Tribunal Judiciaire de Nancy, 23 avril 2021, n° 18197000138

  • Contenu manifestement illicite·
  • Contrefaçon·
  • Hébergeur·
  • Telechargement·
  • Fichier·
  • Agent assermenté·
  • Film·
  • Lcen·
  • Enquête·
  • Réquisition

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TJ Nancy, 23 avr. 2021, n° 18197000138
Numéro(s) : 18197000138

Texte intégral

Cour d’Appel de Nancy

Tribunal judiciaire de Nancy CHAMBRE JIRS

Jugement prononcé le : 23/04/2021 N° minute 32JIRS/21 N° parquet 181970000138

Plaidé le 21/01/2021 et 22/01/2021 – Délibéré le 23/04/2021

JUGEMENT CORRECTIONNEL

A l’audience publique du Tribunal Correctionnel de Nancy le VINGT ET UN et VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

Composé de : Président : Madame DUPONT Mireille, premier vice-président, Assesseurs : Madame ROUX Brigitte, premier vice-président,

Monsieur MELISON David, juge, Assistés de Monsieur GUENIN Geoffrey, greffier, en présence de Monsieur LEGAUT Vincent, vice-procureur de la République, a été appelée l’affaire ENTRE :

Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal, demandeur et poursuivant

PARTIES CIVILES :

La SA SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (SACEM), dont le siège social est sis […]: , partie civile, pris en la personne de son représentant légal,

non comparante représentée avec mandat par Maître DIRINGER Yvan avocat au barreau de Paris

La SA FEDERATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS (FNEF) anciennement dénommée FEDERATION NATIONALE DES DISTRIBUTEURS DE FILMS (FNDF), dont le siège social est sis […] , partie civile, pris en la personne de son représentant légal,

non comparante représentée avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de Paris

La SOCIETE CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES (SCPP), dont le siège social est sis 14 boulevard du Général Leclerc 92200 NEUILLY SUR SEINE , partie civile, prise en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître BOESPFLUG Elisabeth avocat au barreau de Paris

Le SYNDICAT DE L’EDITION VIDEO NUMERIQUE (SEVN), dont le siège social est sis 74 avenue KLEBER 75116 PARIS , partie civile, pris en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de Paris

La COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES INC., dont le siège social est sis Chez la SCP Soulié et Coste Floret 67 Boulevard Saint Germain 75005 PARIS , partie civile, prise en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de Paris

La DISNEY ENTREPRISES INC., dont le siège social est sis Chez la SCP Soulié et Coste Floret 67 Boulevard Saint Germain 75005 PARIS , partie civile, prise en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de Paris

La PARAMOUNT PICTURES CORPORATION, dont le siège social est sis Chez la SCP Soulié et Coste Floret 67 Boulevard Saint Germain 75005 PARIS , partie civile, pris en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de Paris

Le TRISTAR PICTURES INC., dont le siège social est sis Chez la SCP Soulié et Coste Floret 67 Boulevard Saint Germain 75005 PARIS , partie civile, pris en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de Paris

La TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORPORATION, dont le siège social est sis Chez la SCP Soulié et Coste Floret 67 Boulevard Saint Germain 75005 PARIS , partie civile, pris en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de Paris

La WARNER BROS INC., dont le siège social est sis Chez la SCP Soulié et Coste Floret 67 Boulevard Saint Germain 75005 PARIS , partie civile, prise en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de Paris

GAUMONT, dont lc siège social est sis Chez la SCP Soulié et Coste Floret 67 Boulevard Saint Germain 75005 PARIS , partie civile, pris en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de Paris

Page 2 / 72

LES FILMS DU 24, dont le siège social est sis Chez la SCP Soulié et Coste Floret 67 Boulevard Saint Germain 75005 PARIS , partie civile, pris en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de Paris

PATIIE FILMS, dont le siège social est sis Chez la SCP Soulié et Coste Floret 67 Boulevard Saint Germain 75005 PARIS , partie civile, pris en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de paris

l’UGC IMAGE, dont le siège social est sis Chez la SCP Soulié et Coste Floret 67 Boulevard Saint Germain 75005 PARIS , partie civile, prise en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de Paris

la SOCIETE POUR L’ADMINISTRATION DU DROIT DE REPRODUCTION MECANIQUE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET EDITEURS (SDRM), dont le siège social est sis 225 avenue Charles de Gaulle 92200 NEUILLY SUR SEINE , partie civile, prise en la personne de , son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître DIRINGER Yvan avocat au barreau de Paris

l’UNIVERSAL CITY STUDIOS LLLP, dont le siège social est sis Chez la SCP Soulié et Coste Florct 67 Boulevard Saint Gernain 75005 PARIS , partie civile, pris en la personne de son représentant légal,

non comparant représenté avec mandat par Maître URBACH Jonathan avocat au barreau de Paris

ET

Prévenu

Raison sociale de la société : – La SAS DSTORAGE prise en la personne de son représentant légal X AF AM

N° SIRTEN/SIRET :

N° RCS :

Adresse : 9 les Grands prés […]

comparant assisté de Maître AULAS Adrien avocat au barreau de Paris, Maître HARDOUIN Ronan avocat au barreau de PARIS et Maître DUMENIL Gabriel avocat au barreau de Paris,

Prévenu des chefs de :

CONTREFACÇON D’OEUVRE CINEMATOGRAPHIQUE OU AUDIOVISUFLLE COMMISTE AU MOYEN D’UN SERVICE DE COMMUNICATION AU PUBLIC EN LIGNE faits commis du 20 janvier 2016 au 31 août 2017 à LA CHAPELLE AUX BOIS et sur le territoire national

MISE A DISPOSITION DE VIDEOGRAMME COMMISE AU MOYEN D’UN SERVICE DE COMMUNICATION AU PUBLIC EN LIGNE NON AUTORISEE PAR LE PRODUCTEUR faits commis du 20 janvier 2016 au 31 août 2017 à LA CHAPELLE AUX BOIS et sur le territoire national

MISE A DISPOSITION DE PHONOGRAMME COMMISE AU MOYEN D’UN

Page 3 / 72

SERVICE DE COMMUNICATION AU PUBLIC FEN LIGNE NON AUTORISEE PAR LE PRODUCTEUR faits commis du 4 juillet 2019 au 31 juillet 2019 à LA CHAPELLE AUX BOIS et sur le territoire national

CONTREFACON DE COMPOSITION MUSICALE COMMISE AU MOYEN D’UN SERVICE DE COMMUNICATION AU PUBLIC EN LIGNE faits commis du 21 novembre 2016 au 31 août 2017 à LA CHAPELLE AUX BOIS et sur le territoire national

Prévenu

Nom : X AF AM

né le […] à […]

de X C et de D E

Nationalité : française

Situation familiale : inconnue

Situation professionnelle : gérant

Antécédents judiciaires : jamais condamné

Demeurant : […]

comparant assisté de Maître AULAS Adrien avocat au barreau de Paris, Maître HARDOUIN Ronan avocat au barreau de PARIS et Maître F Gabriel avocat au barreau de Paris,

Prévenu des chefs de :

CONTREFACON D’OEUVRE CINEMATOGRAPIHIQUE OU AUDIOVISUELLE COMMISE AU MOYEN D’UN SERVICE DE COMMUNICATION AU PUBLIC EN LIGNE faits commis du 20 janvier 2016 au 31 août 2017 à LA CHAPELLE AUX BOIS et sur le territoire national

MISE A DISPOSITION DE VIDEOGRAMME COMMISE AU MOYEN D’UN SERVICE DE COMMUNICATION AU PUBLIC EN LIGNE NON AUTORISET: PAR LE PRODUCTEUR faits commis du 20 janvier 2016 au 31 août 2017 à LA CHAPELLE AUX BOIS et sur le territoire national

MISE A DISPOSITION DE PHONOGRAMME COMMISE AU MOYEN D’UN SERVICE DE COMMUNICATION AU PUBLIC EN LIGNE NON AUTORISEE PAR LE PRODUCTEUR faits commis du 4 juillet 2019 au 31 juillet 2019 à LA CHAPELLE AUX BOIS et sur le territoire national

CONTREFACON DE COMPOSITION MUSICALE COMMISE AU MOYEN D’UN SERVICE DE COMMUNICATION AU PUBLIC EN LIGNE faits commis du 21 novembre 2016 au 31 août 2017 à LA CHAPELLE AUX BOIS et sur le territoire national

DEBATS

A l’appel de la cause, la présidente, a constaté la présence et l’identité de X AF AM, en sa qualité de représentant légal de la SAS Y et en son nom propre et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.

Le tribunal à rejeté la fin de non recevoir présentée par la SACEM et la SDRM lors de l’ audience du 12 octobre 2020 et à rejeté les demandes de sursis à statuer tendant à transmettre la question prioritaire de constitutionnalité par les conseils des prévenus lors de l’audience du 12 octobre 2020 et qui fait l’objet d’un jugement distinct en date du 21 janvier 2021.

Page 4 / 72

le tribunal à joint l’incident au fond concernant la question préjudicielle soulevée par les conseils des prévenus lors de l’ audience du 12 octobre 2020.

La présidente a informé le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

Avant toute défense au fond, une exception de nullité relative à la procédure antérieure à l’acte de saisine a été soulevée par Maître F G, conseil de la SAS Y et de X AF AM portant sur les constats des agents assermentés, sur l’enquête de flagrance réalisée, sur les réquisitions adressées aux mis en cause et sur la convocation par officier de police judiciaire.

Les parties ayant été entendues ct le ministère public ayant pris ses réquisitions, le tribunal a joint l’incident au fond, après en avoir délibéré.

La présidente a instruit l’affaire, interrogé le prévenu présent sur les faits et reçu ses déclarations.

La SOCIETE CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPIIIQUES, s’est constituée partie civile par l’intermédiaire de maître H I à l’audience, par déclaration, et a été entendue en sa plaidoirie.

La SACEM et la SDRM se sont constituées parties civiles par l’intermédiaire de maître J K à l’audience, par déclaration, et qui a été entendu en sa plaidoirie.

La FNEF, le SEVN, […]., […]., […], […]., […], […]., […], […], se sont constituées parties civiles par l’intermédiaire de maître L M à l’audience, par déclaration, et qui a été entendu en sa plaidoirie.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Maître AULAS Adrien, Maître HARDOUIN Ronan ct maître DUMENII, Gael conseils de la SAS Y et de X AF AM ont été entendus en leur plaidoirie.

Les prévenus ont eu la parole cn dernier.

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Puis à l’issue des débats tenus à l’audience du VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE VINGT FT UN, le tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement

représentées que le jugement serait prononcé le 23 avril 2021 à 09:00.

A cette date, vidant son délibéré conformément à la loi, le Président a donné lecture de la décision, en vertu de l’article 485 du code de procédure pénale,

Page 5 / 72

Composé de :

Président : Madame DUPONT Mireille, premier vice-président, Assesseurs : -- Madame ROUX Brigitte, premier vice-président, Monsieur B C, juge,

Assistés de Monsieur GUENIN Geoffrey, greffier, ct cn présence du ministère public. Le tribunal a délibéré et statué conformément à la loi en ces termes : La SAS Y :

Une convocation à l’audience du 10 décembre 2019 a été notifiée à X AF AM, représentant légal de le SA Y , le 11 octobre 2019 par un agent ou un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République et avis lui a été donné de son droit de se faire assister d’un avocat. Conformément à l’article 390-1 du code de procédure pénale, cette convocation vaut citation à personne.

L’affaire a été appelée à l’ audience :

+ – du 10 décembre 2019 et renvoyée contradictoirement à la demande des parties au 10 février 2020.

+ – 10 fevrier 2020 et renvoyée contradictoirement à la demande des parties au 12 octobre 2020

» – 12 octobre 2020 et renvoyée contradictoirement en continuation pour examen de la question préjudicielle et prioritaire de constitutionnalité au 21 janvier 2021

X AF AM, représentant légal de Y a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Il est prévenu :

— Pour avoir, à La Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 1, sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, reproduit, représentée ou diffusé, des œuvres de l’esprit, en l’espèce des œuvres cinématographiques, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 1, établi suivant les constats réalisés par l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) pour le compte de la FNDF (Tédération Nationale des Distributeurs de Films), nouvellement dénommée FNEF (Fédération Nationale des Editeurs de Films), faits prévus par N O,V.3, P V.I, ART.L.II2-2 – V.I 6°, […] et réprimés par P Q, ART.L33S-5 V.], ART.L.335-6, ART.I..335-7 O C.PROPR.INT.

— Pour avoir, à La Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 1, sans l’autorisation des producteurs de

Page 6 / 72

vidéogrammes, alors qu’elle était exigée, reproduit, communiqué ou mis à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, des vidéogrammes, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 1, établi suivant les constats réalisés par l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) pour le compte de la FNDF (Fédération Nationale des Distributeurs de Films), nouvellement dénommée FNEPF (Fédération Nationale des Editeurs de Films), faits prévus par R O, S C.PROPR.INT. et réprimés par U V.], ART.L.335-5 O, ART.L.335-6, ART.L.335-7 V.] C.PROPR.INT.

— Pour avoir, à La Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 4 juillet et le 31 juillet 2019, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 2, sans autorisation des producteurs de phonogrammes, alors qu’elle était exigée, reproduit, communiqué ou mis à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, des phonogrammes, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 2, établi suivant les constats réalisés par la SCPP (Société civile des producteurs phonographiques)., faits prévus par R O, W C.PROPR.INT. et réprimés par R V.], ART.L.335-5 V.], ART.L.335-6, ART.L.335-7 V.] C.PROPR.INT.

— Pour avoir, à La Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 21 novembre 2016 cet le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 3, sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, reproduit, représentée ou diffusé, des œuvres de l’esprit, en l’espèce des œuvres musicales, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 3, établi suivant les constats réalisés par la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique)., faits prévus par N V.], P V.], ART.L.II2-2 V.] 5°, ART.L.I22-3, […] et réprimés par P Q, ART.L335-5 V.], ART.L.335-6, ART.L.335-7 V.] C.PROPR.INT.

X AF AM :

Une convocation à l’audience du 10 décembre 2019 a été notifiée à X AF AM le 11 octobre 2019 par un agent ou un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République et avis lui a été donné de son droit de se faire assister d’un avocat. Conformément à l’article 390-1 du code de procédure pénale, cette convocation vaut citation à personne.

L’affaire a été appelée à l’ audience :

+ – du 10 décembre 2019 et renvoyée contradictoirement à la demande des parties au 10 février 2020.

» – 10 fevrier 2020 et renvoyée contradictoirement à la demande des parties au 12 octobre 2020

+ – 12 octobre 2020 et renvoyée contradictoirement en continuation pour examen de la question préjudicielle et prioritaire de constitutionnalité au 21 janvier 2021

X AF AM, a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Page 7 / 72

Il est prévenu :

— Pour avoir, à La Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 1, sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, reproduit, représentée ou diffusé, des œuvres de l’esprit, en l’espèce des œuvres cinématographiques, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 1, établi suivant les constats réalisés par l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) pour le compte de la FNDF (Fédération Nationale des Distributeurs de Films), nouvellement dénommée FNEF (Fédération Nationale des Editeurs de Films), faits prévus par N P – V.], ART.L.II2-2 V.] 6°, […], […] et réprimés par AA Q, ART.L.335-5 V.], ART.L.335-6, ART.L.335-7 V.] C.PROPR.INT.

— Pour avoir, à La Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 1, sans l’autorisation des producteurs de vidéogrammes, alors qu’elle était exigée, reproduit, communiqué ou mis à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, des vidéogrammes, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 1, établi suivant les constats réalisés par l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) pour le compte de la FNDF (Fédération Nationale des Distributeurs de Films), nouvellement dénomméc FNEF (Fédération Nationale des Editeurs de Films), faits prévus par R V.1, AC C.PROPR.INT. et réprimés par R V.], ART.L.335-5 V.1, ART.L.335-6, ART.L.335-7 V.] C.PROPR.INT.

— Pour avoir, à La Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 4 juillet et le 31 juillet 2019, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 2, sans autorisation des producteurs de phonogrammes, alors qu’elle était exigée, reproduit, communiqué ou mis à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, des phonogrammes, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 2, établi suivant les constats réalisés par la SCPP (Société civile des producteurs phonographiques)., faits prévus par R V.], W C.PROPR.INT. et réprimés par R O, ART.L.335-5 V.], ART.L.335-6, ART.L.335-7 V.] C.PROPR.INT.

— Pour avoir, à La Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 21 novembre 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 3, sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, reproduit, représentée ou diffusé, des œuvres de l’esprit, en l’espèce des œuvres musicales, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 3, établi suivant les constats réalisés par la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique)., faits prévus par N O, P – V.], ART.L.II2-2 A 5°, […] et réprimés par P Q, ART.L33S5-5 V.], ART.L.335-6, ART.L.335-7 V.] C.PROPR.INT

Page 8 / 72

I – RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

A. – Présentation des

La SAS Y a été constituée le 24 avril 2009 et, depuis 2015, ne comptant qu’un seul actionnaire, président la société, M. AF AE X. Son siège social, initialement fixé 102 avenue des Champs-Élysées à Paris (VIII®) était transféré à compter du 18 décembre 2012 au 9 les Grands Près à La Chapelle aux Bois (Vosges).

Cette société exploite un service de communication au public en ligne (site internet) accessible à partir de l’URL (adresse) « lfichier.com ».

La société propose des services de stockage de fichiers sur ses propres serveurs, avec une possibilité de diffusion des fichiers par la fourniture de liens de téléchargement que l’abonné peut protéger en y ajoutant un mot de passe. L’abonné est libre de partager ce lien en vue de diffuser le ou les fichiers considérés.

Des prestations plus ou moins étendues sont proposées selon que l’utilisateur est identifié ou non et selon le type d’abonnement choisi :

— un utilisateur non identifié peut envoyer avec une vitesse bridée des fichiers d’une taille maximale de 300 Go, sans possibilité d’administration de ses fichiers, qui sont supprimés rapidement des serveurs de Y, soit après 15 jours en l’absence de téléchargement descendant par des tiers ;

— un utilisateur identifié mais sans abonnement payant disposera d’un espace de stockage d’un To avec un stockage également limité dans le temps et l’affichage de publicités ;

— des abonnements payants offrent la possibilité d’accroître l’espace de stockage et la durée d’hébergement des fichiers dits « froids », c’est-à-dire des fichiers non téléchargés par des tiers depuis une certaine durée.

Les revenus de la société proviennent des abonnements et de l’affichage de publicités pendant le téléchargement descendant des fichiers.

B. – Plaintes à l’origine de la procédure

1. – Plainte de la FNDF (devenue FNEF) et du SEVN

La fédération nationale des éditeurs de films (FNEF) est un organisme de défense professionnel missionné pour la défense du droit de ses adhérents. En matière de cinéma, doivent être distingués les droits d’auteur (réalisateurs, scénaristes …) portant sur des œuvres de l’esprit au sens des article I..335-3 et L. 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle et les droits voisins du producteur portant sur le vidéogramme au sens des articles L335-4 et L. 215-1 du même code. Par un jeu de cessions successives, le distributeur exploite à la fois les droits d’auteur et les droits voisins du producteur.

Du 20 janvier 2016 au 5 septembre 2017, les agents assermentés de l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA), mandatée par la fédération nationale des distributeurs de films (FNDF), devenue depuis lors la FNEF, et le syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN) ont constaté la présence de plus de 1 000 liens sur divers sites, notamment les sites accessibles aux URL wawa-mania.ec, lybertyland.tv, zone-telechargement.ws, pointant vers des fichiers hébergés par Y et reproduisant des œuvres cinématographiques et vidéogrammes considérés par l’ALPA

Page 9 / 72

comme appartenant au répertoire de ses mandants.

Plusieurs notifications tendant au retrait de ces contenus ont été adressées par l’ALPA à la société Y par lettre recommandée avec avis de réception.

En réponse, la société Y a expliqué que les demandes de retrait de contenus contrefaisants ne relevaient pas de la procédure de notification instaurée par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), l’obligation de retrait de l’hébergeur ne s’appliquant selon elle qu’aux seuls contenus manifestement illicites à savoir les « contenus relatifs à la pornographie enfantine, à l’apologie des crimes contre l’humanité, à l’incitation à la haine raciale » et non aux contenus violant des droits de propriété intellectuelle. La société Y a suggéré aux ayants droits des victimes de contrefaçon soit de saisir un juge pour voir ordonner le retrait des contenus litigieux, soit de souscrire un contrat de prestation de service pour envisager le retrait des contenus sur une basc contractuelle.

Le 16 décembre 2016, une plainte a été déposée par l’ALPA, mandatée par la FNDF, au motif que la société Y avait refusé de désactiver 1 249 liens pointant vers des fichiers hébergés par la société Y et reproduisant en violation des droits d’auteur ou voisins 198 œuvres cinématographiques.

2. – Plainte de la SCPP

La société civile des producteurs phonographiques (SCPP) est chargée de la défense des droits voisins des producteurs de phonogrammes, c’est-à-dire les droits attachés à la fixation de son sur des supports tels que des disques ou des supports numériques. L’article L.213-1 du code de la propriété intellectuelle donne la définition du producteur de phonogramme et des droits attachés à cette qualité.

Suivant des procès-verbaux établis les 6 avril, 12 avril, 4 mai, 7 juin, 8 juin, 10 juin, 13 juin, 12 juillet, 18 juillet, 22 août, 26 août, 29 décembre 2016, 5 et 6 janvier 2017, les agents assermentés de la SCPP ont constaté que des milliers de phonogrammes numérisés considérés comme appartenant au répertoire phonographique géré par la SCPP étaient mis à disposition sur divers sites internet par le biais de liens de téléchargement pointant vers le site lfichier.com. La SCPP a adressé plusieurs demandes par voie électronique de suppression des contenus litigieux.

Le 2 février 2017, la SCPP a déposé une plainte portant sur 1 769 liens pointant vers des fichiers hébergés par la société Y reproduisant des phonogrammes appartenant au répertoire de la SCPP.

3. – Plainte de la SACEM et de la SDRM

La société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et la société pour l’administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs, éditeurs, réalisateurs ect doubleurs sous-titreurs (SDRM) exercent les droits attachés aux compositions musicales au sens des articles L. 11-2-2 5°, c’est-à- dire des œuvres originales (distinctes de leur interprétation), ainsi qu’aux doublages et sous-titrages. La SACEM exerce les droits de représentation des œuvres tandis que la SDRM exerce, sur délégation de la SACEM, ceux relatifs à leur reproduction.

Le 25 octobre 2016 et les 7, 8, 10 et 14 novembre 2016, des agents assermentés de la SACEM et de la SDRM ont constaté que des liens de téléchargement pointant vers des fichiers stockés sur les serveurs du site lfichier.com étaient publiés sur les sites internet accessibles aux adresses www.ultim-zone.in et www.golden-mp3.com. Ils ont téléchargé à partir de ces liens 100 fichiers contenant des albums composés d’œuvres

Page 10 / 72:

musicales considérés comme appartenant au répertoire de la SACEM.

Après divers échanges infructuceux par voie électronique, les agents assermentés ont adressé une notification à la société Y par lettre recommandée avec avis de réception du 3 janvier 2017, portant à la connaissance de la société Y qu’elle hébergeait 100 fichiers reproduisant sans autorisation des œuvres musicales appartenant au répertoire de la SACEM et sollicitant le retrait de ces contenus.

En réponse, la société Y a développé les mêmes arguments que ceux communiqués à la FNDF et au SEVN.

Par courrier du 7 mars 2017, la SACEM a déposé plainte du chef de contrefaçon par reproduction et représentation d’œuvres de l’esprit.

C. – Procédure d’enquête

Les services d’enquête (la section de recherche de Metz) ont procédé aux constatations suivantes : – le 4 janvier 2017 que 658 liens communiqués par l’ALPA demeuraient accessibles ; – le 3 février 2017 que 190 liens signalés par la SCPP étaient également accessibles ; – le 13 mars 2017 que 83 liens transmis par la SACEM étaient encore accessibles.

Lc 14 septembre 2017, les enquêteurs constataient à nouveau l’accessibilité d’une partie des liens.

Une plainte complémentaire a été déposée par la FENDT par lettre recommandée avec avis de réception adressée au procureur de la République le 20 septembre 2017.

L’enquête se poursuivant sous le régime de la flagrance, M. X a été invité à sc présenter dans le cadre d’une audition libre le 28 septembre 2017 ct une perquisition informatique avec assentiment exprès a été effectuée sur les serveurs distants de la société implantés aux Pays-Bas. Le faible débit de la connexion n’a cependant pas permis de rapatrier l’intégralité des données de connexion.

