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Sur la décision
| Référence : | TA Rouen, 16 déc. 2024, n° 2404843 |
|---|---|
| Juridiction : | Tribunal administratif de Rouen |
| Numéro : | 2404843 |
| Importance : | Inédit au recueil Lebon |
| Type de recours : | Plein contentieux |
| Dispositif : | Satisfaction totale |
| Date de dernière mise à jour : | 30 mai 2025 |
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 28 novembre 2024, M. A B, représenté par Me David, demande au juge des référés :
1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de solliciter les services préfectoraux en vue de son extraction pour assister à l’audience ;
3°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du chef d’établissement du centre pénitentiaire du Havre en date du 20 novembre 2024, prononçant la prolongation de son placement à l’isolement à compter du 20 novembre 2024 jusqu’au 20 février 2025 ;
4°) de mettre à la charge de l’État une somme de 3 000 euros hors taxe à verser à son conseil, en application des dispositions de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
— la condition d’urgence doit être regardée comme remplie, eu égard aux effets de la mesure et alors qu’aucune circonstance particulière n’est de nature à renverser la présomption d’urgence dont il bénéficie ;
— il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige, dès lors que :
o il n’est pas justifié de la compétence de l’auteur de l’acte, ni de la publication régulière et suffisante de la délégation de signature, dès lors que les délégations de signature ne sont pas affichées dans un lieu accessible aux détenus ni consultables en ligne par ces derniers ;
o la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
o elle est entachée d’un défaut d’examen particulier de sa situation ;
o la décision est entachée d’un vice de procédure en l’absence de l’avis du médecin, en méconnaissance de l’article R. 213-30 du code pénitentiaire ;
o la décision a été prise en méconnaissance de la procédure contradictoire préalable dès lors qu’il n’est pas établi qu’il a eu le temps de préparer sa défense et que le délai entre la communication des pièces et la décision attaquée a été très bref ;
o elle méconnaît les dispositions de l’article R. 213-18 alinéa 1 du code pénitentiaire dès lors que la décision a un motif disciplinaire ;
o elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;
o la décision est entachée d’une erreur d’appréciation dès lors que la dangerosité de son comportement n’est pas établie et que la mesure n’est pas nécessaire ;
o elle n’a pas tenu compte de sa vulnérabilité ;
o elle affecte gravement ses conditions de détention et porte atteinte à sa santé et à son équilibre psychologique en méconnaissance de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au garde des sceaux, ministre de la justice le 29 novembre 2024.
La demande d’extraction du requérant en vue de l’audience a été transmise au préfet de la Seine-Maritime, qui a refusé cette extraction par une décision du 6 décembre 2024.
Vu :
— les autres pièces du dossier ;
— la requête enregistrée le 28 novembre 2024 sous le numéro 2404842 par laquelle M. B demande l’annulation de la décision attaquée.
Vu :
— le code pénitentiaire ;
— la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
— le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Galle, vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique du vendredi 13 décembre 2024 à 14h30 :
— le rapport de Mme Galle, juge des référés ;
— les observations de Me Noël, substituant Me David, représentant M. B, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Le garde des sceaux, ministre de la justice, n’était pas représenté.
La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience à 14h45.
Le garde des sceaux, ministre de la justice, a produit un mémoire enregistré le 13 décembre 2024 à 16h46.
Considérant ce qui suit :
1. M. B est incarcéré au centre pénitentiaire du Havre. Par une décision du 30 août 2024, il a été placé à l’isolement pour une durée de trois mois. Par une décision du 20 novembre 2024, le chef d’établissement du centre pénitentiaire du Havre a prononcé la prolongation de son placement à l’isolement du 20 novembre 2024 au 20 février 2025. Par la présente requête, M. B demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision de prolongation de placement à l’isolement du 20 novembre 2024.
Sur l’admission provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Dans les cas d’urgence () l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ».
3. Il y a lieu, eu égard au délai imparti au tribunal pour statuer sur la requête de M. B, de prononcer son admission provisoire à l’aide juridictionnelle.
Sur les conclusions aux fins de suspension :
4. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ».
En ce qui concerne la condition d’urgence :
5. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d’un acte administratif, d’apprécier concrètement, compte tenu des éléments fournis par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.
6. Eu égard à son objet et à ses effets sur les conditions de détention, la décision plaçant d’office à l’isolement une personne détenue ainsi que les décisions prolongeant éventuellement un tel placement, prises sur le fondement de l’article L. 213-8 du code pénitentiaire, portent en principe, sauf à ce que l’administration pénitentiaire fasse valoir des circonstances particulières, une atteinte grave et immédiate à la situation de la personne détenue, de nature à créer une situation d’urgence justifiant que le juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, puisse ordonner la suspension de leur exécution s’il estime remplie l’autre condition posée par cet article.
7. Le garde des sceaux, ministre de la justice, n’a produit aucun mémoire en défense avant la clôture de l’instruction intervenue à l’issue de l’audience soit le 13 décembre 2024 à 14h45 et n’était pas représenté lors de cette audience. Son mémoire produit à 16h46 postérieurement à la clôture de l’instruction ne fait état d’aucun élément que l’administration était dans l’impossibilité de produire avant la clôture de l’instruction. Dans ces conditions, l’administration doit être regardée comme n’ayant fait valoir aucune circonstance particulière s’opposant à ce que l’urgence soit reconnue en l’espèce. Par suite, la condition d’urgence doit être regardée comme remplie.
En ce qui concerne le doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué :
8. Aux termes de l’article L. 213-8 du code pénitentiaire : « Toute personne détenue majeure peut être placée par l’autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l’isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d’office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu’après un débat contradictoire, au cours duquel la personne intéressée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. / L’isolement ne peut être prolongé au-delà d’un an qu’après avis de l’autorité judiciaire. / Le placement à l’isolement n’affecte pas l’exercice des droits prévus par les dispositions de l’article L. 6, sous réserve des aménagements qu’impose la sécurité. / Lorsqu’une personne détenue est placée à l’isolement, elle peut saisir le juge des référés en application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. ». Saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre une décision de mise à l’isolement, le juge administratif ne peut censurer l’appréciation portée par l’administration pénitentiaire quant à la nécessité d’une telle mesure qu’en cas d’erreur manifeste.
9. En l’état de l’instruction, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 20 novembre 2024 portant prolongation de la mesure d’isolement visant M. B pour une période de trois mois.
10. Il y a lieu, par suite, d’ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête.
Sur l’application de l’article L. 761- 1 du code de justice administrative :
11. M. B a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, sous réserve que Me David, avocat de M. B, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat et sous réserve de l’admission définitive de son client à l’aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l’Etat le versement à Me David de la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les conditions fixées à l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans le cas où l’aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. B par le bureau d’aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros sera versée à M. B.
O R D O N N E :
Article 1er : M. B est admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : L’exécution de la décision du 20 novembre 2024 par laquelle le chef d’établissement du centre pénitentiaire du Havre a prolongé le placement à l’isolement de M. B pour une durée de trois mois du 20 novembre au 20 février 2025 est suspendue jusqu’au jugement au fond de la requête n°2404842.
Article 3 : Sous réserve de l’admission définitive de M. B à l’aide juridictionnelle et sous réserve que Me David renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, ce dernier versera à Me David, avocat de M. B, une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans le cas où l’aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. B par le bureau d’aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros sera versée à M. B.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B, à Me David et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au centre pénitentiaire du Havre.
Fait à Rouen, le 16 décembre 2024.
La juge des référés,
Signé
C. GalleLa greffière,
Signé
A. Hussein
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
N°2404843
ah
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