Tribunal de commerce / TAE de Paris, 21 novembre 2024, n° 2021035677
TCOM Paris 21 novembre 2024

Arguments

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  • Rejeté
    Recevabilité de l'action

    Le tribunal a constaté que l'affaire précédente n'a pas été remise au rôle et qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de jonction.

  • Rejeté
    Manquement aux obligations contractuelles

    Le tribunal a jugé que la vente n'était pas devenue parfaite car les conditions nécessaires n'avaient pas été remplies.

  • Rejeté
    Rupture fautive des pourparlers

    Le tribunal a estimé que les pourparlers peuvent être librement rompus et qu'AO n'a pas démontré une faute des actionnaires.

  • Accepté
    Abus du droit d'ester en justice

    Le tribunal a constaté que l'action d'AO a causé un préjudice à AM AN, justifiant des dommages-intérêts.

  • Accepté
    Abus du droit d'ester en justice

    Le tribunal a jugé que l'action d'AO a causé un préjudice à CM-CIC, justifiant des dommages-intérêts.

  • Accepté
    Abus du droit d'ester en justice

    Le tribunal a constaté que l'action d'AO a causé un préjudice à BNP PARIBAS, justifiant des dommages-intérêts.

  • Rejeté
    Abus du droit d'ester en justice

    Le tribunal a jugé que les demandes de GCF étaient disproportionnées et a débouté GCF de sa demande de publication.

Résumé par Doctrine IA

Dans cette décision du Tribunal de Commerce de Paris, la société AO demande la jonction de deux instances et la reconnaissance de la validité d'un contrat de cession d'actions, ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral. Les questions juridiques posées concernent la recevabilité de l'action d'AO, la validité de la cession d'actions, et la responsabilité des défendeurs pour rupture de pourparlers. Le tribunal déclare l'action d'AO recevable, mais infirme ses demandes de dommages-intérêts, considérant que la vente des actions n'est pas devenue parfaite et que les défendeurs n'ont pas engagé leur responsabilité. AO est condamnée à verser des dommages-intérêts aux défendeurs pour procédure abusive.

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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 21 nov. 2024, n° 2021035677
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris
Numéro(s) : 2021035677

Texte intégral

*1DE/06/34/45/65*
Copie exécutoire : CHOLAY
REPUBLIQUE FRANCAISE Martine, MARCEL Maxence, SCP

Brodu Cicurel Meynard Gauthier
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Marie , SCP D’AVOCATS HUVELIN & ASSOCIES ,

SELARL ORTOLLAND & ASSOCIES TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS Copie aux demandeurs : 2

Copie aux défendeurs : 12 3 EME CHAMBRE
JUGEMENT PRONONCE LE 21/11/2024 par sa mise à disposition au Greffe

RG 2021035677
ENTRE : SA AO, dont le siège social est […]enclos […] – RCS B 896520038 Partie demanderesse : assistée de Me LAUDE Olivier Avocat (R144) et comparant par Me DELAY-PEUCH Nicole Avocat (A377)
ET :
1) SARL SOVIN, dont le siège social est […] – RCS B 803902899
2) M. X Y, demeurant […]
3) Mme Z épouse X AA, demeurant […] Parties défenderesses : assistées de Me FILET Xavier Avocat (D0082) et comparant par Me CHOLAY Martine Avocat (B242)
4) SA BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, dont le siège social est […] – RCS B 348540592 Partie défenderesse : assistée du CABINET SWIFT LITIGATION représenté par Me Julien MARTINET Avocat (D1329) et comparant par la SCP Brodu Cicurel Meynard Gauthier Marie Avocat (P240)
5) SASU CREDIT MUTUEL EQUITY SCR venant aux droits de SAS CM-CIC INVESTISSEMENT SCR, dont le siège social est 28 avenue de l’Opéra 75002 Paris – RCS B 317586220 Partie défenderesse : assistée de Me GIGNOUX Véronique Avocat au Barreau de Lyon et comparant par la SCP D’AVOCATS HUVELIN & ASSOCIES Avocat (R285)
6) Société Civile AM AN, dont le siège social est […] […] – RCS B 499056653 Partie défenderesse : comparant par Me MARCEL Maxence Avocat (RPJ092472) 7) SAS LES GRANDS CHAIS DE FRANCE, dont le siège social est […] – RCS B 315999201 Partie défenderesse : assistée de Me MONTFORT Cédric Avocat au Barreau de Lyon et comparant par la SELARL ORTOLLAND & ASSOCIES Avocat (R231)
APRES EN AVOIR DELIBERE
LES FAITS

Le groupe BEJOT, dont la société mère était la société BEJOT VINS ET TERROIRS (ci- après « BVT ») était un producteur et négociant en vins, implanté en Bourgogne dont le capital était détenu notamment par M. et Mme AB et par la société alors dénommée AC X et devenue la SARL SOVIN. Il comptait à l’époque des faits 38


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filiales, environ 200 collaborateurs et réalisait un chiffre d’affaires consolidé de 48,5 millions d’euros. Le 30 mars 2016 BVT fait l’objet d’une perquisition par le Service des Douanes et la DGCCRF (Direction Générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) dans le cadre d’une enquête pour fraude menée sur commission rogatoire du juge d’instruction près le TGI de Dijon. Le président de BVT, M. Y AB, est mis sous contrôle judiciaire et interdit de conduire toute activité en matière vinicole. Il démissionne de ses fonctions le 13 mai 2016. M. AD, de la SARL DE, manager de transition, prend la direction des entreprises du groupe et , par ordonnances des 7 avril et 4 mai 2016, le tribunal de commerce de Dijon désigne la SELARL AJ PARTENAIRES, en la personne de Me Maurice AQ en tant que mandataire ad hoc, pour aider notamment BVT et ses filiales dans les négociations avec l’ensemble de ses partenaires financiers, les banques, auprès desquelles BVT avait contracté selon AO 52,1 millions d’euros de dettes (au 30 juin 2016), et trois créanciers, BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, CM-CIC INVESTISSEMENT SCR (ci-après « CM-CIC »), et la SC AM AN auprès desquels BVT avait souscrit en 2014 un emprunt obligataire de 12 millions d’euros. Quelques mois avant, le 21 janvier 2016, BVT avait mandaté SODICA (qui n’est pas dans la cause), la banque d’affaires du Crédit Agricole, pour l’accompagner dans une cession globale du groupe.
Dans le cadre de sa mission, SODICA contacte en avril 2016 la société AO, l’un des leaders français de la filière vinicole, qui est dirigée par M. AE AF, président du directoire. Le 3 juin 2016, AO transmet à SODICA une lettre d’intention ferme pour la reprise de BVT, valable jusqu’au 10 juin 2016 ; un addendum du 14 juin 2016 lui donne une exclusivité de négociation jusqu’au 20 juillet 2016. Le 27 juillet 2016, AO présente une seconde offre de reprise, qu’elle améliore par une nouvelle offre le 1er août 2016. Un deuxième candidat, la société LES GRANDS CHAIS DE FRANCE (ci-après « GCF »), dont le président est M. AG AH, se présente le 3 août 2016. Les deux candidats remettent tour à tour de nouvelles offres jusqu’à ce que Me PICARD, par courriel du 9 août 2016, leur demande de transmettre leur dernière offre ferme et définitive pour le soir même, à 18 heures. Seule GCF répond dans ce délai, et la société AC X, les époux AB, en qualité de Cédants, et GCF, en qualité de Cessionnaire, concluent le 23 août 2016, par acte sous seing privé, un contrat portant sur la cession des 13 296 actions de la société BVT. Le 12 septembre 2016 est signé un protocole de conciliation entre le groupe BVT et ses filiales d’une part, et les banques, les créanciers obligataires et les crédits bailleurs immobiliers d’autre part, dans lequel les banques et les créanciers obligataires s’engagent à renoncer à tout recours à l’égard de la SARL X et de M. et Mme AB.
Le 29 août 2016, AO dépose une plainte pénale simple devant le tribunal de grande instance de Dijon, visant des faits de transmission au profit de GCF d’informations confidentielles communiquées par AO dans le cadre des négociations menées avec les actionnaires de BVT en juillet et août 2016 ; une procédure d’instruction pénale pour faits de violation du secret professionnel et d’abus de confiance est initiée par le Parquet de Dijon.
Considérant que GCF et les actionnaires et partenaires financiers de BVT ont eu un comportement fautif, AO assigne par acte extrajudiciaire du 22 mars 2017 la société SOVIN, M. Y AB, Mme AA AI épouse AB, BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, CM-CIC, AM AN et GCF devant le tribunal de céans ; l’affaire est enrôlée sous le n° RG 2017019882.
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Un jugement du 1er mars 2019 ordonne la disjonction des demandes en deux instances, l’une ayant trait aux demandes d’AO à l’égard de la société GCF, qui conserve le n° RG 2017019882, l’autre ayant trait à ses demandes vis à vis de la société SOVIN, de M. Y AB, de Mme AA AI épouse AB, de BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, de CM-CIC et de AM AN, instance enrôlée sous le n° RG n°2019058694 par jugement du 25 octobre 2019. Pour défaut de diligence, le tribunal de céans prononce la radiation de l’affaire n° RG 2019058694 par jugement du 25 octobre 2019, ainsi que celle de l’affaire n° RG 2017019882, par avis du 12 mars 2020.
Par courrier au greffe et aux parties du 19 mai 2021, AO demande le rétablissement avant le 3 juin 2021 des deux affaires ; l’affaire n° RG 2017019882 est rétablie sous le n° RG 2021024148 et l’affaire n° RG 2019058694 est rétablie sous le n° RG 2021024146.
Compte tenu de l’incident de péremption d’instance soulevé par les défendeurs dans le cadre de ces deux affaires, AO délivre par acte du 15 juillet 2021 une nouvelle assignation, à l’origine de la présente instance n° RG 2021035677. Cette affaire fait l’objet d’un jugement sur incidents du 12 avril 2022.
Par deux autres jugements prononcés le 12 avril 2022, concernant pour l’un l’affaire n° RG 2021024148 et pour l’autre l’affaire RG 2021024146, le tribunal accueille l’incident de péremption d’instance soulevé par certains défendeurs. AO interjette appel de ces deux jugements par déclarations des 3 (RG 2021024146) et 10 juin 2022 (RG 2021024148).
Aux termes d’un arrêt du 2 avril 2024, la Cour d’appel de Paris infirme le jugement du 12 avril 2022 dans l’affaire RG 2021024146. […]appel dans l’affaire RG 2021024148 est toujours pendant.
La plainte avec constitution de partie civile déposée par AO le 29 août 2016 devant le tribunal de grande instance de Dijon fait l’objet d’une ordonnance de non-lieu, confirmée par un arrêt de la Chambre d’instruction de la cour d’appel de Dijon en date du 16 novembre 2022.
LA PROCEDURE
Par acte extrajudiciaire signifié les 15 et 16 juillet 2021, la société AO assigne la société SOVIN, M. Y AB, Mme AA AI épouse AB, BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, CM-CIC, AM AN et GCF devant le tribunal de céans.
Par conclusions récapitulatives n°3 régularisées à l’audience du 26 juin 2024, AO demande au tribunal de : Vu les articles 1134, 1371 et 1382 anciens et 1583 nouveau du Code civil, Vu les principes régissant l’enrichissement sans cause,

