Tribunal correctionnel de Paris, 7 janvier 2014, n° 11351030229
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Sur la décision
Référence : | T. corr. Paris, 7 janv. 2014, n° 11351030229 |
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Numéro(s) : | 11351030229 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
Texte intégral
L Extrait des minutes du Greffe du
Tribunal de Grande Instance de PARIS
Cour d’Appel de Paris
Tribunal de Grande Instance de Paris
Jugement du : 07/01/2014
14e chambre correctionnelle 1
N° minute 6 :
N° parquet : 11351030229
JUGEMENT CORRECTIONNEL
A l’audience publique du Tribunal Correctionnel de Paris le SEPT JANVIER DEUX MILLE QUATORZE,
Composé de : Madame FAIVRE Sabine, président, Madame BALLERINI Celine, assesseur,
Madame KOJIC Jelena, assesseur,
Assisté de Madame GIRARDEAU Anaïs, greffière,
en présence de Madame BRONSTEIN Vanessa, vice-procureur de la République,
a été appelée l’affaire
ENTRE:
Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal, demandeur et poursuivant
ET
Prévenue
Nom : C E épouse X née le […] à Qingdao (CHINE) de C Lanxiu et de F G
Nationalité chinoise
Situation familiale : mariée
Situation professionnelle : sans profession
Antécédents judiciaires : jamais condamnée demeurant : […]
Situation pénale : libre
Mesures de sûreté :
-ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 17 décembre 2011 avec cautionnement de 2 000 euros en 10 versements de 200 euros (garantissant la représentation à tous les actes de procédure a) à concurrence de 500 euros pour la représentation de tous les actes de la procédure ainsi que l’exécution des autres obligations prévues dans la présente ordonnance, b) à concurrence de 1 500 euros pour le paiement dans l’ordre suivant : des frais avancés par la partie civile, de la réparation des dommages causés par l’infraction et les restitutions ainsi que la dette alimentaire, des frais avancés par la partie publique, des amendes),
-ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire en date du 06 juin 2012,
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comparante assistée de Maître CHABANNE D-Yves avocat au barreau de PARIS
(A679), avocat commis d’office, en présence de P Q, interprète en langue chinoise,
Prévenue du chef de :
PROXENETISME AGGRAVE : PLURALITE DE VICTIMES
DEBATS
La prévenue a été renvoyée devant le tribunal correctionnel par ordonnance d’un des juges d’instruction du Tribunal de Grande Instance de Paris rendue le 6 juin 2012.
C E épouse X a été citée selon acte d’huissier de justice délivré à étude le 31 janvier 2013 (accusé réception signé le 02/02/13). L’affaire a été renvoyée contradictoirement aux audiences des 19 février 2013, 22 octobre 2013 et au fond le 7 janvier 2014
C E épouse X a comparu à l’audience assistée de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.
Elle est prévenue d’avoir à Paris, entre le 18 mars 2010 et le 13 décembre 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, aidé, assisté, protégé la prostitution, tiré profit ou partagé les produits de la prostitution ou reçu les subsides de personnes se livrant habituellement à la prostitution, embauché, entraîné ou détourné notamment, U V épouse Y, H I, J K épouse Z, L M, W AA K et N O épouse A en vue de la prostitution, avec cette circonstance que les faits ont été commis à l’égard de plusieurs personnes. faits prévus et réprimés par les articles 225-7, 225-11, 225-20, 225-21, 225-24 du code pénal.
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Avant l’audition de C E épouse X, la présidente a constaté que celle-ci ne parlait pas suffisamment la langue française ;
Elle a désigné P Q, interprète en langue chinoise, et lui a fait prêter le serment d’apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience ; l’interprète a ensuite prêté son ministère chaque fois qu’il a été utile.
A l’appel de la cause, la présidente a constaté la présence et l’identité de C E épouse X et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.
La présidente a instruit l’affaire, interrogé la prévenue présente sur les faits et reçu ses déclarations.
Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.
Maître CHABANNE D-Yves, conseil de C E épouse X a été entendu en sa plaidoirie.
La prévenue a eu la parole en dernier.
