Tribunal de commerce de Paris, 17e chambre, 18 janvier 1994

  • Prix inferieur resultant d'economies de frais de creation·
  • Modèle anterieur du demandeur ne pouvant lui etre oppose·
  • Contrefaçon prouvee seulement à l'égard de ses filiales·
  • Relations commerciales anterieures avec le demandeur·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Marque apposee sur les articles contrefaisants·
  • Appel en garantie à l'encontre du fournisseur·
  • Fabrication à l'étranger a moindres frais·
  • Demande à l'encontre de la société mere·
  • Participation aux actes de contrefaçon

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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 17e ch., 18 janv. 1994
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS DU 6 MAI 1996 ET COUR D'APPEL DE PARIS DU 26 FEVRIER 1997
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D19940112
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La sté RICHARD PONVERT (R.P) exploite dans le département de l’Isère une entreprise de conception et de fabrication de chaussures de sport -ville et montagne- qu’elle distribue sous les marques PARABOOT et GALIBERT. A ce titre, elle considère être propriétaire des modèles dénommés ROC et ROCKIES qui se caractérisent par des coutures extérieures apparentes en surpiqué, des semelles à dessins, un enrobage en caoutchouc tout autour de la chaussure et, en outre, pour ce qui concerne le dernier modèle une languette de couleur plus clair, trois crochets simples et un double crochet à la base. Ayant découvert que les mêmes modèles fabriqués sous la marque BENETTON sous les références 50360704 et 51361701 étaient commercialisés par BATA, elle fit effectuer le 15 octobre 1992 différentes saisies-contrefaçon C’est dans ces circonstances que, par acte du 10 novembre (à BATA siège social et à BENETTON) et du 12 novembre 1992 (à BATA établissement av. de Clichy à PARIS) confirmé par conclusions déposées à l’audience collégiale du 5 avril 1993, la sté R.P demande au Tribunal de dire que les stés BATA et BENETTON se sont rendues coupables de contrefaçon de modèles et de vente d’objets contrefaisants ainsi que de concurrence déloyale à son préjudice et en conséquence leur faire défense de fabriquer et de vendre les modèles contrefaisants sous astreinte de 2.000 F par infraction constatée à dater de la signification du jugement et, en outre, de :

- les condamner solidairement à lui payer une somme provisionnelle de 500 KF en dommages et intérêts,
- désigner un expert afin de déterminer le C A. réalisé par les défenderesses du fait de la vente des modèles contrefaisants,
- ordonner, à titre de complément de réparation, la publication du jugement dans des journaux ou revues au choix de la sté R.P et aux frais des stés BATA et BENETTON, dans la limite de 60.000 F,
- et enfin, condamner les défenderesses à lui verser la somme de 20.000 F sur le fondement de l’art. 700 du NCPC, l’exécution provisoire et les dépens, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon, étant requis Par conclusions déposées à l’audience collégiale du 22 février 1993, la sté BATA s’oppose à toutes les demandes de la sté R.P en soulevant l’irrecevabilité de la demande, la qualité d’auteur, la date et la consistance des créations n’étant pas justifiées, puis par acte du 1er mars 1993 confirmé par des conclusions déposées à l’audience collégiale du 17 mai suivant, la sté BATA, sans approbation de l’action principale, demande au Tribunal de condamner la sté SAB, qui lui a livré les chaussures incriminées, à la relever indemne et à la garantir de toute condamnation en principal, intérêts et frais qui viendrait à être prononcée à son encontre, l’exécution provisoire et les dépens étant également requis.

