Tribunal correctionnel de Paris, 20 décembre 2019, n° 1

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Sur la décision

Référence :
T. corr. Paris, 20 déc. 2019, n° 1
Numéro(s) : 1

Texte intégral

5

h. C Cour d’Appel de Paris

31 Tribunal de Grande Instance de Paris

Jugement du : 20/12/2019

31e chambre correctionnelle 2

N° minute

N° parquet : Extraits des minutes du greffe du 09357090257 tribunal judiciaire de Paris Plaidé le 11/07/2019

Délibéré le 20/12/2019

JUGEMENT CORRECTIONNEL

A l’audience publique du Tribunal Correctionnel de Paris le VINGT DÉCEMBRE

DEUX MILLE DIX-NEUF,

Composé de :

Présidente: Madame RA O LOYANT, vice-présidente,

Assesseurs : Monsieur FL REVEL, vice-président,
Madame QC QD, juge,

Assisté de Madame CK BROUSSY, greffière,

en présence de Madame GI QE, vice-procureur de la République, Madame IQ IR, 1er vice-procureur de la République,

a été appelée l’affaire

ENTRE :
Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal, demandeur et poursuivant

PARTIES CIVILES : Frévenu le :

Civi. Resp. le : APPEL: your liste LW

• personnes morales M. X du:

Partie civita la L’ASSOCIATION D’AIDE AUX VICTIMES ET AUX ORGANISATIONS

[…]

(l’ASD PRO), dont le siège social est sis chez Maître Y-BO IF […], partie civile, prise en la personne de UX FL, son Président, représentée avec mandat par FL UX, son Président, et par Maître Y-BO IF avocat au barreau de PARIS (P.0268), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

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L’ASSOCIATION FEDERATION NATIONALE DES ACCIDENTES DU

TRAVAIL ET DES HANDICAPES (la FNATH), dont le siège social est sis chez Maître FL IS WO rue Portalis […] 8EME, partie civile, prise en la personne de UY V, sa Présidente, représentée avec mandat par Maître FL IS avocat au barreau de PARIS (P.503), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

Le CHSCT DE L’UIA PARIS, dont le siège social est sis chez Maître […], partie civile, pris en la personne de HM Y-XF, son Président, représenté avec mandat par Maître Yanick ALVAREZ DE SELDING avocat au barreau de PARIS (DO0952), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

La FEDERATION CFTC DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS, dont le siège social est sis chez Maître IT IU […]

[…], partie civile, prise en la personne de UV ID, sa Présidente, représentée avec mandat par Maître IT IU avocat au barreau de

PARIS (R.286), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

La FEDERATION CGT DES ACTIVITES POSTALES ET DE

TELECOMMUNICATION, dont le siège social est sis […], partie civile, prise en la personne de UW

AD, son Secrétaire Général, représentée avec mandat par Maître Agnès CITTADINI avocat au barreau de PARIS (DO2185), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

[…], dont le siège social est sis chez Maître Z IV […], partie civile, prise en la personne de IW IX, son Secrétaire Général, représentée avec mandat par Maître Z IV avocat au barreau de PARIS (R.222), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

La FEDERATION SYNDICALE FORCE OUVRIERE DE LA

COMMUNICATION, dont le siège social est sis chez Maître CM IY […], partie civile, prise en la personne de DUMANS

BY, son Secrétaire Général, représentée avec mandat par Maître CM IY avocat au barreau de PARIS

(DN1291), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

La FEDERATION SYNDICALE SUD DES ACTIVITES POSTALES ET

[…], dont le siège social est sis chez Maître

Y-BO IF […], partie civile, prise en la personne de IZ JA, son Secrétaire Général, représentée avec mandat par JB BP, délégué syndical, et par Maître Y-BO IF avocat au barreau de PARIS (P.0268), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

Le SYNDICAT CFE-CGC WV TELECOM ORANGE, dont le siège social est sis chez Maître HD JC 36 rue BO Valery 75116 PARIS, partie civile, pris en la personne de BZ PX, son Secrétaire Général, représenté avec mandat par Maître HD JC avocat au barreau de PARIS

(G.001), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

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Le SYNDICAT CGT DES SALARIES ACTIVITES POSTALES DOUBS, dont le siège social est sis […], partie civile, pris en la personne de JD EQ, son Secrétaire Général, non représenté.

Le SYNDICAT UNSA-ORANGE, dont le siège social est sis chez Maître Z

IV 1 rue Ambroise Thomas 75009 PARIS, partie civile, prise en la personne de

HJ HK, son Secrétaire Général, représentée avec mandat par Maître Z IV avocat au barreau de PARIS

(R.222), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

L’UNION SYNDICALE SOLIDAIRES, dont le siège social est sis […]

[…], partie civile, prise en la personne de A

PY, son porte-parole, représentée par Maître Y-BO IF avocat au barreau de PARIS

(P.0268), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

LE SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DE LA SANTE AU

[…], dont le siège est sis […], pris en la personne de JE AD, Son Secrétaire Général, représenté avec mandat par Maître Y-BO IF avocat au barreau de

PARIS (P.0268).

L’ASSOCIATION FEDERATION NATIONALE DES ACCIDENTES DU

TRAVAIL ET DES HANDICAPES DU DOUBS (la FNATH du Doubs – Jura), dont le siège social est sis chez Maître FL IS WO rue Portalis […]

8EME, partie civile, prise en la personne de CHEVALLIER IB, sa Présidente, représentée avec mandat par Maître FL IS avocat au barreau de PARIS

(P.503), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

. personnes physiques

HISTORIQUES :

1- Madame W V, demeurant: […], partie civile, non comparante représentée avec mandat par Maître JR MENDES MJ avocat au barreau de PARIS (DN730), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.
Madame JF JG épouse B, demeurant : chez Maître HD

JC 36 rue BO Valery 75116 PARIS, partie civile, non comparante représentée avec mandat par Maître HD JC avocat au barreau de PARIS (G.001), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.
Madame DL JH, demeurant : […], partie civile, non comparante, constituée par lettre recommandée en date du 26 novembre 2018.
Madame C née JI IE, demeurant: 2 allée CM

Leprince Ringuet 42100 ST QG, partie civile, non comparante représentée avec mandat par Maître Z IV avocat au

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barreau de PARIS (R.222), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.
Monsieur D CE, demeurant chez Maître Y-BO IF

[…], partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître JW JX et Maître Y BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame D née JJ JK, demeurant: chez Maître Y-BO

IF […], partie civile, non comparante représentée avec mandat par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame E née D IB, demeurant: chez Maître Y-BO

IF […], partie civile, non comparante représentée avec mandat par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame D JL, demeurant : chez Maître Y-BO IF

[…], partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître JW JX et Maître Y BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur FJ JM, demeurant : chez Maître Y-BO IF […], partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître JW JX et Maître Y BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).

WO Monsieur AC IG, demeurant: […]

FAUMONT, partie civile, comparant assisté de Maître UD BERTHET avocat au barreau de LILLE, VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.
Monsieur F DX, demeurant: 59 rue OZ Bèque 78160 MARLY LE ROI, partie civile, non comparant représenté par Maître Carbon DE SEZE, avocat au barreau de PARIS

(A.647), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.
Madame F née JN JO, demeurant: 1 rue du AS à huile

[…], partie civile, non comparante représentée par Maître Carbon DE SEZE, avocat au barreau de

PARIS (A.647), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.
Madame DB ID R, demeurant : chez Maître FL IS

WO rue Portalis […] 8EME, partie civile, non comparante représentée avec mandat par Maître FL IS avocat au barreau de PARIS (P.503).
Monsieur DB DH, demeurant: chez Maître FL IS WO rue Portalis […] 8EME, partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître FL IS avocat au barreau de PARIS (P.503).

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Monsieur AG EY, demeurant : […]

CRETEIL, partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître JW JX et Maître Y BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur JP JQ, demeurant: WO rue Thyde M onnier 13190 ALLAUCH, partie civile, comparant assisté de Maître HD JC avocat au barreau de PARIS (G.001).
Madame G née HN HO, demeurant : […]

[…], partie civile, non comparante représentée avec mandat par Maître RA BOULE avocat au barreau de BORDEAUX.
Madame G JR, demeurant: […]

LEOGNAN, partie civile, non comparante représentée avec mandat par Maître RA BOULE avocat au barreau de BORDEAUX, VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.
Monsieur G JS, demeurant : […]

LEOGNAN, partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître RA BOULE avocat au barreau de BORDEAUX.

20- Madame G JT, demeurant : […]

LEOGNAN, partie civile, comparante assistée de Maître RA BOULE avocat au barreau de BORDEAUX, VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.
Monsieur G JU, demeurant : 77 rue NR apt 14 75018 PARIS, partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître RA BOULE avocat au barreau de BORDEAUX, VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.
Madame H née IC CM et Monsieur H II, demeurant : […], parties civiles, non-comparants, bien qu’ayant eu connaissance de la citation.
Monsieur FS-WS WT, demeurant: […]

ST BERTHEVIN, partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître A CESBRON avocat au barreau de LAVAL, VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.
Monsieur JV DV, demeurant : chez Maître JW JX […]

[…], partie civile, comparant assisté de Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur DT HS, demeurant : chez Maître JW JX […]

[…], partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître JW JX et Maître Y BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).

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Madame I née JY JL, demeurant : chez Maître JW JX […], partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître JW JX et Maître Y

BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame J née JZ FT, demeurant : […], partie civile, non comparante représentée avec mandat par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur J Y-BO demeurant : […], partie civile, non comparant représentés avec mandat par Maître JW JX et Maître Y BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur AH KA, demeurant ; chez Maître Y-BO IF […], partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître JW JX et Maître Y

BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).

30 Monsieur AI Y-HS, demeurant: chez Maître Y-BO

IF […], partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître JW JX et Maître Y BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame AI R-VE, demeurant : chez Maître Y-BO

IF […], partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître JW JX et Maître Y

BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur DC KB, demeurant : […], partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître Z IV avocat au barreau de PARIS (R.222).
Madame DC KC, demeurant: 69 rue Y Jaurès 54400 LONGWY, partie civile, non comparante représentée avec mandat par Maître Z IV avocat au barreau de PARIS (R.222).
Monsieur FK KD, demeurant: […]

D’AUVERGNE, partie civile, comparant assisté de Maître ID DA avocat au barreau de CLERMONT

FERRAND.
Madame K née CI KE, demeurant: […]

HAVRE CEDEX, partie civile, non comparante représentée avec mandat par Maître JW JX et Maître

Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur FI DH, demeurant : […], partie civile, comparant assisté de Maître KN MAZZA avocat au barreau de PARIS (C. 1356)

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VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier.

37- Monsieur AJ AR, demeurant : […], partie civile, comparant assisté de Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur FW HG, demeurant : 4 chemin de Sain t JA 60180 BARBERY, partie civile, non comparant, constitué par lettre recommandée en date du 19 novembre 2018
Monsieur FY Y-HC, demeurant: […], partie civile, non comparant, constitué par télécopie en date du 04 juillet 2019.
Monsieur GB S, demeurant : 522 cours cardinal AY de

[…], partie civile, non comparant, représenté par Maître CM ZUCCARELLI avocat au barreau de MARSEILLE, VF a déposé des conclusions visées par la présidente et la greffière.
Madame KF KG, demeurant: […], partie civile, non-comparante bien qu’ayant eu connaissance de la citation.
Monsieur FN KH, demeurant […]

HAUT RHIN, partie civile, non comparant
Monsieur GC Y FO, demeurant : chez Maître Y DV VJ 32/34 avenue de WV 59600 MAUBEUGE, partie civile, non comparant représenté avec mandat par Maître Y DV VJ avocat au barreau d’AVESNES SUR HELPE ayant transmis ses conclusions par C.
Monsieur FV BY, demeurant: WO avenue du Connétable 95440

ECOUEN, partie civile, comparant à l’audience du 27 juin 2019

- CONSTITUEES LE 29 MARS 2019
Madame KI KJ, demeurant : […]

TOURS, partie civile, comparante assistée de Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame CC HO, demeurant : […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame GG GF, demeurant : […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).

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Madame KK EU, demeurant: 109 rue du SB Château 94220

CHARENTON LE PONT, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur KL FL, demeurant: 11 rue Saint FL 57580

ANCERVILLE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur WQ Y-FL, demeurant: […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame KM KN, demeurant: WO rue Y Bouton 75012 PARIS, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur HP HQ, demeurant : […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur KO DV, demeurant: WO rue Charles Colvez 22300 LANNION, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur KP KQ, demeurant : […]

SUR SEINE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur IJ II, demeurant : […]

CLERMONT FERRAND, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame KR KS, demeurant: […]

[…], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur KT DV, demeurant : […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur GE GD, demeurant: 9 rue du AS latour 14790 VERSON, artię civi

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non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur KU HC, demeurant: […]

GOHELLE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur KV DV, demeurant : […]

VELAY, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame KW DJ, demeurant: […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur KX KA, demeurant: […]

[…], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame GM GL, demeurant: […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur DE VA HK, demeurant : 4 B de EV 91260 JUVISY SUR

ORGE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame KY JW, demeurant : […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur KZ JB, demeurant: […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur LA DV, demeurant: […]

LB LC, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur LD JB, demeurant: […]

PX […], partie civile, non comparant représenté par Maître Y-BO IF avocat au barreau de

PARIS (P.0268).

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Madame LE AA, demeurant: 1524 Chemin Saint HK 14100

MAROLLES, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame LF LG, demeurant: […]

SOUFFELWEYERSHEIM, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame LH HR, demeurant: […]

[…], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur LI AD, demeurant : […]

DE CUQUES, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur LJ HQ, demeurant: […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame LK BW, demeurant : […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur LL AF, demeurant: […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame LM LN, demeurant […]

HONGRE, partie civile, comparante assistée de Maître JW JX et Maître Jean-Paul

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur GT GS, demeurant: […]

LO LP, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur LQ LR, demeurant: […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame GV GU, demeurant : […]

BLANCHE, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

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IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur LS O, demeurant: WO rue II Mauriac 49800

TRELAZE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur LT LU, demeurant: […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur LE GW HS, demeurant: […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame GX R-IB, demeurant: […]

[…], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur LV O, demeurant: […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur GZ GY, demeurant : […], partie civile, rue des Tertres 95240 non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame LW KE, demeurant : […] HT de vue […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur HB HA, demeurant: […]

[…], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur LX AD, demeurant: […]

BASTIA, partie civile, comparant assisté de Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame AB AA, demeurant : 2 rue II Truffaut 14111

LOUVIGNY, partie civile, comparante assistée de Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame LY HW, demeurant : 8 rue O Torcatis 66300

VILLEMOLAQUE, partie civile,

Page WP/343


non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur HC O, demeurant: […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur WU Y-DQ, demeurant : 94 avenue HK Brossolette 94170

LE PERREUX SUR MARNE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur IM HC, demeurant : […], non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur LZ HG, demeurant: WO rue Korrigans 56890 PLESCOP, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame MA GN, demeurant: […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur MB HS, demeurant : 46 rue de la Croix de HK 03200 LE

VERNET, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur MC HQ, demeurant : […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame HT MD, demeurant: […]

BLONVILLE SUR MER, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur ME HN, demeurant : 21 rue Saint-Armand 75015 PARIS, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur WR Y-BO, demeurant: […]

GRENOBLE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur MG MH, demeurant: WP rue du Monastère 15000

Page 14/343


BA

AURILLAC, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur IO IN, demeurant: […]

RANDENS, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur MI HQ, demeurant: 507 route de la Roque-sur-Pernes 84800 L’ISLE

SUR LA SORGUE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur MJ MK, demeurant: […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur HE HD, demeurant: […], non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame HU HV, demeurant : 18 rue KB Ledan 22200 PABU, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur ML MM, demeurant : […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame MN KE, demeurant : […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur MO HC, demeurant : […]

PERREUX SUR MARNE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).

- CONSTITUEES LE 29 AVRIL 2019
Madame AE MP, demeurant: […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur BP JB, demeurant : […]

MONTREUIL, partie civile, comparant assisté de Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).

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Madame HF R-WV, demeurant : 17 impasse JQ Guille 11800

BADENS, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur MQ GD, demeurant […], partie civile, comparant assisté de Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur IH HQ, demeurant […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame UP-GH UO, demeurant […]

LA CIOTAT, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame AY GI, demeurant […], partie civile non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur MR A, demeurant […]

ANDARD, partie civile non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur MS MT, demeurant […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur MU MV, demeurant […]

TOURS, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur MW AR, demeurant 41 bis rue M 76300 SOTTEVILLE

LES ROUEN, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame WI R-HK, demeurant […]

PLOUMAGOAR, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur MX DV, demeurant […], partie civile, comparant assisté de Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).

Page 16/343


Monsieur MY MZ, demeurant […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame GJ R-HW, demeurant […]

VESINET, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur WW Y-BO, demeurant Le Chêne Vert 49480 ST OO

D’ANJOU, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur GK Y-EQ, demeurant WO rue de l’Orne au Chat 28630 BARJOUVILLE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur WF Y QL, demeurant […]

MARSEILLE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur DE IK CM, demeurant […]

ROUEN, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame NA NB, demeurant 96 avenue RN I 37270 MONTLOUIS

SUR LOIRE, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame NC ND, demeurant […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame GO GN, demeurant […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur NE DQ, demeurant WO rue Y Bouton 75012 PARIS, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur NF HC, demeurant […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

Page 17/343


IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur NG CJ, demeurant […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur WX-WY HG, demeurant […]

SUR SEINE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur GQ GP, demeurant […]

NOES PRES TROYES, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame UQ R-HW, demeurant […]

NH NI, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur GR DX, demeurant […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame NJ GN, demeurant […], partie civile, comparante assistée de Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame AF BW, demeurant […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur AF GS, demeurant […]

SAINTE SYRE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur WJ Y-HK, demeurant […]

POITIERS, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur NK AD, demeurant […]

BARTHELEMY D’ANJOU, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur VM MT, demeurant […], partie civile,

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2

non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame HX CK, demeurant […], partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame NL NM, demeurant 11 rue Y AS 29770 AUDIERNE, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur NN JB, demeurant […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur NO CE, demeurant […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur HY HZ, demeurant 25 ru e BO Bert 28300 MAINVILLIERS, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame IW R-UR, demeurant 16 rue du Capitaine DV Hervouët

[…], partie civile, comparante assisté de Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur WZ Y-BO, demeurant avenue XF Péri – les terrasses d’Oriane

[…], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur NP CM, demeurant […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur IA AD, demeurant […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur NQ BY, demeurant […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame NR NS, demeurant […], partie

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civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur WK Y-DQ, demeurant 45 quai de la Loire 37700 ST HK DES

CORPS, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur NT FO, demeurant […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur NU NV, demeurant […]

ROCHELLE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur NW NX, demeurant […]

AUBERVILLIERS, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame NY IP-R agissant en qualité d’ayant droit de son fils NY NZ, demeurant 6 boulevard IX Trésaguet 58000 NEVERS, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame WM R-WL, demeurant […]

- 86380 JAUNAY-MARIGNY, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur OA OB, demeurant […]

FERRAND, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Madame OC IB, demeurant […]

SEYSSEL, partie civile, non comparante représentée par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur OD AV, demeurant […], partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).
Monsieur VH XA Y BO, demeurant […]

SARTROUVILLE, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO

IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).

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 – CONSTITUEES LE 06 MAI 2019
Monsieur FX Y-KD, demeurant : […], partie civile, non comparant, représenté par Maître Audrey CHARLET-DORMOY avocat au barreau de PARIS (A.0201), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier
Madame BJ-WH R-IB, demeurant: […]

[…], partie civile, non comparante, représentée par Maître Antoine LABONNELIE avocat au barreau de

PARIS (DN766), VF a déposé des conclusions visées par le président et le greffier

- CONSTITUEE LE 11 JUIN 2019
Monsieur BF OE, demeurant: 7 rue René AK 75010 PARIS, partie civile, non comparant représenté par Maître JW JX et Maître Y-BO IF avocats au barreau de PARIS (P.0268).

-CONSTITUEES PAR C EN COURS DES DEBATS
Madame FZ OF, demeurant: […]

AUBIGNAN, partie civile, comparante
Monsieur GA AD, demeurant […], partie civile, non comparant, constitué par lettre recommandée en date du WP mai 2019
Monsieur OG OH, demeurant: […], partie civile, non comparant, constitué par C en date du 21 juin 2019

ET

Prévenue

Raison sociale de la société : la société WV TELECOM SA devenue la société ORANGE SA

Enseigne : ORANGE N° SIREN/SIRET : 380129866 Chez Maître PQ PR 176 rue de Rivoli VN :

[…]

Antécédents judiciaires : déjà condamnée

Situation pénale: placée sous contrôle judiciaire Mesures de sûreté: ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du

04/07/2012, ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire en date du 12/06/2018 représentée avec mandat par JA EW, son Secrétaire Général, et par Maître PQ PR avocat au barreau de PARIS (DM0064), VF a déposé des conclusions d’irrecevabilité de constitutions de partie civile et au fond visées par la présidente et la greffière.

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Prévenue des chefs de :

HARCELEMENT MORAL: DEGRADATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL.

POUVANT PORTER ATTEINTE AUX DROITS, A LA DIGNITE, A LA SANTE OU

A L’AVENIR PROFESSIONNEL D’AUTRUI faits commis courant 2007 à 2010 à

Paris

Prévenu

Nom : AP CJ né le […] à LYON 69006 de AP FO et de OI R

Nationalité : française

Situation familiale : R

Situation professionnelle : cadre dirigeant, retraité Antécédents judiciaires : jamais condamné

Demeurant Chez Maître R OJ SCP AUGUST et […]

[…]

Situation pénale: placé sous contrôle judiciaire

Mesures de sûreté: ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 05/07/2012, ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire en date du 12/06/2018 comparant assisté de Maître R OJ et Maître Maxime CLERY-MELIN avocats au barreau de PARIS (P.438), VF ont déposé des conclusions d’irrecevabilité de constitutions de partie civile et au fond visées par la présidente et la greffière.

Prévenu des chefs de :

HARCELEMENT MORAL: DEGRADATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL

POUVANT PORTER ATTEINTE AUX DROITS, A LA DIGNITE, A LA SANTE OU

A L’AVENIR PROFESSIONNEL D’AUTRUI faits commis courant 2007 à 2010 à

Paris

Prévenu

Nom: AN EY né le […] à CLERMONT FERRAND (Puy-De-Dome) de AN O et de OK OL

Nationalité : française

Situation familiale: R, 3 enfants

Situation professionnelle : Administrateur de sociétés, retraité

Antécédents judiciaires : jamais condamné Demeurant : chez Maître Y OM […]

Situation pénale: placé sous contrôle judiciaire Mesures de sûreté ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du

04/07/2012, ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire en date du 12/06/2018 comparant assisté de Maître Y OM, Maître II ESCLATINE et Maître

MD DE WARREN avocats au barreau de PARIS (T.06), VF ont déposé des conclusions d’irrecevabilité de constitutions de partie civile et au fond visées par la présidente et la greffière.

Prévenu des chefs de :

HARCELEMENT MORAL : DEGRADATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL

POUVANT PORTER ATTEINTE AUX DROITS, A LA DIGNITE, A LA SANTE OU

A L’AVENIR PROFESSIONNEL D’AUTRUI faits commis courant 2007 à 2010 à

Paris

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Prévenu

Nom: AO O-HK né le […] à PARIS 75013 de AO Edgar et de ON KE dite Jeannette

Nationalité française

Situation familiale: R, 3 enfants

Situation professionnelle directeur de société, retraité

Antécédents judiciaires : jamais condamné Demeurant: Chez Maître OO OP […]

Situation pénale: placé sous contrôle judiciaire

Mesures de sûreté: ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 05/07/2012, ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire en date du 12/06/2018 comparant assisté de Maître Frédérique BAULIEU (P.110) et Maître OO OP (DM0013) avocats au barreau de PARIS, VF ont déposé des conclusions d’irrecevabilité de constitutions de partie civile et au fond visées par la présidente et la greffière.

Prévenu des chefs de :

[…]

POUVANT PORTER ATTEINTE AUX DROITS, A LA DIGNITE, A LA SANTE OU

A L’AVENIR PROFESSIONNEL D’AUTRUI faits commis courant 2007 à 2010 à

Paris

Prévenue

Nom : AK CK divorcée L née le […] à PARIS 75014 de AK AR et de OQ OR

Nationalité française

Situation familiale: divorcée, 3 enfants

Situation professionnelle : Directrice d’orange start up eco système

Antécédents judiciaires : jamais condamnée

Demeurant : chez Maître Alexis GUBLIN […]: libre comparante assistée de Maître Alexis GUBLIN et Maître HK CALDERAN avocats au barreau de PARIS (R.229), VF ont déposé des conclusions d’irrecevabilité de constitutions de partie civile et au fond visées par la présidente et la greffière.

Prévenue des chefs de :

: DEGRADATION DES COMPLICITE DE HARCELEMENT MORAL

CONDITIONS DE TRAVAIL POUVANT PORTER ATTEINTE AUX DROITS, A LA

DIGNITE, A LA SANTE OU A L’AVENIR PROFESSIONNEL D’AUTRUI faits commis entre 2007 et mars 2008 à Paris

Prévenu

Nom: P IG-JB né le […] à […] de filiation non précisée

Nationalité française

Situation familiale : divorcé

Situation professionnelle : retraité

Antécédents judiciaires : jamais condamné Demeurant : […]

Situation pénale: libre

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comparant assisté de Maître QA QB avocat au barreau de PARIS (DO0060), VF a déposé des conclusions d’irrecevabilité de constitutions de partie civile et au fond visées par la présidente et la greffière.

Prévenu des chefs de :

COMPLICITE DE HARCELEMENT MORAL : DEGRADATION DES

CONDITIONS DE TRAVAIL POUVANT PORTER ATTEINTE AUX DROITS, A LA

DIGNITE, A LA SANTE OU A L’AVENIR PROFESSIONNEL D’AUTRUI faits commis entre 2007 et le 1er avril 2008 à Paris

Prévenue

Nom: OS GI épouse M née le […] à MEAUX (Seine-Et-Marne) de filiation non précisée

Nationalité : française

Situation familiale : mariée

Situation professionnelle : directrice des ressources humaines

Antécédents judiciaires : jamais condamnée Demeurant : chez Maître Maxime IA 163 boulevard Malesherbes 75017 PARIS

Situation pénale : libre comparante assistée de Maître Lucie MONGIN ARCHAMBEAUD et Maître Maxime

IA avocats au barreau de PARIS (P.117), VF ont déposé des conclusions d’irrecevabilité de constitutions de partie civile et au fond visées par la présidente et la greffière.

Prévenue des chefs de :

COMPLICITE DE HARCELEMENT MORAL : DEGRADATION DES

CONDITIONS DE TRAVAIL POUVANT PORTER ATTEINTE AUX DROITS, A LA

DIGNITE, A LA SANTE OU A L’AVENIR PROFESSIONNEL D’AUTRUI faits commis courant 2007 à 2010 à Paris

Prévenų

Nom : AS BY né le […] à LES SABLES D’OLONNE (Vendee) de AS HK et de OT OU

Nationalité : française

Situation familiale: R, 2 enfants

Situation professionnelle : Directeur Général de IDATE

Antécédents judiciaires : jamais condamné Demeurant : Chez Maître JB OV 232 boulevard St GQ 75007

PARIS 7EME

Situation pénale : libre comparant assisté de Maître JB OV et de Maître Antoine

OV avocats au barreau de PARIS (DN1568), VF ont déposé des conclusions d’irrecevabilité de constitutions de partie civile et au fond visées par la présidente et la greffière.

Prévenu des chefs de :

COMPLICITE DE HARÇELEMENT MORAL : DEGRADATION DES

CONDITIONS DE TRAVAIL POUVANT PORTER ATTEINTE AUX DROITS, A LA

DIGNITE, A LA SANTE OU A L’AVENIR PROFESSIONNEL D’AUTRUI faits commis courant 2007 à 2010 à Paris

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TÉMOINS A LA REQUETE DU Ministère X :
Madame Q JW

VN: […] mode de convocation : à personne habilitée le 08.04.19 mode de comparution : comparante le 09 mai 2019
Monsieur QZ Y-FO

VN: cabinet BR […] mode de convocation : à étude le 03.04.19 (AR signé) mode de comparution : comparant le 09 mai 2019
Monsieur OW HG

VN: DBO Conseil […] mode de convocation: RC du 06.12.18 mode de comparution : comparant le 20 mai 2019
Madame CO R-FO

VN: […] mode de convocation: RC du 06.12.18 mode de comparution : comparante le 17 mai 2019
Monsieur CR DV

VN: […] mode de convocation: RC du 06.12.18 mode de comparution : comparant le 20 mai 2019
Madame N’YB-RJ PO

VN: […] mode de convocation: RC du 06.12.18 mode de comparution : comparante le 18 juin 2019
Monsieur BS HK VN: WP rue du Maréchal Leclerc 85190 VEZENAY

mode de convocation: RC du 06.12.18 mode de comparution : comparant le 20 mai 2019
Monsieur PT IG VN: […]

mode de convocation: RC du 06.12.18 mode de comparution : comparant le le 17 mai 2019

TÉMOINS A LA REQUETE DE M. AP:
Madame OX HR

VN : […] mode de convocation : citation à étude le 23.04.19 mode de comparution : comparante le 1er juillet 2019
Monsieur HH AF

VN: 70 rue Y-HK TIMBAUD 75011 PARIS mode de convocation: citation à domicile le 23.04.19 mode de comparution : comparant le 07 juin 2019

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TÉMOINS A LA REQUETE DE Mme M :
Madame UG UH XB GI

VN: Résidence Bellevue Sainte UR 190 avenue Raymond Naves 31500

TOULOUSE mode de convocation: citation à étude le 24.04.19 mode de comparution : comparante le 28 mai 2019

TÉMOINS A LA REQUETE DE M. AN :
Monsieur XC BY

VN: WO bis rue BO Baudey […] mode de convocation: citation à étude le 24 avril 2019 mode de comparution : comparant le 14 mai 2019
Monsieur OY OZ

VN: 5 rue KB Guilmant 92190 mode de convocation : citation à étude le 24.04.19 mode de comparution : comparant le 14 mai 2019

TÉMOINS A LA REQUETE DE M. AO :
Monsieur T S

VN: 21 rue Y-II de Surville 56290 PORT-O mode de convocation: citation à domicile le 19.04.19 mode de comparution : comparant le 28 mai 2019

TÉMOINS A LA REQUETE DU SYNDICAT SUD :
Monsieur PA AD

VN : […] mode de convocation: citation à étude le 24.04.19 mode de comparution comparant le WO mai 2019
Madame N née XD R-HK

VN: […] mode de convocation : citation à étude le 11.04.19 mode de comparution : comparante le 23 mai 2019
Monsieur BC FL

VN: 4 rue Antoine Claudinon Les jardins de l’Europe 42100 ST QG mode de convocation : citation à domicile le 11.04.19 mode de comparution : comparant le 29 mai 2019
Monsieur AZ AV

VN: […] mode de convocation: citation à étude le 23.04.19 mode de comparution : comparant le WO mai 2019
Monsieur YC YD YE

VN 151 rue des Ruffins 93100 MONTREUIL mode de convocation : citati à étude le 16.04.19

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mode de comparution : comparant le 1er juillet 2019
Madame PU LE U GI

VN: […] mode de convocation: citation à étude le 18.04.19 mode de comparution : comparante le 18 juin 2019
Madame PB PC PW

VN 19 allée des Moscaries 38240 MEYLAN mode de convocation: citation à personne le 18.04.19 mode de comparution : comparante le 20 mai 2019
Monsieur PD FL

VN: […] mode de convocation: citation à personne le 17.04.19 mode de comparution : comparant le WO mai 2019
Monsieur PE KA

VN: […] mode de convocation: citation à domicile le WO.04.19 mode de comparution : comparant le 27 juin 2019
Madame EZ PF

VN : […] mode de convocation: citation à étude le 19.04.19 mode de comparution : comparante le 12 juin 2019
Madame PG PH née BT PW VN: […] mode de convocation: citation à personne le 15.04.19 mode de comparution : comparante le 1er juillet 2019
Madame PI PJ

VN: […] mode de convocation: citation à étude le 15.04.19 mode de comparution : comparante le 28 juin 2019

TÉMOINS A LA REQUETE DU F3C CFDT et de l’UNSA :
Monsieur EG PK

VN : […] mode de convocation : citation à domicile le 30.04.19 mode de comparution : comparant le 21 mai 2019
Monsieur ER II

VN: 11 cours Franklin Roosevelt 69006 LYON mode de convocation: citation à étude le 24.04.19 mode de comparution : comparant le 21 mai 2019
Monsieur CG II

VN : […] mode de convocation : citation à personne le 24.04.19 mode de comparution : comparant le 11 juin 2019

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TÉMOINS A LA REQUETE DE LA CGT ACTIVITES POSTALES ET

COMMUNICATION :
Madame PL LG

VN : […] mode de convocation: citation à étude le 24.04.19 mode de comparution : comparante le 09 mai 2019

TÉMOINS A LA REQUETE DE M. BF :
Monsieur PM FQ

VN: […] mode de convocation : citation à mode de comparution : comparant le 12 juin 2019

DEBATS

Par ordonnance de renvoi de l’un des juges d’instruction de ce siège en date du 12 juin

2018, sont renvoyés devant le tribunal:

* WV TELECOM SA devenue ORANGE SA :

Pour avoir, à PARIS entre 2007 et 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit : par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation

-

des conditions de travail des personnels, susceptible de porter atteinte à leur droit et à leur dignité, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel, en l’espèce en mettant en place, dans le cadre des plans NEXT et Act, une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène, en recourant notamment à :

* des réorganisations multiples et désordonnées ;

*des incitations répétées au départ ;

* des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles forcées ;

* la surcharge de travail, la pression des résultats ou à l’inverse l’absence de travail;

* un contrôle excessif et intrusif;

* l’attribution de missions dévalorisantes ;

* l’absence d’accompagnement et de soutien adaptés des ressources humaines ;

* des formations insuffisantes voire inexistantes ;

* l’isolement des personnels;

* des manœuvres d’intimidation, voire des menaces ;

* des diminutions de rémunération;

- harcelé notamment :

AE PN

* CH IB

* FR QG

*BG PO

*FP FO

* B ID-QC

* DL JH

* BE DJ

* C IE

* D FL

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*FJ JM

*AC IG

* FM SD

* F DX

* DA DQ

* AL FQ

* DB JA

*BF TP

* AF Y-FL

* AG EY

* JP JQ

**G QL

* H EY

* FS CM

*JV DV

*TS TR

* DT BW

*J Y-BO

* AH KA

*AI NU

*DR CE

* DC Y-KA

* FK KD

* DW JB

*DD Y-BO

* CI KE

FI DH

*UM EU

*AJ AR

Faits prévus et réprimés par les articles 222-33-2, 222-44, 222-45, 121-2, 131

38 et 131-41 du code pénal,

* EY AN:

Pour avoir, à PARIS entre 2007 et 2010, en sa qualité de Président de la société WV TELECOM SA devenue ORANGE SA, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit : par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail des personnels, susceptible de porter atteinte à leur droit et à leur dignité, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel, en l’espèce en mettant en place, dans le cadre des plans NEXT et Act, une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène, en recourant notamment à :

* des réorganisations multiples et désordonnées ;

* des incitations répétées au départ ;

* des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles forcées ;

* la surcharge de travail, la pression des résultats ou à l’inverse l’absence de travail;

*un contrôle excessif et intrusif;

* l’attribution de missions dévalorisantes ;

* l’absence d’accompagnement et de soutien adaptés des ressources humaines ; des formations insuffisantes voire inexistantes ;

l’isolement des personnels;

*

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* des manœuvres d’intimidation, voire des menaces ;

* des diminutions de rémunération;

- harcelé notamment :

* AE PN

* CH IB

*FR QG

* BG PO

* FP FO

* B ID-QC

*DL JH

* BE DJ

* C IE

*D FL

*FJ JM

* AC IG

* FM SD

* F DX

*DA DQ

* AL FQ

* DB JA

* BF TP

* AF Y-FL

* AG EY

* JP JQ

* G QL

* H EY

* FS

*JV DV

* TS TR

*DT BW

*J Y-BO

* AH KA

*AI NU

* DR CE

* DC Y-KA

* FK KD

* DW JB

* DD Y-BO

* CI KE

* FI DH

*UM EU

* AJ AR

Faits prévus et réprimés par les articles 222-33-2, 222-44-, 222-45, 121-2, 131-38 et 131-41 du code pénal.