1) Sur l’action de la société AdVini à l’encontre des actionnaires de la société AR Vins et Terroirs : la société Sovin (anciennement dénommée société Y AB), Monsieur Y AB, Madame AA AB, la société BNP Paribas Développement, la société Crédit Mutuel Equity SCR et la société Blue Moon A titre principal :
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Prononcer la jonction des instances enrôlées sous les numéros RG 2021024146 et 2021035677,
JUGER recevable l’action initiée par la société AdVini à l’encontre des actionnaires de la société AR Vins et Terroirs, à savoir : (i) la société Y AB, (aujourd’hui dénommée Sovin), (ii) Monsieur Y AB, (iii) Madame AA AB, (iv) la société BNP Paribas Développement, (v) la société Crédit Mutuel Equity SCR et (vi) la société Blue Moon et débouter les défendeurs précités de leur exception d’irrecevabilité,
JUGER que la vente de l’intégralité des actions de la société AR Vins et Terroirs est devenue parfaite le 11 août 2016 entre la société AdVini et les actionnaires de la société AR Vins et Terroirs, à savoir : (i) la société Y AB, (aujourd’hui dénommée Sovin), (ii) Monsieur Y AB, (iii) Madame AA AB, (iv) la société BNP Paribas Développement, (v) la société Crédit Mutuel Equity SCR et (vi) la société Blue Moon ;
JUGER qu’en refusant de transférer la propriété des actions de la société AR Vins et Terroirs à la société AdVini, les actionnaires de la société AR Vins et Terroirs susvisés ont manqué à leurs obligations contractuelles envers la société AdVini au titre du contrat de vente du 11 août 2016 ;
JUGER qu’en manquant à leurs obligations contractuelles, les actionnaires de la société AR Vins et Terroirs susvisés ont causé un préjudice matériel et moral à la société AdVini qu’ils sont tenus de réparer ; A titre subsidiaire :
JUGER que les actionnaires de la société AR Vins et Terroirs, à savoir : (i) la société Y AB, (aujourd’hui dénommée Sovin), (ii) Monsieur Y AB, (iii) Madame AA AB, (iv) la société BNP Paribas Développement, (v) la société Crédit Mutuel Equity SCR et (vi) la société Blue Moon, ont engagé leur responsabilité civile délictuelle à l’égard de la société AdVini à raison de la rupture fautive des pourparlers ;
JUGER que par leurs fautes respectives, les actionnaires de la société AR Vins et Terroirs susvisés ont causé un préjudice matériel et moral à la société AdVini qu’ils sont tenus de réparer ;
2) Sur l’action de la société AdVini à l’encontre de la société Les Grands Chais de France A titre principal.
Juger recevable l’action initiée par la société AO à l’encontre de la société LES GRANDS CHAIS DE France et débouter celle-ci de son exception d’irrecevabilité ;
JUGER que la société Les Grands Chais de France a engagé sa responsabilité civile délictuelle à l’égard de la société AdVini par son comportement parasitaire ;
JUGER que par son comportement fautif, la société Les Grands Chais de France a causé un préjudice matériel et moral à la société AdVini qu’elle est tenue de réparer ; A titre subsidiaire.
JUGER qu’en s’appropriant le résultat de l’audit de la société AR Vins et Terroirs réalisé et financé par la société AdVini, ainsi que les termes juridiques et logistiques de l’offre de reprise rédigée par la société AdVini, se dispensant par là même d’engager des dépenses à ce titre, la société Les Grands Chais de France s’est enrichie sans cause au détriment de la société AdVini ; En tout état de cause.
DEBOUTER la société Les Grands Chais de France et les actionnaires de la société AR Vins et Terroirs, à savoir : (i) la société Y AB, (aujourd’hui dénommée Sovin), (ii) Monsieur Y AB, (iii) Madame AA AB, (iv)
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la société BNP Paribas Développement, (v) la société Crédit Mutuel Equity SCR et (vi) la société Blue Moon de tous leurs moyens, fins et prétentions ;
AJ la société Les Grands Chais de France in solidum avec la société Sovin (anciennement dénommée société Y AB), Monsieur Y AB, Madame AA AB, la société BNP Paribas Développement, la société Crédit Mutuel Equity SCR et la société Blue Moon, à payer à la société AdVini la somme de 3.856.537 euros à titre de dommages-intérêts, dont 3.506.537 euros à titre de réparation de son préjudice matériel et 350.000 euros à titre de réparation de son préjudice moral ;
AJ la société Les Grands Chais de France in solidum avec la société Sovin (anciennement dénommée société Y AB), Monsieur Y AB, Madame AA AB, la société BNP Paribas Développement, la société Crédit Mutuel Equity SCR et la société Blue Moon, à payer à la société AdVini la somme de 60.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions en réponse n°3 et récapitulatives, régularisées à l’audience du 26 juin 2024, GCF demande au tribunal :
Vu les articles 32-1,385, 386, 388, 367, 377 et 378 du Code de procédure civile,
Vu l’article 4 du code de procédure pénale,
Vu les articles 1134, 1371, 1382 anciens, l’article 1240 et l’article 1355 du Code civil,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,

In limine litis
Déclarer irrecevables les demandes présentées par la société AO dans la présente instance en vertu du principe de concentration des moyens et de l’autorité de la chose jugée ;

A titre subsidiaire, au fond
Recevoir la société LES GRANDS CHAIS DE France dans toutes ses demandes, fins moyens et conclusions,
CONSTATER l’absence de tout comportement parasitaire de la société LES GRANDS CHAIS DE France à l’encontre de la société AD VINI,
CONSTATER l’absence d’enrichissement sans cause de la société LES GRANDS CHAIS DE FRANCE au détriment de la société AD VINI,
DÉBOUTER la société AD VINI des demandes, fins, moyens et conclusions de la société AD VINI,

A titre reconventionnel
CONSTATER le caractère abusif de la présente procédure à l’encontre de la société LES GRANDS CHAIS DE FRANCE,
AJ la société AD VINI au paiement de 1 000.000 € de dommages et intérêts au titre du comportement abusif et malveillant au préjudice de la société LES GRANDS CHAIS DE FRANCE,
Condamner la société AO à faire publier à ses frais dans les 15 jours de signification de la décision à intervenir un encart dans le quotidien LES ECHOS d’au moins une demi page reprenant le dispositif de la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 10 000 € par jour de retard,
Réserver sa compétence pour connaître de toute forme de difficulté au sujet de cette publication ainsi que de liquidation de ladite astreinte,
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En tout état de cause
AJ la société AD VINI aux entiers dépens, ainsi qu’à verser 200.000 € à LES GRANDS CHAIS DE FRANCE au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions récapitulatives N° 4 régularisées à l’audience du 26 juin 2024, CREDIT MUTUEL EQUITY SCR, venant aux droits de CM-CIC [Le tribunal conservera le nom de CM- CIC, qui était celui de ce défendeur au moment des faits, dans le cadre de la présente décision], demande au tribunal de :
Vu l’article 32 et l’article 100 du Code de Procédure Civile,
Vu l’article 1832 du code civil et L. 228-11 du Code de Commerce,
Vu les articles 1112, 1134, 1382 (devenu 1240) et 1583 du Code Civil,
Vu les jugements du Tribunal de Commerce du 1er mars 2019 et du 25 octobre 2019,
Vu les jugements du Tribunal de Commerce du 12 avril 2022,
Vu les pièces pénales versées au débat,
Juger que le Tribunal doit se dessaisir de cette seconde procédure au profit de la première procédure engagée et enrôlée avec les numéros de rôle RG n° 2021024146 et RG n°2021024148