Par conclusions déposées à l’audience collégiale du 22 février 1993, la sté BENETTON s’oppose à toutes les demandes de la sté R P et sollicite sa condamnation à lui payer les sommes de 50 000 F en dommages et intérêts pour procédure abusive et de 20 000 F au titre de l’art 700 du NCPC, les dépens étant requis Puis, par conclusions communes déposées à l’audience collégiale du 17 mai 1993, les stés BENETTON FRANCE SA et SAB SARL, la première confirme ses écritures antérieures à l’encontre de la sté R P et la seconde s’oppose à la demande en garantie de la sté BATA en sollicitant sa mise hors de cause pure et simple Par acte du 6 juillet 1993 délivré au Parquet du TGI de PARIS, la sté R.P formule à nouveau les mêmes demandes que dans son acte introductif d’instance des 10 et 12 novembre 1992 en portant toutefois à 100 000 F les frais de publication du jugement dans la presse, mais cette fois à l’encontre de la sté italienne BENETTON GROUP SpA, propriétaire de la marque BENETTON Par conclusions communes déposées à l’audience collégiale du 22 novembre 1993, les stés BENETTON FRANCE SA, BENETTON GROUPE SpA et SAB SARL, les première et dernière confirment leur écritures précédentes et la deuxième s’oppose aux demandes de la sté R.P à son encontre en sollicitant sa condamnation à lui payer la somme de 50.000 F sur le fondement de l’art 700 du NCPC, les dépens étant aussi requis Par conclusions échangées contradictoirement à l’audience du juge-rapporteur du 13 décembre 1993, la sté BATA demande au Tribunal de lui donner acte de ce qu’elle fait sienne l’argumentation des stés BENETTON et SAB, tendant au débouté de la sté R.P et de ce qu’elle se réserve de demander réparation du préjudice subi dans la mesure où l’action de la sté R P. serait déclarée mal fondée et subsidiairement confirme son appel en garantie à l’encontre de la sté SAB tout en sollicitant la condamnation de la sté R.P. à lui payer une indemnité de 20 000 F au titre de l’art. 700 du NCPC. Enfin, oralement à la même audience du magistrat-rapporteur, matérialisé par la copie de la cote n° 45 de son dossier de plaidoierie annexée à la procédure, la sté R.P. a déclaré « qu’après avoir remonté les filières jusqu’à l’origine de la contrefaçon, elle abandonnait les poursuites à l’encontre de la sté BENETTON FRANCE », ce à quoi cette dernière ne s’est pas opposée, Le Tribunal a joint les deux premières causes le 22 mars 1993 puis a joint la troisième le 27 septembre suivant Compte tenu de leur évidente connexité, il sera statué par un unique jugement contradictoire en premier ressort. La sté BENETTON FRANCE qui, tout en acquiesçant à l’abandon des poursuites à son égard, n’a pas expressément renoncé à sa demande reconventionnelle en paiement d’une indemnité de 50.000 F pour procédure abusive, soutient
- d’une part, qu’il résulte du P V de saisie contrefaçon du 15 octobre 1992 pratiquée à son siège dans l’AUBE, que l’huissier a constaté l’absence de tous documents ou objets susceptibles d’établir un quelconque fait de contrefaçon à son encontre ;

— d’autre part, que la sté R P ne justifie pas de la propriété des modèles litigieux (ceux-ci n’ayant pas été déposés) par la preuve de la cession à son profit des droits de l’auteur, le caractère d’oeuvre collective n’étant pas établi Elle observe en outre, d’une part, que les factures produites ne permettent d’identifier ni les produits auxquels elles se rapportent ni leurs caractéristiques et, d’autre part, que l’attestation de M. Raoul G vise un modèle dénommé YOSEMITE et non ROC ou ROCKIES, la sté R.P. reconnaissant elle-même qu’au fil des années les modèles ont subi « de légères modifications de détails » La sté BENETTON GROUP SpA soutient d’abord, quant à elle, l’irrecevabilité de la demande à son égard car la seule apposition de sa marque sur les modèles incriminés ne permet pas de déduire sa participation à la fabrication, l’importation ou la vente des chaussures litigieuses, les sanctions relatives à la contrefaçon faisant l’objet de dispositions pénales, d’ailleurs visées par la demanderesse, qui doivent, à ce titre, être interprétées restrictivement Elle soutient ensuite
- d’une part, que la sté R.P. n’établit pas la titularité de ses droits, puisqu’aucun modèle n’ayant été déposé, elle doit justifier soit de la cession des droits par l’auteur, ce qui n’a pas été fait en l’espèce, soit de la qualité d’oeuvre collective, ce qui n’est pas non plus le cas
- d’abord parce que le modèle, objet de l’attestation versée aux débats, semble avoir été l’oeuvre d’une seule personne, M G, lui-même auteur de l’attestation,
- ensuite, parce qu’il s’agit du modèle YOSEMITE qui ne correspond pas aux modèles dénommés ROC et ROCKIES argués de contrefaçon,
- enfin, que les publicités, d’ailleurs non datées, versées aux débats n’apportent aucun éclaircissement, le catalogue 1985 du « VIEUX CAMPEUR » et l’attestation de son PDG se bornant à invoquer la « production » et la « fabrication » des modèles pour la sté R.P. alors que le droit d’auteur de la loi de 1957 protège le créateur et non le simple fabricant,
- d’autre part, le défaut de validité des modèles,
- d’abord parce-qu’ils sont dépourvus de toute originalité, les caractéristiques invoquées (coutures extérieures apparentes en surpiqué, semelles à dessins, enrobage en caoutchouc autour de la chaussure, languette de renforcement plus claire au dos, 3 crochets simples et un double crochet à la base étant génériques de la chaussure de montagne et correspondent à des éléments purement utilitaires et fonctionnels pour une meilleure souplesse, solidité ou adhérence qu’on retrouve sur tous les articles chaussant figurant dans la plupart des catalogues des chaussures de montagne dont la mode en a fait des chaussures de ville,
- ensuite, parce-que les pièces versées aux débats concernent le modèle YOSEMITE auxquels les modèles litigieux dénommés ROC et ROCKIES ne se sont pas substitués