* CJ AP :

Pour avoir, à PARIS entre 2007 et 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en sa qualité de directeur des ressources humaines de

WV TELECOM SA devenue ORANGE SA: par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation

-

des conditions de travail des personnels, susceptible de porter atteinte à leur droit et à

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leur dignité, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel, en l’espèce en mettant en place, dans le cadre des plans NEXT et Act, une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène, en recourant notamment à :

* des réorganisations multiples et désordonnées ;

*des incitations répétées au départ ;

* des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles forcées ;

*la surcharge de travail, la pression des résultats ou à l’inverse l’absence de travail;

* un contrôle excessif et intrusif;

* l’attribution de missions dévalorisantes ;

* l’absence d’accompagnement et de soutien adaptés des ressources humaines ;

* des formations insuffisantes voire inexistantes ;

* l’isolement des personnels;

* des manœuvres d’intimidation, voire des menaces;

* des diminutions de rémunération;

- harcelé notamment :

*AE PN

* CH IB

*FR QG

* BG PO

*FP FO

* B ID-QC

* DL JH

* BE DJ

* C IE

* D FL

*FJ JM

*AC IG

* FM SD

* F DX

*DA DQ

* AL FQ

* DB JA

* BF TP

* AF Y-FL

*AG EY

* JP JQ

* G QL

* H EY

* FS CM

*JV DV

* TS TR

* DT BW

*J Y-BO

* AH KA

* AI NU

* DR CE

* DC Y-KA

* FK KD

*DW JB

*DD Y-BO

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* CI KE

*FI DH

*UM EU

*AJ AR

Faits prévus et réprimés par les articles 222-33-2, 222-44, 222-45, 121-2, 131

38 et 131-41 du code pénal.

* O-HK AO :

Pour avoir, à PARIS entre 2007 et 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en sa qualité de Président de la société ORANGE WV et directeur exécutif délégué et directeur des opérations WV au sein de WV TELECOM SA devenue ORANGE SA: par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail des personnels, susceptible de porter atteinte à leur droit et à leur dignité, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel, en l’espèce en mettant en place, dans le cadre des plans NEXT et Act, une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène, en recourant notamment à :

* des réorganisations multiples et désordonnées ;

* des incitations répétées au départ;

* des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles forcées ;

*la surcharge de travail, la pression des résultats ou à l’inverse l’absence de travail;

* un contrôle excessif et intrusif;

* l’attribution de missions dévalorisantes ;

* l’absence d’accompagnement et de soutien adaptés des ressources humaines;

* des formations insuffisantes voire inexistantes ;

* l’isolement des personnels; des manoeuvres d’intimidation, voire des menaces ;

* des diminutions de rémunération;

- harcelé notamment :

*AE PN

*CH IB

* FR QG

* BG PO

*FP FO

* B ID-QC

* DL JH

* BE DJ

* C IE

* D FL

*FJ JM

*AC IG

*FM SD

*F DX

DA DQ

* AL FQ

* DB JA

* BF TP

AF Y-FL

* AG EY

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* JP JQ

*G QL

* H EY

* FS CM

*JV DV

* TS TR

*DT BW

*J Y-BO

* AH KA

* AI NU

*DR CE

* DC Y-KA

* FK KD

* DW JB

*DD Y-BO

* CI KE

* FI DH

*UM EU

* AJ AR

Faits prévus et réprimés par les articles 222-33-2, 222-44, 222-45, 121-2, 131 38 et 131-41 du code pénal.

* CK AK-L : pour s’être rendue complice, à PARIS, entre 2007 et mars 2008, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en sa qualité de directrice des actions territoriales d’Opérations WV au sein du groupe WV TELECOM:

- du délit de harcèlement moral reproché à WV TELECOM SA devenue ORANGE SA, à EY AN, à CJ AP et à O-HK

AO consistant en la mise en place, dans le cadre des plans NEXT et Act, d’une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène, en recourant notamment à :

* des réorganisations multiples et désordonnées ;

* des incitations répétées au départ ;

* des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles forcées ;

* la surcharge de travail, la pression des résultats ou à l’inverse l’absence de travail;

* un contrôle excessif et intrusif;

* l’attribution de missions dévalorisantes ;

* l’absence d’accompagnement et de soutien adaptés des ressources humain es;

* des formations insuffisantes voire inexistantes ;

* l’isolement des personnels;

* des manœuvres d’intimidation, voire des menaces;

* des diminutions de rémunération ;

la complicité consistant à avoir facilité sciemment la préparation et la consommation du délit, par aide et assistance, en l’espèce notamment : en organisant le suivi strict et concret des réductions d’effectifs ;

* en pratiquant un mode de management très directif encourageant la pression sur les départs;

- au préjudice notamment de :

*AE PN

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*CH IB

*FR QG

* BG PO

*FP FO

* B ID-QC

* DL JH

* BE DJ

* C IE

*D FL

*FJ JM

* AC IG

*FM SD

*F DX

* DA DQ

* AL FQ

* DB JA

* BF TP

* AF Y-FL

*AG EY

* JP JQ

* G QL

*H EY

* FS CM

*JV DV

* TS TR

*DT BW

*J Y-BO

* AH KA

* AI NU

*DR CE

* DC Y-KA

* FK KD

* DW JB

*DD Y-BO

* CI KE

* FI DH

* UM EU

*AJ AR

et ce, nonobstant l’absence de lien hiérarchique avec certains de ces salariés et quand bien même les effets des méthodes appliquées dans le cadre de cette politique d’entreprise sur les salariés visés seraient intervenus postérieurement à la cessation de ses fonctions au sein de la direction des Opérations WV

Faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 222-33-2, 222-44, 222

45 du code pénal.

* BY AS:

pour s’être rendu complice, à PARIS entre 2007 et 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en sa qualité de Directeur Territorial

Est, de Directeur des Ressources Humaines WV puis de Directeur des actions territoriales d’OPERATIONS WV au sein du groupe WV TELECOM:

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 – du délit de harcèlement moral reproché à WV TELECOM SA devenue

ORANGE SA, à EY AN, à CJ AP et à O-HK

AO consistant en la mise en place, dans le cadre des plans NEXT et Act, d’une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène, en recourant notamment à :

* des réorganisations multiples et désordonnées ;

* des incitations répétées au départ ;

* des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles forcées ;

* la surcharge de travail, la pression des résultats ou à l’inverse l’absence de travail;

se un contrôle excessif et intrusif;

* l’attribution de missions dévalorisantes ;

* l’absence d’accompagnement et de soutien adaptés des ressources humaines;

* des formations insuffisantes voire inexistantes ;

* l’isolement des personnels;

* des manœuvres d’intimidation, voire des menaces ;

* des diminutions de rémunération;

la complicité consistant à avoir facilité sciemment la préparation et la consommation du délit, par aide et assistance, en l’espèce notamment : en organisant le suivi strict et concret des réductions d’effectifs ;

*en mettant en place des outils de pression sur les départs;

*en concevant puis en généralisant la pratique des missions territoriales;

*en intervenant dans les décisions de mobilité forcée ;

- au préjudice notamment de :

*AE PN

* CH IB

*FR QG

* BG PO

*FP FO

* B ID-QC

* DL JH

*BE DJ

* C IE

*D FL

* FJ JM

*FM SD

*AC IG

* F DX

* DA DQ

* AL FQ

*DB JA

* BF TP

* AF Y-FL

* AG EY

* JP JQ

* G QL

* H EY

* FS CM

*JV DV

* TS TR

DT BW

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*J Y-BO

* AH KA

* AI NU

* DR CE

*DC Y-KA

* FK KD

*DW JB

*DD Y-BO

* CI KE

FI DH

*UM EU

*AJ AR

et ce, nonobstant l’absence de lien hiérarchique avec certains de ces salariés.

Faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 222-33-2, 222-44, 222

45 du code pénal.

* IG-JB P:

Pour s’être rendu complice, à PARIS entre 2007 et le 1er avril 2008 date de son départ en retraite, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en sa qualité de Directeur des Ressources Humaines WV au sein du groupe

WV TELECOM :

- du délit de harcèlement moral reproché à WV TELECOM SA devenue ORANGE SA, à EY AN, à CJ AP et à O-HK

AO, consistant en la mise en place, dans le cadre des plans NEXT et Act, d’une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène, en recourant notamment à :

* des réorganisations multiples et désordonnées ;

* des incitations répétées au départ ;

* des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles forcées ;

*la surcharge de travail, la pression des résultats ou à l’inverse l’absencede

travail;

* un contrôle excessif et intrusif;

* l’attribution de missions dévalorisantes;

* l’absence d’accompagnement et de soutien adaptés des ressources humaines ;

* des formations insuffisantes voire inexistantes ;

* l’isolement des personnels;

* des manœuvres d’intimidation, voire des menaces ;

* des diminutions de rémunération;

la complicité consistant à avoir facilité sciemment la préparation et la

- consommation du délit, par aide et assistance, en l’espèce notamment :

*en organisant le suivi strict et concret des réductions d 'effectifs ;

*en mettant en place des outils de pression sur les départs tels que les réorganisations laissant des salariés et des agents sans poste;

* en encourageant les procédés visant à créer une instabilité pour les agents et les salariés ;

*en intervenant dans les décisions de mobilité forcée ;

et ce, au préjudice notamment de :

*AE PN

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* CH IB

*FR QG

* BG PO

*FP FO

* B ID-QC

* DL JH

* BE DJ

* C IE

*D FL

*FJ JM

* FM SD

* AC IG

* F DX

*DA DQ

* AL FQ

* DB JA

* BF TP

* AF Y-FL

* AG EY

* JP JQ

* G QL

*H EY

*FS CM

*JV DV

* TS TR

*DT BW

*J Y-BO

*AH KA

* AI NU

*DR CE

* DC Y-KA

*FK KD

*DW JB

* DD Y-BO

* CI KE

* FI DH

*UM EU

*AJ AR

et ce, nonobstant l’absence de lien hiérarchique avec certains de ces salariés et quand bien même les effets des méthodes appliquées dans le cadre de cette politique d’entreprise sur ses salariés seraient intervenus postérieurement à la cessation de ses activités professionnelles.

Faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 222-33-2, 222-44, 222

45 du code pénal.

* GI OS-M :

Pour s’être rendue complice, à PARIS entre 2007 et 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en sa qualité de Directrice du programme Act, de Directrice du management, des compétences et de l’emploi, de Directrice du développement et des opérations Ressources Humaines, de Directrice

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des Ressources Humaines WV puis de Directrice adjointe des Ressources

Humaines Groupe au sein du groupe WV TELECOM :

- du délit de harcèlement moral reproché à WV TELECOM SA devenue

ORANGE SA, à EY AN, à CJ AP et à O-HK

AO, consistant en la mise en place, dans le cadre des plans NEXT et Act, d’une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène, en recourant notamment à :

* des réorganisations multiples et désordonnées ;

* des incitations répétées au départ;

* des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles forcées ;

* la surcharge de travail, la pression des résultats ou à l’inverse l’absence de travail; un contrôle excessif et intrusif;

* l’attribution de missions dévalorisantes ;

* l’absence d’accompagnement et de soutien adaptés des ressources humaines;

* des formations insuffisantes voire inexistantes ;

* l’isolement des personnels;

* des manœuvres d’intimidation, voire des menaces ;

* des diminutions de rémunération ;

la complicité consistant à avoir facilité sciemment la préparation et la consommation du délit, par aide et assistance, en l’espèce notamment :

* en organisant le suivi strict et concret des réductions d’effectifs ;

* en mettant en place des outils de pression sur les départs tels que les réorganisations laissant des salaries et des agents sans poste, un management par les résultats…;

*en encourageant les procédés visant à créer une instabilité pour les agents et salariés; en organisant les incitations financières relatives à l’atteinte des objectifs de réduction d’effectifs ; et ce, au préjudice notamment de :

*AE PN

* CH IB

*FR QG

* BG PO

*FP FO

* B ID-QC

* DL JH

* BE DJ

* C IE

*D FL

*FJ JM

*FM SD

* AC IG

* F DX

* DA DQ

* AL FQ

* DB JA

*BF TP

* AF Y-FL

*AG EY

* JP JQ

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* G QL

*H EY

* FS CM

*JV DV

* TS TR

* DT BW

*J Y-BO

* AH KA

*AI NU

* DR CE

* DC Y-KA

* FK KD

*DW JB

* DD Y-BO

* CI KE

*FI DH

*UM EU

*AJ AR et ce, nonobstant l’absence de lien hiérarchique avec certains de ces salariés.

Faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 222-33-2, 222-44, 222

45 du code pénal.

La société WV TELECOM SA devenue la société ORANGE SA a été citée pour l’audience du 06 décembre 2018 selon acte d’huissier de justice délivré au domicile élu le 18 octobre 2018 et l’affaire a été renvoyée contradictoirement à son encontre au 06 mai 2019 à 13h30.

A cette date, la société WV TELECOM SA devenue la société ORANGE SA est régulièrement représentée par JA EW, son Secrétaire Général, et par son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

CJ AP a été cité pour l’audience du 06 décembre 2018 selon acte d’huissier de justice délivré au domicile élu le 18 septembre 2018 et l’affaire a été renvoyée contradictoirement à son encontre au 06 mai 2019 à 13h30. CJ AP a comparu assisté de ses conseils; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

EY AN a été cité selon acte d’huissier de justice délivré au domicile élu le 21 septembre 2018 et l’affaire a été renvoyée contradictoirement à son encontre au 06 mai 2019 à 13h30.

EY AN a comparu assisté de ses conseils; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

O-HK AO a été cité selon acte d’huissier de justice délivré au domicile élu le 18 septembre 2018 et l’affaire a été renvoyée contradictoirement à son encontre au 06 mai 2019 à 13h30. O-HK AO a comparu assisté de ses conseils; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

CK AK divorcée L a été citée selon acte

d’huissier de justice délivré au domicile élu le 18 septembre 2018 et l’affaire a été renvoyée contradictoirement à son encontre au 06 mai 2019 à 13h30, CK AK épouse L a comparu assistée de ses conseils ; il

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y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

IG-JB P a été cité selon acte d’huissier de justice délivré à personne le 1er octobre 2018 et l’affaire a été renvoyée contradictoirement à son encontre au 06 mai 2019 à 13h30.

IG-JB P a mparu assisté de ses conseils ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

GI OS épouse M a été citée selon acte d’huissier de justice, délivré au domicile élu le 18 septembre 2018 et l’affaire a été renvoyée contradictoirement à son encontre au 06 mai 2019 à 13h30.

GI OS épouse M a comparu assisté de ses conseils ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

BY AS a été cité selon acte d’huissier de justice délivré au domicile élu le 18 septembre 2018 et l’affaire a été renvoyée contradictoirement à son encontre au 06 mai 2019 à 13h30.

BY AS a comparu assisté de ses conseils; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Les audiences se sont tenues du 06 mai 2019 au 11 juillet 2019, les prévenus étant présents ou représentés à chacune d’entre elles.

A l’appel de la cause, à l’audience du 06 mai 2019, la présidente a constaté la présence de JA EW représentant la société WV TELECOM SA devenue la société ORANGE SA, de CJ AP, EY AN, O

HK AO, CK AK divorcée L, IG-JB

P, GI OS épouse M et de BY AS, a rappelé l’identité des prévenus et a donné connaissance de l’acte VF a saisi le tribunal.

La présidente a fait l’appel des parties civiles, personnes physique et morales, et celles-ci ont confirmé leurs constitutions.

La présidente a appelé à la barre les témoins cités par l’ensemble des parties.

La présidente a informé les prévenus de leur droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions VF leur sont posées ou de se taire.

Maître PQ PR, conseil de la société WV TELECOM SA devenue la société ORANGE SA, a été entendue au soutien de ses conclusions d’irrecevabilité des nouvelles constitutions de partie civile.

Puis Maître Frédérique BAULIEU, conseil de O-HK AO, Maître JB

MAINSONNEUVE, conseil de BY AS, Maître Y OM, conseil de

EY AN et Maître QA QB, conseil de IG-JB

P, ont été également entendus au soutien de leurs conclusions

d’irrecevabilité.

Le ministère X a été entendu en ses réquisitions sur les irrecevabilités soulevées par la défense.

Maître JW JX et Maître Y-BO IF, conseils des 119 nouvelles parties civiles, ont été entendus en leurs plaidoiries en réponse.

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Maître Coralie GOUTAIL, conseil de Y-KD FX, a été entendue en sa plaidoirie en réponse.

Maître Lucie MONGIN-ARCHAMBEAUD, conseil de GI M, et Maître Alexis GUBLIN, conseil de CK AK, ont été entendus en leurs plaidoirie tendant au rejet des nouvelles constitutions de partie civile.

Le ministère X n’a pas formulé d’observation complémentaire.

Après en avoir délibéré, le tribunal a joint les exceptions au fond.

La présidente a rappelé la chronologie de la procédure.

Puis à l’issue des débats tenus à l’audience du 06 mai 2019, l’affaire a été renvoyée en continuation à l’audience du 07 mai 2019.

Puis tout au long des audiences suivantes, la présidente a instruit l’affaire, interrogé les prévenus sur les faits et reçu leurs déclarations. A compter de l’audience du 24 juin 2019, en application de l’article 398 alinéa 2 du code de procédure pénale,
Madame QC QD, assesseur supplémentaire, a siégé en remplacement de
Mme AA PS, empêchée.

JA EW a été entendu en ses explications dans l’intérêt de la société WV TELECOM SA devenue la société ORANGE SA.

Au cours des différentes audiences, entre le 9 mai et 1er juillet 2019, après avoir été préalablement invités par la Présidente à quitter la salle d’audience, JW

Q, Y-FO QZ, FL PD, AV AZ,

AD PA, LG PL, BY XC, OZ OY, HG OW, R-FO CO, IG PT, PW

PB PC, DV CR, HK BS, PK EG,

DV ER, R-HK N, GI UG UH XB, S

T, FL BC, AF HH, II CG,

PF EZ, FQ PM, PO N’YB-RJ, GI PU LE

U, KA PE, PJ PV, HR OX, YE YC DE

BLICQY et PW BT, témoins, ont réintégré la salle d’audience, ont prêté serment conformément à l’article 454 du code de procédure pénale, et ont été successivement entendus en leurs explications.

JB BP, HO CC, Mme HI-VO, Y-HK

M, DX F, IG AC, Y-BO J,

PX BZ, Y-XF HM, DH FI, JQ JP,

KC DC, Y-HS AI, AR AJ, DV JV, V

W,KD FK, LN LM, JT G, AA

AB, BY FV, A PY, HK HJ, Pascale

KI, HS LE GW, FL UX, parties civiles, ont été entendus en leurs explications.

A l’audience du 02 juillet 2019, Maître A CESBRON, conseil de WT

MENECHEZ, a été entendu en ses demandes et plaidoirie. Maître ID DA, conseil de JQ FK, a été entendue en ses demandes et plaidoirie.

Maître Antoine LABONNELIE, conseil de R- IB BJ

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WH, a été entendu en ses demandes et plaidoirie.

Maître FL IS, conseil de DH DB, de la FNATH et de la FNATH du DOUBS, a été entendu en ses demandes et plaidoirie,

Maître JR MENDES-MJ, conseil de V W, a été entendue en ses demandes et plaidoirie.

Maître Audrey CHARLET-DORMOY, conseil de Y-KD FX, a été entendue en ses demandes et plaidoirie. Maître Carbon DE SEZE, conseil des consorts F, a été entendu en ses demandes et plaidoirie.

Maître Yanick ALVAREZ DE SELDING, conseil du CHSCT de l’UIA de

PARIS, a été entendue en ses demandes et plaidoirie. Maître BERTHET, conseil de M. AC, a été entendue en ses demandes et plaidoirie. OF FZ, partie civile, a été entendue en ses explications et demandes.

Maître KN MAZZA, conseil de DH FI, a été entendue en ses demandes et plaidoirie.

A l’audience du 03 juillet 2019, Maître RA BOULE, conseil des consorts

G, a été entendue en ses demandes et plaidoirie. Maître CM IY, conseil du syndicat FO, a été entendu en ses demandes et plaidoirie. Maître IT IU, conseil de la CFTC, a été entendue en ses demandes et plaidoirie. Maître Agnès CITTADINI, conseil de la CGT, a été entendue en ses demandes et plaidoirie.

La présidente a donné lecture des constitutions de partie civile par conclusions de Maître CM PZ dans l’intérêt de GS GB et de Maître Y-DV VJ dans l’intérêt de Y-FO GC et par C de

HG FW, JH DL, KH FN, OH OG et AD

GA.

A l’audience du 04 juillet 2019, Maître PO BERLAN, conseil des consorts DC et de IE C, a été entendue en ses demandes et plaidoirie.

Maître Z IV, conseil de la F3C CFDT et de l’UNSA, a été entendu en ses demandes et plaidoiries.

Maître HD JC, conseil de JQ JP, JG B et de la CFE-CGC, a été entendu en ses demandes et plaidoirie.

La présidente a donné connaissance de la constitution de partie civile de Y HC FY, et des demandes par lui exposées.

Maître JW JX et Maître Y-BO IF, conseils de la Fédération Sud, de l’association ASD PRO, de l’Union syndicale Solidaires, de

Messieurs AE, D, FJ, BF, AF, AG,

JV, DT, AH, AI, AJ et de Mme K, ainsi que de

119 personnes nouvellement constituées, ont été entendus en leurs demandes et plaidoiries.

A l’audience du 05 juillet 2019, le ministère X a été entendu en ses réquisitions.

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A l’audience du 08 juillet 2019 Maître PQ PR, conseil de la société WV Télécom devenue la société ORANGE SA, a été entendue e n sa plaidoirie.

Maître Alexis GUBLIN, conseil de CK BOULANG ER, a été entendu en sa plaidoirie. Maître Maxime IA et Maître Lucie MONGIN-ARCHAMBEAUD, conseil de

GI M, ont été entendus en leurs plaidoiries.

A l’audience du 09 juillet 2019, Maître Alix DE SAINT GQ et Maître

QA QB, conseil de IG JB P, ont été entendues en leurs plaidoiries.

Maître Antoine OV et Maître JB OV, conseil de BY AS, ont été entendues en leurs plaidoiries.

A l’audience du WO juillet 2019, Maître R OJ et Maître Maxime

CLERY-MELIN, conseils de CJ AP, ont été entendus en leurs plaidoiries.

Maître OO OP et Maître Frédérique BAULIEU, conseil de HK O AO, ont été entendus en leurs plaidoiries.

A l’audience du 11 juillet 2019, Maître Y OM, Maître MD DE

WARREN et Maître II ESCLATINE, conseils de EY AN, ont été entendus en leurs plaidoiries.

Les prévenus ont eu la parole en dernier.

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Puis à l’issue des débats tenus à l’audience du ONZE JUILLET DEUX MILLE DIX

NEUF, le tribunal composé comme suit :

Présidente: Madame RA O LOYANT, vice-présidente,

Assesseurs : Monsieur FL REVEL vice-président,
Madame QC QD, juge

assistés de Madame BROUSSY CK, greffière

en présence de Madame GI QE, vice-procureur de la République, de Madame IQ IR, 1er vice procureur de la République,

a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé le 20 décembre 2019 à WO:00.

A cette date, vidant son délibéré conformément à la loi, la Présidente a donné lecture de la décision, en vertu de l’article 485 du code de procédure pénale.

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Le tribunal, après en avoir délibéré, a statué en ces termes :

INTRODUCTION GENERALE

Entre la plainte VF a fait débuter l’enquête et le premier jour du procès, se sont écoulés près de dix ans. Du début à la fin de la procédure VF saisit le tribunal, comme au cours des débats VF se sont déroulés sur 46 audiences et dans les écritures des parties, s’est posée la question centrale, cruciale, d’une éventuelle nouvelle acception de l’incrimination de harcèlement moral, en ce que, selon l’accusation, elle serait susceptible de réprimer ce que certains ont appelé, le harcèlement moral institutionnel au travail.

En réalité, l’enjeu de cette acception est double dans ce dossier, puisqu’il porte à la fois sur le périmètre du délit lui-même, soit le fond de l’incrimination, ce VF est assez classique, mais aussi, et ce VF est plus atypique, sur la procédure, en ce qu’elle serait susceptible de permettre de déclarer recevable, ou non, l’action des personnes, physiques ou morale, VF se sont constituées partie civile postérieurement à la clôture de l’instruction.

Il faut souligner que ce double enjeu découle, avant tout, des termes mêmes de la prévention. Car c’est autant l’expression « une politique d’entreprise visant à se déstabiliser les agents et à créer un climat anxiogène » que l’adverbe « notamment '> VF ont soulevé de nombreux questionnements et suscité des analyses plurielles de la part des conseils des prévenus comme de ceux des parties civiles constituées au cours de l’instruction, ou des plaignants.

Ces deux expressions, comme leur portée, sont radicalement et minutieusement contestées par les prévenus ainsi qu’exposé dans le premier TM. Et, de façon tout aussi détaillée et argumentée, les huit prévenus sollicitent leur relaxe.

La réponse à cette double injonction du sens juridique de ces deux expressions va donc nécessiter des développements divers à la fois pour décomposer l’articulation de l’incrimination mais aussi pour lui rendre sa cohérence d’ensemble.

Seul l’examen attentif des circonstances de la genèse de l’incrimination pénale de harcèlement moral en 2002, de ses liens consanguins et de ses différences avec la définition du harcèlement moral dans le code du travail, de sa construction, peut permettre d’en comprendre la portée, uniquement sa portée mais toute sa portée.

Cette approche de l’élément légal, préliminaire et fondamentale, se révèle particulièrement ardue, pour diverses raisons VF seront évoquées ci-après, et exige l’exégèse de chacun des termes de l’incrimination, sur lesquels les écritures des prévenus ont au demeurant porté.

Après la synthèse du déroulement de la procédure, sera ainsi abordée la définition des contours du délit de harcèlement moral (Partie I): cette définition sera évoquée au travers des écritures des prévenus avant d’être précisée selon le tribunal. Seul ce préalable examen de la portée de l’élément légal pourra permettre d’examiner ensuite les faits de façon rigoureuse (Partie II), puis les éventuelles implications de chacun des huit prévenus (Partie III), et enfin les conséquences sur l’action civile

(Partie VI).

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PLAN

PARTIE I- L’ELEMENT LEGAL

DU DÉLIT DE HARCÈLEMENT MORAL

Introduction (page 59)

CHAP. I. – LES CONTOURS DU DELIT

[…]

I- Les exigences tenant aux agissements

II- L’élément moral

III- L’identification de la victime

IV- L’exercice du pouvoir de direction

CHAP. II. – LES CONTOURS DE L’INCRIMINATION

SELON LE TRIBUNAL (page 67) Au préalable, deux rappels :

1- Un délit conforme à la Constitution et à la Convention européenne

2- Les règles applicables en matière d’interprétation de la loi pénale

I- Une condition préalable et sa portée : la relation de travail

1- Une application évidente dans un cadre interpersonnel 1-1. La relation de travail comme fondement

1-2. La notion de travail et son évolution

1-3. Harcèlement moral et risques psycho-sociaux

2- Une possible application avec prise en compte de la collectivité

2-1. « Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés » 2-2. Différence entre harcèlement moral au travail et discrimination

2-3. Harcèlement moral et intérêt collectif

II- La nécessaire distinction entre incrimination pénale et définition sociale

1- Rappel historique des deux textes

2- Le régime probatoire spécifique du harcèlement moral en droit du travail : rticle L. 1154-1 (L. 122-52 ancien) du code du travail

2-1. L’origine du régime probatoire spécifique

2-2. La teneur de ce régime probatoire spécifique

3- Les spécificités de l’incrimination pénale du harcèlement moral 3-1. Une infraction d’habitude et ses conséquences sur la prescription

3-1-1. Une infraction d’habitude

3-1-2. Les conséquences de cette caractéristique d’habitude sur la prescription 3-1-2-1. Prescription et faits antérieurs à la période de prévention : l’éclairage récent de l’arrêt de la chambre criminelle du 19 juin 2019 et l’étendue de la saisine du tribunal

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3-1-2-2. Prescription et faits connexes pour les autres victimes : une jurisprudence constante

3-2. Une infraction hybride « pour objet ou pour effet »>

3-3. Un régime probatoire de droit commun

3-4. Harcèlement moral et responsabilité pénale des personnes morales

III- Les éléments constitutifs du délit de harcèlement moral

1- Les trois éléments matériels

1-1. Les agissements

1-1-1. Des agissements répétés 1-1-2. Des agissements harcelants

1-2. La dégradation des conditions de travail

1-2-1. Les conditions de travail

1-2-2. La dégradation et son appréciation

1-2-2-1. Une dégradation réelle et potentielle

1-2-2-2. L’appréciation de la dégradation 1-3. Le préjudice causé au salarié

1-3-1. L’atteinte aux droits et à la dignité

1-3-2. L’atteinte à la santé

1-3-3. La compromission de l’avenir professionnel

2- L’élément moral: « l’intention harcelante »

2-1. Définition

2-2. Preuve de l’intention

IV- L’émergence du harcèlement managérial ou institutionnel

1- Une préoccupation antérieure à la loi de 2002

2-L’état de la jurisprudence sociale et pénale

2-1. En droit du travail, consécration du harcèlement managérial depuis

l’arrêt de la chambre sociale du WO novembre 2009

2-2. En droit pénal, reconnaissance du harcèlement managérial: l’arrêt de la chambre criminelle du 21 juin 2005 (04-87.767- société de Lutherie)

3- L’abus de pouvoir

3-1. Excès dans l’exercice du pouvoir de direction dans le cadre d’un harcèlement individuel ou dans le pouvoir d’organisation managériale dans le cadre d’un harcèlement collectif

3-2. L’obligation de rechercher un éventuel abus de pouvoir (Crim., 27 mai

2015, n° 14-81.489)

4- La politique d’entreprise, cœur du harcèlement moral institutionnel

4-1. La notion d’entreprise et l’éclairage récent de la loi PACTE 4-1-1. Le but d’une société et son objet social

4-1-2. La notion d’intérêt social introduite par la loi PACTE

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4-2. La définition de la politique d’entreprise selon les prévenus

4-3. La définition de la politique d’entreprise retenue par le tribunal

V- La place de la victime et le délit de harcèlement moral: la victime dans

l’incrimination et la victime de l’incrimination

1- La victime dans l’incrimination : la détermination de la victime au titre de

l’incrimination ou la problématique du « notamment » figurant dans la prévention une personne individuelle ou une catégorie de personnes concernées par les agissements

1-1. Une possibilité cohérente avec certains éléments déjà évoqués

1-1-1. Le cadre pénal et non social

1-1-2. Le caractère formel de l’incrimination (pour objet)

1-1-3. Une évolution jurisprudentielle favorable à la reconnaissance du harcèlement moral au travail institutionnel : l’arrêt du 21 juin 2005 (société de lutherie) 1-2. Le choix du terme « autrui » par le législateur 1-3. L’indifférence de l’attitude de la victime

1-4. Le respect de la double exigence posée par l’arrêt du 20 mars 2019

(Crim., 20 mars 2019, […]

2- La victime de l’incrimination : l’identification de la victime en qualité de partie civile : une personne ayant personnellement et directement souffert du dommage causé par l’infraction

2-1. Les exigences des articles du code de procédure pénale 2-2. Une dénomination pour une utilité différente de celle du droit social

Conclusions

PARTIE II- L’EXAMEN DES FAITS

Introduction (page 113)

TM I- de 2002 à juin 2005: des singularités et évolutions anciennes, sources de fragilités (page 115)

I- Le rapport BI du 21 février 2002: de précieux éclairages 1- De 1996 à 2002 : « une réorganisation dynamique des forces de

l’entreprise » 1-1. «L’extraordinaire mutation culturelle »

1-2. L’origine de l’organisation matricielle et territoriale

1-3. Les conséquences de la réorganisation profonde : les mutations

2- Une profonde « Évolution sociale »

2-1. Les trois notables constats de l’évolution de l’emploi : la diminution du nombre des agents de la maison mère, la mise en extinction des corps de fonctionnaires et l’ampleur des redéploiements

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2-2. Des relations sociales influencées par la dualité des statuts et l’inquiétude face à des facteurs anxiogènes

