Rejet 31 décembre 2024
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Sur la décision
| Référence : | TA Versailles, reconduites à la frontière, 31 déc. 2024, n° 2410805 |
|---|---|
| Juridiction : | Tribunal administratif de Versailles |
| Numéro : | 2410805 |
| Type de recours : | Excès de pouvoir |
| Dispositif : | Rejet |
| Date de dernière mise à jour : | 30 mai 2025 |
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2024, M. B A, alors détenu à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, demande au tribunal d’annuler l’arrêté du 22 novembre 2024 en tant que la préfète de l’Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français.
Il ne présente aucun moyen au soutien de ses conclusions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2024, la préfète de l’Essonne conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
— la convention internationale des droits de l’enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
— le code de justice administrative.
La présidente du tribunal administratif de Versailles a désigné Mme Cerf, première conseillère, pour exercer les pouvoirs qui lui sont attribués par les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique du 23 décembre 2024, en présence de Mme Ben Hadj Messaoud , greffière d’audience :
— le rapport de Mme Cerf ;
— les observations de Me Wallois, avocate désignée d’office, représentant M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, demande l’annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et soutient que les décisions attaquées ont été prises par une autorité incompétente ; elles sont insuffisamment motivées ; elles ont été prises sans un examen particulier de sa situation personnelle ; elles sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation et méconnaissent les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et celles de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;
— les observations de M. A ;
— la préfète de l’Essonne n’étant ni présente ni représentée.
La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. B A, ressortissant marocain né le 19 septembre 1996, a été condamné le 9 janvier 2023 par la cour d’appel de Paris à quatorze mois d’emprisonnement pour « violence commise en réunion sans incapacité, récidive » et écroué pour cette peine le 16 mars 2024. Par un arrêté du 22 novembre 2024, la préfète de l’Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, sans délai, a fixé le pays de destination en cas d’exécution d’office et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans, en l’informant de son signalement à fin de non-admission dans le système d’information Schengen. M. A demande au tribunal d’annuler cet arrêté en tant que la préfète de l’Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans.
En ce qui concerne les moyens de légalité externe communs aux décisions attaquées :
2. En premier lieu, par un arrêté n° 2024-PREF-DCPPAT-BCA-318 du 29 octobre 2024, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 091-2024-250 du même jour de la préfecture de l’Essonne, Mme C D, cheffe du bureau de l’éloignement du territoire, a reçu délégation de la préfète de ce département pour signer les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de la signataire des décisions attaquées doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l’arrêté en litige vise les textes dont il est fait application, expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. A, dont les éléments sur lesquels la préfète s’est fondée pour l’obliger à quitter le territoire français, ainsi que pour arrêter, dans son principe et dans sa durée, une décision d’interdiction de retour sur le territoire français. Dès lors, cet arrêté comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de chacune des décisions attaquées et permet ainsi au requérant d’en contester utilement le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation ne peut qu’être écarté.
4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions de l’arrêté du 22 novembre 2024, que la préfète de l’Essonne a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A avant de l’obliger à quitter le territoire français et de lui interdire le retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans. Par suite, le moyen tiré du défaut d’un tel examen doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. () ». Et aux termes des stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant du 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir, que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A est entré sur le territoire français en 2006, à l’âge de dix ans, et qu’après avoir été confié, par un jugement de kafala, à sa tante, l’intéressé a été scolarisé dans plusieurs écoles élémentaires et collèges de Sens et Nanterre, avant de poursuivre sa scolarité au lycée professionnel Claude Chappe de Nanterre au titre de l’année scolaire 2013. Si le requérant soutient résider habituellement sur le territoire français depuis près de vingt-années, il n’en justifie pas, par les pièces qu’il produit. En tout état de cause, il ne justifie pas davantage, malgré l’ancienneté de présence alléguée en France, d’une intégration significative, notamment sur le plan social et professionnel. Par ailleurs, s’il ressort des pièces du dossier que M. A est le père de trois enfants, le requérant qui n’a reconnu qu’un seul de ses trois enfants, d’après ses déclarations au cours de l’audience du 23 décembre 2024, ne verse aucune pièce au dossier permettant d’établir qu’il participe de manière régulière à l’éducation et à l’entretien de son enfant né le 29 octobre 2023 et reconnu le 4 décembre 2023. En outre, le requérant ne fait état d’aucun élément quant à la réalité et à l’intensité des liens qu’il entretient avec la mère de cet enfant. Enfin, ainsi qu’il a été dit au point 1 du présent jugement, M. A a été condamné le 9 janvier 2023 par la cour d’appel de Paris à quatorze mois d’emprisonnement pour « violence commise en réunion sans incapacité, récidive » et écroué pour cette peine le 16 mars 2024. Il ressort également des pièces du dossier que M. A a été condamné le 8 novembre 2019 par le tribunal correctionnel de Maux à cinq mois d’emprisonnement pour « violence avec usage ou menace d’une arme suivie d’incapacité n’excédant pas 8 jours », et qu’il a fait l’objet de sept signalements entre 2015 et 2024, pour des faits similaires ainsi que pour des faits d’usage de stupéfiants, ce qu’il ne conteste pas. Dans ces conditions, et alors qu’il n’établit pas être dépourvu d’attaches dans son pays d’origine où résident selon ses déclarations ses parents et sa grand-mère, la préfète de l’Essonne n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale en l’obligeant à quitter le territoire français et n’a pas ainsi méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni celles de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la préfète aurait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
7. En premier lieu, eu égard aux circonstances indiquées au point 6 du présent jugement, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de celles de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits des enfants ne peuvent qu’être écartés.
8. En second lieu, aux termes de l’article L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, l’autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l’expiration d’une durée, fixée par l’autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l’ordre public. ». Et aux termes de l’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative tient compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français. () ». Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l’encontre d’un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l’étranger n’a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d’assortir sa décision d’une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés par l’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à savoir la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français, la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France, l’existence ou non d’une précédente mesure d’éloignement et, le cas échéant, la menace pour l’ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
9. Eu égard aux circonstances indiquées au point 6 du présent jugement, et malgré la durée de présence alléguée en France, M. A ne peut se prévaloir de l’existence de circonstances humanitaires alors qu’il constitue une menace à l’ordre public, et qu’il ne peut se prévaloir d’attaches privées ou familiales d’une intensité particulière sur le territoire national, nonobstant la circonstance qu’il n’a pas fait l’objet d’une précédente mesure d’éloignement. Par suite, la préfète de l’Essonne a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation quant à sa situation, assortir l’arrêté attaqué d’une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de cinq années.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. A tendant à l’annulation de l’arrêté de la préfète de l’Essonne du 22 novembre 2024 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et à la préfète de l’Essonne.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.
La magistrate désignée,
signé
M. Cerf La greffière,
signé
L. Ben Hadj Messaoud
La République mande et ordonne à la préfète de l’Essonne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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