A titre principal
Juger nul le prêt de consommation du 5 juin 2008,
Juger que la société CM-CIC INVESTISSEMENT SCR n’a pas la qualité d’actionnaire,
Juger irrecevable l’action de la société AO à l’encontre de la société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR,
Juger que l’offre de la société AO du 11.08.2016 était faite hors délai et donc irrecevable,
Juger que l’offre de la société AO du 11.08.2016 était soumise à plusieurs conditions qui n’étaient pas remplies,
Juger que la vente de l’intégralité des actions de la société BEJOT VINS ET TERROIRS n’est pas devenue parfaite le 11.08.2016 entre les actionnaires de la société BEJOT VINS ET TERROIRS,
Juger qu’il n’y a aucune faute de la part de la société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR à refuser de transférer la propriété de ses obligations à la société AO,
Dire et juger que sa responsabilité contractuelle n’est pas engagée,
Débouter la société AO de l’intégralité de ses demandes,

De manière subsidiaire.
Juger que la société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR n’a pas rompu abusivement les pourparlers,
Juger que la société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR n’a pas engagé sa responsabilité délictuelle,
Débouter la société AO de l’intégralité de ses demandes,
Rejeter l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir pour les demandes de condamnation d’AO,
Prononcer l’exécution provisoire de droit pour les demandes de condamnation de la société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR,
Condamner la Société AO à verser à la Société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR la somme de 50.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive,
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Condamner la Société AO à verser à la Société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR la somme de 60.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’en tous les dépens.
A l’audience du 14 février 2024, BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT demande au tribunal de :
Vu l’article 32 du Code de procédure civile Vu les articles 1382, 1583 du Code civil, In limine litis
Juger la demande adverse de jonction inopportune,
Se dessaisir au profit de la formation en charge des instances précédemment engagées et enrôlées avec les n° RG 2021024146 (anciennement RG n°2019058694) et n° RG 2021024148 (anciennement RG n°2017019882) conformément aux dispositions de l’article 100 du CPC ;
Prendre acte du fait que la demande de sursis à statuer formée par AO se trouve désormais sans objet compte tenu de l’ordonnance de non-lieu définitive rendue dans la procédure pénale ;

Sur le fond
A titre principal, déclarer irrecevable l’ensemble des demandes de la société AO dirigé à l’encontre de BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT ;

A titre subsidiaire,
Débouter la société AO de la totalité de ses prétentions à toutes fins qu’elles comportent ;

En tout état de cause.
Débouter AO de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées contre BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT ;
Prononcer le rejet de l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
Condamner la société AO à payer à BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT la somme de 60.000€ au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions n° 3 régularisées à l’audience du 26 juin 2024, la société AM AN demande au tribunal de :

Vu les articles 1114 et 1583 du Code civil,
Vu les articles 3, 31,122, 514, 514-1, 514-2 et 700 du Code de procédure civile,
Vu l’article L 228-55 du Code de commerce,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,
PRONONCER l’irrecevabilité des demandes formulées par AO à l’encontre de AM AN pour défaut de qualité à agir de la défenderesse ;

Si, par extraordinaire, les demandes formulées par AO à l’encontre de AM AN devaient être déclarées recevables :
DEBOUTER la société AO de l’ensemble de ses demandes infondées et injustifiées formulées à l’encontre de la société AM AN,
DEBOUTER la société AO de l’ensemble de ses demandes de condamnations in solidum formulées à l’encontre de l’ensemble des défendeurs ;
PRONONCER le rejet de l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
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AJ la société AO à payer à la société AM AN la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive qu’elle a intentée,
AJ la société AO à payer à la société AM AN la somme de 15.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
AJ la même aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions récapitulatives n°1 régularisées à l’audience du 26 juin 2024, la société SOVIN, M. Y AB et Mme AA AI épouse AB demandent au tribunal de :
Vu les articles 1240 et suivants du code civil :
Débouter la société AO de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions (sic),
Rejeter l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir sur les demandes de la société AO,
Juger que la société AO a laissé dégénérer en abus son droit d’ester en justice à l’égard des concluants,
Condamner la société AO à verser à chacun de la société SOVIN, M. Y AB et Mme AA AI épouse AB la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Condamner la société AO à verser à chacun de la société SOVIN, M. Y AB et Mme AA AI épouse AB la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
[…]ensemble des demandes formées aux audiences précitées fait l’objet d’écritures, déposées et échangées en présence d’un greffier qui en prend acte sur la cote de procédure ou régularisées par le juge.
Les parties sont convoquées à l’audience du juge chargé d’instruire l’affaire du 24 Juin 2024 ; elles se présentent toutes à l’audience. En raison de la complexité et de la lourdeur de l’affaire, les parties sont reconvoquées et se présentent à l’audience du juge du 2 octobre 2024 …
Après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le juge clôt les débats, m juin et l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé le 21 novembre 2024 par sa mise à disposition au greffe du tribunal, conformément au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
MOYENS ET MOTIVATION

Sur la litispendance, la recevabilité de la présente action et la jonction
AO soutient que :
La Cour d’appel de Paris a infirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris qui avait prononcé la péremption d’instance de l’affaire RG 2021024146 ; l’affaire a donc été rétablie. Les demandes exprimées dans le cadre de cette affaire étant les mêmes que celles de la présente affaire, il convient de les joindre.
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Les deux jugements du 12 avril 2022 dans les affaires RG 2021024146 et RG 2021024148 statuaient uniquement sur l’exception de péremption soulevée par les défendeurs ; l’autorité de la chose jugée s’attache au seul dispositif du jugement, en l’espèce l’exception de péremption. La présente instance initiée en juillet 2021 ne porte en aucun cas atteinte à l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 2 avril 2024 sur l’instance RG 2021024146, ces décisions n’ayant à aucun moment tranché le fond du litige.
GCF répond que :
Le principe de concentration des moyens, applicable en procédure civile, impose aux parties de présenter dès la première instance l’ensemble des moyens et demandes et les demandes qui ne tendent qu’à remettre en cause, en dehors de l’exercice des voies de recours, une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée sont irrecevables ;
Or c’est ce que fait AO avec la présente instance ; le tribunal de commerce de Paris a jugé les demandes issues des assignations délivrées en mars 2017 (RG 2021024146 et RG 2021024148) atteintes par la péremption d’instance, AO a relevé appel de ces jugements mais également présenté une nouvelle assignation pour soutenir les mêmes demandes que dans les deux affaires, sans jamais renoncer ou cesser les procédures faisant double ou triple emploi ; il eut été plus simple pour AO de ne pas faire appel et de se concentrer sur la présente instance ou, à défaut, de se désister de 2 des 3 instances parallèles ;
Il en résulte que les demandes formulées et maintenues dans la présente instance sont irrecevables.
BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT soutient que :
En vertu de l’article 100 du CPC, si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre ;
En conséquence, le tribunal doit se dessaisir au profit de la formation en charge des instances précédemment engagées et pendantes, à savoir les affaires RG 2021024146 et RG 2021024148 et il n’y a lieu d’ordonner une jonction.
Sur ce
[…]exception de litispendance ayant été soulevée par BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT avant toute défense au fond et irrecevabilité, le tribunal la dira recevable.
[…]article 100 du code de procédure civile dispose que : « Si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d’office ». Le tribunal observe que les affaires 2021024146 et 2021035677 ont toutes deux étés portées devant la même juridiction, le tribunal de commerce de Paris et que l’exception de litispendance n’a donc pas vocation à s’appliquer en la présente affaire.
En conséquence, le tribunal déboutera BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT de son exception de litispendance.
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Concernant la demande d’irrecevabilité de GCF, le tribunal constate que le jugement du tribunal de céans sur l’affaire 2021024146 prononçant la péremption de l’instance et l’arrêt de la Cour d’appel du 2 avril 2024 infirmant ce jugement ne portaient pas sur le fond du litige mais uniquement sur l’exception de péremption soulevée par les défenderesses ; que la présente instance ne porte donc pas atteinte à l’autorité de la chose jugée ; le tribunal dira donc la présente action recevable.
En ce qui concerne la demande de jonction entre les deux affaires 2021024146 et 2021035677 formulée par la société AO, le tribunal constate que l’affaire 2021024146, qui a été infirmée par arrêt de la Cour d’appel en date du 2 avril 2024, n’a pas été remise au rôle du tribunal de commerce de céans par l’une des parties et dira qu’il n’y a donc lieu de statuer sur la demande de jonction de cette affaire avec l’affaire n°2021035677.
Le tribunal observe que BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT ne s’exprime pas sur la demande qu’elle fait au tribunal de « Prendre acte du fait que la demande de sursis à statuer formée par AO se trouve désormais sans objet compte tenu de l’ordonnance de non-lieu définitive rendue dans la procédure pénale » ; qu’AO ne formule pas cette demande dans ses écritures du 26 juin 2024 ; qu’il n’y a donc lieu de se prononcer sur la demande faite à cet égard par BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT dans ses écritures du 14 février 2024.
Sur la recevabilité des demandes d’AO à l’encontre de la société BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, de la société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR venant aux droits de CM-CIC INVESTISSEMENT SCR et de la société AM AN