II- La situation juridique et sociale des personnels en 2005

1- De 1990 à 2003 : trois étapes législatives majeures vers la

< sanctuarisation '>

2- De la mutation à la mobilité interne et externe : l’enjeu de cette substitution, outil des redéploiements

2-1. Quelques notions du statut de la fonction publique

2-2. La mobilité interne avec une acception large de la notion de résidence administrative étendue au bassin d’emploi : la clé de voûte des réorganisations 2-3. La mobilité externe : des dispositifs encouragés

2-4. L’accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compéte nces du 5 juin 2003

3- La récente mise en place des institutions représentatives du personnel

4- La souffrance au travail: une problématique déjà existante et pris en compte en 2004 chez WV Télécom

4-1. Les dénonciations de la souffrance au travail

4-2. Des intiatives pour accompagner la transformation

III- La situation économique de l’entreprise en 2005

1- Les éléments objectifs

2- L’analyse divergente sur l’état de « convalescence » financière de l’entreprise fin 2005

Conclusions

TM II- De juin 2005 à fin 2006: l’apparition d’une politique de déflation des effectifs déterminée et déterminante (page 150)

I- Du 29 juin 2005 au WP février 2006 ; l’annonce et le lancement du plan

NEXT, la nouvelle stratégie de l’entreprise accompagnée de son volet social, ACT

1- Les conceptions des deux plans et la première présentation de NExT le 29 juin 2005

2- Les premières réactions lors du comité central d’entreprise exceptionnel de juillet 2005

3- Les ambitions du programme ACT : un accompagnement de la transformation et non de la déflation

II- Un premier tournant du 14 février 2006 : l’accélération du plan NEXT

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et l’annonce soudaine d’une déflation des effectifs comme politique des ressources humaines au soutien du plan NEXT 1- Les annonces nationales du 14 février 2006 et leur confirmation dans le

Document de référence 2005

2- La justification de la prévision des 22 000 départs et sa pertinence 2-1. Les réactions du CCE du 15 février 2006

2-2. L’origine de la détermination des 22 000 départs : le nombre de départs de 2003 à 2005

2-3. Les 22 000 départs: l’illusion d’une simple trajectoire face à la réalité d’un objectif intangible

3- Les premières conséquences révélatrices de l’annonce des 22 000 départs

3-1. L’échec de la négociation sur la GPEC

3-2. Des réorganisations irradiantes au service de l’accélération du plan NExT

3-2-1. Les attributions de certains prévenus à l’issue de la réorganisation du CODIR

3-2-2. Le projet Réorganisation des Activités WV

III- Le second tournant du 20 octobre 2006, la convention de l’ACSED ou le recours à la valeur performative des discours : « l’ensauvagement des mots »

1- Les re-contextualisations faites par les prévenus

2- Les messages explicites: accélération et urgence

3- Les messages implicites: détermination et pression sur les départs

4- Les non- dits et les doubles fonds des discours

Conclusions

TM III – 2007-2008 :

L’accomplissement à marche forcée de l’objectif de déflation des effectifs

(page 190)

I- Le suivi des effectifs au service de l’objectif de déflation

1- Les explications avancées par les prévenus

2- La primauté donnée à l’objectif de déflation dans le suivi des effectifs à tous les niveaux de la chaine hiérarchique

2-1. Les lettres d’orientation de la SG Groupe

2-2. La Division OPF et la déclinaison de l’objectif de déflation par Mme

AK

2-3. La déclinaison dans d’autres divisions qu’ OPF

II- La part variable et le suivi de la transformation du groupe 1- La part variable des membres du Comité de Direction générale

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2- Les cadres Entrepreneurs et la part variable

3- Les cadres non Entrepreneurs

III- La formation des managers et l’EMF et «< Réusir ACT », au soutien de

l’objectif de déflation par la professionnalisation des méthodes de management

1- Le programme ACT et l’effort d’investissement dans la formation professionnelle

2- La formation des managers, Réussir ACT et l’Ecole Management WV

2-1. L’EMF: un passage obligé pour l’encadrement 2-2. Une formation révélatrice des enjeux : « Réussir ACT »

2-3. La synthèse 2007 des tables rondes de « Réussir ACT » : un concentré des dérives

Conclusions

TM IV – 2007-2008: L’intranquillité, une dégradation potentielle à cause de l’intensification des méthodes managériales (page 220)

I- L'intensification de certaines méthodes managériales, sources

d’intranquillité 1- Le suivi individuel: un usage détourné au profit de la provocation au mouvement

Les revues de sonnel

La performance individuelle comparée

Les < pushing mails '>

2- Les sources de mobilité contrainte : les réorganisation s et le « Time VO move »>

2-1. Les multiples réorganisations et leur cortège de mobilités 2-2. Le couperet des cadres: la pratique du « Time VO move »

3- L’instrumentalisation de la hiérarchie intermédiaire e t des services des ressources humaines 3-1. La hiérarchie intermédiaire en souffrance : entre le marteau et l’enclume

3-2. Les services des ressources humaines, moteur de la transformation

II- Les constats de l’existence d’un climat anxiogène

1- Les constats au niveau local d’une potentielle ou réelle dégradation des conditions de travail 1-1. Une souffrance au travail perçue par les médecins du travail

1-2. Les recommandations de quelques inspecteurs du travail

2- Les constats au niveau national d’une potentielle ou réelle dégradation des conditions de travail

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2-1. En juin 2007, la création de l’ Observatoire du stress et des mobilités forcées de WV Télécom 2-2. […]

Conclusions

TM V – 2009-2010:

La crise sociale, sa médiatisation et leurs conséquences (page 260)

I- Le tournant des années 2008-2009: NEXT, et après ?

1- La prise en compte des risques psychosociaux fin 2008 et 2009 : portée et limites

2- Une suite au plan NEXT?

II- La médiatisation de la crise sociale et ses conséquences 1- Le suicide de M. FL D et la médiatisation de la crise sociale

2- Des décisions stratégiques pour surmonter la crise sociale

3- Le rapport BR et le nouveau contrat social

III- La crise sociale vue en 2010 et après 1- Les explications de la crise sociale fournies par la société WV Télécom

2- Des éléments d’analyse livrés par M. II ER

Conclusions

PARTIE III : LES CULPABILITES ET LES PEINES

I- La participation au délit des trois prévenus principaux (page 278) 1- Une défense à la fois commune et singulière

1-1. les moyens communs

1-2. Les moyens tirés de la portée et des limites de leurs fonctions respectives

2- Les éléments VF prouvent la responsabilité pénale des trois prévenus principaux

2-1. Une décision partagée 2-2. Une mise en œuvre coordonnée

2-3. Un suivi vigilant pendant trois ans d’un objectif demeuré inchangé

II- La responsabilité pénale de la société ORANGE SA venant aux droits de la société WV Télécom SA

III- La participation au délit des quatre prévenus renvoyés comme

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complices

1- Les moyens de défense des quatre prévenus renvoyés pour complicité

2- Les éléments VF prouvent la responsabilité pénale des quatre prévenus de complicité

2-1. Mme GI M

2-2. Mme CK AK

2-3. M. IG-JB P

2-4. M. BY AS

IV- Les peines

PARTIE IV : L’ACTION CIVILE

Introduction (page 304)

I- Les exceptions d’irrecevabilité des constitutions de partie civile

1- La jonction au fond : impossible ou obligatoire?

2- Le respect de la saisine in rem et la nécessaire détermination de la victime

3- L’atteinte aux droits de la défense et l’interdiction de l’action de groupe

4- L’autorité de chose jugée concernant certaines constitutions

5- L’absence de préjudice personnel, actuel et certain

II- Les principes gouvernant la réparation du préjudice 1- Quelques rappels sur les caractéristiques du préjudice

1-1. Un préjudice direct

1-2. Un préjudice certain

1-3. Un préjudice personnel ou par ricochet

2- Quelques rappels sur la détermination de la réparation

3- Les spécificités du dossier 3-1. La conciliation de la potentialité d’une dégradation (agissements ayant pour objet) et de l’existence d’un préjudice

3-2. La qualité des parties et les liens entre infraction pénale et accident du travail

3-2-1. L’accident du travail et le régime spécifique de réparation des salariés ou assimilés

3-2-2. Parmi les exceptions au régime dérogatoire des accidents du travail; la faute intentionnelle, exception inapplicable au harcèlement moral 3-2-2. Le cas des fonctionnaires et la faute de service: l’inapplicabilité à

WV Télécom, société anonyme

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3-3. Les suicides et les tentatives, et le préjudice d’affection

Conclusion: synthèse des principes pour l’examen des constitutions dans le présent dossier

III- Les constitutions de partie civile des personnes physiques 1- Les désistements présumés

2- Les constitutions de partie civile rattachées à la situation des 39 victimes nommément visées dans la prévention

3- Les constitutions de partie civile des victimes non désignées nommément dans la prévention

3-1. M. HG FW

3-2. M. Y-KD FX

3-3. M. Y-HC FY

3-4. Mme OF FZ

3-5. M. AD GA

3-6. M. S GB

3-7. M. OH OG

3-8. Mme R-IB BJ-WH

3-9. M. Y-FO GC

3-WO. M. BY FV

3-11. Les autres constitutions de partie civile de personnes physiques postérieures à l’ordonnance de renvoi

IV- Les constitutions de partie civile des personnes morales

1- Les constitutions de partie civile des dix syndicats

2- Les constitutions de partie civile des autres personnes morales

2-1. L’Association d’aide aux victimes et aux organisations confrontées aux suicides et dépressions professionnels 2-2. L’association Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)

2-3. L’association Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés du Doubs 2-4. Le Comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail de l’unité

d’intervention Affaires de Paris

V- Les demandes au titre de l’exécution provisoire et de l’article 475-1 du code de procédure pénale

DISPOSITIF (page 336)

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Rappel de la procédure

Par C daté du 14 décembre 2009, le syndicat SUD PTT déposait plainte auprès du parquet de Paris contre la société anonyme WV Télécom, sise dans le

15ème arrondissement parisien, et contre trois de ses dirigeants : M. EY AN, président et directeur général du groupe, M. CJ AP, directeur des relations humaines, M. O-HK AO, directeur exécutif délégué.

Il dénonçait les «méthodes de gestion d’une extraordinaire brutalité, pour provoquer et accélérer le départ d’un grand nombre d’agents de l’entreprise ». La société WV Télécom avait fait l’objet depuis plusieurs années de plans importants de restructuration et le dernier en date, NEXT (Nouvelle Expérience des

Télécommunications) et son volet social ACT (Anticipation et Compétence pour la

Transformation), se seraient traduits par des pressions multiples et organisées VF avaient des conséquences graves en terme de santé en travail « l’augmentation considérable de la souffrance au travail se traduisant dans l’entreprise par une

« épidémie » de suicides et de tentatives de suicides explicitement liés à l’aggravation des conditions de travail ».

La plainte était accompagnée notamment d’un rappel des signalements émanant des CHSCT, des cabinet d’experts, des inspections du travail et des médecins du travail (D1).

Le 24 décembre 2009, le parquet de Paris saisissait pour avis l’inspection du travail sur les faits dénoncés et lui demandait de procéder à une enquête (D21).

Le 4 février 2010, Mme JW Q, inspectrice du travail du siège social de l’entreprise depuis 2004 et déjà saisie du sujet depuis septembre 2009, adressait au parquet un signalement en application de l’article 40 du code de procédure pénale

(D58). Elle visait les infractions de harcèlement moral, de mise en XX de la vie d’autrui et d’insuffisance des documents d’évaluation des risques.

Le signalement relatait le contexte de restructuration de WV Télécom depuis le changement de statut, l’administration ancienne étant devenue depuis la loi du 31 décembre 2003 une société anonyme, et présentait l’organisation de la société et les plans NEXT et ACT (D68 à D91). L’inspection du travail relevait de nombreuses alertes données sur plusieurs années tant par les syndicats, l’inspection du travail, les Caisses régionales d’assurance maladie, les médecins du travail et les enquêtes réalisées à la demande des différents comités d’entreprises (D209 à D252). Elle mentionnait également les conclusions du cabinet BR, cabinet chargé, en septembre 2009, d’effectuer un « Etat des lieux sur le stress et les conditions de travail à WV

Télécom », VF avait rendu en décembre 2009, un pré-rapport (D292) faisant état de 65 rapports d’expertises réalisés dont 45 tiraient la sonnette d’alarme et deux rapports dénonçaient clairement des risques de passage à l’acte.

La synthèse établie par l’inspectrice du travail relatait divers événements, tels que suicides, tentatives de suicides, dépressions et autres expressions d’un sentiment de mal être, concernant des agents de WV Télécom, travaillant dans des établissements répartis sur tout le territoire national, et concluait au caractère pathogène de la politique de réorganisation et de management mise en œuvre par la société.

Un autre rapport établi par Mme QF EI, inspectrice du travail de Paris concernant un établissement de la société WV Télécom, l’unité d’intervention

d’affaires (UIA) de Paris, était transmis simultanément à celui de Mme Q au

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Procureur de la République de Paris au titre de l’article 40 du code de procédure pénale et dénonçait des faits de harcèlement moral au titre de trois salariés (MM.

AG, AM et AL) dont la situation était reprise dans le rapport de

l’inspectrice du travail du siège (D22).

Selon l’inspection du travail, les difficultés rencontrées par les salariés sur

l’ensemble du pays dépassaient un simple cadre de « souffrance au travail » ou de risques psychosociaux. Le rapport présentait à l’appui de ses conclusions 15 situations individuelles de salariés appartenant à huit directions territoriales différentes (D94 à

D208). Quatorze d’entre elles ont été reprises dans la prévention (sauf M. AM).

Le 8 avril 2010, une information judiciaire contre X était ouverte et le réquisitoire introductif visait les qualifications de harcèlement moral et de documents

d’évaluation des risques insuffisants de 2007 à 2010 (D268).

Pendant l’été 2010, les magistrats instructeurs entendaient :
M. JB BP, représentant la fédération syndicale SUD PTT (D281),

-

en tant que partie civile dès le 20 juillet 2010;

-Mme JW Q, l’inspectrice du travail à deux reprises les 21 juillet et 22 septembre 2010 (D282; D377), et M. Y-FO QZ (D379), le directeur général de la société

BR, cabinet d’étude sur les risques professionnels liés au travail choisi par la direction de WV TÉLECOM en accord avec les organisations syndicales pour réaliser une évaluation des risques psycho-sociaux, le 26 octobre 2010.

Dès cet été-là et jusqu’en décembre 2012, ils délivraient des commissions rogatoires à des services d’enquêtes différents, de police et de gendarmerie, implantés tant à Paris qu’en régions.

Le 25 novembre 2010, deux réquisitoires supplétifs (D680, D727) étendaient l’information à des faits d’entrave au fonctionnement régulier du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions du travail, faits dont le tribunal n’est finalement pas saisi pour avoir fait l’objet de non-lieux, mais VF seront, pour partie, évoqués lors des faits de harcèlement moral dénoncés par messieurs QG FR et DH FI, pour être en lien avec la suppression du service Innovation (ITNPS) à Montrouge (déménagement à Issy-les-Mouloneaux) en 2007.

Le 1er février 2012, un réquisitoire supplétif étendait la saisine des juges d’instruction pour des faits nouveaux de harcèlement moral susceptibles de résulter des plans NEXT et ACT et d’avoir été commis depuis le 8 avril 2010 jusqu’au 1ª février 2012 (D2012).

Au printemps 2012, de très nombreuses perquisitions étaient opérées. Ainsi, le 3 avril, 38 perquisitions avaient lieu simultanément dans :

- divers locaux de la société WV Télécom : à son siège social, 6, place d’Alleray, à la Fondation Orange, au Pôle enquête rue de Madrid, à la Direction des archives et du patrimoine historique à Alfortville, au Technocentre à Issy-Les Moulineaux, notamment; les bureaux de Mesdames M et AK ont été à cette occasion perquisitionnés;

- aux domiciles des membres du comité de direction générale, notamment, ceux de messieurs AN, AO, AP, AS.

Lors de ces perquisitions, la recherche de documents et de fichiers utiles

l’enquête était menée à partir d’une liste de mot-clés et de noms propres, liste

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constituée avec les noms des principaux dirigeants, ceux de personnes signalées comme pouvant être victime, ceux des cabinets contractant avec WV Télécom ainsi que les termes significatifs de la politique de management et de ressources humaines.

Dans les jours VF suivaient, des perquisitions étaient également diligentées dans les locaux d’entreprises ayant fourni des prestations de consultants ou de formation continue (société OBIFIVE à Paris 9ème D2477-2478), et QH MANAGEMENT

SA, à Paris 16e-D2931)

Lors de la perquisition au siège de WV Télécom, 6 place d’Alleray, la conseillère informatique premium au sein de WV Télécom expliquait les principes d’archivage et de stockage des données. Chaque employé était doté d’un ordinateur portable dont les données étaient stockés sur le disque dur et sur un espace individuel sur les serveurs de l’entreprise. Lesdits serveurs étaient répartis sur tout le territoire et le stockage opéré en fonction de la place disponible. Chaque salarié disposait d’une messagerie. Il n’y avait pas de politique d’archivage des messages et leur conservation relevait de la gestion individuelle. L’archivage des espaces personnels sur les serveurs se faisait sous forme d’images des serveurs conservées un mois et remplacées par les nouvelles. Au départ d’un salarié, les données étaient effacées (D3044).

Le directeur des Archives et Patrimoine Historique chez WV Télécom expliquait lors de la perquisition, que la direction était dédiée à l’archivage (sans caractère obligatoire) des documents en provenance de WV Télécom dont la somme totale était de 7 kilomètres linéaires, recensés dans des bases de données consultables avec le logiciel WEB DOC. Après recherches, les enquêteurs constataient qu’il n’existait pas de versement de documents archivés émanant de la Direction générale depuis 1997 et pas de versement émanant des ressources humaines entre 2005 et 2009.

La vérification par WEB DOC n’apportait pas d’élément intéressant l’enquête (D3316).

Lors de la perquisition au siège, puis par réquisitions (D2400; D2965/4), les enquêteurs demandaient les dossiers individuels de salariés susceptibles d’avoir été victime de harcèlement. Un certain nombre de dossiers était transmis par mail le 5 février, et les dossiers manquants étaient ensuite récupérés en format numérique auprès de M. AF CU (directeur gouvernance RH et emploi) et AF de

MAGNIENVILLE (secrétariat général; directeur juridique ; directeur du département droit social). Ceux-ci expliquaient que les dossiers individuels n’étaient plus conservés en format papier depuis 2007. Les dossiers étaient exploités (D2586 à D2669 ; procès verbal de synthèse D2574) puis placés sous scellés. Beaucoup d’entre eux étaient incomplets et désordonnés.

Pour chaque perquisition, les documents papiers ou informatiques retrouvés par les mots-clés étaient saisis et placés sous scellés ainsi que les ordinateurs, clés USB ou disques durs nécessitant une exploitation ultérieure.

L’exploitation des scellés étaient réalisée par trois experts, M. AD QI,

PCM ASSISTANCE, expert près la cour d’appel de Nancy (D2385), M. JA VP de l’IRCGN à Rosny-sous-Bois (D2381; D2509), et Mme QJ QK, du service central de l’informatique et des traces technologiques de la Police

Technique et Scientifique à Ecully (D2389; D2511). Pour chaque scellé, il leur était demandé de procéder sur l’ensemble des supports dont l’effacé, à la recherche des mots-clés déjà évoqués. Les rapports d’expertise étaient rendus respectivement le WP décembre 2012, 24 janvier 2013 et le 25 mars 2013.

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Le 18 octobre 2012, un réquisitoire supplétif (D2330) saisissait les juges d’instruction de faits nouveaux de harcèlement moral concernant M. Y-PX

MOREAU, à Rennes pour lesquels un non-lieu a été prononcé (page 580 de l’ORTC).

Le WO juillet 2014, un réquisitoire supplétif (D3422) saisissait les juges d’instruction de faits nouveaux de harcèlement moral concernant M. AR

MARCHADOUR, mais VF ont fait l’objet d’une disjonction puis d’une ordonnance de non-lieu le 22 novembre 2016, suite à un protocole d’accord entre M.

MARCHADOUR et le société ORANGE (page 19 de l’ORTC).

Enfin, trois informations judiciaires étaient jointes au dossier initial : la première, le WO décembre 2012, ouverte des chefs d’homicide involontaire et entrave au fonctionnement du CHSCT suite au suicide de M. JA DB le WO août 2009 sur plainte avec constitution de partie civile de ses proches, déposée le

15 mars 2010 auprès du tribunal de Besançon (D2377-D789);

- la deuxième, le WO décembre 2012, ouverte des chefs d’homicide involontaire et mise en XX de la vie d’autrui suite au suicide de M. QL G le 26 avril

2011 sur plainte avec constitution de partie civile de ses proches, déposée le WP février

2012 auprès du tribunal de Bordeaux (D2376-D94); la dernière, le 14 février 2014, ouverte des chefs d’homicide involontaire et harcèlement moral suite au suicide de M. CM FS le 14 février

2010 sur plainte avec constitution de partie civile de ses proches, déposée le WP février 2012 auprès du tribunal de Bobigny (D3281-D38).

Les mises en examen de messieurs AN, AO et AP ainsi que de la société WV Télécom survenaient en juillet 2012. Les trois premiers étaient ultérieurement interrogés à treize reprises jusqu’à l’été 2014. Quant à M. Y HK FB, en qualité de représentant de la personne morale, il était interrogé à deux reprises. Leurs conseils déposaient, au fur et à mesure de l’enquête, de nombreuses notes et fournissaient de très nombreux documents, notamment celui de la société WV

Télécom.

En décembre 2014 survenait la seconde série de mises en examen, concernant messieurs P, AS, et mesdames AK et M.

Ils avaient été interrogés dans le cadre de commissions rogatoires, Mme M en novembre 2013, et les trois autres à l’automne 2014.

L’article 175 du code de procédure pénale, de fin d’information, était rendu le le 30 décembre 2014 (D3751). Mais il a fallu attendre l’issue des recours que certains mis en examen avaient déposés.

En effet, la décision de la chambre de l’instruction n’a été rendue que le 5 février

2016 sur les requêtes en nullité déposées en mars 2015 par les quatre derniers mis en examen VF contestaient la validité de leur mise en examen en décembre 2014 après avoir été entendus comme témoins en novembre 2013 et septembre 2014. Cet arrêt du

5 février 2016 a fait l’objet d’un pourvoi par les quatre mis en examen.

Et si, dans son arrêt en date du 4 octobre 2016 (D4138), la chambre criminelle de la

Cour de cassation a confirmé la chambre de l’instruction sur ce volet de la requête, elle

a, en revanche, cassé partiellement l’arrêt en reprochant à la chambre de l’instruction de ne pas avoir recherché, pour chacun des salariés en cause s’il existait à l’encontre des mis en examen (Mme AK et M. AS) des indices graves et concordants d’avoir été complices d’un harcèlement moral à l’égard de ces derniers

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même en l’absence de lien hiérarchique. Et elle a renvoyé le dossier devant la chambre de l’instruction.

En attendant que la chambre de l’instruction statue à nouveau, Madame le

Procureur a transmis son réquisitoire définitif le 22 juin 2016 (D4031) et, entre les 27 juillet et 11 août 2016, les conseils des huit mis en examen et de deux parties civiles ont déposé des observations.

La chambre de l’instruction, dans son arrêt du 23 novembre 2017 (D4149), détaillait les éléments factuels, VF, selon elle, caractérisaient l’existence d’indices graves ou concordants fondant la complicité reprochée à M. AS et à Mme

M au titre d’une contribution effective à l’efficacité du plan ACT pour

l’ensemble du groupe.

Les deux mis en examen s’étant à nouveau pourvus en cassation contre cet arrêt, il a fallu attendre la décision de la chambre criminelle, VF a rejeté ces pourvois par arrêt du 5 juin 2018 (non coté).

Huit jours plus tard, le 12 juin 2018, l’ordonnance de non lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel était rendue.

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PARTIE I- L’ELEMENT LEGAL

Introduction

Au cours de la période de prévention, l’article 222-33-2 du code pénal définissait le harcèlement moral de la façon suivante : « Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

Comme évoqué dans l’introduction générale, l’enjeu de la définition du délit de harcèlement moral au travail a surgi dès le premier jour du procès sous la forme des exceptions, soulevées par tous les prévenus, tendant à l’irrecevabilité des constitutions de parties civiles formées postérieurement à l’ordonnance de renvoi saisissant le tribunal.

Cependant, au-delà de la question procédurale liée à la recevabilité intrinsèque de ces nouvelles constitutions, la véritable question portait déjà sur la portée de la définition même du délit de harcèlement moral moral au travail posée par l’article

222-3-2 du code pénal: sanctionne t-il uniquement des agissements commis dans des relations interpersonnelles entre un harceleur et une victime, voire des victimes, clairement identifiée(s), ou peut-il également sanctionner un harcèlement moral

< institutionnel », c'est-à-dire des agissements relevant d’une politique organisationnelle, managériale ou structurelle, s’appliquant de manière indifférenciée à tous les salariés ?

Témoigne de l’enjeu de cette définition, la reprise, dans les moyens de défense au fond, de certains moyens développés à l’appui des conclusions d’irrecevabilité des nouvelles constitutions de partie civile, conclusions que tous les conseils de prévenus ont souhaité soutenir avant toute défense au fond.

Autre preuve de l’importance de la définition du délit : si la plupart des conseils des prévenus personnes physiques, à l’exception de ceux de messieurs AP et

AO, s’en sont rapportés aux écritures du conseil de la personne morale WV Télécom pour l’étude des situations individuelle des 39 victimes nommément désignées dans la prévention retenue par les magistrats instructeurs, les conseils de tous les prévenus ont développé, en revanche, une analyse des faits reprochés en regard de la définition qu’ils donnent du harcèlement moral au travail.

Cependant, dans le procès pénal, l’action civile étant subsidiaire à l’action publique, c’est d’abord au titre de la définition de l’infraction, et non de la recevabilité de l’action civile que ces moyens de défense VF fondent, pour partie, la relaxe de tous les prévenus, doivent être examinés, de façon synthétique. Cet examen sera effectué dans le premier TM tandis que le second TM sera consacré à la définition du délit de harcèlement moral retenue par le tribunal, et dont les éléments constitutifs seront dégagés à l’aune des problématiques évoquées par la défense ou posées par les termes de la prévention.

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TM I – Les contours du délit selon les conseils des prévenus

Dans leurs écritures, les conseils des prévenus ont systématiquement soulevé des moyens relatifs à l’élément matériel (I), à l’élément moral (II), à l’identification de la victime (III) et enfin au pouvoir de direction (IV). Ces moyens seront successivement présentés après les arguments portant sur la légalité du délit évoqués par les conseils de certains prévenus.

Les moyens de défense tirés de l’absence de prévisibilité du texte d’incrimination

A titre préliminaire, sur l’élément légal, les conseils de M. P considèrent que le texte d’incrimination du harcèlement moral ne répond pas à la condition de prévisibilité de la loi posée par la Cour européenne des droits de l’homme en application de l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, article selon lequel < nul ne peut être condamné pour une action ou une omission VF, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international '>. Aux motifs d’avis doctrinaux convergents pour critiquer un manque de rigueur dans le libellé de l’incrimination et du caractère inédit de la mise en cause d’une politique générale d’entreprise visée dans la prévention, dont ils déduisent le manque de prévisibilité du texte sur le harcèlement moral, ces conseils demandent au tribunal

d’écarter l’application de l’article 222-33-2 du code pénal.

Par ailleurs, du fait de la prescription de l’action publique et du principe de saisine in rem, ces mêmes conseils (page 64 des conclusions) estiment que le tribunal n’est pas saisi des faits antérieurs à 2007.

Ils soutiennent, en effet, que le premier acte d’enquête susceptible d’interrompre la prescription est le soit-transmis du procureur de la République au Directeur de la

Direction du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DTEFP) du 24 décembre 2009 (D21). Les agissements reprochés antérieurs au 25 décembre 2006, ainsi que les actes de complicité reprochés VF y sont attachés, sont donc prescrits et ne peuvent pas être poursuivis. Ils soulignent que cette prescription des faits antérieurs à 2007 est entérinée par les juges d’instruction dans leur ordonnance en ce qu’elle énonce : « IG AC dénonce des faits antérieurs à la période prévention VF sont prescrits» (ORTC, p. 384) ou encore « La prescription d’une partie des agissements commis à l’encontre de DX F » (ORTC, p. 393). En outre, ils rappellent que la Cour de cassation affirme régulièrement, au visa de l’article 388 du code de procédure pénale, que les « tribunaux correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits relevés par l’ordonnance ou la citation VF les a saisis» (Crim., 21 mars 2012, n° 11-81.343); qu’il en va spécialement ainsi lorsque l’ordonnance de renvoi enserre les faits reprochés dans des limites temporelles (v., par ex., Cass. crim., 11 avril 2012, n° 11-83.816, Bull. crim., n° 95; 18 février 2014, n° 

12-88.218; 14 octobre 2015, n° 14-84.747).

Toujours sur l’élément légal, les conseils de messieurs AO et AP et de Mme M soutiennent que l’interprétation faite par les magistrats instructeurs de la notion de harcèlement moral comme harcèlement « institutionnel '> matérialisé par une politique générale d’entreprise déstabilisant et stressant une collectivité, constituerait une violation de l’impératif de prévisibilité de la norme pénale découlant du principe de légalité, et ce à un triple titre : celui d’une interprétation exagérément extensive au détriment des prévenus, celui de la prévisibilité au regard de l’état de la jurisprudence, et celui du contexte au moment des faits. Cette exclusion d’un harcèlement moral institutionnel, tant dans l’esprit du

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législateur que dans la jurisprudence, est un HT central et commun à tous les conseils.

En effet, ils indiquent, tout en reconnaissant que le harcèlement moral institutionnel était « pourtant au cœur des débats politiques et juridiques »

(conclusions pour M. AP- page 101) qu’en 2002, les travaux parlementaires

n’ont fait état que d’une notion de harcèlement moral « direct » ; que les arrêts ultérieurs, retenant le harcèlement moral à l’aide de « méthodes de gestion » abusives ont toujours été prononcés dans des cas où il existait un rapport direct entre un auteur (ou plusieurs) « salarié(s) déterminé(s) » ; que l’accord européen, signé le 8 octobre 2004 VF propose des indicateurs pour dépister le stress au travail et un cadre pour le prévenir, ne porte pas sur le harcèlement moral et ne sera transposé que le 2 juillet 2008 et rendu obligatoire par un arrêté ministériel que le 23 avril 2009; que celui sur le harcèlement et la violence au travail signé le 26 avril 2007 ne sera transposé en droit interne que le 26 mars 2010 pour n’entrer en vigueur que le 1er août 2010, soit bien après les faits ; qu’ainsi, le corpus législatif de l’époque des faits ne permet pas de manière prévisible d’imputer aux prévenus les fais reprochés sans manquer au respect de l’article 7 de la Convention des droits de l’homme.

En outre, toujours au sujet du harcèlement moral institutionnel, ils soulignent que la chambre sociale écarte le harcèlement managérial « systémique » s’appliquant de manière indifférenciée à un groupe indéterminé de personnels pour retenir un harcèlement < managérial » individualisé (Soc. 15 juin 2017, n° 16-11.503, Soc., 22 octobre 2014, n° WP-18.862). Et ils interprètent l’arrêt rendu le 6 décembre 2017 (n° 16-10885) par la chambre sociale de la Cour de cassation comme le refus de cette dernière d’étendre l’application du concept de harcèlement moral managérial, prohibé, à des agissements répréhensibles visant non pas un salarié déterminé mais s’appliquant indifféremment à un ensemble de salariés. Il en concluent que cette limite posée par la chambre sociale s’impose, a fortiori, à la matière pénale régie, notamment, par le principe de légalité des délits et des peines et son corollaire, le principe d’interprétation stricte de la loi pénale.

Les conseils de M. AO, cette fois sous l’angle du lien de causalité, rappellent que le harcèlement moral est une infraction complexe en ce qu’il se caractérise par une pluralité d’actes de nature différente ; que l’enchaînement de causalité doit être établi; que, dès lors, plus les relations entre les protagonistes sont hiérarchiquement lointaines, plus il y a nécessairement rupture du lien de causalité

(d’autres facteurs, nombreux, entrant inexorablement en ligne de compte); que vouloir caractériser un harcèlement institutionnel vis-à-vis de salariés déterminés aboutit inéluctablement à un tel résultat, contraire au principe de légalité des délits et des peines.

Ils concluent en indiquant que la jurisprudence criminelle n’a jamais reconnu, sur le fondement de l’article 222-33-2 du code pénal, des formes de harcèlement moral

< systémique » VF ne visent pas des salariés déterminés. Et les conseils de M. AN d’ajouter : «L’élargissement du champ

d’application de l’infraction de harcèlement moral au travail tel que proposé par l’accusation est donc contraire à la ratio legis, et constituerait une violation du principe de légalité des délits et des peines. Une telle décision, rendue en 2019 pour des faits commis entre 2007 et 2010 serait du reste particulièrement choquante en terme de rétroactivité de la loi pénale plus sévère » (page 26 des conclusions).

Quant aux éléments constitutifs du délit lui-même, les analyses des conseils convergent sur la plupart, n’apportant des nuances que sur certains points.

I- Les moyens de défense tenant à l’élément matériel En premier lieu, tous les conseils des prévenus s’accordent sur certains critères

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que doivent remplir les agissements : ils doivent être précis, circonstanciés et répétés.

A ce titre, et en raison de l’imprécision des faits reprochés aux auteurs principaux, contraire aux dispositions de l’article 121-1 du code pénal, les conseils de Mme M soulignent qu’elle ne peut en être complice.

Relevant que le harcèlement moral est un délit d’habitude (Crim., 21 juin 2005,

n°04-86936, Cass. Crim.. 16 sept. 2014, n°WP-82.468 et Cass. Crim., 9 mai 2018,

n°17-83.623), ces conseils préviennent que l’examen de certaines situations individuelles ne permet pas de conclure à la présence d’actes répétés.

En outre, tous les conseils PU valoir qu’il doit s’agir d’actes volontaires et positifs, non de simples abstentions (Cass. Crim., 16 sept. 2014, n°WP-82.468).

Or, les conseils des prévenus relèvent que parmi les griefs reprochés dans les termes de la prévention figurent de simples abstentions, telles que « l'absence

d’accompagnement et de soutien adaptés des ressources humaines » ou encore « des formations insuffisantes '>.