Le greffier a tenu note du déroulement des débats.
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14°0h.
Le tribunal, après en avoir délibéré, a statué en ces termes :
Le 29 novembre 2011, les services du 3ème DPJ, étaient informés de l’existence d’un institut de massage « Sourire et Soleil » sis […] au sein duquel des jeunes femmes se livreraient à des activités prostitutionnelles. Une enquête était diligentée.
Les premières investigations mettaient en évidence l’exercice d’une activité de massages traditionnels chinois, thaïlandais, japonais et indiens, sept jours sur sept de 10H à 22H pour un tarif compris entre 30 € et 95 € en fonction de la nature et de la durée du massage.
La SARL « Sourire et Soleil » avait été créée le 21 octobre 2009, par Madame B
C épouse X et par son mari D-R X. Depuis le […], Madame B C épouse X était devenue gérante salariée et le siège social avait été transféré […], le 14 avril 2010. Le bilan de l’année 2010 a été déficitaire à hauteur de la somme de
21 236 €.
La consultation de sites internet permettait d’établir que l’établissement « Sourire et Soleil » était référencé dans un site d’annonce consacré à un forum de discussion recueillant des commentaires relatifs aux prestations sexuelles pratiquées à hauteur de 20 € pour des masturbations qualifiées de « finitions manuelles ».
Les surveillances mises en place permettaient de constater une fréquentation quasi exclusivement masculine d’une trentaine de clients par jour.
Le 13 décembre 2011, les enquêteurs investissaient l’établissement à l’enseigne
« Sourire et Soleil », ils constataient outre la présence de B C, derrière le comptoir d’accueil, celle de trois employées S T, U V et H I, dans une salle de repos et celle de quatre autres employés, J ZENG,
Xiao ong NG, L M et N O, occupant des cabines de massage en compagnie de clients dénudés.
Certains des clients entendus indiquaient venir pour un massage qu’ils réglaient au tarif mentionné dans le prospectus puis qu’une masturbation leur était proposée moyennant « un petit cadeau » c’est à dire un pourboire de 20 €, une carte de fidélité leur était proposée.
Cinq masseuses présentes au salon étaient également entendues et précisaient que lors de l’embauche, la patronne du salon, Madame C leur expliquait l’esprit de travail et son envie d’avoir des filles qui savent bien masser et qui seraient à même de retenir les clients. Elles indiquaient percevoir de Madame C une rémunération de 10€ par client pour un massage d’une heure. Elles confirmaient pratiquer, à l’issue du massage, des « finitions manuelles », expliquant qu’il s’agit d’une pratique courante pour ne pas perdre les clients.(D261 W AA K) Certaines d’entre elles (J
ZENG D257) précisaient que Madame C est au courant que les masseuses font des « finitions manuelles » moyennant un pourboire, ajoutant que ces finitions ramènent beaucoup de clients, l’une d’entre elle, U V épouse Y (D300) ayant même précisé que c’est Madame C qui lui a demandé de faire des masturbations aux clients précisant que les clients demandaient ça et qu’elle devait le faire pour satisfaire le client, mais ne devait pas demander d’argent, c’est le client après la masturbation qui donne ce qu’il veut et ce que donne le client pour la masturbation c’est pour la masseuse, le prix du massage, c’est pour Madame C). L’hôtesse
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d’accueil, S T (D 281), embauchée moins de 10 jours avant son audition, qualifiait Madame C de très dure avec ses employées, affirmait que cette dernière savait que les masseuses pratiquaient la masturbation, qu’elle les incitait à se vêtir de façon sexy et poussait les masseuses à ce que les clients soient pleinement satisfaits, tout cela pour fidéliser la clientèle et avoir toujours d’avantage de clients.
Enfin les perquisitions réalisées ont permis de saisir un cahier de comptabilité dont il ressort que le salon avait reçu 10 453 clients entre le 1er janvier et le 11 décembre
2011, que les recettes nettes (après paiement des employés) s’élevaient à la somme de 255 065 dont 206 065 n’avait jamais été remis sur le compte de la société.