puisque les 3 modèles apparaissent sur le catalogue GALIBIER, produit par la demanderesse elle-même,
- enfin, l’attestation de M. T, produite par la sté R.P. elle-même indiquant que le modèle YOSEMITE a été commercialisé sur le marché américain dès 1969, il appartenait à la demanderesse d’établir une date de création des modèles ROC et ROCKIES antérieure, ce qu’elle n’a pas fait. Par ailleurs, la sté italienne conteste toute concurrence déloyale et parasitaire puisque, selon elle, l’apposition même de la marque BENETTON sur les chaussures litigieuses exclut toute confusion dans l’esprit de l’acheteur potentiel avec la marque GALIBIER La sté SAB n’a pas contesté les affirmations de la sté italienne BENETTON GROUPE SpA visées dans les conclusions communes du 22 novembre 1993 qui indiquent que les modèles litigieux ont été fabriqués et vendus non par la sté française SAB, mais par la sté étrangère dénommée SAB HONG KONG Ltd, la sté BATA ayant d’ailleurs réglé cette dernière La sté BATA, enfin, qui soutient à titre principal les mêmes moyens que le groupe BENETTON sur les défauts de titularité des droits et d’originalité des modèles incriminés, indique pour le surplus qu’est inopérant le fait que les chaussures arguées de contrefaçon aient été livrées par la sté SAB HONG-KONG qui en a reçu paiement puisque la commande passée par BATA les 4 et 23 juin 1992 a été faite auprès de la sté SAB (France) qui ne l’a jamais contestée et qui se trouve seule engagée par les conditions générales d’achat figurant sur les commandes de BATA qui stipulent notamment que le fournisseur garantit formellement que les marchandises livrées ne font l’objet d’aucun brevet ni dépôt de modèle français ou étranger de la part d’un tiers ou, dans le cas contraire, qu’il a acquis une licence régulière permettant le libre usage et la vente tant en FRANCE qu’à l’étranger et, à défaut, il prend à sa charge l’intégralité des condamnations ou frais résultant pour la sté BATA ou ses clients des actions qui pourraient être intentées. Ce sur quoi, la sté R.P. rétorque :

- d’abord, qu’en dehors de la loi du 14 juillet 1909, les dessins et modèles originaux jouissent, sans formalité préalable, de la protection de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, dès qu’il existe un effort et un apport personnel de goût et d’imagination donnant à la réalisation un aspect original et nouveau. Ainsi les modèles ROC et ROCKIES ont été déterminés d’une part certes en fonction des impératifs anatomiques et pratiques d’une chaussure de montagne mais, d’autre part et surtout, par la recherche artistique d’un « style » qui donne aux modèles considérés leur élégance et leur « design » spécifiques en les différenciant des autres modèles La sté R.P. précise par ailleurs que la première version originale du modèle ROCKIES était initialement dénommée YOSEMITE, l’évolution des goûts et de la mode l’ayant conduite, outre de légères modifications de détail, à changer son intitulé en adoptant des consonances anglophones comme le prouve les attestations de MM. T et G, ce modèle est l’oeuvre