Par ailleurs, les conseils des quatre principaux prévenus consacrent un développement particulier à la distinction entre un manquement en matière de prévention des risques psychosociaux et le délit de harcèlement moral. Car ils soulignent que le non-respect de l’obligation de prévention de ces risques n’est incriminé ni dans le code pénal, ni dans le code du travail et qu’en conséquence, les agissements visés dans le cadre de l’article 222-33-2 du code pénal ne peuvent se limiter à la méconnaissance de cette obligation. Ils rappellent que la dualité de conception du délit de harcèlement moral en matière sociale et pénale et les principes de la matière pénale excluent que la violation de l’obligation générale de sécurité, VF est présumée en matière sociale, puisse être considérée comme suffisante à démontrer le délit en matière pénale.

Au surplus, la défense objecte que la Cour de cassation, en Assemblée plénière le 5 avril 2019 (n°18-17442), a abandonné l’obligation de résultat en matière de risques psycho-sociaux VF pesait sur l’employeur pour préférer une obligation de moyens renforcée dès lors que l’employeur peut justifier, pour dégager sa responsabilité, avoir pris toutes les mesures prévues par les textes pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. En raison de cette évolution, ces conseils relèvent que le risque psychosocial ne peut, en cas de manquement, constituer en soi un élément matériel d’un agissement harcelant puisqu’il est désormais permis d’apporter la preuve de sa prise en compte.

En second lieu, ces agissements doivent avoir pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail. L’alternative posée par le texte de répression, ainsi que l’atteinte aux droits susceptible d’en découler, ont donné lieu à des analyses détaillées, et quelquefois différentes, relatives tant à la démonstration de la réalité de la dégradation, qu’à l’appréciation de ladite dégradation et au lien de causalité entre les agissements et la dégradation.

S’agissant de la démonstration de la réalité de la dégradation, les conseils des prévenus ont exposé des analyses différentes.

Ainsi, pour les conseils notamment de messieurs AN, AP et

AO, dans le premier cas (« ayant pour objet »), l’infraction est dite < formelle » au sens où elle n’exige pas de résultat pour être consommée : seuls les agissements harcelants sont réprimés, quels que soient leurs conséquences. Dans le second cas (« ayant pour effet »), l’infraction est dite « matérielle » au sens où sa caractérisation exige de constater un résultat: la dégradation des conditions de travail.

Ils poursuivent leur analyse en distinguant les deux cas de la façon suivante.

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Si la dégradation des conditions de travail est l’objet des agissements harcelants, ils soutiennent, critiquant les magistrats instructeurs VF auraient passé sous silence cette précision, que l’intention de l’auteur d’arriver à ce résultat doit alors être spécifiquement démontrée pour chacune des personnes visées.

Si la dégradation des conditions de travail n’est qu’un effet des agissements harcelants, ils indiquent que son existence doit être spécifiquement démontrée pour chaque victime.

En revanche, tous les conseils posent cette exigence d’une démonstration individuelle de la dégradation des conditions de travail à l’égard de chacune des victimes, notamment à partir de l’arrêt rendu le 1 septembre 2010 par la chambre criminelle (n°WO-80.376). Ils relèvent que, dans cette affaire, les juges du fond s’étaient fondés sur « les éléments concrets issus du vécu personnel« d’autres employés pour en déduire »des agissements répétés du prévenu ayant eu pour effet une dégradation de leurs conditions de travail VF ont porté atteinte à leur dignité et altéré leur santé physique et mentale, en particulier en ce VF concerne OR Y ».

Or, selon eux, la Cour de cassation a considéré qu’ils n’avaient pas caractérisé que

< les agissements répétés du prévenu envers la victime avait eu pour effet une dégradation des conditions de travail de celle-ci ». Les conseils de M. AP en déduisent que le juge pénal doit donc constater la dégradation spécifique des conditions de travail de la personne visée par le harcèlement.

En outre, ces conseils soutiennent qu’en tout état de cause, il convient d’établir un lien de causalité, réel ou potentiel, entre l’agissement harcelant et la dégradation, réelle ou potentielle, des conditions de travail pour la personne visée. Pour eux, ce rapport de causalité est notamment exprimé, dans le texte d’incrimination, par

l’expression « dégradation » VF décrit l’action d’endommager, d’abîmer, de détériorer progressivement une situation : la dégradation est considérée comme établie lorsque les conditions de travail de la victime sont « nettement inférieures à celles existant avant les actes dénoncés ». Et les conseils de Mme AK précisent que la mise en place d’une politique, VF n’est pas un agissement direct à l’encontre d’un salarié, ne peut constituer qu’un agissement indirect non incriminé par l’article 222-33-2 du code pénal.

Ils en déduisent, s’agissant de l’appréciation de cette dégradation, qu’elle ne saurait être caractérisée, en l’absence d’approche temporelle, sur la simple base de standards de « conditions normales de travail », dont la principale composante serait le respect du droit et des procédures en cas de conflits individuel ou collectif. A la différence des magistrats instructeurs (ORTC page 613), ils estiment qu’une dégradation concrète des conditions de travail doit être prouvée.

Au sujet de l’appréciation de la dégradation, les conseils de M. AO critiquent également l’approche «objective » retenue par les magistrats instructeurs au motif que cette approche dite «< objective » conduit « à un raisonnement in abstracto : faire une comparaison avec d’autres organisations et à partir de standards de référence telles que « le salarié moyen » (Dalloz, Monteiro). Elle exclut toute donnée temporelle et s’appuie essentiellement sur les principes et règles propres à la matière sociale (prévention des risques psychosociaux, exécution et cessation du contrat de travail, procédures en cas de conflits individuels ou collectifs, etc.)». Ils prônent donc un angle «< subjectif » : la notion de dégradation renvoie alors « à une appréciation in concreto VF implique d’apprécier les situations des salariés au cas par cas, en comparant les changements intervenus dans leurs situations antérieures et postérieures respectives. C’est bien cette approche que privilégie la jurisprudence

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pénale (Cass. crim., 21 juin 2005, n° 04-87767)». Selon eux, en effet, le choix de la méthode objective conduirait à une modification de la valeur qu’a voulu protéger le législateur (la protection de la dignité et de l’intégrité physique du salarié) en instituant le délit de harcèlement moral dans le code pénal pour y substituer la protection des droits du travailleur en cas de conflit individuel ou collectif au travail.

Et, pour eux, la lettre du texte de l’article 222-33-2 du code pénal indique d’ailleurs que l’appréciation des faits doit se faire in concreto: «Le choix du terme

« dégradation »> induit nécessairement une comparaison temporelle et la répétition des pronoms possessifs lorsque sont visées les atteintes aux droits et à la dignité de la victime, à sa santé ou à son avenir professionnel montre que les juges doivent procéder à une appréciation au cas par cas. Une approche objective mènerait, de plus, à une confusion entre deux éléments constitutifs distincts du harcèlement moral: la dégradation des conditions de travail et l’atteinte aux droits du salarié» (page 21 des conclusions).

Pour le conseil de la personne morale WV Télécom devenue ORANGE, les magistrats instructeurs ont opéré une distinction erronée dans les conditions

d’application du délit, selon que les agissements auraient « pour objet » ou « pour effet » une dégradation des conditions de travail, en supprimant l’exigence probatoire de la réalité de la dégradation des conditions de travail dans le cas des agissements ayant pour «objet». Se référant à un arrêt récent de la chambre criminelle (Cass.

Crim., 27 mars 2019, n°18-82-178), il est soutenu qu’il doit être démontré que les actes reprochés ont, de manière réelle ou possible, dégradé les conditions de travail, la dégradation des conditions de travail devant être établie dans les deux cas, l’adjectif

« susceptible » VF se rapporte à la dégradation, ne concernant que l’atteinte (page 24 des conclusions). Ainsi, la conception du harcèlement moral VF voudrait en faire une infraction dite de prévention doit être exclue : bien que le résultat sur la santé, les droits ou la carrière du salarié ne soit pas toujours nécessaire, encore faut-il qu’il soit possible.

Les actes de harcèlement doivent donc emporter une double conséquence : une dégradation des conditions de travail mais aussi une atteinte, confirmée ou potentielle, à la santé, aux droits ou à la carrière du salarié.

Enfin, les conseils des prévenus, contrairement à l’analyse des magistrats instructeurs (ORTC page 583), soutiennent que doit être démontrée l’existence d’un lien de causalité entre les agissements ayant pour effet une dégradation des conditions de travail et l’état de la victime, citant des jurisprudences de la chambre sociale et une de la chambre criminelle (Crim., 9 oct. 2007, n° 07-81.229). Ainsi, qu’il s’agisse d’agissements ayant pour objet ou pour effet la dégradation des conditions de travail, ils PU valoir que la dégradation doit être caractérisée de manière objective, causale et concrète, à l’égard de chacun des plaignants, et non de manière générale.

II- Les moyens de défense portant sur l’élément moral Au sujet de l’élément moral, les magistrats instructeurs ont écrit : « L’élément moral du délit ne comporte pas de spécificité : aucune intention de nuire ou d’humilier n’est requise. La Chambre criminelle a eu l’occasion de préciser (pourvoi

n°14-86700 du 30 mars 2016) que la loi n’exige pas la preuve de l’intention de nuire, et la répétition, élément constitutif du délit, suffit à caractériser le harcèlement nécessairement intentionnel et VF excède manifestement l’exercice du pouvoir de direction d’un supérieur hiérarchique vis-à-vis d’un subalterne »>.

Et ils ajoutent: «Il n’est pas nécessaire que les agissements répétés aient eu

« initialement » pour objet ou pour effet d’attenter à la dignité et à la santé de la

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victime. Il suffit qu’ils aboutissent à cet objet ou à cet effet » (ORTC p. 599).

Or, pour les conseils des prévenus, cette approche se heurte au principe de

l’intention imposé par l’article 121-3, alinéa 1, du code pénal, et le délit de harcèlement moral demeure un délit intentionnel (Cass. Crim., 15 mars 2011, n° 09-88627), même en cas d’actes ayant pour « objet » une dégradation des conditions de travail. Doivent donc être établis, pour chacune des situations individuelles, le lien de causalité entre les actes reprochés et la dégradation ainsi que l’intention des prévenus.

Les conseils de M. AO soutiennent même qu’il convient de distinguer deux hypothèses : celle des agissements répétés ayant pour effet, VF exige la preuve d’un dol général c’est-à-dire d’établir que l’agent a eu la conscience qu’il s’agit d’une infraction et la volonté de commettre les faits, à savoir de porter atteinte à l’intégrité ou à la santé de la victime (Crim., 24 mai 2011, n° WO-87100), et celle où lesdits agissements ont eu pour objet une dégradation, VF requiert alors la démonstration d’un dol spécial c’est-à-dire de démontrer que les agissements étaient animés d’une intention de dégrader les conditions de travail (Crim., 11 mai 2005, n° 04-86774,

Crim., 30 janv. 2007 n° 06-83107, Crim., 12 mars 2013, n° 12-82161).

Quant aux conseils des quatre complices, ils PU valoir, outre l’absence de caractérisation de l’infraction de harcèlement moral à l’égard des principaux prévenus, que la complicité ne sera caractérisée que si un acte matériel positif a pu être imputé au complice, en vue de participer sciemment à l’acte délictueux imputé à l’auteur principal. Et il doit être établi, chez le complice, une volonté explicite de participer à la commission de l’infraction. Les conseils de Mme M soulignent, au surplus, que toute complicité est impossible puisque n’étant pas décisionnaire de la < politique

d’entreprise »>, elle a nécessairement agi postérieurement aux actes reprochés aux auteurs principaux.

III- Les moyens de défense relatifs à la nécessaire identification de la victim e Les arguments relatifs à la victime de l’infraction de harcèlement moral au travail seront plus précisément évoqués lors de l’examen des exceptions

d’irrecevabilité visant les constitutions de parties civiles formulées postérieurement à l’ordonnance de renvoi. Méritent d’être exposés, au titre de l’action publique, les moyens suivants.

Dans le prolongement de l’exigence d’actes précis, les conseils des prévenus soutiennent que le travail de démonstration d’éléments précis et circonstanciés doit se faire à l’égard de chacune des victimes, notamment dans le cadre d’une plainte collective (Cass. Crim., 17 fév. 2009, n° 08-83.927).

A l’appui de cette assertion, ils invoquent également l’arrêt rendu le 4 octobre 2016 dans le cadre de la présente procédure, dans lequel la Cour de cassation a jugé « d’une part, une personne ne peut être mise en examen du chef du délit précité qu’à

l’égard d’une ou de plusieurs personnes déterminées, d’autre part, Mme AK et M. AS avaient présenté une demande aux fins d’annulation partielle de leur mise en examen, motif pris de ce qu’aucun lien hiérarchique ne les rattachait à certains des salariés visés, la chambre de l’instruction, VF devait rechercher, pour chacun des salariés en cause, s’il existait à l’encontre des mis en examen, des indices graves ou concordants d’avoir été complices d’un harcèlement moral à l’égard de ces derniers,

n’a pas justifié sa décision » (D4138/8). Ils PU aussi référence à l’arrêt de la chambre criminelle concernant la société

Euronext, en date du 5 février 2013 (n°11-89125) pour soutenir que, si des méthodes de gestion appliquées dans une entreprise peuvent être retenues au titre du

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harcèlement, la jurisprudence continue d’exiger qu’elles se traduisent par des agissements positifs visant une ou plusieurs personne déterminées.

Dans cet esprit, les conseils affirment que l’extension souhaitée par les magistrats instructeurs vers un harcèlement institutionnel ne visant aucune victime déterminée contreviendrait directement aux principes d’interprétation stricte la règle pénale et de légalité de délits et des peines.

IV- Les moyens de défense tenant à l’exercice du pouvoir de direction

Tout d’abord, s’agissant de la nature même des agissements, les conseils de M. AP insistent sur le fait que cette absence d’énumération des agissements ne signifie pas que n’importe quel acte positif, dès lors qu’il aurait un caractère répétitif et qu’il provoquerait ou serait susceptible de provoquer les effets redoutés tomberait sous le coup de la qualification pénale » ; que « Les « agissements » VF sont visés par l’article 222-33-2 du Code pénal doivent donc, par leur répétition, revêtir ce caractère abusif, VF ne se déduit donc pas uniquement de ses effets réels ou potentiels. Pour preuve, la jurisprudence ajoute un critère central au processus de qualification du harcèlement moral au travail : le harcèlement moral ne peut être caractérisé que s’il dépasse les limites du pouvoir du supérieur hiérarchique » (page 96 des conclusions).

Les conseils des prévenus tiennent à rappeler la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation, selon laquelle l’exercice normal de son pouvoir de direction par un supérieur hiérarchique ne peut constituer un harcèlement moral (Crim., 18 janv. 2011, n° WO-83.389, Crim., 14 février 2012, n°11-84967). Car si le travail effectué par le salarié est celui prévu par le contrat, il s’effectue cependant selon les méthodes, les directives et les indications de l’employeur.

Et évoquant quelques arrêts de la chambre sociale mais aussi criminelle de la Cour de cassation (Crim., 30 janv. 2007, n° 06-83.107; Crim., 14 févr. 2012, n° 11-81.775 ;

Crim., 2 septembre 2014, n° WP-81.626), la défense donne des exemples de ce

« pouvoir unilatéral d’adaptation des conditions d’accomplissement de la tâche de travail ou du contenu même de cette tâche » dont dispose l’employeur, et dont l’exercice ne peut lui valoir de grief.

Ils précisent que le harcèlement moral ne doit en effet pas être confondu avec les exigences, parfois stressantes ou déstabilisantes, du travail du subordonné. Comme le relève la chambre sociale de la Cour de cassation, l’employeur doit pouvoir exercer légitimement son pouvoir hiérarchique (Cass. soc. 14 octobre 2009, n° 08-41.091) et prendre les mesures, mêmes difficiles, répondant aux exigences du service et à un souci de bonne gestion (Cass. soc. 19 janvier 2008, n° 08-44.60). Il est en effet « constant que des faits de harcèlement moral ne peuvent être confondus avec l’exercice, fut-il autoritaire, du pouvoir général d’organisation du chef d’entreprise

[…]; qu’en effet toute activité professionnelle peut être à l’origine de contraintes, de difficultés relationnelles ou de stress sans que les problèmes de santé VF en découlent soient ipso facto rattachés à des situations de harcèlement moral» (CA Chambéry, 18 mars 2008, n° 07/1338).

Et les conseils de M. AN de préciser que « s’agissant d’un dirigeant

d’entreprise, il est indispensable de prouver la conscience par l’auteur des faits poursuivis de ne pas seulement poursuivre l’intérêt légitime de l’entreprise mais de nuire à certains salariés».

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TM II- LES CONTOURS DE L’INCRIMINATION

SELON LE TRIBUNAL

Ce TM a pour objet de mieux cerner la teneur et les contours juridiques de

l’incrimination pénale de harcèlement moral (I et II), et de poser la définition et les limites des éléments constitutifs de ce délit (III).

Compte tenu des termes de la prévention saisissant le tribunal, deux points méritent des développements spécifiques : la notion de harcèlement moral institutionnel avec la problématique de la politique d’entreprise, d’une part (IV), d’autre part, la place de la victime et ses liens, doubles, avec le délit de harcèlement moral (V).

Comme l’écrivent les conseils de M. AP dans leurs conclusions (page

108), en application de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, la question fondamentale est la suivante : au moment des faits, l’article 222-33-2 du code pénal, tel que lu à la lumière de la jurisprudence de l’époque, trouvait-il à

s’appliquer à un harcèlement moral < institutionnel » prenant la forme d’une politique générale d’entreprise stressante et déstabilisante s’appliquant indistinctement à plus d’une centaine de milliers de salariés ? Une telle interprétation de l’article 222-33-2 du code pénal était-elle raisonnablement prévisible, même avec l’aide d’un juriste, pour les prévenus au moment où ils commettaient les faits poursuivis ?

Pour répondre négativement à cette question, et comme évoqué dans le premier TM, les conseils des prévenus ont exposé un certain nombre d’arguments.

Pour mémoire, si les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires de conclusions dont ils sont saisis (Crim., 9 mai 1994, n°9 4-81.196), ils ne sont pas tenus de suivre les prévenus dans le détail de leur argumentation (Crim., 25 avr. 2017, n° 16 81 793). Et un moyen péremptoire est « celui VF est de nature à influer sur la solution du litige, c’est-à-dire, en matière pénale, celui VF est de nature à faire disparaître l’infraction » (Rapport Crim. 27 mars 2019 n° 18-82-178).

En préambule, deux rappels : 1-Un délit conforme à la Constitution et à la Convention européenne

Certains conseils des prévenus, dans leurs écritures, ont soutenu que le délit de harcèlement moral ne pouvait être appliqué par le tribunal. Cet argument, VF n’a pas été qualifié d’exception, au sens des articles 384 à 386 du code de procédure pénale, semble être un moyen de défense VF dénie à la juridiction le droit de condamner.

Certes, dans son avis rendu X en avril 2001 et versé aux débats par le syndicat SUD PTT le 11 juin 2019, le Conseil économique et social a insisté sur la nécessité d’éviter deux écueils dans le choix de la définition juridique du harcèlement :

d’une part, celui d’une définition trop large VF pourrait, selon lui, entraîner des difficultés d’interprétation, nécessitant le recours à la jurisprudence, d’autre part celui d’une définition trop restrictive VF ne permettrait pas de rendre compte de l’ensemble des situations vécues (page 43 de l’avis).

De même, une partie de la doctrine a critiqué la clarté ou l’intelligibilité de l’énoncé légal en stigmatisant des termes trop flous, un contenu trop indéterminé et un agencement des termes abscons.

Cependant, la disposition contestée a été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2001-455 DC rendue le 12 janvier

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2002 par le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation l’a déclarée respectueuse des dispositions de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme (Crim.

25 oct. 2011, pourvoi n° WO-87.181).

Et si le législateur a été obligé de modifier, par la loi du 6 août 2012, les termes de l’incrimination du harcèlement sexuel suite à une décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012 (n° 2012-240 QPC) sanctionnant l’évolution d’une définition devenue trop elliptique, la définition du harcèlement moral, telle que donnée par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, a résisté, quant à elle, aux nombreuses questions prioritaires de constitutionnalité, comme l’illustre un arrêt de la chambre criminelle VF refuse de soumettre une question estimant que la définition du harcèlement répond au critère de précision requis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme imposant le principe de clarté de rédaction des incriminations (Crim. 24 juin 2015, pourvoi n° 14-83.505).

2-Les règles applicables en matière d’interprétation stricte de la loi pénale

Les conseils de la plupart des prévenus ont fait valoir que le principe de légalité des délits et des peines et son corollaire, le principe d’interprétation stricte de la loi pénale, interdisent au tribunal correctionnel d’interpréter l’actuelle incrimination en tant que harcèlement moral institutionnel s’appliquant indifféremment à un ensemble de salariés.

Il convient de rappeler que l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 énonce que la loi, au sens formel du terme (texte voté par le Parlement ou approuvé par référendum, promulgué par le Président de la République et régulièrement publié au Journal officiel), «fixe les règles concernant […] la détermination des crimes et délits ainsi que les peines VF leur sont applicables ». Est ainsi consacré, dans le droit positif français, le principe de légalité des délits et des peines résumé de longue date par l’adage latin nullum crimen, nulla poena sine lege (pas d’infraction ni sanction sans loi). Le code pénal reprend fidèlement cette règle lorsqu’il énonce, d’une part en son article 111-2, que « la loi détermine les crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs », d’autre part en son article 111-3, que « nul ne peut être puni pour un crime ou un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi […]», ni d’une peine qu’elle ne prévoit pas.

La loi étant l’unique mode de détermination formelle des délits et des peines, il en résulte qu’elle ne peut être étendue au-delà des limites que lui a tracées le législateur, d’où l’exigence d’une interprétation stricte de la loi pénale posée par

l’article 111-4 du code pénal. Serviteur de la loi, le juge pénal se doit de respecter l’étendue des textes répressifs. Il ne saurait, sans excéder ses pouvoirs, étendre (Ass. plén. 29 juin 2001, n°99-85.973: Bull. Ass. Plén. n°8) ou restreindre (Crim., 20 oct.

1986, n°85-90.934: Bull. crim 1986 n°294) le champ d’application des incriminations sous couvert d’interprétation de la loi. Ce principe d’interprétation stricte de la loi pénale est constant et unanimement affirmé (Crim., 4 févr. 1898: S.1899, 1, 249 ;

Crim., 9 août 1913: DP, 1917, 1, 69; Ass. Plén., 22 janv. 1982, n°79-94.914 : Bull. crim. N°25; Cons. const., 16 juil. 1996, n°96-377 DC: JORF 23 juil. p.11108; CEDH, 25 mai 1993, […], Kokkianis c. Grèce, § 52). L’article 111-4 du code pénal ne dispose pas que doive systématiquement prévaloir une lecture restrictive de la loi pénale dans son sens le plus étroit. Il exclut seulement l’extension d’une incrimination à des situations que la loi n’a pas visées mais VF présentent des similitudes avec celles qu’elle englobe. En effet, il n’appartient pas aux juridictions pénales de se prononcer par induction, extension, présomption ou analogie, ni par des motifs d’intérêt général (Crim. 9 août 1913: DP

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1917, 1, 69; Crim., 16 oct. 1957: Bull. crim. 637 ; Crim., 7 mai 1969, n°67-93.750 :

Bull. crim. n°158; Crim., 30 nov. 1992, n°91-86.453 et autres) et de combler, par de telles méthodes, les lacunes ou imprécisions de textes répressifs. Pourtant, le juge pénal ne peut accorder à un prévenu le bénéfice du doute et le relaxer au motif que la loi visée par la prévention est obscure ou que son interprétation est incertaine, sans méconnaître ses obligations et violer l’article 4 du code civil

(Crim., WO nov. 1959: Bull. crim. N° 476; Crim., 12 mars 1984, n° 83-91.461: Bull.

Crim. N° 102; DN1985, n° 1, note F Warembourg-Auque).

En conclusion, le juge est conduit à devoir interpréter la loi pénale, pour en confronter la définition, par nature générale et impersonnelle, aux circonstances particulières de l’espèce dont il est saisi, notamment lorsque se pose la question de la portée du texte. Il peut, en pareilles situations, rechercher la

« préoccupation essentielle de la loi » (Crim., 18 oct. 1951: S. 1952,1,109; RSC

1952, 598). Cette démarche d’interprétation dite téléologique consiste à prendre en considération la volonté du législateur pour faire produire à la loi pénale son plein effet, en prenant en compte les raisons VF ont présidé à son adoption et les objectifs poursuivis par le législateur. Pour ce faire, le juge tient compte de l’environnement du exte, à savoir

l’exposé des motifs où l’initiateur du texte est censé en avoir donné les raisons, les travaux préparatoires (rapports des commissions et débats parlementaires), mais aussi de l’évolution sociale et des données rationnelles tirées notamment de la combinaison de plusieurs textes (Crim., 22 mars 1974: Bull. crim. N° 196). Ce n’est que lorsque le texte comportant une sanction pénale est dépourvu de toute ambiguïté qu’il n’appartient pas aux juges du fond d’en rechercher le champ d’application, au besoin par la consultation des travaux parlementaires (Crim. WO déc. 1985, n° 85-90.814: Bull. crim. N° 396).

La règle de l’interprétation stricte de la loi pénale n’interdit évidemment pas au législateur lui-même d’en préciser la signification exacte, notamment s’il considère que la lettre du texte peut prêter à confusion.

S’agissant spécialement du délit de harcèlement moral au travail, le texte a connu une évolution à droit constant, avec la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, VF a intégré la jurisprudence antérieure, en substituant l’expression «propos ou comportements » à celle d’ « agissements », initialement retenue pour qualifier le fait matérialisant le délit de l’article 222-33-2 du code pénal. Les travaux parlementaires indiquent que cette modification visait à harmoniser les délits de harcèlement moral au travail et de harcèlement psychologique au sein du couple avec la nouvelle définition du harcèlement sexuel issue de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012.

Ainsi, dans le présent dossier, afin de saisir toute la portée mais rien que la portée de l’incrimination de harcèlement moral au travail, le tribunal prendra en compte les circonstances de la genèse de ce texte comme les évolutions jurisprudentielles jusqu’aux plus récentes en ce qu’elles en ont affiné la définition.

Une place particulière sera accordée à l’avis adopté lors de sa séance du 11 avril 2001 par le Conseil économique et social, versé aux débats, et dont le rapporteur,
M. FL BC, a été entendu par le tribunal le 28 mai 2019. En effet, le

Conseil économique et social avait été saisi par le Premier ministre à la suite d’un premier débat à l’Assemblée nationale sur le harcèlement moral. Source

d’inspirations pour les débats postérieurs ayant conduit à l’adoption de la loi du 17 janvier 2002 VF a doublement incriminé le harcèlement moral au travail, ce rapport permet aussi de connaître l’état des réflexions avant cette loi.

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Enfin, il convient de rappeler que la Cour européenne des droits de l’homme

n’a pas érigé le principe de la sécurité juridique en règle absolue, ainsi qu’il ressort de

l’extrait suivant d’un arrêt récent concernant la WV (Affaire Allègre c. WV 12 juillet 2018): « Par ailleurs, les exigences de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas un droit acquis à une jurisprudence constante. Ainsi, une évolution de la jurisprudence n’est pas, en elle même, contraire à la bonne administration de la justice, dès lors que l’absence d’une approche dynamique et évolutive risquerait de faire obstacle à toute réforme ou amélioration ».

I- Une condition préalable à l’incrimination : l’existence d’une relation de travail Cette condition du cadre professionnel est évidente, pour ressortir du texte de l’incrimination lui-même VF se réfère aux « les conditions de travail »>, et en fin du texte, à la dernière conséquence, éventuelle, de la dégradation de celles-ci, à savoir la compromission de « l’avenir professionnel »>.

Ce cadre, évident quoiqu’implicite, est fondamental : il conditionne l’approche à privilégier.

Il convient donc de s’attarder sur les particularités de ce cadre (sociales, personnelles, etc.) VF, tout à la fois, restreint le champ d’application et infuse toute l’incrimination. Le cadre de travail peut ainsi concerner les relations professionnelles, mais doit aussi être entendu comme l’organisation du travail, ses contenus et ses conditions. Ce cadre de travail concerne autant une collectivité qu’un individu. Dans les deux cas, le harcèlement moral porte sur ce VF, dans le travail, peut être utilisé pour atteindre psychologiquement les personnes.

En effet, le Conseil économique et social voulait « dire avec force que dans un État de droit tel que le nôtre, de tels agissements atteignant la dignité et l’intégrité des personnes, même s’ils se fondent sur le fallacieux prétexte des contraintes économiques ou de la bonne gestion du service, même s’ils surviennent dans le champ clos des relations de travail, ne sauraient être tolérés. Les responsabilités, qu’elles soient personnelles ou inhérentes à la stratégie de l’entreprise, du service ou de l’association, doivent être recherchées et faire l’objet de sanctions adaptées. » (page 9)

Et, selon lui, l’expression de harcèlement moral «nécessite un effort de définition puisque le concept de harcèlement moral insiste sur la dimension interpersonnelle non spécifique abordée principalement dans la sphère privée. Appliquer ce concept à la situation de travail lui donne nécessairement une autre dimension. Il dépasse alors l’inter-individuel pour questionner le collectif de travail, ses liens avec la hiérarchie et le rôle de celle-ci (les valeurs managériales qu’elle porte) dans la genèse de ce processus » (page 14).

1- Une application évidente dans un cadre interpersonnel

1-1. La relation de travail comme fondement aux contenus et aux conditions du travail

Avant la loi de modernisation sociale de 2002, seul le harcèlement sexuel donnait lieu à incrimination spécifique dans le code pénal, et ce depuis une loi du 22 juillet 1992. Puis la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 a incriminé ses conséquences dans le code du travail.

Suite à l’introduction en droit interne de la Charte sociale européenne, le législateur ayant été incité à adopter des mesures supplémentaires, le harcèlement moral au travail a connu la même démarche avec la loi de modernisation sociale de

2002. L’incrimination pénale, issue de l’article 170 de la loi du 17 janvier 2002 de

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modernisation sociale, a été introduite dans le code pénal en créant une section 3bis intitulée « Du harcèlement moral ». Cette section est logiquement située dans le TM intitulé «< Des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne », dans le titre II < Des atteintes à la personne humaine ». Cela doit être entendu de façon générique par opposition au livre III relatif aux atteintes aux biens.

Par ailleurs, cette loi a introduit, avec quelques aménagements (sur le régime

d’administration de la preuve notamment), le nouveau dispositif de lutte contre le harcèlement moral dans le statut général des fonctionnaires (L. n° 83-634 du WP juillet

1983, art. 6 quinquiès).

Ainsi, le socle de la relation de travail est exigé en droit du travail comme en

droit pénal.

Dans le code du travail, la victime est exclusivement un salarié.

Dans le code pénal en revanche, la victime s’entend de toute personne en relation de travail, quel que soit son statut d’emploi, comme l’a encore jugé récemment la chambre criminelle de la Cour de cassation : « Justifie sa décision la chambre de

l’instruction VF, pour dire n’y avoir lieu à suivre du chef de harcèlement moral au travail, régi par l’article 222-33-2 du code pénal, relève que la partie civile exerçait son activité de manière indépendante par rapport au mis en cause et qu’ ainsi les faits allégués ne s’inscrivaient pas dans une relation de travail entre eux. » (Crim., WP déc. 2016, n° 16-81.253, Bull. crim. 2016, n° 334).

1-2. La notion de travail et son évolution

L’étymologie du verbe travailler, du latin tripaliare c’est-à-dire torturer sur un tripalium, instrument composé de trois pieux, atteste de la conception initiale du travail, univers contraignant dans lequel les atteintes à la dignité apparaissaient comme la conséquence du lien de subordination.

L’évolution des mentalités a conduit le législateur à reconnaître ces atteintes et à en protéger le salarié, notamment de comportements anormaux poursuivant d’autres buts que la bonne exécution du travail.

Ainsi, dans la partie de son avis consacrée à l’évolution du travail, le Conseil économique et social explique qu’ « une des principales orientations des années quatre-vingt est l’accent mis dans les entreprises sur l’importance du facteur humain: le salarié constitue une ressource humaine essentielle dont les compétences et les potentialités doivent être développées et utilisées, et les intelligences mobilisées au profit de l’entreprise et de la société ainsi que de son propre développement.

Cette nouvelle approche met l’accent non plus sur des individus dotés ou réduits à une force de travail mais sur des personnes parties prenantes de l’entreprise, de ses rapports sociaux et de leur organisation. Cette profonde modification changeant fondamentalement le discours sur le travail est le fruit d’une évolution économique et sociale marquée par les transformations consécutives au premier choc pétrolier survenu après les « Trente glorieuses ». Ces transformations ont porté sur la technologie par l’irruption de l’informatique VF a entraîné un changement radical de la gestion et de la circulation de l’information, élément essentiel au fonctionnement de l’entreprise, des nouvelles relations commerciales (diffusion massive de produits en provenance d’Extrême Orient ou des pays en voie de développement), des effets de la formation sur les nouvelles générations, etc ».

Apparaît la confrontation, dans ce nouveau contexte, « des entreprises à une concurrence plus nombreuse et plus agressive, dans des situations mouvantes et désormais jamais acquises, face à des demandes et exigences nouvelles des clients (ou, pour les services publics, des usagers) et donc à des carnets de commandes

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instables rendant très difficiles toute forme de prévision.

La situation a conduit à la remise en cause du fonctionnement et de

l’organisation des entreprises pour lutter contre la bureaucratisation, le cloisonnement et la rigidité des structures internes ainsi que des processus de production et autres modes opératoires. Une nouvelle terminologie apparait de façon prégnante: l’entreprise doit être flexible et réactive (la « réactique » étant la capacité de l’entreprise à réagir aux marchés). A cette nouvelle terminologie s’ajoute un nouveau langage soulignant l’aspect offensif de la démarche VF emprunte beaucoup à l’expression militaire : la guerre économique, le combat des dirigeants, la stratégie commerciale, les unités de production (…)» (page 55). A la justification ou dimension économique du propos, s’ajoute « une dimension morale plus apaisée mais tout aussi mobilisatrice. On parle de communauté, de solidarité pour lutter contre les égoïsmes, de cohésion d’équipe pour éliminer les stratégies personnelles voire d’éthique… Bref « tout le monde est sur le même bateau »>.

