Tribunal de commerce de Paris, 2 septembre 2019, n° 2017050625

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Jean-Michel Vertut · 10 mai 2022

Un récent arrêt de la chambre commerciale de Cour de cassation apporte quelques éclairages intéressants pour l'analyse du déséquilibre significatif de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce. Les solutions rapportées sont de notre point de vue transposables, lorsqu'il sera question de faire application de cette même prohibition sur le fondement de l'article L. 442-1 I 2° du Code précité. I. Faits et procédure. La société Xerox (ci-après « Xerox » ou le « concédant ») et la société Document Concept 87-23 l'un de ses concessionnaires (ci-après « Concept » ou le « concessionnaire …

 

Jean-Michel Vertut · 17 mai 2021

Au plan des pratiques restrictives de concurrence, les avantages sans contrepartie ou dont le montant est exagéré eu égard à la contrepartie fournie, de même que les avantages à caractère rétroactifs, peuvent être illicites entre opérateurs dont l'un n'est pas présent sur le territoire national. Un récent arrêt de la Cour d'appel de Paris du 30 mars 2021 nous en procure une illustration. A noter dans cette affaire, l'intéressante confrontation de règles contractuellement arrêtées pour la contestation des factures sous 15 jours à compter de leur réception avec celles de la prescription …

 
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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 2 sept. 2019, n° 2017050625
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris
Numéro(s) : 2017050625

Texte intégral

Act

[…]

Copie exécutoire : REPUBLIQUE FRANCAISE Mr Z A Mre Copie aux demandeurs : 2

Copie aux défendeurs : 4 AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS 1ERE CHAMBRE JUGEMENT PRONONCE LE 02/09/2019 rique PAR SA MISE A DISPOSITION AU GREFFE

RG 2017050625 09/11/2017

ENTRE :

MONSIEUR LE MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES, dont le siège social est […]

Partie demanderesse : représentée par M. Z A, chef du service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation, et de la répression des Fraudes élisant domicile […] assisté de Mr B C mandataire dument muni d’un pouvoir.

ET:

[…], dont le siège social est […]

2) SARL AMAZON SERVICES EUROPE, dont le siège social est […]

3) SAS AMAZON FRANCE SERVICES, dont le siège social est […]

Parties défenderesses : assistées de Me A THEOPHILE du Cabinet DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER Avocats (R170) et Me Diego de LAMMERVILLE du Cabinet CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP Avocats (K112) et comparant par Me HERNE Pierre Avocat (B835).

APRES EN AVOIR DELIBERE

Les faits – Objet du litige

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (ci-après DGCCRF) du Ministère de l’Économie et des Finances a effectué en 2015 et 2016 une enquête relative au fonctionnement de places de marché organisées sur des sites internet par certains professionnels spécialisés, activité dénommée « services d’intermédiation en ligne » dans un prochain règlement européen.

L’Autorité de la Concurrence dans un avis du 18 septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique relevait notamment que « /es places de marché rémunérées à la commission … jouent le rôle d’intermédiaire entre des vendeurs et acheteurs, en offrant à des vendeurs, professionnels ou particuliers, la possibilité d’y proposer tout ou partie de leur catalogue comme le ferait une galerie commerciale dans le

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monde physique. Elles proposent souvent par ailleurs aux marchands, à côté des services traditionnels proposés par toute places de marché (interface technique, ou de paiement des commandes par exemple), des services d’information, de markeling, d’assistance financière ou de gestion de la chaine logistique généralement avec un supplément de commission. » L’autorité a souligné dans cet avis le grand avantage concurrentiel représenté par ces places dans la mesure où elles offrent « un moyen alternatif d’accéder à une large audience pour les petits fournisseurs ou distributeur .. » mais elle relevait également l’importance de « veiller à ce que les modalités de fonctionnement des places ne faussent pas le jeu de la concurrence …. L’un des risques étant lorsque que l’opérateur, qui exploite la plateforme et décide du référencement des distributeurs, est en même lemps concurent de ces derniers, soit avec son propre site ou un réseau physique, soit en offrant sur la même plateforme que les distributeurs référencés ses propres produits ou/et que la place de marché occupe une position dominante ».

La Commission Européenne, dans sa proposition du 26 avril 2018 de règlement pour l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d’intermédiation en ligne, comme le Parlement européen, dans sa résolution du 17 avril 2019 adoptant cette proposition de règlement, ont l’un et l’autre indiqué d’une part que les dits services d’intermédiation, en l’espèce les places de marché en ligne, représentent un immense progrès pour les entreprises { fournisseurs où distributeurs de produits et services), car elles leurs ouvrent de vastes marchés auxquelles elles n’auraient autrement pas eu accès par leurs propres moyens, qu’il s’agisse de leurs sites internet et a fortiori de réseaux physiques), comme aux consommateurs qui peuvent accéder ainsi sans effort en temps réel et sans déplacement à un choix de produits et de marques quasiment infinis avec une tarification particulièrement concurrentielle ;

Mais comme l’Autorité de la Concurrence française , Commission et Parlement ont motivé le projet de réglement par le fait que l’intermédiation croissante des transactions par l’intermédiaire de plateformes en ligne, combinée à d’importants effets de réseau indirects qui peuvent étre alimentés par les avantages fondés sur les données procurées par les plateformes en ligne, contribuent à accroître la dépendance des entreprises à l’égard des plateformes en ligne, qui deviennent des quasi-gardiens de l’accès aux marchés et aux consommateurs. L’asymétrie entre la puissance de marché relative d’un petit nombre de plateformes en ligne dominantes est encore accrue par le morcellement intrinsèque de l’offre, constituée de milliers de petits commerçants ; du fait de la dépendance ainsi générée des vendeurs sur une plateforme, les entreprises propriétaires et gestionnaires de ces plateformes disposent d’un pouvoir de négociation supérieur à ceux des fournisseurs et vendeurs référencés par eux, ce qui leur permet, dans la pratique, d’agir unilatéralement d’une façon qui peut être inéquitable et nuire aux intérêts légitimes des entreprises utilisatrices qui font appel à eux, voire des consommateurs, par des pratiques contraires au principe de la loyauté et de la bonne foi.

If ressort par ailleurs d’une étude de la fédération du e-Commerce que le marché français du commerce électronique a représenté en 2015 un chiffre d’affaires de 64 milliards d’E en progression de 14% par rapport à 2014 et que cette activité est très concentrée puisque 0,6% des opérateurs représentent 61% du chiffre d’affaires : les places de marché à la même date ont totalisé 9% des ventes de produits en ligne ce pourcentage ayant augmenté de 50% en 3 ans ; encore cette étude est un peu ancienne dans le secteur de la vente en ligne en très forte croissance, dont la part dans la distribution mondiale et française s’accroit de façon très rapide ; à l’intérieur de la vente internet, la proportion de celle réalisée sur des places de marché progresse elle encore plus rapidement que celle de l’ensemble des ventes réalisés sur internet.

[…]

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C’est dans ce contexte que la DGCCRF a mené son enquête pour rechercher si tel ou tel grand opérateur de plateforme n’avait pas recours à des pratiques anticoncurrentielles et/ou restrictives de concurrence relevant des titres Il et IV du code de commerce ; en effet les dispositions qui y figurent relèvent de l’ordre public et le Ministre de l’Economie et des Finances, garant de l’ordre public économique, a le pouvoir d’agir en répression de comportements contraires aux dispositions de ces livres notamment sur le fondement de l’article L.442-6 III du code de commerce. Les conclusions de cette enquête ont conduit le Ministre à introduire la présente action à l’encontre de 3 sociétés du Groupe Amazon en responsabilité quasi-délictuelle pour des pratiques constatées à l’occasion de relations commerciales dans le cadre des contrats conclus par différentes sociétés du groupe Amazon avec des fournisseurs et distributeurs référencés sur la plateforme du Groupe se trouvant sur le site « amazon.fr » ; cette action est fondée sur les dispositions de l’article L.442-6 1 2° du code précité qui prévoit que « engage Ja responsabilité de son auteur, et l’oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout commerçant : 2° de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. » ; le 1|l du mème article dispose que le Ministre peut demander au tribunal de : « ordonner la cessation des pratiques… Prononcer la nullité des clauses illicites du contrat. Prononcer une amande civile « ; le dernier paragraphe de cet alinéa dispose que « /a juridiction ordonne systématiquement la publication, diffusion. de sa décision. ».

Le groupe Amazon est spécialisé dans la vente sur internet dans le monde entier d’une immense gamme de produits qu’il distribue à des consommateurs des pays accessibles à ses services : son chiffre d’affaires mondial était de 250 milliards $ et son bénéfice de 12 milliards en 2018 ; en 2000, il décidé d’ouvrir un certain nombres de ses sites internet de vente en ligne à travers le monde à des vendeurs tiers, pouvant être ses concurrents par leur propre de site de vente en ligne et/ou par un réseau physique de boutiques ou grandes surfaces, pour qu’ils proposent aux clients du Groupe ou visiteurs de ses sites leurs produits à côté des siens: il a ainsi inventé le concept de place de marché virtuel sur internet ; cette place de marché a été mise en place en France avec l’ouverture aux vendeurs tiers de son site amazon.fr près d’une dizaine d’année avant que d’autres sites internet français fassent de même, le groupe a massivement investi dans la technologie, le marketing, faisant de sa marque la plus connue et appréciée dans le monde, générant la plus grande satisfaction et fidélisation de ses clients, offrant une gamme de produits sans équivalent (136 millions de référence) , et donnant aux meilleurs de ses clients dits « Prime » ( 100 millions) la livraison dans les 24H: l’objectif poursuivi est que toute personne utilisant internet puisse 24H/24 et 717 trouver de manière très simple, rapide et intuitive n’importe quel produit dont elle pourrait avoir besoin, puisse le payer en un clic de manière sécurisée et être livrée dans des délais très brefs gratuitement le plus souvent.

En France, son site « amazon.fr » est le premier site marchand de produits finis pour les consommateurs avec un chiffre d’affaires de plus de 5 milliards d'€ et 18 millions de visiteurs, soit 40% des internautes visitant des sites marchands: sa place de marché, en très forte croissance, est elle aussi et de loin la première en France avec plus de 170.000 fabricants ou distributeurs ( ci-après vendeurs tiers), français ou étrangers référencés de tailles les plus diverses; la majorité des ventes (plus de 60%) en France par le site d’Amazon est réalisée par les vendeurs tiers, les autres l’étant par Amazon elle-même à partir de ses propres produits ce qui montre l’importance stratégique pour le groupe Amazon de cette activité puisque les recettes, qu’elle lui procure, représentent plus de la moitié de son chiffre d’affaires et l’essentiel de ses profits; la dite place de marché est disponible pour les clients français sur le site internet « amazon.fr » et selon Amazon la majorité des vendeurs tiers sur

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le dit site seraient étrangers. Les fournisseurs français, référencés sur la place de marché d’Amazon, ont accès à des clients dans toute l’Europe.

Ladite place est gérée par la SARL de droit luxembourgeois AMAZON SERVICES EUROPE, ci-après Y. Cette société appartient au même groupe que la SAS AMAZON France SERVICES, ci-après AFS, domiciliée en France et, que la SCA AMAZON PAYMENTS EUROPE, ci-après APE, domiciliée au Luxembourg, qui est un établissement de monnaie électronique et de paiement ; ces 3 sociétés sont les 3 défenderesses dans le présent litige.

Il est constant que tout vendeur tiers doit, pour être référencé par Amazon et avoir accès à son site amazon.fr, conclure simultanément 2 contrats, l’un avec Y et l’autre avec APE qui sont donc liés et interagissent entre eux ; par exemple les sanctions, suspension de l’accès au site ou déréférencement définitif, en cas de non-respect par le vendeur tiers de ses obligations contractuelles, sont les mêmes ; cependant les motifs de ces sanctions sont différents : dans le cas d’Y il s’agit de la non satisfaction de critères de performance alors que dans le cas d’APE il s’agit de règles pour l’essentiel liés à la sécurité des transactions et liés des règles légales; le système de communication entre Y et APE et les vendeurs tiers est le même, le « Seller Central » et les deux contrats avec l’ensemble des conditions générales et particulières, ainsi que des « Politiques de programme applicable», ci-après les Politiques, se trouvent sur ce système de communication ; que cet ensemble y compris toutes les informations figurantes sur amazon.fr et sur le Seller Central a valeur contractuelle du fait de l’article 19 du contrat ;le Seller Central est une interface web à partir de laquelle les vendeurs tiers peuvent notamment gérer leurs comptes, piloter leurs offres ( en terme de prix, de connaissance de l’état de leurs stocks, du nombre d’internautes qui ont visité leurs pages, des avis clients et en comparant leurs ventes à celles agrégées des autres vendeurs du mème produit sur la place de marché…), communiquer avec Y et APE, recevoir des informations de ces dernières sur le fonctionnement et les règles générales des services de la place de marché ainsi que sur leurs performances de vente et notamment le respect des critères de performance commerciale qu’elle a édictés ; c’est aussi par ce système que les dits vendeurs tiers sont avisés des modifications de conditions générales des contrats, de la tarification, des critères de performance et de la suspension de leur compte …

Le contrat Y stipule les droits et obligations des vendeurs tiers permettant à ceux-ci notamment de faire figurer leurs produits sur amazon.fr et de recevoir les commandes des clients moyennant le paiement de commissions à Y ; les taux de ses commissions varient de 5 à 45% du prix du produit suivant sa nature et selon l’option des services rendues par Y : une des options, dite « expédié par Amazon » ci-après EPA, permet aux vendeurs tiers de faire stocker et livrer ses produit, en France et à l’Étranger, par Amazon ; même si le produit est livré par le vendeur tiers, Y perçoit en plus de sa commission des frais de gestion sur les frais pour la dite livraison ; l’option EPA permet aux vendeurs tiers d’accéder, moyennant une commission plus élevée, aux centres logistiques de du groupe Amazon en lui déléguant le stockage, l’emballage et la livraison dans toute l’Europe et dans le Monde avec de très courts délais de transport ; elle offre de surcroit le grand avantage pour le vendeur tiers d’être directement éligible pour une fonctionnalité dite « Boite d’achat » liée au bouton principal « Ajouter au panier » ; si plusieurs vendeurs tiers proposent le même produit en état «neuf», un seul d’entre eux apparaitra dans la boite d’achat, entrainant qu’automatiquement le consommateur cliquant sur « Ajouter au panier» mettra dans son panier virtuel le produit de ce vendeur mis en avant et non des autres ; pour accéder à la liste complète des vendeurs proposant le produit, il est nécessaire de cliquer sur un autre lien hypertexte, ce qui en pratique réduit considérablement les chances de réaliser une vente pour les vendeurs n’apparaissant pas dans la boite d’achat: la sélection du vendeur apparaissant dans la boite d’achat est effectuée par un algorithme connu seulement

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d’Amazon, dépendant de critères de performances non détaillés dans le contrat avec pour objectif allégué de privilégier ceux des vendeurs qui offrent en permanence une excellente expérience achats aux clients :comme le fait pour un vendeur tiers d’avoir accès à cette boite a une effet considérable pour son volume de vente, il en résulte que la nature des critères de performance et leurs modalités de mise en oeuvre ont une importance capitale pour les vendeurs tiers.

Le contrat avec APE stipule les droits et obligations des vendeurs tiers pour obtenir la gestion des paiements de leurs clients : c’est APE qui perçoit, pour le compte du vendeur tiers, le prix du produit vendu payé par le client et qui le reverse au vendeur tiers, sous déduction des remboursements des produits renvoyés par le client dans le cadre de la garantie de À à Z; cette garantie permet au client du vendeur tiers, comme à celui d’Amazon pour ses produits vendus sur le même site, de retourner le produit dans un certain délai et d’être remboursé jusqu’à 2.500€ si l’article commandé n’a pas été livré, s’il a été reçu endommagé, défectueux, contrefait ou est selon le consommateur substantiellement différent de celui décrit par le vendeur sur la page produit de la place de marché ; dans chacun de ces cas, APE rembourse le client à partir du compte du vendeur ; c’est Y qui juge si la réclamation du client est justifiée et si le remboursement doit être accordé mais le vendeur tiers peut contester auprès d’elle la légitimité du remboursement ; APE a donc un rôle de gestion du compte des clients des vendeurs tiers .

AFS n’a conclu aucun contrat avec les vendeurs tiers mais elle offre des services de support et d’assistance à d’autres sociétés Amazon et dans ce cadre a conclu des conventions de prestations de services avec ces dernières en matière commerciale, financière et administrative, notamment Y pour le marketing, la publicité en ligne ..: selon la DGCCRF elle serait en relation avec les vendeurs tiers, notamment lors de la suspension de leurs comptes en cas de non-respect des critères de performance, ce que conteste Y.

Lors de son enquête, la DGCCRF a analysé les clauses de ces deux contrats et des conditions générales ce qui l’a conduite à relever que certaines d’entre elles sont constitutives selon elle d’un déséquilibre significatif des droits et obligations des deux parties ; elle a alors enquêté auprès d’un certain nombre de vendeurs tiers et auditionné sur procès-verbal 10 d’entre eux, procès-verbaux joints dans les pièces mais rendus anonymes conformément à sa pratique lorsqu’elle entend des fournisseurs; par ailleurs elle a le 4 novembre 2015, lors de la première phase de son enquête, entendu Y afin que cette dernière lui apporte des explications sur le mode de fonctionnement de sa place de marché : par contre la DGCRF n’a pas établi de rapport d’enquête au sens de l’article L.450-2 du code commerce, ce à quoi elle n’était pas tenue et n’a donc pas, avant le litige, demandé aux sociétés du Groupe Amazon, dont Y, APE et AFS, de s’expliquer sur les griefs qu’elle a formulés à la fin de ses investigations et qui ont conduit à la saisine de ce tribunal sur le fondement de l’article L.442-6 du code de commerce.

Procédure

Par acte en date des 17 et 18/07/2017, Monsieur le Ministre de l’Économie et des Finances assigne les sociétés AMAZON PAYMENTS EUROPE, AMAZON SERVICES EUROPE et AMAZON FRANCE SERVICES.