collective des années 1966 et 1967 des attestants et de Robbins ROYALS alpiniste californien sous la direction de M Julien R, alors PDG de la sté R.P. Ainsi, en faisant sciemment fabriquer et diffuser des modèles qui reproduisent dans leur presque intégralité la forme et la matière des modèles appartenant à la sté R.P., la sté BENETTON GROUP SpA s’est rendue coupable de contrefaçon ;

- ensuite et en outre, que l’importation des modèles constituant une copie servile, leur commercialisation à un prix moindre et la poursuite de la vente en dépit de l’assignation délivrée à l’origine le 10 novembre 1992 à sa filiale BENETTON FRANCE constitue des fautes provoquant la concurrence déloyale par la confusion et le détournement de la clientèle de la sté R.P., ces agissements étant contraires au commerce honnête. De plus, la copie servile constitue un agissement parasitaire qui porte atteinte au prestige des modèles créés et exploités par la sté R.P, le groupe BENETTON cherchant à exploiter le renom de la demanderesse dans le domaine de la chaussure Ainsi, en évitant toute recherche et toute mise au point, la sté BENETTON GROUP SpA a procédé à la commercialisation des modèles litigieux sans avoir à exposer des frais d’études et de mise au point déjà faits par la sté R.P, se procurant au moyen d’un acte fautif un bénéfice supplémentaire qui lui a permis de les commercialiser à un prix inférieur,
- enfin, que la sté BATA encourait les mêmes responsabilités pour avoir importé et diffusé en FRANCE des modèles contrefaisants en infraction avec les dispositions de l’art L 335-2 du Code de la Propriété Intellectuelle alors qu’en sa qualité de spécialiste de la chaussure, elle se devait de s’informer des nouveautés et de la création de modèles pouvant faire l’objet de la propriété de ses concurrents, sa bonne foi en l’espèce ne pouvant pas être invoquée s’agissant de modèles très connus et très répandus.

DECISION Il résulte des pièces versées aux débats que les modèles litigieux ont été créés dans les années 60 par MM. Raoul G (patronnier), Pierre T (responsable commercial) et Robbins ROYALS (alpiniste) sous la direction de M. Julien R, alors PDG de la sté R P Nonobstant le caractère utilitaire et/ou fonctionnel de certains éléments, leur assemblage, notamment avec des coutures extérieures en surpiqué, d’abord sous le nom de YOSEMITE puis ultérieurement sous les noms de ROCKIES (chaussure à tige haute) ou ROC (chaussure à tige basse) constitue une originalité suffisante pour ne pas se confondre avec les autres chaussures de montagne rassemblant tout ou partie desdites caractéristiques mais selon un genre ou un style différent En outre, l’antériorité du modèle YOSEMITE ne peut pas être opposée à son auteur Ainsi, les modèles litigieux dénommés ROC et ROCKIES constituent sous leur dénomination actuelle une oeuvre collective originale créée initialement sous le nom de