|Pour une meilleure compréhension, le tribunal évoquera d’abord les arguments des demandeurs à l’irrecevabilité de ces demandes, BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, CREDIT MUTUEL et AM AN, puis les arguments en réponse d’AO]
BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT soutient que :
En vertu de l’article 1832 du code civil, l’associé est la personne qui s’engage « par un contrat » en vue « d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter », ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT n’a jamais eu la qualité d’actionnaire. Elle s’est vue prêter par M. AB, dans le cadre d’une « convention de prêt de consommation d’action » du 5 juin 2008, 1 action sur les 13 296 actions composant le capital de la société devenue BVT ; aux termes de cette convention, BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT s’est engagée à rendre et restituer cette action à M. AB à première demande de celui-ci, sachant qu’il était précisé qu’aucune rémunération (dividende) n’était due ; BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT n’a pas été partie au contrat du 23 août 2016 entre, d’une part, la SARL AC X, M. Y AB et Mme AA AB en qualité de cédants et, d’autre part, la société LES GRANDS CHAIS DE France en qualité d’acquéreur, contrat portant sur la cession des 13 296 actions de la société BVT dont seuls les cédants étaient titulaires ; quant au protocole d’accord de conciliation du 12 septembre 2016, elle l’a signé en qualité de créancier obligataire ;
Les demandes de condamnation formées par AO à son encontre sont donc irrecevables.
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CM-CIC développe les mêmes arguments que BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT et ajoute qu’en vertu de l’article 1844 du code civil ne peut être considéré comme associé celui qui se trouve privé de toute rémunération sociale, ce qui est le cas en l’espèce ; selon elle, la jurisprudence le confirme et la cour d’appel de Versailles 25 février 2010 (Hervey c/SA AK AL 08-8044= a jugé qu’une telle convention n’opère aucun transfert de propriété.
AM AN reprend les mêmes arguments que BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT et ajoute que si elle a effectivement signé un contrat de prêt de consommation d’action avec M. AB le 5 juin 2008, cette action a été restituée à ce dernier le 12 mai 2016.
AO répond que :
Aux termes de l’article 1893 du code civil, le prêt de consommation opère transfert à l’emprunteur de la chose prêtée, soit, dans le cas d’espèce, de l’action prêtée ;
[…]article 1 des deux (BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT et CM-CIC) prêts à la consommation stipule que les emprunteurs s’engagent à rendre et à restituer à M. AB les actions prêtées, les termes utilisés prouvant que le transfert de propriété est prévu ;
[…]article 3 n’empêche pas les emprunteurs de percevoir les dividendes, il ne s’agit pas d’une clause de renonciation mais d’une clause de reversement qui n’est donc pas de nature à remettre en cause le transfert de propriété ;
Dans le PV de l’assemblée générale mixte du 13 mai 2016, il est indiqué que la quatrième résolution a été adoptée par 13 293 voix ayant voté pour et 2 contre (CMC-CIC et BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT), celles-ci étant désignées comme associées ;
La cession entre M. AB et GCF le 23 août 2016 était soumise à plusieurs conditions suspensives dont le fait que les trois prêts de consommation auront été résiliés ;
La restitution des actions prêtées n’est intervenue qu’au mois d’octobre 2016.


Sur ce
Le tribunal rappelle que l’article 1892 du code civil dispose que : « Le prêt de consommation est un contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité » et que l’article 1893 du même code précise que « Par l’effet de ce prêt, l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée … » ; il constate que BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, CM-CIC et AM AN, toutes trois détentrices d’un prêt de consommation d’action, étaient bien propriétaires de la chose prêtée en l’espèce, et étaient donc actionnaires de la Société au moment de la cession de la société BVT.

Surabondamment, le tribunal observe :
que le contrat de cession du 23 août 2016 stipule en son article 3.1 sur les conditions suspensives que « […]Acquéreur ne sera tenu d’acquérir les Actions Cédées qu’une fois réalisé l’ensemble des conditions suspensives visées ci-après : … (d) les trois prêts de consommation portant chacun sur une action de la Société consentis par M. Y AB en faveur de BNP PARIBAS, de CM-CIC Investissement et de Blue Moon, auront été résiliés et les Cédants détiendront la totalité des Actions Cédées », établissant de façon non contestable que les trois sociétés, détentrices d’un prêt de consommation d’action, étaient bien actionnaires de la société au moment de la signature du contrat de vente ;
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que le procès-verbal des délibérations de l’Assemblée Générale Mixte du 13 mai 2016 de la société BVT constate que « les associés présents possèdent ou représentent 13 295 actions sur les 13 296 composant le capital social », rend compte d’une observation de CM-CIC et indique, dans sa quatrième résolution sur la nomination de la SARL DE (M. AD) en tant que présidente de BVT, suite à la démission de M. AB, pour une période de trois mois et dans sa cinquième résolution sur la rémunération de la SARL DE que : « cette résolution est adoptée par 13 293 voix ayant voté pour, 2 voix (CM-CIC Investissement SCR et BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT) ayant voté contre », preuve que CMC CIC et BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT étaient bien actionnaires de la société et en exerçaient les prérogatives, le tribunal notant que cette AG s’est apparemment déroulée en l’absence de AM AN puisque les associés présents représentaient 13295 actions sur les 13296 composant le capital social.
En conséquence,
Le tribunal dira que les sociétés BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, CREDIT MUTUEL EQUITY SCR, venant aux droits de CM-CIC INVESTISSEMENT SCR, et AM AN étaient actionnaires de la société au moment de la cession de celle-ci à la société GCF et que l’action de la société AO à leur encontre est recevable.


Sur le fond

Sur les fautes commises selon AO par les actionnaires (la société Y AB, [aujourd’hui dénommée SOVIN], Monsieur Y AB, Madame AA AB, la société BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, la société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR venant aux droits de CM-CIC et la société AM AN)

AO soutient que :
1) La responsabilité civile contractuelle des actionnaires est engagée du fait de leur refus d’exécuter le contrat de cession de BVT ;
[…]article 583 du code civil dispose que la vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ;
Il ressort des faits de l’espèce qu’un accord parfait est intervenu le 11 août 2016 entre les actionnaires et AO pour la vente de 100 % des titres de BVT ;
[…]offre d’AO ne saurait être qualifiée d’offre tardive : le mandataire avait pris l’initiative d’enfermer le processus d’offre dans un délai expirant le jour même mais il a après renoncé à cette condition puisqu’il a, par un courriel du 11 août 2016 à 18h12 (pièce 61), demandé à GCF, après lui avoir communiqué la dernière offre faite par AO le même jour à 15h 03 et alors que cette offre avait été acceptée par les actionnaires, de lui adresser une offre révisée ; M. AB a reconnu que GCF a donné un million de plus et s’est alignée sur la dernière offre d’AO ce qui a conduit les obligataires à revenir sur leur consentement et à basculer le 12 août 2016 en faveur de l’offre de GCF ; c’est la dernière offre révisée de GCF du 12 août 2016 , où elle accepte dans la foulée d’acquérir la SCI Les Chanterelles, qui a été finalement acceptée et non celle émise le 9 août 2016 ; l’offre du 9 août 2016 n’a jamais reçu l’accord des Actionnaires ; il faut en conclure que le dépôt des
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offres fermes n’était enfermé dans aucun délai ou a minima qu’il a été renoncé à ses conditions ;
les actionnaires affirment que l’offre émise par AO ne pourrait être considérée comme une offre ferme car elle aurait été conditionnelle et que ces conditions n’auraient jamais été remplies, ce qui est faux :
Les défendeurs soutiennent que l’absence de valorisation des titres d’AO permettant de payer les obligataires à hauteur de 3 millions d’euros aurait rendu le prix indéterminé ; or l’offre est claire, AO l’a fixée à 3 millions d’euros, avec l’acquisition des titres de BVT pour 1 euro , le remboursement des obligations convertibles détenues par les créanciers obligataires moyennant le prix total de 3 millions d’euros payés en actions AO et un paiement des encours bancaires à 70
% de leur montant ; le fait que les titres d’AO ne soient pas valorisés ou identifiés n’a strictement aucune incidence sur la détermination du prix proposé ;
Les défendeurs avancent que la clause de renonciation par les obligataires à tout recours contre la SARL AC X et M. AB n’aurait pas été acceptée : or les actionnaires ont formellement donné leur accord à l’offre d’AO qui prévoyait une clause de non recours ; ils ont donc accepté de renoncer à tout recours ;
Les défendeurs arguent que l’offre d’AO n’avait pas reçu l’assentiment des banques : s’agissant d’une vente de gré à gré la décision de céder les titres appartenait uniquement aux actionnaires et non aux banques (pièce 33).

2) Subsidiairement, la responsabilité civile délictuelle des actionnaires est engagée du fait de la rupture fautive des pourparlers
Dans l’hypothèse où le tribunal ne retiendrait pas l’existence d’un contrat de cession intervenu le 11 août 2016, la responsabilité des actionnaires doit être engagée sur un fondement délictuel ; en effet la conduite des pourparlers crée un rapport juridique entre les parties ; les pré-contractants sont liés par un ensemble de devoirs, notamment dans le cadre d’une opération de cession des droits sociaux pour laquelle le processus de négociation peut être long ;

Les actionnaires ont commis une série de manquements fautifs caractéristiques d’un comportement abusif et déloyal
o Ils ont accepté d’engager des discussions parallèles avec GCF et reconnu qu’il y avait eu une fuite des informations résultant de l’audit au bénéfice de GCF ;
o Alors qu’ils avaient accepté sans réserve l’offre d’achat ils ont conclu moins de 24 h plus tard l’opération avec GCF ; il s’agit d’une rupture des pourparlers faite de manière brutale et de manière fautive ; ils ont donc engagé leur responsabilité civile délictuelle et causé un important préjudice à AO.