À FT

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Par cet acte et aux audiences en date des 10 décembre 2018 et 1 juillet 2019, Monsieur le Ministre de l’Économie et des Finances demande au tribunal, dans le dernier état de ses prétentions, de :

Vu l’article L. 442-6 du code de commerce,

. Dire et juger que les sociétés Amazon France Services SAS, Amazon Payments Europe SARL et Amazon Services Europe SCA sont des « partenaires commerciaux » des vendeurs tiers au sens de l’article L. 442-6 1 2° du code de commerce ;

. Dire et juger que les sociétés Amazon France Services SAS, Amazon Payments Europe SARL et Amazon Services Europe SCA ont participé activement à l’élaboration et/ou l’exécution des contrats et pratiques litigieux constitutifs d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

. Dire et juger que les clauses du contrat et des conditions, ainsi que les pratiques en découlant, liant les sociétés du groupe Amazon aux cocontractants vendeurs sur la place de marché « amazon.fr » :

— Conférant aux sociétés Amazon Services Europe SARL et Amazon Payments Europe SCA la possibilité de modifier unilatéralement les contrats et conditions (Point 17 du contrat Y et point 11.2 des conditions APE) ;:

Conférant aux sociétés Amazon Services Europe SARL et Amazon Payments Europe SCA la possibilité de suspendre et/ou résilier unilatéralement les contrats et conditions (points 1 et 3 du contrat Y et points 1.1, et 5.3 des conditions APE) ; Conférant à la société Amazon Payments Europe SCA la possibilité de suspendre les comptes vendeur (point 1.6 des conditions APE) :

Conférant aux sociétés Amazon Services Europe SARL et Amazon Payments Europe SCA la possibilité de suspendre ou annuler des transactions du cocontractant vendeur (point S- 1.4 du contrat Y et point 3.1 des conditions APE) ;

Conférant aux sociétés Amazon Services Europe SARL et Amazon Payments Europe SCA la possibilité de suspendre, clôturer ou annuler le compte vendeur (points 2 et 6 du contrat Y et points 2.6, 2.7, 3.1, 3.2, 3.3, 4.2 des conditions APE) :

Conférant aux sociétés Amazon Services Europe SARL et Amazon Payments Europe SCA la possibilité de rembourser une transaction du cocontractant vendeur au consommateur final (point S- 3.2 du contrat Y et points 3.2, 4.2 des conditions APE) ;

Conférant aux sociétés Amazon Services Europe SARL et Amazon Payments Europe SCA la possibilité d’utiliser notamment les éléments, marques, logos, avis du cocontractant vendeur (points 4, 12, 16 du contrat Y et points 7.2, 7.3 des conditions APE) ;

Conférant à la socièté Amazon Services Europe SARL la possibilité de déterminer les tarifs d’expédition de certains biens vendus par le cocontractant vendeur (point S- 1.3 du contrat Y) ;

Conférant à la société Amazon Services Europe SARL la possibilité d’exiger du cocontractant vendeur l’alignement sur les meilleures conditions de ses propres canaux de ventes (points S- 1.1, S-4 du contrat Y);

Conférant aux sociétés Amazon Services Europe SARL et Amazon Payments Europe SCA la possibilité de s’exonérer leurs responsabilités (points 6, 7, 8, du contrat Y et points 8.2, 9 et 10 des conditions APE) ;

Conférant à la société Amazon Services Europe SARL la possibilité de s’exonérer de leurs responsabilités s’agissant du service « Expédié par Amazon » (points F- 10.3, F-12, F13 du contrat Y) ;

A Fr

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+ Contreviennent à l’article L. 442-6 | 2° du code de commerce dans la mesure où elles sont imposées, sans négociation effective réelle, aux vendeurs tiers par les sociétés Amazon France Services SAS, Amazon Payments Europe SARL et Amazon Services Europe SCA, et sont significativement déséquilibrées sans qu’un quelconque rééquilibrage de la relation contractuelle ne soit démontré en l’espèce ;

En conséquence,

. Débouter les sociétés Amazon France Services SAS, Amazon Payments Europe SARL et Amazon Services Europe SCA de l’ensemble de leurs demandes ; . Ordonner aux sociétés Amazon France Services SAS, Amazon Services Europe

SARL, Amazon Payments Europe SCA de cesser les pratiques consistant à mentionner et mettre en œuvre les clauses litigieuses susmentionnées dans leurs contrats, conditions, et sur tous types de supports à destination des cocontractants vendeurs, et notamment l’interface Seller Central et le site internet « amazon.fr », le tout sous astreinte de 30000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir;

. Se réserver la liquidation de l’astreinte ;

. Condamner in solidum les sociétés Amazon France Services SAS, Amazon Services Europe SARL, Amazon Payments Europe SCA au paiement d’une amende civile de 9 500 00 euros ;

Ordonner aux sociétés Amazon France Services SAS, Amazon Services Europe SARL, Amazon Payments Europe SCA de faire publier, sous huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir, pendant six mois, le dispositif dudit jugement sur le site internet « amazon.fr » en page d’accueil ainsi que sur l’interface « Seller Central » sur la page d’accueil; le tout sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard;

. Se réserver la liquidation de l’astreinte ;

. Ordonner aux sociétés Amazon France Services SAS, Amazon Services Europe SARL, Amazon Payments Europe SCA, sous huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir, de faire publier à leurs frais, dans les journaux et sur leurs sites internet respectifs, Le Monde, […], Aujourd’hui en France, […], Metro, […], X, ce pour une durée de trois mois, le tout sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ;

. Se réserver la liquidation de l’astreinte ;

e Dire que la DGCCRF pourra procéder à la publication du dispositif dudit jugement sur son site internet http://www.economie.gouv.fr/dgccrf» ;

e Condamner in solidum les sociétés Amazon France Services SAS, Amazon Services Europe SARL, Amazon Payments Europe SCA au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

e Condamner in solidum les sociétés Amazon France Services SAS, Amazon Services Europe SARL, Amazon Payments Europe SCA aux entiers dépens : . Ordonner l’exécution provisoire du jugement ;

Aux audiences des 28 mai 2018 et 15 avril 2019 les sociétés AMAZON PAYEMENTS EUROPE, AMAZON SERVICES EUROPE et AMZON FRANCE SERVICES demandent au tribunal, dans le dernier état de leurs prétentions, de :

Vu l’article L. 442-6 du code de commerce, Vu l’article L. 511-4 du code monétaire et financier,

Il est demandé au Tribunal de :

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TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : 2017050625 JUGEMENT OÙ LUNDI 02/09/2019 1 ERE CHAMBRE PAGE B

A titre principal,

1. Sur la mise hors de cause d’Amazon France Services

e Dire et juger que la société Amazon France Services n’est pas un « partenaire commercial » des vendeurs tiers au sens de l’article L. 442-6, |, 2° du code de commerce ;

En conséquence, e Mettre la société Amazon France Services hors de cause :

2. Sur la mise hors de cause d’Amazon Payments Europe

e Dire et Juger que la société Amazon Payments Europe, établissement de monnaie électronique, n’est pas soumise à l’article L. 442-6, 1, 2° du code de commerce ; En conséquence,

Mettre la société Amazon Payments Europe hors de cause ;

° Exclure le Contrat APE du champ du litige ;

3. En tout état de cause, sur l’absence de réunion des conditions d’application de

l’articte L. 442.6, |, 2° du code de commerce

e Dire et juger que l’article L.442-6, !, 2° du code de commerce ne s’applique pas aux contrats conclus avec les vendeurs tiers étrangers ; . Dire ot juger que le Ministre ne rapporte pas la preuve de ce qu’Amazon Services

Europe et Amazon Payments Europe auraient adopté un comportement ayant consisté à « soumettre ou tenter de soumettre » les vendeurs tiers à des obligations au sens de l’article L. 442-6, 1, 2° du code de commerce ;

e Dire et juger les clauses du Contrat Y et du Contrat APE n’entraïînent aucun déséquilibre au bénéfice d’Amazon Services Europe et d’Amazon Payments Europe ;

e Dire et juger que les clauses du Contrat Y et du Contrat APE ne sont pas Significativement déséquilibrées ;

e Dire et juger que le Contrat Y et le Contrat APE sont en tout état de cause

rééquilibrés par l’intérêt qu’ont les vendeurs tiers d’accéder aux services de place de marché sur le site amazon.fr, ainsi que par tous les droits et avantages qui leur y sont offerts ;

En conséquence,

e Dire et juger que le Ministre ne rapporte pas la preuve de ce que les sociétés Amazon Services Europe et Amazon Payments Europe se seraient rendues coupables du manquement visé à l’article L. 442-6, 1, 2° du code de commerce ;

e Débouter le Ministre de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire, sur les mesures sollicitées par le Ministre

No

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : 2017050625

JUGEMENT OU LUNOI 02/09/2019

1 ERE CHAMBRE PAGE 9 e Circonscrire toute injonction de cessation de pratiques aux seuls contrats conclus

entre Amazon Services Europe etou Amazon Payments Europe et des vendeurs tiers établis en France ;

e Dire et juger que le Ministre ne justifie pas de la nécessité de condamner Amazon Services Europe et/ou Amazon Payments Europe et/ou Amazon France Services à une amende civile ;

0 Dire et juger, subsidiairement, que le montant de l’amende civile sollicitée par le Ministre est disproportionné par rapport aux pratiques en cause ;

e Débouter le Ministre de sa demande de condamnation à une amende civile ;

e Dire et juger que les demandes de publication du dispositif du jugement ne sont pas justifiées et, en tout état de cause, disproportionnées ;

. Débouter le Ministre de ses demandes de publication du dispositif du jugement :

. Ordonner, subsidiairement, que les demandes de publication du dispositif du

jugement soient circonscrites à la page d’accueil de « Seller Central » pour une durée d’une semaine.

En tout état de cause,

Condamner le Ministre à verser à Amazon Services Europe, Amazon Payments Europe et Amazon France Services la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner le Ministre à supporter les entiers dépens ;

e Dire n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

A l’audience du 1 juillet 2019, les sociétés AMAZON PAYEMENTS EUROPE, AMAZON SERVICES EUROPE et AMZON FRANCES SERVICES demandent au tribunal, par des conclusions additionnelles à celles du 15 avril 2019 qui les complètent, de :

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d’intermédiation en ligne, + Leur adjuger le bénéfice de leurs conclusions récapitulatives en date du 15 avril 2019, + _Débouter le Ministre de ses demandes de cessation des pratiques pour l’avenir, Dire n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 10 juillet 2019, les deux parties ont envoyé plusieurs notes en délibéré, conformément aux demandes du tribunal lors de l’audience publique du 1er juillet 2019.

L’ensemble de ces demandes a fait l’objet du dépôt de conclusions : elles ont été régularisées par le juge chargé d’instruire l’affaire en présence des parties,

À l’audience en date du 1/07/2019 après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le tribunal clôt les débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 3/09/2019, Les parties en ont été avisées en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

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JUGEMENT OU LUNDI 02/09/2019

1 ERE CHAMBRE PAGE 10 l- Sur la mise hors de cause de AFS :

Moyens des parties

En demande le Ministre soutient que les vendeurs tiers entretiennent une relation de partenariat commercial avec Y,APE et AFS et rappelle en ce qui concerne cette dernière que le comportement délictueux au sens de l’article L.442-6 peut revêtir d’autres formes que la signature d’un contrat dès lors que cette dernière a concouru aux faits préjudiciables à des vendeurs tiers : elle indique que, lors de son audition sur procès-verbal le 4 novembre 2015, AFS a déclaré que, parmi les prestations qu’elle rendait à Y dans le cadre de conventions de services , « elle assurait notamment la prospection de vendeurs sur la place de marché pour le compte d’Y » ; qu’au surplus certains des courriers reçus par les vendeurs tiers français, notamment dans le cadre de litiges précédant la suspension ou la clôture des comptes de ces derniers, ont été envoyés et signés par AFS, qui de plus a été en relation téléphonique avec eux.

En défense, AFS soutient qu’elle n’a pas pris part aux relations commerciales avec les vendeurs tiers ;: qu’elle fournit certes à Y des services d’assistance à la gestion de la relation mais que la grande majorité des vendeurs tiers s’inscrivent directement auprès d’Y via le site: que d’ailleurs l’article 5 de la convention conclue entre elle et cette dernière stipule qu’elle ne peut offrir ou créer des garanties ou d’autres obligations au nom et pour le compte d’Y dont elle n’est pas l’agent.

Sur Ce

Attendu qu’AFS soutient qu’elle n’est pas un partenaire commercial d’Y en ce qu’elle n’a pas une volonté commune avec cette dernière d’effectuer de concert des actes ensemble; qu’en effet elle n’a pas pris part aux relations commerciales d’Y avec les vendeurs tiers et qu’elle n’a conclu aucun contrat avec ces derniers mais seulement des conventions de services avec Y ; que même, s’il pourrait y avoir eu ponctuellement des activités avec les vendeurs tiers ou les concernant dans le cadre des services qu’elle rend à Y, il ne s’agirait que d’interactions ponctuelles sans que les critères de la durée et de la réciprocité d’un projet commun, nécessaires pour établir l’existence d’un partenariat commercial, soient remplis ;

Attendu cependant que l’annexe B de la convention de services conclue entre AFS et Y stipule notamment: « nous assurons les services d’appui en matière de marketing, y compris la promotion commerciale … ou tout autre service convenu d’un commun accord entre les Parties en tant que de besoin… » ; que, lors de son audition par la DGCCRF, AFS a déclaré qu’au titre de cette convention « elle assurait la prospection des vendeurs pour la place de marché pour le compte d’Y » ; qu’il ressort des pièces produites (notamment des échanges de mails ou des captures d’écran) que l’ouverture des comptes en ligne entre Y et une partie des vendeurs était réalisée par l’intermédiaire d’AFS , ce qu’elle ne conteste pas tout en disant qu’il s’agit d’une minorité :

Attendu que les témoignages d’un certain nombre de vendeurs tiers et surtout les échanges de mails entre eux et Amazon font ressortir une implication active et directe d’AFS dans la

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relation avec les vendeurs tiers bien au-delà de la simple prospection ou aide à l’ouverture de compte ; qu’ainsi dans un mail envoyé à un vendeur tiers et signé « AMAZON FRANCE SERVICE avec l’adresse de cette dernière », figure la phrase « je suis account manager pour les vendeurs français et je les accompagne. » ( pièce 111), que dans un autre, relatif à une mise en cause d’Y pour de multiples suspensions de son compte, AFS indique à un vendeur tiers que « pour résoudre ses difficultés il devrait souscrire l’option « expédié par Amazon », option payante cf. ci-après (pièce 112) , qu’un autre, où figure la signature « manager merchant services- Amazon France Services » et le logo « Amazon services », est relatif à la gestion quotidienne du compte, aux tarifs associés à certains des services d’AFS et aux frais exigés par cette dernière des vendeurs tiers ; que de même on voit dans la pièce 37 des mails adressés au vendeur tiers concernant la réouverture du compte suspendu … : Qu’un vendeur tiers a déclaré sur PV à la DGCCRF « j’écris à Amazon France ou j’ai mes interiocuteurs .… » ( pièce 113) et qu’enfin, dans d’autres échanges de mails ou dans des témoignages de vendeurs, il est fait état, que suite à des mails sur l’application de sanctions par Y en raison de mauvais critères de performance, des échanges téléphoniques ont eu lieu :

Attendu qu’il résulte donc de l’examen des pièces que AFS est directement impliquée dans les relations entre Y et les vendeurs tiers pour l’ouverture, la prospection de ceux-ci pour des services optionnels et le fonctionnement de leurs comptes dans le cadre de la place de marché de cette dernière:

Attendu que le partenariat économique s’étend aux sociétés, même si elles n’ont pas elle- même conclues de contrats avec le client ( ici le vendeur tiers), qui ont pris personnellement part aux pratiques restrictives de concurrence, concouru aux dommages causés par leur partenaire en raison de ces pratiques en fournissant les moyens et assuré l’exécution du contrat comportant des clauses manifestement déséquilibrées ; que de surcroît en l’espèce, si AFS n’est pas partie au contrat conclu entre les vendeurs et Y, elle a conclu avec cette dernière une convention pour assurer une partie des services relatifs à ces contrats ; que les liens entre AFS et Y ont donc bien pour objet le développement de l’activité de cette dernière qui repose notamment sur des relations entre AFS et les vendeurs tiers cocontractants d’Y ;

Attendu qu’il résulte de tout ce qui précède que AFS est, au sens de l’article L.442-6 | 2° du code de commerce, un partenaire commercial d’Y avec qui elle est associée dans une action de développement de la place de marché, ce qui l’a conduit à des relations avec des vendeurs tiers, et qu’elle a ainsi participé aux pratiques dénoncées par le Ministre :

En conséquence, le tribunal déboutera AMAZON FRANCE SERVICES de sa demande de mise hors de cause

Sur la mise hors de cause d’APE :

Moyens des parties En défense, APE soutient que l’article L.446-2 du code commerce ne lui est pas applicable

car elle est un établissement de monnaie électronique et de paiement autorisé à exercer son activité dans le cadre d’un agrément donné par la Commission de Surveillance du Secteur

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Financier de Luxembourg dans le cadre de la directive 2009/110/CE (article L.526 du code monétaire) et que l’article L.511-4 du même code prévoit que seuls certaines règles du droit de la concurrence ( article L.420- 1 à 4 du code de commerce) sont applicables à ce type d’établissement : qu’une jurisprudence très récente pour une société de financement agréé par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution ( ACPR) française a écarté l’application de l’article L.442-6 1 2° du code de commerce en raison des dispositions de l’article L.511-4 du code monétaire et financier en indiquant que le législateur n’avait pas étendu l’application des pratiques restrictives de concurrence aux établissements relevant de ce code car la loi spéciale du dit code prévaut sur la loi générale du code de commerce ;

Elle ajoute que les clauses du contrat APE définissent uniquement les règles applicables à l’ouverture et à la gestion des comptes de paiements des vendeurs tiers ainsi que les conditions de traitement et d’exécution des opérations de paiement ; qu’elles stipulent les limites applicables à son service et que l’intégration du paramètre des critères de performance dans ses limites, paramètre établi et mis en oeuvre par Y, vise uniquement à son évaluation des risques de son client afin d’éviter de fournir ses services à des vendeurs tiers défaillants ou agissant en violation de la législation ; que ces critères ne sont utilisés que pour la gestion des comptes de paiement de ceux-ci c’est-à-dire dans le cadre exclusif de son activité de services de paiement ;

Enfin, elle réplique au Ministre que les établissements de monnaie électronique « hybride », auxquels s’appliquent l’article L.442-6 du code de commerce, constituent une catégorie spécifique soumise à des dispositions particulières et doivent bénéficier d’un agrément spécifique par l’Autorité luxembourgeoise dont elle dépend ; que, dès lors qu’elle ne dispose pas de cet agrément, elle ne saurait être qualifiée d’établissement hybride.

En demande le Ministre réplique que les termes de l’article 511-4 du code monétaire et financier n’excluent pas expressément les établissement de monnaie électronique de l''assujettissement aux dispositions du code de commerce relative aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu’ils ont des activités annexes de service ; que APE, en dehors de son activité principale de fourniture de services de paiements électronique, prend une part active dans la gestion de la place de marché et intervient sur les comptes des vendeurs tiers pour des raisons autres que les obligation de son statut de prestataire de services de paiement et notamment dans la mise en œuvre des indicateurs de satisfaction des clients, des objectifs de performance et de la mise en œuvre de la garantie À à Z du contrat Y ; qu’elle est donc un partenaire commercial de cette dernière avec une activité hybride.

Sur ce, le tribunal

Attendu que les vendeurs tiers, pour être référencés par Y sur le site amazon.fr afin d’utiliser le « service vendre sur Amazon » de cette dernière, doivent souscrire un contrat avec APE ; que le Ministre soutient que l’analyse in concreto de 15 articles de ce contrat, regroupés en 8 clauses, montre qu’ils sont manifestement déséquilibrés : que par ailleurs les contrats Y et APE sont indissociablement liés, l’un ne peut pas être contracté sans l’autre, et qu’ils sont donc étroitement interdépendants ;

Attendu en effet que le paragraphe 2 du contrat APE stipule qu’il « s’applique à votre utilisation de notre service de traitement des paiements et aux services liés fournis dans le cadre du service « Vendre Sur Amazon » fourmi par Y. Notre service permet aux vendeurs de recevoir des paiements pour les achats en ligne de vos clients effectués dans le cadre de

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« vendre sur Amazon » et de transférer les fonds ainsi reçus sur votre compte bancaire. Ce contrat qui inclut nos Politiques, guides, directives, est mis en ligne sur le portail et les outils en ligne mis à votre disposition par Y, afin de vous permettre de gérer vos commandes et inventaires est mis à disposition le site web « Seller Central » .. » ; que le dit Seller Central est l’interface web, gérée par Y; qui permet à cette dernière et à APE de communiquer avec chaque vendeur tiers individuellement ou collectivement par exemple sur le contenu de leurs contrats, de leurs Politiques, de leurs changements, des problèmes afférents à une commande ou au comportement financier ou commercial d’un vendeur tiers. que l’article 1.2 intitulé Comptes stipule « l’accès aux comptes est effectué depuis Seller Central. Vous ne pouvez utiliser un compte APE que pour les services Y » ;

Attendu que dans certains cas, telle que la mise en oeuvre du critère d’Y « performance commerciale » (voir la partie ci-dessous), la « garantie A à Z » (idem) … qui sont stipulés par le contrat Y, APE suspend une transaction (ou tout le compte) du vendeur tiers ou résilie son contrat sur le fondement d’articles du contrat Y ou en appliquant les décisions prises par cette dernière à l’encontre du vendeur tiers ;

Attendu qu’il en résulte qu’APE, qui a pris personnellement part aux pratiques d’Y dénoncées par le Ministre comme étant délictuelles, a nécessairement concouru aux éventuels dommages subis par les vendeurs tiers en fournissant les moyens à Y et a contribué à assurer l’exécution du contrat Y; qu’elle est donc incontestablement le partenaire de cette dernière et même l’instrument nécessaire à la mise en œuvre du contrat Y

