Rejet 4 octobre 2024
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Sur la décision
| Référence : | TA Rouen, urgences ju, 4 oct. 2024, n° 2403834 |
|---|---|
| Juridiction : | Tribunal administratif de Rouen |
| Numéro : | 2403834 |
| Type de recours : | Excès de pouvoir |
| Dispositif : | Rejet |
| Date de dernière mise à jour : | 30 mai 2025 |
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 21 septembre 2024 et un mémoire complémentaire enregistré le 23 septembre 2024, Mme A D demande au tribunal d’annuler l’arrêté du 21 septembre 2024 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé l’admission au séjour au titre de l’asile et l’a maintenue en rétention administrative.
Elle soutient que :
— la décision a été adoptée par une autorité incompétente ;
— elle est insuffisamment motivée ;
— elle a été adoptée en méconnaissance de son droit d’être entendue ;
— elle ne lui pas été régulièrement notifiée ;
— elle méconnaît les dispositions de l’article L. 754-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
— elle procède d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Le préfet du Pas-de-Calais a produit des bordereaux de pièces enregistrés les 23, 24 et 30 septembre 2024, ainsi que les 2 et 4 octobre 2024.
Vu :
— les autres pièces du dossier ;
Vu :
— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
— la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;
— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
— le code de justice administrative.
Le président du Tribunal administratif de Rouen a désigné M. Bouvet comme juge du contentieux des mesures d’éloignement des étrangers visées aux chapitres VI, VII, VII bis, VII ter et VII quater du titre VII du livre VII de la partie réglementaire du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Au cours de l’audience publique du 4 octobre 2024, ont été entendus :
— le rapport de M. Bouvet, magistrat désigné, qui a informé les parties, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement était susceptible d’être fondé sur le moyen relevé d’office tiré de ce que les conclusions en annulation dirigées contre la décision implicite de refus d’admission au séjour au titre de l’asile sont irrecevables en tant qu’elles sont dirigées contre une décision inexistante ;
— les observations de Me Sow, pour Mme D, qui reprend et développe les conclusions et moyens soulevés dans la requête et fait valoir, en outre, que la décision litigieuse a implicitement fait naître une décision de refus d’admission au séjour au titre de l’asile dont il est demandé l’annulation ; qu’il y a lieu d’enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; que la procédure contradictoire n’a pas été respectée dans la mesure où ses observations n’ont pas été recueillies postérieurement au dépôt de sa demande d’asile et préalablement à l’édiction du maintien en rétention ; que la décision a été adoptée à l’issue d’une procédure irrégulière, dans la mesure où la mesure de maintien en rétention n’est pas intervenue immédiatement après le dépôt de la demande d’asile, en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 754-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que Mme D devait faire l’objet d’une mesure de réadmission en Allemagne où elle bénéficie du statut de demandeur d’asile ; qu’il y a lieu d’admettre Mme D au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
— les observations de Mme D, assistée de Mme B interprète en turc.
Le préfet du Pas-de-Calais n’était ni présent, ni représenté.
La clôture de l’instruction est intervenue à l’issue de l’audience, en application de l’article R. 776-26 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D, ressortissante turque née le 21 juillet 1996 a été interpellée le 18 septembre 2024, dans l’enceinte du port de Calais alors qu’elle tentait de se rendre en Grande-Bretagne. Elle a fait l’objet, le même jour, d’un arrêté d’éloignement du préfet du Pas-de-Calais et a été placée en rétention administrative. Ayant sollicité son admission au séjour au titre de l’asile le 20 septembre 2024, alors qu’elle se trouvait en rétention, Mme D a fait l’objet, le 23 septembre suivant, d’un arrêté prononçant son maintien en rétention administrative pendant l’examen de sa demande par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Mme D demande l’annulation de cet arrêté. L’OFPRA a rejeté sa demande d’asile par une décision du 30 septembre 2024.
Sur l’aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l’article 19 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « L’avocat commis d’office ou désigné d’office dans les cas prévus par la loi peut saisir le bureau d’aide juridictionnelle compétent au lieu et place de la personne qu’il assiste ou qu’il a assistée. ». Aux termes de l’article 20 de la même loi : « Dans les cas d’urgence (), l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ». Par ailleurs, aux termes de l’article 80 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et relatif à l’aide juridictionnelle et à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles : « Sans préjudice de l’application des articles 64-1 et 64-3 de la loi du 10 juillet 1991 (), l’avocat () commis d’office, désigné d’office, ou désigné sur demande du prévenu ou de la victime est valablement désigné au titre de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat si la personne pour le compte de laquelle il intervient remplit les conditions d’éligibilité à l’aide. ».
3. Il appartient à l’avocat désigné d’office qui entend obtenir le versement à son profit de la somme mise à la charge de la partie perdante de formuler expressément, au besoin dans ses écritures, une demande tendant à l’attribution de l’aide juridictionnelle à son client si celui-ci ne l’a pas fait. Le juge ne peut décider que les sommes mises à la charge de la partie perdante seront versées à cet avocat dans les conditions prévues à l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sans avoir, au préalable, admis son client au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire sur le fondement de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991, sans préjudice de la décision définitive du bureau d’aide juridictionnelle.
4. Mme D bénéficiant de l’assistance de l’avocat de permanence, a sollicité, par la voix de son conseil à l’audience, son admission à titre provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle. L’intéressée doit ainsi être regardé comme ayant présenté, par l’intermédiaire de son avocat, une demande tendant à l’attribution de l’aide juridictionnelle. Dans ces conditions, eu égard à l’urgence qui s’attache au litige, il y a lieu de l’admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle.
