité et d’intégrité exigées par la législation ;

- n’a pas été précédée d’un examen particulier de sa situation personnelle ;

- méconnaît le 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qu’il ne pourrait bénéficier effectivement d’un traitement approprié dans son pays d’origine ;

- méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;

Il soutient que l’obligation de quitter le territoire français :

- est insuffisamment motivée ;

- a été précédée d’une procédure irrégulière ; il n’est pas établi que les médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) aient rendu leur avis à l’issue d’une délibération collégiale ; un avis ne revêtant que des copies numérisées des signatures des médecins ne remplit pas les conditions d’authenticité et d’intégrité exigées par la législation ;

- est illégale en raison de l’illégalité de la décision de refus de séjour ;

- n’a pas été précédée d’un examen particulier de sa situation personnelle ;

- méconnaît le 10° de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;

Il soutient que la décision fixant le pays de renvoi :

- est insuffisamment motivée ;

- est illégale en raison de l’illégalité de la décision de refus de séjour ;

- méconnaît l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 513-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2019, le préfet de l’Eure conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’elle n’est pas fondée.

M. Z A a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l’arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d’établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- le code de justice administrative.



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Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. X,

- les observations de Me Leprince, représentant M. Z A.

Considérant ce qui suit :

1. M. C Z A, ressortissant de la République démocratique du Congo né en 1983, déclare être entré en France le 3 avril 2017. Il a présenté une demande d’admission à l’asile qui a été rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) le 6 septembre 2017 puis par la Cour nationale du droit d’asile le 1er décembre 2017. Par courrier du 15 janvier 2018, il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui a été rejetée par arrêté du préfet de l’Eure en date du 6 février 2018. Cet arrêté a été annulé par jugement du présent tribunal n° 1800710 du 24 mai 2018, lequel a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. Z A. Par un nouvel arrêté du 17 juillet 2019, le préfet a à nouveau rejeté sa demande, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l’expiration de ce délai. M. Z A demande l’annulation de ce dernier arrêté.

2. Aux termes de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 11° À l’étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié. La condition prévue à l’article L. 313-2 n’est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l’autorité administrative après avis d’un collège de médecins du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État (…) ». Aux termes de l’article R. 313-22 du même code : « Pour l’application du 11° de l’article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d’un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. / L’avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’immigration et du ministre chargé de la santé (…) ». Aux termes de l’article 6 de l’arrêté susvisé du 27 décembre 2016, pris pour l’application de l’article R. 313-22 : « Au vu du rapport médical mentionné à l’article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l’article 5 émet un avis (…). / L’avis émis à l’issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ». Aux termes de l’article 1367 du code civil : « La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte. / Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ».



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3. Il ressort des pièces du dossier que l’avis rendu par le collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) et daté du 2 avril 2019 revêt des fac- similés numérisés et de taille réduite des signatures des trois médecins membres du collège, accompagnés de mentions illisibles. L’apposition de ces fac-similés numérisés, qui ne présente aucune garantie quant à l’identité des signataires et à l’intégrité de l’avis, ne constitue pas un procédé fiable d’identification au sens de l’article 1367 du code civil. Dès lors, l’avis ne peut être regardé comme ayant été signé conformément à l’article 6 de l’arrêté du 27 décembre 2016, ce qui n’a pas permis au préfet de s’assurer qu’il a été effectivement émis par le collège de médecins de l’Ofii et ce qui a privé M. Z A de la garantie correspondante.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. Z A est fondé à demander l’annulation de la décision par laquelle le préfet de l’Eure a rejeté sa demande de titre de séjour. Par voie de conséquence, les décisions par lesquelles le préfet l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi doivent également être annulées.

5. L’exécution du présent jugement, eu égard à ses motifs, n’implique pas nécessairement qu’un titre de séjour soit accordé à M. Z A. En revanche, elle implique nécessairement que sa demande de titre de séjour soit réexaminée et qu’une autorisation provisoire de séjour valable pendant la durée de ce réexamen lui soit délivrée. Il y a lieu d’enjoindre au préfet de l’Eure de lui délivrer cette autorisation provisoire dans un délai de quinze jours et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

6. M. Z A a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce et sous réserve que la Selarl Eden avocats renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État, de mettre à la charge de l’État le versement à la Selarl Eden avocats de la somme de 1 000 euros.

D É C I D E :

Article 1er : L’arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le préfet de l’Eure a rejeté la demande de titre de séjour de M. Z A, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l’Eure de délivrer à M. Z A une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, et de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois, à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L’État versera à la Selarl Eden avocats la somme de 1 000 euros en application du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État.



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Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C Z A, à Me Solenn Leprince et au préfet de l’Eure.

Délibéré après l’audience du 5 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

Mme Anne G, présidente, M. Colin Bouvet, premier conseiller, M. Y X, conseiller.

Lu en audience publique le 19 décembre 2019.

Le rapporteur, La présidente,

Ph. X A. G

La greffière,

A. NEVEU

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