Attendu cependant que APE soutient que l’article L.442-6 1 2° du code de commerce, sur le seul fondement duquel le Ministre a engagé et poursuivi son action à titre délictuel à l’encontre de cette dernière, lui serait inapplicable et qu’elle doit donc être mise hors de cause ; qu’ en effet les pratiques restrictives de concurrence visées par cet article ne sont pas applicables aux établissements de crédit, de monnaie électronique et de paiement ; que l’article L.511-4 du code monétaire et financier édicte que « /es articles L. 420-I à L.420-4 du code de commerce s’appliquent aux établissements de crédit …, aux établissements de monnaie électronique, pour l’émission et la gestion de monnaie électronique et leurs opérations mentionnées à l’article L.526-2 ainsi qu’aux établissements de paiement pour leurs services de paiement et leurs services connexes définis à l’article L.522-2…»;: que APE déduit de cette rédaction que les établissements de monnaie électronique et de paiement ne sont soumis qu’à certaines règles seulement du droit de la concurrence expressément visées par l’article L.511.4 précité à l’exclusion des autres ; que la lecture a contrario de cet article exclut que les dispositions de l’article L.446-2, qui figure dans le même titre 1! intitulé « des pratiques anticoncurrentielles », du livre quatrième du code de commerce que l’article L.420, n’est donc pas applicable à son contrat ou à ses pratiques ;

Attendu qu’il est constant que APE est un établissement de monnaie électronique et de paiement agrée par la commission de surveillance du secteur financier du Luxembourg, c’est-à-dire une entreprise qui a pour activité d’émettre et de gérer de de la monnaie électronique et de fournir des services de paiement dans les conditions fixés par son agrément sur le fondement l’article 6 de la directive n° 2009/110/CE ; que l’objet du contrat cité plus haut est bien conforme à son agrément et qu’elle n’a, pour le compte des vendeurs tiers contractant, qu’une activité de service de prestataire de paiement en sa qualité d’établissement de monnaie électronique et de paiement;

Attendu que le Ministre soutient que certaines des activités exercées par APE ne relèveraient pas de l’article L.511-4 ; que cependant les opérations visées par le dit article

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sont définies par l’article L.526-2 du même code monétaire et financier, auquel il renvoie, qui prévoit : « 2° fournir des services connexes à la prestation de services de paiement 3° fournir des services connexes opérationnels ou étroitement liés à l’émission et à la gestion de monnaie électronique … » ;

Attendu cependant qu’il résulte de l’examen des pièces et débats que APE ne fournit aucun autre service au vendeur tiers que la gestion des paiements qu’il reçoit de ses clients et le paiement à Y et à elle-même des commissions qui leur sont dues : que la plupart des articles du contrat APE, telle que la suspension d’une transaction, si le client la conteste ou si le vendeur tiers a violé certaines règles de sécurité financière de cette dernière ou relative à des législations ou réglementations, le gel du compte du vendeur tiers ou la résiliation du contrat, sont usuels pour ce type d’activité: que de même le fait que la suspension du compte du dit vendeur tiers par Y ou la résiliation du contrat de cette dernière entraine symétriquement la suspension du compte APE ou la résiliation de son contrat est légitime puisque ce dernier n’a pas d’autre objet que de permettre au dit vendeur tiers d’utiliser les services d’Y ; qu’en effet le contrat APE définit les droits et obligation des vendeurs tiers, en lien avec les clauses applicables à l’ouverture et à la gestion des comptes de leur paiement ainsi que les conditions de traitement et d’exécution de leurs opérations de paiement, et les conditions dans lesquelles elle exerce son rôle de fournisseur des dits services de paiement ainsi que les limites applicables à ces services ;

Attendu que le Ministre soutient que certains des articles du contrat APE couvrent des activités qui vont au-delà des activités connexes tel que les définit l’article L.526-2 auquel renvoie l’article L.511-4 et rappelle que l’article L.526-3 dispose que « /es établissements de monnaie électronique peuvent exercer une activité commerciale autre que l’émission et la gestion de monnaie électronique ou autre que les aclivités mentionnées à l’article L.526-2… Pour ces établissements exerçant une activité de nature hybride. ces activités ne doivent pas étre incompatible avec le jeu de la concurrence sur le marché considéré.» ( souligné du tribunal); que le Ministre déduit du fait que APE prend en compte les « critères de performance commerciale », figurant dans le contrat Y, dont le respect est déterminé et géré par cette dernière, est sans rapport avec la gestion d’un compte de paiement électronique et donc constitutive d’une activité de nature hybride ; que cependant il est constant que pour pouvoir exercer une activité hybride les établissements de paiement de monnaie électronique doivent dans la législation luxembourgeoise, à laquelle APE est soumise, recevoir un agrément spécial qu’elle n’a ni demandé et ni obtenu ;

Attendu que les dispositions du contrat APE, limites applicables aux comptes du vendeurs tiers fondés sur le critère de la performance commerciale de l’article 1.6 du contrat Y, vont, contrairement à ce que soutient cette dernière, au-delà de ce qui est usuel en matière d’évaluation du risque lié à la gestion financière par un établissement de monnaie électronique mais que, outre qu’ils ne sont utilisés que pour la seule gestion de comptes paiements des vendeurs tiers et donc exclusivement dans le cadre de l’activité de services de paiement d’APE, il n’est pas de la compétence de ce tribunal, en tout cas dans le cadre du présent litige, de décider si cette dernière serait sortie des limites de son agrément en exerçant des activités de nature hybride ;

Attendu que les activités des établissement de paiements et de monnaie électronique, statut dont bénéficie Y (dans le cadre d’un agrément délivré par l’autorité de régulation bancaire luxembourgeoise), telles que définies par l’article L.522-2 du code monétaire et financier ne relèvent pas, en vertu de l’article L.511-4 dudit code, du code de commerce mais des dispositions spécifiques du code monétaire et financier : que la loi spéciale du dit code prévaut sur la loi générale ; qu’en effet le législateur n’a étendu à ces établissements

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l’application des pratiques restrictives de concurrence qu’aux seules dispositions relatives aux pratiques anti concurrentielles du titre 1! du code de commerce, la seule exception étant les établissements ayant une activité de nature hybride, pour laquelle APE n’a pas obtenu d’agrément ;

En conséquence le tribunal dira que le contrat conclu entre APE et les vendeurs tiers, relatif au traitement des paiements, n’entre pas dans le champ de l’article L.442-6 | 2° du code commerce :

Le tribunal mettra la société AMAZON PAYMENTS EUROPE hors de cause

[le Sur l’applicabilité de l’article L.442-6 aux relations entre Amazon et les vendeurs tiers :

Moyens des parties

En défense, Amazon indique que plus de 67% des vendeurs tiers actifs sur amazon.fr sont domiciliés à l’étranger, que le Ministre ne fait aucune distinction entre les Français et les étrangers, qu’en ce qui concerne ces derniers les contrats stipulent une clause attributive de compétence au Luxembourg, où sont domiciliés Y et APE, que le simple fait que le consommateur réside en France ne saurait suffire à faire entrer le contrat Y dans le champ de l’article L.442-6 ; qu’en effet cet article n’est applicable qu’en cas de rattachement à la France du dommage, si le tribunal estimait qu’il s’agissait d’une responsabilité délictuelle, ou si on considérait que ledit article est une loi de police, de l’existence d’un lien suffisant ; elle en déduit que les demandes du Ministre, sur le fait que telles ou telles clauses et/ou pratiques doivent cesser, devraient être circonscrites aux contrats conclus avec des vendeurs tiers domiciliés en France. Enfin elle souligne l’impossibilité pratique de la négociation avec 170.000 vendeurs tiers et que la non-négociabilité du contrat et de ses conditions générales est consubstantiel au mécanisme mème d’une place de marché.

En demande, Le Ministre réplique qu’il agit en sa qualité de garant de l’ordre public économique sur le territoire national, que les clauses litigieuses sont insérées dans des contrats conclus avec des vendeurs tiers, dont une partie sont domiciliés en France et que les ventes, objet des contrats, sont pour l’essentiel réalisées en France :que le Ministre a une action autonome de protection du marché et de la concurrence qui n’est pas soumis au consentement des fournisseurs et donc que les clauses attributives de compétence ne lui sont pas opposables d’autant que l’action est de nature délictuelle et que le dommage est survenu en France pour les vendeurs tiers domiciliés sur notre territoire à l’occasion d’une vente réalisée en France par l’intermédiaire d’un site «fr»,

Sur ce, le tribunal

Attendu qu’Y fait valoir que les contrats qu’elle a conclus avec les vendeurs tiers contiennent une clause attributive de compétence au Luxembourg où elle est domiciliée et que les 2/3 d’entre eux sont domiciliés à l’étranger ; qu’en outre, dès lors sur le fondement de l’article 4.1 du Règlement européen dit Rome Il du 11 juillet 2007 « … Ja loi applicable est celle du lieu où le dommage survient .. » et que, les dommages potentiels ayant été subis par des vendeurs tiers étrangers, les dits dommages n’ont pu se produire qu’à l’étranger : que, même si on considérait que l’article L.442-6 était une loi de police, en vertu des articles

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16 du mème règlement et 3 du code civil, la juridiction de céans ne serait compétente que s’il était démontré un lien de rattachement avec la France, ce qui n’est pas le cas:

Attendu qu’il est constant d’une part que le Ministre agit sur le fondement de la responsabilité délictuelle et d’autre part que, en tant que garant de l’ordre public économique sur le territoire national, l’article L.442-6 étant une loi de police, il bénéficie pour se faire d’une action autonome de protection du fonctionnement du marché national et de la concurrence, action qui n’est pas soumise au consentement des cocontractants et notamment du fournisseur de la prestation de services qu’est en l’espèce Y ;

Attendu que la circonstance, selon laquelle une fraction des vendeurs tiers seraient domiciliés à l’étranger, sachant au surplus Qu’Y n’a produit aucune pièce justifiant la proportion qu’elle allègue des 2/3 des dits vendeurs, est sans incidence dès lors qu’il est constant qu’un nombre très important d’entre eux est domicilié en France, que l’immense majorité des consommateurs l’est également, que la France est le lieu où sont réalisées les livraisons de produits objet même du contrat, et que amazon.fr, la place de marché d’Y, est en concurrence directe avec d’autres places de marché situées en France; qu’au demeurant les demandes du Ministre ne portent nullement sur la répétition des sommes indüment perçues au préjudice éventuel de vendeurs tiers étrangers pas plus d’ailleurs que français ;

Attendu que le lieu du dommage en l’espèce est principalement, voire essentiellement, le territoire national car les vendeurs tiers domiciliés en France sont les victimes des clauses incriminées en raison, selon le Ministre, d’un déséquilibre manifeste auquel ils ont pu être éventuellement soumis, notamment en perdant abusivement et discrétionnairement une partie de leurs chiffre d’affaires ou du fait d’une éviction pour la vente de certains de leurs produits au bénéfice d’Y avec laquelle ils sont en concurrence directe sur la même page du site amazon.fr ; que l’objet de l’article L.446 1 2° du code de commerce est de rétablir un équilibre dans les rapports entre partenaires commerciaux et de protection du contractant, disposant d’un faible pouvoir de négociation, et qu’il est constant que la plus grande partie des vendeurs tiers domiciliés en France dispose d’un pouvoir de négociation faible voire nul par rapport au groupe mondial Amazon qui, comme on l’a vu précédemment, a créé en France pour les consommateurs français la plus grande, et de très loin, place de marché virtuel de produits finis marchands (activité dite B to C); que les vendeurs tiers français, dans leur très grande majorité de petits fabricants ou distributeurs, sont la parie faible du contrat au bénéfice de laquelle a été édicté l’article L.442-6 1 2° du code de commerce : qu’il importe peu qu’en l’espèce les dits vendeurs tiers français soient une très grosse minorité ou une petite majorité des cocontractants d’Y ;

Attendu de plus et surtout, en ce qui concerne la compétence au titre de la loi de police économique, d’application territoriale, le lieu de rattachement est à plusieurs titres la France puisque la résidence d’une grande partie des vendeurs tiers est en France, comme le lieu d’exécution de la prestation (commandes de produits passés par des résidents français et livraison des dits produits sur le territoire national) et surtout la réalisation de l’atteinte à la concurrence se produit sur le marché national, celui des vendeurs tiers, des autres places de marché et des consommateurs; que la place de marché d’Y doit être considérée comme faisant partie du marché français de la grande distribution pour les raisons mentionnées ci- dessus que contrairement à ce que soutient Y le Ministre ne prétend nullement agir ici en « gendarme du commerce mondial » mais en garant de l’ordre public national; qu’au surplus du fait de l’automatisation de la place de marché, dont Y a démontré qu’elle était consubstantielle au concept lui-même, cette dernière rencontrerait de grandes difficultés à faire souscrire des contrats différents aux vendeurs tiers selon le lieu de leur domiciliation :

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TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : 2017050625 JUGEMENT DU LUNDI 02/09/2019 À ERE CHAMBRE PAGE 17

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que la loi française est applicable au présent litige tant sur le terrain de la compétence au titre d’une action délictuelle en raison du lieu du dommage que sur celui d’application territoriale de la loi de police de l’article L.442-6, que dès lors la clause attributive de compétence des contrats conclus par Y avec les vendeurs tiers est inopposable à l’action du Ministre ;

En conséquence, le tribunal se dira compétent pour juger, sur le fondement del’article L.442- 6 | 2° du code de commerce, de l’existence d’une soumission ou d’une tentative de soumission par Y des vendeurs tiers à un déséquilibre significatif manifeste du fait des contrats souscrits par les partenaires de cette dernière, des éléments contractuels, et des modalités pratiques et concrètes de leurs mises en œuvre.

Sur la soumission ou la tentative de soumission par Y et APE des vendeurs tiers Moyens des parties

En défense, Amazon fait valoir l’existence éventuelle d’obligations déséquilibrées dans certains articles des contrats ne suffit pas à établir la soumission ou la tentative de soumission : qu’en effet le comportement de l’auteur de la pratique ne saurait être déduit du résultat ou d’une situation de soumission ; elle ajoute que celle-ci ne saurait être déduite de l’asymétrie du rapport de force entre Amazon et les vendeurs tiers qui ne constitue pas en elle-même une preuve d’un tel comportement ; que de plus le Ministre n’a pas rapporté la preuve que sa place de marché était incontournable et enfin que l’absence de négociation des contrats et conditions générales ne suffit pas à démontrer qu’elle aie soumis ou tenter de soumettre les vendeurs tiers ;

En demande le Ministre rappelle que la jurisprudence a posé le principe que la soumission est démontrée par un faisceau d’indices révélant notamment l’existence d’un rapport de force économique déséquilibré, le rôle incontournable du cocontractant, l’absence de négociations des contrats et des clauses litigieuses, le caractère imprécis de certaines clauses.

Sur ce, le tribunal

Attendu que la soumission est révélée notamment par l’existence d’un rapport de force économiquement déséquilibré entre les parties ; que la jurisprudence se fonde pour l’établir sur un faisceau d’indices : rôle incontournable de l’une des deux parties, puissance de négociation de la société qui occupe une position de leader sur le secteur économique concerné par sa taille et sa notoriété, intermédiaire incontournable sur le marché pertinent, absence de marge réelle de négociation des cocontractants, clause dénoncée se retrouvant dans tous les contrats, clause générale et imprécise dans tous les contrats… : que le tribunal examinera successivement les conditions de la négociation des contrats, la puissance relative d’Y sur le marché pertinent et son caractère incontournable sur ledit marché ;

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TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : 2017050625 JUGEMENT DU LUNOI 02/09/2019 1 ERE CHAMBRE PAGE 18

1) L’absence de négociation :

Attendu qu’il est constant que les contrats, les éléments ayant valeur contractuelle sur le fondement de l’article 19 du contrat Y, notamment les Politiques ( définissant les règles de fonctionnement de la place de marché et les droits d’Y à l’encontre des vendeurs tiers), les conditions générales et particulières, les règles des services optionnels mais majeurs comme «Expédié par Amazon », conclus par les vendeurs tiers avec Y ne sont pas négociables ; qu’il n’est pas contestable qu’il ne peut en étre autrement pour une place de marché en raison de sa nécessaire automatisation, de la nécessité d’offrir aux consommateurs des modalités, conditions et prestations identiques pour tous les produits, présentés sur un même écran, quel que soit le vendeur tiers (que ledit produit soit commercialisé par Amazon ou par n’importe quel vendeur) et du fait que tous les vendeurs tiers doivent être traités de la même manière puisqu’ils sont en compétition, entre eux et avec Amazon, pour que la place de leur produit sur l’écran destiné à l’achat par le consommateur, sur lequel figure la « Buy box » avec son « bouton » « acheter», soit optimum ; que l’Autorité de la Concurrence comme la Commission Européenne ont fait le mème constat mais qu’ils en ont déduit que les États doivent en être d’autant plus vigilants sur le respect des règles de concurrence car, combiné avec le déséquilibre de puissance entre les vendeurs tiers et les prestataires des places de marché et avec le rôle incontournable de ces dernières, la non négociabilité des contrats peut conduire à des pratiques restrictives de concurrence ;

2) La puissance d’Y dans l’absolu et relative aux vendeurs tiers et aux autres places de marché :

Attendu que, contrairement à ce que soutient Y, le marché pertinent, pour apprécier la puissance relative des partenaires et concurrents, que sont les vendeurs tiers et les autres places de marché, est celui de la vente en ligne car il n’est plus sérieux dans la fin du premier quart du XXI siècle de soutenir que les magasins physiques seraient une alternative suffisante pour un petit distributeur ; qu’en effet les magasins, en dehors dans une certaine mesure des très grandes surfaces (comme les grands magasins, supermarchés et le commerce de grand luxe), ne sont pas dans une situation comparable pour le consommateur final en raison de la nécessité pour ce dernier de se déplacer, du temps de trajet, depuis le domicile et à l’intérieur du magasin pour trouver son produit, de la différence de prix due aux couts élevés du commerce physique, et de l’accessibilité temporelle ( pas d’ouverture 24H/24 et 7jour/7 };

Attendu qu’Amazon est le plus grand vendeur en ligne B to C de produits marchands finis et dispose de la plus grande place de marché à tout point de vue : son chiffre d’affaire mondial est de 250 milliards $ en 2018 et en France de 5 milliards € soit 3 fois plus élevé que celui de son concurrent le plus important (C. Discount); qu’Amazon surtout dispose de la plus grande notoriété au niveau mondial et de la meilleure image auprès des consommateurs: dans le dernier classement KANTAR 2019, cette dernière est la première marque mondiale toutes catégories confondues de fournisseurs et de distributeurs ; que le site en France d’Y, amazon.fr, sur lequel est implanté sa place de marché, reçoit 18 millions de visiteurs, qui sont autant de consommateurs potentiels, offre 136 millions de références de produits de tous les pays, soit 15 fois plus que la place de marché suivante, génère 5 milliards/ jour de connexion à ses systèmes ( amzon.fr, Seller Central.) et enfin donne accès à 170.000 vendeurs tiers dont une partie sont étrangers ce qui est considérablement plus que les places de marché concurrente ; qu’au surplus l’écart se creuse rapidement puisque selon les déclarations publiques d’Y le taux de croissance de son activité de place de marché (

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c’est-à-dire l’évolution des ventes des vendeurs tiers) est de 20% par an ( 2 fois plus vite que le taux de croissance des ventes de ses propres produits);

Attendu que le chiffre d’affaires des vendeurs tiers d’Y est lui compris, selon ses dires, entre 500.000 et 19 millions d’euros, qu’une grande majorité est de petite taille et que 15 à 35% de leurs ventes sont réalisées sur la place de marché d’Y ; que la disproportion de force relative est donc considérable, par rapport aux vendeurs tiers comme comparée aux autres places de marché existantes en France, et la puissance économique d’Amazon sans aucun équivalent en raison de l’ampleur au niveau du Groupe de sa trésorerie, de son cash- flow et de ses investissements ;

3) Le caractère en pratique relativement incontournable pour les petits vendeurs tiers :

Attendu qu’Y soutient pourtant que sa place de marché ne serait pas incontournable ; qu’en effet d’une part les vendeurs tiers disposeraient de leur propre site de vente en ligne et d’autre part qu’ils pourraient aller sur d’autres places de marché, soit lorsqu’ils décident de cette solution à l’origine, soit lorsqu’ils veulent changer de place, parce qu’ils ont considéré que les conditions de leur traitement par Y étaient insatisfaisantes, en résiliant leur contrat avec cette dernière :