Une citation empruntée à « L’entreprise du 3ème type » de JQ QM et

FQ QN définit ces nouvelles orientations résumées sous forme d’un credo des entreprises performantes : «Il faut mobiliser, chaque jour, les femmes et les hommes de l’entreprise, leur intelligence, leur imagination, leur cœur, leur esprit critique, leur goût du jeu, du rêve, de la qualité, leur talent de création, de communication, d’observation, bref leur richesse et leur diversité; cette mobilisation peut seule permettre la victoire dans un combat industriel, dorénavant, de plus en plus âpre »(…) « La nouvelle stratégie managériale des ressources humaines réhabilitant

l’entreprise et valorisant les hommes et les femmes VF y travaillent se veut une rupture totale avec le taylorisme que les auteurs précités ont salué d’un « Good bye, mister Taylor!» (page 56).

Le Conseil économique et social poursuit son analyse en indiquant une évolution négative de la situation dans la période 1985-1992 durant laquelle les conditions de travail sont ressenties comme plus difficiles: « dans une logique plus concurrentielle mettant l’accent sur l’exportation et ayant recours à la pratique du flux tendu, le marché du travail devient plus sélectif (développement du travail temporaire, des contrats à durée déterminée, travail à temps partiel, intermittence), les horaires de travail sont assouplis et les pressions suite à la modification des cadences apparaissent comme des contraintes plus fortes qu’avant.

Dans le même temps, les salariés disent se voir reconnaître une autonomie et une capacité d’initiative plus importantes. Ils soulignent que les nouveaux moyens utilisés (machines, informatique) favorisent une dépendance du rythme de travail par rapport au travail des collègues ce VF semble indiquer selon les spécialistes qu’un nouveau modèle d’organisation se met en place, favorisant les échanges horizontaux, le partage de l’information dans une conception hiérarchique rénovée, ce VF contrecarre le maintien du système taylorien. On observe également, et AV

AZ insiste sur ce HT, la mise à mal de la solidarité professionnelle entre les salariés VF constituait un contrepoids décisif aux tentatives de harcèlement moral contre les individus.

Les nouvelles tâches liées le plus souvent aux modifications des outils technologiques nécessitent une XW plus soutenue, une vigilance accrue… faisant apparaître une progression de la charge mentale. De plus, la fixation d’objectifs, la responsabilisation, l’évaluation individuelle constituent des éléments a priori de motivation pouvant devenir potentiellement sources de déstabilisation en raison des conséquences possibles: incidences sur le salaire, licenciements… Les perturbations que peuvent alors subir les salariés se manifestent, par exemple, par de la nervosité, de l’anxiété voire de la peur, c’est-à-dire par des signes VF auront des répercussions

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sur l’attitude au travail. Certes, le VQ AZ a mis en évidence l’ambiguïté

d’une situation où certains éléments peuvent constituer, à la fois, un facteur de pénibilité et de qualification en fonction de l’environnement, du contexte psychosocial. Il ressort aussi de ces enquêtes que les licenciements, plans sociaux et autres restructurations ont porté atteinte au moral des salariés dont l’adhésion aux valeurs de l’entreprise semble reculer ce VF contribue également à l’existence ou la propagation d’un mal-être » (page 58).

Avec la consécration de la notion de harcèlement, le salarié est désormais reconnu comme une personne humaine à part entière, appréhendée dans sa globalité (un corps et un mental) et en interaction avec son environnement de travail. Et l’approche de la protection de la dignité à la protection de la santé physique mais aussi mentale a évolué.

A l’audience, divers témoins ont évoqué l’investissement psychique au travail, la place centrale qu’occupe le travail dans l’équilibre psychique. Ainsi, le WO mai, le médecin psychiatre AV AZ a exposé en quoi le travail est un opérateur de construction de la santé mentale, a expliqué qu’il n’y avait pas de travail sans souffrance en soulignant les effets dévastateurs de la souffrance éthique ». Il a évoqué l’importance de la qualité de l’organisation du travail ainsi que les limites des évaluations de performance et de la standardisation des modes opératoires : « le suicide au travail est le haut de l’iceberg. C’est un indicateur de la destruction du monde social » (WO/05/2019, notes d’audience page 38 à 45).

Ce sont bien ces deux volets, individuel et organisationnel, et donc collectif, du harcèlement moral au travail que le Conseil économique et social voulait évoquer en alertant sur une éventuelle dérive : « Au travers de cette préoccupation nouvelle et de l’ampleur qu’elle a prise dans les médias (risquant de faire passer au second plan d’autres aspects du travail aussi problématiques), il faut éviter que toute la réalité du travail ne soit perçue qu’à travers ce prisme réducteur des relations interpersonnelles. Il faut éviter ainsi la psychiatrisation excessive des relations de travail renvoyant leur lecture et leur compréhension à une éventuelle pathologie des acteurs ce VF ne tient pas compte de l’aspect collectif indissociable de la réalité du travail » (page 43).

Cette approche indifférenciée du caractère personnel et collectif de la relation de travail était déjà au cœur des préoccupations du législateur.

1-3. Harcèlement moral et risques psycho-sociaux

Aux termes de l’ordonnance de renvoi, il est retenu la < prise en compte tardive et inadaptée des risques psycho-sociaux malgré les alertes multiples » (ORTC, page

268).

Dans leurs écritures, comme à l’audience, les prévenus ont mis en avant et en lumière, de façon très détaillée, la prise en compte du stress dès 2000 par une commission ad hoc du CHNSCT, puis toutes les initiatives (brochures, colloques, fiches, formations, etc.) décidées au fil des années suivantes par la Société WV

Télécom sur ce sujet, ainsi que la prévention des risques psycho-sociaux (ci-après RPS) mise en oeuvre, à titre primaire, secondaire et tertiaire un peu plus tard, notamment avec les Cellules d’Ecoute devenues les Espaces Écoute au printemps 2007, le plan présenté au CCUES (commité central de l’unité économique et sociale) le 18 novembre 2008 (D259).

A l’audience, des témoins, M. S T psychologue (NA

28/5/2019 page 48) et le Docteur PO RI RJ, médecin coordonnateur

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de la médecine du travail chez WV Télécom d’octobre 2006 à fin 2009, ont indiqué qu’à l’époque des faits les risques psycho-sociaux « étaient un concept nouveau » ; « il y a dix ans, personne ne savait qu’il fallait faire XW à ça » (NA 18/6/2019, page 39).

Le code du travail pose effectivement le principe d’une obligation générale de sécurité que doit respecter l’employeur. Et, notamment, l’article L. 230-2 devenu L.

4121-2 du code du travail dispose : « l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux suivants […]:

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique,

l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels que définis aux articles DM1152-1 et DM1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis par l’article DM1142-2-1; […]».

Cependant, l’expression de « risques psychosociaux » ne figure pas dans cet article. Et comme le développe longuement M. AP dans ses écritures (page 77 à 82), l’émergence et la définition de cette notion ont pris corps au cours des années 2000.

Ainsi, le ministre du Travail confiait à l’automne 2007 à Messieurs

P. LEGERON et P. NASSE la mission de clarifier la notion de RPS et de recenser ou définir les indicateurs utilisés ou VF devraient l’être pour les observer.

Le rapport sur l’Inspection du travail en WV établi par la Direction Générale du Travail pour l’année 2007 atteste tout autant du caractère novateur de la prise en compte des RPS au niveau national: « Thèmes nouveaux (harcèlement, stress […] » ;

< Les risques émergents de type stress et risques psychosociaux » (Pièce n°28 de
M. AP).

Un tournant s’opère en 2008: les acteurs économiques, sociaux et politiques commencent à prendre pleinement conscience des problématiques liées aux risques psychosociaux.

Tel que le rappelle l’INRS sur son site internet, la règlementation spécifique sur les RPS a débuté avec l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le stress au travail signé le 2 juillet 2008, attestant d’une première prise de conscience de ces problématiques à cette période. Cet ANI n’est néanmoins rendu obligatoire que plus tard, par un arrêté ministériel du 23 avril 2009, et ce n’est qu’en 2010 qu’un ANI sur le harcèlement et la violence au travail signé le 26 mars 2010 et étendu par un arrêté du 23 juillet 2010 viendra compléter cette règlementation.

Dans le dossier d’instruction, figure le compte-rendu de la réunion du CNSHSCT des 27 et 28 novembre 2008, dans lequel sont repris, concernant les enjeux de la prise en compte des risques psycho-sociaux, les propos de M. HQ AW, représentant de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), VF s’exprime de la façon suivante : « M. AW précise que, si la WV a QW plus tardivement la discussion sur les risques psychosociaux, il

n’existe à ce jour pas de réel retard. L’accord VF vient d’être signé est plus abouti que les quelques accords recensés dans d’autres pays. Le fait que dans le début des années 2000 ce sujet a été vu en premier lieu sous l’angle du harcèlement a conduit à complexifier le sujet. Les actions engagées dans les entreprises sont essentiellement des actions de prévention secondaire ou tertiaire. La prévention primaire est plus difficile à mettre en oeuvre car cela suppose un accord entre les différents acteurs.

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Dans une grande entreprise, il est rare d’être d’accord sur tout, mais cela n’empêche pas d’avancer sur certains points » (D260/WO).

Il ressort également des Archives du gouvernement que c’est à la suite des recommandations du rapport NASSE-LEGERON rendu le 12 mars 2008 à M. AX

AY que la problématique des RPS a véritablement émergé et que la lutte contre le stress au travail est devenue une priorité (Pièce n°31 de M. AP). Néanmoins, ce n’est qu’à l’automne 2009 que le gouvernement annonce le plan d’action d’urgence sur la prévention des RPS dans les entreprises. A cette occasion, M.

TT indique que les RPS ont été « longtemps sous-estimés » (Pièce n°32 de M.

AP).

Le caractère émergent de la problématique des RPS en entreprise est également mis en avant par la Direction Générale du Travail, dans son rapport sur l’Inspection du

Travail en WV pour l’année 2009 (Pièce n°34 de M. AP). Elle évoque « 

l’émergence médiatique des RPS » (p.3), ainsi que le fait que l’on « explore des thèmes nouveaux (harcèlement, stress, (…)» (page 219). Elle revient sur « le nombre moyen d’interventions par agent [VF] est stable dans un contexte marqué par [.. l’apparition de nouveaux champs d’intervention, notamment en matière de santé et de sécurité (RPS) dont l’appréhension complexe est consommatrice de temps » (page 246).

Même en 2013, dans son Avis du 29 mai 2013 publié au Journal Officiel de la République française intitulé « La prévention des risques psychosociaux » (Pièce n° 23 de M. AP), le Conseil économique social et environnemental (CESE) soulignait encore toute la complexité et les difficultés liées à cette notion, ce VF ne laisse aucun doute sur l’état de la prise en compte des risques psychosociaux antérieurement.

Le CESE y évoque une nécessité de « stabiliser et clarifier le cadre juridique de la santé au travail » (page 6). Il indique que « l’expression des RPS recouvre un ensemble de phénomènes de mal-être au travail- aux contours mal définis- en

l’absence de définition légale » (page 11). Il évoque des « risques diffus voire tabous » : « les problématiques de souffrance au travail sont le plus souvent diffuses en dehors des situations dramatiques qu’elles peuvent engendrer parfois. Nombre de travailleurs souffrent en silence car ils éprouvent de réelles difficultés à signaler leurs problèmes de souffrance au travail ou à solliciter un accompagnement. Il est un fait que les RPS demeurent encore un sujet tabou dans le monde du travail » (page 16).

En outre, il fait un lien entre les RPS et la transformation générale du travail ainsi que l’environnement économique et social marqué par la crise : « Le développement des RPS est lié aux transformations du travail ainsi qu’à l’environnement économique et social marqué par la crise ». C’est un « phénomène grandissant » (page 5); « Avec la survenue de la crise en 2008, la question du suicide liée au travail ou à la perte de l’emploi a pris une nouvelle ampleur. Devant l’augmentation du chômage, l’insécurité face à l’avenir, la montée de la précarité, les conséquences humaines notamment en termes de souffrance psychique et de suicide sont lourdes » (page 14); «De nombreuses études PU état d’un fort mouvement d’intensification du travail au cours des 20 dernières années. Elles PU ressortir à partir des déclarations des salariés un alourdissement de la charge mentale liée au travail […]. De tels phénomènes ont des conséquences directes sur l’état de santé des salariés VF se manifestent notamment par le développement des troubles qualifiés de « psychosociaux […]» (page 17).

Il est indiscutable que l’exercice même de toute activité professionnelle conduit

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à lui seul à devoir gérer des contraintes, des difficultés relationnelles ou du stress VF peuvent être à l’origine de problèmes de santé sans pour autant que ces situations puissent être qualifiées de harcèlement moral.

Le harcèlement moral au travail ne saurait être confondu avec des conditions de travail pouvant être stressantes (comme l’affluence de la clientèle à certains moments, une surcharge de travail ponctuelle, etc), VF ne sont pas forcément imputables à

l’employeur, même s’il y a conflit de personnes.

Il ne doit pas davantage être assimilé à un conflit individuel de travail, latent ou déclaré. Car la relation de travail, en raison de l’existence d’un lien de subordination, peut conduire à l’exercice de pressions psychologiques; les conflits normaux inhérents

à la relation de travail doivent être distingués de ceux résultant d’un harcèlement moral, comme le rappelle régulièrement la jurisprudence tant sociale (Soc. 3 nov. 2011, n° WO-20.253 et WO-19799; Soc. 19 mai 2009, n°07-44.102) que criminelle

(Crim., 16 janv. 2008, n°7-82.207). Et dans une affaire où les salariés étaient confrontés à des situations de souffrance au travail en raison d’un « management par la peur », la chambre sociale précise que le manquement aux obligations de prévention des risques psycho-sociaux VF résulte de l’article L. 4121-1 du code du trava ne doit pas être confondu avec la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail (Soc. 6 déc. 2017, n°16-WO.885)

En tout état de cause, l’état acquis des connaissances en matière de risques psycho-sociaux est sans lien ni effet avec la responsabilité pénale, dès lors que les agissements entrent dans le champ du délit.

Certes, depuis le tournant de la décennie, il peut être relevé une sur vigilance en matière de prévention des risques psycho-sociaux compte tenu des évolutions textuelles européennes et françaises, d’une sensibilisation plus grande dans les médias à ce sujet VF concerne potentiellement toutes les personnes VF travaillent.

Néanmoins, à l’époque des faits, la vigilance s’imposait déjà puisque le harcèlement moral était un délit depuis 2002.

2- Une possible application avec prise en compte de la collectivité

Dans son avis du 11 avril 2001, le Conseil économique et social a souhaité, dans la définition du harcèlement moral, une prise en compte du collectif : « elle [la définition] doit rendre compte aussi de situations diverses dans leur expression et dans leur finalité, individuelle ou collective » (page 48).

Dans sa conclusion, il mentionne que « sa réflexion sur le harcèlement moral au travail peut utilement déboucher sur une prise en compte plus générale des dysfonctionnements possibles dans l’organisation et le management des entreprises et des services, pouvant altérer la santé physique mais surtout psychique des travailleurs. Cela conduit à diminuer leurs compétences, leurs performances et retentit sur les résultats, y compris économiques, de ces entreprises et services.

Du XIXe au XXIe siècle, même si ce n’est pas encore vrai pour l’ensemble des travailleurs, on est passé d’une pénibilité essentiellement physique à une pénibilité plus psychique avec un coût médical, social et humain majeur et un retentissement économique dont personne ne peut nier l’importance. Le Conseil économique et social invite l’ensemble des acteurs des entreprises et services publics et privés, à porter un regard nouveau sur l’évolution de ce phénomène » (page 91).

2-1. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés »

Dans la fable de Y de La Fontaine « Les animaux malades de la peste » figure une phrase VF pourrait résumer la dimension collective du harcèlement

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moral : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés », VF est aussi le titre d’un ouvrage que R QP a écrit en 2008 sur le sujet après avoir ouvert, en

1997 à Nanterre, la première consultation < Souffrance et travail »>.

Car, loin de se réduire à un conflit individuel, le harcèlement moral peut avoir ses racines profondes dans l’organisation du travail et dans les formes de management. Il lui arrive d’être la répercussion d’organisations du travail malsaines, comme l’a admis l’ Accord national interprofessionnel (ANI) du 26 mars 2010 dans son article 2.1 : « les phénomènes de stress lorsqu’ils découlent de facteurs tenant à l’organisation du travail, l’environnement de travail ou une mauvaise communication dans l’entreprise peuvent conduire à des situations de harcèlement ». L’incrimination de harcèlement moral permet de répondre à l’évolution angoissante des relations de travail : destruction des collectifs et des solidarités VF y étaient attachées, individualisme grandissant, affaissement des valeurs et triomphe du cynisme, essor de la précarité, nouvelles formes de management mobilisant le salarié corps et âme, autant d’expressions de la « banalisation du mal », formule dont M. AZ est l’auteur. Cette expression est reprise dans le rapport BR (D339/174), pour être un « processus grâce auquel on fait passer pour un malheur ce VF relève en fait de l’exercice du mal commis par certains contre

d’autres »>, processus VF se développe suite à la précarité face à l’emploi, et dont M. AZ a développé le sens à l’audience. A l’audience du WO mai, M. AZ a aussi souligné que « toute organisation du travail est une méthode de gouvernement ». A ce titre, il a précisé que cette organisation du travail avait connu une transformation majeure, « la tournance gestionnaire, la gouvernance par les nombres » : « alors qu’avant, l’organisation du travail était l’apanage des ingénieurs, ils ont perdu le pouvoir au profit des gestionnaires. Les ingénieurs connaissaient le travail, les gestionnaires ne la connaissent pas et ne veulent pas la connaître. Les gestionnaires ont introduit de nouvelles méthodes, avec l’apparition des managers. Ces dispositifs ont des effets délétères sur la santé mentale, notamment l’évaluation individualisée VF génère une concurrence généralisée entre les travailleurs VF dégénère en chacun pour soi. Elle ruine les bases de la coopération et du vivre ensemble. La solitude s’installe dans le monde du travail […]. J’insiste sur cette déstructuration » (Notes d’audience page 39).

Au sujet de l’incidence de la peur dans la sincérité du consentement, il a déclaré : « la peur est une dimension importante dans le consentement. La précarisation crée de la peur chez ceux VF sont stables. Il y a la menace de sortir du statut. La peur accompagne souvent l’évaluation individualisée des performances '>.

Et sur le lien entre cette peur et le harcèlement, M. AZ a précisé : « ce n’est jamais une pratique occulte, le harcèlement est X : on prend un cadre et on va le descendre devant tout le monde. Si vous [les collègues] ne faites rien, vous devenez complices et vous comprenez que vous êtes un lâche. Donc vous avez peur. Il ne faut pas séparer la peur de la solitude » (NA page 45). Concernant WV Télécom, au sujet de la « précarisation institutionnalisée » évoquée dans le rapport BR (D339-20), M. BA, délégué syndical SUD, a indiqué : « c’est une composante du dossier VF a traversé toute la période. […] Le statut de fonctionnaire se révélait une peau vide. […] En 2003, l’entreprise devient privée et les salariés ont extrêmement peur de l’avenir, l’essentiel est la brutalité à tous les étages. […] C’était fait pour signifier aux gens qu’ils n’étaient en sûreté nulle part » (NA WO/05/2019, page 34).

Et M. BB, directeur du cabinet BR, de préciser lors de son audition devant le tribunal: «L’incertitude par rapport à l’emploi peut générer un risque psychique. Avec ACT, on va déstabiliser les gens dans leur métier et dans leur vie professionnelle » (NA WO/05/2019, page 49).

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2-2. Différence entre harcèlement moral au travail et UH scrimination Le terme de discrimination ayant été évoqué dans certains cas de victimes nommément désignées dans la prévention, il n’est pas inintéressant de se pencher sur ce VF distingue les délits de harcèlement moral au travail et de discrimination.

Certes, le salarié victime de harcèlement moral peut paraitre discriminé, au sens courant du terme, en ce qu’il est traité différemment et moins bien, sans motif légitime, de ses collègues de travail.

Cependant, la discrimination, définie par l’article L. 1132-1 (anciennement L. 122-45) du code du travail ou par l’article 225-1 à 3 du code pénal nécessite une comparaison pour mettre en évidence un élément VF distingue la situation d’un salarié de celles des autres, élément relevant d’une liste limitative de critères fixée par le texte.

Et il suffit d’un acte isolé pour la caractériser. Le harcèlement moral au travail n’exige pas, à la différence du délit de discrimination, qu’il soit établi que le salarié susceptible d’être harcelé fasse l’objet d’un traitement différent de celui des autres salariés, mais requiert la répétition

d’agissements.

Si les deux délits peuvent être multi-victimaires, la discrimination suppose que toutes les victimes appartiennent à un même groupe restrictivement énuméré par la loi, tandis que le harcèlement moral ne l’impose pas.

Le harcèlement moral peut n’être qu’une forme, un outil de discrimination parmi d’autres. Et, de fait, des inégalités de traitement peuvent effectivement alimenter un processus harcelant, comme l’a jugé la Cour de cassation : « Est justifiée la décision des juges du fond VF déclare constitués, en raison des mêmes agissements d’un prévenu, les délits de discrimination syndicale et de harcèlement moral prévus par les articles L. 481-3 du code du travail et 222-33-2 du code pénal VF sanctionnent la violation d’intérêts distincts » (Crim., 6 février 2007, pourvoi n° 06-82.601, Bull. crim. 2007, n° 29).

2-3. Harcèlement moral et intérêt collectif

Pour moire, l’article L. 2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservées à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent '>. Et à la question de savoir si le harcèlement moral perpétré sur un seul salarié constitue une atteinte à l’intérêt collectif de la profession, la Cour de cassation a déjà répondu par l’affirmative notamment dans un arrêt du 3 février 2013 (n° 11-89125, société EURONEXT).

Comme l’ont indiqué le Docteur AZ et d’autres témoins, l’existence

d’une situation de harcèlement moral dans l’entreprise, fut-elle isolée, révèle une défaillance de l’organisation, potentiellement dangereuse pour l’ensemble des salariés

(NA WO/05/2019).

En effet, au-delà de la seule appréciation de la recevabilité de l’action syndicale dans le cadre du harcèlement moral, il n’est pas possible de considérer que les pratiques VF portent atteinte à la dignité d’un salarié ne mettent en jeu, et en cause, que ses intérêts individuels. Les dysfonctionnements ou la désorganisation de l’entreprise peuvent avoir pour effet ou répercussion, outre l’épuisement psychique de ceux VF les vivent et les subissent, la dégradation de l’ambiance de travail. Et ce VF touche un salarié aujourd’hui risque d’en affecter d’autres demain il peut s’agir soit du même agissement VF va concerner d’autres salariés, soit d’une source de dysfonctionnement VF va générer d’autres agissements nocifs de nature différente, mais dans un même mouvement. Et les effets peuvent en être immédiats ou différés.

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II- La nécessaire distinction entre incrimination pénale et définition sociale

Certes, l’incrimination a trouvé son fondement dans l’énoncé supporté par

l’ancien article L. 152-1-1 (devenu L. 1152-1) du code du travail.

Certes, la doctrine s’accorde pour dire que « quant aux faits relevés dans les deux types de procédures de nature civile ou pénale, on retrouve assez classiquement les mêmes situations rétrogradation ou emploi sous-qualifié, mutation, charge de travail (défaut de fourniture de travail, diminution de la charge de travail, ou encore augmentation de la charge de travail), placement sous surveillance, reproches et critiques injustifiés, accusations mensongères, exercice exagéré du pouvoir disciplinaire, refus injustifié d’accorder une mutation ou une promotion, méconnaissance de dispositions légales ou réglementaires, mise à l’écart, comportements humiliants, agressivité verbale, insultes et même brutalités physiques » (article de la revue AJ Pénal 2016 (page 351) sous la plume de CM XG-XH, VQ à Aix-Marseille).

De même, les règles essentielles de la protection de l’emploi des travailleurs, soit le droit du licenciement, mais plus fondamentalement le droit à l’emploi consacré par le Préambule de la Constitution du […] et dont le respect relève de l’intérêt collectif que les organisations syndicales ont pour mission légale de défendre, s’imposent évidemment à l’employeur, et leur violation peut constituer une faute contractuelle pouvant justifier une prise d’acte.

Mais le droit pénal poursuit d’autres fins que celles du droit du travail, telles celles d’incriminer les actes VF portent atteinte aux valeurs VF fondent le vivre ensemble (la vie, la personne, les biens, la Nation), d’assurer l’effectivité des règles sociales et d’imposer certains comportements en punissant leur non-respect. Les peines viennent, en quelque sorte, hiérarchiser ces valeurs, le législateur ayant pris soin, depuis la loi n° 2014-892 du 15 août 2014 de préciser leurs fonctions de la façon suivante : « Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : 1° De sanctionner l’auteur de l’infraction;

2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion » (article 130-1 du code pénal).

L’approche pénale, et non du droit social, du harcèlement moral au travail entraîne des conséquences procédurales spécifiques en matière de prescription, de mécanisme probatoire, de définition de la victime pénale. Pour appréhender la portée susceptible d’être donnée à l’incrimination pénale et répondre aux moyens avancés par les prévenus, il convient de rappeler les circonstances dans lesquelles elle a été créée en 2002 (1), puis d’évoquer le régime probatoire spécifique du harcèlement moral en droit du travail pour en comprendre la portée particulière et non transposable en droit pénal (2), et enfin d’analyser plus précisément les caractéristiques propres au délit (3).

1- Rappel historique des deux textes

Au sujet de la définition du harcèlement moral qu’il proposait, le Conseil économique et social relevait : « Cette définition rend compte de l’ensemble des situations de harcèlement moral au travail puisqu’elle peut s’appliquer aussi bien au harcèlement vertical, – ascendant ou descendant et aussi selon l’approche de la

Commission consultative des Droits de l’homme au harcèlement personnel, professionnel et institutionnel » et « si le harcèlement moral au travail atteint, le plus souvent, une seule personne VF devient la cible des agissements d’un seul ou de

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plusieurs auteurs, il n’est pas rare que le processus vise en même temps plusieurs victimes. C’est alors souvent le cas d’une stratégie globale pour imposer de nouvelles méthodes de management, pour obtenir la démission de personnels dont les caractéristiques (par exemple, l’âge) ne correspondent pas aux besoins » de l’entreprise. Il peut s’agir aussi d’un comportement individuel abusif de l’employeur » (page 61).

Et s’il rappelait que « la gravité du harcèlement moral réside dans sa capacité à la destruction symbolique de l’autre (conduisant parfois à sa disparition réelle à travers un geste suicidaire), et [qu’Jil doit être pénalement condamné au titre du respect des droits et de la dignité dû à chaque personne », il soutenait la nécessité d’une disposition pénale spécifique du harcèlement moral au travail en se référant au précédent du harcèlement sexuel. Selon lui, l’édiction d’un délit de harcèlement moral au travail « constituerait un signe fort donné en direction des victimes manifestant la compréhension de la société; elle soulignerait de manière symbolique incontestable que, même en situation de travail, toute personne a droit au respect de sa dignité et que l’autorité nécessaire à l’organisation du travail ne peut en aucun cas être assimilée à une relation de soumission » (page 88).

Si l’aspect répressif était présent dans la proposition de loi de 1999, la pénalisation du harcèlement moral au travail a donné lieu, avant l’adoption de la loi du 17 janvier 2002, à de vifs débats. Le volet pénal, absent lors de l’examen en première lecture par le Parlement du projet de loi, a fait l’objet d’une résistance du Sénat, nécessitant une commission mixte paritaire et une troisième lecture. Finalement, le législateur a tranché en faveur de la pénalisation.

Les circonstances de cette genèse de l’incrimination peuvent expliquer les critiques de nombreux auteurs sur son intelligibilité, l’un affirmant même que « le harcèlement moral ne semble avoir été envisagé et conçu comme une infraction pénale que de manière incidente: durant toute la durée des débats, les nouvelles dispositions proposées ont en effet été pensées comme des textes de droit social auxquels il suffirait de rajouter, si nécessaire, une sanction pénale […]. Le harcèlement moral n’a jamais été envisagé comme un texte de droit criminel, et apparaît ainsi comme la simple transposition dans le code pénal d’une disposition travailliste » (DUVERT, Harcèlement moral, J.Cl. Pén., art. 222-33-2, fasc. 20, 2003,

n°8).

Certes, la dimension symbolique de l’introduction du harcèlement moral au travail dans le code pénal ne pouvait que renforcer son effet dissuasif. Toutefois, cette loi du 17 janvier 2002, VF a créé le délit de harcèlement moral, l’a aussi introduit dans le code du travail dans son article L. 122-49 (devenu L. 1152-1 à compter du 1" mai

2008) et assorti sa violation de sanctions pénales de nature correctionnelle (un an

d’emprisonnement et 3 750€ d’amende) en modifiant les dispositions de l’article L. 152-1-1 (devenu L. 1155-2). Il s’agissait d’une situation étrange où les mêmes faits relevaient de deux textes

d’incrimination supportant presque la même qualification pénale, seule la peine prévue par chacun d’entre eux étant différente (la peine d’amende étant quadruplée dans le code pénal).

Saisi de cette difficulté, le Conseil constitutionnel, se situant sur le terrain d’un concours de qualifications, a rappelé que « lorsque plusieurs dispositions pénales sont susceptibles de fonder la condamnation d’un seul et même fait, les sanctions pénales subies ne peuvent excéder le maximum légal le plus élevé » et « qu’il appartiendra aux autorités juridictionnelles, ainsi le cas échéant, qu’aux autorités chargées du

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recouvrement des amendes, de respecter […] le principe de proportionnalité des peines […] et que, sous cette réserve, l’instauration dans le code pénal et le code du travail, de deux incriminations réprimant les agissements de harcèlement moral au travail, dont la première a d’ailleurs un champ d’application plus large que la seconde, n’est pas, en elle-même, contraire à la Constitution » (Cons. Const. 12 janv.

2002, n° 2001-455DC, JO 18 janv., consid. 83 à 86).

La loi n° 2012-954 du 6 août 2012 a finalement mis fin à cette situation de double incrimination en supprimant celle présente dans l’article L. 1155-2 du code du travail. La répression pénale du harcèlement trouve désormais son seul fondement dans l’article 222-33-2 du code pénal. Et la loi du 6 août 2012 a doublé les sanctions prévues par ce texte.

2- Le régime probatoire spécifique du harcèlement moral en droit du travail : l’article

L. 1154-1 (L. 122-52 ancien) du code du travail

A titre préliminaire, il convient de rappeler que la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a introduit les dispositions propres au harcèlement moral mais également celles relatives à la protection de la santé. Les premières ont été codifiées aux cotés des règles relatives au contrat de travail, tandis que les secondes étaient codifiées au cœur de la réglementation du travail. L’origine et la teneur du régime probatoire du harcèlement moral dans le droit du travail, pour avoir été évoquées dans les écritures des parties comme à l’audience, doivent être brièvement examinées.

2-1. L’origine du régime probatoire spécifique

Après avoir constaté que l’établissement de la preuve était un problème récurrent, le Conseil économique et social se posait la question d’aller plus loin dans la réglementation pour faciliter l’établissement de la preuve par le salarié (page 81). Pour autant, il ne souhaitait pas que les futures dispositions sur le harcèlement moral instaurent un renversement de la charge de la preuve. La loi du 17 janvier 20 02 ne l’a pas fait.

S’inspirant de l’équilibre probatoire mis en place par la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, elle-même influencée par le droit communautaire, l’article L. 122-52 du code du travail (devenu L. 1154-1), dans sa rédaction issue de la loi de 2002, disposait « En cas de litige relatif à

l’application des articles L. 122-46 [sanction après harcèlement sexuel] et L. 122-49

[sanction après harcèlement moral], le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles '>.

Cette rédaction a été modifiée par la loi du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques. Le salarié doit désormais, non plus « présenter des éléments de fait », mais « établir des faits '>.

Le changement de formule n’a pas alourdi les obligations VF pèsent sur le salarié, car le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 12 janvier 2002, a pris soin

d’apporter la précision suivante dans une réserve d’interprétation, réserve VF,

< soutien nécessaire » du dispositif, bénéficie de l’autorité de la chose jugée de

l’article 62 de la constitution : « les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse […] ne sauraient dispenser celle-ci d’établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants » (Considérant 89). La loi a donc mis en place un régime probatoire spécifique avec cet article L. 122-52 du code du travail afin, avant tout, selon les débats parlementaires, de faciliter la reconnaissance des pratiques harcelantes

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dans une optique de réparation (nullité d’une mesure patronale, allocation de dommages et intérêts) des préjudices subis par le salarié ou de le restaurer dans ses droits.

2-2. La teneur de ce régime probatoire spécifique

Le salarié n’a pas à prouver le harcèlement moral. Il lui appartient seulement de caractériser des faits VF permettent de présumer une intention. Ainsi, doivent exister d’une part, la condition préalable d’un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4 du code du travail, d’autre part, un mécanisme en deux temps: dans un premier temps, il incombe au salarié d’établir (et non plus de présenter) la réalité d’agissements dont la répétition permet de présumer l’existence d’un harcèlement. Dans un second temps, VF suppose que le premier se soit conclu par la mise en évidence d’une présomption simple de harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient de noter que, dans un arrêt du 11 juillet 2011 (req. n°321225), le Conseil d’État a transposé aux « travailleurs du X » l’équilibre probatoire institué par le code du travail, fût-ce avec des nuances.

3- Les spécificités de l’incrimination pénale du harcèlement moral

Dans sa réserve d’interprétation, déjà évoquée ci-dessus dans le rappel de

l’historique des deux textes (1), le Conseil constitutionnel a précisé : « l’instauration, dans le code pénal et le code du travail, de deux incriminations réprimant les agissements de harcèlement moral au travail, dont la première a d’ailleurs un champ d’application plus large que la seconde, n’est pas, en elle-même, contraire à la

Constitution » (Cons. Const. 12 janv. 2002, n° 2001-455 DC, JO 18 janv., consid. 86). Avant de s’intéresser aux éléments constitutifs du délit lui-même (III ci-après), méritent d’être évoquées quelques spécificités de l’incrimination pénale, en lien avec des points juridiques discutés dans le présent dossier, et VF s’inscrivent dans cet élargissement du champ d’application indiqué par le Conseil constitutionnel.

3-1. Une infraction d’habitude et ses conséquences sur la prescription

La dimension de processus, d’enchaînement de faits, du harcèlement moral et la prise en compte du temps ont des incidences juridiques, notamment sur la prescription, la connexité et l’étendue de la saisine du tribunal.