Une réquisition aux fins d’obtention de ces données était adressée à M. X le 27 octobre 2017.

Le ministère public a informé les parties qu’il envisageait d’engager des poursuites et a recueilli les observations des parties, avant une confrontation le 28 juin 2019.

M. AD Z, expert informatique saisi par le ministère public pour analyser les données de téléchargement des fichiers notifiés, fournis sur réquisition par la société Y, a déposé son rapport le 12 septembre 2019, selon lequel 3 478 fichiers notifiés ont fait l’objet de 7 277 381 téléchargements répartis comme suit :

—  100 liens vers des fichiers reproduisant des œuvres musicales notifiés par la SACEM : 10 509 téléchargements ;

—  1 609 liens vers des fichiers reproduisant des œuvres audiovisuelles et des vidéogrammes notifiés par l’ALPA : 5 888 741 téléchargements :

—  1 769 liens vers des fichiers reproduisant des phonogrammes notifiés par la SCPP : 1 378 131 téléchargements.

D. – E t des

Par acte du 25 septembre 2019, le procureur de la République a décidé d’engager des poursuites à l’encontre de la société Y et de son dirigeant M. AF AM X, pour les faits de contrefaçon d’œuvres de l’esprit commis à raison du maintien à disposition du public de fichiers contenant des œuvres

Page 11 / 72

musicales et audiovisuelles protégés après réception de notifications conformes aux exigences posées par la LCEN.

Par convocations par officier de police judiciaire datées du 11 octobre 2019, M. X et la société Y ont été cités à comparaître devant le tribunal correctionnel de Nancy à l’audience du 10 décembre 2019, pour des faits commis à la Chapelle-aux-Bois, en tout cas sur le territoire national, de :

— contrefaçon d’œuvres cinématographiques et d’œuvres musicales par reproduction, représentation ou diffusion sans le consentement de leurs auteurs selon le détail des constats dressés par les agents assermentés de l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) pour le compte de la FNEF et de la SACEM, commis respectivement entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017 et entre le 21 novembre 2016 et le 31 août 2017, sur le fondement des dispositions des articles I.. 335-2, L. 335-3, L. 335-4, L. 335-5, L. 335-6, L. 335-7 et L. 335-8 du code de la propriété intellectuelle et 121-2 du code pénal ;

— contrefaçon de vidéogrammes et de phonogrammes par reproduction, communication ou mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, sans le consentement de leurs producteurs selon le détail des constats dressés par les agents assermentés de l’ALPA pour le compte de la FNEF et de la SCPP, commis respectivement entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017 et entre le 4 juillet et le 31 juillet 2019 sur le fondement des dispositions des articles L. 212-3, L. 213-1, L. 215-1, L. 216-1, I.. 335-4, L. 335-5, L. 335-6, L. 335-7 et L. 335-8 du code de la propriété intellectuelle et 121-2 du code pénal.

À l’audience du 10 décembre 2019, l’examen du dossier a été renvoyé compte tenu de l’impossibilité de se déplacer en raison d’un mouvement social de grève dans les transports.

À l’audience de renvoi du 10 février 2020, l’examen du dossier a été renvoyé à la demande des parties ou de certaines d’entre elles, en raison d’un mouvement national de protestation des avocats.

À l’audience de renvoi du 12 octobre 2020, les partics ont débattu de la question prioritaire de constitutionnalité et des questions préjudicielles déposées par M. AF AE X et la SAS Y. Aux termes des débats, la décision a été mise en délibéré au 21 janvier 2021 et le dossier renvoyé à cette date.

Par décision du 21 janvier 2021, le tribunal, après en avoir délibéré, a rejeté la fin de non-rccevoir soulevée par la SACEM et la SDRM et rejeté les demandes principales de sursis à statuer et tendant à transmettre une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation. Le tribunal a également décidé de joindre au fond l’incident portant sur les questions préjudicielles.

À l’audience du 21 janvier 2021, les conclusions de nullité déposées par les conseils des prévenus en vue de l’audience du 10 décembre 2019, puis du 12 octobre 2020 ont été débattues et après en avoir délibéré, le tribunal a décidé de joindre l’incident au fond.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré pour le jugement être rendu le 23 avril 2021.

Page 12 / 72

II. – SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ

1

A. – Conclusions de nullité dé, par les prévenus

Aux termes de leurs conclusions, soutenues à l’audience, M. AF AE X et la SAS Y, au visa de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Hlomme, l’article 14, $3, (g) du Pacte intemational des droits civils et politiques, les articles préliminaire, 31, 53, 385, 60-1-1, 77-1-1, 390-1, 429, 459 alinéas 3 et 4, 802 du code de procédure pénale, les articles L. 331-2 et R. 331-1 du code de propriété intellectuelle, l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, de l’article 459, alinéas 3 et 4 du code de procédure pénale demandent au tribunal :

— de recevoir les moyens de nullité,

— de constater que l’enquête de police diligentée à leur encontre se fonde uniquement sur les constats établis par les agents assermentés des parties plaignantes,

— de constater que l’enquête ne satisfait donc pas aux conditions de loyauté et d’impartialité prévues par les textes en vigueur,

— en conséquence d’annuler l’entière procédure d’enquête et de renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir,

— en outre, de constater que les conditions de la flagrance n’étaient pas réunies à la date du 25 septembre 2017,

— en conséquence d’annuler l’ensemble des procès-verbaux faisant suite au passage à l’enquête de flagrance,

— d’annuler à tout le moins l’intégralité des procès-verbaux et actes d’enquête réalisés dans le cadre de l’enquête de flagrance, les réquisitions judiciaires adressées à M. AF AE X et à la société Y ainsi que les éléments communiqués par ceux-ci en réponse et le rapport d’expertise de ces données en date du 12 septembre 2019, et de renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir,

— en outre, de constater que les réquisitions judiciaires des 27 octobre 2017, 22 juin 2018 et 16 juillet 12018 ont été adressées aux personnes suspectées, en violation du droit à ne pas s’auto incriminer,

— d’annuler l’ensemble des procès-verbaux faisant suite au passage à l’enquête de flagrance et de renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir,

— enfin, de constater l’absence de clarté et l’imprécision des convocations par officier de police judiciaire notifiées à M. AF AE X et à la société Y le 11 octobre 2019,

— d’annuler les convocations par officier de police Judiciaire notifiées aux prévenus le 11 octobre 2019 et de renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir.

* Au soutien de leurs prétentions, M. AF AE X et à la société Y exposent que la procédure d’enquête préliminaire a été ouverte consécutivement au dépôt, par les parties plaignantes, de plaintes se fondant exclusivement sur des constats réalisés par leurs propres agents (pour la SACEM et la SCPP) et/ou les agents assermentés de l’ALPA (pour la FNDF), et qui constituent les seuls éléments à charge contre eux. Ils estiment qu’en application de l’article L. 33 1-2 du code de la propriété intellectuelle, si la preuve de la matérialité d’une infraction en matière de propriété intellectuelle peut être établie par les constatations d’un agent assermenté, ce n’est qu’à la double condition du caractère subsidiaire de l’intervention des agents assermentés par rapport à celle des autorités judiciaires ainsi que du respect

Page 13 / 72

des principes généraux de procédure pénale, notamment ceux d’impartialité de l’enquête et de loyauté de la preuve, les prérogatives exorbitantes du droit commun devant nécessairement s’accompagner d’une protection des droits et de limites quant à la mise en œuvre de leurs prérogatives. Ils ajoutent que l’enquête ne peut se fonder exclusivement sur les constatations d’agents extérieurs, fussent-ils assermentés, dès lors que le texte d’habilitation précise bien que leur pouvoir de constatation des infractions affectant le droit de la propriété littéraire et artistique intervient « outre les procès-verbaux des officiers ou agents de police judiciaire ». Ils estiment qu’il incombait donc aux enquêteurs de ne considérer les plaintes des parties civiles et les constats de leurs agents assermentés qu’à titre de simples renseignements, et de réaliser tous les actes ct toutes les diligences nécessaires pour rapporter la preuve de la matérialité et de l’intentionnalité des infractions poursuivies, ce qui n’a pas été le cas puisque les enquêteurs et, à leur suite, le ministère public, ont pris pour acquises les déclarations des parties plaignantes. Ils précisent qu’aucun acte d’enquête n’a été réalisé pour vérifier le bien-fondé des constatations quant à la réalité du contenu des fichiers dénoncés, quant à leur caractère contrefait et, surtout, quant à l’appréciation de la responsabilité pénale des prévenus au regard des dispositions légales et conventionnelles applicables.

Ils concluent que l’enquête est donc exclusivement fondée sur les constats rédigés par les agents assermentés des parties civiles, agents qui appartiennent à des entités privées qui se sont constituées parties civiles et sollicitent la réparation de leurs préjudices propres, de sorte que ces agents assermentés disposent du double statut d’enquêteurs sur qui repose la charge du constat matériel des infractions et de parties civiles trouvant un intérêt économique à la condamnation des mis en cause. Ils estiment que l’enquête est dans ces conditions menée exclusivement à charge, de manière partiale et donc déloyale et que les agents assermentés en vertu du code de la propriété intellectuelle ne peuvent donc pas constater la matérialité d’une infraction portant préjudice à leur entité d’appartenance puisqu’ils sont rattachés par un lien de subordination aux parties civiles plaignantes, ils disposent d’un contrat de travail qui les lie aux parties plaignantes, suivent leurs directives et reçoivent un salaire en contrepartie. Ils ajoutent que les enquêteurs ont fondé leurs procès-verbaux sur des constats réalisés par ces agents assermentés.

Ils soutiennent encore que ces procès-verbaux ont été établis au mépris des règles de forme imposées par l’article 6. I. 5 de la LCEN puisque les constats dressés par des agents asscermentés partiaux ne démontrent pas l’existence d’une titularité de droits d’auteur de la part des entités pour le compte desquelles ils agissent, n’ont pas de date certaine et n’indiquent pas des éléments obligatoires prévus par l’article précité.

Ils estiment donc que le tribunal retiendra la nullité des constats d’infractions aux droits de la FNDF, de la SCPP et de la SACEM dressés par leurs propres agents assermentés, et constatera également la partialité de l’enquête, son caractère exclusivement à charge et la déloyauté dans l’administration de la preuve, ces nullités faisant nécessairement grief aux prévenus à qui ces constats sont opposés.

* S’agissant de la demande de nullité portant sur l’enquête de flagrance, M. AF AE X et à la société Y exposent que les dépôts des plaintes de la FNDF, de la SCPP et de la SACEM ont motivé l’ouverture d’une enquête de police dans le cadre procédural de l’enquête préliminaire, enquête prolongée pour une période de quatre mois le 20 juin 2017 par le procureur de la République. Ils ajoutent que le 25 septembre 2017, le procureur de la République a décidé de faire basculer l’enquête sous le régime de l’enquête de flagrance, et ce pour l’ensemble des faits constatés depuis janvier 2016. Ils estiment que l’ouverture d’une enquête de flagrance, un an et demi après les premiers faits constatés, n’était justifiée par l’existence d’aucun indice apparent d’un comportement révélant une infraction en cours de

Page 14 / 72

commission ou venant tout juste de se commettre. Ils indiquent que l’ouverture de cette enquête de flagrance est intervenue à la suite d’une plainte complémentaire déposée par la FNDF le 21 septembre 2017, s’appuyant sur deux procès-verbaux, l’un dressé le 29 juin 2017 portant sur la notification effectuée par des agents de l’ALPA à la société Y de fichiers concemant 41 œuvres cinématographiques contrefaites qui auraient été téléchargés entre mai 2016 et juin 2017, et l’autre dressé le 15 septembre 2017 portant sur la notification effectuée par des agents de l’ALPA à la société Y pour des fichiers concemant 22 œuvres cinématographiques contrefaites qui auraient été téléchargées entre mars et août 2017. Ils estiment qu’il est donc impossible de considérer qu’au 25 septembre 2017 ces œuvres étaient en train d’être contrefaites ou venaient tout juste d’être contrefaites, et que, eu égard à la durée de l’enquête préliminaire, à la participation active de M. X et de la société à l’enquête, à la période couverte par les nouveaux constats ainsi qu’à la date de la plainte complémentaire, aucune sorte d’urgence ne pouvait être caractérisée et justifier l’ouverture d’une enquête de flagrance.

Ils exposent également que cette violation procédurale a nécessairement porté atteinte à leurs intérêts, au sens de l’article 802 du code de procédure pénale, dès lors que, dans le temps de la flagrance, M. X a été interrogé par les enquêteurs, alors même qu’il avait été initialement convoqué dans le cadre d’une simple enquête préliminaire et qu’une perquisition a été réalisée au sein des locaux de la société.

* S’agissant de la demande de nullité des réquisitions adressées aux mis en cause pour violation du droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer, M. X et la société Y exposent que le 21 septembre 2017, M. X a été convoqué pour être entendu dans le cadre de l’enquête, qu’il s’est présenté à cette convocation le 28 septembre 2017 et a été longuement interrogé par les enquêteurs au cours d’une audition libre, lui-même et la société ayant le statut de mis en cause dans le cadre de cette enquête, comme le révèle d’ailleurs le procès-verbal d’audition intitulé « Procès- verbal d’audition – Mis en cause ». Ils ajoutent que le même jour une perquisition a été réalisée au sein des locaux de la société en vue de saisir les éléments informatiques jugés probants par le ministère public, les enquêteurs nc parvenant toutefois pas à réaliser les opérations techniques nécessaires à cette saisie. Ils ajoutent que par procès- verbal en date du 27 octobre 2017, l’officier de police judiciaire en charge de l’enquête a requis M. X, en sa qualité de président de la société Y, de lui fournir les données informatiques, et que par réquisition du 22 juin 2018, le procureur de la République a requis à son tour M. X de lui fournir toutes les données informatiques relatives aux téléchargements de fichiers. Ils indiquent qu’à la suite des observations de la société quant à l’étendue de cette seconde réquisition, le magistrat a décidé d’en modifier les termes par courriel le 16 juillet 2018, tout en rassurant les mis en cause sur leurs responsabilités mais sans juger utile d’adresser aux parties une nouvelle réquisition judiciaire. La société répondait à cette réquisition et communiquait les données sollicitées le 18 juillet 2018.

Ils estiment qu’un tel procédé constitue une violation du droit de se taire et de ne pas participer à sa propre incrimination, composante inhérente du droit à un procès équitable défini notamment par l’article préliminaire du code de procédure pénale et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ils rappellent que la Cour de cassation sanctionne les méthodes de recueil de la preuve qui constitucraient un procédé déloyal d’enquête mettant en échec le droit de se taire et celui de ne pas s’incriminer soi-même et portant ainsi atteinte au droit à un procès équitable. Ils ajoutent qu’il découle de ce principe qu’une réquisition judiciaire, qui peut être adressée aux personnes susceptibles de détenir des informations intéressant l’enquête au sens de l’article 77-1-1 du code de procédure pénale, ne peut pas l’être à des personnes suspectées dans le cadre de l’enquête, étant observé que la charge de la

Page 15 / 72

preuve de la commission d’une infraction incombe au ministère public, et ne saurait reposer sur la personne à qui l’on reproche cette infraction. Ils considèrent qu’il est donc parfaitement irrégulier que les personnes suspectées de la commission d’infractions soient sommées de communiquer les informations en leur possession qui font défaut au ministère public pour pouvoir caractériser lesdites infractions, et ce d’autant plus que le fait de s’abstenir de répondre aux réquisitions du procureur de la République est puni d’une amende de 3 750 €, ce qui revient à sanctionner d’une peine d’amende un refus de participer à sa propre incrimination.

Ils estiment donc que l’ensemble des réquisitions adressées par le procureur de la République ou, sur son autorisation, par les officiers de police judiciaires à M. X comme à la société Y, doivent s’analyser en une invitation à s’auto-incriminer et à fournir eux-mêmes la preuve des infractions qu’ils sont suspectés d’avoir commises. Ils ajoutent que ces réquisitions et leurs suites font nécessairement griel aux mis en cause qui ont été contraints, en violation des règles de droit, de remettre des données leur appartenant, et doivent donc être annulées, de même que les données communiquées en réponse au ministère public, ainsi que leur exploitation ultérieure, et notamment, le rapport d’expertise déposé par M. AD Z le 12 septembre 2019.

* S’agissant de la demande de nullité des convocations par officier de police judiciaire du 11 octobre 2019, M. AF AE X et la société Y exposent que cette convocation circonscrit à elle scule l’étendue des poursuites, de sorte que le ministère public est astreint à une exigence particulière de clarté et de précision dans sa rédaction afin que les prévenus puissent connaître précisément l’accusation portée contre eux afin qu’ils puissent utilement et efficacement préparer leur défense, outre le fait que cette exigence permet au tribunal d’appréhender exactement l’étendue de sa saisine.

Ils indiquent que les convocations par officier de police judiciaire notifiées aux mis en cause le 11 octobre 2019 sont particulièrement vagues et imprécises, de sorte que ces derniers ne sont pas mis en mesure de connaître, avec précision et certitude, les faits qui leur sont reprochés. Ils soulignent que la rédaction des convocations en justice ne permet de connaître ni le comportement susceptible de caractériser l’élément matériel des infractions reprochées, ni les circonstances temporelles précises de commission de l’infraction, ni l’œuvre exacte sur laquelle porte le prétendu fait de contrefaçon, outre le fait que les convocations ne visent pas le texte de loi qui réprime, pour un hébergeur, les infractions poursuivies. Ils soutiennent que les convocations en justice ne définissent pas précisément le comportement infractionnel qui leur est reproché au titre des délits de contrefaçon d’œuvres de l’esprit et de mise à disposition du public non autorisée de vidéogrammes et de phonogrammes, puisque la prévention se borne à recopier la lettre de l’article L.. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, sans toutefois préciser le ou lesquels des comportements visés par le texte est à l’origine de l’infraction poursuivie et par quel acte positif il aurait été réalisé. Ils effectuent le même constat s’agissant du délit de reproduction, mise à disposition du public ou diffusion non autorisée de vidéogrammes et de phonogrammes, la prévention se bomant à recopier la lettre de l’article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, sans toutefois préciser le ou lesquels des comportements visés par le texte est à l’origine de l’infraction poursuivie et par quel acte positif il aurait été réalisé.

Ils indiquent également qu’ils n’ont pas non plus été mis en mesure d’apprécier précisément l’œuvre, le vidéogramme ou le phonogramme exact qui aurait été contrefait, dès lors que le renvoi aux annexes échoue à réaliser cette identification. Ils soulignent que les circonstances précises de la temporalité et de la matérialité des œuvres prétendument contrefaites ne figurent pas dans les convocations en justice, qui opèrent un renvoi, à ce sujet, à trois tableaux censés être joints en annexes, annexes

* Page 16 / 72

qui n’ont pas été communiquées aux prévenus lors de la notification des convocations en justice, lesquelles sont établies à la datc du 11 octobre 2019 mais n’ont été effectivement remises aux prévenus que le 29 octobre 2019.

Ils soutiennent que même à considérer que la jonction tardive des éléments indispensables à la précision de la temporalité et de la matérialité des infractions reprochées aux prévenus ne saurait emporter nullité des convocations, l’analyse du contenu même de ces éléments permet de s’assurer qu’ils ne parviennent pas à remplir cette fonction, puisque aucun des trois tableaux joints ne permet de connaître la date à laquelle les œuvres musicales et phonographiques litigieuses auraient été chargées sur le site, la durée pendant laquelle les fichiers litigieux seraient restés disponibles sur le site, les dates des différentes notifications envoyées à la société par les agents assermentés, et le cas échéant, la date à laquelle les fichiers auraient été supprimés du site. Ils ajoutent que, s’agissant de la définition matérielle de l’œuvre prétendument contrefaite et mise à disposition, aucun des trois tableaux joints en annexes ne permet de s’assurer que les fichiers signalés correspondent effectivement à l’œuvre correspondante puisque la dénomination de fichiers téléchargés relève du choix discrétionnaire des utilisateurs de ce site et qu’il est inévitable que des fichiers soient chargés sous un nom complètement hors de propos avec son réel contenu.

Ils indiquent encore que les convocations en justice ne visent pas le texte de loi fondant la responsabilité pénale des hébergeurs. Ils expliquent que, comme le rappelle l’exposé des poursuites du ministère public, fondement de la convocation devant le tribunal correctionnel des deux mis en cause, les infractions visées relèvent d’atteintes à la propriété intellectuelle reprochées à la société Y en tant qu’exploitante du site lfichier.com. Les prévenus constatent que les convocations en justice ne visent pas le texte de loi qui prévoit la responsabilité pénale des hébergeurs, c’est-à-dire des personnes qui assurent, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services, à savoir l’article 6 de la LCEN.

Ils estiment qu’en l’absence de précision sur ces différents points, les prévenus sont placés dans l’impossibilité de se défendre efficacement sur ces infractions particulièrement techniques et précises, de sorte que ces manquements font directement grief aux leurs intérêts au sens des dispositions de l’article 802 du code de procédure pénale.

B. – Observations de parties civiles

1. – Observations de la SCPP

* La SCPP conclut au rejet des exceptions de nullité. Elle indique que les procès- verbaux dressés par les agents assermentés ne sont pas des actes de procédure susceptibles d’être annulés et sont des éléments de constatation des infractions, complémentaires des procès-verbaux des enquêteurs. Elle ajoute que les informations recueillies ont été vérifiées par les enquêteurs qui ont de plus procédé à leurs propres investigations, de sorte que ces procès-verbaux de constat qui ont déclenché l’enquête, n’en constituent pas le fondement exclusif tout en demeurant l’un de ses éléments. Elle indique que les procès-verbaux ont été soumis à plusieurs reprises au débat contradictoire et que les prévenus n’ont pas manqué de les critiquer de sorte qu’ils ne peuvent en retirer aucun grief. Elle estime qu’aucune irrégularité n’affecte ces procès- verbaux de constat dès lors que n’étant soumis à aucune prescription législative ou réglementaire, ils relatent des diligences nécessaires et suffisantes, ce qui ne prête pas

Page 17 / 72

à critique et qu’ils sont incontestablement datés, de sorte que l’enquête n’est ni partiale, ni à charge, ni déloyale.

La SCPP expose encore que les prévenus n’ont subi aucun grief du fait que M. X ait été interrogé dans le cadre de l’enquête de flagrance et qu’une perquisition ait également été réalisée dans les locaux de la société Y, alors qu’il avait été convoqué le 21 septembre 2017 dans le cadre de l’enquête préliminaire, de sorte que les actes de l’enquête de flagrance ne sont pas entachés de nullité. Ils ajoutent que les actes relatifs à l’enquête de flagrance n’ont aucune incidence sur les actes et éléments antérieurs de l’enquête préliminaire qui établissent la culpabilité des prévenus de sorte que la question de la validité des actes et éléments de l’enquête de flagrance n’affecte pas celle des actes et éléments de l’enquête préliminaire, ces derniers demeurant dès lors en tout état de cause valables.

* S’agissant des réquisitions, la SCPP expose que le droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer n’est pas absolu et ne s’étend pas aux éléments qui existent indépendamment de la volonté des prévenus, ce qui est le cas des données informatiques saisies comme en l’espèce, au cours d’une perquisition et qui existent donc indépendamment de la volonté des prévenus. Elle estime que de telles données peuvent dès lors être recueillies sous la contrainte dans le cadre de l’enquête sans qu’il y ait d’atteinte au droit des prévenus de ne pas s’auto-incriminer. Elle rappelle que les prévenus ont eux-mêmes sollicité un acte de réquisition de leurs données informatiques, dont ils ont adressé le modèle aux enquêteurs à partir d’une précédente réquisition connue d’eux, et que n’y ayant pas déféré et le parquet leur ayant à nouveau adressé une réquisition, les prévenus lui ont expressément demandé de limiter cette réquisition à des informations ciblées, par courrier du 5 juillet 2018 accepté par courriel du 12 juillet 2018 par le parquet.