Attendu que le recours pour un vendeur tiers à la création de son propre site de vente en ligne, où l’utilisation de celui dont il disposerait déjà, n’est nullement une alternative sauf pour les plus gros fournisseurs/distributeurs ; qu’en effet, outre qu’il est couteux et complexe de disposer d’une plateforme de vente en ligne très performante et pas à la portée des entreprises de taille moyenne d’offrir la même ergonomie, les mêmes fonctionnalités et le même niveau de qualité et de services qu’Y, que surtout l’efficacité de la vente en ligne est directement liée au nombre de visiteurs, clients potentiels, qui est étroitement corrélé avec la notoriété et la place de référencement dans les moteurs de recherche ; que de plus un site ne proposant que quelques catégories de produits d’une seule marque a peu d’attrait pour le consommateur qui sait que sur une place de marché il pourra trouver des produits équivalents de plusieurs marques, de plusieurs références ( taille.….), à des prix différents et que surtout il pourra faire plusieurs courses (différents produits) en un seul « clic » ( le mot magique pour le consommateur est le nombre de clics): que d’ailleurs un quart des vendeurs tiers ne dispose pas d’un site internet de vente en ligne et que 40% n’ont pas non plus de magasin;

Attendu que, comme vu ci-dessus, s’il existe d’autres places de marché, qui pourraient en théorie offrir une alternative à Y, cependant, outre que leur taille (nombre de visiteurs et notoriété de la marque) n’est en rien comparable, le nombre d’autres places de marché généralistes, c’à d non spécialisées dans un ou quelques secteurs d’activité, est extrêmement limité (pour l’essentiel C. Discount, dont le chiffre d’affaire est 4 fois plus faible et dans une bien moindre mesure car ils s’agit de sites spécialisés dans un ou plusieurs domaines mais non généraliste : Fnac-Darty, Ebay, PriceMinister) ; que par ailleurs elles ne sont pas en mesure d’offrir les mêmes services et prestations aux vendeurs tiers ; qu’en effet l’option « Expédié par Amazon » donne accès aux 100 millions de clients « Prime » d’Amazon (les meilleurs en terme de valeur de ventes, fréquence des achats et fidélité), au stockage et à la livraison par Y qui bénéficie de la puissance mondiale du Groupe Amazon dans la logistique; que cette option est particulièrement utile pour les petites entreprises, qui sont la très grande majorité des cocontractants d’Y; que la puissance de cette dernière ressort du des éléments indiqués longuement ci-dessus ;

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Attendu de plus que, comme l’a relevé la Commission Européenne et les grands économistes internationaux, ce type de système sur internet bénéficie de ce qu’on appelle l'« effet réseau », comme Booking, Google, Facebook, et Apple ce que décrit ainsi, dans un article du 15 juin 2019, le vice-Président de l’Autorité de la Concurrence : « au début du 21° siècle nous sommes en présence d’une vague de très forte concentration, avec quelques « superstars » qui sur leur marché respectif captent l’essentiel de la valeur et des marges; les plateformes sont naturellement propice à l’émergence de phénomènes de concentration, en particulier sous l’influence des effels de réseau. Plus une application de réservations en ligne ou une place de marché est utilisée par des consommateurs, plus ses vendeurs tiers, situés sur l’autre face du marché, ont intérêt à y étre référencés, ce qui renforce en retour leur attractivité auprès des clients. Les plates-formes sont également des industries de coûts fixes, avec de forts investissements dans les algorithmes et le traitement des données : tout utilisateur supplémentaire de la plate-forme permet de mieux les amortir, sans générer de coût marginal. Enfin …. le marché à potentiellement la taille de la planète. Ces caractéristiques favorisent une dynamique cumulative des parts de marché, prenant la forme d’un « effet boule de neige » : si les prétendants sont nombreux au départ, seuls quelques géants, voire un seul, restent à la fin. La concurrence sur le marché cède la place à une concurrence pour le marché .. »;

Attendu que Amazon est à l’évidence une des « supers{ars » d’Internet, dont ce phénomène de réseau explique la croissance exponentielle comme vu ci-dessus:

Attendu enfin que, contrairement à ce que soutient Y, lorsqu’un vendeur tiers prend conscience de certaines des contraintes du contrat, des « Politiques » et surtout des modalités pratiques selon lesquelles ces dernières sont mises en oeuvre et appliquées, ou lorsque ceux-ci font l’objet de modifications sans aucun préavis, pouvant porter sur des éléments contractuels essentiels comme les tarifs ou les « critères de performance » cf. ci- après, il est compliqué et couteux de changer de plateforme : compliqué car cela implique de revoir assez profondément la logistique, le système informatique/internet, les fiches produits, la politique commerciale, et couteux, en dehors même des frais liés à ces changements, car le vendeur tiers va perdre la partie, qui peut être très significative ( selon les dires d’Y 15 à 35%), de son chiffre d’affaires provenant de la place de marché d’Y pendant la période où if n’est plus connecté à une place de marché ; qu’en effet seuls les gros vendeurs tiers sont référencés par plusieurs places de marché en même temps.

Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’il est établi que le critère de la soumission de l’article L.442-6 est rempli ; que pour autant il reste à examiner les deux autres conditions : existence de clauses manifestement déséquilibrés dans le contrat ou la relation commerciale et à vérifier que le contrat Y n’ait pas été rééquilibré par l’intérêt qu’ont les vendeurs tiers d’accéder aux sites Amazon et les avantages que ces derniers tirent du contrat.

V- Sur le caractère significativement déséquilibré d’un certain nombre de clauses du contrat et de pratiques :

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En demande, le Ministre rappelle tout d’abord que le déséquilibre d’une clause peut être établi par l’absence de réciprocité et/ou la disproportion entre les obligations des parties ; que le principe de libre négociabilité n’est pas sans limite, que l’absence de contrepartie ou de justification aux obligations prises par les cocontractants et d’un intérêt pour le cocontractant et/ou le caractère potestatif sont également des éléments pouvant établir le caractère déséquilibré d’une clause; il rappelle également qu’il importe peu que les obligations déséquilibrées aient été mises en œuvre ou utilisées dans un sens préjudiciable au cocontractant et au surplus il soutient qu’en l’espèce l’enquête a montré que les clauses ont bien été mises en œuvre.

Le Ministre soutient que 11 types de clauses en ce qui concerne Y et 8 en ce qui concerne APE (correspondantes à un ou plusieurs articles des contrats) sont significativement déséquilibrées au détriment des vendeurs tiers et doivent être modifiées.

En défense Amazon réplique que les déséquilibres éventuels, que pourraient constater le tribunal, ne lui procurent aucun avantage et sont au profit des consommateurs et de la collectivité des vendeurs tiers : elle soutient en outre qu’aucune des clauses critiquées par le Ministre n’est significativement déséquilibrées.

Sur ce, le tribunal

Attendu que le principe de la libre négociabilité n’est pas sans limite et que particulièrement dans un contrat d’adhésion, dans fequel le cocontractant n’a aucune possibilité de négocier les clauses du contrat, il revient au tribunal d’apprécier si certaines d’entre elles ne se traduisent pas par un déséquilibre des droits et obligations des deux parties ;

Attendu que Y ne conteste pas que les vendeurs tiers ne puissent négocier aucune clause de leur contrat d’origine pas plus que des avenants ; qu’elle démontre certes que dans le cas des places de marché, la non négociabilité du contrat par le vendeur tiers est consubstantiel au fonctionnement même de la place de marché ce que le tribunal ne conteste nullement ;

Attendu que pour autant, cette situation ne justifie pas que certaines clauses des contrats puissent présenter un caractère de déséquilibre manifeste et ce d’autant plus vu l’importance considérable de la place de marché d’Y en France ;

Attendu que le déséquilibre significatif peut résuiter de l’absence de réciprocité, de la disproportion entre les obligations des parties, du caractère potestatif d’une clause, c’est-à- dire que son critère de déclenchement dépend de la seule volonté de l’autre cocontractant et donc du fait qu’il a la maitrise de l’exécution du contrat et de la discussion a posteriori de son application, de l’absence d’intérêt de la clause pour le vendeur tiers et d’obligations injustifiées à la charge de ces derniers ; que de plus, comme déjà vu, il importe peu que telle ou telle clause litigieuse ait été mise en oeuvre puisque la loi vise non seulement la soumission mais la tentative de soumission et qu’en outre en l’espèce le Ministre a démontré par la production de témoignages de vendeurs tiers recueillis sur procès-verbal que la plupart des clauses litigieuses ont effectivement été mises en oeuvre ; que certes le tribunal doit procéder à une analyse « in concreto » des clauses litigieuses mais que justement les différentes pièces produites et les dits procès-verbaux permettent de le faire: que,

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contrairement à ce que soutient Amazon, il importe peu que seuls 10 procès-verbaux soient produits dès lors que s’agissant d’un contrat d’adhésion, tous les vendeurs tiers se trouvent potentiellement dans la même situation que ceux dont les témoignages sont produits ;

Attendu que le fait que ceux-ci soient anonymes ne remet pas en cause les droits de la défense ; qu’en effet une partie d’entre eux est appuyée soit par des échanges de mails, entre le vendeur tiers ayant témoigné et AFS qui participe à l’exécution du contrat d’Y, soit par des captures d’écran du « Seller Central » soit ils ne sont que la description de ce que signifie concrètement telle ou telle clause ; que Y dans ses réponses, en faisant référence à des éléments de guide ou explicatif de certaines clauses figurant sur le Seller Central, a permis au tribunal de vérifier ou de mettre en doute le témoignage d’un vendeurs tiers ; que de plus certains témoignages permettent d’appréhender le ressenti des vendeurs tiers, certes subjectif mais qui, commun à la plus grande partie des témoignages et concordant avec la compréhension par le tribunal de sa lecture du contrat et des pièces, donne une Valeur aux dits témoignages ; que, surabondamment, il est rappelé que la «tentative de soumission. » est en elle-même une infraction au sens de l’article L.442-6 et qu’il n’est donc pas nécessaire de démontrer avec un cas exemplaire que la clause visée ait réellement été mise en œuvre, selon les modalités décrites par le témoignage, mais qu’il suffit qu’elle aurait pu l’être ; que de plus, outre qu’il est impossible de faire autrement car le Ministre se doit de protéger l’auteur du témoignage de toute représaille, que, si le nom est anonyme, par contre le contenu du témoignage repose sur des éléments de faits que Y peut facilement contredire, ce qu’elle ne s’est pas privée de faire dans ses conclusions, dans ses pièces et dans les débats ; qu’il en résulte que l’anonymisation des noms des vendeurs tiers, ayant témoigné sur procès-verbal et donc sous les peines encourues en cas de faux témoignages, ne porte pas en l’espèce, notamment parce que le tribunal n’en retiendra que certains comme il sera vu ci-dessous, une atteinte excessive aux droits de la défense, ni au principe du contradictoire ;

Attendu que Amazon soutient que, à supposer qu’il soit démontré que certaines clauses soient significativement déséquilibrées, ce qu’elle conteste, le déséquilibre ne lui profite pas mais qu’il est en faveur des consommateurs, auxquels il assure un haut niveau de qualité de services et une certitude de recevoir des produits sûrs et conformes à leur description par les vendeurs tiers ; qu’il en résulte une grande confiance et une grande satisfaction des consommateurs dans sa place de marché qui jouit ainsi d’une image et d’une notoriété exceptionnelle ce qui profite à la collectivité des vendeurs tiers; que le tribunal donne volontiers acte à Amazon de ce qu’elle jouit d’une image et d’une notoriété remarquable et de ce qu’elle obtient, grâce à des investissements très important au niveau mondial, une très grande satisfaction de ses clients consommateurs ; que pour autant, outre que le premier bénéficiaire de cette situation est d’abord Amazon elle-même, parce qu’elle fidélise des clients (dont une partie achète principalement ses propres produits), et parce que cela se traduit par une augmentation constante et très rapide d’un nombre des vendeurs tiers de sa plateforme (ce qui lui génère des commissions représentantes l’essentiel de ses profits), cela ne Saurait à soi-seul justifier le déséquilibre significatif des obligations des vendeurs tiers et ce d’autant qu’il sera vu ci-dessous que le déséquilibre manifeste de certaines de ces clauses n’est pas inhérent à l’obtention de la satisfaction des consommateurs mais le plus Souvent à la volonté d’Amazon d’automatiser au maximum ses traitements avec le minimum d’interventions humaines, voire aucune, afin de réduire ses frais de personnel et donc de maximiser sa marge sur les commissions payées par les vendeurs tiers ; que dès lors le moyen d’Y selon lequel elle n’aurait tiré aucun profit ou avantage dans le fait qu’elle aurait Soumis ou tenté de soumettre les vendeurs tiers à des clauses manifestement déséquilibrées, ce qu’elle conteste par ailleurs, n’est pas fondé ; que par ailleurs, l’analyse, d’un éventuel rééquilibrage des clauses déséquilibrées par l’appréciation globale de

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l’économie du contrat, notamment des avantages que procurent aux consommateurs finaux sa place de marché, sera effectuée dans la 6° et avant dernière partie du présent jugement ;

Attendu qu’il convient donc d’examiner chacune des 11 clauses, litigieuses selon le Ministre du contrat Y, correspondant parfois à plusieurs articles des contrats, pour apprécier si certaines d’entre elles seraient manifestement déséquilibrées au détriment des vendeurs tiers :

1° clause relative aux modifications contractuelles : point 17

Attendu que l’article 17 intitulé « modifications du contrat » stipule « nous avons le droit d’amender toutes dispositions contractuelles … à tout moment el à notre entière discrétion. Ces modifications prennent effet au moment où elles sont affichées sur Seller Central ou sur le site Amazon et il est de votre responsabilité de revoir périodiquement ces siles ..…. nous pouvons changer les politiques des Programmes sans vous en aviser… vous devez revoir régulièrement les rubriques Seller Central .… pour vous assurer que les produits que vous proposez à la vente peuvent être effectivement vendus via le Service applicable. Une utilisation du service poursuivi après toute modification affichée par Amazon constitue de votre part une acceptation de ces modifications » ( Soulignement ajouté par le tribunal) ;

Attendu que cette clause permet à Y, dispensée de toute négociation, de faire entrer en vigueur immédiatement et sans aucun préavis une modification du contrat, sans même avoir l’obligation contractuelle d’en aviser personnellement et directement par mail ses cocontractant, censés regarder tous les jours l’outil Seller Central pour rechercher si par hasard une clause ou Politique a été modifiée ; qu’il en résulte qu’un cocontratant peut se retrouver ainsi sans le savoir, s’il ne l’a pas fait, devoir subir de nouvelles conditions pour ta vente de ses produits ou étre en infraction avec une nouvelle disposition du contrat avec les sanctions qu’Y peut alors prendre (suspension où fermeture de l’accès au site, de son compte, résiliation du contrat, dégradation de ses indicateurs de performance, remboursement de produits déjà vendus à ses clients); qu’en outre cette clause est unilatérale au seul bénéfice d’Y et confère à cette dernière la possibilité de modifier à tout instant des clauses essentielles pour le vendeur tiers, relative à l’équilibre de ses droits et obligations ; qu’il n’a alors plus d’autre possibilité que de résilier le contrat maïs ce alors sans avoir eu le temps de trouver une solution de substitution et surtout de la mettre en œuvre ; qu’en effet, changer de place de marché, en dehors même du temps pour se faire agréer par une nouvelle place, nécessite de revoir complétement son organisation, sa politique commerciale et de rédiger de nouvelles fiches produits pour les mettre en ligne sur le site de son nouveau partenaire ; que cette situation conduit le vendeur tiers soit à se résigner à accepter les nouvelles conditions d’Y pénalisantes soit à perdre un important chiffre d’affaires pendant plusieurs mois ; qu’il est rappelé que 25% des vendeurs tiers, selon cette dernière, ne sont référencés par aucune des autres places de marché concurrente ;

Attendu qu’AMAZON soutient qu’une telle disposition serait indispensable à partir du moment où elle doit gérer 170.000 vendeurs tiers actifs, ce qui comme vu ci-dessus exclu toute négociation individuelle d’un avenant avec chacun d’entre eux, et qu’une une place de marché doit nécessairement être complétement automatisée pour être efficiente et rendre le meilleur service, homogène pour tous ses adhérents en temps réel et, au meilleur coût ; que d’ailleurs il s’agirait d’une pratique de marché puisque les principaux prestataires de services de marché ont mis la même clause dans leur contrat et que les vendeurs tiers peuvent, si une modification des conditions ne leur convient pas, résilier immédiatement leurs contrats :

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Attendu que le tribunal ne conteste nullement que les places de marché, qui offrent de nouvelles et considérables opportunités aux vendeurs tiers et aux consommateurs, reposent d’une part sur le caractère non négociable des contrats, ainsi que de leurs avenants, et d’autre part sur une large automatisation ; que pour autant l’absence de tout préavis, avant l’entrée en vigueur des nouvelles conditions, n’est aucunement liée au fait que la place de marché est automatisée ; qu’en effet le système automatisé, justement parce qu’il l’est, fonctionnerait tout aussi bien avec un préavis ; que de plus, si en théorie le contrat ouvre le droit au vendeur tiers de le résilier immédiatement en cas de désaccord, en pratique il en est empêché pour les raisons mentionnées ci-dessus ; que cette absence d’un préavis raisonnable est donc en elle-même constitutive d’un déséquilibre manifeste;

Attendu en outre que la contrepartie dans un contrat d’adhésion, du fait que l’absence de réponse vaut accord, repose sur l’information du cocontractant; que la procédure d’information par Y, ne reposant contractuellement que sur l’affichage sur son système dit Seller Central, a pour conséquence inéluctable qu’un certain nombre d’entre eux ne seront informés qu’avec plusieurs jours de retard, voire ne s’en apercevront que très tardivement ; que d’ailleurs, s’il y a bien sur la page d’accueil du Seller Central un « bouton » intitulé « modifications apporté au contrat », il faut cliquer dessus pour voir apparaitre un menu déroulant et connaître la ou Îles dernières modifications apportées aux contrats :

Attendu qu’autant cette procédure pour des informations commerciales non essentielles est légitime et répond aux contraintes de l’automatisation des places de marché, autant, s’agissant d’une information pouvant concerner des éléments essentiels sans lesquels un vendeur tiers pourrait ne pas avoir contracté, elle n’est pas suffisante ; qu’en effet il importe que ce dernier soit personnellement et directement informé en temps réel car la décision qu’il peut être amenée à prendre de résilier son contrat est stratégique pour lui et complexe ; que d’ailleurs, mème sans aller à cette extrémité, certaines modifications sont de nature à l’obliger de revoir son organisation commerciale ou/et son offre ; que rien, techniquement ou au niveau des principes de fonctionnement d’une place de marché automatisée, n’empêcherait à tout le moins l’envoi obligatoire d’un mail à l’adresse personnelle internet de chacun des vendeurs tiers, envoi en masse facile à organiser vu les moyens considérables en matière d’outils internet et informatiques dont dispose Y ; que d’ailleurs c’est cette méthode que cette dernière emploie pour notifier à un consommateur que sa commande a été prise en compte, en lui rappelant le prix dont il sera débité, puis un nouveau mail sur les délais de livraison, alors même que, s’il y a 170.000 vendeurs tiers, il y a des millions de consommateurs clients de la place de marché d’Y qui font, aux dires mêmes de cette dernière, des milliards de transactions chaque jour ;

Attendu que lors des débats Y a pour la première fois évoqué lors de l’audience l’envoi d’une notification ou d’un mail mais d’une part sans en rapporter la preuve, d’autre part sans qu’on sache si ledit mail était envoyé à l’adresse personnelle du vendeur tiers ou était « posté » sur le Seller Central et enfin que, ne s’agissant pas d’une obligation contractuelle, si ce type d’envoi a toujours eu lieu et est effectué systématiquement : il est en effet rappelé que l’article 17 « sans vous en aviser » stipule le contraire ; que d’ailleurs, en réponse au fait que le Ministre produisait plusieurs témoignages de vendeurs tiers se plaignant de ne pas avoir été informés de changements importants, Y répliquait que cela prouvait que ces derniers avaient été négligents en ne recherchant pas sur le Seller Central si une information sur la modification d’un élément contractuel n’y figurait pas : que cette réponse est contraire aux usages et au droit commun: ce n’est pas à un cocontractant de devoir s’assurer, en faisant des recherches, que son partenaire n’aurait pas par hasard modifier son contrat : il n’a pas à quérir ce type d’information car pèse sur le responsable d’un contrat d’adhésion une obligation d’information lorsqu’il en modifie les termes :

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Attendu qu’il résulte de ce qui précède que la procédure d’information, par l’intermédiaire du seul Seller Central, des conditions contractuelles présente donc un risque de préjudice significatif pour les cocontractants, risque que rien ne justifie, et caractérise elle-aussi le déséquilibre manifeste de cette clause ;