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BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT répond que :
1) Aucun contrat de cession n’a été conclu au profit d’AO

En droit la vente est un contrat consensuel qui, sauf stipulation contraire, opère un transfert de propriété dès l’échange des consentements ; pour que l’acceptation puisse emporter la formation de la vente, il faut qu’elle intervienne à un moment où l’offre subsiste ;
Aucune cession n’a pu intervenir au profit d’AO le 11 août 2016, son offre ayant été présentée hors délai ; AO prétend qu’un accord parfait serait intervenu le 11 août 2016 mais non seulement l’offre était tardive mais elle n’a pas été acceptée ;
[…]offre d’AO date du 10 août 2016 alors que celle de GCF a été déposée le 9 août 2016 à 17h 20 ;
Aucune faute ne saurait être reprochée à BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT qui n’a participé à la procédure de mandat ad hoc qu’en qualité d’obligataire et n’avait donc pas pouvoir pour accepter l’offre de tel ou tel repreneur ; aux termes de son courrier du 11 août 2016 AO réclamait seulement de la part des obligataires une réponse non pas d’acceptation de l’offre, ce que les obligataires n’avaient pas qualité à faire, mais de « confirmation de notre proposition à l’ensemble des parties concernées » ;
En tout état de cause, la seule action qui avait été prêtée à BNP PARIBAS a été restituée à M. AB le 12 octobre 2016 ;
AO sera d’autant plus déboutée (sic) qu’elle n’a pas formé de tierce opposition à l’encontre du jugement d’homologation de l’accord de conciliation émis par le tribunal de commerce de Dijon le 27 septembre 2016 comme l’y autorisait l’article L 611-10 du code de commerce.
2) Sur l’absence de rupture fautive des pourparlers
En droit, les pourparlers sont régis par le principe de la liberté contractuelle et les pourparlers peuvent être librement rompus ; la responsabilité d’une partie pour rupture fautive des pourparlers suppose de sa part une faute patente et indiscutable ;
La jurisprudence consacre le droit pour une partie de mener des négociations parallèles avec un tiers ; l’argumentation d’AO n’est donc pas pertinente, et ce d’autant moins que ce n’est que postérieurement à l’exclusivité de négociation accordée jusqu’au 20 juillet 2016 à AO que GCF a approché BVT et qu’AO n’a pas sollicité le renouvellement de la période d’exclusivité.
CM-CIC soutient que :
1) Sur l’absence de responsabilité contractuelle

[…]offre d’AO a été faite hors délai, le 10 août 2016, comme le montre la note récapitulative du mandataire du 11 août 2016 ; cette note du mandataire ad hoc exonère de toute responsabilité les obligataires ;
Comme le montre l’arrêt de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Dijon, AO n’a pas renouvelé la période d’exclusivité au-delà du 20 juillet 2016, commettant une erreur stratégique ;
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Dans le cadre de l’enquête, M. AF a reconnu que la fuite de ses données n’avait pu provenir d’un des obligataires dès lors que ces derniers n’avaient eu connaissance de l’intervention de GCF que le 4 août 2016, le lendemain de la première offre par GCF ;
CM-CIC n’a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité puisque l’offre du groupe AO n’était pas une offre ferme ; elle était soumise à plusieurs conditions : l’acceptation d’un prix constitué par la remise d’actions AO, l’acquisition de l’intégralité des action BVT, l’acceptation par les banques du paiement des encours bancaires à 70 % de leur montant, et la renonciation à tout recours contre la SARL AC X et M. et Mme AB.

2) Sur l’absence de responsabilité délictuelle

AO n’apporte aucune preuve de ses dires sur une appropriation frauduleuse par GCF du travail confidentiel accompli par AO et CM-CIC ignorait totalement cette éventualité.


AM AN soutient que :
1) Sur son absence de responsabilité contractuelle
AM AN a été consultée dans le cadre de la restructuration de BVT mais en sa qualité de créancier, au même titre que les créanciers du pool bancaire qui ne sont pourtant pas visés dans la présente procédure et qui avaient bien plus d’influence et de pouvoir décisionnaire que les obligataires ; la cession des actions s’est opérée sans les obligataires qui n’ont été signataires que de l’accord de conciliation ;
AO n’a pas respecté le formalisme convenu entre les parties en présentant une dernière proposition hors délai, soit le 11 août 2016 ; cette proposition n’étant d’ailleurs pas une offre au sens juridique du terme mais une invitation à négocier ;
Cette proposition comportait des conditions sur des éléments essentiels du contrat, à savoir la valorisation des actions AO, avec lesquelles cette dernière comptait payer les obligataires, la renonciation des créanciers obligataires à tout recours, sachant que les banques n’ont cessé de se positionner contre la proposition d’AO, l’estimant trop faible.
2) Sur son absence de responsabilité délictuelle
Il n’est pas sérieux de déduire du procès-verbal d’audition de M. AP, président de AM AN, qu’il aurait reconnu qu’il y avait eu une fuite des informations ;
AM AN n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité délictuelle ;
AO, qui a délibérément choisi de ne pas renouveler sa période d’exclusivité, tente a posteriori de reporter l’erreur sur les défenderesses.



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Sur ce

Sur la responsabilité contractuelle des actionnaires

AO demande au tribunal de juger que la vente de l’intégralité des actions de la société BVT est devenue parfaite le 11 août 2016 entre la société AO et les actionnaires de BVT, à savoir la société Y AB, (aujourd’hui dénommée SOVIN), Monsieur Y AB, Madame AA AB, la société BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, la société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR venant aux droits de CM-CIC et la société AM AN, et de juger qu’en refusant de transférer la propriété des actions de la société BVT à la société AO, les actionnaires de la société BVT ont manqué à leurs obligations contractuelles envers la société AO au titre du contrat, causant de ce fait un préjudice matériel et moral à la société AO qu’ils sont tenus de réparer.
Les actionnaires de BVT arguent, en premier lieu, que par courriel du 9 août 2016, Me AQ a demandé à AO et à GCF de transmettre « leur dernière offre ferme et définitive » pour le jour même avant 18 heures, que GCF a transmis son offre le 9 août 2016 à 17h20 et qu’AO, en ne transmettant son offre que le 10 août 2016 à 9 heures, était hors délai ; que Me AQ dans sa note récapitulative du 11août 2016 adressée aux actionnaires et aux banques créancières souligne d’ailleurs que : « Lors des deux réunions téléphoniques du 10 août , vous avez considéré que l’offre du Groupe AO ne pouvait pas être retenue car elle n’avait pas respecté la procédure mise en place le 9 août », qu’aucune cession au bénéfice d’AO n’aurait donc pu intervenir pour cette raison.
Le tribunal observe cependant :
Que le procès-verbal de l’audition du 4 octobre 2018 de M. AB, effectuée dans le cadre de l’instruction pénale initiée par le Parquet de Dijon et versée au débat par AO permet de mieux comprendre le déroulement des faits et l’intervention des différents acteurs du processus de décision : « J’ai rencontré le 25 juillet 2016 AG AH… Nous avons exposé le topo sur AR. AH AG était surpris et devait être au courant de ce qui se passait. Il m’a répondu que cela pouvait l’intéresser … Entretemps … j’ai eu une réunion de travail le 26 juillet 2016 pour négocier ma sortie. M. AF est parti avec ses conseils pour une réunion bancaire chez AR. Il a présenté son offre avec un truc un peu alambiqué. Le soir, AS AD revient pour m’informer que les banques ont refusé l’offre, ils ont donné trois mois de plus et qu’il fallait trouver un autre candidat. Je rappelle AG AH qui m’indique aller signer chez Sapin et passer chez moi à l’issue. AS AD était présent… Il prenait des notes. … Il [M. AH,note du tribunal] est reparti après avoir mangé à la maison en m’indiquant qu’il était intéressé. Une offre est tombée. Je précise que j’étais l’actionnaire mais non plus le décideur. Il y a eu ensuite un certain nombre de conférences téléphoniques… Les banques étaient surprises de l’arrivée de M. AH. Je leur ai répondu que j’étais allé le chercher. Avec le conseil de AR et de Me AQ, nous étions d’accord que cela s’arrête car c’était des discussions de marchands de tapis. Nous avons posé un ultimatum pour le 9 août à 18 heures. AG AH a sorti une dernière offre à 17h45 en améliorant encore son offre. Je stipulais à Maître AQ vouloir une clause de non-recours. AF AE n’a pas fait d’offre. Le 10 août une conférence téléphonique a eu lieu qui constatait une seule offre. Entretemps il y avait eu un accord des obligataires, il [M. AF, note du tribunal] a donné un million de plus. AG AH s’est aligné. » ;
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Qu’effectivement, l’offre d’AO faite à 9 heures le 10 août 2016 a été suivie d’une deuxième offre d’AO à 15h03, améliorant le remboursement des créanciers obligataires et le remboursement du pool bancaire ;
Qu’à 15h29 le même jour CM CIC écrivait à M. AF « Nous marquons notre accord sur les termes de votre offre », qu’à 15h45 AM AN lui écrivait à son tour « Je vous donne mon accord », qu’à 16h33, BNP PARIBAS annonçait : « Dans la continuité de notre dernier mail au Mandataire demandant au candidat de nous proposer 25 % de notre créance, nous vous marquons notre accord pour prendre en considération votre offre ferme de 3M€ en titres de ce jour » ;
Qu’à 18h01, M. AB écrivait à AJ PARTENAIRES [Me AQ, note du Tribunal
] : « Dès lors qu’AO propose un remboursement aux banques équivalent et même supérieur à celui de GCF, toutes les conditions sont donc réunies pour aboutir à un accord et je vous indique dans ces conditions que je propose de céder l’intégralité des titres de BVT aux conditions initialement énoncées. C’est en effet la 1re fois que toutes les conditions sont enfin réunies et que l’on peut constater un accord » ;
Que la dernière offre d’AO était suivie le lendemain 11 août 2016 par une nouvelle offre de GCF avec une amélioration du remboursement des créanciers obligataires puis, le 12 août 2016, par une dernière offre de GCF, qui est acceptée ;
Que cette séquence montre clairement que les négociations se sont poursuivies avec les deux candidats après la date butoir du 9 août 18h, que le fait qu’AO n’ait pas déposé de nouvelle offre avant cette date butoir ne peut donc être considéré comme un argument permettant d’écarter ses prétentions dans la présente affaire.
[…]article 1583 du code civil dispose que : « La vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. »
S’appuyant sur cette disposition législative, et sur les courriels de CMC-CIC, AM AN et BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT ainsi que sur le courriel de M. AB à AJ PARTENAIRES, tels qu’exposés ci-dessus, AO argue que :
1) les Actionnaires, représentant l’intégralité du capital de BVT, ont tous explicitement accepté le 11 août 2016 son offre de rachat,
2) l’offre d’AO était ferme et définitive ; il est inexact d’affirmer, comme le font les Actionnaires que cette offre était conditionnelle et que ces conditions ne se seraient jamais réalisées.
Le tribunal observe cependant, au vu des éléments versés au débat :
Sans entrer dans l’examen détaillé des conditions de l’offre d’AO, que la clause de non recours n’avait effectivement pas été obtenue par AO puisque CM-CIC expose qu’elle s’est refusée à accepter cette clause tout au long des négociations et qu’elle ne l’a acceptée qu’au moment de la négociation du protocole de conciliation, donc après l’accord de cession, sur l’insistance de M. AH lui-même ;
Qu’en ce qui concerne les courriels des créanciers obligataires, les créanciers obligataires dont AO se targue d’avoir obtenu l’accord – la formulation choisie par BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT ne constituant de plus pas véritablement un accord – ne détenaient au moment des négociations qu’une action chacun et qu’ils n’ont pas été signataires de l’acte de cession ;
Que M. AB précise lui-même dans la déposition citée plus haut que, s’il était l’actionnaire, il n’était plus le décideur,
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Que le consentement des banques, qui détenaient une créance de plus de 50 millions sur la société, était de toute évidence indispensable à l’acceptation de l’offre, même si elles n’étaient pas actionnaires de la société,
Que les pièces versées au débat montrent que les banques n’ont pas accepté la première offre d’AO et que rien ne démontre que leur position ait changé au cours des négociations ;
Qu’AO ne démontre pas que les conditions posées par l’article 1583 du code civil aient été remplies.
En conséquence,
Le tribunal dira infondées les demandes de la société AO de juger que la vente de l’intégralité des actions de la société BVT est devenue parfaite le 11 août 2016 et de juger que les actionnaires de BVT ont manqué à leurs obligations contractuelles.
Sur la responsabilité délictuelle des actionnaires
AO demande au tribunal, à titre subsidiaire, de juger que les actionnaires de BVT – à savoir la société AC X, (aujourd’hui dénommée SOVIN), Monsieur Y AB, Madame AA AB, la société BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, la société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR et la société AM AN – ont engagé leur responsabilité civile délictuelle à son égard, arguant qu’ils auraient pris la décision de rompre les pourparlers de manière brutale, sans donner à AO de motif légitime pour justifier de cette rupture, et de manière fautive, puisqu’ils avaient d’ores et déjà donné leur accord à la dernière offre formée par AO le 11 août 2016.
Le tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, les pourparlers sont régis par le principe de la liberté contractuelle dans son aspect négatif de liberté de ne pas contracter et que les pourparlers peuvent être librement rompus. Il observe à cet égard :
Que la société AO disposait d’une exclusivité jusqu’au 20 juillet 2016, au terme de laquelle aucun accord ferme n’a pu être trouvé, qu’elle n’a pas souhaité prolonger cette exclusivité, et qu’à partir de cette date le mandataire judiciaire et les parties intervenant dans la négociation avaient toute liberté de négocier et contracter avec un nouveau candidat,
Qu’en tout état de cause, la négociation, ainsi qu’il a été établi ci-dessus, n’était pas entre les mains des actionnaires, chacun des créanciers obligataires ne détenant qu’une action sur les 13 296 actions de BVT et M. AB n’ayant plus pouvoir de décider.
En conséquence, le tribunal dira qu’AO ne démontre pas une faute des actionnaires dans la rupture des pourparlers ni, en conséquence, que les actionnaires auraient engagé leur responsabilité civile délictuelle.