YOSEMITE sous la direction de la sté R.P. qui l’a commercialisée sous sa marque GALIBIER justifiant ainsi de ses droits d’auteur. Les initiales S A.B signifient « SOCKS and ACCESSORIES BENETTON », ce que n’a pas contesté à l’audience du magistrat-rapporteur le représentant commun des stés BENETTON FRANCE SA, BENETTON GROUP SpA et SAB SARL, celui-ci n’ayant pas non plus contesté la qualité de filiale du groupe BENETTON pour les stés SAB (France) et SAB HONG-KONG Ltd, tout en déclarant ignorer si elles étaient filiales de BENETTON FRANCE SA ou directement de BENETTON GROUP SpA Le groupe italien BENETTON, connu par ailleurs pour ses campagnes publicitaires sur de grands faits de société, a ainsi constitué un ensemble multinational de sociétés, toutes affiliées au même groupe qui nonobstant leur autonomie juridique concourre au mêmes buts concertés sous l’impulsion d’une « direction groupe » unique basée à TREVISE en ITALIE, lui permettant, entre autre, de faire fabriquer certaines de ses productions dans un pays connu pour sa législation limitée sur la protection des propriétés industrielles et pour sa main-d’oeuvre bon marché, délocalisant au surplus en dehors du territoire communautaire européen des Douze des fabrications contrefaisantes portant atteinte à l’entreprise dauphinoise et aux emplois correspondants. Ainsi, il convient, dans le cadre strict de la loi, de sanctionner sévèrement de tels agissements. Sur quoi, le Tribunal Prend acte du désistement d’instance de la Sté R.P. à l’encontre de la sté BENETTON FRANCE SA et de l’absence d’opposition sur ce point de cette dernière ; Donne à la sté SAB (France) SARL les actes requis. I – LA CONTREFAÇON PAR LA STE BATA Attendu que la sté R.P. a établi ses droits d’auteur sur les modèles dénommés ROC et ROCKIES qu’elle commercialise sous sa marque GALIBIER, Attendu par ailleurs que les modèles saisis dans le magasin BATA, av de Clichy à PARIS, sous la marque BENETTON ressemblent à s’y méprendre aux modèles ROC et ROCKIES, ce que d’ailleurs les défenderesses n’ont pas véritablement contesté, se contentant de nier les droits d’auteur de la sté R.P. et l’originalité de ses modèles, Attendu, en outre, que la sté BATA n’a pas contesté que les modèles litigieux lui avaient été livrés directement par la sté étrangère dénommée SAB HONG-KONG Ltd, à laquelle elle a payé directement les marchandises, Attendu enfin que la contrefaçon est aussi le fait de celui qui importe et/ou commercialise les objets contrefaits, la sté BATA n’ayant pas fait la preuve, ni même tenté de le faire,

qu’en sa qualité d’importateur, de surcroît professionnel de la chaussure, elle avait pris toutes les informations lui permettant d’éviter le risque de contrefaçon d’un modèle préexistant alors surtout que du fait de ses rapports antérieurs avec la sté R.P. elle ne pouvait pas sérieusement ignorer l’existence desdits modèles, Qu’ainsi, la sté BATA sera condamnée à indemniser dans les conditions et proportions ci- après la sté R.P. de son préjudice résultant de ladite contrefaçon. II – L’APPEL EN GARANTIE DE LA STE SAB (FRANCE) SARL Attendu que la sté SAB n’a pas contesté avoir reçu les commandes des 4 et 23 juin 1992 de la sté BATA avec les conditions générales d’achat qu’elle n’a pas repoussées en les approuvant ainsi tacitement, Attendu qu’elle ne conteste pas non plus avoir transmis lesdites commandes à sa sté soeur du groupe BENETTON située à HONG-KONG sous la dénomination sociale très voisine de la sienne, savoir sté « SAB HONG-KONG Ltd », Qu’ainsi, ayant participé activement à l’importation d’objets contrefaits, elle sera condamnée aux indemnisations solidairement avec les autres auteurs de la contrefaçon, Attendu enfin qu’au titre des conditions générales d’achat des bons de commandes des 4 et 23 Juin 1992, elle sera condamnée à relever et garantir la sté BATA dans la proportion des 3/4 seulement, cette dernière gardant une part de responsabilité nonobstant les stipulations de ses conditions générales d’achat du fait de sa pré-connaissance, en sa qualité de professionnel, de l’existence antérieure des modèles contrefaits, concourant ainsi par elle-même directement à une part du dommage III – LA DEMANDE A L’EGARD DE LA STE ITALIENNE BENETTON GROUPE SPA Attendu qu’aucun fait direct de contrefaçon n’a été établi à l’encontre de la sté mère du groupe italien, la contrefaçon n’ayant été prouvée qu’à l’égard de ses filiales française (SAB SARL) ou asiatique (SAB HONG-KONG Ltd) et qu’ainsi les demandes à son encontre ne seront pas accueillies en application du principe de la personnalité juridique distincte de chaque société. IV – L’INTERDICTION DE VENDRE LES OBJETS CONTREFAISANTS Attendu en conséquence que le Tribunal interdira aux stés BATA, SAB, BENETTON GROUP SpA et ses filiales l’offre à la vente des articles contrefaisants sous astreinte de 1 000 F par infraction constatée, calculée article par article, à dater de la signification du jugement aux stés concernées V – LA CONCURRENCE DELOYALE ET LE PARASITISME