* Sur les convocations par officier de police judiciaire (COPJ), la SCPP indique que l’exposé des poursuites du 25 septembre 2019 a informé les prévenus des qualifications données aux faits et des infractions ainsi constituées et visé les textes d’incrimination et de répression, de sorte que les prévenus connaissent donc tous ces éléments depuis lors, et ont eu le temps de préparer leur défense, outre le fait qu’ils connaissaient déjà les annexes visées par les COPJ puisqu’elles étaient préalablement jointes à l’exposé des poursuites, et qu’ils ont participé à la confrontation du 28 juin 2019. Elle ajoute que les fichiers listés aux annexes 2 et 3 de la COPJ correspondent aux contenus illicites dont les retraits ont été notifiés. Elle indique que dans leurs procès-verbaux, les agents assermentés qui ont téléchargé et écouté les phonogrammes et œuvres musicales correspondant à ces contenus illicites, ont attesté de la réalité de leur existence. Les « actes positifs » de contrefaçon ont fait l’objet de précisions lors de la confrontation du 29 juin 2019 de sorte que les prévenus n’en ignorent rien et que les COPJ ne leur causent aucun grief. Elle souligne que les trois annexes sont parvenues aux prévenus plus de 10 jours avant l’audience du 10 décembre 2019 et que le fait que les COPJ ne visent pas l’article 6 de la LCEN, en ce qu’il organise la responsabilité pénale des hébergeurs, n’affecte pas leur validité, seule comptant la référence au texte réprimant les faits délictueux, laquelle est bien faite en l’espèce.

Elle indique que les critiques relatives au défaut d’indication de la date à laquelle les contenus illicites notifiés ont été chargés sur le site, de la durée pendant laquelle ils seraient restés disponibles et de la date de leur suppression, ne concement pas l’existence mais la durée d’existence de ces contenus illicites, laquelle importe peu puisque seule compte la preuve de l’existence de ces contenus au moment de leur notification, d’une part et celle du refus des prévenus de les retirer, d’autre part, pour que l’infraction de contrefaçon soit constituée, de sorte que ces circonstances de temps sont indifférentes à la validité des COPJ et leur absence ne cause aucun grief aux

Page 18 / 72

prévenus qui pourront en discuter au fond.

2. – Observations de la SACEM et de la SDRM

* La SACEM et la SDRM concluent au rejet des exceptions de nullité. Elles exposent que les constats litigieux sont de simples moyens de preuve qui ont été établis par des agents assermentés, lesquelles tiennent leur compétence de la loi, sont agréés de manière individuelle par le ministre chargé de la culture pour une durée de cinq ans et ont précisément vocation à intervenir à leur demande pour constater des faits délictuels portant atteinte aux droits que ces organismes représentent. Elles ajoutent que dans ce cadre légal, les agents assermentés de la SACEM sont parfaitement habilités à constater la matérialité des infractions concernées aux fins d’en établir la preuve, avec une compétence concurrente à celles des officiers de police judiciaire pour constater les infractions au code de la propriété intellectuelle. Elles rappellent que les enquêteurs ont vérifié les faits relevés dans les constats litigieux et procédé à leurs propres investigations et précisent que les procès-verbaux dressés par les agents assermentés constituent donc, non pas un acte de la procédure, mais un simple moyen de preuve. Elles exposent encore qu’aucune déloyauté dans l’établissement de la preuve de l’infraction n’est caractérisée, les procès-verbaux ne contenant que des données purement factuelles, étant rappelé que ces constats ne sont soumis pour leur régularité à aucune règle légale ou réglementaire, sauf les principes de diligences nécessaires.

* S’agissant de l’enquête de flagrance, la SACEM et la SDRM indiquent que les éléments factuels mettent en évidence la persistance des actes de contrefaçon, si bien que l’application du régime de la flagrance était pleinement justifiée eu égard à la permanence de la commission des actes de contrefaçon, conséquence nécessaire du caractère continu de l’infraction de contrefaçon. Elles ajoutent que les prévenus n’ont subi aucun grief du fait de l’application du régime de la flagrance puisque M. X a été entendu sous le régime de l’audition libre après s’être présenté librement en réponse à une convocation et que la perquisition a visé uniquement les données stockées sur les serveurs de la société et que le consentement préalable de M. X a été recueilli avant de procéder à la moindre investigation sur les serveurs distants situés aux Pays-Bas.

* S’agissant des réquisitions, la SACEM et la SDRM indiquent que l’article 77 du code de procédure pénale vise clairement « toute personne» en ce compris les suspects et personnes poursuivies. Elles rappellent que le droit de se taire a pour objectif d’éviter que, sous une contrainte morale, psychologique, résultant de la mise en œuvre d’une mesure coercitive à son encontre, une personne ne fasse des déclarations fausses, d’auto-incrimination, dans le but d’échapper à la contrainte qui pèse sur elle, voire simplement ne fasse de telles déclarations du fait de la contrainte psychologique qui pèse sur clle. Elles ajoutent que ce droit de ne pas participer à sa propre incrimination ne saurait impliquer un droit à s’opposer à ce que des données objectives provenant de la personne ne soient recueillies. Elles indiquent qu’il n’est pas contestable que les données informatiques stockées sur les serveurs de la société Y aux Pays-Bas existent indépendamment de la volonté des prévenus, de sorte que les réquisitions adressées aux fins d’obtenir ces données ne méconnaissent pas le droit au silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination. Elles ajoutent que la réquisition contestée a été sollicitée par les prévenus eux-mêmes et son établissement a été l’objet de nombreux échanges entre le procureur de la République et le conseil des prévenus.

* Sur les COPJ, la SACEM et la SDRM indiquent que les faits objets des poursuites ont donné lieu à un intense échange contradictoire tout au long de l’enquête

Page 19 / 72

débouchant le 28 juin 2019 sur une confrontation au cours de laquelle était notamment abordée en détails la caractérisation de l’infraction de contrefaçon à l’aune du régime de responsabilité des hébergeurs, et sur un exposé détaillé des poursuites adressé aux prévenus, via leur conseil, dès le 9 octobre 2019, présentant très précisément la teneur des infractions reprochées dans des termes exempts d’ambiguïté. Elles estiment donc que les prévenus ont été informés de manière détaillée des faits et des infractions qui leurs sont reprochés, de sorte que les COPJ sont parfaitement régulières. Elles précisent que l’absence de visa de l’article 6 de la LCEN, qui fixe le régime de la responsabilité pénale des hébergeurs, n’est pas de nature à affecter la validité des COPJ puisqu’il ne s’agit pas d’un texte d’incrimination, son seul objet étant d’aménager la responsabilité pénale d’une catégorie d’opérateurs et non de réprimer les faits de contrefaçon reprochés aux prévenus.

3.-Observations de la FNEF, du SEVN et des sociétés de production de films

* Aux termes de leurs conclusions soutenues à l’audience, le SEVN, la FNEF ainsi que les sociétés de production parties civiles sollicitent le rejet des exceptions de nullité soulevées par les prévenus. Ils exposent que les procès-verbaux d’agents assermentés ne sont pas le fondement exclusif de l’enquête de police et des poursuites puisqu’à la suite des communications des diverses plaintes et procès-verbaux, les services d’enquête ont immédiatement procédé aux constatations adéquates et appropriées permettant d’attester de la réalité des infractions reprochées. Ils ajoutent que la méthodologie de constatation employée de manière purement autonome par les services d’enquête pour vérifier la matérialité des infractions constatées par les agents assermentés de l’ALPA est par ailleurs juridiquement et statistiquement irréprochable. Ils rappellent qu’il n’existe aucun principe de subsidiarité de la preuve rapportée, que les constatations des agents assermentés suffisent à justifier l’ouverture d’une enquête et constituent des éléments de preuve dont il appartient au procureur de la République d’apprécier si avec ou non des investigations supplémentaires elles justifient le renvoi des personnes concemées devant la juridiction pénale. Ils précisent que les agents assermentés nc sont soumis en aucune manière aux mêmes obligations que les agents de police judiciaire, que leurs constatations ne peuvent être assimilées à des actes de procédure, que les agents assermentés ne peuvent être assimilés à des agents de police judiciaire et ne sont dotés d’aucune prérogative de puissance publique, ni d’aucun pouvoir spécial d’enquête. Ils indiquent qu’en outre, ces procès-verbaux ne révèlent aucune atteinte à l’impartialité puisqu’ils se boment à constater la réalité des atteintes objet des notifications faites aux prévenus, et s’abstiennent de toute critique concrète. Enfin, ils précisent que les agents assermentés de l’ALPA ne sont aucunement liés aux sociétés parties civiles, l’ALPA étant à la fois distincte et indépendante de ses membres.

* S’agissant de la procédure de flagrance, les concluants rappellent que la contrefaçon commise en ligne est une infraction continue dont la commission se poursuit jusqu’à la cessation de l’accès à l’œuvre, de sorte qu’à tout moment, elle peut faire l’objet d’une enquête de flagrance.

Ils estiment que la procédure de flagrance était justifiée et régulière et ajoutent que si le tribunal devait considérer que l’enquête de flagrance ne réunissait pas toutes les conditions nécessaires à sa validité, il observerait que cette procédure n’est le support nécessaire d’aucun des actes ultérieurs, et en particulier qu’il n’est pas le support nécessaire des éléments communiqués par le prévenu et encore moins du rapport d’expertise puisque l’audition de M. X n’a fait émerger aucun élément nouveau, que les perquisitions informatiques diligentées au sein de la société ont échoué et que les perquisitions physiques n’ont permis de mettre la main sur aucun

Page 20 / 72

élément nouveau.

* S’agissant des réquisitions, les concluants exposent que la réquisition du 27 octobre 2017 a fait suite à l’échec d’une perquisition judiciaire à laquelle le prévenu avait donné son consentement exprès, à l’engagement du prévenu de communiquer ces éléments, a été juridiquement contestée par le prévenu avec l’aide de son avocat et n’a jamais donné lieu à la moindre réponse de la part du prévenu. Ils ajoutent qu’une seconde réquisition judiciaire a été émise le 22 juin 2018, qui a fait suite à une suggestion des prévenus eux-mêmes, ainsi qu’à une demande des parties civiles pour les besoins de l’évaluation de leur préjudice, alors que l’infraction était déjà parfaitement caractérisée par l’enquête, cette réquisition concernant des informations que les prévenus souhaitaient communiquer, a été juridiquement discutée par eux avec l’aide de leur avocat, a donné lieu à communication de documents choisis par eux et ne correspondant pas exactement à la sollicitation initiale, de sorte ces réquisitions n’ont en aucun cas pu violer le principe du droit à ne pas s’auto- incriminer. Ils rappellent que le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ne s’étend pas aux informations existant indépendamment de la volonté du mis en cause. Ils soulignent que les informations dont la communication était requise ne contribuent ni directement, ni indirectement à l’incrimination du prévenu puisque ces réquisitions judiciaires visaient notamment à connaître les conditions dans lesquelles les fichiers visés dans la prévention avaient été mis en ligne et téléchargés par des tiers, la mise en ligne et l’accessibilité des fichiers, malgré la notification aux fins de retrait, ayant été préalablement constatées par les constats des agents assermentés comme par les actes d’enquête. Ils indiquent qu’il n’a été exercé sur les prévenus aucune coercition qui aurait privé ceux-ci de leur droit à ne pas contribuer à leur propre incrimination.

* S’agissant des COPJ, les concluants rappellent que la convocation est régulière dès lors que le fait poursuivi tel qu’il est défini par le texte d’incrimination est mentionné et que sont rappelés les principaux textes de loi qui le répriment sans qu’il soit nécessaire de détailler les modalités concrètes de commission des infractions. Ils estiment que la procédure d’enquête a permis aux prévenus de prendre connaissance des faits et circonstances qui leur sont reprochés, et ce bien avant la citation puisque, à compter de février 2018, le procureur de la République a permis aux parties d’accéder à toute la procédure, a sollicité des observations de l’ensemble des parties, a communiqué le projet de citation strictement identique à celui délivré aux prévenus, de sorte que ces demiers étaient en capacité de présenter des observations à l’encontre de cette prévention, ce qu’ils ne se sont pas privés de faire. Ils relèvent encore que la confrontation du 28 juin 2019 et l’exposé des poursuites communiqué aux parties ont précisé les poursuites. Ils indiquent que le renvoi fait aux annexes ne fait pas obstacle à la validité de la citation, outre le fait que les prévenus ne précisent pas en quoi ce renvoi leur ferait grief dès lors que les annexes visent bien tous les éléments de temps. Ils ajoutent que l’article 390-1 du code de procédure pénale impose simplement l’énonciation « du fait poursuivi » et du « texte de loi qui le réprime », étant observé que l’article 6. I. 3 de la LCEN n’est pas relatif à l’engagement de responsabilité pénale d’un hébergeur mais aux moyens de défense dont celui-ci peut se prévaloir pour faire obstacle à l’engagement de sa responsabilité, et n’est donc pas un texte d’incrimination mais un texte aménageant une cause d’irresponsabilité pénale.

C. – Ar ts du ministère public

* Sur le non-respect de l’exigence de subsidiarité de la preuve rapportée par les agents assermentés, le procureur de la République expose que l’article L.331-2 du code de la propriété intellectuelle ne pose pas de limite au recours aux constatations réalisées par les agents assermentés et ne pose aucun principe de subsidiarité. Il indique que les prévenus omettent de prendre en compte les très nombreux constats réalisés par les

Page 21 / 72

enquêteurs de la section de recherche de Metz, mentionnés dans les pièces réunies dans le sous-dossier B de la procédure 14303/1466/2016. Il ajoute qu’en tout état de cause, ce grief ne vise pas un cas de nullité prévue par l’article 802 du code de procédure pénale mais la valeur probante des charges retenues au soutien des poursuites.

Sur la violation des principes fondamentaux d’impartialité et de loyauté de la preuve, le procureur de la République expose que les prévenus soutiennent que les enquêteurs de la gendarmerie ont tenu pour acquises les constatations faites par les agents assermentés de l’ALPA, de la SACEM et de la SCPP, et que ces agents, quoique assermentés, seraient partiaux et que, par conséquent, toute la procédure souffre de partialité. Il indique que les prévenus omettent de prendre en compte les investigations réalisées par les enquêteurs de la gendarmerie nationales et retranscrites dans les 70 pièces du sous-dossier B de la procédure 14303/1466/2016.

* Sur la nullité de l’enquête de flagrance, le procureur de la République expose que le régime de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire s’applique à une procédure et non pas à des faits et que, dès lors qu’il existe des motifs permettant de retenir la flagrance, ce régime procédural s’applique nécessairement à l’ensemble de la procédure diligentée par l’officier de police judiciaire, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des disjonctions en fonction de la date des faits. Il indique que la FNDF a déposé une plainte complémentaire le 21 septembre 2017, transmise par le parquet aux enquêteurs le 22 septembre 2017, ct que le 25 septembre 2017, les enquêteurs de la section de recherche de Metz ont constaté que 357 liens sur les 360 renvoyant aux fichiers désignés comme contrefaits dans la plainte complémentaire de la TFNDF étaient toujours actifs. Il ajoute qu’au vu de ces nouveaux constats, permettant de soupçonner la persistance des délits de contrefaçon par mise à disposition de fichiers contrefaits à disposition du public, le parquet a donné pour instruction aux enquêteurs de poursuivre la procédure sous le régime de la flagrance. Il estime donc que l’application du régime de la flagrance était parfaitement justifiée.

Il souligne que le régime de la flagrance n’a eu aucune incidence sur l’audition de M. X puisque celui-ci n’a pas été interpellé mais s’est présenté librement en réponse à une convocation, qu’il a été entendu sous le régime de l’audition libre d’une personne mise en cause et n’a pas été placé en garde-à-vue, de sorte qu’aucune coercition n’a été exercée sur sa personne.

Il considère encore que le régime de la flagrance n’a pas eu davantage d’incidence sur la perquisition réalisée au siège de la société Y, qui avait pour principal objet la vérification des données informatiques de la société Y ct que, comme les données se trouvaient sur un serveur situé aux Pays-Bas, l’assentiment de M. AE X a été recueilli avant de procéder aux investigations sur ce serveur, conformément aux dispositions de la Convention de Budapest du 23 novembre 2001, outre le fait que, compte tenu de la durée prévisible de téléchargement des données, aucune saisie n’a été réalisée, M. X s’étant engagé à procéder lui-même à la copie des fichiers désignés par l’enquêteur sur un disque dur remis à cet effet.

Le ministère public considère donc comme parfaitement justifiée, l’application du régime de la flagrance, lequel n’a eu de fait aucune conséquence sur l’audition de M X et les investigations réalisées avec son assentiment sur le serveur utilisé par la société.

* S’agissant de la demande de nullité des réquisitions adressées aux mis en cause, pour violation du droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer, le ministère public indique qu’une première réquisition a été adressée le 27 octobre 2017 par l’officier de police judiciaire à M. X, en sa qualité de président de la société Y, afin qu’il fournisse des données informatiques, et qu’une seconde réquisition lui a été

Page 22 / 72

adressée par le procureur de la République, le 22 juin 2018. Il ajoute qu’après échange avec l’avocat de M. X, et après prise en compte de ses arguments, le périmètre de la réquisition a été précisé. Il indique que si les prévenus soutiennent qu’une réquisition judiciaire, qui peut être adressée aux personnes susceptibles de détenir des informations intéressant l’enquête au sens de l’article 77-1-1 du code de procédure pénale, ne peut pas l’être à des personnes suspectées dans le cadre de l’enquête, cette analyse est contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation, récemment réaffirmée, qui considère que le droit de ne pas s’incriminer soi-même ne s’étend pas aux données que l’on peut obtenir de la personne concernée en recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent indépendamment de la volonté de l’intéressé.

Il estime que cette jurisprudence autorise à adresser une réquisition à toute personne physique ou morale, suspectée d’être l’auteur d’un crime ou d’un délit, dès lors que la réquisition n’a pas pour objet d’obtenir de la personne des aveux mais porte sur des données enregistrées sur des supports matériels, dont l’existence est indépendante de la volonté de la personne requise.

Le ministère public rappelle que les données enregistrées sur les serveurs de la société Y aux Pays-Bas existaient indépendamment de sa volonté et auraient d’ailleurs pu faire l’objet d’une perquisition par les autorités néerlandaises, à la demande des autorités françaises. Il ajoute qu’en aucun cas, la réquisition ne visait pas à obtenir des aveux de la part de la société et il fait remarquer que la réquisition du parquet a fait l’objet d’une longue et libre discussion avec le conseil des mis en cause qui a conduit à modifier la réquisition initiale, en tenant compte des observations de la défense.

* Sur la demande de nullité de la COPJ, le procureur de la République indique que les convocations ont été datées par l’enquêteur du 11 octobre 2019 alors que M. X a signé les deux convocations le 29 octobre 2019, en attestant avoir reçu les trois annexes. Il ajoute que les convocations accompagnées des annexes lui ont donc été remises le 29 octobre, environ six semaines avant l’audience, c’est-à-dire dans le délai légal de dix jours prévu par l’article 552 du code de procédure pénale. Il expose également qu’à la suite de la réception des conclusions de nullité, l’enquêteur chargé de la remise des convocations a été sollicité pour relater les circonstances de la remise, et qu’il en ressort que les convocations ont été établies le 11 octobre, mais qu’en raison de l’absence de M. X, elles n’ont été remises que le 29 octobre, comme en atteste la date portée de manière manuscrite par l’intéressé sur les deux convocations.

Le ministère public rappelle qu’un exposé des poursuites détaillé a été adressé à l’avocat des mis en cause par courriel dès le 9 octobre 2019, plus de deux mois avant la première audience, et que les faits ont donné lieu à de larges échanges contradictoires au cours de l’enquête.

S’agissant de l’absence de mention dans le convocations du texte de la loi pénale qui prévoit la responsabilité pénale des hébergeurs, à savoir l’article 6 de la LCEN, le procureur de la République soutient que le prévenu ne peut pas prétendre sans mauvaise foi avoir été tenu dans l’ignorance de ces dispositions, rappelées dans les conclusions de son conseil et qui ont été abondamment commentées au cours de l’enquête, lors des échanges d’observations, lors de la confrontation et dans l’exposé des poursuites.

Il ajoute que ces dispositions n’avaient pas à être visées dans la convocation délivrée conformément à l’article 390-1 du code de procédure pénale, qui prévoit en son deuxième alinéa que « la convocation énonce le fait poursuivi [et] vise le texte de loi qui le réprime », puisque l’article 6 de la LCEN ne « réprime» pas les faits de contrefaçon mais se limite à définir les conditions dans lesquelles les hébergeurs bénéficient d’une protection contre tout engagement de leur responsabilité civile et

Page 23 / 72

pénale.

S’agissant du respect du contradictoire, le procureur de la République indique que de manière générale, il est reproché au ministère public d’avoir conduit la procédure exclusivement à charge, de manière partiale et déloyale, sans respecter le principe du contradictoire.

Il rappelle qu’à l’issue de la procédure, tous les faits dénoncés par les plaignantes n’ont pas donné lieu à poursuites puisque les poursuites ne comprennent pas les faits dénoncés initialement par la SCPP correspondant à l 769 liens litigieux et que l’infraction prévue par l’article L. 335-2-1 visée dans la plainte de la FNDF n’a pas davantage donné lieu à poursuites. Il rappelle également que le 5 février 2018, la copie de la procédure était adressée aux parties qui étaient invitées à formuler des observations, que le 19 septembre 2018, les observations formulées par chaque partic étaient transmises à toutes les parties qui étaient à nouveau invitées présenter des observations complémentaires, et que le 28 juin 2019, une confrontation était organisée par le procureur de la République en présence de toutes les parties, en reprenant dans les détails les points de fait et de droit évoqués durant l’enquête et dans les observations des parties, confrontation à l’issue de laquelle les parties étaient encore invitées, pour la troisième fois, à présenter des observations finales, avant de se voir transmettre le 9 octobre 2019 un exposé détaillé des poursuites.

D. – Examen des tic de nullité

Les prévenus soulèvent quatre exceptions de nullité :

— la nullité liée aux constats des agents assermentés ;

— la nullité de l’enquête de flagrance ;

— la nullité des réquisition adressées aux mis en cause ; – la nullité des convocations en justice.

1. – Nullité liée aux constats des agents assermentés

L’article L. 33 1-2 du code de la propriété intellectuelle dispose :

« Outre les procès-verbaux des officiers ou agents de police judiciaire, la preuve de la matérialité de toute infraction aux dispositions des livres I« , II et III du présent code peut résulter des constatations d’agents assermentés désignés selon les cas par le Centre national du cinéma et de l’image animée, par les organismes de défense professionnelle visés à l’article L. 331-1 et par les organismes de gestion collective ( »les sociétés", dans la version en vigueur jusqu’au 24 décembre 2016) mentionnés au titre II du présent livre. Ces agents sont agréés par le ministre chargé de la culture dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État. »

Les agents assermentés font l’objet d’un agrément par le ministère de la culture dans des conditions précises prévues par l’article R. 331-1 du même code, agrément destiné à vérifier notamment que les agents présentent « les capacités et les garanties requises au regard des fonctions pour lesquelles l’agrément est sollicité », en tenant compte de leur niveau de formation et de leur expérience professionnelle, « notamment dans le recueil d’éléments probants », outre une exigence de probité. Ces agents prêtent serment et demeurent liés par les termes de leur serment tout au long de l’exercice de leurs fonctions. Ces agents sont donc assermentés en raison de leurs compétences dans la matière dans laquelle ils sont appelés à intervenir et ne sont pas, dans le cadre de leurs constatations faites conformément au code de la propriété intellectuelle, soumis aux organismes professionnels qui les mandatent pour la réalisation de ces constats, ne

Page 24 / 72

recevant de la part de ces derniers ni ordre, ni directive sur ce qu’ils doivent constater et sur la manière dont ils doivent le faire. La réalisation de tels constats et leur utilisation au soutien d’une plainte ne peuvent donc s’analyser comme constituant des moyens de preuve déloyaux, viciant la procédure.

Les agents assermentés peuvent être désignés par les organismes visés à l’article L.. 331-1 du code de la propriété intellectuelle pour constater la matérialité de faits délictuels portant atteinte aux droits que ces organismes représentent. Ils disposent à cet égard d’une compétence concurrente à celle des officiers de police judiciaire pour constater les infractions au code de la propriété intellectuelle, le terme «infraction » ne se limitant pas aux scules infractions pénales puisque les constats peuvent également être utilisés dans le cadre d’une action civile liée ou non à une action pénale.

Le code de la propriété intellectuelle n’instaure pas de hiérarchie ou de subsidiarité entre les pouvoirs reconnus aux agents assermentés et les pouvoirs dévolus aux OPJ pour constater des infractions relevant de la compétence des premiers. Il est souligné que la possibilité d’avoir recours aux agents assermentés visés à l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle, n’exclut pas les autres modes de preuve (constats d’huissiers, témoignages, attestations par exemple) conformément à l’article 477 du code de procédure pénale qui dispose que « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa discussion que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ».