Attendu que le Ministre ne s’est pas contenté d’une analyse in abstracto de la clause à partir de la lecture du seul contrat mais qu’il a bien mené une étude in concreto en se fondant sur des témoignages de vendeurs tiers recueillis par procès-verbaux, comme le montre les pièces produites ; qu’ainsi l’un d’entre eux a indiqué qu’en 2012 Y avait modifié le taux de sa commission en le doublant, ce qui montre que la modification peut porter sur des éléments essentiels de l’équilibre contractuel, et qu’un autre a déclaré que, pour la garantie de À à Z, le délai de réclamation était passé brutalement de 7 à 3 jours, alors même que les conséquences pour le vendeur tiers, d’une non réponse dans Îles délais, sont significativement préjudiciables pour ce dernier, puisque cela entrainait le remboursement du client déjà livré, et que ce raccourcissement a pu obliger certains d’entre eux à modifier significativement leurs organisations; que Y ne peut soutenir que le tribunal, en se référant à des témoignages de vendeurs tiers, porterait atteinte aux droits de la défense en raison du fait que les PV sont anonymes : il s’agit en effet d’éléments factuels que cette dernière n’a pas contredits ; que la circonstance, selon laquelle d’autres grandes places de marché recourraient aux mêmes types de méthode et de procédure, est sans incidence sur le présent litige : le tribunal en matière délictuelle est en effet tenu par les faits de l’espèce et par les parties en présence et que la mission du Ministre, garant de l’ordre public économique, est de remettre en cause, par l’effet d’exemplarité d’une sanction, une pratique de marché si elle était préjudiciable à cet ordre public ;

Attendu enfin que la combinaison de modifications unilatérales à tous moments avec une entrée en vigueur immédiate, sans préavis et sans notification obligatoire individuelle à chacun des cocontractants, est exorbitante du droit français et contraire à tous les usages :

En conséquence le tribunal dira que la clause intitulée « modifications » de l’article 17 du contrat Y, en raison de l’absence d’une part de préavis et d’autre part d’obligation contractuelle de notifications individuelles, créée entre les droits et obligations des cocontractants, au détriment des vendeurs tiers, un déséquilibre manifeste :

2° les clauses relatives à la suspension ou résiliation du contrat : point 1 et 3

Attendu que le point « 7. {nscription ».dans le contrat Y stipule « à tout moment, à notre seule discrétion et sans préavis, nous pouvons interrompre la fourniture de tout ou parties des services » et que le point « 3. Durée et résiliation » prévoit que « nous pouvons résilier ou suspendre ce contrat ou un service avec effet immédiat pour toute raison et à n’importe quel moment per simple notification … A la fin du contrat, tous les droits et obligations des parties prennent fin sauf les articles… … qui continueront à être en vigueur également après la fin du contrat »; que le Ministre formule les mêmes observations que pour la clause précédente, suspension ou rupture du contrat sans préavis, et ce sans notification obligatoire à l’adresse mail personnelle du vendeurs tiers, autre que l’affichage sur le Seller Central, y ajoutant que cette clause est discrétionnaire, générale, unilatérale, disproportionnée et laisse à la seule charge du co-contractant des obligations après la rupture par Y du contrat et ce sans contrepartie ;

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Attendu que, en ce qui concerne le point 1, Y fait valoir que celle-ci ne concerne que l’hypothèse de l’arrêt de la fourniture des services pour l’ensemble des vendeurs tiers, à la différence de la clause 3 qui elle est relative à la suspension ou l’exclusion d’un vendeur tiers pour des fautes ou une insuffisance de qualité de ses prestations, et qu’elle vise en fait la question de la panne technique ou « des raisons légitimes », question sur laquelle ce tribunal a jugé dans une autre affaire que ladite clause n’était pas constitutive d’un déséquilibre significatif ; que cependant, outre que la rédaction est ambiguë, l’absence totale de référence à la raison justifiant cet arrêt permet à Y de se soustraire à toutes ses obligations pour quelque raison que ce soit, sans délai et sans devoir motiver cette rupture brutale de ces dernières ; que la référence dans ses conclusions, mais pas dans le contrat, au fait qu’elle ne serait plus en mesure d’assurer ses prestations « en raison de l’évolution des besoins des parties », qu’elle se réserve le droit d’apprécier discrétionnairement et souverainement, est constitutive d’un déséquilibre significatif en raison de l’absence de toute référence à ce que sont les dites « raisons légitimes », explicitées même de façon générique, d’arrêt brutal temporaire ou définitif de tout ou partie des services qu’elle s’était engagée à rendre ; que la référence à des jurisprudences de ce tribunal, dans l’affaire Booking notamment, et d’autres juridictions, dans des litiges concernant des prestations de commerce électronique, est inappropriée car ces juridictions avaient justement relevé que dans ces contrats litigieux les dites clauses se référaient à des types d’incidents technologiques relativement précis ( dysfonctionnement de serveurs, saturation du site, attaque de hackers….);

En conséquence le tribunal dira que le point 1 du contrat Y, du fait de l’ambiguïté de sa rédaction et de l’absence de toute référence à une cause pouvant motiver cet arrét ou suspension est constitutive d’un déséquilibre significatif au détriment du vendeur tiers ;

Attendu en ce qui concerne le point 3, qui lui ne vise qu’un vendeur tiers défaillant et non l’ensemble des cocontractants, que Y réplique que la clause n’est pas unilatérale car le vendeur tiers peut lui aussi à tout moment interrompre le contrat sans avoir besoin de motiver sa décision ; qu’en outre les motifs de la suspension d’un compte d’un vendeur tiers sont légitimes et précisés dans d’autres articles ; qu’elle vise à protéger les clients de la plateforme et la collectivité des autres vendeurs tiers en cas de fraude, de vente de produits interdits par la réglementation, de violation du droit de propriété d’autres fabricants ou distributeurs, et en cas de qualité insuffisante de service au consommateur ( livraisons de produits défectueux ou en retard.) ; que dès lors cette clause n’a pas selon elle un caractère discrétionnaire car la résiliation ou la suspension du service est motivée par des raisons légitimes, déterminées et suffisamment graves ;

Attendu cependant que ce point 3 du contrat ne se réfère à aucune autre clause du contrat qui contienne ces différents types de raisons (lutte contre le blanchiment ou le terrorisme ou la fraude ou la performance commerciale insuffisantes…), évoquées par Y, d’une suspension ou résiliation ; qu’il résulte de la rédaction actuelle, « pour toute raison » que la clause est bien discrétionnaire ; que l’argument d’Y, selon lequel une définition large lui est nécessaire car elle ne peut pas anticiper tous les cas de figure et notamment de nouveaux types de comportement déviant pouvant apparaître dans l’avenir, n’est doublement pas recevable : qu’en effet d’une part, si apparaissaient dans l’avenir des types de nouveaux abus, comme ceux découverts récemment par Y et exposés au & 344 de ses conclusions, il suffirait à cette dernière de modifier à ce moment-là cette clause pour l’avenir et, d’autre part qu’il n’est pas légitime de laisser la collectivité des 170.000 vendeurs tiers dans l’ignorance de la raison pour laquelle ils pourraient être sanctionnés alors même qu’ils ne peuvent pas plus QU’Y prédire l’avenir ; que, dans sa rédaction actuelle, cette clause met le sort des vendeurs à la merci d’une décision arbitraire d’Y :

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Attendu en outre que, si dans certains cas la suspension ou la résiliation immédiate est effectivement parfaitement légitime, répond même à des obligations légales (blanchiment, financement du terrorisme…) et n’a donc pas alors lieu d’être motivée, par contre dans la plupart des autres cas, les plus fréquents ( par exemple insuffisance de qualité du service du vendeur tiers), rien ne justifie l’absence de délai de préavis ; qu’en outre il n’existe pas de liste de causes pouvant justifier la résiliation/suspension ayant valeur d’un engagement contractuel puisque rien ne figure à ce sujet dans l’article 3 et que cet article ne renvoie pas à un ou plusieurs autres articles ;

Attendu que là encore le Ministre ne se livre pas à une analyse in abstracto mais appuie ses griefs de témoignages de vendeurs tiers ( pièce 35, 36 et 41 du Ministre) qui ne comprennent pas les raisons de la suspension de leur compte et souvent la découvre tardivement en se rendant compte qu’ils ne reçoivent plus aucune commande client comme le montre un des témoignages produits par le Ministre; qu’en effet comme vu ci-dessus les vendeurs tiers ne peuvent passer leur temps à consulter le Seller Central ;

Attendu qu’Y réplique en indiquant que « de façon générale » les vendeurs tiers, avant d’être suspendus, reçoivent un avertissement préalable et qu’elle le démontre en produisant lors de l’audience une capture d’écran ; mais que, outre que les termes «de façon générale » au début de sa phrase conduisent à penser que cet avertissement n’est pas effectué systématiquement, que surtout une telle pratique, si elle était réellement avérée dans tous les cas, ne correspondrait en tout cas à aucun engagement contractuel ;

Attendu que, en ce qui concerne l8 réponse de l’absence de caractère unilatéral en raison de la possibilité pour le vendeur tiers de lui aussi résilier à tout moment et sans justification le contrat, l’équilibre n’est qu’apparent car une partie des vendeurs tiers vont brutalement perdre une partie essentielle de leur chiffre d’affaires et auront besoin de temps pour trouver une solution de substitution ( comme expliqué ci-dessus) alors que pour Y la perte d'1/170.000° de ses commissions est parfaitement dérisoire et que la solution de substitution est immédiate puisqu’elle référence chaque jour plusieurs centaines de nouveaux vendeurs tiers ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que la clause 3 est constitutive d’un déséquilibre significatif en ce qu’elle est générale (« pour toute raison »), discrétionnaire (pas d’obligation contractuelle de motiver), imprécise, en raison de l’absence de préavis, en ce que la durée de la suspension n’est pas connue du vendeur tiers par un engagement contractuel et en ce qu’elle n’est pas proportionnelle au manquement de ce dernier.

3° les clauses relatives aux indices de performances :

Attendu que le Ministre soutient que les Politiques, conditions et modalités de mise en oeuvre des « facteurs de performance », reposant sur des « indicateurs » qui ne figurent pas dans le contrat mais sur le site internet amazon.fr et sur l’interface Seller Central (ayant valeur contractuelle du fait du point 19 du contrat Y), sont constitutives d’un déséquilibre significatif au détriment des vendeurs tiers; que ces facteurs font par ailleurs l’objet du point 1.6 des conditions APE qui stipule : « votre utilisation du service peut être soumise à des limites applicables aux comptes… Ces limites sont déterminées sur la base de facteurs de performance. » ; que certes le tribunal aura mis hors de cause APE mais qu’il est utile de noter que les critères de performance déterminés et gérés par Y, au-delà des

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conséquences pour les vendeurs tiers dans leurs relations avec cette dernière, en ont d’importantes pour les dits vendeurs sur le plan financier en raison du gel d’une durée maximum de 90 jours de leur trésorerie de leurs comptes dans les livres d’APE, pouvant en résulter;

Attendu que lesdits indicateurs, mentionnés sur amazon.fr, sont au nombre de 3: taux de commandes défectueuses, taux d’annulation de commandes avant traitement et taux d’expéditions en retard ;

Attendu que le principe de la mesure de la performance du vendeur tiers dans la satisfaction du client est parfaitement légitime et usuel dans toute la distribution, quelle qu’en soit la forme et les modalités (mise à disposition d’une marque, franchise, concession…) et répond à la nécessité de protéger le consommateur et l’image du site et de la marque Amazon ce dont bénéficie en premier lieu cette dernière mais également la collectivité des vendeurs tiers; que les griefs du Ministre à l’encontre de cette clause, qui peut avoir des conséquences majeures pour le vendeur tiers ( arrêt brutal temporaire ou définitif de son activité sur la place de marché) ne portent donc nullement sur son principe mais sur l’imprécision du périmètre des critères pris en compte, sur les conséquences de leur non- respect, sur le fait qu’ils ne dépendent pas uniquement du comportement du vendeur et enfin de ce que que l’évolution de ces critères est discrétionnaire ; que pour déterminer si cette clause est susceptible de caractériser un déséquilibre significatif, il convient donc d’examiner ces 4 critiques du Ministre : a) L’imprécision des critères retenus :

Attendu que l’analyse des mentions, figurant sur amazon.fr et sur le Seller Central, fait apparaitre des divergences quant à la nature des critères et à leur importance relative à leur précision et que les témoignages des vendeurs tiers montrent que certains d’entre eux ne comprennent pas les critères retenus par Y pour suspendre leurs comptes ; qu’ainsi, Sur l’interface Seller Central de certains des vendeurs ayant témoigné, figurent au titre du « contrôle de la performance » des mentions telles que « livré dans des délais objectif inférieur à 97 », « colis avec information suivi objectif inférieur à 98% », « temps de réponse inférieur à 24H objectif 90% », « réponse en retard objectif moins de 10% » …..que par ailleurs il est indiqué que « une performance moyenne sur le critère temps de réponse au message implique que le vendeur doit améliorer sa performance mais qu’à ce stade cela n’entrainera généralement pas d’effets sur la suspension du compte… » ; que ces termes, « généralement » et « performance moyenne », illustrent l’imprécision des conditions de mise en œuvre de la suspension des comptes et ce d’autant que le temps de réponse et le taux de remboursement ne figure pas dans les 3 critères de performance dont Y soutient pourtant qu’ils sont les seuls ; que certes, depuis l’assignation du Ministre, Y a fait disparaître toute référence au taux de remboursement et au taux de réponse sur amazon.fr mais que ceci démontre a contrario l’instabilité des critères de performance et que le tribunal doit statuer au vu des constats effectués antérieurement au litige: que de plus un des témoignages produit montre l’instabilité de l’appréciation de ces critères : un vendeur tiers a vu son compte suspendu en raison de sa performance alors que sur le Seller Central celle-ci était jugée « bonne » et, dans un autre cas, la performance d’un vendeur tiers est passée de «bonne» à «passable» à quelques heures d’intervalle, suite à sa demande d’explications, alors qu’aucun des résultats des critères retenus n’avait changé: que cet exemple concret, pour lequel le tribunal retiendra un témoignage certes anonyme mais en se fondant sur des captures d’écran jointes et non contestées, montre que Y a la capacité de justifier ex post une décision de suspension d’un compte en modifiant la performance du vendeur tiers sans raison objective ( en 2 H la performance du vendeur tiers n’a pas pu brutalement se dégrader): qu’au surplus et surtout il n’existe pas contractuellement de table déterminant le taux de non atteinte d’un ou plusieurs critères correspondant aux différentes mentions « bonne », « passable », faible » « mauvais » ou « très mauvais » :

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b) Des critères ne dépendant pas que du comportement du vendeur tiers : Le critère du taux de remboursement n’est pas en lui-même contestable mais la mention « nous prenons en compte tous les remboursements effectués par le vendeur quelle qu’en soit la raison » signifie donc que l’appréciation de la performance du vendeur tiers pourra être affectée par le seul comportement de l’acheteur, pouvant simplement avoir changé d’avis sur l’utilité du produit commandé, sans que le vendeur tiers ait la moindre responsabilité ; que certes Y a fait évoluer en 2018 sa présentation de la page du Seller Central, relative à la description des critères de performance et à la manière dont ils sont calculés, mais que c’est postérieurement à l’assignation ( comme le montre les pièces 14 du Ministre et 18 d’Y), ce dont le tribunal lui donnera acte tout en notant que le grief du Ministre était fondé au moment de l’enquête ; que cependant cette exemple illustre bien la réalité de modifications sans préavis et sans une information personnelle du vendeur ;

Attendu que dans la garantie À à Z (voir plus loin), il est indiqué « toutes les réclamations selon la dite garantie sont affichées dans le compte du vendeur tiers même si la réclamation a été refusée à l’acheteur » ; que certes Y soutient que, dans ce cas, la réclamation n’est pas prise en compte dans l’indice de performance mais que, outre que des vendeurs tiers soutiennent le contraire (témoignages anonymes que le tribunal ne retiendra pas bien qu’ils s’agissent de plusieurs témoignages concordants mais qui montrent en tout cas la difficulté de compréhension d’un élément clef du contrat}, cette dernière n’explique pas alors pourquoi ces réclamations, refusées aux consommateurs, sont affichées avec les autres ; que surtout cet affichage, des réclamations refusées dans là même fenêtre que celles des réclamations acceptées, introduit une grande incertitude pour le vendeur tiers sur les éléments pris en compte dans ses indices de performance ; que la mise en oeuvre de ce critère est susceptible d’avoir des conséquences pour le vendeur tiers alors même que ce dernier n’a aucune responsabilité dans la réclamation ; que, outre que lors des débats Y a reconnu qu’il n’y avait pas de clauses contractuelles l’engageant à effectuer dans tous les cas de réclamations des clients des vendeurs tiers une enquête pour vérifier si elles étaient fondées, il ressort des pièces et des débats qu’Y n’en fait pas toujours même lorsqu’ils figurent dans le critère « réclamation acceptée » ; qu’en effet la production par Y dans ces dernières pièces d’une capture d’écran d’un cas d’enquête (pièce 87 Y) ne suffit pas à démontrer qu’elle en fait toujours , pas plus que le fait que le Seller Central mentionne l’existence d’enquête dès lors qu’il n’est pas stipulé dans le contrat que Y s’engage à en faire dans tous les cas, à ne prendre en considération dans l’indicateur « nombre de réclamations » que celles acceptées et surtout à ne rembourser que ces dernières :

c) L’évolution des critères est discrétionnaire :

Altendu qu’à tout moment, sans aucun préavis et sans obligation de faire une notification individuelle, Y peut modifier unilatéralement les critères de performance; qu’il est d’ailleurs écrit, dans l’espace : « questions/réponses » du Seller Central, « nous pensons ajuster les objectifs de performance de temps en temps et également augmenter le nombre de critères » ; qu’ainsi sur le Seller Central sont apparues les mentions « taux d’expédition en retard » , « indicateur de livraison dans les délais » et « taux de mécontentement suite à relour client » avec l’indication « nouveau » ; que des vendeurs tiers ont déclaré «nous ne Savons pas quand est entré ou entrera en vigueur tel ou tel nouveau indicateur, sur quels bases il fonctionne et quelles conséquences il pourra avoir pour moi» (témoignages anonymes que le tribunal retiendra car Y pouvait simplement, sans avoir besoin du nom des vendeurs tiers, contredire ce type de déclarations); que le contrat stipule que le vendeur tiers doit régulièrement consulter le Seller Central mais ne prévoit pas de notifications individuelles et ne dit pas que Y devra alerter les vendeurs tiers d’une modification ;

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Attendu qu’il est certes légitime que Y puisse faire évoluer ses indicateurs de performance mais que le fait que, cet élément majeur du contrat puisse être modifié sans que cela soit obligatoirement notifié au vendeur tiers, sous une forme autre que le fait que l’affichage sur une page de la liste des critères sur le Seller Central, sans préavis et sans explication sur la manière dont il est déterminé et sur ses conséquences, renforce le caractère significativement déséquilibré de cette clause ;

d) Les conséquences de la suspension :

Attendu que, lorsque le compte du vendeur est suspendu, cette suspension entraine 2 conséquences pour le vendeur tiers : impossibilité de vendre pendant toute la période de la suspension et blocage des fonds du vendeur dans les livres d’APE correspondant au produits de ses ventes passées « pour une période allant jusqu’à 90 jours » ; qu’aucune règle relative à la durée maximale d’interdiction de vendre n’est indiquée contractuellement ; qu’il en résulte que la durée de la suspension est imprécise, arbitraire et n’est pas proportionnelle au manquement contractuel allégué;

Attendu que d’ailleurs un vendeur tiers a déclaré, pièce 35, PV du 19/10/2016, « il nous arrive en raison des risques liés à la dégradation de notre évaluation au regard des critères de performance, de suspendre de nous-même notre compte pour éviter une suspension car dans ce cas nous ne savons pas le temps durant lequel notre compte serait fermé par Y… La durée est en effet arbitraire quand cette dernière nous suspend… », témoignage que le tribunal retiendra car il est factuel et que l’anonymat n’empêchait pas Y d’y répondre; qu’il résulte donc des éléments ci-dessus que la durée de la suspension est imprécise et arbitraire et que les conséquences financières en sont excessives car il n’y a aucune proportionnalité entre les conséquences pour un vendeur tiers de sa suspension et telle ou telle de ses insuffisances dans la réalisation de tel ou tel critère;