Sur les fautes qu’aurait commises GCF

AO soutient que :

1) La responsabilité civile délictuelle de GCF est engagée du fait de son comportement parasitaire :
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En l’espèce, dans le cadre des négociations exclusives, AO a réalisé un audit exhaustif sur BVT : analyse, y compris financière, des deux domaines Miran et Montgiron, audit social, audit des systèmes d’information et audit juridique après que des irrégularités ont été mises à jour par les auditeurs ; elle a aussi initié nombre de démarches auprès des autorités de l’Etat ayant engagé des procédures de redressement vis-à-vis de BVT et mis au point un schéma de reprise permettant de minimiser le risque ;
Au cours de l’instruction judiciaire, l’on note de nombreuses contradictions sur la nature des documents et les informations qui auraient été exploités par GCF : GCF n’a donné aucun détail sur l’évaluation du passif et n’a procédé à aucun audit alors que l’on peut observer qu’elle a opéré une décote de la valeur des stocks similaire à celle mentionnée dans l’offre d’AO et que M. AH s’est contredit sur la provenance des informations utilisées ; les conversations téléphoniques entre M. AH et M. AB ont par ailleurs permis de révéler qu’il y avait concertation entre les intimés ;
Ce comportement parasitaire a causé un préjudice à AO qui doit être réparé.
2) Subsidiairement, GCF a bénéficié d’un enrichissement sans cause :
En vertu des articles 1303 et 1303-1 du code civil, la partie invoquant l’enrichissement sans cause doit apporter la preuve d’un enrichissement procuré à une personne, de l’appauvrissement corrélatif qu’elle subit et de l’absence de cause justifiant l’enrichissement ;
En l’espèce, en faisant usage des résultats des audits conduits par AO et des termes de l’offre de reprise, GCF a réalisé une économie aux frais d’AO sur le temps de travail de ses collaborateurs ainsi que sur le coût des honoraires des auditeurs extérieurs et des conseils financiers et juridiques.
GCF répond que :
1) Sur l’absence de parasitisme

Un candidat évincé de discussions ne peut obtenir d’indemnisation sur le fondement du parasitisme que s’il démontre que le candidat finalement retenu a utilisé un savoir-faire digne de protection et qui émane précisément du candidat évincé ;
La chronologie figurant dans les pièces du dossier d’instruction démontre que GCF et son dirigeant n’ont eu accès qu’à des informations et documents auxquels AO aussi avait accès ; en avril 2016, GCF a appris, comme le grand public, les difficultés douanières et judiciaires de Y AB ; le 22 avril 2016 elle était approchée par le cabinet SODICA, auquel M. AB, désirant céder ses activités, avait confié un mandat ; le 25 avril 2016, GCF recevait un mémorandum d’information de 73 pages, rédigé par SODICA, lequel comportait déjà un grand nombre d’informations et d’éléments ; le 28 juillet 2016, avait lieu un dîner de travail de 5 h avec les époux AB et M. AD et le 29 juillet 2016 GCF, qui est un professionnel de ce secteur d’activité et donc à même d’exploiter efficacement les données, a commencé à analyser les éléments de la très riche data room organisée par SODICA ; elle a ainsi pu adresser sa première offre le 3 août 2016 à Maître AQ ; le ministère public n’a pas manqué de le relever ;
La chambre d’instruction a confirmé qu’aucune des investigations entreprises pendant 5 ans ne permet d’établir qu’une des offres de reprise de BVT émanant
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d’AO ou des informations contenues dans celles-ci auraient fait l’objet d’une transmission frauduleuse à GCF ;
[…]absence d’appropriation frauduleuse est confirmée par les différences formelles notables entre les offres présentées ; et il ne peut être reproché à GCF d’avoir inclus des propositions proches de celles d’AO, compte tenu du caractère public des difficultés du groupe ainsi que de l’identification des éléments de passif cachés ;
AO ne démontre pas l’intention de nuire de GCF ni que cette dernière ait commis la moindre manœuvre frauduleuse ; elle ne peut donc invoquer la responsabilité délictuelle de GCF ;
[…]ensemble des éléments ont été soumis au juge d’instruction suivant la plainte d’AO qui, après 5 ans d’enquête, a conclu à un non-lieu.
Sur l’enrichissement sans cause