Il faut encore rappeler que les agents assermentés ne sont dotés d’aucune prérogative de puissance publique, ni d’aucun pouvoir spécial d’enquête et que leurs procès- verbaux nc sont pas régis par les dispositions du code de procédure pénale, de sorte que ces procès-verbaux ne sont pas des actes de la procédure susceptibles d’annulation. Ils ne valent qu’à titre de renseignement et sont soumis à la discussion contradictoire. Les constats des agents assermentés ne sont soumis, pour leur régularité, à aucune règle légale ou réglementaire, sauf les principes de diligences nécessaires.

Il résulte cn outre du dossier qu’après réalisation des constats par les agents assermentés et réception des plaintes déposées par les différents organismes, une enquête a été diligentée par le procureur de la République et par le service d’enquête désigné par celui-ci, la section de recherches de la gendarmerie de Metz. Dans le cadre de cette procédure, les enquêteurs ont procédé à des investigations nombreuses et précises afin de vérifier notamment la présence des fichiers notifiés sur les serveurs gérés par la société Y. Les constats des agents assermentés ne sont donc pas les seuls éléments fondant les poursuites.

En définitive, les procès-verbaux ont été dressés par des agents assermentés dans les conditions prévues par le code de la propriété intellectuelle, c’est à dire dans la limite de leur habilitation et de leur compétence, et ont porté sur des constatations purement matérielles comme l’article L. 331-2 le prévoit. Ces constats, qui ne sont pas des actes d’enquête, n’encourent formellement aucune annulation. Le contenu et la valeur probante de ces constats ont pu être discutés durant la procédure d’enquête et ont fait l’objet d’une appréciation du tribunal après avoir été librement discutés par les parties dans leurs conclusions et à l’audience. Il n’est dès lors pas démontré que ces constats auraient porté atteinte au caractère équitable et contradictoire de la procédure ou compromis l’équilibre des droits des parties, justifiant leur annulation.

La demande de nullité des constats dressés par les agents assermentés sera cn conséquence rejetée.

Page 25 / 72

2. – Nullité de l’enquête de flagrance

L’article 53 du code de procédure pénale dispose :

« Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit.

À la suite de la constatation d’un crime ou d’un délit flagrant, l’enquête menée sous le contrôle du procureur de la République dans les conditions prévues par le présent chapitre peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours.

Lorsque des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement ne peuvent être différées, le procureur de la République peut décider la prolongation, dans les mêmes conditions, de l’enquête pour une durée maximale de huit jours. »

En l’espèce, une enquête préliminaire a été ouverte courant 2016 à la suite des constatations des agents de l’ALPA puis des plaintes des organismes professionnels concemés. Le 22 septembre 2017, le procureur de la République a transmis aux enquêteurs une plainte complémentaire déposée par la FNDF le 20 septembre 2017 relatant de nouveaux faits de mise à disposition de fichiers illicites au regard des droits d’auteurs. Les investigations ont alors été poursuivies selon les dispositions de la flagrance à compter du 27 septembre 2017. Il résulte de la procédure de gendarmerie que l’ALPA a ainsi procédé au signalement de 360 nouveaux liens en juin et en août 2017. Les enquêteurs ont vérifié que, au 25 septembre 2017, sur l’ensemble des liens signalés, seulement 3 étaient inaccessibles, les autres œuvres en cause étant toujours mises à disposition.

M. X a été entendu en audition libre le 28 septembre 2017, dans le cadre de l’enquête de flagrance, après convocation remise le 21 septembre 2017 dans le cadre de l’enquête préliminaire. Le même jour (28 septembre 2017), une perquisition informatique avec assentiment exprès a été effectuée sur les serveurs distants de la société Y implantés aux Pays-Bas. Les enquêteurs ont indiqué que des données techniques pouvant intéresser l’enquête en cours avaient été isolées sur ces serveurs en vue de leur transmission ultérieure aux enquêteurs et qu’il était techniquement impossible de rapatrier les données localement en raison d’un débit internet trop faible au regard du volume important des fichiers. M. X s’est engagé, à l’occasion d’un déplacement aux Pays Bas, à copier les données, isolées lors de la perquisition informatique, sur un support informatique qui lui a été remis par les enquêteurs. Puis il a sollicité une réquisition judiciaire afin de communiquer les différents éléments.

Il ressort de ces éléments factuels qu’à la date du 27 septembre 2017, lorsque la procédure a basculé sous le régime de la flagrance, une nouvelle plainte avait été déposée par la FNDF quatre jours auparavant et que les enquêteurs venaient de constater matériellement sur les serveurs la reproduction et la mise à disposition des œuvres visées par cette nouvelle plainte.

Dès lors, l’application du régime de la flagrance apparaît pleinement justifiée à la date du 27 septembre 2017 compte tenu de la persistance des actes pouvant être qualifiés de contrefaçon.

Page 26 / 72

Il est souligné que l’infraction de contrefaçon par mise à disposition (en l’espèce par mise à disposition en ligne) est une infraction continue dont la commission se poursuit jusqu’à ce que l’œuvre ne soit plus accessible. Au 27 septembre 2017, les enquêteurs ont constaté la persistance de la mise à disposition en ligne des fichiers incriminés. Une infraction continue qui est constituée tant que sa commission perdure, répond à la définition de la flagrance au sens de l’article 53 du code de procédure pénale.

En outre, les prévenus ne démontrent pas l’existence d’un grief qui résulterait selon ceux de l’application du régime de la procédure de flagrance à compter du 27 septembre 2017 puisque M. X, qui avait été convoqué le 21 septembre 2017, a été entendu le 28 septembre 2017 sous le régime de l’audition libre, après notification de ses droits, et qu’il a donné son assentiment à la perquisition, laquelle ne visait que l’accès aux serveurs de la société, et à la saisie à distance (aux Pays-Bas) des données informatiques de la société, conformément à l’article 57-1 du code de procédure pénale et à l’article 32 de la Convention de Budapest du 23 novembre 2001, étant rappelé qu’en réalité aucune saisie n’a eu lieu ce jour-là.

Il apparaît dès lors que le régime de flagrance appliqué cn cours de procédure était justifié et qu’il n’a entraîné aucune conséquence sur les droits de M. X ct de la société Y. L’exception de nullité soulevée par les prévenus et portant sur ce point sera en conséquence rejetée.

3. -Nullité des réquisitions adressées aux mis en cause

L’article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa version applicable à la présente espèce, dispose que « le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l’officier de police judiciaire, peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l’enquête, y compris celles issues d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-5, la remise des informations ne peut intervenir qu’avec leur accord. En cas d’absence de réponse de la personne aux réquisitions, les dispositions du second alinéa de l’article 60-1 sont applicables. Le dernier alinéa de l’article 60-1 est également applicable. »

L’article 77-1-1 du code de procédure pénale vise « toute personne » susceptible de détenir des informations intéressant l’enquête, y compris celles issues d’un système informatique, sans exclure les personnes mises en cause dans le cadre de l’enquête. Considérer qu’une personne visée par une procédure d’enquête ne pourrait pas se voir délivrer une réquisition aux fins de remise des éléments de preuve qu’elle détient ajouterait au texte, lequel est dépourvu d’ambiguïté.

L’article 14, $ 3, (g) du Pacte des droits civils et politiques dispose que « toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes : […] – g – à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable ».

S’agissant du droit de garder le silence et du droit de ne pas s’incriminer soi-même, la jurisprudence de Cour européenne des droits de l’homme, la jurisprudence française, et l’article 7 de la directive du parlement européen et du conseil n° 2016/343 du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, définissent un régime précis. L’article 7 de la directive qui est consacré au « droit de garder le silence

Page 27 / 72

et droit de ne pas s’incriminer soi-même » prévoit que :

«1. Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies aient le droit de garder le silence en ce qui concerne l’infraction pénale qu’ils sont soupçonnés d’avoir commise ou au titre de laquelle ils sont poursuivis.

2. Les Etats membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies aient le droit de ne pas s’incriminer eux-mêmes.

3. L’exercice du droit de ne pas s’incriminer soi-même n’empêche pas les autorités compétentes de recueillir les preuves qui peuvent être obtenues légalement au moyen de pouvoirs de contrainte licites et qui existent indépendamment de la volonté des suspects ou des personnes poursuivies.

4. Les Etats membres peuvent autoriser leurs autorités judiciaires à tenir compte, lorsqu’elles rendent leur jugement, de l’attitude coopérative des suspects et des personnes poursuivies.

5. L’exercice par les suspects et les personnes poursuivies du droit de garder le silence et du droit de ne pas s’incriminer soi-même ne saurait être retenu contre eux, ni considéré comme une preuve qu’ils ont commis l’infraction pénale concernée.

6. Le présent article n’empêche pas les États membres de décider que, pour des infractions mineures, la procédure ou certaines parties de celle-ci peuvent être menées par écrit ou sans que le suspect ou la personne poursuivie ne soit interrogé par les autorités compétentes à propos de l’infraction concernée, pour autant que le droit à un procès équitable soit respecté. »

Ce texte consacre le droit pour un prévenu de se taire et de ne pas s’incriminer lui- même, la directive énonçant dans ses considérants que « le droit de garder le silence constitue un aspect important de la présomption d’innocence et devrait servir de rempart contre l’auto-incrimination» et que «les suspects et les personnes poursuivies ne devraient pas être forcées, lorsqu’il leur est demandé de faire des déclarations ou de répondre à des questions, de produire des preuves ou des documents ou de fournir des informations pouvant conduire à leur propre incrimination ».

Cependant, ce texte réserve expressément la possibilité au cours des procédures d’enquête et des procédures judiciaires de recueillir les preuves qui peuvent être obtenues légalement au moyen de pouvoirs de contrainte licites et qui existent indépendamment de la volonté des suspects ou des personnes poursuivies. Autrement dit, le droit de ne pas s’incriminer soi-même ne s’étend pas aux données qui peuvent être obtenues de la personne suspecte ou poursuivie en recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent indépendamment de la volonté de l’intéressé.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, SAUNDERS c/ Royaume Uni, 17 décembre 1996, requête n° 19187/91 et O’HALLORAN et FRANCIS c/ Royaume- Uni, 29 juin 2007, requêtes n°15809/02 et 25624/02) a rappelé que les informations qui existent indépendamment de la volonté du prévenu sont exclues du champ d’application du droit à ne pas contribuer à sa propre incrimination :

« (…) le droit de ne pas s’incriminer soi-même concerne en premier lieu le respect de la détermination d’un accusé de garder le silence. Tel qu’il s’entend communément dans les systèmes juridiques des Parties contractantes à la Convention et ailleurs, il ne s’étend pas à l’usage, dans une procédure pénale, de données que l’on peut obtenir de l’accusé en recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent indépendamment de la volonté du

Page 28 / 72

suspect, par exemple les documents recueillis en vertu d’un mandat, les prélèvements d’haleine, de sang et d’urine ainsi que de tissus corporels en vue d’une analyse de l’ADN. »

Le Conseil constitutionnel s’est également prononcé à plusieurs reprises et notamment dans la décision n° 2018-696 QPC du 30 mars 2018 sur l’article 434-15-2 du code pénal réprimant le refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en œuvre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie, dans laquelle il est relevé que :

«Les dispositions critiquées n’imposent à la personne suspectée d’avoir commis une infraction, en utilisant un moyen de cryptologie, de délivrer ou de mettre en œuvre la convention secrète de déchiffrement que s’il est établi qu’elle en a connaissance. Elles n’ont pas pour objet d’obtenir des aveux de sa part et n’emportent ni reconnaissance ni présomption de culpabilité mais permettent seulement le déchiffrement des données cryptées. En outre, l’enquête ou l’instruction doivent avoir permis d’identifier l’existence des données traitées par le moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit. Enfin, ces données, déjà fixées sur un support, existent indépendamment de la volonté de la personne suspectée. »

Le Conseil constitutionnel en conclut de qu’il « résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne portent pas atteinte au droit de ne pas s’accuser ni au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances ».

Par arrêt rendu le 10 décembre 2019 (pourvoi n° 18-86 878), la chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé que ce même article 434-15-2 du code pénal ne porte pas atteinte au droit de se taire et de ne pas s’incriminer soi-même « dès lors que le droit de ne pas s’incriminer soi-même ne s’étend pas aux données que l’on peut obtenir de la personne concernée en recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent indépendamment de la volonté de l’intéressé ».

En l’espèce, deux réquisitions ont été délivrées à M. X :

* le 27 octobre 2017 libellée : « bien vouloir nous fournir sur le disque dur remis le 28/09/2017 lors de la perquisition effectuée au siège de la SASU Y, les fichiers mentionnés et détaillés infra et apparaissant en gras souligné », la réquisition comportant un détail très précis des données à extraire et produire.

Il cest précisé que cette réquisition a été adressée à M. X après la perquisition informatique avec assentiment exprès menée le 28 septembre 2017, sur les serveurs distants de la société implantés aux Pays Bas, perquisition qui n’a pas permis d’obtenir les données visées en raison de difficultés technique liées à un débit internet trop faible au regard du volume important des fichiers. Aux fins d’obtenir la copie des données, il était remis à M. X avec son accord, un disque dur. Ce dernier n’ayant pas remis les données attendues et ayant sollicité la délivrance d’une réquisition (pièce f09 de la procédure 14303/01466/2016 de la COB de Xertigny), une réquisition lui a été adressée le 27 octobre 2017, réquisition qui n’a pas été suivie d’effet.

* le 22 juin 2018 libellée « bien vouloir fournir pour les fichiers mentionnés dans les tableaux figurant dans les annexes (…) et pour la période du 1" janvier 2016 jusqu’à la date la plus récente :

— toutes les données informatiques relatives au chargement (upload) de ces fichiers dans les espaces serveurs de stockage informatique de la société Y ;

— toutes les données informatiques relatives aux téléchargements (download) de ces fichiers à partir des espaces/serveurs de stockage informatique de la société Y

Page 29 / 72

(…). »

Cette réquisition a fait l’objet de discussions entre le ministère public et l’avocat des prévenus aboutissant à une modification de la demande initiale (courriels des 8 au 17 juillet 2018), réquisition à laquelle il a finalement été déféré.

Il apparaît donc que non seulement ces réquisitions, adressées aux mis en cause, portant sur la fourniture de données déjà enregistrées sur des serveurs de la société aux Pays Bas et donc existant indépendamment de la volonté des personnes suspectées, ne portent pas atteinte au droit de se taire et de ne pas s’incriminer soi-même, mais en outre la première réquisition n’a pas reçu exécution tandis que la seconde réquisition a été partiellement exécutée (par rapport aux demandes initiales) après une discussion, pour ne pas dire une négociation, entre le ministère public et la défense, conduisant le premier à restreindre le champ de ses demandes conformément aux suggestions de l’avocat des mis en cause.

En conséquence, les deux réquisitions n’encourent aucune annulation et la demande de nullité sur ce point sera rejetée.

4. – Nullité des convocations en justice

L’article 390-1 du code de procédure pénale prévoit :

« Vaut citation à personne la convocation en justice notifiée au prévenu, sur instructions du procureur de la République et dans les délais prévus par l’article 552, soit par un greffier, un officier ou agent de police judiciaire, un Jonctionnaire ou agent d’une administration relevant de l’article 28 ou un délégué ou un médiateur du procureur de la République, soit, si le prévenu est détenu, par le chef de l’établissement pénitentiaire.

La convocation énonce le fait poursuivi, vise le texte de loi qui le réprime et indique le tribunal saisi, le lieu, la date et l’heure de l’audience. Elle précise, en outre, que le prévenu peut se faire assister d’un avocat de son choix ou, s’il en fait la demande, d’un avocat commis d’office, dont les frais seront à sa charge sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, et qu’il a également la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit. Elle l’informe qu’il doit comparaître à l’audience en possession des justificatifs de ses revenus ainsi que de ses avis d’imposition ou de non-imposition. Elle l’informe également que le droit fixe de procédure dû en application du 3° de l’article 1018 A du code général des impôts peut être majoré s’il ne comparaît pas personnellement à l’audience ou s’il n’est pas jugé dans les conditions prévues par les premier et deuxième alinéas de l’article 411 du présent code.

Elle est constatée par un procès-verbal signé par le prévenu qui en reçoit copie. »

Il convient de rappeler que la jurisprudence considère que la convocation est régulière dès lors que le fait poursuivi tel qu’il est défini par le texte d’incrimination est mentionné et que sont rappelés les principaux textes de loi qui le répriment, sans qu’il soit nécessaire de détailler les modalités concrètes de l’infraction. En outre, l’absence du visa du texte réprimant l’infraction n’est pas de nature à entraîner la nullité de la citation dès lors que la prévention telle qu’exposée permet à la personne poursuivie de connaître exactement les faits qui lui sont reprochés.

En l’espèce, M. X ct la société Y ont été convoqués devant le tribunal correctionnel à son audience du 10 décembre 2019 suivant convocations remises par un OPJ, remise datée du 11 octobre 2019 mais effectuée matériellement le

Page 30 / 72

29 octobre 2019, ainsi qu’en atteste le procès-verbal de renseignement établi le 12 décembre 2019 par le service enquêteur. Les deux COPJ comportent la mention, dont il n’est pas contesté qu’elle a été inscrite par M. X « 29/10/2019 accuse réception des 3 annexes (11 pages annexe 1) », étant observé que cette remise a eu lieu plus de six semaines avant la première audience.

Il y a lieu de vérifier si ces convocations ont permis aux prévenus de connaître sans ambiguïté les faits qui leur sont reprochés.

Les deux COPJ comportent, outre les identités des prévenus, le détail de la prévention avec pour chacune des infractions retenues à l’encontre de chacun des deux prévenus, les éléments de localisation dans l’espace « la Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national », et dans le temps « entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017 » pour les deux premières infractions, « entre le 21 novembre 2016 et le 31 août 2017 » pour la troisième infraction et « entre le 4 juillet et le 31 juillet 2019 » pour la quatrième infraction, outre les mentions « et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe » 1, 2 ou 3 suivant l’infraction poursuivie.

Les deux convocations mentionnent ensuite la prévention détaillée et visent :

— s’agissant de la contrefaçon d’œuvres de l’esprit, les articles L. 335-2, L. 335-3, L. 335-4, L. 335-5, L. 335-6, L.335-7 et L.335-8 du code de la propriété intellectuelle,

— s’agissant de la reproduction, mise à disposition du public ou diffusion non autorisée de vidéogrammes, les articles L. 21 2-3, L. 213-1, L.. 215-1, L. 216-1, L. 335-4, L. 335- 5, L. 335-6, L. 335-7 et L. 335-8 du code de la propriété intellectuelle,

— s’agissant de la reproduction, mise à disposition du public ou diffusion non autorisée de phonogrammes, les articles L. 212-3, L. 213-1, L. 215-1, L. 216-1, L. 335-4, L. 335-5, L. 335-6, L. 335-7 et L. 335-8 du code de la propriété intellectuelle.

Enfin, les COPJ renvoient, s’agissant du détail des fichiers contrefaits, reproduits, mis à disposition ou diffusés, aux tableaux joints aux annexes 1, 2 et 3.

Ces tableaux précisent pour chacune des œuvres et phonogrammes ou vidéogrammes objet de la prévention : la date de l’envoi de la première notification par courriel, le numéro de constat ALPA correspondant à l’œuvre notifiée, la date de clôture du constat, l’URL vers lfichier.com notifiée, le titre de l’œuvre protégée, le ou les ayants-droit, le nom du fichier contrefaisant, la date de publication du lien, la taille du fichier.

Il ressort des pièces figurant au dossier et des pièces produites en cours de procédure que les plaintes, les éléments issus de l’enquête, les pièces produites par les parties ont été contradictoirement discutés à l’initiative du ministère public qui a, d’une part, organisé le 28 juin 2019 une confrontation au cours de laquelle a été abordée en détails la caractérisation de l’infraction de contrefaçon et le régime de responsabilité des hébergeurs, d’autre part, rédigé un exposé détaillé des poursuites adressé aux conseils des prévenus et des parties civiles le 9 octobre 2019.

Cet exposé des poursuites :

— décrit et analyse le fonctionnement du site « lfichier.com » ;

— décrit et analyse les plaintes de la FNEF, de la SACEM, de la SDRM et de la SCPP ;

— analyse le droit applicable et tout particulièrement l’article 6 de la LCEN et la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel ;

— analyse les constats au soutien des plaintes,

Page 31 / 72

— analyse les notifications adressées par les plaignantes à la société Y,

avant d’apprécier le caractère contrefaisant des fichiers objets des dénonciations, au regard de ces analyses et des éléments issus de la confrontons, et de conclure :

« Il résulte de l’examen des textes applicables, de l’enquête et des échanges d’arguments entre les parties, soit par observations écrites, soit au cours de la confrontation orale réalisée le 28 juin 2019, les éléments suivants :

1. L’enregistrement des œuvres sur les serveurs de la société Y, au moyen du site internet www. lfichier.com et leur mise à disposition au moyen de liens de téléchargement publiés sur d’autres sites internet, constituent des actes de reproduction, de représentation et de diffusion d’œuvres de l’esprit et des actes de fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public de phonogrammes ou de vidéogrammes, au sens respectivement des articles L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle ;

2. En sa qualité d’hébergeur de contenus publics, la société Y bénéficie d’une présomption d’irresponsabilité prévue par l’article 6 de la LCEN ;

3. Cette présomption est levée si un ayant-droit lui adresse une notification dans les formes prévues par l’article 6. I. 5 de la LCEN ; la notification de l’ayant-droit fait en outre peser sur l’hébergeur une présomption de connaissance du contenu des fichiers désignés dans la notification ;

En l’espèce, nous estimons que les notifications réalisées par l’ALPA pour la FNEF et par la SACEM sont conformes aux exigences de l’article 6. I 5 de la LCEN et ont pour effet de lever la présomption d’irresponsabilité de la société Y pour les contenus notifiés et de poser une présomption de connaissance de ces contenus par la société ;

S’agissant de la SCPP, nous estimons que les notifications réalisées entre décembre 2015 et janvier 2017 sont irrégulières et n’ont donc pas pour effet de lever la présomption d’irresponsabilité dont bénéficie la société Y.

En revanche, nous retenons comme régulières celles réalisées au mois de juillet 2019.

4. Le maintien à disposition du public des fichiers litigieux après notification est constitutif pour l’hébergeur des délits de contrefaçon prévus par les articles L.335-3 et L.335-4 du CPI, si les fichiers litigieux présentent un caractère manifestement illicite.

Nous ne partageons pas l’analyse juridique de la société Y selon laquelle le caractère contrefaisant d’un fichier ne peut pas, par nature, présenter un caractère manifeste.

En l’espèce, il apparaît que les titres des fichiers notifiés, la réputation des sites publiant les liens de téléchargement, la nature des œuvres protégées, la qualité des personnes ayant procédé aux notifications et attestant avoir vérifié le contenu des fichiers, constituent des éléments rendant manifeste le caractère contrefaisant des fichiers notifiés.

En conséquence, des poursuites apparaissent devoir être exercées contre la société Y et son dirigeant au moment des faits pour contrefaçon au sens des articles L. 335-3 et L. 335-4 du CPL

En revanche, il ne nous apparaît pas qu’il puisse être reproché à la société Y d’avoir, selon les termes de l’article L. 335-2-1, édité, mis à la disposition du public ou communiqué au public, sciemment et sous quelque

Page 32 / 72

forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’œuvres ou d’objets protégés. En conséquence, aucune poursuite ne sera engagée de ce chef. »

Cet exposé est suivi du détail des infractions pour lesquelles les prévenus seront poursuivis, conformément aux préventions figurant dans les COPJ. Cet exposé indique que son annexées la liste des 1 610 fichiers litigieux ayant donné lieu à notification par l’ALPA, la liste des 27 fichiers litigieux ayant donné lieu à notification par la SCPP et la liste des 100 fichiers litigieux ayant donné lieu à notification par la SACEM, ces listes constituant les annexes qui seront jointes aux COPJ.

En définitive, il apparaît que les convocations délivrées aux prévenus comportent les circonstances de licu et de temps ainsi que la qualification détaillée des infractions qui leur sont reprochées. Au demeurant, la procédure pleinement contradictoire qui a été mise en œuvre par le ministère public, qui a très régulièrement et à plusieurs reprises sollicité les observations des parties, et pris le soin d’adresser aux parties, et en particulier aux conseils des prévenus, un exposé très détaillé des poursuites comportant l’analyse factuelle et juridique des faits reprochés, permettent de considérer que les prévenus ont cu, sans aucune ambiguïté, connaissance des faits qui leur sont reprochés, y compris dans le détail des fichiers visés par la prévention et figurant dans les annexes.