Attendu que les stés BATA et SAB SARL ayant pour activité notamment la commercialisation d’articles chaussants se trouvent être des concurrents de la demanderesse, Attendu qu’outre le fait d’avoir importé et commercialisé les objets contrefaisants la sté BATA les a vendu à un prix moindre d’environ 40% par rapport aux originaux commercialisés par la sté RP, Qu’ainsi, la sté BATA a utilisé les objets contrefaisants vendus à un prix bien moindre en faisant naître une confusion avec les modèles de la marque GALIBIER, se rendant coupable de concurrence déloyale à l’égard de la sté R.P., l’action en parasitisme devant être, quant à elle, rejetée, la différence de prix résultant bien plus probablement d’une main-d’oeuvre asiatique bon marché que des économies faites sur l’étude de la mise au point des modèles VI – LES DOMMAGES ET INTERETS, LES FRAIS IRREPETIBLES ET L’EXPERTISE Attendu que bien que la demanderesse ait renoncé à son instance à l’égard de la sté BENETTON FRANCE SA et que la demande à l’égard de la sté italienne BENETTON GROUP SpA sera ci-après rejetée, les actions judiciaires qui avaient été intentées à l’encontre de celles-ci ne sont pas abusives compte tenu de la confusion des dénominations sociales et de la marque BENETTON apposées sur les articles contrefaisants et qu’ainsi les demandes respectives en dommages et intérêts et en indemnité pour frais irrépétibles ne seront pas accueillies, Attendu par ailleurs que les stés BATA et SAB succombant vis-à-vis de la sté R P, elles ne sont pas fondées à réclamer ni des dommages et intérêts pour procédures abusives, ni des indemnités en couverture de leurs frais irrépétibles et qu’ainsi elles seront respectivement déboutées de leurs chefs de demande sur ce point, Attendu enfin que pour déterminer l’étendue du préjudice du fait de la vente en FRANCE des articles contrefaisants, le Tribunal ordonnera une expertise dans les termes prévues au dispositif ci-après tout en condamnant solidairement les stés BATA et SAB à payer à la sté R P une indemnité provisionnelle globale fixée à 100 000 F, pour ce qui concerne tant la contrefaçon que la concurrence déloyale, la sté SAB devant relever et garantir la sté BATA à hauteur de 75 000 F, Attendu, en outre, que les stés BATA et SAB ont contraint la sté R P à engager des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits en justice qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge et que le Tribunal trouve dans le dossier les éléments suffisants pour fixer l’indemnité à la somme demandée de 20 000 F sur le fondement de l’art 700 du NCPC à la charge solidaire des stés BATA et SAB (France). VII – LA PUBLICATION DANS LA PRESSE, L’EXECUTION PROVISOIRE ET LES DEPENS

Attendu que pour assurer une réparation complémentaire à la sté R.P le Tribunal ordonnera la publication du seul dispositif du jugement à intervenir dans 3 journaux ou revues au choix de la demanderesse et aux frais des stés BATA et SAB solidairement, dans la limite globale de 30.000 F HT, outre TVA applicable, la sté SAB devant relever et garantir la sté BATA dans la limite de 75%, Attendu que l’exécution provisoire paraît partiellement nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire et qu’ainsi elle sera ordonnée sauf pour la publication dans la presse, le tout sans constitution de garantie, Attendu enfin que les dépens seront mis à la charge des stés BATA pour 1/4 et SAB pour 3/4 PAR CES MOTIFS Le Tribunal, Statuant publiquement en premier ressort par un unique jugement contradictoire :