Entendue en garde à vue, B C a fini par reconnaître que des prestations sexuelles étaient dispensées dans son salon, précisant avoir exercé elle même l’emploi de masseuse dans un salon quelques années auparavant. Elle convenait avoir réalisé des finitions manuelles et avoir incité ses employées à agir de manière identique admettant « que pour gagner de l’argent, je fais comme dans tous les salons de massage donc je dois satisfaire la clientèle et on ne dit pas non pour les finitions comme dans les autres salons » « plus j’ai de clients contents plus je gagne », Madame C devait revenir sur ses aveux devant le juge d’instruction disant ne pas comprendre les déclarations des masseuses.
A l’audience, B C a indiqué d’une part ne pas être au courant des « finitions manuelles » pratiquées par les masseuses et d’autre part qu’elle ne percevait aucune rémunération pour celles-ci. Elle a souligné que les déclarations des masseuses avaient été faites dans l’intention de lui nuire et que ses propres déclarations en garde à vue résultait d’une pression des enquêteurs qui avaient relevé que sa fille détenait des parts dans la société et qu’elle redoutait que celle-ci soit inquiétée.
Elle a enfin précisé qu’une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’encontre de la société et qu’elle fait actuellement l’objet d’un contrôle fiscal.
MOTIFS
Les déclarations concordantes de L M, J ZENG, U V, H I, W AA K et N O établissent qu’elles ont été recrutées par
Madame C pour faire des massages traditionnels et qu’elles devaient ensuite satisfaire les désirs des clients qui demandaient des masturbations moyennant le versement d’un pourboire.
La réalité des prestations sexuelles pratiquées par les masseuses du salon « Sourire et Soleil » géré par Madame C est confirmée par les messages relevés sur internet.
Dès lors et en dépit de ses dénégations, Madame C, qui reconnaît qu’elle recherchait une fidélisation de la clientèle et qui devait rembourser les sommes qu’elle avait empruntées à des proches ne pouvait ignorer les agissements des masseuses, lesquels avaient pour finalité de s’assurer une fréquentation régulière du salon de massage.
Madame C sera déclarée coupable des faits de proxénétisme aggravé à l’égard de plusieurs victimes
Son bulletin N°1 du casier judiciaire est néant;
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Au regard des circonstances de l’infraction commise dans un contexte favorisé par l’ambiguïté des massages asiatiques, mais qui repose sur l’exploitation la précarité financière des masseuses, Madame C sera condamnée à la peine de 7 000 euros
d’amende. La demande de dispense d’inscription au bulletin N°2 du casier judiciaire sera rejetée en l’état, afin de garantir notamment le paiement de l’amende.
Il y a lieu d’ordonner la confiscation de l’intégralité des scellés.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement à l’égard de C E épouse X,
Déclare C E épouse X coupable des faits qui lui sont reprochés ;
Pour les faits de PROXENETISME AGGRAVE PLURALITE DE VICTIMES commis entre le 18 mars 2010 et le 13 décembre 2011 à Paris, sur le territoire national et depuis temps non prescrit,
Condamne C E épouse X au paiement d’une amende de SEPT MILLE EUROS (7000 euros);
Ordonne la confiscation des scellés ;
Rejette la demande de dispense d’inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire à de la condamnation prononcée ce jour ;
Rappelle qu’en application de l’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 17 décembre 2011, la prévenue a déposé à la régie de ce tribunal un cautionnement de 2 000 euros dont 500 euros garantissaient la représentation à tous les actes de la procédure et 1 500 euros garantissaient le paiement de la réparation des dommages et celui des amendes.
Le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressée de demander la restitution des sommes versées.
En application de l’article 1018 A du code général des impôts, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 90 euros dont est redevable C E épouse X;
La condamnée est informée qu’en cas de paiement de l’amende et du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où elle a eu connaissance du jugement, elle bénéficie d’une diminution de 20% sur la totalité de la somme à payer sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros.
et le présent jugement ayant été signé par la présidente et la greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE Pour expédition certifiée conforme
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EA Le Greffier en Chef,
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Textes cités dans la décision