Il est encore précisé que l’absence de visa de l’article 6 de la LCEN, qui fixe le régime de la responsabilité pénale des hébergeurs, n’est pas de nature à affecter la validité des COPJ, puisqu’il ne s’agit pas d’un texte d’incrimination visant à définir et réprimer les faits de contrefaçon. Bien au contraire, la décision n°2004-296 DC rendue par le Conseil constitutionnel concernant la LCEN rappelle justement que ces dispositions ne créent pas un nouveau cas de responsabilité pénale des hébergeurs qui s’ajouterait aux dispositions répressives prévues au livre 3 du code de la propriété intellectuelle mais se limitent à définir les conditions dans lesquelles les hébergeurs bénéficient d’une protection contre tout engagement de leur responsabilité civile et pénale. Les textes réprimant les infractions, au sens de l’article 390-1 du code de procédure pénale, ont quant à eux été intégralement cités dans les deux convocations.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la requête en nullité portant que les COPJ délivrées aux prévenus sera rejetée.

II. – SUR LA DEMANDE DE TRANSMISSION DE QUESTIONS POSÉES À TITRE__PRÉJUDICIEL_ À LA COUR DE JUSTICE _DE _L’UNION EUROPÉENNE

A. – Conclusions des

Dans leurs conclusions récapitulatives séparées transmises par voie électronique et soutenues à l’audience, la SAS Y et M. AF X demandent au tribunal, avant toute défense au fond, au visa des articles 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union curopéenne, des articles 11, 16 et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 14 de la directive sur le commerce électronique et de l’article 6 de la LCEN, de surseoir à statuer et de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante relative à la conformité des articles 6. I. 3. et 6. I. 5. de la LCEN à l’article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur

Page 33 / 72

("* directive sur le commerce électronique ") et aux articles 11, 16 et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne :

«Au des articles 11 (liberté d’expression et d’information), 16 (liberté d’entreprise) et 49 (légalité des délits et des peines) de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne :

1. L’article 14 de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 doit-il être interprété comme autorisant une juridiction nationale à sanctionner pénalement un hébergeur qui n’aurait pas promptement retiré un contenu, alors même que ce contenu n’a été porté à sa connaissance qu’au moyen d’une simple notification d’un tiers, en l’absence de toute décision de justice caractérisant la supposée illicéité dudit contenu ? En d’autres termes, le terme « effectif » visé dans l’article 14 de la directive 2000/31/CE peut-il se rapporter à un autre mode de prise de connaissance de l’illicéité que celle apportée à l’hébergeur par l’autorité judiciaire ?

2. En cas de réponse positive à la première question : les atteintes supposées à un droit d’auteur peuvent-elles être interprétées comme suffisamment manifestes ou apparentes pour que les simples notifications de contenus adressées par des tiers à un hébergeur, et alléguant de telles atteintes supposées, puissent être considérées comme assurant une connaissance «effective » de cet hébergeur au sens de l’article 14 de la directive 2000/31/CE, en l’absence de toute décision de justice caractérisant l’illicéité des contenus notifiés, compte tenu notamment des nombreuses exigences probatoires et exceptions prévues par le droit de l’Union en matière de droit d’auteur ?

3. En cas de réponse positive aux deux questions qui précèdent : quelles conditions de forme et de fond doivent remplir les notifications visées à la question n°2 pour que la connaissance de l’hébergeur puisse être jugée « effective » au sens de l’article 14 de la directive 2000/31/CE ? »

Les prévenus rappellent que l’article 6 de la LCEN transpose en droit national les dispositions des articles 12 à 14 de la directive sur le commerce électronique. Ils exposent que l’article 14 de la directive, qui pose un principe de responsabilité conditionnelle des prestataires de service d’hébergement, établit une distinction entre le régime de responsabilité civile et de responsabilité pénale, le second, plus strict, nécessitant de rapporter la preuve de la connaissance effective de l’illicéité du contenu hébergé ct non une simple connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l’activité ou l’information illicite est apparente.

Ils soutiennent que la connaissance effective de l’illicéité d’un contenu hébergé ne peut, en matière de propriété intellectuelle, ressortir que d’une décision judiciaire et non d’une simple notification.

Partant de ce constat, ils estiment que non sculement la question posée est nouvelle et présente un intérêt pour l’application uniforme du droit de l’Union, mais aussi que la jurisprudence existante de la Cour de justice ne fournit pas l’éclairage nécessaire pour répondre à la question posée. Ils soulignent en effet que les affaires précédemment tranchées par la Cour de justice de l’Union européenne ne couvraient que des hypothèses d’engagement de la responsabilité civile et non pénale des hébergeurs.

B. – Conclusions des parties civiles

* La SACEM et la SDRM ont soutenu des conclusions en réponse sur la question préjudicielle tendant au rejet de la demande de transmission.

Page 34 / 72

Pour fonder ce rejet, ces sociétés civiles s’appuient le caractère transversal de l’article 14 de la directive sur le commerce électronique et de la procédure de notification, applicables en matière de responsabilité tant civile que pénale. Selon elles, il n’est pas sérieusement contestable que la connaissance d’un contenu illicite peut être apportée à l’hébergeur par la voie d’une notification. expressément prévue par le droit de l’Union tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne.

Les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur ajoutent que les alteintes au droit d’auteur comptent au rang des activités illicites dont la connaissance effective est susceptible d’être acquise par un hébergeur à la suite d’une notification.

Elles soulignent que les conditions de forme et de fond de la procédure de notification relèvent de la compétence réservée aux États membres par la directive sur le commerce électronique. Elles ajoutent que l’interprétation défendue par les prévenus porte atteinte au droit fondamental de propriété.

* Dans ses conclusions en réponse sur la question préjudicielle soutenues à l’audience, la SCPP s’oppose également à la transmission à titre préjudiciel des questions proposées par la SAS Y et M. X.

Comme les autres parties civiles, elle rappelle que le mécanisme d’exonération de responsabilité prévu par l’article 14 de la directive sur le commerce électronique est issu d’une disposition transversale d’application horizontale.

Se référant à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union curopéenne, elle estime que la connaissance effective du contenu illicite peut résulter d’une demande de retrait et engage la responsabilité de l’hébergeur, la notion de connaissance effective de l’illicéité ayant été clairement posée. La SCPP invoque plusieurs décisions de la chambre criminelle de la Cour de cassation ayant d’ores et déjà mis en œuvre le mécanisme de responsabilité pénale à défaut de retrait d’un contenu illicite régulièrement notifié.

* Dans leurs conclusions cn réponse à la demande de renvoi préjudiciel soutenues à l’audience, le SEVN, la FNEF et les sociétés de production de films parties civiles considèrent que la question posée constitue un incident devant être joint au fond, que le renvoi préjudiciel ne s’impose pas et que les questions posées sont dénuées de tout caractère sérieux, trouvent une réponse dans le droit communautaire ou, pour d’autres, relèvent de la compétence exclusive des États membres.

Après avoir pointé plusieurs biais dans l’argumentation des prévenus, le SEVN, la FNEF et autres expliquent que la notion de « connaissance effective » a été définie par la jurisprudence communautaire et que les procédures de notification ont été pensées par le législateur communautaire comme un élément central destiné à porter à la connaissance des prestataires d’hébergement l’illicéité des contenus hébergés.

Ils considèrent que la deuxième question relative à l’inclusion des atteintes aux droits de propriété intellectuelle dans le champ des atteintes pouvant être notifiées aux hébergeurs trouve également une réponse claire dans le droit communautaire.

Enfin, ils rappellent que la CJUE ne peut être saisie d’une demande d’interprétation relative à un domaine non harmonisé relevant de la compétence résiduelle des Etats membres, objet de la troisième question proposée.

C. – Réquisitions du ministère public Le ministère public a pris des réquisitions tendant à rejeter la demande de transmission à litre préjudiciel des trois questions proposées par les prévenus.

Il expose que le paragraphe 3 de l’article 14 de la directive sur le commerce Page 35 / 72

électronique apporte une réponse claire à la question de savoir s’il est possible de porter à la connaissance de l’hébergeur un fait ou une activité illicite autrement que par une décision judiciaire.

Il relève que les questions sont posées dans des termes généraux et qu’il n’est pas soutenu qu’une « simple notification d’un tiers » suffise à caractériser la connaissance par l’hébergeur de l’illicéité d’un contenu. Il estime en revanche qu’une notification répondant aux exigences prévues par le 5 du I de l’article 6 de la LCEN oblige l’hébergeur à prendre connaissance du contenu et à en apprécier le caractère manifestement illicite, l’approche devant être effectuée au cas par cas.

Enfin, il rappelle qu’en application de l’article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la directive lie tout Etat membre quant au résultat à atteindre. Il souligne que la définition des moyens pour atteindre ce résultat incombe aux États membres et que la Cour de justice n’a pas vocation à se substituer aux instances nationales qui ont la faculté de mettre en place une procédure de notification.

Les prévenus ont repris la parole en dernier pour soutenir la demande de transmission de la question préjudicielle, abordée après une demande de renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité et préalablement à l’examen des éventuelles nullités de procédure et du fond de l’affaire.

D. – Motifs de la décision sur la d de de t ission de ti à titre préjudiciel

En application des dispositions de l’article 19 paragraphe 3 sous b) du traité sur l’Union européenne et de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne statue conformément aux traités à titre préjudiciel, à la demande des juridictions nationales, sur l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d’actes adoptés par les institutions, organes ou organismes de l’Union. Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

La procédure relative aux renvois préjudiciels est définie aux articles 93 et suivants du règlement de procédure de la Cour de justice.

1. – Rappel des dispositions issues du droit de l’Union et du droit national

* Dispositions du droit de l’Union Les articles 12 à 14 de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique prévoient des règles limitant l’engagement de la responsabilité des « intermédiaires techniques » de la société de l’information. S’agissant de l’hébergement, l’article 14 de cette directive, éclairé par les considérants 40 à 50, dispose que : « Article 14 – Hébergement 1. Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d’un service de la société de l’information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d’un destinataire du service à condition que :

Page 36 / 72

a) le prestataire n’ait pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n’ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l’activité ou l’information illicite est apparente

Ou

b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l’accès à celles-ci impossible.

(…)

3. Le présent article n’affecte pas la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative, conformément aux systèmes juridiques des États membres, d’exiger du prestataire qu’il mette un terme à une violation ou qu’il prévienne une violation et n’affecte pas non plus la possibilité, pour les Etats membres, d’instaurer des procédures régissant le retrait de ces informations ou les actions pour en rendre l’accès impossible. »

* Dispositions nationales

L’article 6. I. de la LCEN, dans sa version en vigueur pendant la période de prévention, définit le régime de responsabilité applicable aux prestataires techniques (fournisseurs d’accès et hébergeurs) de l’internet.

L’article 6. I. 2., dont la constitutionnalité n’est pas remise en cause, définit les prestataires de service d’hébergement et les conditions supplémentaires par rapport au droit commun pour engager leur responsabilité civile :

« 2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.

L’alinéa précédent ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l’autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa. »

L’article 6. I. 3., dans sa version en vigueur pendant la période de prévention, fixe les conditions supplémentaires par rapport au droit commun pour engager la responsabilité pénale des prestataires de service d’hébergement :

« 3. Les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible.

L’alinéa précédent ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l’autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa. »

L’article 6. I. 5., dans sa version en vigueur pendant la période de prévention, prévoit un dispositif de notification couplé à une présomption de connaissance des faits litigieux par les prestataires de service d’hébergement :

Page 37 / 72

« 5. La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu’il leur est notifié les éléments suivants :

— la date de la notification ;

— si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;

— les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;

— la description des faits litigieux et leur localisation précise ;

— les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;

— la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté. »

2. -Sur l’opportunité de transmettre les questions à la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel

* Il ressort tant des travaux préparatoires à l’adoption de la directive sur le commerce électronique, du considérant 40 de la directive, des rapports d’application établis par la Commission européenne et des textes subséquents adoptés par l’Union européenne, notamment sur la protection des droits d’auteur et des droits voisins, que la directive sur le commerce électronique fixe un cadre transversal, horizontal et général d’aménagement de la responsabilité des prestataires techniques de l’internet. Le législateur communautaire, opérant une balance entre la liberté de communication, d’expression et d’entreprendre et la protection des droits des tiers (notamment), ajoute une condition de connaissance effective de l’activité ou de l’information illicites pour permettre l’engagement de la responsabilité des hébergeurs.

+

Cette disposition transversale et générale a vocation à couvrir l’engagement de la responsabilité tant civile que pénale des hébergeurs et a été transposée aux 2 et 3 du I de l’article 6 de la LCEN, raison pour laquelle le Conseil constitutionnel français a considéré que ces deux paragraphes constituaient la transposition d’une disposition précise et inconditionnelle d’une directive communautaire.

Ne s’agissant pas d’une directive dite d’harmonisation maximale, l’article 14, paragraphe 3, lu à la lumière du considérant 46, laisse expressément aux Etats membres la faculté d’instaurer des procédures régissant le retrait d’informations illicites. L’article 21 de la directive prévoit d’ailleurs un réexamen de la directive sur la base d’un rapport établi par la Commission pour analyser la nécessité de présenter des propositions relatives, entre autres, aux procédures de notification et de retrait.

En l’occurrence, il apparaît que la directive sur le commerce électronique n’a pas été modifiée sur la question de la mise en place de procédures de notification, qui demeure une faculté pour les Etats membres.

Par conséquent, la réponse à la première question posée est donnée sans ambiguïté par le texte de la directive qui autorise les États membres à prévoir des procédures régissant le retrait d’informations illicites telles que celle mise en œuvre par le législateur français au 5 du I de l’article 6 de la LCEN.

Page 38 / 72

* La deuxième question soumise reprend pour partie la première et porte sur le point de savoir si la connaissance effective mentionnée à l’article 14 paragraphe 1 sous a) peut être acquise par une notification s’agissant plus spécifiquement d’une atteinte supposée à un droit d’auteur.

Bien que la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE ait été adoptée postérieurement aux faits litigieux, il doit être relevé que l’article 17, paragraphe 4, sous c) de cette directive a mis en place une procédure de notification similaire à celle prévue par le droit national permettant d’engager la responsabilité des prestataires de services de partage de contenus en ligne portant une atteinte à des droits d’auteur ou des droits voisins.

La réponse à la question posée apparaît ainsi apportée par un texte du droit dérivé de l’Union.

Au surplus, l’article 14 de la directive sur le commerce électronique a fait l’objet de nombreuses décisions de la Cour de justice de l’Union européenne.

Ainsi, dans les affaires C-236/08, C-237/08 et C-238/08 opposant les sociétés Google France et Google Inc. à diverses entreprises, la grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit dans un arrêt du 23 mars 2010 que « l’article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (* directive sur le commerce électronique "), doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée s’applique au prestataire d’un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées. S’il n’a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu’il a stockées à la demande d’un annonceur à moins que, ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d’activités de cet annonceur, il n’ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données ».

La motivation de cette décision ($ 109) laisse apparaître un raisonnement général selon lequel « la limitation de responsabilité énoncée à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31 s’applique en cas de « fourniture d’un service de la société de l’information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service » et signifie que le prestataire d’un tel service ne peut être tenu responsable pour les données qu’il a stockées à la demande d’un destinataire dudit service à moins que ce prestataire, après avoir, à l’aide d’une information fournie par une personne lésée ou autrement, pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d’activités dudit destinataire, n’ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données ».

Dans un autre arrêt rendu par la grande chambre le 12 juillet 2011 (affaire C-324/09 L’Oréal c/ cBay), certes relatif à une demande de dommages et intérêts, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré ($ 121 et 122), que « pour que les règles énoncées à l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/31 ne soient pas privées de leur effet utile, elles doivent être interprétées en ce sens qu’elles visent toute situation dans laquelle le prestataire concerné prend connaissance, d’une façon ou d’une autre, de tels faits ou circonstances. Sont ainsi visées, notamment, la situation dans laquelle l’exploitant d’une place de marché en ligne découvre l’existence d’une activité ou d’une information illicites à la suite d’un examen effectué de sa propre initiative, ainsi que celle dans laquelle l’existence d’une telle activité ou d’une telle information lui est notifiée. Dans ce second cas, si une notification ne

Page 39 / 72

saurait, certes, automatiquement écarter le bénéfice de l’exonération de responsabilité prévue à l’article 14 de la directive 2000/31, étant donné que des notifications d’activités ou d’informations prétendument illicites peuvent se révéler insuffisamment précises et étayées, il n’en reste pas moins qu’elle constitue, en règle générale, un élément dont le juge national doit tenir compte pour apprécier, eu égard aux informations ainsi transmises à l’exploitant, la réalité de la connaissance par celui-ci de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l’illicéité ».

Il n’y a pas lieu de raisonner différemment, en ce qui concerne la procédure de notification, s’agissant de l’engagement de la responsabilité pénale d’un hébergeur, étant rappelé que l’appréciation de la connaissance effective du caractère illicite de l’activité ou de l’information doit être effectuée de manière concrète et en considération des principes de légalité des délits et des peines et d’interprétation stricte de la loi pénale.

*La troisième question poséc relève de la compétence des États membres, en application de l’article 14, paragraphe 3 de la directive sur le commerce électronique et ne paraît donc pas pertinente.

IV. – SUR LE FOND DE L’ACTION PUBLIQUE

A. – Débats à l’audience

À titre liminaire, il est indiqué que lors de l’instruction du dossier, le rapporteur a d’emblée mis dans les débats la question de l’éventuelle requalification des faits en complicité des mêmes infractions par fourniture de moyens.

1. – Observations des parties civiles

Les parties civiles ont soutenu des conclusions au soutien de l’action publique.

Sur la question de la qualification de complicité ou de coaction de certaines infractions, la SCPP, la FNEF et les sociétés de production de films ont développé des arguments tendant à retenir la coaction.

La SACEM et la SDRM ont considéré que la question de la complicité ne pouvait se poser que pour l’acte de reproduction et non pour la représentation / communication au public, à laquelle l’hébergeur concourt directement. Ces deux sociétés ont estimé qu’il convenait de considérer l’hébergeur comme le copiste sur la base d’une jurisprudence établie (Cass. civ. 1, 7 mars 1984, « Rannou-Graphic »).

2. – Réquisitions du ministère public

Le procureur de la République a rappelé que l’espèce était singulière en ce qu’elle ne mettait pas en cause des internautes ou des sites favorisant le partage de liens contrefaisants mais un hébergeur, l’intermédiaire technique qui met à disposition du public, sur internet, des données fournies par les utilisateurs de son service.

Il a souligné le nombre particulièrement élevé des liens collectés par les agents assermentés ayant servi de support au déclenchement de l’enquête et la diffusion massive des liens de téléchargement auprès d’un public indéterminé.

Il a regretté que le déclenchement de l’enquête pénale n’ait pas amené les prévenus à changer leurs pratiques. Il a rappelé les nombreuses notifications et plaintes – Page 40 / 72

complémentaires ayant émaillé la procédure, portant sur des œuvres très connues, stockées et maintenues à disposition du public cn dépit des notifications.

Il a souligné qu’en dépit des allégations de la défense, aucune erreur n’avait été démontrée à l’encontre des investigations dirigées par le parquet. Il a pointé une tentative de confusion entre les notifications des parties civiles et toutes les notifications reçues de manière générale par les hébergeurs, rappelant que les notifications litigieuses avaient été effectuées par des agents assermentés de manière précise et circonstanciée.

Il a relevé que les dates des téléversements et des téléchargements descendants étaient toutes consignées dans des fichiers fournis par les prévenus eux-mêmes, sur la base d’une réquisition adressée par le ministère public.

Le représentant du ministère public a indiqué qu’en voyant les titres des œuvres figurant dans les annexes, il n’y avait aucun doute sur leur caractère protégeable au titre du droit d’auteur et qu’il ne s’élevait aucune contestation sérieuse sur ce point.

Selon lui, l’édition des liens rendus publics constitue l’acte de diffusion / mise à disposition du public. S’agissant de la contrefaçon par reproduction, ce ne serait pas le téléversement du fichier qui serait sanctionnable, mais le maintien de celui-ci à disposition alors que l’hébergeur avait connaissance de son caractère illicite.

Le procureur de la République a exposé sa compréhension de l’article 6 de la LCEN, avec un principe tendant à ne pas imposer d’obligation générale de surveillance des contenus hébergés, mais avec des exceptions et notamment une présomption de connaissance des faits litigieux à partir de la notification.

En pareil cas, si le contenu est manifestement illicite, la responsabilité pénale pourrait être recherchée sur le fondement du droit commun.

Il a rappelé que le législateur n’avait établi aucune distinction matérielle sur ce qu’est un contenu manifestement illicite, de sorte qu’il conviendrait d’apprécier cette notion de manière concrète.

Il a écarté la limitation du manifestement illicite aux sculs contenus dits « odicux », pour lesquels est prévue une dérogation au principe de l’absence d’obligation de surveillance des contenus.

Soulignant la qualité des notifications adressées et rappelant que les moins fiables d’entre elles n’avaient pas donné lieu à l’engagement de poursuites pénales, il a invité le tribunal à considérer que l’hébergeur avait une connaissance effective des contenus qu’il hébergeait.

Il a estimé que si le contenu était manifestement illicite, l’hébergeur avait l’obligation d’agir, soit en retirant le contenu, sont en rendant son accès impossible. Selon lui, en présence d’un contenu manifestement illicite, l’absence de réaction de l’hébergeur est constitutive du délit.

Déplorant l’absence de mise en œuvre d’un mécanisme d’échange avec l’émetteur du fichier, le procureur de la République a rappelé que le manque de moyens ne pouvait constituer un juste motif pour violer ses obligations.

Il a rappelé l’obligation essentielle de l’hébergeur qui consiste à apprécier le caractère manifestement illicite d’un contenu lorsqu’il lui est signalé, aucune disposition n’excluant la propriété intellectuelle du champ des contenus manifestement illicites.

Selon le représentant du ministère public, ce caractère manifestement illicite ne pouvait pas être ignoré compte tenu de l’information dont chacun est régulièrement abreuvé sur les dangers du « piratage ». Il a considéré qu’il était peu crédible qu’un distributeur donne gratuitement accès à des fichiers dont il est propriétaire et dans de

Page 41 / 72

telles conditions, tout en évoquant l’existence d’une offre légale abondante mais payante.

Il a proposé la condamnation de la personne morale à une peine d’amende de 100 000 € assortie du sursis, compte tenu de son caractère moribond. Il a requis de prononcer une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis à l’encontre de M. X.

En outre, il a sollicité de prononcer la peine complémentaire, à la fois à la charge de la personne morale et de M. X, de publication de la décision par extraits dans deux quotidiens concernés par ce sujet.

3. – Principaux arguments de la défense

Les conseils de la société Y et de M. AF X ont pris la parole après le ministère public et ont soutenu des conclusions tendant à les relaxer.

Selon eux, la prestation de services d’hébergement ne constitue pas le cœur de l’activité de la société Y, et dans cette branche de son activité, son modèle économique repose classiquement sur une offre « freemium », avec des revenus tirés principalement de la location de capacités de stockage et non de l’accès aux contenus.

Ils ont exposé que la société Y, une petite entreprise française, avait agi en toute transparence et dans le respect de ses obligations légales, en mettant en place une politique de conservation des données de connexion, mais aussi de prévention des contenus illicites et de signalement des contenus les plus graves à la plate-forme Pharos. Allant au-delà de ce qu’ils considèrent comme leurs obligations légales, les prévenus ont indiqué avoir proposé une offre contractuelle pour lutter contre d’autres contenus illicites, dès lors que les auteurs des signalements acceptent d’endosser une responsabilité contractuelle en cas de sur-filtrage.

Ils ont indiqué être l’objet, depuis des années, d’une campagne de diffamation, de dénigrement et d’assèchement des ressources financières de la société Y de la part des parties civiles.

À suivre l’argumentation des prévenus, la notification fondée sur le 5. du I. de l’article 6 de la LCEN nc saurait être un fait générateur de responsabilité pénale. Soulignant à nouveau la différence rédactionnelle entre le 2. et le 3. du I. de l’article 6, conséquence de la transposition de l’article 14 de la directe sur le commerce électronique qui distingue les actions admises plus largement cn matière de responsabilité civile que pénale, les prévenus considèrent que la connaissance effective du caractère illicite de l’activité ou de l’information illicites ne peut résulter que d’une décision judiciaire, le juge étant le seul à même de dire le droit. Pour les prévenus, la notification ne pourrait conduire qu’à révéler une illicéité apparente et non la connaissance effective de l’illicéité manifeste.