AO a accepté en pleine connaissance de cause d’engager des frais pour analyser une entreprise dont elle savait que l’acquisition était loin d’être certaine, son appauvrissement n’est donc pas sans cause ; quant à l’enrichissement de GCF, on le cherche en vain, elle qui a honoré ses obligations au titre du protocole de conciliation, s’est appauvrie des sommes versées et qui a obtenu en échange la reprise d’une entreprise potentiellement intéressante mais qui n’est en aucun cas susceptible de dégager une plus-value évidente.
Sur ce
AO demande au tribunal, à titre principal, de juger que GCF a engagé sa responsabilité civile délictuelle à son égard par son comportement parasitaire, lui causant un préjudice matériel et moral qu’elle est tenue de réparer et, à titre subsidiaire, de juger qu’en s’appropriant le résultat de l’audit de la société BVT réalisé et financé par elle, ainsi que les termes juridiques et logistiques de son offre de reprise, GCF s’est dispensée d’engager des dépenses à ce titre et s’est enrichie sans cause au détriment de la société AO.
Le tribunal observe que M. AE AF a déposé plainte le 29 août 2016 contre personne non désignée auprès de M. Le Procureur de la République de Dijon pour abus de confiance et violation du secret professionnel, affirmant que deux types de biens auraient été remis, à savoir la première offre écrite d’AO du 19 juillet 2016 portant sur la reprise des actifs et la seconde offre écrite révisée portant sur la reprise des titres le 1er août 2016, ce qui aurait permis à GCF de déposer une offre mieux-disante ; qu’une instruction pénale pour faits de violation du secret professionnel et d’abus de confiance a été initiée par le Parquet de Dijon ; que, dans ce cadre, M. AF, entendu les 16 octobre 2017 et 9 septembre 2019 par le magistrat instructeur, a prétendu que le rapport d’audit commandé par AO à ERNST & YOUNG aurait été frauduleusement diffusé et que GCF aurait indument disposé d’informations et de documents que seule AO aurait possédés ; que, sur la foi de ces allégations, GCF et M. AH ont été mis en examen par ordonnance du 11 août 2020 des chefs de recel de bien à l’aide d’un abus de confiance professionnel et de recel de bien provenant de la violation du secret professionnel ; que la commission rogatoire ordonnée le 6 octobre 2020 par le juge d’instruction a conclu, entre autres éléments, que les offres de GCF pour la reprise de BVT ont été réalisées sur la base de la data room organisée par SODICA à laquelle elle a eu légitimement accès à compter du 29 juillet 2016 et que ladite data room contenait suffisamment d’éléments comptables pour permettre à GCF de faire une offre de
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reprise cohérente du groupe BVT ; qu’une ordonnance de non-lieu a été prononcée le 22 juin 2022, sur laquelle AO a interjeté appel.
Le tribunal constate :
Que l’arrêt du 16 novembre 2022 de la Cour d’appel de Dijon a confirmé ce non- lieu,
Que l’arrêt n’a été frappé d''aucun pourvoi, qu’il est donc définitif et non susceptible de recours ;
Que cet arrêt établit dans ses attendus que : « Aucune des investigations entreprises par les services enquêteurs sur commission rogatoire pendant une durée de 5 ans, à savoir des auditions de témoins, de suspects, des perquisitions, des vérifications d’échanges de data, des écoutes téléphoniques, ne permettaient d’une quelconque manière d’établir qu’une des offres de reprise de la SAS BEJOT VINS ET TERROIRS émanant de la SA AO ou des informations contenues dans celles-ci, avaient fait l’objet d’une transmission frauduleuse à la société repreneur, LES GRANDS CHAIS DE France et son dirigeant AG AT ou les employés de cette société. »
Qu’AO, qui n’a pas démontré le bien-fondé de ses allégations dans le cadre de la procédure pénale initiée par le Parquet de Dijon, ne saurait donc arguer d’un comportement parasitaire de GCF pour soutenir que celle-ci aurait engagé sa responsabilité délictuelle ou qu’elle aurait pu bénéficier d’un enrichissement sans cause.
Le tribunal dira donc AO non fondée en sa demande principale de juger que GCF a engagé sa responsabilité civile délictuelle à son égard et de sa demande subsidiaire d’un enrichissement sans cause de GCF.
Sur les demandes de condamnation d’AO
Le tribunal aura déclaré infondées les demandes principales et subsidiaires d’AO à l’égard de la société Y AB, (aujourd’hui dénommée SOVIN), de Monsieur Y AB, de Madame AA AB, de la société BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, de la société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR venant aux droits de CM-CIC INVESTISSEMENT SCR et de la société AM AN.
. Le tribunal aura déclaré infondées les demandes principale et subsidiaire d’AO à l’égard de GCF.
En conséquence,
Le tribunal déboutera la société AO de sa demande de condamner la société LES GRANDS CHAIS DE FRANCE in solidum avec la société SOVIN (anciennement dénommée société Y AB), Monsieur Y AB, Madame AA AB, la société BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, la société CREDIT MUTUEL EQUITY SCR venant aux droits de CM-CIC INVESTISSEMENT SCR et la société AM AN à lui payer la somme de 3.856.537 euros à titre de dommages-intérêts, dont 3.506.537 euros à titre de réparation de son préjudice matériel et 350.000 euros à titre de réparation de son préjudice moral ;
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Sur les demandes reconventionnelles

CM-CIC soutient que :
Les dernières pièces versées au dossier prouvent que ce procès est un règlement de comptes entre deux dirigeants, MM AF et AH, qui sont concurrents ; aucune faute de CM CIC n’est démontrée, elle est donc fondée à demander la somme de 50 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l’obligation qu’ont eue ses dirigeants de consacrer de nombreuses heures pour préparer leur défense.
AM AN soutient que :
Si le droit d’ester en justice est un droit fondamental, il ne doit pas dégénérer en abus et, en application de l’article 1240 du code civil, le caractère abusif d’une action en justice permet le versement de dommages et intérêts et celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut en outre, en vertu de l’article 32-1 du CPC, être condamné à une amende civile ;
[…]abus du droit d’agir est évident en l’espèce et AM AN est bien fondée à solliciter la condamnation d’AO à lui régler la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
GCF soutient que :
La jurisprudence sanctionne par l’octroi de dommages-intérêts l’action qui ne repose sur aucun motif valable, traduit la mauvaise foi et la légèreté du demandeur, porte des accusations calomnieuses à l’encontre du défendeur, a pour but d’assouvir une vindicte personnelle, n’a pas de sérieuse chance d’aboutir et résulte d’un comportement malveillant de nature à ternir la réputation commerciale ou l’image du défendeur ;
[…]action intentée par AO est manifestement dictée par l’intention de nuire ; les agissements imputés sans fondement à GCF ont eu un impact considérable sur sa crédibilité et sur la confiance de ses clients et partenaires et lui ont causé ainsi un préjudice réputationnel et d’image certain et évident, justifiant l’octroi de dommages et intérêts à hauteur de 1 000 000 € ainsi qu’une publication par voie de presse du dispositif de la décision à intervenir.
La SARL SOVIN, M. Y AB et Mme AA AI-AB soutiennent que l’abus du droit manifeste d’ester en justice auquel s’est livrée AO justifie l’allocation à chacun d’entre eux la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
AO répond que :
1) Sur les demandes formées par CMC-CIC et AM AN

On peine à comprendre dans les écritures de CMC CIC et AM AN la faute prétendument commise par AO ;
AM AN affirme que les demandes de jonction et de sursis à statuer n’auraient pas été justifiées mais elles ont été jugées irrecevables en raison de la péremption prononcée par le tribunal de commerce de Paris par jugement du 12
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avril 2022, infirmé par la Cour d’appel de Paris qui a également rejeté toutes les demandes de condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CM CIC allègue avoir subi un préjudice matériel fondé sur le fait que ses dirigeants auraient dû passer de nombreuses heures pour préparer leur défense mais elle ne produit aucune preuve pour justifier de ce prétendu préjudice pas plus qu’elle ne justifie avoir subi une atteinte à son image ;
Les demandes reconventionnelles formées par CMC CIC et AM AN doivent donc être rejetées.
2) Sur les demandes reconventionnelles de GCF

GCF demande à titre reconventionnel qu’AO lui verse la somme extravagante de 1 000 000 € à titre reconventionnel aux motifs que :
o AO aurait artificiellement gonflé son cours de bourse alors même que l’AMF a analysé cette annonce comme ayant eu un faible impact, soulignant que la hausse des actions pouvait s’expliquer par une évolution globale haussière des marchés à cette date ;
o AO aurait déposé une plainte pénale qu’elle savait vouée à l’échec ; or si la plainte simple d’AO avait été vouée à l’échec, le Parquet de Dijon n’aurait pas pris l’initiative d’ouvrir une procédure d’instruction ni requis la mise en examen de GCF et de son dirigeant, M. AH le 11 août 2020 ;
GCF soutient avoir subi un préjudice réputationnel et d’image auprès de ses clients et partenaires mais elle ne verse aucune preuve et se plaint de la supposée légèreté de la plainte, se trompant de juridiction puisque seul pourrait être mis en cause devant le présent tribunal un abus de droit dans le cadre de la présente procédure et non un abus de droit dans le cadre d’une plainte pénale ; le tribunal relèvera que GCF a déposé exactement la même demande dans les mêmes termes dans sa citation devant le tribunal correctionnel de Dijon (pièce 84).
GCF ne démontre pas non plus en quoi une publication dans la presse du présent jugement assurerait la réparation d’un quelconque préjudice lié par un lien de causalité à la procédure commerciale.
Sur ce