3-1-1. Une infraction d’habitude

Le harcèlement moral est un processus, un délit ayant une dimension temporelle (brève ou longue) indiscutable. Peu importe qu’il s’agisse d’une courte durée. La répétition étant l’essence même de cette incrimination, un acte isolé, même

s’il est grave, ne saurait la caractériser mais pourrait en constituer une autre. Par ailleurs, les effets VF se prolongent dans le temps mais VF sont les conséquences indissociables d’un acte unique, tel qu’une mutation ou un changement d’affectation, ne sauraient matérialiser la répétition. Au demeurant, la chambre criminelle a jugé que :

« L’envoi concomitant, par le prévenu, de courriers identiques ou similaires à des collègues de la victime, sur leur lieu de travail commun, ne caractérise qu’un fait unique et non des propos ou comportements répétés » (Crim., 9 mai 2018, n° 17

83.623, Bull. crim. 2018, n° 86).

Tant en raison de l’exigence d’une répétition d’agissements harcelants, consubstantielle à l’incrimination, que de la dimension formelle qu’elle peut revêtir

(agissements ayant pour objet, cf HT 3-2 ci-après), on ne peut pas apprécier les faits indépendamment les uns des autres, les uns après les autres. Chaque fait

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VF, isolément, peut paraître insignifiant, doit être lu à la lumière des autres, de tous les autres doivent être examinés l’ensemble des éléments, comme les éléments dans leur ensemble.

Et lorsqu’un temps certain sépare deux actes, il faut rechercher si les actes VF se succèdent dans le temps PU ou non système, s’ils peuvent ou non être mis en relation. Car des actes peuvent se succéder mais pas se répéter dans la mesure où le temps VF les sépare ne permet pas de considérer qu’ils seraient liés entre eux par un même caractère par un enchainement duquel naîtrait la répétition.

Et si le harcèlement moral relève de la catégorie des infractions d’habitude, néanmoins, la condition de la répétition ne restreint pas la nature des agissements. Selon la chambre criminelle, la caractérisation du harcèlement moral n’exige pas

« d’une part que soient constatés des agissements répétés de nature différente, d’autre part que ces agissements aient initialement eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à la dignité et à la santé de la victime » (Crim. 26 janv. 2016 n° 14-80.455), et il n’est pas interdit aux juges d’évoquer des faits postérieurs à la période de prévention à titre de renseignements, « dans la mesure où ils s’inscrivaient dans le prolongement des agissements poursuivis et en constituaient l’aboutissement logique » (Crim, 21 juin

2005, n° 04-86.936).

3-1-2. Les conséquences de cette caractéristique d’habitude sur la prescription

Cette particularité d’habitude présente une conséquence procédurale sur la prescription.

S’agissant, en premier lieu, de l’application de la loi dans le temps, à savoir celle relative à l’entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002, la Cour de cassation a indiqué que les juges doivent établir que tous les éléments constitutifs du délit de harcèlement moral ont été accomplis postérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi

(Crim., 22 mai 2012, n° 11-86-952).

S’agissant, en second lieu, des infractions d’habitude, la prescription ne commence à courir qu’à partir du jour du dernier acte constitutif de l’habitude VF réalise l’infraction. La détermination de ce HT de départ relève de l’appréciation souveraine des juges du fond au regard des éléments VF leur sont soumis (Crim., 22 oct. 2013, n° 12-84.272).

Et pour que le complice soit punissable, il faut qu’une pluralité de faits ait été accomplie par l’auteur principal. Dès lors que l’infraction d’habitude est constituée, le complice est punissable sans que sa participation ait porté sur l’un et l’autre fait. Les deux actes forment un tout et la participation à l’un apparaît comme la participation à l’ensemble de l’entreprise (Crim, 19 nov 2008, n°07-85.054).

La prescription court à l’égard du complice à compter de l’acte principal et non pas à compter de l’acte de complicité (Crim. 8 janv. 1991, n°80-92.844, Bull. Crim n°15).

La prescription interrompue à l’égard de l’auteur principal se trouve également interrompue à l’égard du complice et réciproquement.

3-1-2-1. Étendue de la saisine du tribunal: prescription et faits antérieurs à la période de prévention

S’agissant de l’étendue de la saisine du tribunal, il est de jurisprudence constante que le tribunal correctionnel ne saurait, sans excéder ses pouvoir, statuer sur des faits autres que ceux relevés dans l’acte VF le saisit. Découlant de l’article 388 du code de procédure pénale, ce principe ne souffre d’exception que si le prévenu a consenti à ne pas s’en prévaloir. En l’espèce, l’ordonnance de renvoi prise le 12 juin 2018 par les magistrats instructeurs n’a saisi ce tribunal d’aucun fait antérieur au 1er janvier 2007, HT de départ de la période de prévention retenue. En effet, les juges d’instruction, se

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conformant aux réquisitions du ministère X, ont considéré couverts par la prescription de l’action publique les faits survenus plus de trois années révolues avant le soit-transmis VN par le procureur de la République à l’ Inspection du travail

(D21) en date du 24 décembre 2009 constituant le premier événement de poursuite ayant interrompu la prescription au sens de l’article 8 du code de procédure pénale

(dans sa rédaction alors applicable).

Certes, dans un arrêt récent du 19 juin 2019, n° 18-85.725, publié en matière de harcèlement moral au travail, la chambre criminelle a jugé que : « la prescription n’a commencé à courir pour chaque acte de harcèlement incriminé, qu’à partir du dernier »>.

Toutefois, cette analyse jurisprudentielle récente demeure sans incidence sur le périmètre temporel de la saisine du tribunal et ne fait pas obstacle à ce que le tribunal examine des faits antérieurs au 1 janvier 2007 à titre d’indices susceptibles d’éclairer les éléments constitutifs, tant matériel qu’intentionnel, du délit de harcèlement moral sur la période retenue par l’ordonnance renvoyant les prévenus devant le tribunal correctionnel.

Ainsi, les faits antérieurs à la période de prévention, en ce qu’ils peuvent mettre en perspective les agissements contemporains de cette période, seront examinés ci-après (Partie II) dès lors qu’ils ont été contradictoirement discutés tant au cours de l’instruction que lors des audiences.

3-1-2-2. Prescription et faits connexes pour les autres victimes : une jurisprudence constante

Si dans un premier arrêt concernant des agissements dénoncés par quatre salariés VF n’avaient pas déposé plainte au même moment (Crim., 19 fév. 2013, n° 11 88.515), la chambre criminelle a jugé que lorsqu’une plainte est déposée pour harcèlement moral, elle ne suspend pas mais interrompt, en ce que le délai parcouru est anéanti rétroactivement et un nouveau délai identique repart, la prescription pour les faits de harcèlement moral subis par d’autres salariés, même si que les infractions commises, imputées à la même personne et commises dans le même dessein, sont connexes en raison de leur unité spatiale et temporelle, elle a, dans le second arrêt rendu dans la même affaire, confirmé le rejet de l’exception de prescription soulevée par le prévenu « dès lors que le procès-verbal établi par l’agent de police judiciaire, recueillant la plainte de la première victime, a constitué un acte d’instruction, au sens de l’article 7 du code de procédure pénale, et que par suite du lien de connexité existant en raison de leurs rapports étroits, analogues à ceux que la loi a spécialement prévus, entre les infractions retenues à la charge du prévenu, les actes interruptifs de prescription accomplis à la suite de la première plaine, VF a donné lieu à une décision définitive de culpabilité ont nécessairement eu le même effet à l’égard des faits dénoncés par les autres plaignants » (Crim. 20 oct. 2015, n° 14 85.238).

Ainsi, la plainte d’une victime étant interruptive de prescription, elle interrompt la prescription des faits dénoncés par les autres victimes dans la mesure où les infractions imputées à la même personne, relevant du même mode opératoire et commises dans le même dessein, consistant en l’espèce en l’exercice par le prévenu de pressions sur les salariés en vue de leur faire quitter

l’entreprise, sont connexes à raison de leur unité spatiale et temporelle.

3-2. Une infraction hybride, « pour objet ou pour effet »

L’article 222-33-2 du code pénal requiert que les agissements répétés aient eu

< pour objet » ou « pour effet » une dégradation des conditions de travail.

Comme l’a précisé à la barre du tribunal le VQ émérite FL

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BC, rapporteur de l’avis rendu par le Conseil économique et social en avril

2001, cette alternative a été ajoutée à la définition proposée par le Conseil VF privilégiait la seule première branche en se référant aux « agissements répétés visant à dégrader les conditions humaines, relationnelles, matérielles de travail »>. Et d’ajouter au sujet du participe présent « visant » : « nous avons voulu que la loi ait une portée préventive. Il s’agit d’éviter que le harcèlement se poursuive et atteigne la santé » (NA

29/5 page 44).

Et parmi les expressions les plus commentées lors de la parution de la loi de 2002, figurait l’expression retenue par le législateur « ayant pour objet ou pour effet '>. En effet, en visant « les agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail » susceptibles de produire certaines conséquences, l’énoncé légal semblait indiquer que le harcèlement moral pouvait être involontaire et se caractériser juridiquement par ses seuls effets des actes répétés d’un individu ou d’un groupe d’individus, peu importe qu’il(s) n’ai(en)t eu aucune intention malveillante à l’égard de la victime.

La chambre criminelle a très rapidement levé tout malentendu en contrôlant l’existence de l’élément intentionnel (Crim. 21 juin 2005, n°04-86.936, Bull. Crim.

n°187, Crim. 12 déc. 2006, n°05-87.658)

De cette alternative voulue par le législateur, il découle que la première branche

< ayant pour objet » fait alors du harcèlement moral une infraction dite formelle.

Classiquement, les infraction formelles se distinguent des infractions matérielles

< dont la consommation n’est effective que si elles ont produit- ou tenté éventuellement de produire- le résultat spécifié par les éléments constitutifs légaux du fait incriminé ». Et de citer deux exemples d’infraction consommée quel que soit le résultat: l’empoisonnement et la corruption (Merle et Vitu, Traité de droit criminel : problèmes généraux de la science criminelle; droit pénal général, éd. Cujas t.1, p.649, n°514).

L’infraction formelle se consomme donc indépendamment du résultat, la loi se contentant d’un comportement susceptible d’entraîner ce dommage envisagé à travers les élément légaux. Cette dimension est un élément de nature à freiner ou éviter les débordements de la part des auteurs de harcèlements et à renforcer la capacité des harcelés à y résister, à s’y opposer et à se défendre. Car empêcher, demain,

l’apparition du harcèlement, c’est prendre aujourd’hui, les mesures VF s’imposent.

Ainsi, le harcèlement moral, tel qu’issu de la volonté du législateur, présente une nature hybride atypique à la fois infraction formelle, pour les : agissements ayant pour objet, c’est-à-dire lorsque le résultat est indifférent à la consommation de l’infraction, et infraction matérielle, pour les agissements ayant pour effet, c’est-à dire lorsque le résultat devient un des éléments de la qualification.

3-3. Un régime probatoire de droit commun

Pour mémoire, selon l’article 427 du code de procédure pénale, «< Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves VF lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ».

Et il résulte de l’interprétation de cet article, tant par la doctrine que par la jurisprudence, qu’en matière pénale, le principe est donc celui de la liberté de la preuve. Avec une seule et unique réserve : que les éléments pris en compte par la

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juridiction aient été librement et contradictoirement débattus.

Corollaire de la présomption d’innocence de la personne poursuivie, la charge de la preuve incombe à la partie poursuivante, soit généralement le ministère X (Crim., 22 fév. 1993). Dans le présent dossier, l’action publique a été à la fois mise en mouvement et exercée par ce dernier, et les parties civiles ont pu contribuer à la manifestation de la vérité par leur intervention.

Et il convient de rappeler, s’agissant de la preuve, que le Conseil constitutionnel a exclu le mécanisme probatoire spécifiquement mis en place par l’article L. 1154-1 du code du travail dans le considérant 84 de sa décision n° 2001-455 DC du 12 janvier

2002: « qu’il ressort des termes mêmes des dispositions critiquées que les règles de preuve dérogatoires qu’elles instaurent trouvent à s’appliquer « en cas de litige »>; qu’il s’ensuit que ces règles ne sont pas applicables en matière pénale et ne sauraient, en conséquence, avoir pour objet ou pour effet de porter atteinte au principe de présomption d’innocence »>.

3-4. Harcèlement moral et responsabilité pénale des personnes morales

Selon l’avis du Conseil économique et social, « le contrat de travail VF se caractérise par l’existence du lien de subordination à l’employeur a pour corollaire de consacrer le principe de la responsabilité de ce dernier VF a le pouvoir de diriger l’entreprise, de l’organiser c’est-à-dire de définir les tâches des salariés. Hors de toute imputation à l’employeur d’une quelconque responsabilité personnelle dans tout agissement de harcèlement moral se produisant dans l’entreprise, il lui appartient de respecter et faire respecter les principes généraux de prévention » (page 67).

Dans sa rédaction initiale, l’article 121-2 du code pénal n’envisageait la responsabilité pénale des personnes morales que dans les cas prévus par la loi ou le règlement, consacrant alors le principe de spécialité.

Les textes d’incrimination du harcèlement moral adoptés en 2002 ne prévoyaient pas que l’employeur, personne morale, puisse être poursuivi pénalement pour des faits de harcèlement moral.

Le principe de spécialité a été supprimé par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, cette suppression entrant en vigueur le WO janvier 2006. Désormais, la responsabilité pénale d’une personne morale peut être engagée pour des faits de harcèlement moral si les conditions nécessaires pour engager cette responsabilité sont remplies. Selon l’article 121-2 du code pénal, les personnes morales sont responsables des infractions commises pour leur compte, soit dans leur intérêt ou à leur profit, par leurs organes ou représentants.

Il est donc possible désormais d’engager la responsabilité pénale d’une personne morale s’il est démontré que la dégradation des conditions de travail est issue d’agissements répétés de la hiérarchie, correspondant au contenu de l’article 222-33-2 du code pénal, et commis pour son compte par ses organes ou représentants (Crim. 17 déc. 2013, n° 12-85.617, Crim. 19 nov. 2013, n° 12-85.262 dans des cas de harcèlement moral).

La circulaire n° CRIM-06-3/E8 du WP février 2006 range d’ailleurs le délit de harcèlement moral parmi les infractions pour lesquelles la responsabilité des personnes morales présente un intérêt particulier. Elle préconise aussi, en matière d’infraction intentionnelle, d’engager la poursuite à la fois contre la personne physique, auteur ou complice des faits, et contre la personne morale dès lors que les faits ont été commis pour son compte par un de ses organes ou représentants.

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III- Les éléments constitutifs du délit de harcèlement moral

A l’examen du triptyque composant l’élément matériel (1), succèdera celui de

l’intention harcelante (2). Le troisième concept apparu plus récemment dans

l’appréhension du harcèlement moral, à savoir l’abus de pouvoir de direction que la jurisprudence associe dans quelques cas à la notion du pouvoir managérial, méritera un développement particulier ainsi que la politique d’entreprise (IV ci-après).

1- Les trois éléments matériels

Il convient de s’attarder sur les trois éléments classiques : agissement répétés

(1-1), entraînant ou visant à entraîner une dégradation des conditions de travail (1-2), cette dernière étant susceptible de porter préjudice au salarié (1-3).

1-1. Les agissements

Le texte d’incrimination ne précise pas quels agissements peuvent être constitutifs du harcèlement moral.

Toutefois, la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, a retenu « un comportement indésirable (…) VF a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». L’article 26 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 vise « des actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs dirigés de façon répétée contre tout salarié ».

1-1-1. Des agissements répétés La seule indication fournie par l’article 222-33-2 du code pénal est que ces agissements doivent être répétés : « Le délit de harcèlement moral, prévu par l’article 222-33-2-1 du code pénal, n’est constitué que si les propos ou comportements incriminés par ce texte sont répétés » (Crim., 9 mai 2018, pourvoi n° 17-83.623, Bull. crim. 2018, n° 86).

Mais s’ils doivent être répétés, ils peuvent être indifféremment, comme déjà évoqué, de même nature ou de nature différente, et ne pas avoir eu initialement pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à la dignité et à la santé de la victime (Crim., 26 janvier 2016, pourvoi n° 14 80.455, déjà cité au HT 3-1-1).

Le texte d’incrimination visant expressément « des agissements répétés », le harcèlement moral requiert donc un acte matériel < positif » de commission. Il ne peut donc, en principe, être réalisé par une simple abstention.

Certes, le droit pénal général distingue traditionnellement les infractions de commission et d’omission désignant l’attitude active ou passive de l’auteur. Si les infractions de commission requièrent un acte positif, une action visible consistant à faire ce que la loi prohibe, les infractions de pure omission sont constituées par une simple attitude passive et ne sont réprimées que si elles sont prévues par un texte spécifique.

Cependant, de la part des prévenus, il y a eu confusion entre d’une part, les nature et réalité des actes visés, d’autre part, la formulation littérale de la prévention. Car la forme négative de locutions telles que « l’absence de travail », « l’absence

d’accompagnement et de soutien adaptés des ressources humaines '> ou « des formations insuffisantes voire inexistantes » figurant dans la prévention n’est pas synonyme d’omission, une formulation différente pouvant rendre l’acte positif.

En effet, le législateur n’a pas entendu exclure les actes d’abstention tels que des privations de salaire ou de travail, dès lors qu’ils constituent des faits positifs imputables au dirigeant. L’abstention peut procéder d’un refus et le refus est un acte

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positif, dès lors qu’il est posé en parfaite connaissance de cause. En amont de cette abstention, peut ainsi exister une obligation ou un devoir légal ou conventionnel. Dans ces cas, l’abstention devient un non-respect délibéré, volontaire.

En l’occurrence dans le cas du harcèlement moral imputé à un dirigeant, et sans procéder à une interprétation extensive du texte VF serait contraire au principe de légalité, l’abstention n’étant pas assimilée à l’action, il convient de distinguer d’une part l’abstention WN ou les manquements fautifs, sanctionnés car résultant d’un exercice abusif de son pouvoir de décision et à condition de ne pas être isolé, d’autre part la tolérance WN, VF ne constitue pas un manquement à ses devoirs, en

l’absence de participation personnelle et le prévenu ne peut empêcher la commission de l’acte constitutif du harcèlement.

Au demeurant, l’arrêt de la chambre criminelle en date du 16 septembre 2014

(n° WP-82.468) visé par les prévenus au soutien du nécessaire caractère positif des agissements, porte en réalité davantage sur la responsabilité du fait d’autrui et l’obligation de sécurité VF pèse sur le chef d’entreprise.

Une des particularités de ce dossier tient à la nécessaire appréhension des agissements au regard de la politique d’entreprise » telle que visée par la prévention. Or, celle-ci est le vecteur même de l’expression de la volonté du dirigeant, ses choix révélant ses priorités et déterminant les moyens de la mettre en place.

1-1-2. Des agissements harcelants Les faits de harcèlement pouvant être très variés, le législateur n’a pas voulu donner une liste limitative de propos ou d’agissements harcelants. Ce silence procédait également d’une volonté affichée lors des débats parlementaires d’appréhender surtout le harcèlement moral en fonction de ses effets réels ou potentiels.

Et, dans son avis du 11 avril 2001, le Conseil économique et social commente

l’expression « agissements répétés » de la manière suivante : « Nous voulons par là, insister sur l’inscription du harcèlement moral au travail dans une véritable stratégie de soumission ou de destruction psychique de l’autre, VF suppose la répétition d’actes de nature différente, inscrits dans la durée. Cela permet de ne pas confondre harcèlement moral au travail et conflit au travail. Il ne paraît pas nécessaire de préciser la nature humiliante, par exemple, de ces agissements (abordée largement dans l’approche clinique) car nous rentrons alors dans la description du phénomène et sortons par là même, de sa définition. En fait, quelle que soit leur nature, ces agissements se définissent d’abord par ce à quoi ils visent » (soulignement ajouté)

(page 60).

Si cette visée est la dégradation des conditions de travail, avec l’alternative de l’objet ou de l’effet, une des particularités du présent dossier est que cette dégradation devra être analysée, d’une part, au travers d’une «politique

d’entreprise », d’autre part, d’une politique d’entreprise visant, selon l’accusation, « à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène »>.

1-2. La dégradation des conditions de travail L’article 222-33-2 du code pénal requiert que les agissements répétés aient eu

< pour objet » ou « pour effet » une dégradation des conditions de travail. Après avoir évoqué le sens que recouvre l’expression des conditions de travail », seront examinées les teneur et appréciation de leur dégradation, terme VF lui aussi, a conduit à des analyses divergentes des parties.

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31 ème Ch. 1-2-1. Les conditions de travail

Que sont les conditions de travail ? Des conditions « humaines, relationnelles et matérielles de travail », en lien avec l’intérêt protégé par le délit de harcèlement moral, VF est la protection de la dignité de la personne au travail (mais non la protection de droits en cas de conflits individuels et collectifs VF est assurée par d’autres incriminations ou dans le cadre de l’instance prud’homme). C’est ainsi que le concevaient les sénateurs (JO Sénat CR, 3 mai 2001, page 1658)

Il est intéressant de rappeler l’acception de la notion de conditions de travail donnée par la section des affaires sociales du Conseil économique et social, le 1 février 1973, saisi par le Gouvernement, d’un projet de loi pour l’amélioration des conditions de travail VF ne comportait que trois volets : l’amélioration des conditions de travail, l’hygiène et la sécurité et les horaires individualisés de travail.

Cette acception recouvrait six rubriques : 1 – Les conditions matérielles de travail VF concernent l’hygiène, la sécurité, le cadre et l’ambiance de travail.

2- L’organisation du travail VF comprend :

l’implantation et la conception des postes de travail ; la fixation des normes ; la restructuration des tâches ;

l’organisation du commandement;

l’information et l’association des exécutants aux déc isions.

-

3 – La durée du travail qu’il s’agisse de la durée hebdomadaire proprement dite ou de

l’aménagement des horaires.

M4 Les modes de rémunération du travail : système de rémunération (notamment salaire au rendement), classification, mensualisation.

5- Le déroulement des carrières, c’est-à-dire la promotion et son corollaire, la formation professionnelle.

6 – L’environnement de l’entreprise ainsi que le logement et le transport des salariés.

Cette approche des conditions de travail, dans une acception élargie intégrant l’organisation du travail, a été officialisée dans la loi du 27 décembre 1973 relative à

l’amélioration des conditions de travail et confortée par l’Accord national interprofessionnel du 17 mars 1975, abordant cinq aspects: aménagement du temps de travail, hygiène et sécurité et prévention, rémunération du travail au rendement, rôle de l’encadrement et organisation du travail. Soit le renouvellement de la réflexion sur les conditions de travail intégrant une vision globale de la vie au travail.

Une acception encore plus large des conditions de travail paraît néanmoins avoir été souhaitée par le Conseil économique et social : « ce qu’attend un travailleur dans son entreprise ou service: le respect de sa personne, la considération du travail qu’il accomplit, des considérations matérielles de travail adaptées à sa fonction et conformes à son statut » (page 47). Cette signification a trouvé une prolongation, notamment, dans l’amélioration de la < qualité de vie au travail » et le « bien-être au travail » VF PU partie de l’objet de

l’Accord national interprofessionnel du 19 avril 2013.

1-2-2. La dégradation et son appréciation

Cette question est double la dégradation doit-elle être toujours démontrée comme semblent le soutenir les conseils de certains prévenus en se fondant sur un arrêt récent de la chambre criminelle (Cass. Crim., 27 mars 2019, n°18-82-178), ou peut-elle n’être que « potentielle » ? En outre, comment l’apprécier : in concreto ou in abstracto ?

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1-2-2-1. Une dégradation réelle et potentielle

A propos du harcèlement moral au travail, il a été souligné « qu’il n’est pas nécessaire que la dégradation des conditions de travail redoutée ait effectivement porté préjudice à la victime, mais seulement qu’elle soit susceptible de le faire [et que] le législateur n’exige même pas que la dégradation des conditions de travail soit effectivement constatée : le texte vise en effet des agissements ayant pour objet ou pour effet cette dégradation » (C. Duvert, maître de conf. univ. Paris WP, Jurisclasseur

Pénal, art. 222-33-2, fasc. 20, n° 9.)

Et la chambre criminelle, au sujet de l’exigence selon laquelle les agissements incriminés doivent être à l’origine d’une dégradation des conditions de travail, a jugé, conformément aux prescriptions légales, que la seule possibilité d’une telle dégradation suffit à caractériser l’infraction (Cass crim., 24 mai 2011, WO-87.100 ;

6 déc. 2011, B. 249; 14 janv. 2014, 11-81.362; Cass. Crim., 14 janvier 2014, n° 11 81.382, Crim 28 janv. 2018 n°16-87-709). Deux auteurs considèrent que « cette position résulte clairement des réserves d’interprétation adoptées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 janvier 2002 » (R. Salomon et A. Martinel « Droit pénal social », Economica, 4è éd. 2017, n° 260, p. 143).

Quant à l’arrêt récent du 27 mars 2019 (n°18-82-178) invoqué par les prévenus, il s’avère qu’il porte sur le harcèlement moral dans les conditions de vie, délit prévu et réprimé par l’article 222-33-2-2 du code pénal, et non sur le harcèlement moral au travail. Au surplus, cette décision confirme celle rendue en

2015 (Crim. 24 juin 2015, n°14-83.505) VF portait, elle, sur le harcèlement moral entre conjoints prévu et réprimé par l’article 222-33-2-1 du même code. La distinction majeure entre ces deux textes et celui sur le harcèlement moral au travail porte sur la dégradation VF doit se « traduire », dans les deux premiers textes, par une altération de la santé physique ou mentale avec une référence à une éventuelle incapacité totale de travail entrainant une graduation des peines encourues en fonction de sa durée. Celui sur le harcèlement moral au travail exige seulement de la dégradation qu’elle soit < susceptible de » provoquer cette altération.

Ainsi, la seule possibilité d’une dégradation des conditions de travail suffit à caractériser l’infraction de harcèlement moral au travail.

1-2-2-2. L’appréciation de la dégradation in concreto ou in abstracto?

Concernant les conditions matérielles de travail dégradées, le Conseil économique et social indiquait, dans son avis du 11 avril 2001: « Celles-ci ne sont pas neutres et elles sont même souvent le HT d’attache symbolique d’une certaine réussite : l’emplacement et la taille du bureau, les moyens de communication mis à disposition, les avantages annexes sont la marque de la considération que l’entreprise ou le service donne au travailleur. Leur dégradation est souvent vécue comme une mise à l’écart, humiliante, injuste, sans fondement réel et participe alors pleinement au processus de harcèlement. Elle vise souvent des cadres VF ont atteint un certain niveau de responsabilités et VF se trouvent alors ainsi dégradés symboliquement.

Pour les personnels d’exécution, il peut s’agir simplement d’un éloignement spatial, d’une mise à disposition d’équipements dégradés, inadaptés, inopérants, autant de marques de la mésestime dans laquelle on les porte » (page 49).

Ainsi, la dégradation peut être matérielle et/ou morale, et s’avère, le plus souvent, inhérente aux agissements reprochés aux harceleurs et dont la réalité a été établie. La chambre criminelle a infirmé un arrêt de relaxe au motif que les agissements du prévenu avaient déstabilisé deux de ses collègues, « ce VF impliquait, pour ces dernières, des répercussions psychologiques de nature à dégrader leurs

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conditions de travail » (Crim. 25 juin 2013, n°12-84.650). Constater les agissements et leurs répercussions a permis de mettre en évidence la dégradation.

Quant au caractère in concreto ou in abstracto de l’appréciation de la dégradation, elle doit se faire en considération des faits ou agissements de

l’espèce, par référence aux droits mis en cause, aux conditions de travail prévues par le contrat ou le statut, et susceptible de concerner le salarié individuellement mais aussi comme membre d’une collectivité de travail. Car l’examen de la situation individuelle n’exclut pas la prise en compte d’éléments relevant d’une analyse de la situation d’agents appartenant à la même catégorie d’emploi, au même service.

1-3. Le préjudice causé au salarié

Le harcèlement moral est une « infraction de conséquences en cascade » : après avoir démontré l’existence d’une dégradation au moins potentielle des conditions de travail, il convient d’apporter la preuve que cette dégradation est, en outre, selon le texte d’incrimination, susceptible de « porter atteinte aux droits et à la dignité de la personne visée, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »>.

Comme pour la dégradation des conditions de travail, il n’est pas nécessaire que ce second résultat redouté soit effectif, il suffit qu’il soit possible. Il y a lieu, alors, d’établir un rapport causal potentiel, en démontrant les conséquences personnelles qu’aurait pu entraîner la dégradation des conditions de travail dans

l’éventualité où elle se serait concrétisée.

S’agissant de l’employeur, « Le principe est qu’il est obligé de se comporter convenablement à l’égard de ses salariés. Il est tenu, outre d’une obligation de loyauté, de respecter leur moralité et leur dignité. Il est très largement admis que ce respect trouve son fondement dans la règle générale de l’exécution de bonne foi du contrat » (Lamy – Droit Pénal des Affaires n° 2839).

1-3-1. L’atteinte aux droits et à la dignité

S’agissant des droits, le Conseil constitutionnel a indiqué, dans sa réserve

d’interprétation, qu'« eu égard à l’objet du texte, VF entend protéger spécialement les salariés contre une forme particulière de harcèlement dans le cadre de leur travail, il est clair que la référence aux droits doit se comprendre comme renvoyant aux dispositions de l’article L. 120-2 du code du travail ». Cet article L. 120-2 (devenu L. 1121-1) ne contient aucune énonciation de droits mais fait référence à des catégories de prérogatives (droits des personnes et libertés individuelles et collectives): «nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions VF ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Quant à la notion de dignité humaine, principe à valeur constitutionnel depuis une décision du Conseil constitutionnel en date du 27 juillet 1994, elle est délicate à définir même si elle figure dans nombre de textes internationaux, européens et nationaux comme le rappelle le Conseil économique et social dans son avis d’avril 2001 (Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, loi d’orientation de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998).

La notion de dignité au travail, elle, apparaît dans l’article 26 de la Charte sociale européenne élaborée dans le cadre du Conseil de l’Europe, dans les articles 225-14 et 225-15 du code pénal VF sanctionnent le fait de soumettre des personnes à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine.

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Selon le VQ HA CC, « la notion de dignité a, dans le monde du droit c’est-à-dire comme concept juridique -, deux grandes significations rarement distinguées. […] Elle peut, d’abord, être appréhendée comme la désignation juridique de l’humanité dans l’homme (et donc comme le rempart à toute pratique tendant à réifier la personne). Autrement dit, s’attache à cette manière de comprendre la dignité,

< l’interdiction de tout acte VF tend à méconnaitre en tout homme une personne humaine». […] Mais la notion de dignité […] peut également désigner une simple composante de l’intégrité morale de l’individu. Ainsi appréhendée, la notion de dignité se rapproche de notions comme l’honneur ou la considération » (Répertoire de droit du travail, Harcèlement moral, n° 168 à 170).

1-3-2. L’atteinte à la santé

Comme expliqué par le VQ FL BC à l’audience, l’atteinte à la santé (mentale ou physique) était absente de la première version insérée dans le projet de loi de modernisation sociale. Mais suite à l’avis du Conseil économique et social,

« le législateur s’est préoccupé de la santé mentale autant que physique. Derrière cette mise en cause de la santé, il peut y avoir des situations dépressives, de stress, de suicide » (NA 29/5/2019, page 44).

Les situations personnelles livrées par la jurisprudence concernant le harcèlement moral au travail, évoquent, en effet, fréquemment des états anxio dépressifs, des dépressions graves ou sévères, des tentatives de suicide (Crim. 14 mai 2013, n°11-88.663) voire des suicides (Crim 3 fév. 2013 n° 11-89125 société

EURONEXT; CA Paris 5-14 04 déc. 2017, n° 16-06348).

1-3-3. La compromission de l’avenir professionnel Pour le Conseil économique et social, la compromission de l’avenir professionnel visait la mise en péril de l’avenir professionnel du salarié, afin de prendre en compte la situation de victimes poussées à la démission sans obtenir les garanties liées aux procédures de licenciement, et dont il estime que « non seulement la situation professionnelle immédiate est compromise, mais aussi la carrière et les possibilités de reclassement futur » (page 61 de l’avis) Quelques arrêts PU effectivement état d’agissements ayant produit de effets graves sur la carrière de la salariée (Crim. 5 fév. 2013, n°12-81.239; Crim. 14 mai

2013, n°11-88.663).

En conclusion, aux termes de l’article 222-33-2 du code pénal, l’élément matériel du délit de harcèlement moral se décompose selon les trois éléments suivants des agissements répétés, entraînant, ou visant à entraîner, une dégradation des conditions de travail de la victime, cette dégradation devant être susceptible de lui porter préjudice.

2- L’élément moral : « l’intention harcelante »

Le harcèlement moral étant un délit, la caractérisation de l’intention criminelle, conformément aux dispositions de l’article 121-3 du code pénal, est donc indispensable pour entrer en voie de condamnation.

La question est alors la suivante : suffit-il de prouver que le prévenu avait conscience de ce que ses actes entrainaient une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de lui porter préjudice (dol général), ou doit-on exiger la preuve d’une intention de nuire à la victime (dol spécial) ?

La réponse, issue d’une jurisprudence criminelle désormais constante, se satisfait du seul dol général.

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2-1. Définition

Après avoir laissé penser un temps qu’elle entendait exiger l’intention de nuire

(Crim. 11 mai 2005, n°04-86.774, Crim. 21 juin 2005, n°04-86.936, Crim. 12 fév. 2008, n°07-86.047, Crim. 11 mars 2008, n°07-82.346), la chambre criminelle de la

Cour de cassation se satisfait désormais de la conscience d’une possible dégradation (Crim. 14 janv. 2014, n°12-84.354, Crim. 17 déc. 2013, n° 12-85.617 : le prévenu a réalisé consciemment les actes coupables en pleine connaissance de leurs conséquences possibles).

Et dans un arrêt du 30 mars 2018, elle a eu l’occasion de rappeler cette règle :

«La loi n’exige pas la preuve de l’intention de nuire, et la répétition, élément constitutif du délit, suffit à caractériser le harcèlement nécessairement intentionnel et VF excéde manifestement l’exercice du pouvoir de direction d’un supérieur hiérarchique vis à vis d’un subalterne» (n° 14-88.700).

Ainsi, l’intention harcelante est celle de commettre des actes que l’on sait, dont on ne peut ignorer le caractère déstabilisant, vexatoire ou risqué pour la santé, raisonnablement prévisible. Il suffit que le harceleur sache, au regard de ses fonctions ou du contexte dans lequel il agit, qu’il est susceptible de porter atteinte à la dignité ou

à la santé d’une ou plusieurs personnes même si le but ou l’objet de son action n’est pas celui-là. Intériorisées ou connues, les conséquences préjudiciables ne sont pas nécessairement recherchées (mais peuvent l’être) par l’auteur des agissements répréhensibles (Crim 11 juillet 2017 n°16-83003: « ces agissements, marqués par une outrance caractérisée, ont été commis avec la conscience d’entraîner une dégradation des conditions de travail des salariées victimes »).