Ils poursuivent en soulignant qu’il serait paradoxal de retenir une responsabilité pénale pouvant aboutir à une sanction pénale plus forte que s’ils n’avaient pas mis en place un dispositif de signalement pour les contenus les plus graves (contenus pédopornographiques, incitant à la violence, à la haine raciale…).

Les prévenus expliquent notamment leur refus de retirer l’accès aux contenus notifiés par les ayants droit par leur interprétation de l’article 6 de la ILCEN, interprétation reposant sur un propos qu’aurait tenu le secrétaire général du Conseil constitutionnel après la diffusion de la décision posant la réserve d’interprétation évoquée ci-avant, sur une lecture particulière d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 4 avril 2013, lequel déclinait la compétence du juge des référés pour statuer sur une question relative à la violation de droits de propriété intellectuelle. Ils s’appuient

Page 42 / 72

encore sur des motifs tirés de la directive sur le commerce électronique, sur l’article 17 de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et sur la décision n° 2020-8011 DC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2020 relative à la loi visant à lutter contre les contenus sur intemet. Ils estiment que la durée de l’enquête et les nombreuses discussions sur l’imputabilité des infractions excluent toute possibilité de qualifier les contenus dénoncés de « manifestement illicites ».

En tout état de cause, la SAS Y et M. X regrettent que l’enquête n’ait pas été orientée vers la recherche des éditeurs des sites effectuant l’acte de communication au public. Ils considèrent que les notifications envoyées ne leur permettaient pas d’apprécier l’illicéité manifeste des contenus dénoncés, de faire peser sur eux une présomption de responsabilité pénale. Ils estiment qu’il incombait aux notifiants de rapporter la preuve que les fichiers notifiés contenaient une œuvre de l’esprit répondant au critère d’originalité, celle-ci ne pouvant être présumée, de démontrer la titularité des droits de propriété intellectuelle et de caractériser l’absence d’autorisation préalable et en quoi la mise à disposition de l’œuvre constituait un acte de contrefaçon.

À titre subsidiaire, à supposer même que la responsabilité pénale de l’hébergeur soit susceptible d’être retenue au litre d’un contenu violant les droits de propriété intellectuelle, le conseil des prévenus a rappelé que cette responsabilité ne pourrait revêtir que la qualification de complicité et non de co-action, seule visée par les COPJ. Avec l’accord du président d’audience, le ministère public a brièvement fait observer aux prévenus que la question de la requalification pénale des faits sous l’angle de la co-action ou de la complicité avait été évoquée dès l’ouverture des débats sur le fond du dossier et que les parties civiles et le ministère public s’étaient exprimés sur ce point.

M. X a pris la parole en dernier, expliquant avoir toujours eu à cœur de coopérer avec l’institution judiciaire. Il a rappelé que sa lecture de l’article 6 de la LCEN empêchait qu’un hébergeur se voic dans l’obligation de retirer des contenus susceptibles d’être considérés comme portant atteinte à des droits de propriété intellectuelle, dans la mesure où de tels contenus ne pouvaient pas être considérés comme manifestement illicites.

B. – Sur la culpabilité

Comme cela a déjà été indiqué précédemment, en application des dispositions du 3. du I. de l’article 6 de la LCEN, dans sa rédaction en vigueur pendant la période de prévention, les personnes assurant une prestation de service d’hébergement de données « ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible ».

Le 5. du I du même article, dans sa rédaction en vigueur pendant la période de prévention, prévoyait que « la connaissance des faits litigieux est présumée acquise par [les hébergeurs) lorsqu’il leur est notifié les éléments suivants : – la date de la notification ; – […] si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ; – les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ; – la description des faits litigieux et leur localisation précise ;

Page 43 / 72

— les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;

— la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté ».

Le 7. du I. de ce même article précise que les hébergeurs ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance des contenus qu’ils hébergent et aménage des obligations particulières s’agissant de la lutte contre certains contenus (apologie des crimes contre l’humanité et du terrorisme, incitation à la haine raciale, pédopornographie, incitation à la violence…) généralement regroupés sous l’appellation générique de « contenus odieux ».

Les 2. et 3. du I. de l’article 6 de la LCEN ont fait l’objet d’une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel (décision 2004-496 DC du 10 juin 2004) :

« Les 2 et 3 du I de l’article 6 de la loi déférée ont pour seule portée d’écarter la responsabilité civile et pénale des hébergeurs dans les deux hypothèses qu’ils envisagent ; ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n’a pas été ordonné par un juge. »

Cette réserve d’interprétation a été intégrée au texte par l’article 17 de la loi n° 2020- 766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

En l’occurrence, selon les actes de poursuite, il est reproché à la société Y et à son dirigeant d’avoir contrefait par reproduction, représentation ou diffusion, des œuvres cinématographiques et musicales sans l’autorisation de leurs auteurs et d’avoir également contrefait par reproduction, communication ou mise à disposition du public des vidéogrammes et des phonogrammes sans l’autorisation des producteurs de ces vidéogrammes et phonogrammes.

L’exposé des poursuites met plus précisément en évidence que les prévenus n’ont pas promptement supprimé l’accès à des fichiers contrefaisants téléversés par des utilisateurs du service lfichier.com après des notifications adressées par les agents assermentés de l’ALPA, de la SACEM / SDRM et de la SCPP.

Pour apprécier la responsabilité pénale des prévenus, dont la qualité de prestataires de service d’hébergement n’est pas contestée, il convient de s’interroger en premier lieu sur la réunion des conditions spécifiques prévues par l’article 6 de la LCEN, en vérifiant que les notifications effectuées par les agents assermentés permettent de présumer la connaissance des faits litigieux, puis en s’assurant du caractère manifestement illicite de l’activité ou de l’information et en appréciant l’absence de prompt retrait de l’accès à ces information. En second lieu, il s’agit d’apprécier la qualification pénale retenue et les éléments constitutifs des infractions poursuivies.

1. -Sur les notifications effectuées par les agents assermentés de la SACEM/SDRM, de l’ALPA et de la SCPP

Il est rappelé que les notifications effectuées par les agents assermentés mandatés par l’ALPA, la SACEM et la SDRM et la SCPP n’ont pas toutes donné lieu à l’engagement de poursuites pénales. Le ministère public n’a en effet poursuivi que les faits ayant donné lieu à des notifications conformes, selon lui, aux exigences posées au 5. du I de l’article 6 de la LCEN.

Ainsi, s’agissant des notifications de la SCPP, seuls celles effectuées en juillet 2019 ont donné lieu à des poursuites au titre de la contrefaçon de phonogrammes. Les Page 44 / 72

notifications précédentes ont en revanche été toutes écartées faute de comporter la dénomination et le siège social de la société Y ainsi que le nom du représentant légal de la SCPP.

Les notifications ayant donné lieu à l’engagement des poursuites respectent toutes les conditions de forme imposées par le 5. du I. de l’article 6 de la LCEN. Outre, la date de la notification, la forme, la dénomination, le siège social et l’organe représentant les personnes morales notifiantes, la dénomination et le siège social du destinataire, les notifications pointent en effet de manière précise des liens de téléchargement, le nom des fichiers correspondants, le descriptif de ces fichiers et des atteintes portées aux droits des personnes concemées, les sites sur lesquels les liens ont été identifiés, les démarches accomplies pour tenter d’obtenir communication des informations relatives aux émetteurs de ces liens et tendant à leur fretrait, ainsi que la mention des dispositions légales applicables.

Il ne peut être reproché aux ayants droit de ne pas avoir notifié l’identité précise des auteurs ou éditeurs des informations ou activités litigieuses dès lors qu’ils démontrent avoir vainement recherché ces informations auprès des éditeurs des sites sur lesquels les liens litigieux étaient partagés.

Les notifications dont les principaux éléments sont repris dans les annexes des convocations en justice devant le tribunal correctionnel apparaissent ainsi régulières.

2.- Sur la connaissance effective du caractère manifestement illicite des informations stockées

Le 3. du I. de l’article 6 fixe des conditions supplémentaires par rapport au droit commun pour engager la responsabilité pénale d’un prestataire de service d’hébergement de données. Autrement dit, cet article met cn place un régime particulier d’exonération de responsabilité pénale, fondé sur l’idée que les hébergeurs sont des intermédiaires techniques de l’internet et qu’il ne leur appartient ni de se livrer à une surveillance générale des contenus hébergés, ni de jouer un rôle actif dans la recherche d’activités ou de contenus illicites.

Pour autant, le mécanisme d’exonération de responsabilité n’est pas absolu.

Le texte ne subordonne pas l’obligation de retirer l’accès aux contenus manifestement illicites à une décision judiciaire préalable. Il ne permet pas non plus à un hébergeur de se retrancher derrière la mise en place de dispositifs contractuels pour s’exonérer de sa responsabilité pénale. Exiger une décision judiciaire préalable ou imposer la conclusion d’une convention entre la victime des activités ou informations illicites et l’hébergeur ajouterait des conditions non prévues par le texte.

Les seules exigences posées par celui-ci sont relatives à la connaissance effective du caractère manifestement illicite des activités ou des informations stockées à la demande d’un tiers.

S’agissant de la connaissance effective des faits litigieux, il est en premier lieu rappelé que le 5. du I. de l’article 6 de la LCEN ne distingue pas selon que les faits notifiés se rapportent à la responsabilité civile ou pénale de l’hébergeur. Le principe, d’application générale, consiste à créer une présomption simple de connaissance effective des faits relatés dans la notification.

Toute notification de faits litigieux n’entraîne cependant pas l’obligation de retirer les données ou d’en rendre l’accès impossible, puisqu’à la condition de connaissance effective s’ajoute celle tenant au caractère manifestement illicite des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de services.

Page 45 / 72

Contrairement au 7. du I. de l’article 6, qui fixe le principe de l’absence d’obligation générale de surveillance avant de dresser une liste particulière d’infractions à la lutte desquelles les hébergeurs doivent spécifiquement concourir, le 3. du I. de l’article 6 ne définit pas de manière détaillée une liste limitative d’infractions qui relèveraient de la catégorie des activités ou des informations « manifestement illicites ». Cette situation n’a d’ailleurs pas évolué depuis la publication de la LCEN, alors que l’article 6 a fait l’objet de fréquentes modifications législatives.

L’objet du 7. et du 3. du I de l’article 6 n’étant pas le même, il n’apparaît pas pertinent de considérer que seuls les contenus constitutifs des infractions visées spécialement au 7. du I. devraient relever de la catégorie des activités ou informations manifestement illicites.

Il convient au contraire d’apprécier cette notion de manière concrète, au cas par cas, en fonction des circonstances de l’espèce et des activités ou informations considérées.

Au reste, la notion de « manifeste » est une notion juridique familière. Elle renvoie à l’idée d’évidence. Ainsi, est manifestement illicite un contenu apparaissant, sans besoin d’une réflexion complexe et poussée, comme illicite. Cela renvoie à l’idée que, dans l’esprit commun, le contenu apparaît comme étant illicite de manière flagrante.

En l’occurrence, les informations litigieuses stockées à la demande de tiers par la SAS Y concement des fichiers reproduisant des œuvres cinématographiques et musicales récentes, particulièrement connues du grand public, exploitées à titre commercial par des entreprises qui ne sont pas connues pour en permettre la libre et gratuite reproduction ou représentation.

Le caractère manifeste de l’illicéité des informations hébergées ressort déjà du nom lui-même des fichiers dont les liens ont été notifiés par les agents assermentés. Les noms employés ne laissent guère planer de doute sur leur nature contrefaisante. Ainsi, les fichiers notifiés comportent-ils tous l’indication apparente du titre des œuvres qu’ils reproduisent avec parfois des informations supplémentaires sur le format, les techniques de compression ou encore la langue utilisée. Par exemple, le titre du fichier suivant laisse clairement apparaître non seulement le titre Hôtel Transylvania 2, mais aussi qu’il s’agit d’un fichier vidéo (au format AVI), en langue française, élaboré à partir de la compression de l’image vidéo d’un – Blu-ray – disc : « Hotel.Transylvania.2.2015.FERENCILLBDRip.XviDViVi-dester-ninja.avi ».

Le caractère manifeste de l’illicéité des contenus et informations est renforcé par le fait que les liens pointant vers les fichiers litigieux ont été diffusés sur des sites internet notoirement connus pour être des « fermes de liens » (ce qu’a lui-même reconnu M. X à l’audience) pointant vers des contenus contrefaisants. Ces liens étaient accessibles librement et sans identification préalable, ce qui caractérise une représentation / communication au public nécessitant, en principe, l’accord des titulaires de droits.

Le caractère manifeste de l’illicéité apparaît d’autant plus qu’aucun consommateur sérieux ne pourrait raisonnablement imaginer que les titulaires des droits d’exploitation sur les œuvres et vidéogrammes reproduits ont consenti à leur diffusion gratuite et libre sur des plates-formes dédiées à la diffusion de liens contrefaisants. D’ailleurs, interrogé par le ministère public sur ce qu’il dirait à un enfant qui lui expliquerait avoir trouvé un lien de ce type sur internet pour regarder l’un des films visés dans la prévention, M. X a eu l’honnêteté de répondre qu’il rétorquerait que « c’est illégal et qu’on a Netflix ».

Le caractère manifestement illicite s’évince encore de la qualité des personnes ayant procédé aux notifications et attestant avoir vérifié le contenu des fichiers. Il ne peut être sérieusement argué que la concordance entre le nom des fichiers et les œuvres ou

Page 46 / 72

vidéogrammes correspondants n’apparaît pas certaine. Outre les vérifications opérées par les agents assermentés puis par les services d’enquête, qui n’ont mis en évidence aucune erreur, les prévenus ont été défaillants dans la démonstration de l’existence de la moindre discordance entre les liens notifiés et les droits d’auteur ou voisins correspondants.

Pour justifier son absence de réaction, M. X expose que déférer à toutes les demandes de retrait pourrait aboutir à des retraits excessifs, ce qui risquerait de porter atteinte aux droits de ses clients ct nuirait, à terme, à sa réputation professionnelle dans un milieu extrêmement concurrentiel. Interrogé à l’audience sur le nombre de cas de suppression à tort de contenus signalés, M. X a estimé avoir reçu deux ou trois demandes jusqu’en 2015 (année à compter de laquelle il a opté pour une lecture plus restrictive de l’article 6 de la LCEN), soit une demande tous les deux ou trois ans. Ce chiffre apparaît extrêmement faible au regard du nombre de ses clients (environ 100 000 selon ses dires) et du volume très élevé des demandes de retrait qu’il déclare recevoir. Au surplus, il est rappelé que l’hébergeur peut simplement rendre l’accès des contenus litigieux impossible dans l’attente d’une réaction de son client, mais aussi que le fait, pour toute personne, de présenter à un hébergeur un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d’en obtenir le retrait ou d’en faire cesser la diffusion, alors qu’elle sait cette information inexacte, est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Il ne peut pas davantage être opposé qu’il existe un doute sérieux sur la qualité de titulaires des droits des personnes ayant procédé à la notification des liens litigieux, alors qu’il est admis de manière constante que sauf contestation sérieuse, la titularité des droits de l’exploitant est présumée.

Il ne peut pas non plus être renvoyé à la complexité du droit de la propriété littéraire et artistique ou à la multiplicité des exceptions aux droits d’auteur et droits voisins, s’agissant en l’espèce de la reproduction intégrale d’œuvres ou de vidéogrammes dans un contexte de partage ne relevant d’aucune des exceptions prévues par les textes.

En outre, il est observé que le modèle économique de la société Y, tout du moins s’agissant de son offre gratuite et d’entrée de gamme, favorise le partage de liens de téléchargement de fichiers dits « chauds », de sorte que l’économie même du site repose sur la valorisation du partage des contenus hébergés (qu’ils soient licites ou non). Enfin, même si M. X estime ses revenus publicitaires comme étant négligeables par rapport à son chiffre d’affaires (de l’ordre de 5 %, soit environ 50 000€ par an tout de même), force est de souligner que les téléchargements descendants, sauf souscription d’une offre premium, donnent lieu à l’affichage de publicités dont la SAS Y tire des bénéfices.

Le caractère manifestement illicite des informations stockées par la SAS Y à la demande de ses utilisateurs et notifiées par les parties civiles, et la connaissance effective de ce caractère apparaissent ainsi, sous les réserves qui suivent, pleinement établis au sens du 3. du I. de l’article 6 de la LCEN.

3. – Sur l’absence de prompt retrait de l’accès aux informations après notification

a. – Sur _les é de l’absence _ d’in

concernant les fichiers notifiés par la SCPP en juillet 2019

Il est relevé que le maintien en ligne ou le retrait des fichiers notifiés par la SCPP au cours du mois de juillet 2019 n’a donné lieu à aucune investigation de la part

Page 47 / 72

des services enquêteurs.

Les données transmises par la société Y elle-même sur la base de la réquisition transmise par le procureur de la République de Nancy ne couvrent pas la période de prévention de la contrefaçon de phonogrammes, qui s’étend du 4 au 31 juillet 2019.

En l’absence de vérification sur ce point, il n’apparaît pas démontré que les prévenus aient manqué à leur obligation d’agir promptement pour retirer les informations litigieuses ou en rendre l’accès impossible.

Les prévenus seront donc relaxés de l’ensemble des faits de contrefaçon par reproduction, mise à disposition du public ou diffusion non autorisée de phonogrammes visés dans la prévention.

b. – Sur l’absence de prompt retrait des autres contenus _

notifiés par les agents assermentés de l’ALPA, de la SACEM et de la SDRM

Le 3. du I. de l’article 6 de la LCEN exige une action prompte de l’hébergeur en vue de retirer les informations manifestement illicites portées à sa connaissance ou pour en rendre l’accès impossible.

Le caractère prompt de la réaction attendue n’est enfermé dans aucun délai précis. Celui-ci doit être apprécié au regard des circonstances de l’espèce.

Compte tenu du nombre de liens notifiés et du nombre d’œuvres concernées, de la moindre urgence à réagir en matière de retrait de contenus ne relevant pas de la catégorie des contenus pour lesquels des obligations particulières sont prévues au 7. du I. de l’article 6 de la LCEN, mais aussi des moyens limités cn personnel de la SAS Y, il y a lieu de retenir un délai raisonnable de retrait de sept jours calendaires pour chaque lien notifié.

En conséquence, il doit être considéré que la SAS Y et M. X sont susceptibles de voir leur responsabilité pénale engagée si des actes de téléchargement descendant au-delà d’un délai de sept jours calendaires après notification par les ayants droit ont été mis en évidence au cours de l’enquête.

Sur réquisition du ministère public, la SAS Y a communiqué à la DIRCOFI EST, pour chaque lien notifié, un fichier au format CSV listant ligne par ligne chaque téléchargement descendant, les données étant triées par datc de téléchargement. Sur la base de ces fichiers, M. Z, expert de la DIRCOFI EST a ainsi établi une synthèse du nombre de téléchargements effectués pour chacun des liens et couvrant la période du 1" janvier 2016 au 31 juillet 2018.

Ces fichiers ayant été communiquées à l’ensemble des parties par le ministère public dans le respect du principe du contradictoire, le tribunal a pris le soin, pour chaque lien de téléchargement notifié, de fixer la date au-delà de laquelle l’hébergeur aurait dû retirer l’accès audit lien. Cette date est mentionnée pour chaque lien aux annexes 1 et 2 de la présente décision (colonne Date notif. + 7). De même, le tribunal a également fixé pour chaque lien une date limite correspondant à la date de fin de prévention des infractions, c’est-à-dire le 31 août 2017 aussi bien pour les œuvres cinématographiques et vidéogrammes notifiés par l’ALPA que pour les œuvres musicales notifiées par la SACEM.

Ensuite, le tribunal a examiné chacun des fichiers transmis et a pu déterminer le nombre de téléchargements opérés avant la date à laquelle l’hébergeur aurait dû retirer l’accès au fichier, telle que définie ci-avant. Il a également calculé le nombre de téléchargements après la fin de la période de prévention pour chaque fichier.

Page 48 / 72

En reprenant les tableaux de synthèse élaborés par l’expert de la DIRCOFI EST et couvrant une période plus étendue, il a ainsi été possible de calculer le nombre exact de téléchargements sur l’ensemble de la période comprise entre la date à laquelle le retrait du fichier aurait dû être opéré et la date de fin de prévention. Les calculs opérés figurent dans les dernières colonnes des tableaux annexés à la présente décision.

Il ressort en premier lieu de l’analyse de ces tableaux de synthèse que 260 liens pointant vers des fichiers reproduisant des œuvres cinématographiques et vidéogrammes ont fait l’objet d’une notification le 25 août 2017 (liens n° 1351 à 1610 figurant à l’annexe 2 de chaque COPJ). Compte tenu de la fin de prévention fixée le 31 août 2017, soit moins de 7 jours après la date de notification, il a été considéré que l’absence de réaction prompte des prévenus n’était pas caractérisée et que ces liens ne pouvaient donc pas être considérés comme caractérisant les faits poursuivis.

En second lieu, il apparaît que certains fichiers n’ont fait l’objet d’aucun téléchargement au-delà du délai de 7 jours fixé précédemment. Tel est le cas des œuvres musicales incluses dans l’album Vent debout interprété par Tryo et des œuvres cinématographiques et vidéogrammes dont la liste figure à l’annexe 1 de la présente décision et concernant en particulier les œuvres cinématographiques suivantes : #AG AH, AN AK AL, […], […], CONNASSFE, […], […], […], […], […], SAHARA, – SEULS, – SPIDER-MAN: HOMECOMING, THE LOST CITY OF Z,TRANSFORMERS: THE LAST KNIGHT, […].

Les prévenus seront donc relaxés pour les infractions de contrefaçon des œuvres et vidéogrammes correspondants et dont le détail figure, s’agissant des œuvres cinématographiques et vidéogrammes, à l’annexe 1 de la présente décision.

Les autres œuvres musicales et cinématographiques, et les vidéogrammes correspondants, visés dans la prévention, ont fait l’objet d’actes de téléchargement descendant au-delà du délai de 7 jours après notification et jusqu’à la date de fin de prévention et sont susceptibles d’engager la responsabilité pénale de la société Y et de M. X.

4. – Sur la qualification pénale des faits (coaction / complicité) et sur les éléments constitutifs des infractions

La contrefaçon des œuvres de l’esprit, définie à l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, suppose de caractériser la nature d’œuvre de l’esprit, accordée pour une durée limitée (s’agissant du droit patrimonial) et sous condition d’originalité, définie de manière prétorienne comme la marque de l’empreinte de la personnalité, l’existence d’actes matériels de reproduction, de représentation ou de diffusion, en-dehors des exceptions limitativement énumérées par le code de propriété intellectuelle, l’absence d’autorisation des auteurs et un élément intentionnel.

Sauf contestation sérieuse, la qualité d’auteur de l’exploitant d’une œuvre de l’esprit est présumée.

La contrefaçon des vidéogrammes et phonogrammes, définie à l’article L. 335-4 du même code, se détache de la contrefaçon des œuvres de l’esprit en ce que le droit conféré aux producteurs est un droit voisin du droit d’auteur, d’origine économique, attribué à la personne physique ou morale qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence d’images sonorisée ou non (art. L. 215-1 c. propr. intel.) ou d’une séquence de son (art. L. 213-1 du même code). L’originalité des

— Page 49 / 72

séquences fixées et leur protection par le droit d’auteur sont indifférentes du point de vue de la protection accordée aux producteurs de vidéogrammes et de phonogrammes. Les actes matériels incriminés sont la reproduction, la communication et la mise à disposition du public.

Les infractions de contrefaçon par reproduction sont des infractions instantanées, contrairement aux infractions par représentation / diffusion / communication / mise à disposition du public, qui se poursuivent tant que le public a accès au fichier reproduisant l’œuvre, le vidéogramme ou le phonogramme.

Aux termes de l’article 121-7 du code pénal, est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la commission. L’article 121-6 du même code précise que le complice de l’infraction sera puni comme auteur.

En préambule, il est rappelé les œuvres musicales et cinématographiques mentionnées ci-avant sont indubitablement originales et que les droits d’auteur et droits voisins y afférents font l’objet d’une exploitation documentée par les parties civiles et non contredite de manière sérieuse par les prévenus.