Attendu en conclusion, comme montré ci-dessus, que les critères d’évaluation de la performance des vendeurs tiers ne sont pas explicités clairement quant à leur périmètre, aux conséquences du non-respect de certains d’entre eux et qu’ils sont susceptibles d’évoluer de manière discrétionnaire, sans préavis et sans notification obligatoire alors même que les conséquences pour les vendeurs tiers peuvent être majeures (impossibilité de vendre dans le pire des cas et en toute hypothèse réduction des chances d’accès à la « Buy box » conditionnant le volume des ventes d’un vendeur tiers) ; que de plus la durée de la suspension du compte du vendeur tiers est arbitraire ; qu’il en résulte que les clauses relatives aux indicateurs de performance sont manifestement déséquilibrées du fait de leur rédaction et des conditions dans lesquelles elles sont mises en œuvre comme cela résulte d’une appréciation in concreto sur la base des seuls témoignages de vendeurs tiers que le tribunal aura retenus ;

En conséquence le tribunal dira que les clauses du contrat Y, des Politiques, conditions et modalités de mise en œuvre, relatives aux facteurs de performance, figurant sur le Seller Central et sur le site amazon.fr (ensemble à valeur contractuel en application du point 19 du contrat), en ce que les critères d’évaluation de la performance des vendeurs tiers ne sont pas explicités (quant à leur périmètre et aux conséquences du non-respect de certains d’entre eux), en ce qu’ils sont susceptibles d’évoluer de manière discrétionnaire, sans préavis et en ce que la durée de la suspension du compte du vendeur tiers est arbitraire, imprécise et sans aucune référence à une proportionnalité par rapport au manquement, sont manifestement déséquilibrées ;

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4° les clauses relatives à la suspension ou l’annulations d’une transaction : S.1-4

Attendu que la clause S-1.4 stipule dans son titre « fraude à la carte de crédit » que « à notre entière discrétion … nous pouvons refuser de traiter. arrêter/annuler n’importe laquelle de vos transactions … » ; que le Ministre soutient qu’il résulterait du terme « à notre entière discrétion » que l’arrêt/suspension des transactions du vendeur tiers pourrait être provoqué par n’importe quelle raison à l’entière discrétion de Y ; que cependant le titre de cette clause est claire « fraude à la carte de crédit », dépourvu de toute ambigüité ou imprécision et que le Ministre ne produit aucun témoignage sur le fait qu’elle aurait été utilisée dans d’autres cas : que cette clause, usuelle en matière de vente électronique sur internet et nécessaire pour protéger les consommateurs, n’est donc pas déséquilibrée et que le Ministre sera donc débouté de sa demande de la clarifier ;

5° les clauses relatives à la maitrise du compte vendeur : S.6

Attendu la clause S-6 « maitrise du site » stipule « nous avons le droit à_notre entière discrétion… d’interdire ou restreindre l’accès à lout site Amazon …. et de retarder ou suspendre une mise en vente ou de refuser de mettre en vente l’un ou l’autre de vos produits à notre entière discrétion »; que le Ministre soutient que cette clause est manifestement déséquilibrée en mettant l’activité du vendeur complétement sous la dépendance d’Y de manière discrétionnaire ; que cette dernière réplique qu’il ne s’agit que d’éviter que certains produits soient mis en vente pour des raisons graves et que les motifs seraient les mêmes que pour les clauses 1 et 3 relatives aux produits dangereux ou non conformes à la réglementation; que cependant cette clause S.6 ne fait aucune référence à « des produits dangereux ou non conformes à la réglementation » et ne mentionne aucune raison justifiant une telle décision puisqu’il est indiqué à 2 reprises « à notre entière discrétion » ; que en outre dans sa réponse Y fait référence à la notion de performance dont on ne sait s’il s’agit de celle du vendeur, ce qui renverrait alors aux indices de performance commerciale, ou du produit vendu, dont il n’est indiqué nulle part comment elle est appréciée; qu’il résulte de ce qui précède que cette clause confère à Y des possibilités d’action discrétionnaire sur les ventes du vendeur tiers alors même que ses produits sont en concurrence directe avec ceux d’Amazon ;

Le tribunal dira que la clause S-6 relative à la maitrise du compte vendeur, en raison de sa généralité et de l’imprécision de sa rédaction, entraine un déséquilibre significatif au détriment du vendeur tiers, cocontractant d’Y, au sens de l’article L.442-6 2°

6° les clauses relatives à la garantie « À à Z » avec le retour et remboursement des produits :S.3-2

Attendu que la garantie À à Z, telle qu’elle résulte de la clause S-3.2 du contrat Y, permet aux clients du vendeur tiers de renvoyer leurs produits et d’être remboursés du prix de leur achat si le produit livré n’a pas correspondu à la fiche produit, s’il était défectueux, pas livré en état ou pas dans les délais notamment; que pour ce faire le client présente une réclamation à Y à laquelle le vendeur tiers est tenu de répondre dans les 3 jours ;: que, s’il ne respecte pas ce délai, ou si la réponse du vendeur tiers n’est pas appropriée après enquête d’Y, le vendeur tiers est débité sur son compte du remboursement réalisé par cette dernière et ce sans même que le produit ne soit retourné et que toutes les

réclamations, même si elles ont été refusées, sont affichées dans le compte du vendeur tiers;

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Attendu que le Ministre fait grief à cette clause d’obliger le vendeur tiers à rembourser un client même si l’enquête et les réponses du vendeur tiers montrent que la réclamation est injustifiée et ce même si le produit n’est pas retourné (alors qu’Y pour ses propres produits, en concurrence directe avec ceux des vendeurs tiers, ne rembourse elle le consommateur qu’en cas de retour du produit) ;

Attendu qu’Y réplique tout d’abord que cette clause est en faveur du consommateur, que la protection de celui-ci, étant une mission essentielle de la DCCCRF, cette dernière ne saurait lui faire grief d’accorder des garanties excessives aux clients des vendeurs tiers et qu’il importe peu que, en ce qui concerne ses propres produits, elle ne soit pas elle aussi favorable à ses propres clients ; que cet argument n’est pas recevable dans la mesure où la question n’est pas de savoir si le traitement du consommateur est favorable mais est relative au déséquilibre significatif entre Y et les vendeurs tiers en ce qu’elle leur impose de consentir des garanties excessives par rapport aux usages à leur détriment qu’ils n’auraient évidemment pas consenties si elles ne lui avaient été imposées par Y ; que notamment le fait que les produits soient remboursés même s’ils ne sont pas retournés, ce qui est démontré par les témoignages des vendeurs tiers et non contesté par Y, est très excessif, contraire aux usages comme le démontre d’ailleurs le fait que Amazon, qui vend ses propres produits sur le même site en concurrence directe avec ceux des vendeur tiers, ne rembourse elle son client qu’après retour du produit ; qu’elle impose donc au vendeur tiers une charge anormale et non justifiée ; qu’il ne peut même pas être soutenu que ce serait un avantage pour les clients du vendeur tiers, qui pourrait les amener à préférer les produits de ce dernier par rapport à ceux d’Amazon, car ses clients n’ont pas connaissance de cette différence de traitement ;

Attendu qu’Y soutient que le remboursement n’a lieu que si la réclamation est considérée comme justifiée après enquête au cours de laquelle le vendeur tiers a pu présenter les éléments lui permettant de contester la réclamation, ce qui est explicité sur le Seller Central; que cependant les débats ont confirmé qu’il n’y avait aucun engagement contractuel d’Y de réaliser dans tous les cas une enquête et que de plus plusieurs témoignages de vendeur tiers sur des cas concrets démontrent que, nonobstant ce qui est dit sur le Seller Central, il arrive que Y rembourse des réclamations qu’elle a rejetées car injustifiées; que Y n’a pas contesté sur le principe en tout cas lesdits témoignages mais qu’elle a expliqué lors de l’audience que dans ce cas c’est elle qui rembourse le client et non le vendeur tiers et que ceci résulterait de la combinaison des articles S.2-2 et S.2-3, ce dernier ne la remboursant pas si l’enquête lui était favorable ; que cependant même dans ses conclusions du 15 avril 2019 (p64) Y n’est pas en mesure de démontrer qu’il y aurait toujours une enquête puisqu’elle écrit « sauf exception, ce n’est qu’au terme d’une enquête. » ; que surtout le point S.3-2 ne stipule pas qu’il n’y a pas remboursement si le produit n’est pas retourné par le client au vendeur tiers et que les témoignages concordants de ces derniers, non contestés, démontrent que Y rembourse le client même s’il ne retourne pas le produit de ces derniers ;

Attendu par ailleurs qu’Y indique que, si les réclamations sont injustifiées, elles sont certes affichées parmi les autres mais non prise en compte dans cet indicateur qui est une des 3 mesures de la performance; qu’il résulte cependant du fait que l’affichage, au mème endroit des réclamations pour commandes défectueuses, de celles qui le sont effectivement et de celles qui ne le sont pas, introduit concrètement une grande confusion ; que, s’il ne serait pas en sol injustifié que Y suive le nombre de réclamations même refusées, car un trop grand nombre de réclamations par rapport à la moyenne des vendeurs pourraient en lui- même constitué un indicateur d’une mauvaise performance, qu’il est par contre anormal qu’il

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puisse, même temporairement, être inclus dans le critère et entrainer une suspension pour le vendeur tiers de son accès au site pour vendre ses produits ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que la clause S 3.2 sur la garantie A à Z du contrat Y, telle qu’elle est rédigée et mise en oeuvre concrètement, est manifestement déséquilibrée au détriment des vendeurs tiers en ce qu’elle autorise cette dernière à rembourser le client même en cas de non-retour du produit, même si après enquête la réclamation est considérée comme injustifiée et en ce qu’elle autorise l’affichage des dites réclamations avec celle justifiées ;

Le tribunal dira que la clause S 3.2 du contrat Y est manifestement déséquilibrée et qu’il sera fait injonction à cette dernière de {a modifier ;

7° les clauses relatives à l’utilisation des marques du vendeur tiers : point 4,12 et 16

Attendu que le Ministre fait grief aux points 4, 12 et 16 du contrat Y de stipuler que cette dernière peut utiliser «/es technologies, marques, contenu informations produits, données… », fournis par le vendeur tiers sur le site amazon.fr, pendant le contrat et ce même à son expiration, alors que cette possibilité n’est pas réciproque :que cette clause, relative à la marque et aux éléments de propriété intellectuelle, résultant notamment de la création de fiches produits du vendeur tiers, est très large, non justifiée par les nécessités commerciales et non compensée par des droits comparables au bénéfice du cocontractant ; qu’elle présente un caractère unilatéral et disproportionné dès lors que le contrat Y, ne donne lieu à aucune négociation ;

Attendu que cette dernière réplique d’une part que cette clause lui est indispensable pour sa gestion d’une place de marché, car elle a besoin que le vendeur tiers lui donne une licence lui permettant d’utiliser les éléments de sa propriété intellectuelle notamment sa page produit, et que la réciprocité ne serait pas justifiée par l’objet du contrat qui ne concerne que la place de marché ; que Y soutient que le principe mème du fonctionnement des dites places de marché est la mutualisation, entre tous les vendeurs tiers et elle-même pour ses produits, des éléments qui vont servir à établir et mettre à jour les fiches produits et qu’elle rappelle que les produits des différents vendeurs d’une catégorie et les siens vont figurer sur le site amazon.fr auquel le client accède pour passer ses commandes à un des vendeurs de la place ; que ce tribunal a jugé dans l’affaire « Booking » qu’une clause similaire ne contrevenait pas aux dispositions de l’article L.442-6, parce qu’elle était indispensable au fonctionnement du site, que ces clauses sont habituelles dans les contrats de distribution, quand un opérateur est chargé de vendre les produits ou services d’un autre, et que le Ministre n’a pas démontré que la clause avait abouti à détourner de la clientèle du vendeur tiers ; que par ailleurs le fait que Y puisse continuer à utiliser les pages produits qu’un vendeur a mis au point, après le départ de ce dernier, est dû à ce que lesdites pages sont le résultat d’un travail collectif d’elle-même et d’autres vendeurs tiers car elles sont communes à tous les produits de la même référence ; qu’il en est de mème de l’historique des commandes passées pour un produit par un client car chaque client doit pouvoir disposer de cette information sur le type et la nature des produits commandés dans le passé :

Attendu en ce qui concerne les différents éléments de la marque du vendeur tiers qu’il ne s’agit pas d’une cession de droits de propriété intellectuelle mais du simple octroi d’une licence non exclusive et gratuite portant sur un droit dont l’usage est intrinsèquement lié au contrat ; qu’au demeurant ce type de clause est usuel dans les contrats de distribution par lesquels un opérateur est chargé de vendre ou de promouvoir les produits et services de son cocontractant ;

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Attendu de plus que, en ce qui concerne les droits relatifs à la création des fiches produits par le vendeur tiers (point 16 du contrat) , il est évident que la contrepartie pour ce dernier de concéder gratuitement ses droits de propriété intellectuelle, dès lors qu’il choisit de bénéficier des services considérables d’Amazon, est représentée par le fait de pouvoir les proposer à la vente sur la place de marché d’Y et ce sans devoir payer des droits aux autres vendeurs tiers, qui ont contribué à l’établissement des fiches produits et qui font bénéficier la place de marché de la notoriété de leurs propres marques : que cette nécessité est consubstantielle au principe même d’une place de marché ; que le Ministre n’a pas démontré, notamment in concreto, quel avantage indu pourrait en retirer Y au détriment d’un vendeur tiers, ni en quoi cela lui permettrait d’exercer une concurrence déloyale à l’encontre de ce dernier; que certes cette clause, par sa rédaction d’une très grande généralité, sans réciprocité, pourrait être susceptible de constituer un déséquilibre significatif mais que le Ministre n’a pas établi concrètement en quoi cette généralité serait susceptible de permettre à Y d’utiliser des éléments de propriété d’un vendeur tiers à son détriment ; qu’au surplus rien n’oblige le vendeur tiers à faire figurer des informations sur le site, autre que sa marque et une fiche décrivant son produit et son prix, qu’il ne souhaiterait pas qu’Amazon ou les autres vendeurs tiers utilisent ;

Attendu que moins évident est le fait qu’Y puisse utiliser des éléments ou des informations du vendeur tiers après la résiliation du contrat ; qu’en effet à ce moment-là le dit vendeur tiers ne bénéficie plus de la contrepartie de l’accès à la place de marché, de l’avantage de la marque d’Amazon et des éléments de propriété de cette dernière et des autres vendeurs ; que cependant, si Y devait modifier après le départ d’un vendeur tiers toutes les fiches produits, établies par ou auxquelles a contribué le vendeur tiers qui l’a quitté, cela représenterait un nombre considérable d’actualisation des dites fiches chaque jour ; qu’en outre le vendeur tiers a bénéficié, pendant qu’il était référencé par la place, des travaux d’autres vendeurs tiers après que ces derniers aient quitté le site; qu’il est impossible de savoir, au moment ou un vendeur tiers quitte Y, quelle partie des écrans est due à sa contribution, ceux-ci étant modifiés chaque jour des millions de fois; que dès lors il n’est pas déséquilibré de stipuler que ce qui a été réalisé par un vendeur tiers, pendant qu’il était cocontractant d’Y, puisse continuer à bénéficier à cette dernière pour sa place de marché et donc à la collectivité des vendeurs tiers; qu’il apparait en effet que cette contrainte, à supposer qu’elle ne soit pas commune à toutes les places de marché, est en tout cas justifiée par les avantages spécifiques dont bénéficie le vendeur tiers grâce à l’image, à ta notoriété exceptionnelle de la place de marché d’Amazon et aux nombreuses spécificités de la dite place qui en ont fait celle préférée des consommateurs ; que, en ce qui concerne l’historique des commandes des clients des produits des vendeurs tiers, il convient de relever d’une part que C’est indispensable au consommateur et d’autre part que cela n’introduit aucun désavantage, ni aucun inconvénient pour un vendeur tiers lorsqu’il a quitté la place de marché ;

En conséquence le tribunal dira que le Ministre n’a pas démontré que les clauses 4 intitulé « licence », relative à l’utilisation des marques et des éléments de propriété du vendeur tiers, 12 intitulée « confidentialité » et 16 « suggestions et autres informations » du contrat Y créent un déséquilibre significatif au détriment du vendeur tiers, qu’elles ne contreviennent done pas à l’article L.442-6 1 2°, et déboutera le Ministre de sa demande d’injonction de les modifier.

8° clause relative aux frais d’expédition :

Attendu que la clause S-1.3 du contrat Y intitulée «frais d’expédition et de traitement » stipule que, pour les produits média, cette dernière fixe elle-même les frais d’expédition et de

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traitement : que le Ministre fait grief à cette dernière d’imposer au vendeur tiers un tarif minimum pour ses frais, sans que ce dernier soit libre de fixer un prix plus bas, et ce alors qu’il est apparu que Amazon fixait un tarif plus bas pour ses propres produits média proposés en concurrence avec ceux du vendeur tiers sur le même site amazon.fr ;

Attendu qu’Y a modifié la clause S-1.3 en aout 2017, certes postérieurement à l’assignation, et qu’il est donc désormais sans objet de lui enjoindre pour l’avenir de la modifier : que cependant le Ministre soutient que, si ce tribunal ne la jugeait pas déséquilibrée, Y pourrait la réintroduire pour l’avenir ; mais que ce tribunal ne peut se fonder sur une simple potentialité théorique pour Y de modifier à nouveau une clause rendue compatible avec l’équilibre du contrat ;

En conséquence le tribunal donnera acte à Y de ce que, en modifiant en 2017 la rédaction de la clause S-1.3, cette dernière en a supprimé les éléments susceptibles d’introduire un déséquilibre significatif et déboutera le Ministre de sa demande d’injonction de modifier la clause.

9° clauses relatives à la parité des conditions :S-4 et S-1.1

Attendu que la clause S-4 du contrat Y intitulé « parité avec vos canaux de vente », combinée avec celle de l’article S- 1.1 à laquelle elle renvoie, stipule «vous devez conserver une parité entre les produits que vous proposez par tous vos canaux de vente (autres que dans vos magasins physiques) a) … même niveau de support que vos services clientèles les plus avantageux, même qualité de l’information pour tous les contenus » : que lesdites informations concernent notamment le prix d’achat et les tarifs d’expédition ; qu’il en résulte, selon le Ministre, que cette clause permet à Y de bénéficier des mêmes conditions que celles consenties par un vendeur tiers aux autres places de marché concurrentes et que cette dernière se réserve ainsi la possibilité de bénéficier automatiquement des conditions négociées ou pratiquées par le vendeur tiers sur d’autres canaux de marché ; qu’elle limite ainsi la stratégie de distinction de la part de son co- contractant voire qu’elle bénéficie du fruit de sa négociation, avec d’autres places de marché ou fournisseurs, sans contrepartie ;

Attendu qu’Y réplique qu’elle n’a jamais utilisé cette clause, qu’elle bénéficie au consommateur, qu’elle est légitime en ce qu’elle empèche le vendeur tiers de bénéficier de sa plateforme pour faire connaître son produit pour ensuite le mettre en vente sur un autre site avec une meilleure qualité d’information et qu’elle ne concerne pas le niveau des prix mais la qualité de l’information relative à ceux-ci car, depuis 2013, Y a supprimé toute exigence de parité dans le niveau des prix entre sa plateforme et les autres canaux du vendeur tiers ;

Attendu en premier lieu que, si Y ne l’utilise plus, il convient de mettre en harmonie le droit avec sa pratique pour éviter que dans l’avenir elle puisse y recourir à nouveau ; que par ailleurs, il importe peu que la clause soit favorable aussi au client de sa plateforme, car elle bénéficie d’abord à Y dès lors cette dernière est en concurrence directe du vendeur tiers pour les mêmes produits que chacun d’entre eux vend sur le même site : que en outre, si selon Y cette clause ne vise que la qualité de l’information relative au prix, sa rédaction est pour le moins ambiguë en associant les termes « parité » à ceux de « prix » : la rédaction « vous devez conserver une parité entre … les informations produits telles que définies à l’article S-1.2» alors que lesdites informations englobent le prix est susceptibles de deux interprétations ;

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Attendu qu’une clause de parité de prix serait à l’évidence constitutive d’un déséquilibre significatif et qu’il importe donc d’éviter que Y puisse tirer profit de l’ambiguité soulignée ci-dessus en lui enjoignant, si elle ne la supprimait pas alors même qu’elle dit qu’elle ne l’utilise plus, à tout le moins d’en modifier sa rédaction pour la clarifier sur le sujet du prix;

En conséquence le tribunal dira que la rédaction actuelle de la clause S-4, combinée avec la clause S-1.2, est, du fait de son ambigüité, constitutive d’un déséquilibre significatif au détriment du vendeur tiers et fera injonction à Y de la modifier.