Le harcèlement moral peut donc être établi si la preuve d’un dol général est rapportée : il suffit d’établir que la personne prévenue de harcèlement moral

a eu la volonté d’accomplir les agissements répétés, soit en ayant conscience de leur effet, soit en recherchant sciemment leur objet. Cela n’implique pas qu’en toutes circonstances, l’auteur ait eu l’intention de porter atteinte aux droits ou à la dignité de la victime, la conscience d’un tel résultat ou d’une telle possibilité suffit.

Et il peut y avoir harcèlement moral même en cas de mésestimation par le prévenu de la portée de ses actes, sous-estimation VF aurait pu remettre en cause

l’élément intentionnel : « Des propos ou comportements répétés adressés à des tiers sont susceptibles de caractériser le délit de harcèlement moral, dès lors que le prévenu ne pouvait ignorer que ces propos ou comportements parviendraient à la connaissance de la victime qu’ils visaient. » (Crim., 9 mai 2018, n° 17-83.623, Bull. crim. 2018, n°86).

Enfin, s’agissant des complices du harcèlement moral, à deux reprises dans le présent dossier, par la chambre de l’instruction confirmée par la chambre criminelle de la Cour de cassation, à l’occasion de l’examen de l’absence de lien entre les complices et les victimes, il a été jugé que l’absence de pouvoir hiérarchique ou d’un lien d’autorité n’exclut pas les poursuites « dès lors qu’ils ont contribué, en connaissance de cause, à la réalisation du fait principal au préjudice de salariés du groupe », « le cas échéant par des faits personnels et positifs » (D4149/9).

2-2. Preuve de l’intention

L’élément intentionnel implique que soit établi le caractère volontaire des actes de harcèlement mais aussi la conscience de l’auteur qu’ils sont de nature à entraîner une dégradation des conditions de travail, ce VF n’implique pas, néanmoins, que

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celui-ci ait eu l’intention de porter atteinte aux droits ou à la dignité de la victime, la conscience de la possibilité d’un tel résultat suffit (Crim., 24 mai 2011, WO-87.100).

L’intention harcelante s’affiche rarement comme telle, et elle trouve généralement sa démonstration dans la matérialité même des actes accomplis: « La répétition, élément constitutif du délit, suffit à caractériser le harcèlement nécessairement intentionnel et VF excède manifestement l’exercice du pouvoir de direction d’un supérieur hiérarchique vis-à-vis d’un subalterne » (Crim 30 mars 2016,

n°14-86700 du 30 mars 2016).

IV- L’émergence du harcèlement managérial ou institutionnel

La défense des prévenus, également unanime sur ce HT, soutient que l’incrimination du harcèlement moral au travail en vigueur au moment des faits comme celle actuelle, interdit toute reconnaissance d’une forme de harcèlement moral

< systémique » VF ne viserait pas des salariés déterminés.

Au-delà des réponses déjà apportées sur le principe de légalité et la possible prise en compte du collectif de travail, il apparaît nécessaire de vérifier si, au moment de la création de l’incrimination, cette dimension managériale, voire institutionnelle ou stratégique du harcèlement moral au travail avait été envisagée, pensée, voire souhaitée (1), puis d’examiner l’existence d’éventuelles applications jurisprudentielles (2). Enfin, des développements seront consacrés à la notion d’abus de pouvoir (3) et à la politique d’entreprise (4).

1-Une préoccupation antérieure à l’élaboration de la loi Là encore, il convient de se reporter à l’avis du Conseil économique et social

d’avril 2001 pour savoir si, déjà à l’époque, cette dimension institutionnelle du harcèlement moral au travail était présente dans l’esprit du législateur VF s’en inspira.

Les éléments suivants permettent de répondre par l’affirmative.

En préambule, il n’est pas inintéressant de rappeler les travaux, antérieurs à l’avis du Conseil économique et social, de Mme R-WV BD, psychiatre, VF a été entendue par le Conseil économique et social, comme l’a indiqué M. BC au cours de son témoignage devant le tribunal (NA 29/05/2019 page 43).

En effet, elle a fait paraître, dès 1998, un ouvrage Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien, au grand retentissement médiatique et social, dans lequel elle envisageait le harcèlement moral comme individuel, pratiqué dans un but de destruction de l’autre et de valorisation de son propre pouvoir. Selon le Conseil économique et social, «Dans ce premier ouvrage, elle ne s’attache pas principalement à ce que ce phénomène peut avoir de spécifique lorsqu’il se développe dans l’espace professionnel. Elle propose toutefois une définition du harcèlement moral au travail : « Toute conduite abusive se manifestant notamment par des comportements, des paroles, des actes, des gestes, des écrits, pouvant porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne, afin de mettre en péril l’emploi de celle-ci ou dégrader le climat de travail ». Le refus de l’altérité et des sentiments comme l’envie et la jalousie sont aussi pour cet auteur les principaux facteurs du harcèlement moral » (page 19). Et, au cours de son audition par le Conseil, Mme BD a d’ailleurs annoncé la parution prochaine d’un nouvel ouvrage Malaise dans le travail. Harcèlement moral: démêler le vrai du faux.

Mérite aussi d’être relevé que, selon cet avis du Conseil économique et social,

l’Association nationale des victimes de harcèlement psychologique au travail (ANVHPT) a récusé l’expression de harcèlement moral au travail et a retenu celle de harcèlement psychologique au travail dont elle a donné la définition suivante : « Le harcèlement psychologique au travail est une violence répétée mise en œuvre par une

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ou plusieurs personnes à l’encontre d’une victime afin d’atteindre son seuil de déstabilisation pour mieux instituer son aliénation. Il porte atteinte à la dignité, à

l’intégrité physique et psychique de la victime. Il est aggravé quand il est mis en œuvre par une ou des personnes ayant autorité sur la victime. Le harcèlement psychologique au travail est un processus institutionnel. A ce titre, il véhicule un discours manifeste ou latent VF traverse tous les acteurs de la collectivité professionnelle et VF révèle les mentalités à l’œuvre au sein de celle-ci. Le harcèlement psychologique au travail est un analyseur (révélateur) de l’institution « Travail »» (page 18).

Et le rapprochement de cette définition avec le sens donné au « mobbing », apparu avec l’ouvrage publié en 1993, de Heinz LEYMANN (déjà évoqué en II-3) Mobbing. La persécution au travail, est aussi révélateur. Dérivé du mot anglais mob» VF signifie la foule, le « mobbing » renvoie à la réalité d’une persécution collective pratiquée sur la ou les victimes. D’autant que le Conseil économique et social précise : « D’emblée, le mobbing met en cause le groupe. Il s’agit donc une notion plus ouverte sur la recherche de responsabilités collectives que ne l’est celle de harcèlement moral. Au-delà de l’élément physique, comportemental VF conduit au choix de la victime de la persécution, Heinz Leymann s’est interrogé sur l’organisation du travail et le management, dépassant ainsi la problématique centrée sur des relations interpersonnelles. Il a proposé d’identifier la source essentielle du mobbing dans des défaillances de l’organisation du travail, de la conception des tâches, de la direction des exécutants » (page 20 de l’avis).

Enfin, le Conseil économique et social fait état de l’avis rendu dès le 29 juin 2000, par la Commission consultative des Droits de l’Homme VF proposait une typologie retenant l’existence de trois formes de harcèlement, dont celui de

« harcèlement institutionnel VF participe d’une stratégie de gestion de l’ensemble du personnel ». Au sujet de ce dernier, le Conseil précise que cette classification peut « prendre deux formes de persécution institutionnelle, l’une relevant d’une gestion d’ensemble et l’autre visant à obtenir le départ de certains salariés VF deviennent des cibles en fonction des « besoins » de l’entreprise : des cadres en doublon à l’occasion de fusion/absorption d’entreprise ou de travailleurs ayant atteint un certain âge.

[…] Dans les faits, ces deux cas se recoupent et se confondent parfois, certaines directions, organisant une sorte de « lutte pour la vie » à l’intérieur de l’entreprise en mettant des salariés en concurrence sur les mêmes fonctions et en déstabilisant les collectifs de travail. L’objet étant finalement l’élimination de certains salariés par leurs collègues tout en obtenant des garanties quant à la docilité et au conformisme des « survivants ». Des observateurs entendus par la section ou le rapporteur (le docteur Pellet, médecin-conseil du MEDEF, les représentants de l’Association nationale des cadres de la fonction personnel) considèrent ces situations comme minoritaires lorsqu’elles sont rapportées à l’ensemble des cas de harcèlement. Sans doute ont-ils raison. Toutefois, lorsqu’elles sont révélées, de telles stratégies frappent par leur ampleur: ceux VF les mettent en œuvre parviennent à obtenir la soumission de nombreux salariés, à obtenir le silence autour de ces méthodes et à faire, de manière simultanée, de nombreuses victimes.

QQ QR cite le cas d’un groupe pétrolier en restructuration VF organisait, il y a une dizaine d’années, les mutations fonctionnelles et géographiques de son personnel en déclarant dans chaque équipe le nombre d’excédentaires puis, elle laissait le personnel concerné « mijoter » pendant cinq ou six mois. Ce procédé déstructurait les collectifs de travail et favorisait les pressions individualisées pouvant aller jusqu’à la persécution. Un autre exemple plus récent […] concerne une grande entreprise du secteur

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de l’économie sociale dans laquelle l’introduction, sur l’initiative d’un nouveau directeur général, de nouvelles méthodes de management consistant, notamment, à envoyer les cadres du siège plusieurs jours par semaine dans les agences commerciales avec des objectifs mal définis, mais en doublon avec les responsables desdites agences, a largement contribué à désorganiser les équipes et à entretenir une atmosphère délétère au sein de l’encadrement. Dans le même temps, le directeur général, avec l’aide de quelques cadres dirigeants, cultivait une attitude agressive et insultante vis-à-vis des personnels du siège. Dans ce cas, la soumission et le silence des salariés sont particulièrement frappants puisque le processus s’est développé entre 1991 et 1999. La peur du chômage aurait joué un rôle essentiel et aurait longtemps empêché une réaction organisée des salariés. Il était d’autant plus difficile de réagir que l’entreprise jouissait, dans le X, d’une image positive, « socialement correcte ». Un conflit collectif a finalement provoqué le rappel, par le groupe, du directeur général » (page 22 de l’avis).

Et le Conseil économique et social lui-même, dans la définition du harcèlement moral qu’il propose, vise « Une ou plusieurs victimes », locution au sujet de laquelle il fait le commentaire suivant : « si le harcèlement moral au travail atteint, le plus souvent, une seule personne VF devient la cible des agissements d’un seul ou de plusieurs auteurs, il n’est pas rare que le processus vise en même temps plusieurs victimes. C’est alors souvent le cas d’une stratégie globale pour imposer de nouvelles méthodes de management, pour obtenir la démission de personnels dont les caractéristiques (par exemple, l’âge) ne correspondent pas aux « besoins » de l’entreprise. Il peut s’agir aussi d’un comportement individuel abusif de l’employeur » (page 61).

Il ressort de ces extraits, que dès 2000-2001, tant la dimension institutionnelle ou stratégique du harcèlement morai qu’une pluralité de victimes ont été envisagées et elles n’ont pas été exclues par le législateur.

Il est à noter que cette qualification de managérial ou institutionnel ne vise pas l’identité de la victime mais la motivation harcelante de l’auteur des faits.

Une telle qualification permet, d’une part, de mieux saisir et sanctionner la mise en place collective des agissements, en ce qu’elle peut émaner d’un dirigeant, d’une équipe dirigeante ou de responsables managériaux, d’autre part,

d’incriminer la portée des répercussions de ces agissements sur la collectivité des agents concernés ou sur une personne ciblée dans ce collectif de travail.

2- L’état de la jurisprudence pénale et sociale

2-1. En droit du travail, consécration du harcèlement moral managérial depuis l’arrêt de la chambre sociale du WO novembre 2009 HSBC WV

C’est avec l’arrêt du WO novembre 2009 HSBC WV (n°07-45.321) que la chambre sociale de la Cour de cassation a ouvert plus largement la qualification de harcèlement moral en considérant que n’y faisait pas obstacle le caractère collectif, au sens où il concerne une collectivité de personnel et non un ou quelques individus particuliers VF la composent : « Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entrainer une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (…) que la cour d’appel a relevé que le directeur de l’établissement soumettait les salariés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre-ordres dans l’intention de diviser l’équipe se traduisant, en ce VF concerne M. X…, par sa mise à l’écart, un mépris affiché à son

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égard, une absence de dialogue caractérisée par une communication par a

l’intermédiaire d’un tableau, et ayant entraîné un état très dépressif; qu’ayant constaté que ces agissement répétés portaient atteinte aux droits et à la dignité du salarié et altéraient sa santé, elle a ainsi caractérisé un harcèlement moral, quand bien même l’employeur aurait pu prendre des dispositions en vue de le faire cesser » (n°07-45.321, Bull. 2009, V, n° 247).

La jurisprudence sociale est depuis constante, tel cet arrêt du 1er mars 2011

(n°09-69.616, Bull. 2011, V, n° 53): « L’employeur étant tenu envers ses salariés

d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral lequel peut résulter de méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique sous certaines conditions et devant, par ailleurs, répondre des agissements des personnes VF exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés, doit être cassé l’arrêt VF, pour rejeter une demande de réparation pour harcèlement moral, retient que ce harcèlement ne peut résulter ni de contraintes de gestion ni du pouvoir d’organisation et de direction de l’employeur et que l’auteur désigné du harcèlement n’est pas employé par la société, n’a aucun lien hiérarchique et n’exerce aucun pouvoir disciplinaire sur le salarié se prétendant victime d’un tel harcèlement »>.

A cet égard, il convient de relever l’évolution de la jurisprudence VF qualifie désormais l’obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, d’obligation de moyen renforcée, et non plus de résultat : cela signifie que l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en justifiant qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés (Soc. 25 nov. 2015 Air WV n°14-24444).

Ainsi, pour la chambre sociale, le harcèlement moral ne doit pas nécessairement concerner un seul salarié, et les méthodes de gestion et l’exercice du pouvoir

d’organisation et de direction de l’employeur peuvent être examinés sous le prisme du harcèlement moral lorsque les pratiques managériales délibérées impliquent la désorganisation du lien social touchant l’ensemble du personnel, portent atteinte à la dignité des personnes et ont pour effet de dégrader les conditions de travail.

1-2. En droit pénal, reconnaissance du harcèlement managérial avec l’arrêt de la chambre criminelle du 21 juin 2005 (04-87.767- société de lutherie)

La chambre criminelle condamne également, sur le fondement de l’article

222-3-2 du code pénal, certaines méthodes brutales de gestion depuis un arrêt du 21 juin 2005 (n° 04-87.767), confirmant l’arrêt de la cour d’appel VF avait relevé diverses décisions touchant à l’organisation générale du travail dans une société de lutherie ainsi que des actes isolés à l’égard de certains salariés, et VF avait estimé que l’ensemble de ces faits, ayant été perçus tant individuellement que collectivement, avaient dégradé les conditions de travail des salariés.

Comme l’écrit le Conseil économique et social dans son avis, « la relation au pouvoir est toujours posée en cas de harcèlement moral au travail, qu’il s’agisse du pouvoir institutionnel lui-même VF veut imposer coûte que coûte ses orientations et ses décisions stratégiques (en laissant au bord du chemin ceux VF ne rentreraient pas dans le moule) mais aussi pouvoir personnel, dès lors que le harceleur pourrait imaginer une éventuelle mise en cause par un collègue ou un subordonné. Dans les deux cas, il s’agit en fait de la mise en œuvre pervertie du pouvoir VF se transforme alors en un instrument de soumission de persécution de l’autre, mettant en cause ses droits fondamentaux et le respect VF lui est dû » (page 50).

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Soit ce pouvoir «managérial » est exercé dans une limite raisonnable et le harcèlement est rejeté, soit le prévenu a outrepassé les limites de ce pouvoir de direction ou en a abusé et l’on retiendra la qualification.

Les juges sont vigilants pour ne pas confondre harcèlement et exercice d’un pouvoir de direction. Ainsi, dans l’arrêt de la chambre criminelle du 2 septembre 2014 (n°WP-81.626) visé par la défense des prévenus, un responsable hiérarchique était accusé de harcèlement moral par une subordonnée, occupant elle-même un poste de directeur. La relaxe confirmée repose sur le fait que l’exercice du pouvoir de direction, VF peut impliquer une certaine rudesse, n’est pas nécessairement une manifestation d’un acte de harcèlement.

Cette exigence était due à des critères objectifs précis tenant à la direction d’un service important composé essentiellement de directeurs de service, à la nécessité d’utiliser un ton directif et des méthodes managériales de suivi assez exigeantes comme une multiplicité de courriels contenant injonctions, récapitulatifs d’objectifs.

Plus précisément, les juges utilisaient le concept de « pouvoir de contrôle » du responsable hiérarchique VF est apparu pour ces derniers comme normal même s’il était exercé maladroitement. Dans la même optique, la jurisprudence précise qu’il ne faut pas confondre harcèlement moral et pouvoir de direction même s’il est autoritaire et peut entraîner du stress au travail.

3- L’abus de pouvoir

Comme l’a précisé à l’audience le médecin psychiatre Ch ristophe AZ, «toute organisation du travail est une méthode de gouvernem ent » (NA WO/5/219, page 39).

Déjà, en 2001, dans le rapport du Conseil économique et social, M. QQ QR membre de l’Agence régionale des conditions de travail (ARACT) de l’Ile-de WV soulignait que tous les problèmes d’organisation à l’origine de ces pratiques litigieuses ne pouvaient être assimilés à des défaillances. Selon lui, il faut distinguer des cas de harcèlement dans lesquels le management est délibérément impliqué dans la désorganisation du lien social, du management dit ambivalent dans lequel la direction déplore voire condamne les persécutions mais dont les choix de gestion favorisent des conflits internes dans le personnel et le harcèlement moral (page 20).

Depuis, de nombreux arrêts ont mis en avant des propos ou comportements entrant dans les contours du harcèlement moral au travail. Cette jurisprudence fournie dans le cadre d’un harcèlement individuel comme collectif sera examinée (3-1) pour voir en quoi ils outrepassent l’exercice raisonnable du pouvoir de direction, voire révèlent des modes d’organisation pathogènes, sachant que le juge a l’obligation de rechercher cet abus (3-2).

3-1. Excès dans l’exercice du pouvoir de direction dans le cadre d’un harcèlement individuel ou l’excès dans le pouvoir d’organisation managériale dans le cadre d’un harcèlement collectif

Pour être pénalement répréhensibles, les actes d’un employeur doivent être des actes étrangers à l’exercice de ses pouvoirs de direction et de contrôle, ne pas relever pas de l’exercice de ses obligations légales de chef d’entreprise, ou l’outrepasser par des moyens disproportionnés et injustifiables.

Si, dans le réquisitoire définitif signé le 22 juin 2016 sont déjà cités trois arrêts du 14 mai 2013 relatifs à un exercice abusif du pouvoir normal de direction et de contrôle (n°11-88663, 12-81,743, 12-82362), méritent d’être signalés, au regard des arguments évoqués par la défense, d’autres arrêts postérieurs et mentionnés,

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مسلمة الله notamment, dans un article de la revue AJ Pénal 2016 (page 351) sous la plume de CM XG-XH, VQ à Aix-Marseille.

En effet, cet auteur évoque des arrêts VF ont retenu des cas nouveaux d’excès dans l’exercice du pouvoir de direction caractérisant un harcèlement moral individuel, tel « la pénibilité extrême des conditions de travail (par exemple des salariés tenus d’interrompre leur repas pour se mettre au service de la clientèle et de travailler en hiver dans des locaux ouverts aux quatre vents – Crim. 12 mai 2015, n° 12-86.776).

Un arrêt de la Chambre criminelle du 26 janvier 2016 (Crim. 26 janv. 2016, n° 14

80.455, D. 2016. 316; RSC 2016. 71, obs. Y. Mayaud) a aussi mis en avant le concept de mise à l’isolement (Sur lequel, v. déjà, Crim. 6 déc. 2011, n° 11-80.226), proche du nouveau concept de sociologie du travail de « bore out » en soulignant que les agissements répétés consistant dans une mise à l’isolement ont eu pour conséquence la dégradation des conditions de travail de la victime pouvant porter atteinte à son intégrité physique et psychologique. Il est d’ailleurs précisé dans cet arrêt que pour constituer le harcèlement moral, il n’est pas nécessaire qu’un agissement de même type, à savoir la mise à l’isolement VF a perduré, soit conforté par d’autres agissements de nature différente et que ces agissements aient dès l’origine pour objet ou effet d’attenter à la dignité. Mais il faudra toujours prouver le caractère répété des actes, le délit de harcèlement moral ne pouvant être retenu en présence d’un acte isolé

(Montpellier, 4 févr. 2010, 3e ch. corr., audience publique du 4 févr. 2010, RG 09/01535). Sont aussi mises en avant, dans un arrêt de la chambre criminelle du 14 avril

2015 (Crim. 14 avr. 2015, n° WP-87.925), les irrégularités répétées de la procédure en matière disciplinaire consistant dans le refus d’assistance d’un membre du personnel ou d’un délégué syndical pour un entretien quasi disciplinaire, la durée inusitée de deux heures pour un entretien d’explication ou encore la multiplication des entretiens informels '>.

Mais cet article recense aussi des arrêts mettant en cause une véritable organisation managériale, des excès dans le pouvoir d’organisation managériale dans le cadre d’un harcèlement collectif. Ainsi, la chambre criminelle a approuvé dans un arrêt du 8 septembre 2015 (Crim. 8 sept. 2015, n° 14-83.869) la motivation selon laquelle « s’il n’appartient pas à la juridiction de remettre en cause le pouvoir de direction de l’employeur ni de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise, le harcèlement moral peut néanmoins provenir d’un mode d’organisation ou d’un management VF méconnaît l’obligation de sécurité de résultat incombant à

l’employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans

l’entreprise ». Et si, suite à l’infléchissement de la chambre sociale évoqué précédemment, l’obligation de sécurité n’est plus de résultat mais de moyen renforcée, elle demeure.

De même, le harcèlement peut se traduire par des restructurations internes VF ont pour conséquence de mettre à l’écart une employée, comme le souligne un arrêt de la chambre criminelle du 1er décembre 2015 (n° 14-85.059) VF précise que

« l’implication de l’institution dans des faits de harcèlement résulte de la succession et la convergence d’éléments, sur une période de trois ans, […] alors que l’employeur ne pouvait ignorer la dégradation de la situation ; qu’elle se déduit également des choix administratifs et organisationnels maintenus en dépit des difficultés relationnelles au sein de l’équipe de la direction et de ses rejaillissements dans le climat global et que le processus mis en place s’orientait vers la validation d’une procédure de licenciement pour faute effectivement poursuivie jusqu’à son aboutissement ».

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3-2. L’obligation de rechercher un éventuel abus de pouvoir

Même dans des cas d’éventuelle insuffisance professionnelle du salarié,

l’exigence de vérification d’un usage normal du pouvoir de direction demeure pour la chambre criminelle « Ne justifie pas sa décision la cour d’appel VF, saisie de poursuites du chef de harcèlement moral d’une secrétaire générale par un président d’une communauté de communes, prononce la relaxe du prévenu, sans rechercher si les faits poursuivis, dont elle a admis qu’ils constituaient un comportement inadapté,

n’outrepassaient pas, quelle qu’ait été la manière de servir de la partie civile, les limites de son pouvoir de direction et ne caractérisaient pas des agissements visés par l’article 222-33-2 du code pénal. » (Crim., 27 mai 2015, n° 14-81.489, Bull. crim.

2015, n° 129).

Ainsi, la frontière entre harcèlement moral et (ré) organisations stressantes peut paraître délicate à déterminer s’il existe un indiscutable pouvoir général d’organisation du chef d’entreprise, ce dernier doit l’exercer dans le respect dû à tout salarié et dans des conditions normales. S’il peut exister des souffrances liées à des déséquilibres ou des désajustements de l’organisation, doivent être réprimées les politiques pathogènes se caractérisant par une forme de déconsidération systémique d’un ou des membres de la collectivité des salariés.

4- Une politique d’entreprise au coeur du harcèlement moral institutionnel La locution < politique d’entreprise » nécessite quelques développements compte tenu de sa place centrale dans la prévention. En effet, selon celle-ci, il est reproché à quatre des huit prévenus, en qualité de dirigeants à titres divers de la société WV

Télécom SA, d’avoir mis en place « une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène». Et, comme tous l’ont régulièrement déclaré aux audiences, il n’existe aucun lien professionel direct entre les sept prévenus personnes physiques d’une part, et les 39 victimes nommément visées dans la prévention d’autre part. Ils ne se connaissaient pas et n’ont jamais travaillé ensemble.

Ainsi, si les visées de la politique d’entreprise telles que qualifiées par la prévention ne peuvent être infirmées ou confirmées qu’à l’issue de l’examen des faits eux-mêmes, il importe néanmoins d’éclairer cette expression de politique d’entreprise, tant d’un HT de vue juridique (4-1), que d’un HT de vue sémantique selon les prévenus, afin de lui donner le sens que le tribunal retiendra dans le présent dossier

(4-2).

4-1. La notion d’entreprise et l’éclairage récent de la loi PACTE

Il est intéressant de relever que, dans son avis de 2001, le Conseil économique et social évoquait déjà, explicitement et précisément, outre le harcèlement moral managérial, un « harcèlement collectif, professionnel ou institutionnel, VF s’inscrit dans une véritable stratégie du management pour imposer de nouvelles règles de fonctionnement, de nouvelles missions ou de nouvelles rentabilités.

On comprend que le harcèlement moral pourra alors se développer au moment de restructurations, de fusions-absorptions des entreprises privées ou de changement

d’orientation managériale.

Dans ces occasions, les résistances syndicales (sous la forme de créations de sections d’entreprise) pourront être la cible de ce type de comportements. Dans les services, et notamment les services publics et dans les structures associatives, ce harcèlement institutionnel pourra se développer à l’occasion d’une remise en cause des missions, ou en tout cas d’une contradiction possible entre les missions affichées et les moyens mis en œuv source d’incompréhensions de la part

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de certains agents, souvent de ceux VF avaient le plus investi dans leur métier (sur le plan personnel ou de la représentation sociale qu’ils s’en faisaient). On voit ainsi que l’on ne peut détacher la réflexion sur le harcèlement moral au travail de celle du pouvoir sur le lieu de travail, et plus profondément de l’organisation du travail lui-même.» (page 52).

4-1-1. Le but d’une société et son objet social

Les dispositions du code civil sont le socle du droit commun des sociétés civiles et commerciales. Selon M. AR QT, la société n’est pas un concept juridique, mais un instrument de référence se prêtant à toutes les conjonctures (A. QT,

< Groupes de sociétés et paradigme de l’entreprise », RTD com. 1985. 621).

Selon l’article 1832 du code civil, « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes VF conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie VF pourra en résulter. Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes. »>

L’article 1833 du code civil énonçait, dans sa rédaction antérieure à la loi PACTE

n°2019-486 du 22 mai 2019, que « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés ».

Il ressort ainsi de ces définitions du code civil que le principal but d’une société est le partage de bénéfice ou le profit de l’économie. Nul n’entre en société sans l’intention de rechercher un avantage économique, c’est la cause d’une société (Droit des sociétés, LexisNexis, 30ème édition, propos introductifs). En effet,

l’article 1833 ancien exprime clairement que l’objectif d’une société est l’intérêt pécuniaire des associés, la recherche et le partage du profit entre associés. Le statut d’associés confère par définition le pouvoir de décider librement de rechercher le profit le plus élevé (cet objectif est aussi bien licite que légitime) ou, au contraire, de renoncer à la maximisation de ce profit. Une société, en tant que telle, organise le pouvoir en le répartissant. Ainsi, elle est gérée par les dirigeants VF organisent la production et la vente de biens ou services, les associés déterminent les orientations VF vont ensuite guider l’action des dirigeants.

Ces articles 1832 et 1833 du code civil PU l’objet de débats anciens et récurrents.

Les principales critiques apportées à ces textes visent en particulier la définition apportée à la finalité d’une société. Il est ainsi, de manière classique, reproché à l’approche consacrée par les textes de ne faire aucune référence à l’intérêt social. Pour les détracteurs, une société exploitant une entreprise doit contribuer à la recherche

d’une croissance génératrice, non seulement de profit, mais également de bien-être et de progrès. Dès lors, une société se doit d’oeuvrer dans le sens de la satisfaction de

l’intérêt commun, englobant l’intérêt des associés mais aussi des salariés et des communautés affectées par son activité (D. SCHIMDT, « La société et l’entreprise »,

D. 2017, p. 2380).

Le but de la société, consistant donc à partager les résultats issus de l’activité de la société, se distingue néanmoins de l’objet social. Une société a un but social unique mais peut avoir des objets sociaux divers, car résultant de la liberté des associés.

L’objet social d’une société se définit comme le projet commun des salariés, figurant dans les statuts. Il détermine le champ d’action de la société ou du groupement, ainsi que celui de ses représentants légaux (Droit des sociétés, Précis DOMAT, Droit des

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sociétés, 7ème édition, LGDJ Lextenso).

En l’espèce, l’objet social de la société anonyme WV Télécom (dénommée

ORANGE à compter du 1er juillet 2013), est selon l’extrait de son Kbis, < les activités liées aux télécommunications filaires » (D2805, D2951/3 à 6).

C’est cette notion d’objet social VF est venue prendre une autre ampleur avec l’entrée en vigueur de la loi PACTE.

4-1-2. La notion d’intérêt social introduite par la loi PACTE

L’un des objectifs de la loi PACTE (Projet d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, n° 2019-486 du 22 mai 2019, JO 23 mai), dont

l’ambition affichée est de penser un modèle d’entreprise pour s’adapter aux réalités du XXIème siècle, est d’apporter de nouvelles précisions concernant l’objectif d’une société. La principale nouveauté réside en ce qu’elle introduit la notion d’intérêt social et les nouveaux enjeux sociaux et environnementaux.

La notion d’intérêt social de l’entreprise, née de la jurisprudence et régulièrement utilisée depuis, est consacrée désormais à l’alinéa 2 de l’article 1833 du code civil : « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité »> .

L’étude de l’intérêt social de l’entreprise doit ainsi se faire à l’aune de la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux.

Si plusieurs auteurs soulignent la portée très symbolique de la réécriture de cet article 1833 dans le but de redonner une perspective à la société, certains y voient une importance pratique immédiate. En effet, avec cette nouvelle précision de l’article 1833 du code civil, quand bien même la décision sociétaire n’a pas à satisfaire un intérêt autre que celui de la société, le fait de devoir prendre en considération

l’impact des décisions de la société sur les enjeux sociaux et environnementaux oblige les organes sociétaires à intégrer ces impacts dans leur processus de décision. L’analyse de l’impact social ou environnemental de la décision sociétaire est désormais obligatoire.

Il ressort du rapport n° 1237 de la commission spéciale de l’Assemblée nationale, du 15 septembre 2018, que le non-respect de cette obligation à la charge de l’entreprise pourrait constituer une faute de gestion. En effet, la non-prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux pourrait être fautive même si la décision finale prise par la société est conforme à son intérêt social (EY QU, VQ à l’école de droit de la Sorbonne, Bulletin Joly Sociétés – n°06 – page 40,

< De l’intérêt social à la raison d’être des sociétés »).

Parallèlement à cette modification au sein du code civil, un ajout similaire est opéré dans le code de commerce aux articles L. 225-35, alinéa 1 , et L. 225-64, alinéa

1. En effet, ces articles relatifs aux pouvoirs du conseil d’administration et du directoire prévoient désormais que la société doit être gérée dans son intérêt social en prenant en considération ses enjeux sociaux et environnementaux. La référence à la gestion ne laisse pas de doute quant à son application aux dirigeants sociaux.

Par ailleurs, l’article 1835 du code civil a été également complété par la loi

PACTE de la façon suivante : «Les statuts doivent être établis par écrit. Ils déterminent, outre les apports de chaque associé, la forme, l’objet, l’appellation, le siège social, le capital social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement. Les statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité »

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On ne saurait déduire de la localisation du délit de harcèlement moral dans le TM du code pénal consacré aux atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne, une raison d’en réduire la portée à une individualité, comme le soutient la défense de la société WV Télécom. En effet, d’autres incriminations telles que le trafic de stupéfiants ou la vente d’armes, VF n’ont pas de victime (directe), PU également partie du même TM.

Mais il est vrai que, très fréquemment, l’infraction pénale provoque un trouble social, mais aussi un dommage corporel, matériel ou moral à une personne. Elle donne alors naissance, en plus de l’action publique, à l’action civile, action privée destinée à obtenir réparation du préjudice subi par la partie lésée et emporte à ce titre condamnation à des dommages-intérêts.

En application de la règle exprimée à l’article 464 du code de procédure pénale, les tribunaux correctionnels ne sont compétents pour connaître de l’action civile en réparation du dommage né d’une infraction intentionnelle qu’accessoirement à l’action publique. Il en résulte qu’ils ne peuvent se prononcer sur l’action civile qu’autant qu’il a été préalablement statué au fond sur l’action publique (Crim., WP nov. 2002, n° 02 85.067).

Concernant l’existence ou la définition de la victime dans l’incrimination de harcèlement moral au travail, il existe une confusion VF a brouillé toutes les étapes du procès, des conclusions in limine litis aux plaidoiries au fond, voire celle de l’instruction (irrecevabilités, non-lieux partiels), du fait de la mise en cause d’une politique d’entreprise dans le présent dossier.

C’est à tort qu’est fait l’amalgame entre l’application des règles de fond relatives à la définition de l’incrimination (interprétation stricte, principe de légalité, etc), et l’application des règles de l’action civile, qu’il s’agisse de la recevabilité d’une constitution de partie civile ou de son bien-fondé. Formulée d’une autre façon, il y a eu confusion entre la caractérisation des agissements, s’agissant de leur nature et preuve, et leur lien éventuel avec le dommage qu’un salarié ou une collectivité professionnelle pourrait subir.

Or, du fait de la mise en cause de cette politique d’entreprise, par essence globalisante, structurante, mais aussi à cause de la branche de l’alternative portant sur des « agissements ayant pour objet » prévue par le législateur, il faut distinguer la victime dans l’incrimination, et la victime de l’incrimination. Il faut distinguer les critères de détermination de la cible du harcèlement moral au travail, individuelle ou collective, prise en considération dans la caractérisation de l’infraction, de ceux VF régissent la recevabilité de l’exercice de l’action civile pour la victime de l’infraction. La première, la victime dans l’incrimination, uniquement personne physique, peut être individuelle ou plurielle, nommément désignée ou non, réelle ou potentielle.