[…]article 1240 du code civil dispose que : « Tout fait de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » et la jurisprudence sanctionne ainsi par l’octroi de dommages-intérêts l’action, notamment, qui porte des accusations calomnieuses à l’égard du défendeur ou qui résulte d’un comportement malveillant de nature à ternir la réputation commerciale ou l’image du défendeur.
Le tribunal constate à cet égard que l’action d’AO, qui s’est déroulée sur une période de sept années, a connu de multiples rebondissements de procédure, comme exposé ci-dessus dans les faits, dont certains ont été inutilement consommateurs de temps et d’énergie.
En tant que telle, cette action a porté un préjudice certain à AM AN et à CM CIC, qui, même s’ils ne pouvaient, en tant que détenteurs d’une action, qu’être considérés comme des actionnaires, n’avaient manifestement joué aucun rôle, ou un rôle mineur, dans le déroulé des négociations. Le préjudice subi par AM AN d’une part et par CM-CIC d’autre part
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justifie l’octroi de dommages et intérêts que le tribunal, au vu des éléments dont il dispose, évaluera à la somme de 15 000 € à chacun, déboutant pour le surplus.
GCF demande, quant à elle, au tribunal de condamner AO 1) à lui verser la somme de 1 million d’euros au titre du comportement abusif et malveillant qu’AO aurait eu à son encontre et 2) à faire publier à ses frais dans les 15 jours de signification de la décision un encart dans le quotidien LES ECHOS d’au moins une demi page reprenant le dispositif de la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 10 000 € par jour de retard.
En ce qui concerne l’annonce faite au marché par AO et la hausse du cours qui s’en est suivie, dont GCF considère qu’elle avait pour seul objectif de faire gonfler artificiellement son cours de bourse, le tribunal remarque que l’AMF (Autorité des Marches Financiers), sollicitée, a considéré que cette annonce avait eu un faible effet et que l’AMF n’a pas souhaité entendre M. AF sur ce sujet ; il ne retiendra donc pas cet argument.
AO fait par ailleurs observer que les arguments exposés par GCF concernant l’intention de nuire qui lui est prêtée ont trait pour l’essentiel à la procédure pénale et que GCF a formé la même demande devant le tribunal correctionnel de Dijon et dans la présente procédure.
Le tribunal observe sur ce point qu’il n’est pas possible de démêler l’effet de l’instruction pénale de celui des procédures devant le tribunal de commerce de Paris, tant celles-ci ont été concomitantes et en interaction durant ces sept années ; il retient à cet égard, :
Que la durée de la procédure devant le tribunal de commerce de Paris, et ses multiples rebondissements, souvent inutiles, comme évoqué ci-dessus, ont à l’évidence affecté au premier chef GCF, principale cible, en tant qu’acquéreur de BVT, de l’action intentée par AO,
Que cette action s’est déroulée dans un climat de calomnie et d’agressivité qui n’a pu que porter atteinte à l’image et à la réputation de GCF et de son président, comme en témoignent les nombreux articles parus dans la presse, presse nationale, presse régionale, presse économique et presse spécialisée, articles qui sont manifestement le fruit d’une campagne organisée et qui témoignent d’une incontestable volonté de nuire ;
Que cette action a causé à GCF un préjudice justifiant l’octroi de dommages et intérêts que le tribunal estimera, au vu des éléments dont il dispose, à la somme de 350 000 € ;
Que la demande de GCF de faire publier sous astreinte aux frais d’AO dans les 15 jours de signification de la décision à intervenir un encart dans le quotidien LES ECHOS d’au moins une demi page reprenant le dispositif de la décision revêt, en revanche, un caractère disproportionné et superfétatoire, et qu’il convient donc d’en débouter GCF.
Le tribunal considère, vu les faits de la cause, qu’il n’y a lieu d’allouer des dommages et intérêts à la société SOVIN, à M. Y AB et à Mme AA AI épouse AB.
En conséquence,
Le tribunal condamnera la société AO à payer à la société AM AN la somme de 15 000 € de dommages et intérêts, déboutant pour le surplus.
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Le tribunal condamnera la société AO à payer à CREDIT MUTUEL EQUITY SCR, venant aux droits de CM-CIC INVESTISSEMENT SCR la somme de 15 000 € de dommages et intérêts, déboutant pour le surplus.
Le tribunal condamnera la société AO à payer à la société GCF la somme de 350 000 € de dommages et intérêts, déboutant pour le surplus.
Le tribunal déboutera GCF de sa demande de faire publier sous astreinte aux frais d’AO dans les 15 jours de signification de la décision à intervenir un encart dans le quotidien LES ECHOS d’au moins une demi page reprenant le dispositif de la décision.
Le tribunal déboutera la société SOVIN, M. Y AB et Mme AA AI épouse AB de leur demande de dommages et intérêts.
Sur l’exécution provisoire

BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT et AM AN demandent au tribunal d’écarter l’exécution provisoire car il existe un risque élevé, pour le cas où AO obtiendrait gain de cause en première instance, qu’elle soit dans l’incapacité de restituer les sommes perçues en cas d’infirmation, dans la mesure où son exercice clos au 31 décembre 2020 fait apparaître un résultat négatif de 2 473 600 €.
AO répond que la demande de rejet de l’exécution provisoire de AM AN repose sur les données financières d’AO de son exercice clos au 31 décembre 2020, décorrélées de la situation financière actuelle, son EBE étant positif au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2022.
Sur ce

Le tribunal dira, au vu des faits de la cause, qu’il n’y a lieu d’écarter l’exécution provisoire.
En conséquence, le tribunal déboutera BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT et CREDIT MUTUEL EQUITY SCR, venant aux droits de CM-CIC INVESTISSEMENT SCR de leur demande d’écarter l’exécution provisoire et ordonnera l’exécution provisoire.
Sur l’article 700 CPC

Pour faire valoir ses droits, GCF a engagé des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ; en conséquence, le tribunal condamnera AO à lui payer la somme de 100 000 € au titre de l’article 700 CPC, déboutant pour le surplus.

Pour faire valoir ses droits, CREDIT MUTUEL EQUITY SCR, venant aux droits de CM-CIC INVESTISSEMENT SCR a engagé des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ; en conséquence le tribunal condamnera AO à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 CPC, déboutant pour le surplus.
Pour faire valoir ses droits, BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT a engagé des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ; en conséquence, le Tribunal condamnera AO à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 CPC, déboutant pour le surplus.
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Pour faire valoir ses droits, AM AN a engagé des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ; en conséquence, le Tribunal condamnera AO à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 CPC.
Pour faire valoir leurs droits, la société SOVIN, M. Y AB et Mme AA AI épouse AB ont engagé des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à leur charge ; en conséquence, le tribunal condamnera AO à leur payer la somme totale de 5 000 € au titre de l’article 700 CPC, déboutant pour le surplus.
AO qui succombe sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant publiquement, en premier ressort par jugement contradictoire :
Dit la SA BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT recevable en son exception de litispendance,
Déboute la SA BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT de son exception de litispendance,
Dit la SA AO recevable en son action,
Dit n’y avoir lieu à statuer sur la jonction des affaires RG 2021024146 et RG 2021035677,
Dit les demandes de la SA AO à l’égard de la SA BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, de la SAS CREDIT MUTUEL EQUITY SCR venant aux droits de la SAS CM-CIC INVESTISSEMENT SCR et de la Société Civile AM AN recevables,
Déboute la SA AO de sa demande de condamner la SAS LES GRANDS CHAIS DE FRANCE in solidum avec la SARL SOVIN (anciennement dénommée société Y AB), Monsieur Y X, Madame AA Z épouse X, la SA BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT, la SAS CREDIT MUTUEL EQUITY SCR venant aux droits de la SAS CM-CIC INVESTISSEMENT SCR et la Société Civile AM AN à lui payer la somme de 3.856.537 euros,
Condamne la SA AO à payer à la Société Civile AM AN la somme de 15 000 € de dommages et intérêts,
Condamne la SA AO à payer à la SAS CREDIT MUTUEL EQUITY SCR, venant aux droits de la SAS CM-CIC INVESTISSEMENT SCR la somme de 15 000 € de dommages et intérêts,
Déboute la SARL SOVIN, M. Y X et Madame AA Z épouse X de leur demande de dommages et intérêts
Condamne la SA AO à payer à la SAS LES GRANDS CHAIS DE FRANCE la somme de 350 000 € de dommages et intérêts,
Déboute la SAS LES GRANDS CHAIS DE FRANCE de sa demande de faire publier sous astreinte aux frais d’AO dans les 15 jours de signification de la décision à intervenir un encart dans le quotidien LES ECHOS d’au moins une demi page reprenant le dispositif de la décision à intervenir,
Condamne la SA AO à payer à la SAS LES GRANDS CHAIS DE France la somme de 100 000 € au titre de l’article 700 CPC,
Condamne la SA AO à payer à la SAS CREDIT MUTUEL EQUITY SCR, venant aux droits de la SAS CM-CIC INVESTISSEMENT SCR la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 CPC,
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Condamne la SA AO à payer la somme de 15 000 € à la SA BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT au titre de l’article 700 CPC ;
Condamne la SA AO à payer à la Société Civile AM AN la somme totale de 15 000 € au titre de l’article 700 CPC.
Condamne la SA AO à payer à la SARL SOVIN, M. Y X et Madame AA Z épouse X la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 CPC,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,
Déboute la SA BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT et SAS CREDIT MUTUEL EQUITY SCR, venant aux droits de la SAS CM-CIC INVESTISSEMENT SCR de leur demande d’écarter l’exécution provisoire et ordonne l’exécution provisoire.
Condamne la SA AO aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 252,80 € dont 41,71 € de TVA.
En application des dispositions de l’article 871 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 octobre 2024, en audience publique, devant Mme AV AW, juge chargé d’instruire l’affaire, les représentants des parties ne s’y étant pas opposés. Ce juge en a rendu compte dans le délibéré du tribunal, composé de : Mesdames AV AW, AX AY et AZ BA Délibéré le 06 novembre 2024 par les mêmes juges. Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La minute du jugement est signée par Mme AV AW, présidente du délibéré et par Mme Catherine Soyez, greffier.
Le greffier La présidente
Signé électroniquement par Signé électroniquement par Mme AV AW Mme Catherine Soyez

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Tribunal de commerce / TAE de Paris, 21 novembre 2024, n° 2021035677