- Joint les causes,
- Dit la SOCIETE ANONYME RICHARD PONVERT partiellement fondée en ses demandes, les accueillant pour partie, condamne en conséquence : * Les SOCIETES BATA et SAB solidairement à la SOCIETE ANONYME RICHARD PONVERT une indemnité provisionnelle globale de CENT MILLE FRANCS au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale,
- Interdit aux SOCIETES BATA et SAB, BENETTON GROUPE SpA et ses filiales d’offrir à la vente les articles contrefaisants des modèles ROC et ROCKIES sous astreinte de MILLE FRANCS par infraction constatée calculée article par article à dater de la signification du jugement aux Sociétés concernées,
- Pour le surplus, désigne, avant dire droit Monsieur Alain A, Expert-Comptable, demeurant […] (Tel 44.95.16.40), en qualité d’expert, avec la mission précisée ci-après :

- Se faire communiquer par les parties à l’instance tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission et notamment se faire communiquer par les SOCIETES BATA et SAB toutes pièces comptables, documents de commandes, documents de transmission de commandes à la SOCIETE SAB HONG-KONG Ltd, pour établir le nombre exact de paires de chaussures sous références 50360704 et 51361701 ressemblant aux modèles ROC et ROCKIES qui ont été commandés auprès de toutes Sociétés Françaises ou étrangères et notamment la SOCIETE SAB HONG-KONG Ltd,
- Etablir le décompte du Chiffre d’Affaires ainsi détourné au préjudice de la SOCIETE ANONYME RICHARD PONVERT et chiffer la perte de celle-ci à partir de la marge

brute moyenne des modèles ROC et ROCKIES calculée en fonction des documents comptables analytiques de la Société plaignante,
- Exécuter sa mission à l’aide des documents et pièces remis par les parties,
- Entendre tous sachants, dans la mesure où il l’estimera utile,
- Fournir tous éléments factuels ou comptables, de nature à permettre au Tribunal d’évaluer les préjudices,
- Donner son opinion sur ceux-ci et sur les comptes et documents comptables présentés par les parties,
- Fixe à DIX MILLE FRANCS (10.000, 00) le montant de la provision à consigner par la SOCIETE ANONYME RICHARD PONVERT, demanderesse, à la mesure d’expertise avant le 28 Février 1994 au Greffe de ce Tribunal, par application des dispositions de l’article 269 modifié du NCPC,
- A défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert sera caduque (article 271 modifié du NCPC) et l’instance poursuivie,
- Dit que l’expert pourra, s’il estime la provision insuffisante, présenter dans un délai de trois mois à compter de la consignation, une estimation de ses frais et rémunération, permettant au Tribunal d’ordonner éventuellement le versement d’une provision complémentaire,
- Dit que, si les parties ne viennent à composition entre elles, le rapport de l’expert devra être déposé au Greffe dans un délai de six mois à compter de la consignation de la provision et, dans l’attente de ce dépôt, inscrit la cause au rôle des mesures d’instruction,
- Dit que le Magistrat chargé du contrôle des mesures d’instruction suivra l’exécution de la présente expertise,
- Ordonne la publication du présent dispositif dans trois journaux ou revues au choix de la SOCIETE ANONYME RICHARD PONVERT et aux frais des SOCIETES BATA et SAB solidairement dans la limite globale de TRENTE MILLE FRANCS H.T., outre T.V.A.

- Ordonne l’exécution provisoire sauf pour ce qui concerne la publication dans la presse, le tout sans constitution de garantie,
- Condamne solidairement les SOCIETES BATA et SAB à payer à la SOCIETE ANONYME RICHARD PONVERT une indemnité de VINGT MILLE FRANCS sur le fondement de l’article 700 du NCPC,

— Dit que la SOCIETE SAB relèvera et garantira la SOCIETE BATA à hauteur des 3/4 de toutes les condamnations prononcées à son encontre par le présent jugement,
- Dit respectivement les parties mal fondées pour le surplus de leurs demandes, les en déboute,
- Fait masse des dépens échus en ce compris les frais de saisie-contrefaçon et les met à la charge de la SOCIETE SAB pour 3/4 et de la SOCIETE BATA pour le 1/4, de cette partie de l’instance, dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de 305, 10 Francs T.T.C. (App 15, 75 + Aff 63, 00 + Emol 231, 00 + T.V.A. 57, 63).

- Réserve les dépens correspondants à la suite de l’instance relative à la demande d’expertise.

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