* La reproduction des œuvres musicales et cinématographiques mentionnées ci-avant a été effectuée dans un premier temps par les destinataires des services de la société Y (abonnés et utilisateurs à titre gratuit) à partir de leur terminal et en direction des serveurs de la société Y (téléchargement ascendant ou « upload»). En l’absence d’autorisation des titulaires de droits d’auteur et de droits voisins, l’infraction initiale de contrefaçon par reproduction apparaît ainsi caractérisée à l’égard des primo-diffuseurs (non poursuivis).

Si la société Y a mis à disposition les moyens permettant cette opération «d’upload», elle ne peut être considérée, à ce moment-là, comme ayant eu connaissance du caractère contrefaisant de l’information stockée. À défaut d’élément intentionnel à ce stade, sa responsabilité pénale ne peut pas être retenue. Il en va de même pour les actes de reproduction descendants intervenus avant que l’hébergeur ait connaissance effective du caractère manifestement illicite des informations stockées.

En revanche, la question de la responsabilité pénale de l’hébergeur se pose pour chaque acte de reproduction descendant effectué après l’écoulement du prompt délai de retrait consécutif à la prise de connaissance du caractère manifestement illicite du fichier considéré.

Techniquement, lors d’un téléchargement descendant, l’hébergeur ne copie pas le fichier, il ne le reproduit pas. Il ne peut donc pas être considéré comme coauteur de l’infraction de contrefaçon, sauf à retenir une conception extensive de l’infraction de contrefaçon qui pourrait apparaître comme contraire au principe de légalité des délits et des peines (voir pourtant en ce sens mais en matière civile, Cass. civ. 1, 7 mars 1984 « Rannou-Graphie »).

Cependant, l’hébergeur fournit à l’internaute qui suit un lien l’accès à un serveur sur lequel est stockée la copie du fichier « uploadé ». En maintenant le lien de téléchargement actif et en conservant le fichier sur ses serveurs, l’hébergeur fournit à l’internaute en question le moyen de commettre une contrefaçon par reproduction. L’intention complice, c’est-à-dire la connaissance du caractère contrefaisant de l’activité, résulte de la connaissance présumée par l’application du 5 du I de l’article 6 de la LCEN.

La question de la complicité ou de la co-action ayant été mise dans les débats et discutée à l’audience par les parties civiles, le ministère public et les prévenus, il y a donc lieu de rctenir la culpabilité de la société Y et de M. X, en requalifiant toutefois les faits en complicité par fourniture de moyens, en l’occurrence

— Page 50 / 72

des moyens de stockage sur des serveurs appartenant à la société Y et le maintien en activité de liens permettant l’accès à ces moyens de stockage, de contrefaçon par reproduction, celle-ci étant caractérisée, pour chaque lien, à compter de la date de notification + 7 jours, des œuvres de l’esprit et des vidéogrammes tel que cela est plus amplement précisé en annexe de la présente décision.

* S’agissant de l’infraction de contrefaçon par représentation / diffusion / communication / mise à disposition du public, il y a lieu de constater qu’elle est caractérisée non seulement par l’acte matériel de diffusion publique du lien de téléchargement sur des sites internet, mais qu’elle se poursuit tant que le lien est diffusé et actif.

Contrairement à l’acte de reproduction, dans lequel les prévenus tiennent un rôle de fournisseur de moyen, le lien de téléchargement est créé par la société Y, qui peut à tout moment révoquer celui-ci en ne le faisant plus pointer vers le fichier contrefaisant.

Si l’élément intentionnel de l’infraction ne peut pas être caractérisé initialement en l’absence de connaissance du caractère illicite de l’activité, il apparaît en cours de commission de l’infraction, une fois cette connaissance établie. dès lors que l’hébergeur s’abstient de supprimer le fichier ou d’en empêcher l’accès (par exemple en désactivant le lien de téléchargement). La prise en compte au titre de la culpabilité de cette intention en cours de commission de l’infraction est rendue possible par l’application des dispositions spéciales prévues au 3 du I de l’article 6 de la LCEN, auxquelles il appartient au juge de donner force utile.

La qualité de coauteur de l’infraction de contrefaçon par représentation / diffusion / communication / mise à disposition du public des œuvres de l’esprit et des vidéogrammes sera donc retenue, et ce à compter de la date notification + 7 jours, tel que cela est plus amplement précisé en annexe de la présente décision.

B. – Sur les peines

Selon l’article 132-1 du code pénal, dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1 selon lequel en effet, afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions de sanctionner l’auteur de l’infraction et/ou de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion.

Il résulte des circonstances de l’infraction, et notamment de l’atteinte à la propriété intellectuelle, à des fins commerciales, de manière répétée et prolongée sur une très longue période, cn dépit des nombreuses notifications reçues et des poursuites engagées, de l’importance du préjudice causé, que les faits revêtent une gravité particulière portant atteinte aux secteurs de la création musicale et cinématographique.

Par ailleurs, le casier judiciaire des condamnés ne comporte la trace d’aucune mention. M. X est inséré socialement, il exerce une activité professionnelle régulière et vit en couple. S’il est domicilié hors de France, il s’est cependant présenté à toutes les convocations judiciaires et a manifesté sa volonté de coopérer avec les services d’enquête, même s’il ne semble pas avoir pris conscience de la gravité des faits et du trouble causé.

Ainsi, l’ensemble de ces éléments justifie le prononcé d’une peinc d’emprisonnement

Page 51 / 72

d’un an à son encontre et ce, afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la réitération de l’infraction, de restaurer l’équilibre social et dans le respect des intérêts des victimes.

Il résulte par ailleurs de la situation pénale de M. AF X qu’il est accessible au sursis simple conformément aux dispositions des articles 132-30, 132- 31, et 132-33 du code pénal.

Les éléments qui précèdent justifient qu’il soit sursis totalement à l’exécution de la peine d’emprisonnement prononcée, afin de dissuader l’intéressé de réitérer des comportements délictueux par le risque d’un emprisonnement, tout en favorisant son amendement et le maintien de son insertion sociale.

L’article 132-20 alinéa 2 du code pénal dispose que le montant de l’amende se détermine au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur en tenant compte des ressources et des charges de ce dernier.

En l’espèce, tant M. AF X que la SAS Y ont tiré un profit conséquent de leur activité, dont l’essor a été favorisé, au moins dans un premier temps, par la commission des infractions favorisée par leur interprétation de la règle de droit. Compte tenu du profit tiré de cette activité, mais aussi de l’absence de prise cn compte des amples préjudices causés aux parties civiles, il apparaît nécessaire qu’une peine d’amende soit prononcée.

Celle-ci sera fixée respectivement à la somme de cent mille euros à l’égard de la SAS Y et à la somme de vingt mille euros à l’égard de M. AF X, ces montants étant de nature à assurer la protection de la société, à prévenir la commission de nouvelles infractions, à restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts des victimes.

En application de l’article 131-10 et de l’article L. 335-6 du code de la propriété intellectuelle, compte tenu des circonstances de commission des infractions, de l’ancienneté et de la durée des faits, de la poursuite de l’atteinte portée aux droits des victimes, il y a licu, afin de prévenir la réitération de l’infraction, d’ordonner à titre de peine complémentaire le retrait des serveurs hébergés par la SAS Y des fichiers dont le détail figure aux annexes 2 et 3.

En application de l’article 131-35 du code pénal et du dernier alinéa de l’article L. 335-6 du code de la propriété intellectuelle, compte tenu des circonstances de commission des infractions, et notamment de la gravité de l’atteinte à l’ordre public, du retentissement national de l’affaire et de la nécessité de prévenir le renouvellement des faits, il y a lieu d’ordonner la diffusion d’un extrait de la présente décision informant le public des motifs et du dispositif de la présente décision, aux frais des condamnés, ainsi que cela est plus amplement spécifié au dispositif.

[…]

A. – Prétentions et moyens des parties

Dans leurs conclusions au fond reçues le 21 janvier 2021, la SACEM et la SDRM demandent au tribunal de condamner solidairement la SAS Y et M. AF X à leur verser, chacune : – la somme de 118 943,50 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel qui leur a été causé, – la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qui leur a été causé,

Page 52 / 72

— la somme de 25 000 € en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Concernant le calcul de son préjudice matériel, la SACEM rappelle qu’elle assure la gestion du droit de représentation des œuvres musicales, de doublage et de sous-titrage tandis que la SDRM est titulaire des droits de reproduction sur les mêmes œuvres, contrefaites ainsi qu’il résulte des procès-verbaux de constat et des attestations d’appartenance à son répertoire, établis par ses agents assermentés. La SACEM cn déduit que le préjudice subi consiste dans le manque à gagner résultant de la seule exploitation des œuvres en cause, leur représentation, sans autorisation ni rémunération. La SACEM considère que le dommage causé par l’activité du site en cause s’est incontestablement réalisé, le gain manqué est certain et n’est affecté d’aucun aléa. Afin d’évaluer son préjudice, la SACEM indique que les agents assermentés de la SACEM ont notifié 100 fichiers contenant autant d’albums comprenant eux-mêmes chacun des dizaines d’œuvres musicales.

La SACEM indique également que les agents assermentés de l’ALPA ont pour leur part notifié 1 609 fichiers contenant 260 œuvres cinématographiques distinctes dont la bande originale est constituée de nombreuses œuvres musicales. Ainsi, la partie civile expose qu’en cours d’enquête, les opérations d’expertise ont déterminé que 10 509 téléchargements avaient été opérés pour les 100 fichiers notifiés par la SACEM et 5 888 741 téléchargements pour les 1 609 fichiers notifiés à l’ALPA. Par ailleurs, la SACEM rappelle que l’enquête a mis en évidence que les fichiers ont non seulement été maintenus disponibles par la SAS Y, mais également, qu’une part substantielle d’entre eux demeurait toujours accessible plus d’un an et demi après les notifications.

À défaut de pouvoir établir précisément pour chaque fichier le nombre de téléchargements opérés postérieurement à la notification adressée à la SAS Y, les parties civiles retiennent qu’un minimum de 50 % des téléchargements sont intervenus postérieurement aux notifications. Elles en déduisent que l’assiette du préjudice constitué par le nombre de téléchargements s’établit à 5 255 téléchargements pour les œuvres musicales et 2 944 370 téléchargements pour les œuvres cinématographiques. En application des minimas garantis par téléchargements tels que prévus dans ses conditions d’autorisation, la SACEM estime dès lors le préjudice subi à :

-5 255 x 0,70 € (correspondant au mininum garanti pour le téléchargement d’un album d’œuvres musicales) soit 3 678 €.

-2 944 370 x 0,0722 € (correspondant au minimum garanti pour le téléchargement de films) soit 212 583 €.

En conséquence, la SACEM et la SDRM en déduisent que le préjudice subi ne saurait être évalué en deçà de la somme de 237 887 € TTC correspondant aux redevances de droits d’auteur éludées.

ae ale sde ale ae

Dans ses conclusions au fond reçues à l’audience, la SCPP demande au tribunal de condamner solidairement M. AF X est la SAS Y, sous le bénéfice de l’exécution provisoire à lui payer la somme de 166 714,56 € ou, à défaut, la somme forfaitaire de 167 000 €, en réparation de son préjudice matériel, la somme de 10 000€ en réparation préjudice moral et la somme de 20 000 € en application des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale. Ils sollicitent d’ordonner le retrait des fichiers contrefaisants aux frais des condamnés, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la date du jugement et

Page 53 / 72

d’ordonner la publication par extraits de la décision.

La SCPP considère que son préjudice matériel correspond aux conséquences économiques négatives que les producteurs de phonogrammes ont subi à chaque fois qu’une contrefaçon a été commise. La SCPP précise qu’elle évalue régulièrement les conséquences économiques négatives de chaque contrefaçon à la somme de 2 euros. Selon elle, cette base de calcul constitue un préjudice certain et a été retenue comme telle dans de très nombreux cas similaires de contrefaçon relatives à des enregistrements musicaux de son répertoire.

La SCPP rappelle que, d’après l’exposé des poursuites du parquet du 29 septembre 2019, 27 fichiers musicaux contrefaisants ont été notifiés par la SCPP et 100 fichiers musicaux contrefaisants ont été notifiés par la SACEM. La SCPP précise que 80 des 100 fichiers notifiés par la SACT-M correspondent à des phonogrammes de son répertoire.

Au vu du rapport d’expertise rendu le 12 septembre 2019, la SCPP affirme que les 1 769 fichiers musicaux dont l’existence a été constatée entre 2015 et 2017 par les agents assermentés de la SCPP, ont fait l’objet de 1 378 131 téléchargements. Dans ces conditions, la SCPP déduit que la moyenne de téléchargement des fichiers musicaux du répertoire de la SCPP s’élève à 1 378 131 / 1769 = 779,04 téléchargements par fichier.

La SCPP calcule alors son indemnité en rapportant cette moyenne aux différents fichiers notifiés et en la multipliant par 2 euros :

— pour les 27 fichiers notifiés par la SCPP : (27 x 779,04 téléchargements) x 2 € = 42 068,16 €

— pour les 80 fichiers notifiés par la SACEM : (80 x 779,04 téléchargements) x 2 € = 124 646,40 €.

AL sde sde fe ale

Dans leurs conclusions au fond reçues le 21 janvier 2021, le SEVN, la FNEF ainsi que les sociétés de production (Columbia Pictures Industry Inc., Disney Entreprises Inc., […], […]., […].) demandent, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de condamner solidairement M. AF X est la SAS Y à verser à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes :

— aux syndicats professionnels :

SEVN 400 000 € FNEF 200 000 € – aux sociétés de production : Columbia Pictures Industry Inc 669 008 € […]

Dans leurs conclusions au fond reçues le même jour, les sociétés Gaumont, les Films du 24, Pathé Films et UGC Image demandent, sous le bénéfice de l’exécution Page 54 /-72

provisoire, de condamner solidairement M. AF X est la SAS Y à verser à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes :

Gaumont 123 025 € Les Films du 24 1 746 € Pathé Films 158 071 € UGC Image 3 764 €

Ces 13 parties civiles sollicitent en outre la condamnation de la SAS Y et de M. X à verser chacun à chaque partie civile la somme de 750 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Au soutien de leurs demandes, les sociétés de production invoquent l’application du principe de réparation intégrale de leur préjudice. Selon elles, la demande d’indemnisation se fonde non pas sur la supposition que les œuvres auraient été effectivement achetées dans le commerce si elles n’avaient pas été téléchargées sur le site « IFICHIER.COM », mais sur le fait établi qu’elles ont été effectivement téléchargées par les utilisateurs de ce service et que toute contrefaçon entraîne un préjudice certain qu’il convient de réparer intégralement. Elles précisent par ailleurs que le préjudice subi doit s’apprécier à compter du jour où les infractions ont été commises et non au jour où la juridiction de jugement doit statuer.

Les sociétés productrices de films entendent fonder leurs demandes de réparation sur le prix moyen d’un film accessible légalement par les services de vidéo à la demande à l’acte (VOD). Elles fondent leurs calculs sur le prix d’acquisition d’une œuvre cinématographique par téléchargement définitif et non par simple location puisque les téléchargements contrefaisants n’avaient pas d’effet limité dans le temps et s’apparentaient dès lors à des téléchargements définitifs. Les demanderesses retiennent un prix moyen pendant les années 2017 et 2018 de 10,15 € TTC soit 8,46 € HT.

Aux fins d’évaluation de leur préjudice, les producteurs réduisent la valeur de référence de 50 %, ramenant dès lors l’évaluation de leur préjudice à un calcul fondé sur une valeur de 4,23 € par téléchargement. Les demanderesses justifient cette évaluation en prenant en compte les différentes composantes du prix moyen de distribution à savoir: les montants afférents à la TVA, la taxe sur la vidéo, les redevances dues à la gestion collective de certains droits d’auteurs (SACEM, SDRM) ainsi que les commissions de distribution.

Elles estiment devoir calculer le nombre de téléchargements à prendre en compte sur la base de la formule suivante :

Nombre de jours entre la notification et la suppression (ou la fin de la période de prévention si suppression postérieure) / durée totale de mise en ligne du fichier

Les demanderesses considèrent que le ratio de maintien en ligne des fichiers postérieurement à leur notification et avant leur suppression (ou la fin de période de prévention) est de 68,23 % sur l’ensemble du temps total de mise en ligne. En conséquence, elles proposent de retenir un minimum de 50 % de téléchargements opéré postérieurement à la notification pour chaque film.

[…]

Dans leurs conclusions en défense sur le volet civil, la SAS Y et M. AF X demandent au tribunal :

* à titre principal, de les relaxer et, en conséquence, conformément à l’article 470-1 du code de procédure pénale, de débouter les parties civiles de l’intégralité de leurs Page 55 / 72

demandes civiles,

* à titre subsidiaire, de débouter l’ensemble des parties civiles de leurs demandes indemnitaires, comme manquant à l’obligation de prouver valablement le principe et le quantum de leurs préjudices respectifs,

* à titre infiniment subsidiaire :

— concernant les demandes de la SCPP : dire que le montant des dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel ne saurait excéder un montant total de 1 874 € et dire que le montant des dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ne saurait excéder 1 € symbolique et en toute hypothèse la somme de 112 €.

— concemant les demandes de la SACEM : la débouter de ses demandes indemnitaires liées aux fichiers notifiés par l’ALPA pour le compte de la FNEF, comme irrecevables et infondées ; dire que le montant des dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel ne saurait excéder un montant total de 1 325,10 € et dire que le montant des dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ne saurait cxcéder 1 € symbolique et en toute hypothèse la somme de 27,50 €.

— concernant les demandes de la FNEF et du SEVN : dire que le montant des dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel ne saurait excéder un montant total de 16 180 € pour la FNEF et 32 360 € pour le SEVN.

— concernant les demandes des sociétés de production de films : débouter la société […]. et la société Les Films du 24 de l’intégralité de leurs demandes, comme irrecevables et infondées, faute de démonstration de leurs droits ; dire que le montant des dommages et intérêts pouvant être alloués, respectivement, aux sociétés de production ne saurait excéder en toute hypothèse, les sommes suivantes :

Columbia Pictures Industry Inc 15 115,36 € […] 69 805,98 € Gaumont 16 224,64 € Les Films du 24 178,20 € […] 19 848,97 € Pathé Films 19 301,93 € […] 893,91 €

La SAS Y et M. AF X considèrent en premier lieu que le rapport d’expertise de la DIRCOFI EST produit une image incxacte et grossie des données réellement communiquées, et donc du nombre de téléchargements uniques (non segmentés) des fichiers intervenus pendant la période de prévention. Ils ajoutent que les chiffres de la DIRCOFI EST ne permettent pas d’identifier les téléchargements uniques (non segmentés) qui auraient un seul et même auteur, autrement dit, les hypothèses où un seul utilisateur aurait téléchargé plusieurs fois le même fichier.

* Concernant les demandes indemnitaires de la SCPP, la SAS Y et M. AF X estiment que l’affirmation selon laquelle chaque téléchargement entraînerait un préjudice forfaitaire de 2 € n’est étayée par aucun document, barème ou attestation financière ou comptable propre à l’espèce. De ce fait, ils considèrent qu’ils ne peuvent pas vérifier la réalité économique de cette affirmation et ils évaluent le préjudice supposé à 1 € par acte de téléchargement.

La SAS Y et M. AF X contestent également l’estimation par la SCPP du nombre de téléchargements.

Page 56 / 72

S’agissant des fichiers notifiés par la SACEM, mais revendiqués par la SCPP sur le fondement du droit des producteurs de phonogrammes, ils proposent de prendre comme base de calcul la période de prévention s’étendant du 21 novembre 2016 au 31 août 2017, soit sur 283 jours, ce qui ne représente que 30,04 % de la durée couverte par le rapport de la DIRCOFI EST à savoir du 1" janvier 2016 au 31 juillet 2018, soit 942 jours.

Par ailleurs, sur la base des conclusions de M. AI AJ, expert près la cour d’appel de Paris, ils exposent que seuls 54,75 % des téléchargements relevés par la DIRCOFI EST correspondent à des téléchargements uniques et complets des fichiers. La SAS Y et M. AF X proposent dès lors d’arrondir ce taux à 60% amenant le nombre de téléchargements pouvant être pris en compte à 1 514 téléchargements. Le préjudice pourrait ainsi être évalué à 1 514 €.

S’agissant des fichiers notifiés par la SCPP elle-même, ils indiquent que la prévention porte sur 27 fichiers seulement et s’étend du 4 juillet 2019 au 31 juillet 2019, soit sur 27 jours. Ils notent que cette durée correspond à 2,86 % de la durée couverte par le rapport de la DIRCOFI EST. Ils estiment en conséquence le nombre de téléchargements total des fichiers SCPP sur la période de prévention à l 378 131 x 2,86%, soit 39 414 téléchargements. Ils concluent que le nombre de téléchargements des 27 fichiers SCPP sur la période de prévention peut être estimée à 39 414 x (27/1 769), soit 601 téléchargements.

Partant du principe que seuls 60 % (taux arrondi) des téléchargements relevés par la DIRCOFI EST correspondent à des téléchargements uniques et complets des fichiers, la SAS Y et M. AF X considèrent que le nombre maximal de téléchargements pouvant être pris en compte est de 360 téléchargements. L’indemnité due à la SCPP au titre des fichiers déclarés par la SACEM serait ainsi évaluée au plus à 360 €.

* Concernant les demandes indemnitaires de la SACEM, la SAS Y et M. AF X considèrent en premier licu que la SACEM aurait fait preuve de carence dans l’identification des œuvres et dans la démonstration de ses droits concernant ses demandes au titre des 1 609 fichiers notifiés par l’ALPA. Sclon eux, la SACEM n’a en aucun cas qualité à agir au titre du droit d’auteur concernant des œuvres audiovisuelles ou des vidéogrammes. Dès lors, ses prétentions indemnitaires correspondantes doivent être rejetées.

S’agissant de l’évaluation du nombre de téléchargements des fichiers notifiés par la SACEM, ils suivent le même raisonnement que pour la SCP et exposent que le temps de la prévention correspond à 30,04 % de la durée couverte par le rapport de la DIRCOFI EST. Les téléchargements des fichiers notifiés par la SACEM s’éléveraient ainsi, pendant la durée de la prévention, à 10 509 x 30,04 %, soit 3 156 téléchargements. Sur la base du rapport de M. AI AJ, ils considèrent que le nombre maximal de téléchargements pouvant être pris en compte est ici de 3 156 x 60%, soit 1 893 téléchargements.

Considérant une indemnisation de 0,70 € par téléchargement, le préjudice de la SACEM s’éléverait au plus à 1 325,10 €.

* Concernant les demandes indemnitaires des sociétés de production de films, la SAS Y et M. AF X demandent au tribunal de relever que plusieurs films revendiqués aujourd’hui par certaines sociétés de production (à savoir Tristar et Les Films du 24) sont en réalité la propriété d’autres sociétés. l’aute pour Tristar et Les Films du 24 d’avoir, à un quelconque moment de la procédure, démontré leurs droits supposés sur ces films, leur constitution de partie civile doit être jugée irrecevable et l’ensemble de leurs demandes infondées.

Page 57 / 72

Ils notent que la grande majorité des fichiers notifiés en 2017 sont restés en ligne pendant moins d’une semaine (6 jours) pendant la période de la prévention. Ainsi, ils estiment que les fichiers sont restés en ligne pendant 15,73 % de la durée couverte par les données communiquées en réponse à la réquisition. Par ailleurs, ils réaffirment que seuls 60 % des téléchargements retenus doivent être pris cn compte conformément aux conclusions de M. AI AJ.

Ainsi, la SAS Y et M. AF X suggèrent le calcul suivant pour déterminer le nombre de téléchargements à prendre en compte dans la détermination du préjudice :

Nombre total de téléchargements x 0,1573 x 0,60

En outre, ils proposent de retenir comme base de calcul, le prix moyen d’une location VOD, soit 3,99€ TTC (3,33€ HT). Ils justifient ce choix par le constat qu’un internaute souhaitant télécharger un film gratuitement sc reporterait davantage sur une location temporaire ou sur une formule d’abonnement illimitée que sur l’achat d’un film en téléchargement définitif.

Ils ajoutent qu’en l’absence de barème public, il serait raisonnable de retenir une part revenant aux producteurs de 30 % sur la distribution en vidéo à la demande. Dès lors, ils en déduisent que le montant maximum pouvant être revendiqué par les sociétés de production de films au titre de leur préjudice matériel est de 3,33 x 30 %, soit 0,99 €.