10° les exonérations générales de responsabilité : points 6,7 et 8

Attendu que le point 6 stipule que le cocontractant s’engage à indemniser Y de tout préjudice et la décharge de toute responsabilité s’agissant d’un manquement avéré ou prétendu à toute obligation : que le point 7 stipule que la responsabilité d’Y ne saurait être engagée même en présence d’une négligence et/ou interruptions et pannes du site ayant causé au vendeur tiers des conséquences pour ses transactions, que le point 8 limite une responsabilité éventuelle d’Y au montant maximal correspondant aux sommes que le vendeur tiers fui a reversées au titre de ses ventes durant les 6 derniers mois en cas de négligence : qu’une note en délibéré d’Y, non contestée par le Ministre, a montré que, en cas de responsabilité pour négligence grossière ou faute grave, ce plafond ne trouve plus à s’appliquer et la responsabilité est totale et sans limitation ;

Attendu que le point 6 dégage Y de tout litige entre le vendeur tiers et son client ; que son but est d’éviter que cette dernière, tiers au contrat entre le vendeur tiers et le client de ce dernier, soit tenue responsable à la place du vendeur tiers ; que par ailleurs le fait de conférer à Y la possibilité de diriger la défense de ce dernier est équilibré par l’obligation pour Y de prendre en charge les frais de procédure ; que cette clause n’est donc pas déséquilibrée ;

Attendu en ce qui concerne le point 7 qui stipule que « Y ne sera pas tenue pour responsable d’interruption de services, que ceux-ci soient ou non attribuables à une négligence de notre part, y compris sans se limiter à des pannes de système ou autres interruptions susceptible d’avoir un impact sur les traitements …. de quelque commande ou transaction. » ;

Attendu que ce type de clause est usuel dans les contrats pour des sites internet car les pannes de systèmes, la saturation d’un site par le trop grand nombre de transactions simultanées, les attaques virales sont des éléments imprévisibles et insurmontables : qu’il est avéré que Amazon consacre des moyens considérables avec un niveau d’investissement annuel très supérieur à ceux des autres sites pour s’en prémunir et pour assurer la continuité de ses services et la sécurité des transactions qui y sont effectuées ; que, outre que toute interruption de l’accès au site ou des transactions serait doublement préjudiciable à Amazon ( Y, AFÉ, et amazon.fr) en pertes de recettes sur ses propres ventes et en pertes de commissions sur celles des vendeurs tiers, surtout c’est un élément majeur de son image tant auprès des consommateurs, ses clients et ceux des vendeurs tiers, alors que la majorité de la marge du groupe Amazon provient des commissions payées par les vendeurs tiers: que les conséquences des erreurs seraient telles pour Y qu’il est inenvisageable qu’elle n’ait pas fait ses meilleures efforts pour s’en prémunir ce que démontre d’ailleurs le montant de ses investissements et le fait que les témoignages des vendeurs tiers ne font pas état d’incident; que néanmoins Y n’est pas à l’abri de dysfonctionnements (pannes de serveur, bug, attaques, virus. ) mais qu’elle n’a qu’une obligation de moyens mais pas une obligation de résultat ;que la clause ne peut être et n’a pas à être réciproque car les litiges

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entre le client et le vendeur tiers, si la responsabilité de ce dernier est retenue, sont d’une toute autre nature ; que cette clause n’est donc pas déséquilibrée car il ressort implicitement du début de sa rédaction qu’elle n’est relative qu’à des dysfonctionnements sur ses sites internet ou de nature informatique et que le Ministre n’a pas rapporté la preuve que la mention « y compris et sans se limiter à des pannes systèmes ou autres interruptions » ait jamais été interprétée autrement ; que le point 7 ne présente pas un déséquilibre manifeste et que le Ministre sera donc débouté de sa demande d’injonction de la modifier ;

Attendu que le point 8, qui vise tous les dommages directs et indirects provenant notamment de types de dysfonctionnements ou erreurs, autres que les pannes systèmes et accès internet, qui limite dans ce cas la réparation du préjudice subi par le vendeur tiers à un plafond d’indemnisation égal au total des commissions versées par ce dernier à Y pendant 6 mois, ne constitue pas en lui-même un déséquilibre significatif car il ne prive pas son cocontractant de toute indemnisation et que son montant est loin d’être dérisoire ; que Y a indiqué, par note en délibéré ( non contredite par le Ministre), que ce plafond de 6 mois ne s’appliquait qu’en cas de négligence simple de sa part mais que, en cas de négligence grossière ou de faute grave, l’indemnisation due n’était plus plafonnée et la responsabilité est illimitée ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que le tribunal dira que les points 6,7 et 8 ne présentent pas un caractère de déséquilibre manifeste et que le Ministre sera donc débouté de sa demande d’injonction de modifier lesdites clauses ;

11° les exonérations de responsabilité pour le service optionnel « Expédié par Amazon » clause F-10.3, 12 et 13:

Attendu que le service « Expédié par Amazon » est certes une option du contrat Y mais en réalité un complément majeur du dit contrat ; qu’en effet, il permet au vendeur tiers de réaliser des économies significatives dans le stockage et l’expédition de ses produits grâce à la puissance de la logistique de cette dernière, moyennant certes fe paiement de commissions plus élevées ; que d’autre part, il lui permet d’être à égalité avec Y vis-à-vis du consommateur en bénéficiant de la qualité et de la performance du service d’expédition garanti à ce dernier pour les produits d’Amazon, (avec lesquels le vendeur tiers est en concurrence directe sur le site amazon.fr) ; qu’enfin il offre au vendeur tiers une plus grande probabilité de figurer dans la buy box, car il est pris en compte dans les paramètres inclus dans l’algorithme qui détermine l’accès à la dite boite (dont il a été vu l’effet majeur pour les ventes du vendeur tiers) ;

Attendu que le Ministre fait grief aux clauses F-12, F-13 et F-10.3 d’être significativement déséquilibrées ; que la clause F-12 exonère Y de toute responsabilité relative à «l’expédition ou la livraison de vos produits à l’étranger » ; que cette clause d’exonération totale de responsabilité pour une expédition à l’étranger, un des éléments essentiels du contrat « Expédié par Amazon », va très au-delà des limitations licites de responsabilité pour un service de livraison ce que constitue cette option contractuelle ; que, même s’il est usuel de prévoir des dommages et intérêts plus limités dans le cas d’une responsabilité pour faute dans une expédition à l’étranger, une exonération totale est constitutive d’un déséquilibre significatif ; qu’il en est de mème de la clause F-13 qui décline « toute responsabilité en tant que dépositaire ou manutentionnaire » ; qu’en effet en offrant, moyennant des commissions supplémentaires du service « Expédié par », la possibilité pour le vendeur tiers de faire stocker et expédier ses produits par Y, cette dernière contracte un engagement essentiel de cette option; qu’elle ne saurait alors, en violation de tous les usages dans ce type d’activités pour les dépositaires d’une marchandise, décliner toute responsabilité en cas de

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faute consistant à perdre ou endommager le produit que le vendeur tiers lui a confié ; que cette clause présente donc un déséquilibre significatif: que Y a répondu lors de l’audience que ces clauses n’étaient jamais utilisées mais que dans ce cas rien ne s’oppose donc à mettre le droit en accord avec ses pratiques ;

Attendu que la clause F-10.3 stipule « nous pouvons conserver toutes les receltes générées par toutes les unités dont nous disposons .. » ; que le Ministre soutient que cette clause est déséquilibrée car elle permettrait à Y de s’approprier les recettes générées par les produits stockés dont elle n’est que la dépositaire ; que cependant cette lecture provient d’une interprétation du terme français « disposer » alors qu’ Y fait valoir à juste titre qu’il faut se référer à la version anglaise, qui seule fait foi, dans laquelle figure les mots « dispose of » qui se traduit par « se débarrasser de » ; que de plus cet article doit être combiné avec la clause F-7 qui prévoit les cas ou Y doit se débarrasser des produits, soit lorsque le vendeur tiers le lui demande, soit lorsque le produit présente un défaut ou un risque de sécurité en cas de vente ; que, dans ces cas très limités, soit le produit est détruit, soit il est revendu à ferrailleur pour une valeur dérisoire ; que dès lors cette clause, usuelle, ne présente pas de déséquilibre significatif ; que le Ministre sera donc débouté de sa demande relative à cette clause ;

En conséquence le tribunal fera injonction à Y de supprimer ou de modifier les clauses F- 12 et F-13 du service « Expédié par Amazon» et dira que la clause F-10.3, dont l’interprétation doit se faire en se référant à la version anglaise du contrat et en se combinant avec l’article F-7, n’est pas déséquilibrée.

VI- Sur l’appréciation globale du déséquilibre : Moyens des parties

En défense Amazon rappelle que la jurisprudence s’est prononcée en faveur d’une analyse globale et concrète du contrat ; qu’il revient au juge, en présence de clauses présentant un déséquilibre manifeste, d’apprécier le contexte dans lequel le contrat est conclu et son économie d’ensemble pour voir si les dispositions litigieuses ne sont pas rééquilibrées par d’autres clauses en faveur du cocontractant ; qu’en l’espèce Y offre aux vendeurs tiers de très nombreux et importants avantages ( détaillés ci-dessus et ci-après) : que de plus elle leur offre de nombreux services : commercialisation des produits des vendeurs tiers auprès d’une clientèle internationale, accès à ses meilleurs clients « Prime », prise en charge de leur logistique relative au stockage et à la livraison de leurs produits dans des délais très réduits avec l’option « Expédié par Amazon », des outils de gestion des stocks et des prix et de suivi de leurs performances, des possibilités de tester de nouveaux produits à moindre frais et de connaitre leurs performances par rapport à l’ensemble des autres commercialisant le même type de produits : enfin elle ne leur impose aucune exclusivité, le vendeur tiers pouvant parallèlement à son adhésion disposer de son propre site de vente en ligne et pouvant en même temps proposer ses produits sur des places de marché concurrentes :

Elle précise que ce type de services n’a rien de consubstantiel à une place de marché mais résulte de ses choix stratégiques et de très lourds investissements dans la technologie, la logistique et le marketing amortis sur l’ensemble de l’Europe voire du Monde.

Elle fait donc valoir qu’au regard de l’économie de l’ensemble du contrat celui-ci n’est pas significativement déséquilibré. En outre elle soutient que le Ministre s’est livré à une analyse

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in abstracto du contrat, à partir de la seule analyse de ses clauses, sans comme le lui impose la jurisprudence, procéder à une analyse in concreto à partir de la manière dont il est pratiquement et concrètement mis en oeuvre.

En demande, le Ministre réplique que, si le juge peut tenir compte du contrat dans sa globalité pour apprécier si certaines stipulations sont utilement contrebalancées par d’autres pour rétablir l’équilibre, il revient à la défenderesse d’en rapporter la preuve ; que les jurisprudences auxquelles se réfère Amazon ne sont pas transposables car elles ont été établies dans le cas ou des négociations entre les deux parties avaient eu lieu alors qu’en l’espèce il est constant que les négociations sont techniquement impossibles selon Amazon; que de plus Amazon, à qui revient la charge de la preuve, n’a pas identifié les clauses permettant le rééquilibrage de celles manifestement déséquilibrées ;

Il réplique qu’il a bien procédé à une analyse globale et in concreto en interrogeant des vendeurs tiers sur procès-verbal qui lui ont fait part de leurs doléances sur les conditions de mise en oeuvre de telle ou telle clause litigieuse et qu’en outre il importe peu que certaines d’entre elles soient ou non exécutées puisque la loi vise l’obtention ou la tentative d’obtention d’un avantage quelconque et qu’il importe peu aussi que les effets concrets du déséquilibre soient mesurés ;

En outre il fait valoir que, si les outils et services proposés par Amazon sont utiles aux vendeurs tiers, ils ne constituent pas des éléments susceptibles de rééquilibrer les déséquilibres des clauses litigieuses surtout qu’ils ont pour corollaire le versement de commissions, augmentées pour des services optionnels comme « Expédié par Amazon » ; que de plus Amazon profite gratuitement des améliorations ou créations de fiches produits réalisées par les vendeurs tiers ; qu’en outre ces services sont le plus souvent semblables à ceux des autres places de marché, comme le montre l’étude produite d’ailleurs par Amazon, et pour la plupart ne ressortent pas des stipulations contractuelles et que dès lors cette dernière n’est pas engagée par l’obligation de les fournir : que de plus la notoriété de la place de marché est d’abord au bénéfice d’Amazon pour recruter de nouveaux clients pour ses propres produits et de nouveaux vendeurs tiers; que par ailleurs la possibilité de commercialiser un catalogue de produits très large est consubstantiel à toute place de marché généraliste et que le service « Expédié par Amazon » est optionnel, moyennant des frais supplémentaires, n’est pas accessible pour des raisons techniques à tous les vendeurs tiers, et ne figurant pas dans l’offre de base, n’est pas susceptible de rééquilibrer les clauses litigieuses applicables à tous.

Enfin il soutient qu’il résulte de la conjugaison des clauses portant sur l’accès à des informations stratégiques des vendeurs tiers, combinées avec certaines des clauses litigieuses, est de nature à introduire une distorsion de concurrence au détriment des vendeurs tiers et est donc constitutive d’un trouble à l’ordre public économique et ce d’autant que le service rendu aux clients des vendeurs tiers, délai de livraison et remboursement des produits sans même qu’ils soient retournés, repose uniquement, unilatératement et dans des conditions inéquitables, sur les vendeurs tiers ; le Ministre rappelle que cette analyse n’est pas spéculative mais repose sur des témoignages de vendeurs tiers à partir d’exemples concrets et de situations vécues par eux.

Sur ce, le tribunal

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Attendu que c’est à juste titre qu’Y indique que le tribunal, en présence de la Soumission ou tentative de soumission d’un partenaire commercial à des clauses manifestement déséquilibrées, doit vérifier que les dites clauses ne sont pas rééquilibrées par d’autres ; que cependant le Ministre rappelle que la preuve en incombe à la défenderesse et soutient que, comme en l’espèce on est en présence d’un contrat qui n’a donné lieu à aucune négociation, aucune clause ou disposition n’est susceptible de correspondre à une demande formulée par le vendeur tiers pour rééquilibrer certaines des clauses déséquilibrées à son détriment ; que les divers avantages, que peut retirer le vendeur tiers, ne permettent donc pas de compenser les clauses lui imposant des contraintes que le tribunal a jugé excessives ci- dessus ;

Attendu certes qu’il est incontestable que les vendeurs tiers bénéficient :

— De la confiance des millions de consommateurs d’amazon.fr, gagnée par Y grâce aux investissements qu’elle a réalisés, de sa notoriété (la première marque du monde), et de son image exceptionnelle,

— Du partage de ses propres pages produits et de l’attrait des consommateurs pour la profondeur de l’offre de sa place de marché,

— Des divers outils leur facilitant la gestion de leur vente, de leurs prix et de leurs stocks,

— Du service optionnel « Expédié par Amazon » qui allège leurs coûts de stockage des produits, leur permet une livraison dans des délais très brefs et leur donne accès aux meilleurs clients du groupe Amazon dit « Prime »;

Attendu cependant que le bénéfice de l’image, de la notoriété, de la confiance des consommateurs, comme des outils, a pour contrepartie le niveau des diverses commissions payées à Y par les vendeurs tiers ; que d’ailleurs la dite notoriété et image très positive bénéficie en premier lieu à Y à la fois pour vendre ses propres produits et pour attirer à elle un nombre très élevé, en croissance à 2 chiffres, de vendeurs tiers sur lesquels elle réalise l’essentiel de sa marge sur la place de marché; que ses investissements sont largement amortis et que ses effectifs dédiés aux vendeurs tiers sont limités en raison de la complète automatisation de la plateforme ; que la profondeur exceptionnelle de l’offre de produits est obtenue en partie par ceux des vendeurs tiers, qui en sont donc un des contributeurs, et que c’est une des caractéristiques communes aux places de marché; que le service « Expédié par Amazon », dont il est constant qu’il est remarquable, est payant, n’est pas accessible à une partie des vendeurs tiers soit en raison de son coût, soit pour des raisons techniques, alors même que Y fait pression sur eux pour qu’ils choisissent cette option, comme le Ministre le démontre in concreto au travers des pièces 19, 30 et 41 ; qu’il convient à cette occasion de rappeler à nouveau que l’anonymisation des PV d’audition ne fait nullement obstacle aux droits de la défense puisque par exemple les pièces 30 et 41 comportent des échanges de mails entre le vendeur tiers et Y et que le tribunal se fondera sur les mails d’Y dans cet exemple et, en ce qui concerne la pièce 19, sur des articles de médias qui sont photocopiés dans la pièce :

Attendu qu’une partie des aspects favorables pour les vendeurs tiers de leur relation commerciale avec Y, outre le fait qu’ils correspondent à des commissions dont le taux est parfois très élevé, existe également sur les places de marché concurrentes ; qu’en effet ils sont souvent la conséquence de l’automatisation complète de la plateforme et du concept même de place de marché ( par exemple notoriété, dépassant forcément largement celle de n’importe lequel des vendeurs tiers, profondeur de l’offre…) que par ailleurs, s’il est incontestable que les avantages qu’en retire le consommateur, facilité de l’achat, économies très importantes de temps, profondeur de l’offre, prix hautement compétitifs, possibilité de

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comparer instantanément les prix des différents fournisseurs et distributeurs.., sont exceptionnels comparés aux autres formes de distribution, outre que, là encore ce sont des caractéristiques communes à la plupart des grandes places de marché (C. Discount, eBay, Fnac-Darty, Price Minisiter..), surtout l’objet du litige n’est aucunement d’apprécier le contrat Y par rapport aux consommateurs mais de déterminer pour le client de cette dernière, c’à d les vendeurs tiers, si les clauses manifestement déséquilibrées de son contrat seraient rééquilibrées par d’autres que Y leur auraient consenties ; que comme il a été montré ci- dessus tel n’est pas le cas :

Attendu en effet que la rétrocession aux consommateurs d’une partie des avantages obtenus par Y de ses contrats ne saurait justifier les pratiques contestées puisque l’interdiction de soumission ou tentative de soumission à un déséquilibre significatif vise à protéger le cocontractant, partie faible, les vendeurs tiers en l’espèce dont il est rappelé qu’une grande proportion est de petite taille; qu’au surplus il est tout à fait possible, comme il a été montré ci-dessus, de fournir la mème qualité de services aux consommateurs sans pour autant commettre les dites infractions ;

Attendu par ailleurs que certains des manquements, notamment ceux relatifs aux indicateurs de performance commerciale, sont de nature à permettre à Y d’user d’une stipulation pour, après avoir testé sur un marché un nouveau produit lancé par un vendeur tiers, privilégier la vente du sien au détriment de celui du vendeur tiers après avoir aligné son prix ; qu’Y réplique certes que le Ministre n’a pas rapporté la preuve qu’elle aurait utilisé cette possibilité: que cependant la possibilité matérielle de réaliser une telle pratique abusive est établie par le fonctionnement même de la «Buy box » (l’importance des ventes d’un vendeur tiers dépend presqu’entièrement de son accès à la «Buy box» avec son « bouton» « acheter », qualifiée par les commentateurs des revues spécialisés de « graal » du vendeur tiers) et que les critères de performance sont un des éléments pris en compte pour déterminer l’accès dans la box du produit du vendeur tiers, en concurrence pour cet accès avec ceux identiques d’Amazon ;

Attendu qu’il est ressorti des débats que c’était un algorithme { géré aux USA) qui, en fonction de différents paramètres notamment des critères de performance, mais également d’autres éléments comme par exemple la souscription à l’option payante « Expédié par. », déterminait l’accès ou non des produits du vendeur tiers à la box puis du rang d’apparition de ceux qui n’y sont pas sur les écrans suivants du consommateur ; que les paramètres de cet algorithme n’ont pas été communiqués à la DGCCRF et au tribunal et qu’en toute hypothèse ils peuvent être modifiés à tout moment discrétionnairement ; que la combinaison des critères de performance et de l’algorithme offre donc bien à Y la possibilité de discriminer arbitrairement un vendeur tiers et d’en tirer profit ; que par ailleurs, le fait que ce soit une simple possibilité n’exclut nullement le délit puisqu’il est caractérisé par la soumission ou « /a tentative » de soumission ;

Attendu en outre que la faculté qu’a tout vendeur tiers de résilier à tout moment et sans préavis son contrat ne rééquilibre nullement les 7 clauses manifestement déséquilibrées car, comme il a été démontré ci-dessus, il est en pratique lourd, complexe et couteux pour un vendeur tiers de changer de place de marché : qu’il s’agit donc d’une symétrie purement optique et formelle ;

Attendu enfin qu’il serait conforme aux usages qu’Y contractualise les conditions d’accés à la « Buy box », car il est déterminant dans le montant des ventes des vendeurs tiers, mais que le tribunal n’a été saisi d’aucune demande à ce titre :

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Le tribunal dira que les 7 clauses du contrat, les conditions et les pratiques en découlant examinées ci- dessus, liant la société AMAZON SERVICES EUROPE aux vendeurs tiers sur la place de marché Amazon.fr, avec le concours d’AMAZON FRANCE SERVICES, contreviennent à l’article L.442-6 | 2° du code de commerce.