Sur l’étendue du litige :
5. La décision en litige du 21 septembre 2024, a pour seul objet de prononcer le maintien en rétention de la requérante durant l’examen de sa demande d’asile devant l’OFPRA et n’a pas eu pour effet de donner naissance à une décision implicite de refus d’admission au séjour au titre de l’asile. Les conclusions en annulation dirigées contre une telle décision, inexistante, sont, par conséquent, irrecevables.
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
6. En premier lieu, Mme C E, adjointe au chef du bureau de l’éloignement, cheffe de la section gestion ESI et statistiques à la préfecture du Pas-de-Calais, était compétente pour signer la décision en litige, en vertu d’un arrêté en date du 30 octobre 2023, régulièrement publié, du préfet de ce département. Le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté litigieux manque donc en fait.
7. En deuxième lieu, la décision attaquée mentionne avec suffisamment de précision les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde pour mettre utilement la requérante en mesure d’en apprécier la valeur et d’en discuter la légalité. Le moyen tiré de l’insuffisante motivation de l’arrêté litigieux doit, dès lors, être écarté.
8. En troisième lieu, il ne ressort d’aucun texte que l’administration serait tenue de mettre en œuvre une procédure contradictoire préalablement à l’édiction d’une mesure de maintien en rétention. Au demeurant, Mme D a été mise à même, à l’occasion de sa demande d’asile effectuée en centre de rétention, ainsi que lors de son audition par les services de la Police aux Frontières, le 18 septembre 2024, de porter à la connaissance de l’autorité administrative tous éléments qu’elle jugeait utiles, relatifs à sa situation personnelle. Par suite, à le supposer ainsi soulevé, le moyen tiré du défaut de procédure contradictoire, doit être écarté.
9. En quatrième lieu, si les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 754-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile exigent qu’il soit « immédiatement » mis fin à la rétention d’un demandeur d’asile, à défaut d’intervention d’une décision de maintien en rétention, ces dispositions ne prescrivent aucun délai pour l’édiction d’une telle décision après le dépôt de la demande d’asile. Au demeurant, le délai de moins de vingt-quatre heures s’étant écoulé entre le dépôt de la demande d’asile de Mme D, et l’édiction de la décision de maintien en rétention, ne présente pas de caractère excessif. Par suite, à le supposer ainsi soulevé, le moyen tiré de l’irrégularité de procédure, doit être écarté.
10. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que Mme D aurait dû faire l’objet d’une procédure de réadmission en Allemagne et non d’une obligation de quitter le territoire français, est inopérant à l’encontre de la décision litigieuse, dont le seul objet est de prononcer le maintien en rétention de la requérante durant l’examen de sa demande d’asile devant l’OFPRA.
11. En sixième lieu, aux termes de l’article L. 754-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Si la France est l’État responsable de l’examen de la demande d’asile et si l’autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution de la décision d’éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l’étranger pendant le temps strictement nécessaire à l’examen de sa demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité de celle-ci, dans l’attente de son départ () ».
12. Il ressort des pièces du dossier que Mme D a été interpellée, le 18 septembre 2024, dans la zone d’accès restreint (ZAR) du port de Calais, dissimulée dans un ensemble routier en en partance pour la Grande-Bretagne. L’intéressée, entrée très récemment en France, en septembre 2024, à une date non spécifiée, a déclaré vouloir se rendre en Grande-Bretagne pour y rejoindre sa mère. Si Mme D a indiqué, lors de son audition du 18 septembre 2024, sans montrer de certitudes sur ce point, avoir déposé une demande d’asile en Allemagne, l’interrogation de la borne EURODAC, n’a pas permis de confirmer ses dires. De la même manière, elle n’a pas entamé de démarches en ce sens, en France, avant d’être obligée de quitter le territoire français et placée en rétention administrative. Enfin, si elle a indiqué de façon peu circonstanciée être menacée en Turquie en raison de « problèmes politiques », elle n’en apporte aucun commencement de preuve alors, au surplus, que les activités politiques dont elle se prévaut, ne sont pas corroborées par ses déclarations à l’audience. En se fondant sur ces éléments objectifs, le préfet du Pas-de-Calais a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, estimer que la demande d’asile formulée par Mme D en rétention, au demeurant rejetée le 30 septembre 2024 par l’OFPRA, n’avait d’autre objet que de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement dont elle fait l’objet et décider, en conséquence, de maintenir son placement en rétention pendant le temps strictement nécessaire à l’examen de sa demande par l’Office. Au surplus, si la requérante justifie de ce qu’elle dispose d’un titre portant la mention « Aufenhaltsgestattung zur Durchfuhrung des Assylverfahrens », qui peut être traduit par « autorisation provisoire de séjour octroyée pour le déroulement d’une procédure d’asile », délivré par les autorités allemandes et valable jusqu’au 10 octobre 2024, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision du 21 septembre 2024 dès lors, d’une part, que la France s’est reconnue compétente pour l’examen de la demande d’asile, au sens des dispositions citées au point n°11, et, d’autre part, que la requérante a indiqué à l’audience, que sa demande d’asile avait été rejetée « deux fois » en Allemagne.
13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 754-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dont serait entaché l’arrêté attaqué doivent être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 21 septembre 2024 du préfet du Pas-de-Calais. Sa requête doit dès lors être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : Mme D est admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D est rejeté.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A D, à Me Sow et au préfet du Pas-de-Calais.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
Le magistrat désigné,
Signé :
C. BOUVET
La greffière,
Signé :
S. LECONTE
La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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