* Concernant les demandes indemnitaires de la FNEF, du SEVN, la SAS Y et M. AF X que le nombre de téléchargements des fichiers FNEF sur la durée de la prévention peut être estimé à 794 647, soit en réalité 476 788 téléchargements uniques. Ils observent que ce nombre représente 8,09% de celui choisi par la FNEF et le SEVN pour servir de base à l’estimation de leurs préjudices supposés.

Dès lors, ils affirment que le montant total qui pourrait être alloué aux syndicats professionnels, serait de 16 180€ (200000 x 8,09%) pour la TNEF et 32 360 € (400 000 x 8,09%) pour le SEVN.

B. – Motifs de la décision

1. – Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des sociétés […]. et Les Films du 24

La société […]. verse aux débats non seulement la notice IMDb du film « T2 Trainspotting » mais aussi une extraction du Copyright office des États- Unis d’Amérique qui laisse apparaître qu’elle est bien titulaire ou cessionnaire des droits d’auteur sur l’œuvre cinématographique et coproductrice du vidéogramme correspondant. Par conséquent, la société […]. est recevable à agir civilement à l’encontre de la société Y et de M. X.

De même, il ressort de la notice IMDb du film « Les Profs » que la société Les Films du 24 en est coproductrice aux côtés des sociétés TF1 Films Production et TF1 Droits audiovisuels. S’agissant du film « Les Profs 2 », si la notice IMDb ne mentionne que « Les Films du premier» et non Les Films du 24 comme société coproductrice, la copie de l’enregistrement aux registres de la cinématographie et de l’audiovisuel (RCA) tenus par le CNC démontre clairement que la société Les Films du 24 est bien coproductrice de ce film. La société Les Films du 24 sera donc également déclarée recevable à agir civilement.

Page 58 / 72

2.-Sur la détermination des droits de propriété intellectuelle dont la contrefaçon doit être sanctionnée civilement

Il est rappelé qu’en application des dispositions combinées des 2 et 3 du l de l’article 6 de la LCEN, seules peuvent faire l’objet d’une réparation civile les atteintes aux droits de propriété intellectuelle notifiées à la société Y et à M. X dans le respect du formalisme du 5 du I de l’article 6 de la LCEN, visées dans l’acte de poursuite devant le tribunal de ce siège et sanctionnées au titre du délit de contrefaçon.

a. __Concernant la SCPP

La société Y et M. AF X étant relaxés de l’infraction de contrefaçon de phonogrammes, la SCPP sera déboutée de ses demandes d’indemnisation à ce titre.

Par ailleurs, la SCPP ne représente pas des titulaires de droit d’auteur mais des titulaires de droits voisins, en l’occurrence des producteurs de phonogrammes. Les notifications effectuées par les agents assermentés de la SACEM et de la SDRM concernent exclusivement des atteintes aux droits d’auteur appartenant aux auteurs et compositeurs représentés par ces deux sociétés de gestion collective et ne peuvent donc pas servir de support à l’action de la SCPP.

S’agissant des fichiers reproduisant des œuvres cinématographiques notifiés par l’ALPA, les poursuites et la condamnation pénale de la société Y et de M. AF X ne concemant que les actes de contrefaçon d’œuvres cinématographiques et non la contrefaçon de phonogrammes incluses dans celles-ci.

Par conséquent, la SCPP sera déboutée de l’ensemble de ses demandes.

b. – Concernant les demandes de la SACEM et de la SDRM

Il apparaît que les agents assermentés de la SACEM ont notifié à la SAS Y, conformément aux règles prévues à l’article 6 de la LCEN, des liens de téléchargements vers 100 albums appartenant à son répertoire d’œuvres. La SAS Y et son dirigeant AE X ont été sanctionnés pénalement pour les faits de contrefaçon de droit d’auteur portant sur 99 albums composés d’œuvres appartenant au répertoire de la SACEM et de la SDRM et sont intégralement responsables des préjudices causés à la SACEM et à la SDRM., qui sont bien fondées à en réclamer la réparation.

La SACEM et la SDRM sollicitent également l’indemnisation des préjudices résultant des téléchargements de 260 œuvres cinématographiques dont la bande originale serait constituée de nombreuses œuvres musicales appartenant à son répertoire. Cependant, les notifications faites par l’ALPA pour le compte de la FNDF ne portaient pas sur la contrefaçon des œuvres musicales incorporées dans les œuvres cinématographiques. La contrefaçon d’œuvres musicales de bandes originales de films incluses dans les œuvres cinématographiques et les vidéogrammes des sociétés de production de films n’a pas fait l’objet de poursuites spécifiques et n’a, en conséquence, pas été condamnée. Il convient donc de débouter la SACEM de ses demandes d’indemnisation résultant de la contrefaçon des œuvres musicales incorporées dans les liens fournis par l’ALPA pour le compte de la FNDF.

J P |

c. – Concernant les des sociétés de pr

Les agents assermentés de l’ALPA ont notifié à la SAS Y, Page 59 / 72

conformément aux règles prévues à l’article 6 de la LCEN, des liens de téléchargement vers plus de deux cents œuvres cinématographiques.

La responsabilité pénale de la SAS Y et de son dirigeant AE X a été établie pour les faits de contrefaçon de la majeure partie de ces œuvres cinématographiques et des vidéogrammes y afférents.

En conséquence, tant la FNDF que le SEVN et les onze sociétés de production de films sont recevables et bien fondés à réclamer la réparation des préjudices liés à la contrefaçon des œuvres cinématographiques et des vidéogrammes correspondants, dont la SAS Y et M. X sont intégralement responsables.

3.- Sur la détermination du nombre de téléchargements de fichiers contrefaisants

* Sur les téléchargements partiels

Aux termes de l’article L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle, « foute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit ». Ainsi, constitue une contrefaçon toute reproduction intégrale ou partielle d’une œuvre.

Ni la SAS Y, ni M. X ne démontrent que certains téléchargements partiels soient imputables au même utilisateur et aient été effectués pour recomposer un fichier unique. Dès lors, il convient de prendre en compte dans la base de calcul tous les téléchargements uniques même particls des fichiers litigieux.

* Sur la période à retenir pour dénombrer le nombre de téléchargements de fichiers, contrefaisants

La responsabilité civile ne peut être recherchée que pour les téléchargements de fichiers intervenus pendant les périodes rappelées ci-avant sur le fond de l’action publique et pour lesquels la culpabilité pénale a été retenue.

* Sur l’analyse des fichiers transmis par la SAS Y

Les tableaux synthétiques présentant le nombre de téléchargements effectués, triés s’agissant des vidéogrammes par ayant-droit, puis par œuvre et par lien de téléchargement, figurent en annexe de la présente décision.

4. -Sur l’évaluation du préjudice économique par acte de téléchargement

a. – Concernant la SACEM et la SDRM

Les conditions d’autorisation de la SACEM et de la SDRM prévoient un montant minimum de 0,70 € HT par téléchargement d’album dans la limite de 15 titres. Au-delà de 15 titres, il est prévu une somme de 0,0435 € HT par titre supplémentaire. Cette somme forfaitaire couvre tant le droit de reproduction de la SDRM que le droit de représentation géré par la SACEM.

La SACEM et la SDRM n’ayant pas précisé quels liens de téléchargement pointaient vers des albums multiples ou dépassant 15 titres, le préjudice pour chaque téléchargement contrefaisant sera fixé à 0,70 €, la somme étant répartie par moitié entre les deux sociétés de perception et de répartition des droits.

Page 60 / 72

b. – Concernant les sociétés de production de films

Il est observé que le préjudice économique résultant de la mise à disposition de liens de téléchargement renvoyant vers des fichiers contrefaisant des œuvres cinématographiques et vidéogrammes doit être calculé au regard du prix d’un téléchargement légal et définitif d’une œuvre cinématographique et non au regard du prix applicable à la location en VOD. En effet, un fichier téléchargé peut, contrairement à un service de location en VOD, être conservé durablement, reproduit, et visionné sans limitation de durée.

Il ressort des éléments du dossier que le prix d’acquisition d’œuvre cinématographique par téléchargement (« EZectronic Sell Through ») était en moyenne de 10,32 € en 2017 et de 9,98 € en 2018, soit un prix unitaire moyen de 10,15 € TTC pour les années 2017 et 2018.

Il convient de réduire cette valeur de référence afin de déterminer la part du préjudice subi par les producteurs de films spécifiquement. Ainsi, doivent être déduits les montants afférents à la TVA, à la taxe sur la vidéo, mais aussi l’ensemble des coûts de distribution, les redevances dues à la gestion collective de certains droits d’auteurs (SACEM, SDRM), les frais de gestion de maintenance des plates-formes permettant la mise à disposition des fichiers et, de manière générale, les coûts de structure supportés par les producteurs.

En l’absence d’éléments plus précis fournis par les ayants droit, il convient de retenir une proportion correspondant au tiers du prix unitaire moyen HT, soit 8,46 € / 3 = 2,82 € par œuvre cinématographique / vidéogramme téléchargé.

5. – Sur les condamnations civiles

a. __ Concernant la SACEM et la SDRM

Le montant des sommes ducs en réparation du préjudice matériel causé par les téléchargements de fichiers reproduisant des albums incorporant des œuvres du catalogue de la SACEM et de la SDRM s’établit ainsi :

Page 61 / 72

6742

Cette somme est à partager par moitié entre la SACEM qui exerce le droit de représentation et la SDRM qui exerce le droit de reproduction. La SAS Y et M. AF X seront donc condamnés solidairement à payer à la SACEM ct à la SDRM la somme de 2 359,70 € chacune en réparation de leur préjudice matériel.

Compte tenu de l’ampleur de l’activité contrefaisante sur les services exploités par la société Y, celle-ci et M. X seront en outre condamnés solidairement à payer la somme de 2 500€ à chacune des sociétés de gestion collective en réparation de leur préjudice moral.

Au regard de la durée de la procédure, des multiples jeux de conclusions portant sur des matières spécialisées et variées, la SAS Y et M. X seront condamnés in solidum à payer la somme de 9 000 € à chacune des deux sociétés de gestion collective au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (art. 475-1 du code de procédure pénale).

b. – Concernant les sociétés de production de films Pour chacune des sociétés de production de films, la synthèse des

téléchargements par film pendant la période de prévention permet de déterminer le montant des sommes dues en réparation du préjudice matériel subi :

* Columbia Pictures Inc. :

Page 63 /-72

SAUSAGE PARTY 17 247 48 636,54 € SOS FANTÔMES 364 1 026,48 €

THE WALK – REVER PLUS HAUT 1 050 2 961,00 € TOTAL 146 530.02 €

* […]. :

* Gaumont

* Les Films du 24

#dwnlds – Indemnité LES PROFS 63 177,66 € LES PROFS 2 287 809,34 €

* […]

Page 64 / 72

[TOTAL 55 356,60 € | * Pathé Films

| LES NOUVELLES AVENTURES D’ALADIN 4 609 __ 12 997,38 € MARSEILLE 2 810 __ 7 924,20 € YOUTH 3 136 __ 8 843,52 € TOTAL 29 765,10 €

* […].

Le film T2 TRAINSPOTTING a été téléchargé 976 fois. L’indemnité sera fixée à 2 752,32 €.

* […]

* UGC Image Le film DEEPAN a été téléchargé 158 fois. L’indemnité sera fixée à 445,56 €.

* […]

#dwnlds Indemnité

AGENTS PRESQUE SECRETS 6 715 __ 18 936,30 € AMERICAN NIGHTMARE 3 : ELECTIONS 4 228 __11 922,96 € AVE CÉSAR 179 504,78 € COMME DES BÊTES 907 2 557,74 € CRAZY AMY 734 2 069,88 € DRACULA UNTOLD 3 805 ___ 10 730,10 € FAST & FURIQOUS 6 13 36,66 €

Page 65 / 72

* Wamer Bros Inc.

Au regard de la durée de la procédure, des multiples jeux de conclusions portant sur des matières spécialisées et variées, la SAS Y ct M. X

Page 66 / 72

seront chacun condamnés à payer la somme de 750 € à chacune des 11 sociétés de production de films au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (art. 475- 1 du code de procédure pénale).

4 ; 11

c. – Concernant __ les __ fédérations __ pr de

producteurs et d’éditeurs de films

Les fédérations professionnelles de producteurs et d’éditeurs de films défendent un intérêt professionnel et bénéficient d’un droit à indemnisation propre distinct de celui des sociétés de production.

En hébergeant des œuvres cinématographiques contrefaisantes la SAS Y a porté préjudice à l’ensemble de la profession d’éditeur d’œuvre cinématographiques et de producteurs et distributeurs de vidéogrammes.

Ce préjudice est d’autant plus élevé que la SAS Y a hébergé pendant une longue durée de nombreux fichiers contrefaisants et a ainsi contribué à un phénomène nuisant gravement à l’équilibre économique du secteur culturel de la création cinématographique.

La SAS Y et M. X seront condamnés solidairement à payer à chacune des fédérations professionnelles la somme forfaitaire de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice ainsi causé.

Au regard de la durée de la procédure, des multiples jeux de conclusions portant sur des matières spécialisées et variées, la SAS Y et M. X seront chacun condamnés à payer la somme de 750 € à la FNDF et la même somme au SNEV au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (art. 475-1 du code de procédure pénale).

6. – Sur l’exécution provisoire des dispositions civiles

Compte tenu de l’ancienneté des faits litigieux, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire des dispositions civiles de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal correctionnel, statuant publiquement et contradictoirement,

1. – Sur l’action publique

Ayant joint les incidents au fond,

DÉCLARE les exceptions du nullité recevables, les dit mal fondées et les rejette,

DÉCLARE les demandes de sursis à statuer et tendant à transmettre à titre préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne des questions sur la conformité de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 au droit de l’Union européenne recevables, les déclare mal fondées et les rejette,

RELAXE M. AF AM X et la SAS Y des faits de contrefaçon par reproduction, communication ou mise à disposition du public non autorisée de phonogrammes commis à La Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 4 juillet et le 31 juillet 2019, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de la SCPP (NATINF : 28612),

RELAXE M. AF AM X ct la SAS Y des faits de contrefaçon par reproduction, représentation ou diffusion non autorisée des œuvres de

Page 67 / 72

l’esprit musicales incluses dans l’album Vent debout interprété par Tryo commis à La Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 21 novembre 2016 et le 31 août 2017, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de la SACEM et de la SDRM (NATINF : 28606),

RELAXE M. AF AM X et la SAS Y des faits de contrefaçon par reproduction, représentation ou diffusion non autorisée des œuvres de l’esprit cinématographiques listées à l’annexe l de la présente décision commis à La Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de films, incluant en particulier les faits de contrefaçon des œuvres cinématographiques suivantes : #AG AH, AN AK AL, […], […], CONNASSE, […], […], […], […], […], SAHARA, SEULS, – SPIDER-MAN: HOMECOMING, THE LOST CITY OF Z,IRANSFORMERS: THE LAST KNIGHT, […],

RELAXE M. AF AM X et la SAS Y des faits de contrefaçon par reproduction, communication ou mise à disposition du public non autorisée des vidéogrammes fixant lesdites œuvres cinématographiques dont la liste figure à l’annexe 1 de la présente décision commis à La Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de films, incluant en particulier les faits de contrefaçon vidéogrammes fixant les œuvres cinématographiques suivantes : #AG AH, A. AK AL, […], […], CONNASSE, […], […], […], […], […], SAHARA, SEULS, SPIDER-MAN: HOMECOMING, THE LOST CITY OF Z,TRANSFORMERS: THE LAST KNIGHT, […],

Pour le surplus :

CONSTATE que M. AF AM X et la SAS Y, agissant en qualité de prestataires de service d’hébergement de données au sens du 2 du I de l’article 6 de la LCEN, n’ont pas promptement retiré les informations stockées à la demande de tiers ou supprimé l’accès auxdites informations alors qu’ils avaient connaissance du caractère manifestement illicite de l’activité ou des informations stockées, dont la liste figure aux annexes 2 et 3 de la présente décision,

DIT que les faits de contrefaçon par reproduction d’œuvres de l’esprit et de contrefaçon par reproduction de vidéogrammes constituent en réalité des faits de complicité par fourniture de moyens desdites infractions,

REQUALIFIE les infractions en ce sens, DÉCLARE M. AF AM X et la SAS Y coupables des faits :

— de complicité par fourniture de moyens du délit de contrefaçon par reproduction, sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, des œuvres de l’esprit cinématographiques dont la liste figure à l’annexe 2 de la présente décision, commis à la Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le

Page 68 / 72

31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps définies à l’annexe 2 de la présente décision, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de films,

faits prévus et réprimés par les articles L. 335-2, L. 335-3, L. 335-4, L. 335-5, L. 335- 6, L. 335-7 et L. 335-8 du code de la propriété intellectuelle et les articles 121-2, 121- 6 et 121-7 du code pénal (NATINF : 28607),

— de contrefaçon par représentation ou diffusion, sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, des œuvres de l’esprit cinématographiques dont la liste figure à l’annexe 2 de la présente décision, commis à la Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps définies à l’annexe 2 de la présente décision, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de films,

faits prévus et réprimés par les articles L. 335-2, L. 335-3, L. 335-4, L. 335-5, L. 335- 6, L. 335-7 et L. 335-8 du code de la propriété intellectuelle et l’article 121-2 du code pénal (NATINF : 28607),

— de complicité par fourniture de moyens du délit de contrefaçon par reproduction, sans autorisation des producteurs de vidéogrammes, alors qu’elle était exigée, des vidéogrammes fixant les œuvres cinématographiques dont la liste figure à l’annexe 2 de la présente décision, commis à la Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps définies à l’annexe 2 de la présente décision, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de films,

faits prévus et réprimés par les articles L. 212-3, L. 213-1, L. 215-1, L. 216-1, L.. 335- 4, L. 335-5, L. 335-6, L. 335-7 et L. 335-8 du code de la propriété intellectuelle et les articles 121-2, 121-6 et 121-7 du code pénal (NATINF : 28613),

— de contrefaçon par mise à disposition du public ou diffusion, sans autorisation des producteurs de vidéogrammes, alors qu’elle était exigée, des vidéogrammes fixant les œuvres cinématographiques dont la liste figure à l’annexe 2 de la présente décision, commis à la Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps définies à l’annexe 2 de la présente décision, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de films,

faits prévus et réprimés par les articles L. 212-3, L. 213-1, L. 215-1, L. 216-1, L. 335- 4, L. 335-5, L. 335-6, L. 335-7 et L. 335-8 du code de la propriété intellectuelle et l’article 121-2 du code pénal (NATINF : 28613),

— de complicité par fourniture de moyens du délit de contrefaçon par reproduction, sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, des œuvres de l’esprit musicales dont la liste figure à l’annexe 3 de la présente décision, commis à la Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 21 novembre 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps définies à l’annexe 3 de la présente décision, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de la SACEM et de la SDRM,

faits prévus et réprimés par les articles L. 335-2, L. 335-3, L. 335-4, L. 335-5, I.. 335- 6, L. 335-7 et L. 335-8 du code de la propriété intellectuelle et les articles 121-2, 121- 6 et 121-7 du code pénal (NATINF : 28606),

Page 69 / 72

— de contrefaçon par représentation ou diffusion, sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, des œuvres de l’esprit musicales dont la liste figure à l’annexe 3 de la présente décision, commis à la Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 21 novembre 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps définies à l’annexe 3 de la présente décision, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de la SACEM et de la SDRM,

faits prévus et réprimés par les articles L. 335-2, L. 335-3, L. 335-4, L. 335-5, I.. 335- 6, L. 335-7 et L. 335-8 du code de la propriété intellectuelle et l’article 121-2 du code pénal (NATINF : 28606),

En répression,

CONDAMNE la SAS Y à la peine de 100 000 € d’amende à titre de peine principale,

CONDAMNE M. AF AM X à la peine d’un an d’emprisonnement et de 20 000 € d’amende à titre de peine principale,

DIT qu’il sera sursis totalement à l’exécution de la peine d’emprisonnement,

ORDONNE à la SAS Y et à M. AF AM X, à leurs frais, de retirer de leurs serveurs les fichiers dont l’URL figure aux annexes 2 et 3 de la présente décision, à titre de peine de peine complémentaire,

ORDONNE à la SAS Y et à M. AF AM X, pendant une durée d’un mois à compter de la signification de la présente décision, de diffuser sur le service de communication au public en ligne accessible à partir du nom de domaine lfichier.com le communiqué suivant, de manière lisible de prime abord, en tête de la page d’accueil et de toutes les pages internet permettant le téléchargement ascendant ou descendant de fichiers, dans un encadré centré, en noir sur fond blanc, avec la police de caractères utilisée pour les autres mentions importantes figurant sur le site et dans une taille minimale de 22 pixels (corps 16) : « Par jugement du 23 avril 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a déclaré la SAS Y, éditrice du service lfichier.com, et son dirigeant social, coupables du délit de contrefaçon d’œuvres de l’esprit et de vidéogrammes et complices des mêmes infractions, avec obligation de mentionner cette décision sur son site internet. », à titre de peine complémentaire,

2. – Sur les actions civiles

DÉCLARE la SACEM, la SDRM, la FNEF, le SEVN, la SCPP, les sociétés Columbia Pictures Industry Inc., […]., […], […], […]., […] recevables en leur action civile, DÉBOUTE la SCPP de l’ensemble de ses demandes, DÉBOUTE la SACEM et la SDRM de leurs demandes tendant à indemniser le préjudice subi du fait de la contrefaçon d’œuvres musicales incorporées dans les œuvres cinématographiques et vidéogrammes notifiés par l’ALPA pour le compte de la FNDF (devenue FNEF), DÉCLARE la SAS Y et M. AF AM X responsables du préjudice subi par la SACEM, la SDRM, la FNEF, le SEVN, les sociétés Columbia Pictures Industry Inc., […]., […], […], […]., […]., CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM X à Page 70 / 72

payer à la SACEM et à la SDRM la somme de 2 359,70 € chacune en réparation de leur préjudice matériel,

CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM AO à payer à la SACTM et à la SDRM la somme de 2 500 € chacune en réparation de leur préjudice moral,

CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM X à payer à la FNEF et au SEVN la somme forfaitaire de 50 000 € chacun en réparation de leur préjudice,

CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM X à payer à la société Columbia Pictures Industry Inc. la somme de 146 530,02 € en réparation de son préjudice,

CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM X à payer à la société […]. la somme de 226 792,86 € en réparation de son préjudice,

CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM X à payer à la société Gaumont la somme de 37 957,20 € en réparation de son préjudice, CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM AP à payer à la société Les Films du 24 la somme de 987 € en réparation de son préjudice, CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM X à payer à la société […] la somme de 55 356,60 € en réparation de son préjudice,

CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM X à payer à la société Pathé Films la somme de 29 765,10 € en réparation de son préjudice, CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM X à payer à la société […]. la somme de 2 752,32 € en réparation de son préjudice,

CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM X à payer à la société […] la somme de 115 642,56 € en réparation de son préjudice,

CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM X à payer à la société UGC Image la somme de 445,56 € en réparation de son préjudice, CONDAMNE solidairement la SAS Y ct M. AF AM X à payer à la société […] la somme de 156 763,80 € en réparation de son préjudice,

CONDAMNE solidairement la SAS Y et M. AF AM X à payer à la société Warmer Bros Inc. la somme de 422 120,16 € en réparation de son préjudice,

CONDAMNE in solidum la SAS Y et M. AF AM X à payer à la SACEM et à la SDRM la somme de 9 000 € chacune en application des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

CONDAMNE la SAS Y et M. AF AM X chacun à payer à la FNEF, au SEVN, aux sociétés Columbia Pictures Industry Inc., […]., […], […], […]., […] et Wamer Bros Inc. la somme de 750 € chacun en application des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

Page 71 / 72

ORDONNE l’exécution provisoire des dispositions civiles de la présente décision. Liste des annexes relatives aux relaxes et condamnations :

Annexe 1 : liste des liens pointant vers des fichiers reproduisant des œuvres de l’esprit cinématographiques et des vidéogrammes pour lesquels la relaxe est prononcée, établie suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de films (7 pages).

Annexe 2 : liste des liens pointant vers des fichiers contrefaisant des œuvres de l’esprit cinématographiques et des vidéogrammes, établie suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de films (18 pages).

Annexe 3 : liste des liens pointant vers des fichiers contrefaisant des œuvres de l’esprit musicales, établie suivant les constats réalisés par les agents assermentés de la SACEM et de la SDRM (2 pages).

et le présent jugement ayant été signé par le président et le greffier.

LE GREFFIE LE PRESIDE

Page 72 / 72

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal Judiciaire de Nancy, 23 avril 2021, n° 18197000138