Sur_les mesures demandées par ls Ministre__de l’Économie et des Finances (injonction de modifier des clauses des contrats, amende civile, astreinte et publication) :

1° les clauses devant être modifiées :

Attendu que le Ministre demande au tribunal au tribunal d’ordonner à Y de modifier ou de supprimer toutes les clauses contrevenant à l’article L.442-6 1 2° précité ; mais que Y soutient, dans ses conclusions additionnelles régularisées à l’audience du 1 juillet 2019, qu’il n’était ni utile, ni opportun, ni justifié de lui ordonner de cesser certaines des pratiques litigieuses pour l’avenir car le 17 avril 2019 le Parlement Européen a adopté en première lecture un projet de Règlement « promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d’intermédiation en ligne » ; qu’en effet d’une part selon elle le dit Règlement « opère une harmonisation maximum du droit des États membres applicable aux contrats conclus entre les places de marché en ligne et les vendeurs tiers qui entrerait en vigueur fin 2020 et d’autre part qu’elle travaille actuellement à intégrer dans ses contrats les dispositions dudit règlement » ;

Attendu cependant que, contrairement à ce que soutient Y, l’article 1.4 dudit projet dispose : « /8 présent règlement est sans préjudice des règles nationales qui, conformes au droit de l’Union, interdisent ou sanctionnent les comportements unilatéraux ou les pratiques déloyales dans la mesure ou les aspects pertinents ne sont pas régies par le présent règlement » ; que cette formulation correspond en droit français notamment aux pratiques qui contreviennent à l’article L.446 du code commerce qui, en l’état de la jurisprudence de la CJCE est conforme au droit de l’Union ; que par ailleurs le dit projet n’est pas à ce stade définitif et que sa date d’entrée en vigueur, 12 mois après sa publication en langue française est inconnue ; que de plus les modifications aux contrats qu’Y aurait l’intention d’y apporter ne sont ni connues ni a fortiori entrées en vigueur ;

Attendu qu’enfin et surtout l’article 12 du code de procédure civile dispose que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables » ce qui signifie en l’état du droit au moment où il se prononce ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que le moyen d’Y sur le fait que dans l’attente d’un Règlement européen il n’y aurait lieu d’ordonner la cessation des pratiques litigieuses dans l’avenir est non fondé en droit ;

Attendu que, sur les 11 clauses du contrat d’Y contestées par le Ministre, le tribunal n’en aura retenu que 7 pour lesquelles il a jugé, voir cinquième partie, qu’elles étaient manifestement déséquilibrées au détriment des vendeurs tiers :

En conséquence, le tribunal ordonnera à AMAZON SERVICES EUROPE de modifier ou supprimer les 7 clauses, de l’ensemble contractuel défini par l’article 19 du contrat « Amazon Services Europe Business Solutions », figurant dans son dispositif à savoir les points 17,1 et 3, es politiques relatives aux critères de performance, les clauses S-3.2, S-4, et S-6 et F-12 etF-13;

Attendu que le tribunal aura jugé que 3 clauses (S-1.4, les points 4,12 et 16 et les points 6,7 et 8) ne sont pas déséquilibrées ; Le tribunal déboutera le Ministre de l’Économie de sa demande d’injonction de les modifier :

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Attendu que, dans les échanges précédant les débats, Y a indiqué avoir procédé, postérieurement à l’assignation du Ministre, à la modification de la clause S-1.3; qu’il lui en sera donc donné acte.

2° l’astreinte :

Attendu que le prononcé d’une astreinte dans la présente affaire est nécessaire en ce qui concerne les modifications ou suppressions de 6 des 7 clauses figurant qu’il aura ordonnées ci-dessus ;

Le tribunal dira que les modifications ou suppressions des 6 clauses suivantes, le point 17, les points 1 et 3, la clause S-3.2, la clause S-4, la clause S-6 et les clauses F-12 et F13, devront avoir été opérées dans les 180 jours suivant la signification du présent jugement sous peine d’une astreinte de 10.000€ par jour de retard et ce pour une période de 60 jours à l’issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution ;

Le tribunal déboutera le Ministre de sa demande de voir prononcer une astreinte pour assurer l’exécution de l’injonction relative à la modification des Politiques en ce qui concerne les critères de performance.

3° l’amende civile demandée par le Ministre sur le fondement de l’article L.442-6 II! du code de commerce :

Attendu que l’article L.442-6 III du code de commerce prévoit, dans sa rédaction issue de la loi du 9 décembre 2016 applicable au présent litige, que lorsque l’action est introduite par le ministère public, par le Ministre chargé de l’économie ou par le Président de l’Autorité de la concurrence : « b} ils peuvent également demander le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 5 millions d’euros. Toutefois, cette amende peut être portée… , de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5% du chiffre d’affaires hors taxes réalisés en France par l’auteur des pratiques … »;

Attendu que le Ministre demande au tribunal de condamner in solidum Y, AFS et APE à payer une amende civile de 9,5 millions €, soit 1,78% de 534 millions d’E ; que ce chiffre de 534 millions € correspond en effet à la partie du chiffre d’affaires hors taxe en France (de 5 milliards en 2016) constitué par les seules commissions payées par les vendeurs tiers (le montant total des dites commissions payées par ces derniers sur toutes les places de marché d’Amazon dans le monde s’élevant lui à 42 milliards $ en 2018); que cette demande est motivée par le trouble à l’ordre public économique résultant du caractère manifestement déséquilibré, au détriment des vendeurs tiers de l’ensemble ayant valeur contractuelle défini par l’article 19 du contrat Y -et des modalités pratiques de leur mise en œuvre tant par cette dernière que par AFS:

Attendu que l’amende civile, prévue par l’article L.442-6 II! précité, qui a une finalité répressive et dissuasive, est plafonnée à 5 millions d’E mais que son montant peut ètre porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France ; que cependant le Ministre ne donne aucun élément permettant de quantifier les avantages tirés par Y des déséquilibres manifestes relevés: qu’il en résulte que le montant de l’amende ne saurait être supérieur au plafond de 5 millions édicté par l’article précité:

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Attendu qu’il a été vu longuement ci-dessus les raisons pour lesquels un trouble sérieux à l’ordre économique résultait du contrat et des pratiques Y en ce qu’elles se traduisaient par des contraintes excessives, discrétionnaires, exorbitantes par rapport aux usages, pouvant être très sérieusement préjudiciables aux vendeurs tiers ;

Attendu que sont remplis les critères de nature à justifier une amende civile tels que l’importance considérable d’Amazon dans le secteur de la vente en ligne, de la partie du chiffre d’affaires d’Y constitué par les commissions, en croissance exponentielle ( doublement au niveau mondial entre 2006 et 2016 et doublement à nouveau entre 2016 et 2018), de l’effet d’entrainement incontestable qu’a la place de marché de cette dernière sur les autres en raison de sa position de leader incontesté, de sa notoriété, de sa taille, et de sa présence dans le monde entier :

Attendu cependant que Amazon, en inventant il y a une quinzaine d’année le concept de place de marché virtuelle, a été un pionnier (première grande invention dans le domaine de la distribution depuis les centres commerciaux il y a une cinquantaine d’années) et a apporté aux consommateurs comme aux petits fournisseurs et distributeurs des avantages incontestables tout en contribuant à exercer une pression à la baisse sur le niveau général des prix ; qu’elle a pour ce faire réaliser d’importants investissements:

Attendu de plus qu’Y a fait preuve de bonne foi depuis l’ouverture de l’enquête de la DGCCRPF, que le Ministre lui a donné acte de ce qu’elle avait clarifié la compréhension de plusieurs clauses ; qu’il n’a pas été établi que Y aurait usé intentionnellement d’une clause pour pénaliser un vendeur tiers concurrent et en retirer un profit ; maïs qu’il est exact, comme le soutient le Ministre, que l’existence du délit de l’article L.442-6 résulte du seul fait que la rédaction d’une clause le permet potentiellement et qu’il a été démontré que certaines clauses offrait très facilement à Y la possibilité d’évincer ou surtout de limiter les ventes d’un vendeur tiers concurrent par le biais de la combinaison de la « Buy box » et d’un algorithme ;

Attendu que par ailleurs Y, dans une démarche positive de nature à éviter ou limiter certains des griefs formulés ci-dessus, a mis en place début 2018 une équipe (dite « Account Health Support ») affectée à l’aide aux vendeurs tiers pour les alerter d’une suspension imminente de leur compte, les aider à identifier la cause de la dégradation de leurs indices de performance commerciale et à l’améliorer ; que le tribunal relèvera cependant que la mise en place de ce dispositif démontre a contrario la non pertinence du moyen de défense d’Y, tiré de l’automatisation, pour justifier à plusieurs reprises dans ses écritures et lors des débats l’absence d’engagement contractuel de préavis, de motivation d’une suspension ou résiliation du contrat, de réalisation d’une enquête pour toutes les réclamations des consommateurs, de notification obligatoire à l’adresse de mail personnelle du vendeur tiers d’une décision l’affectant ;

Attendu enfin et surtout que Y a indiqué dans ses conclusions du 15 avril 2019 en page 66 que « le groupe Amazon a pris la décision de mettre à jour ses contrats en Europe et {ravaille actuellement à la rédaction d’une nouvelle version du contrat Y qui entrera en vigueur dans les prochains mois .…..; l’objectif est de contractualiser et/ou clarifier des principes et interprétations appliquées par Amazon en particulier en matière de préavis lorsqu’elle modifie ou résilie le contrat Y , de licence sur les droits de propriété intellectuelle que les vendeurs tiers l’autorisent à utiliser, de suspension el de résiliation des comptes des vendeurs tiers. Le nouveau contrat devrait également abandonner certaines clauses qui ne sont plus appliquées. » (souligné par le tribunal) :

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Attendu que, si les modifications, qui seraient opérées aux dires d’Y, remédieraient effectivement aux différents griefs formulés par ce tribunal à l’encontre des clauses qu’il aura jugé manifestement déséquilibrés, alors elles seraient susceptibles de faire disparaitre l’infraction mais pour l’avenir seulement ; que pour autant l’infraction a non seulement bien existé dans le passé mais est toujours constituée pour l’instant et ce jusqu’à ce que lesdites modifications entrent en vigueur :

Attendu qu’en effet les dispositions ayant valeur contractuelle, du fait de l’article 19 du contrat Y, par leur lettre et par leurs conditions de mise en œuvre ont nécessairement fragilisé un certain nombre de vendeurs tiers, dont il est rappelé qu’ils sont dans leur très grande majorité de petite taille et dont il a été vu ci-dessus qu’ils étaient très dépendants d’amazon.fr;

Attendu que certaines des clauses discrétionnaires sont particulièrement exorbitantes du droit commun et des usages en raison de l’absence de tout préavis en cas de modifications des contrats, des « Politiques », et des indicateurs de performance, en raison, en cas de résiliation ou suspension du compte d’un vendeur tiers, de l’absence de connaissance de la durée de ladite suspension pour des motifs de plus imprécis, en raison de clauses plus défavorables au vendeur tiers qu’à Amazon, en cas de remboursement d’un client dans le cadre de la garantie À à Z, et en raison surtout de l’utilisation d’un algorithme opaque pour déterminer les conditions d’accès à la « Buy box», accès déterminant pour le chiffre d’affaires du vendeur tiers ;

Attendu que l’amende civile a une vocation répressive pour le passé mais également dissuasive pour l’avenir pour Y et que, vu la place prépondérante et prééminente de la place de marché virtuelle de produits finis pour le consommateur final (B to C) du groupe Amazon en France, une telle amende aura aussi un rôle dissuasif :

Attendu toutefois que, pour prendre en compte la bonne foi d’Amazon et sa volonté affirmée dans ses écritures et lors des débats de modifier rapidement et significativement certaines des clauses dénoncées par le Ministre; le tribunal limitera le montant de l’amende à 75% du plafond de 5 millions fixé par la loi du 9 décembre 2016, arrondi à 4 millions d’euros ;

En conséquence le tribunal condamnera in solidum la SARL AMAZON SERVICES EUROPE et la SAS AMAZON FRANCE SERVICES au paiement d’une amende civile de 4 millions d’euros, déboutant pour le surplus :

4° Les publications et affichages demandés par le Ministre sur le même fondement :

Attendu que le Ministre demande au tribunal d’ordonner à Y de AFE de faire publier à leurs frais le présent jugement dans 10 journaux, de le faire paraître sur leurs sites internet et de dire que la DGCCRF pourra publier le dispositif du dit jugement sur son propre site internet ;

Attendu toutefois qu’une large publicité de l’enquête de la DGCCRF a déjà été assurée par la publication du communiqué de presse du Ministre du 18 décembre 2017; que ce communiqué a été repris par plus de 113 média ; que le présent jugement fera certainement également l’objet d’un communiqué de presse du Ministre qui sera vraisemblablement largement repris et commenté par les média; que par ailleurs le tribunal dira que la DGCCRF peut le publier sur son site : qu’il en résulte que les demandes du Ministre sont excessives et disproportionnées;

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En conséquence le tribunal déboutera le Ministre de toutes ses demandes de publications sauf en ce qui concerne la publication par {a DGCCRPF du dispositif du présent jugement sur son site ;

VIIT- Sur l’article 700 du CPC, l’exécution provisoire et les dépens :

Attendu que le Ministre pour faire valoir ses droits a dû engager des frais, non compris dans les dépens, qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ;

Le tribunal condamnera in solidum AMAZON SERVICES EUROPE ET AMAZON France SERVICES à payer au Ministère de l’Économie et des Finances la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du CPC ;

Attendu que l’exécution provisoire est sollicitée, que le tribunal ne l’estimant pas nécessaire et compatible avec la présente affaire, if ne l’ordonnera pas :

Attendu qu’AMAZON SERVICES EUROPE ET AMAZON France SERVICES succombent, qu’elles seront donc condamnées in solidum aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS Le Tribunal statuant par jugement contradictoire en premier ressort :

+ Déboute la société AMAZON FRANCE SERVICES de sa demande de mise hors de cause,

+ _Prononce la mise hors de cause de la société AMAZON PAYMENTS EUROPE,

+ Dit que l’article L.442-6 | 2° du code de commerce est applicable à AMAZON SERVICES EUROPE et à AMAZON FRANCE SERVICES

+ Dit que sont manifestement déséquilibrées, sans qu’un quelconque rééquilibrage du contrat ne soit opéré, et donc contreviennent à l’article L.442-6 | 2° du code de commerce, les 7 clauses du contrat, des conditions et des pratiques en découlant, liant la société AMAZON SERVICES EUROPE à ses cocontractants vendeurs sur sa place de marché amazon.fr, suivantes :

— le point 17 du contrat Y intitulée « modifications » du contrat et de ses conditions, en raison de l’absence d’une part de préavis et d’autre part d’obligation contractuelle de notification individuelle,

— les clauses du contrat Y relatif à la suspension ou résiliation du contrat et de ses conditions : le point 1 en raison de l’ambiguïté de sa rédaction et le point 3 en raison de son caractère général et imprécis, et l’absence d’obligation contractuelle de notification individuelle, de préavis, et de motivation,

— les Politiques et conditions contractuelles telles que définies par le Seller Central et le site amazon.fr relatives aux critères de performance, en ce que les méthodes d’évaluation de ces derniers ne sont pas explicités, qu’ils sont susceptibles d’évoluer de manière discrétionnaire, sans notification individuelle et sans préavis et que la durée de la suspension du compte du vendeur tiers est arbitraire et imprécise,

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— la clause S-6, intitulé « maitrise du site » relatif au rejet de la mise en vente d’un produit, en raison de sa généralité et de l’imprécision de sa rédaction,

— la clause S-3.2 du contrat Y relative à la garantie À à Z, telle qu’elle est rédigée et mise en oeuvre concrètement,

— la clause S-4 du contrat Y, combinée avec la clause S-1.1, relative à «la parité des conditions », du fait de son ambigüité,

— les clauses F-12 et F-13 du service « Expédié par Amazon » relatives à la responsabilité de cette dernière,

e En conséquence, ordonne à AMAZON SERVICES EUROPE de cesser de mentionner et de mettre en oeuvre les 7 dispositions litigieuses susmentionnées dans son ensemble contractuel tel que défini par l’article 19 du contrat et ce sur tous types de supports à destination de ses cocontractants vendeurs, notamment sur l’interface Seller Central et sur le site amazon.fr,

+ Dit que les modifications ou suppressions des 6 clauses suivantes, le point 17, les points 1 et 3, la clause S-3.2, la clause S-4, la clause S-6 et les clauses F-12 et F13, devront avoir été opérées dans les 180 jours suivant la signification du présent jugement sous peine d’une astreinte de 10.000€ par jour de retard et ce pour une période de 60 jours à l’issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non- exécution,

+ Déboute le Ministre de sa demande de voir prononcer une astreinte pour assurer l’exécution de l’injonction relative à la modification des Politiques en ce qui concerne les critères de performance,

+ Dit que ne sont pas déséquilibrées la clause S-1.4 relative à la suspension ou l’annulation d’une transaction , le point 2 intitulé « frais de service », les clauses S-4, S-12 , et S-16 relatives à l’utilisation des marques et des éléments de propriété intellectuel du vendeur, les points 12 intitulé « confidentialité », F-10.3 relatif au stockage pour « Expédié par. », 6, 7 relatifs à la limitation de responsabilité pour les cas où le litige concerne un vendeur tiers et son client, et 8 de limitation de responsabilité pour négligence,

+ Donne acte à AMAZON SERVICES EUROPE de ce que, en modifiant en 2017 la rédaction de la clause S-1.3 relative aux frais d’expédition, cette dernière en a supprimé les éléments susceptibles d’introduire un déséquilibre significatif,

En conséquence, déboute le Ministre de l’Économie de sa demande d’enjoindre à AMAZON SERVICES EUROPE de modifier les 4 clauses figurant dans les deux paragraphes ci-dessus,

e Condamne in solidum la SARL AMAZON SERVICES EUROPE et la SAS AMAZON FRANCES SERVICES au paiement d’une amende civile de 4 millions d’euros, déboutant pour le surplus,

+ Déboute le Ministre de l’Économie de sa demande de voir publier aux frais d’AMAZON SERVICES EUROPE le présent jugement dans les médias,

+ Dit que la DGGCRF pourra procéder à la publication du dispositif du présent jugement sur son site internet,

+ Condamne in solidum la société d’AMAZON SERVICES EUROPE et AMAZON FRANCE SERVICES à payer au Ministère de l’Économie la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

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+ Condamne in solidum la société d’AMAZON SERVICES EUROPE et AMAZON FRANCE SERVICES aux dépens de l’instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidé à la somme de 122,31 € dont 20,17 € de TVA.

En application des dispositions de l’article 871 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1» juillet 2019, en audience publique de plaidoirie, devant M. D E, Mme F G, M. H I.

Un rapport oral a été présenté lors de cette audience par M. D E, . Délibéré le 19 juillet 2017 par les mêmes magistrats.

Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La minute du jugement est signée par M. D E président du délibéré et par Mme Lucilia Jamois, greffier.

Le greffier. Le président.



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Tribunal de commerce de Paris, 2 septembre 2019, n° 2017050625