Mais elle doit satisfaire la double exigence rappelée par l’arrêt du 20 mars 2019

(Crim., 20 mars 2019, […]. La seconde, la victime de l’incrimination, personne physique ou personne morale sous certaines conditions légales, doit être identifiée, dénommée, recevable et prouver le lien direct entre les faits établis et le dommage qu’elle allègue. En d’autres termes, si une personne doit être repérable et identifiable comme victime « pénale » du harcèlement moral au travail découlant d’une politique d’entreprise qualifiée de harcelante, elle ne doit être identifiée que pour devenir une partie civile.

Par conséquent, si la « détermination », pour reprendre le substantif utilisé par la Cour de cassation dans nombre de ses arrêts en matière de harcèlement moral au travail, d’une victime de ce délit fondé sur une politique d’entreprise doit être faite, elle

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peut être identifiée ou identifiable, dénommée ou non dénommée, en raison de cette politique.

Aussi, après avoir examiné les raisons pour lesquelles il suffit que la victime dans l’incrimination soit déterminée et identifiable (1), seront abordées les raisons pour lesquelles la victime VF veut se constituer partie civile de l’incrimination de harcèlement moral au travail doit être dénommée (2).

1- La victime dans l’incrimination de harcèlement moral au travail : la détermination de la victime au titre de l’incrimination ou la problématique du « notamment » figurant dans la prévention : une personne individuelle ou une catégorie de personnes concernées par les agissements

La défense des prévenus soutient que l’adverbe « notamment » VF figure dans la prévention juste avant la liste de 39 personnes nommément désignées, ne peut permettre à d’autres personnes que ces 39 de se constituer partie civile ; que les faits concernant les personnes VF se sont constituées partie civile après la clôture de l’information sont différents de ceux dont le tribunal est saisi se fondant sur l’arrêt du 4 octobre 2016 sur la mise en examen (« personne déterminée »), sur la saisine in rem, sur les mises en examen supplétives et sur trois non-lieux partiels auxquels les magistrats instructeurs ont procédé et sur certains d’arrêts ( Crim. 17 février 2009 n° 89-83927; Crim. 25 fév. 2014, n° 12-88.201 ; Crim., 19 juin 2018, n°17-84-485).

Notamment, M. AP expose dans ses écritures (page 104) : « Cette conception découle des termes mêmes du texte d’incrimination VF, en vertu du principe d’interprétation stricte, ne peut être interprété de manière extensive au détriment du justiciable. Or, son esprit et sa lettre visent une interaction directe entre un auteur harcelant et sa victime : ainsi l’expression « agissements répétés » renvoie à

< la réitération d’actes insistants provenant toujours de la même personne et toujours orientés contre la même victime, mais sans que ces agissements soient nécessairement identiques » citant Le Lamy droit pénal des affaires.

Il a déjà été constaté que la situation d’une « interaction directe entre un auteur harcelant et sa victime » n’est pas la seule susceptible de tomber sous le coup de l’incrimination du harcèlement moral au travail le législateur ayant prévu un harcèlement moral institutionnel au travail.

Certes, la victime doit être « déterminée », mais il suffit qu’elle soit identifiable, et non identifiée pour les raisons exposées ci-après. La condition nécessaire, mais suffisante, d’une détermination, et non d’une « dénomination », doit néanmoins répondre à deux critères, comme le rappelle un arrêt récent de la chambre criminelle une appartenance à une « catégorie » précise et précisée susceptible de « souffrir »> directement de l’ensemble des éléments constitutifs du délit, et la preuve de cette appartenance.

1-1. Une possibilité cohérente avec certains éléments déjà évoqués 1-1-1. Le cadre pénal et non social (pas de condition préalable d’un litige relatif au contrat de travail)

Si le cadre professionnel est impératif, la condition préalable d’un litige, individuel et relatif à l’exécution du contrat de travail, n’est pas nécessaire à la constitution de l’incrimination pénale, à la différence du contentieux du travail.

Le cadre pénal permet de protéger la collectivité de travail, au-delà des éventuels effets pathogènes des agissements harcelants sur la victime elle-même, collectivité victime de leurs conséquences « par ricochet», puisqu’au travail, la victime fait forcément partie de cette collectivité, pour en être membre, pour y tenir un rôle actuel et futur.

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Et, en visant une politique d’entreprise, il s’agit d’assurer une certaine qualité de l’environnement de travail, des conditions de travail dignes, non pour un seul agent, mais pour l’entité virtuelle de la collectivité professionnelle, ensemble d’entités individuelles.

1-1-2. Le caractère formel de l’incrimination (pour objet)

Compte tenu de son caractère «< hybride » déjà évoqué (agissements ayant pour objet ou pour effet- HT II-3-2.), le harcèlement moral au travail permet la répression même sans dégradation effective, donc sans victime identifiée. C’est sa « portée préventive » comme l’a indiqué M. FL BC à la barre du tribunal.

S’agissant d’une politique d’entreprise à visée harcelante VF serait à l’œuvre dans le présent dossier, cette approche des « agissements ayant pour objet » peut trouver à s’appliquer.

Et, cette politique d’entreprise ayant vocation à structurer tout ou partie de l’activité de travail, elle peut avoir comme cible une collectivité, un service ou une typologie d’agents, soit une somme d’entité individuelles, VF ne sont pas préalablement et nommément désignées tout en étant déterminées.

Dès à présent, il importe de souligner que cette situation d’éventuelle absence de dégradation, s’il est établi que la politique d’entreprise avait bien cette visée harcelante, sera à concilier avec les exigences textuelles relatives à l’action civile VF posent la réparation de « tous les chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, VF découleront des faits objets de la poursuite », en application de l’article 3 du code de procédure pénale. Ainsi, même dans le cas d’une dégradation potentielle, doivent être réparés les dommages découlant des faits dont le tribunal est saisi, si les dommages invoqués sont directs, certains et personnels.

Ce sujet de la réparation d’un préjudice en cas de dégradation potentielle sera évoqué dans la dernière partie, relative à l’action civile.

1-1-3. Une évolution jurisprudentielle favorable à la reconnaissance du harcèlement moral au travail institutionnel

Comme déjà indiqué ci-dessus, la chambre criminelle (21 juin 2005 04-87.767 société de lutherie) a, dès 2005, retenu la qualification de harcèlement moral pour des pratiques < collectives » d’un employeur, soulignant que les agissements reprochés à ce dernier avaient revêtu « cumulativement un caractère individuel et collectif »>. Elle a considéré que les deux se superposaient et alternaient, pour écarter la critique formulée par l’employeur selon laquelle l’infraction de harcèlement moral ne pourrait exister qu’à l’encontre d’une ou plusieurs personnes déterminées et exigerait que soient constatées à l’égard de chacune de victimes la répétition des agissements poursuivis et la volonté de l’agent de dégrader leurs conditions de travail ainsi que sa conscience des conséquences possibles de ses actes sur les droits, la dignité, la santé psychique ou mentale ou l’avenir professionnel de chacune des victimes. La motivation de la cour d’appel est intéressante, dans le cadre du présent dossier, en ce qu’elle précise : « qu’ainsi le comportement d’DV X était, selon les cas, perçu collectivement avant d’être individualisé ou au contraire ressenti individuellement avant d’être appréhendé de façon mutualisée, les exactions et tracasseries VF dépassaient largement le pouvoir de direction du chef d’entreprise subies par l’un étant nécessairement ressenties par les autres comme un élément

d’aggravation progressive d’un contexte collectif subi individuellement que ces différents agissements ont eu indiscutablement au vu des pièces produites non seulement pour objet mais aussi pour effet de dégrader les conditions de travail des salariés et la santé mentale et physique de ceux-ci, tous présentant une grande anxiété vis-à vis de leur travail et certains dont M et B ayant développé des pathologies '>.

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Et si les arrêts cités par les prévenus, au demeurant non publiés au Bulletin par la chambre criminelle, sont postéricurs, ils portent sur des relations exclusivement interpersonnelles, non sur un harcèlement moral découlant de pratiques managériales ou d’une politique.

En revanche, c’est une solution se situant dans le prolongement de celle de 2005, que la chambre criminelle a retenue dans l’arrêt Euronext du 5 février 2013

(n° 11-89125): en l’espèce non seulement le supérieur hiérarchique direct de la victime a été déclaré WN de harcèlement moral au travail, mais aussi le chef du service concerné au niveau du groupe des sociétés, compte tenu de l’organisation transversale mise en place au niveau des différentes sociétés pour les fonctions support, et de ses incidences sur les attributions du cadre victime.

Enfin, dans le présent dossier la chambre criminelle a déjà statué à deux reprises au stade de l’instruction.

Certes, dans l’arrêt du 4 octobre 2016, elle a cassé l’arrêt de la chambre de

l’instruction, en date du 5 février 2016, VF n’avait pas fait droit à la demande de nullité des deux mises en examen de M. AS et de Mme AK pour complicité de harcèlement moral au motif qu’une personne ne peut être mise en examen du chef de harcèlement moral qu’à l’égard « d’une ou de plusieurs personnes déterminées » et qu’en conséquence la chambre de l’instruction aurait dû « rechercher, pour chacun des salariés en cause, s’il existait à l’encontre des mis en examen des indices graves et concordants d’avoir été complices d’un harcèlement moral à l’égard de ces derniers » (D4138).

Et, au sujet de la complicité, la chambre de l’instruction dans sa formation de renvoi, a dit, dans l’arrêt en date du 23 novembre 2017 : « il est indifférent, au sens de

l’article 222-33-2 qu’un pouvoir hiérarchique ou un lien d’autorité existe entre la personne poursuivie et la victime ; néanmoins, en l’absence d’un tel lien, des faits personnels et positifs peuvent, le cas échéant, être imputés à la personne poursuivie, sous la qualification de complicité, dès lors qu’ils ont contribué, en connaissance de cause, à la réalisation du fait principal au préjudice de salariés du groupe» (D4149). Mais, dans l’arrêt rendu le 5 juin 2018 (n°17-87.524), la chambre criminelle a confirmé cette analyse, et rejeté le pourvoi VF critiquait la chambre de l’instruction en ce qu’elle avait seulement constaté que les faits de complicité de harcèlement moral avaient été générateurs « d’un climat d’insécurité pour tous les salariés » sans nommer les salariés. Ainsi, pour les complices, la chambre criminelle s’attache à la caractérisation des actes d’aide ou d’assistance, sans rapport avec les victimes.

Ces exemples jurisprudentiels rappellent que, dans le cadre professionnel, les décisions d’organisation peuvent devenir harcelantes.

1-2. Le choix du terme « autrui » par le législateur

Il convient de relever que la seule distinction VF demeure entre la définition du code du travail et celle du code pénal, est que le premier désigne comme victime le

< salarié », et le second < autrui ».

Du choix, par le législateur dans le texte d’incrimination, du pronom indéfini « autrui », et de l’imprécision de ce terme, il découle l’absence de limite quant à un éventuel plafond numéraire : car, selon les dictionnaires, « autrui » peut être « toute personne autre que soi-même », ou un « ensemble de personnes autres que soi-même ».

De cette double acception, individu ou collectivité, il résulte que la victime

d’un harcèlement moral au travail peut être une individualité comme un ensemble d’individualités, la seule condition tenant à la victime, singulière ou

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plurielle, étant son appartenance à un cadre de travail et l’articulation de faits précis et perpétrés visant cette collectivité.

Aucune précision sur la victime n’est donnée par le texte, le législateur et la jurisprudence n’exigeant même pas une relation hiérarchique entre victime et auteur, et la victime (comme l’auteur), pouvant indifféremment être des salariés de droit privé ou des fonctionnaires.

Le législateur ne s’est donc pas attaché à délimiter la définition de cette victime. Il ne donne aucun critère, encore moins d’éventuelle circonstance ag gravante tenant à son état.

Compte tenu de ce flou, le mot « autrui », tout comme la jurisprudence, rendent possible la prise en compte d’une victime < collective », déterminée en ce qu’elle est identifiable mais non dénommée.

1-3. L’indifférence de l’attitude de la victime

Enfin, comme argument à l’appui de cette « indifférence » à l’égard de la victime, il convient de relever que, selon la jurisprudence, les juges du fond doivent rechercher si les faits poursuivis caractérisent les agissements tels que visés par l’infraction de harcèlement moral au travail, sans prendre en comportement de la victime. ompte l’influence du

Ainsi, dans un arrêt du 27 mai 2015, la chambre criminelle a jugé : « Ne justifie pas sa décision la cour d’appel VF, saisie de poursuites du chef de harcèlement moral d’une secrétaire générale par un président d’une communauté de communes, prononce la relaxe du prévenu, sans rechercher si les faits poursuivis, dont elle a admis qu’ils constituaient un comportement inadapté, n’outrepassaient pas, quelle qu’ait été la manière de servir de la partie civile, les limites de son pouvoir de direction et ne caractérisaient pas des agissements visés par l’article 222-33-2 du code pénal » (n° 14-81.489, Bull. crim. 2015, n°129, D. 2015. 2465, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi et S. Mirabail ; Dr. soc.2016. 34, chron. R. Salomon).

Les juges du fond n’ont donc pas, lorsque l’employeur avance des arguments destinés à

< excuser » son comportement par celui de la victime, à en tenir compte pour établir la culpabilité du responsable.

De même, ne peuvent-ils prendre en compte l’état psychique de la victime, qualifiée de « personnalité obsessionnelle » selon l’expert psychiatre VF l’a examinée, pour justifier le comportement de harcèlement moral (Crim. 8 sept. 2015, n° WP 83.299).

Quant aux comportements respectifs des parties, selon la chambre criminelle, l’absence de harcèlement moral caractérisé envers une salariée en surcharge de travail est fondée à la fois sur un comportement réactif du chef de service VF a toujours répondu instantanément aux sollicitations de la partie civile et sur le comportement de la victime VF, au contraire, ne s’est jamais présentée aux rendez-vous proposés par ce dernier (Crim. 25 févr. 2014, n° 12-82.305).

1-4. Le respect de la double exigence posée par l’arrêt du 20 mars 2019 (Crim., 20 mars 2019, […]

Si elle peut avoir été omise dans la prévention, même issue d’une ordonnance de renvoi, une victime peut se constituer partie civile à condition de satisfaire certaines exigences. C’est ce que rappelle la chambre criminelle, dans cet arrêt du 20 mars 2019, en approuvant l’arrêt d’appel VF avait admis la constitution de partie civile d’une victime VF n’était pas visée à l’ordonnance de renvoi: «[…] Attendu que, pour infirmer le jugement en ce qu’il a retenu cette irrecevabilité de constitution de partie civile au motif que la société Harsco n’était pas expressément visée dans l’ordonnance de renvoi comme victime de l’abus de confiance commis par son chauffeur salariée,

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l’arrêt énonce notamment que la désignation des victimes dans la prévention, non limitative, ne lie pas la juridiction de jugement et que la société Harsco justifie d’un intérêt à agir d’ordre pécuniaire;

Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que l’abus de confiance peut préjudicier et ouvrir droit à réparation, non seulement aux propriétaires, mais encore aux détenteurs et possesseurs des biens détournés, victimes d’un préjudice résultant directement de l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction, la cour d’appel, VF

a relevé l’existence d’une convention par laquelle la société, partie civile, était détentrice précaire, le temps de leur transport, des chutes de métaux, dont elle a été privée, et qu’elle a déclaré avoir remboursé à sa cliente, et VF n’avait pas, à ce stade,

à analyser davantage la nature du préjudice invoqué découlant de la poursuite, a justifié sa décision;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ; […] »

Ce faisant, la chambre criminelle met en exergue deux points concernant la victime d’un délit.

En premier lieu, elle exige la condition préalable (« dès lors que ») de l’appartenance à une catégorie précisée susceptible de « souffrir » («< peut udicier et ouvrir droit à réparation ») de l’abus de confiance en l’espèce, la catégorie est ici le détenteur, précaire, des biens. Elle exige aussi que cette appartenance soit justifiée : la preuve est ici apportée par l’existence d’un élément matériel, en l’occurrence juridique,

à savoir la convention de transport VF a permis et a fondé la détention précaire. En second lieu, elle rappelle que la recevabilité d’une constitution de partie civile n’exige pas l’analyse de la nature du préjudice (nature pécuniaire précisée par l’arrêt de la cour d’appel); l’existence d’un intérêt suffit ( < à ce stade ») pour examiner et admettre la recevabilité.

En l’espèce, l’application de cette jurisprudence dans le présent dossier est donc possible après la détermination d’une « catégorie » précise et précisée susceptible de « souffrir » (« peut préjudicier et ouvrir droit à réparation ») de

l’infraction de harcèlement moral et l’établissement de la preuve justifiant de

l’appartenance à cette catégorie. Quant à la recevabilité, il s’agit d’un HT VF sera QW lors de l’examen de l’action civile.

2- La victime de l’incrimination : une personne ayant personnellement et directement souffert du dommage causé par l’infraction

Certes, certains auteurs disent que le harcèlement moral crée nécessairement un préjudice. Certes, il doit être très rare de ne ressentir aucune souffrance alors qu’on est menacé, culpabilisé, déprécié. Pourtant, l’impact du harcèlement et l’ampleur des séquelles psychologiques peuvent varier selon la personnalité ou la nature du lien entretenu, fort ou ténu, avec le travail. Ainsi, la victime peut ne pas subir les néfastes conséquences des actes qu’elle a endurés.

A contrario, la fragilité émotionnelle et la dépendance affective peuvent exister indépendamment de la relation au travail.

La « détermination » entendue cette fois-ci comme une « identification '> ou une « dénomination », n’est indispensable que pour l’action civile, dont elle est une condition préalable à une éventuelle réparation.

2-1. Les exigences des articles du code de procédure pénale

En effet, pour mémoire, si l’article 1er du code de procédure pénale dispose que

« L’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée

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1941 1949,

par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi », l’article 2 du même code précise que « L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux VF ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction »>.

Ainsi, l’action civile et l’action publique se distinguent d’abord par leur but : tandis que l’action publique est une action répressive, elle réprime le trouble causé à l’ordre social, l’action civile est quant à elle une action en réparation du préjudice subi du fait d’une infraction.

Ces deux actions se différencient également par leur fondement: tandis que l’action publique repose sur la violation d’une loi pénale (codifiée ou non), l’action civile est, elle, fondée sur les règles relatives à la responsabilité civile figurant aux articles 1382 et suivants, devenus 1240 et suivants, du code civil.

L’action publique et l’action civile se distinguent ensuite par leur objet : alors que l’action publique a pour objet le prononcé d’une peine ou d’une mesure de sûreté, l’action civile vise à l’octroi de dommages-intérêts.

Ces deux actions se différencient enfin par de nombreux points techniques ainsi que par leur caractère (ordre X/ intérêt privé notamment).

Mais cette indépendance d’exercice de l’action publique et de l’action civile ne fait pas obstacle à ce que la victime d’une infraction exerce son action civile devant le tribunal répressif compétent pour juger l’action publique. L’article 3 alinéa 1 du code de procédure pénale lui accorde expressément cette faculté : « L’action civile peut être exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction ». Dans ce cas, l’action civile devient l’accessoire de l’action publique. Dès lors, la victime d’une infraction peut agir en réparation du dommage qu’elle a subi au choix soit devant le tribunal civil, soit devant la juridiction pénale. Dans le second cas, elle exerce alors

l’action civile VF est de nature essentiellement indemnitaire, mais également vindicative puisqu’elle permet le déclenchement de l’action publique.

La dénomination de la victime est, alors, impérative au titre de l’article 2 et du

2nd alinéa de l’article 3 VF pose le principe de la réparation intégrale du préjudice : « Elle [l’action civile] sera recevable pour tous les chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, VF découleront des faits objets de la poursuite »>. C’est donc à la personne identifiée VF allègue être victime des faits, d’une part, de remplir les conditions procédurales particulières (recevabilité, intérêt à agir, etc.), d’autre part, de fournir les preuves relatives à la nature et étendue du dommage qu’elle prétend avoir subi, pour en obtenir réparation. Le demandeur à l’action civile est la victime, titulaire de l’action civile, ou de ses ayants droit. Il peut aussi bien s’agir d’une personne physique que d’une personne morale. Mais ces personnes juridiques doivent avoir la capacité à agir ainsi qu’un intérêt à agir d’où l’existence de certaines conditions.

2-2. Une dénomination pour une utilité différente de celle du droit social

Comme déjà évoqué (II-2-2-2. La teneur de du régime probatoire spécifique au code du travail), la finalité de l’instance prud’homale diffère de celle de l’action civile, VF n’est pas contingente d’un contentieux préalable relatif à l’exécution de la relation de travail.

Devant les juridictions répressives, seul peut être indemnisé le préjudice VF est la conséquence directe des faits déclarés constitutifs d’une infraction.

Certes, toute personne victime d’un dommage, qu’elle qu’en soit la nature, a

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droit d’en obtenir réparation de celui VF l’a causé par sa faute. Cependant, si

l’appréciation du caractère direct du préjudice ne soulève que des questions classiques en cas d’agissements ayant pour effet, la dégradation étant effective, cette appréciation peut s’avérer plus délicate à réaliser dans le cas d’agissements ayant pour objet, en l’absence de dégradation.

En conclusion, des éléments textuels et jurisprudentiels ci-dessus exposés, le tribunal tire trois enseignements :

- l’incrimination du harcèlement moral au travail telle qu’en vigueur au moment des faits dont le tribunal est saisi permet, sans violer le principe d’interprétation stricte de la loi pénale, la répression du harcèlement moral au travail dit institutionnel, fondé sur une politique d’entreprise, visant par essence, une collectivité de personnels;

- la caractérisation d’un harcèlement moral dit institutionnel exige de démontrer que les agissements : procèdent d’une politique d’entreprise ayant pour but de structurer le travail de tout ou partie d’une collectivité d’agents et la mettent en œuvre; sont porteurs, par leur répétition, de façon latente ou concrète, d’une dégradation (potentielle ou effective) des conditions de travail de cette collectivité; outrepassent les limites du pouvoir de direction ;

-la preuve de l’appartenance d’une victime dénommée à la collectivité visée par la politique d’entreprise harcelante ne s’impose que lorsqu’elle demande réparation des dommages causés par le harcèlement moral institutionnel.

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PARTIE II- L’EXAMEN DES FAITS

Introduction

Comme évoqué dans le TM II de la première partie consacrée à l’élément légal, d’une part, le tribunal peut, et même doit, appréhender l’ensemble des agissements et les agissements dans leur ensemble, d’autre part, même si le tribunal est saisi des faits susceptibles d’avoir été commis entre 2007 et 2010, il est juridiquement possible, et en l’occurrence nécessaire, d’examiner des faits antérieurs, d’autant qu’il s’agit de faits VF ont été, largement et surtout contradictoirement, abordés tant lors de l’instruction que devant le tribunal.

La dimension de processus que revêt le harcèlement moral au travail amène logiquement, pour une meilleure cohérence d’ensemble et une mise en perspective, à examiner les faits de façon chronologique.

La longueur de la période de prévention, la richesse, la profondeur et la complexité des événements vécus par l’entreprise, celles des onze agissements reprochés aux prévenus selon les termes de la prévention, mais aussi les débats nourris que nombre d’entre d’entre eux ont suscités, nécessitent qu’un TM soit consacré à quatre périodes distinctes, contradictoirement évoquées lors des audiences.

En effet, pour comprendre la genèse et la portée du NEXT et du programme ACT tels que mentionnés dans la prévention, pour avoir été les cadres dans lesquels une politique anxiogène et déstabilisante aurait été mise en oeuvre, il convient d’évoquer la période précédant leurs annonces, soit la période de 2002 à juin 2005 (TM I), puis celle de leurs annonces avec celle du départ de 22 000 agents, de juin 2005 à fin 2006 (TM II). Suivra l’examen des deux années d’accomplissement de l’objectif de déflation sur deux chapitres (TM III et IV). Enfin, le dernier TM portera sur les années 2009 et 2010 (TM IV). Les faits évoqués dans ces cinq chapitres seront examinés à l’aune de la prévention dont le tribunal est saisi et grâce aux principes rappelés ou dégagés dans le TM II de la première partie consacrée à l’élément légal.

Dès à présent, il convient de relever les points suivants.

En premier lieu, le dossier comporte peu de documents, ou de traces écrites, relatives aux décisions prises au niveau suprême, stratégique, soit au niveau des dirigeants concernant la politique de l’entreprise. Les pièces versées au cours des débats et jointes aux écritures des parties sont venues enrichir ce fond documentaire, notamment les deux rapports du sénateur BI et les Documents de référence de la société WV

Télécom des années 2002 à 2010, et ont permis de recueillir les déclarations des parties et

d’éclairer le contexte de l’époque des faits.

A ce titre, et en second lieu, il convient de noter que les prévenus ont exposé leur vision des faits et des événements, au cours de l’instruction ou au cours des débats, de façon quasi univoque, VF peut être résumée de la façon suivante : le défi de l’entreprise

WV Télécom en 2005 a été d’assurer son avenir dans un environnement technologique se transformant rapidement et entièrement dans un contexte de privatisation de l’entreprise et d’ouverture des télécoms à la concurrence. La politique mise en place au sein de la société WV Télécom entre 2006 et 2008 était une politique de transformation nécessaire pour accompagner les mutations technologiques, économiques et réglementaires profondes qu’elle subissait. Cette politique a intégré des mesures pour accompagner les agents de l’entreprise dans cette transformation. Aucun agissement répété de harcèlement moral ne

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peut être caractérisé ; la politique mise en place entrait dans le champ du pouvoir de direction de l’entreprise. Ces changements ont contraint l’entreprise à établir un plan stratégique pour assurer sa compétitivité, et donc sa pérennité. L’objet du plan NEXT a été d’établir une stratégie pour inscrire l’entreprise dans ces mutations et, celui du programme ACT,

d’accompagner les agents de l’entreprise dans ces évolutions.

Quant au lien entre l’entreprise et le mal-être des agents dont les situations ont été retenues dans la prévention, ils indiquent qu’il est ténu voire inexistant. Ils expliquent que certains agents présentaient de sérieux problèmes personnels (Mme BE, Mme

B, M. BF, M. BG). Et pour ceux souffrant d’un malaise professionnel, ils soutiennent qu’il n’existe aucun rapport entre leur situation et NEXT ou ACT. Ainsi, pour certains, la source du mal-être se trouve dans la transformation des métiers liée aux évolutions technologiques : c’est le cas par exemple des techniciens, dont le métier a disparu. Ainsi en est-il pour M. PN AE (D143/4), M. Y-FL AF

(D2629) ou encore M. Y-KA DC (D1495).

Pour d’autres, cette source est liée à des situations locales difficiles, notamment à des difficultés managériales locales, comme dans le cas de M. AR AJ (D1472). Pour d’autres encore, cette source du mal-être est quelquefois liée à des difficultés professionnelles individuelles telles les difficultés d’adaptation professionnelle de M. JQ JP (D3048), ou encore de M. DX F VF a montré une insuffisance professionnelle en janvier 2004 (Pièce n° 3 de M. P) et dont le comportement était très difficile à gérer (D1719/3, 1718/2, 2862/19-20).

Enfin, l’écoulement du temps a permis, notamment, d’apprendre que les effectifs de

WV Télécom avaient effectivement diminué de plus de 22 000 personnes au cours de la période de prévention, de prendre connaissance des rapports du cabinet BR et de leurs suites, ainsi que de visionner, à l’audience, le documentaire WV

TÉLÉCOM: Chronique d’une crise de M. LR BH et de recueillir les commentaires des prévenus.

Pour forger sa conviction, le tribunal s’est attaché à examiner l’ensemble des pièces du dossier contradictoirement débattues, dont celles abondamment produites à l’audience, quel qu’en soit le support, écrit ou visuel, ce VF inclut le film de M. BH projeté à l’audience du 21 juin 2019. Si ce dernier a été contesté pour être le fruit d’un travail par essence subjectif de l’auteur, il présente le mérite d’être contemporain de la fin de la période de prévention et révèle l’état d’esprit de toutes les composantes de l’entreprise WV Télécom au plus près des faits dont l’authenticité n’apparaît pas discutable.

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TM I – De 2002 à juin 2005 : des singularités et évolutions anciennes, sources de fragilités

Il convient de consacrer ce premier TM à la période de 2002 à juin 2005 car elle permet de mettre en perspective et de mieux comprendre la situation de l’entreprise WV Télécom juste avant l’annonce du Plan NExT visé par la prévention, de découvrir que trois des prévenus, messieurs AN, AO et AP, ont rejoint l’entreprise au cours de cette période, au printemps 2003.

Mais surtout, l’analyse de cette période-là permet de confirmer ce que les prévenus ont régulièrement fait valoir, y compris dans leurs écritures, à savoir que nombre d’événements VF se sont déroulés dans la période des faits dont le tribunal est saisi (2007-2010) trouvent leur fondement ou leur explication dans des évolutions, décisions ou données économiques, technologiques, sociales et juridiques antérieures, soit survenues dans cette période de 2002 à juin 2005.

Or, compte tenu de la qualification du harcèlement moral comme un processus susceptible de se développer sur plusieurs mois voire plusieurs années, du caractère inédit de la prévention VF porte sur une politique d’entreprise, de la nature structurelle, et non inter-personnelle, des agissements reprochés (réorganisations, manque de formation, mobilités), et pour aider à discerner ce VF relèverait de la stricte volonté des prévenus dirigeant WV Télécom au cours de la période de prévention, de décisions antérieures dont ils ne sont pas responsables, il est indispensable de connaître le contexte, de mettre en perspective historique la situation de l’entreprise.

A ce titre, on ne peut faire l’économie de l’examen des éléments livrés par les rapports du sénateur GS BI, versés aux débats par le ministère X, tant ils sont éclairants sur de nombreux sujets VF ont été évoqués au cours de l’instruction et discutés, quelquefois âprement, devant le tribunal. En effet, le rapport n° 274 du 26 mars 2002 livre des clés indispensables pour comprendre la situation de l’entreprise telle quelle se présente à l’ouverture de la période de prévention, qu’il s’agisse de la situation des effectifs, en ce que leur déflation ne date pas de 2007, de l’organisation matricielle en ce qu’elle était déjà en place avant 2002, des mobilités en ce qu’elles sont déjà admises comme la condition nécessaire aux réorganisations incessantes, de l’adaptation du statut des fonctionnaires déjà amorcée avant 2002.

Et l’on perçoit mieux la portée de la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003, VF

a répondu à l’achèvement de la privatisation alors décidé. Elle a été une réponse juridique VF a préservé uniquement le cœur de l’engagement solennel sur le maintien du statut des fonctionnaires, à savoir la garantie de l’emploi et les retraites. Et si elle a également créé les instances permettant la cohabitation des statuts de droit X et de droit privé, elle a laissé dans l’ombre les réponses institutionnelles à l’harmonisation des statuts VF ont été laissées à l’appréciation de dirigeants de WV Télécom, décisionnaires de nombre d’adaptations concrètes ayant eu un impact direct sur le quotidien de ses personnels.

Aussi, dans un premier temps, seront repris les passages du rapport sénatorial de 2002 particulièrement éclairants (I), puis, dans un second temps, sera évoquée la situation des personnels de l’entreprise WV Télécom en 2005, telle que résultant de

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la loi de 2003 en regard de la mobilité et de la création des institutions représentatives du personnel, mais aussi de la souffrance existant pour nombre d’agents (II). Enfin, sera examinée la situation économique et financière de l’entreprise en 2005 déjà exposée lors de l’instruction, mais étoffée des témoignages recueillis à l’audience (III).

Autant de thèmes VF ont sous-tendu les faits s’étant déroulés pendant la période de prévention.

1- Le rapport BI du 26 mars 2002: de précieux éclairages

Suite à une déclaration en janvier 2002 de M. AF QV, alors ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, envisageant le passage de l’État sous la barre des 50% du capital de WV Télécom, le sénateur GS BI a rédigé un rapport d’information visant à formuler des propositions, au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan et du groupe d’étude < Poste et télécommunications » après un bilan de la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l’entreprise nationale WV Télécom.

Ce rapport présente ainsi « l’architecture d’un acte III » de la réforme de WV

Télécom au travers d’une loi VF devrait répondre à trois conditions, dont « la poursuite d’un véritable projet social, incluant le respect de la parole donnée aux personnels sous statut X en 1996 – maintien du statut, et en particulier des droits à pension serait une condition sine qua non. Des solutions juridiques nouvelles

-

devraient être élaborées pour satisfaire à cette exigence si WV Télécom devait être

à capital majoritairement privé. Les précédents historiques examinés par le rapport (ORTF, SEITA, Caisse nationale du Crédit Agricole, Caisse nationale de prévoyance, Caisse des dépôts et consignations…) soit éclairent les voies à ne pas emprunter, soit tracent des pistes VF devraient, en tout état de cause, être mieux balisées. Ces pistes à explorer dégagent plusieurs perspectives détachement ou mise à disposition des fonctionnaires auprès de l’entreprise WV Télécom privatisée, par voie législative, pour une longue durée (18 ans, à proroger), avec organisation d’un droit à retour dans une structure publique à définir » (page M. BI pose ainsi clairement que le respect de l’exigence de la

< parole donnée » va nécessiter de concevoir une réponse juridique et statutaire inédite pour être conciliée avec la privatisation.

Mérite d’être aussi évoqué le cheminement suivi par le sénateur pour comprendre sa proposition.

Dans le premier TM, il rappelle la réforme du statut qu’il qualifie d'« histoire riche en rebondissements » depuis 1990. La loi de 1990 dit loi Quilès a transformé une administration d’État en établissement X autonome. Puis la loi du 26 juillet 1996, dite loi « Fillon » VF a « sociétisé » cet établissement X, c’est-à dire VF l’a transformé en société anonyme détenue majoritairement par l’État pour moderniser l’entreprise en la dotant de fonds propres nécessaires notamment à sa projection internationale, puis les opérations successives d’ouverture du capital social au privé d’octobre 1997 à décembre 2000, auxquelles les personnels ont massivement souscrit (92 % des agents du Groupe en WV) marquant ainsi leur attachement à

l’entreprise.

Dans le deuxième TM, après avoir rappelé l’environnement «très chahuté » dans lequel WV Télécom a évolué depuis 1996 (ouverture à la concurrence, évolution très rapide des technologies, concentration et consolidation du secteur, etc), il présente le bilan « au total positif » des effets de la réforme, avec d’un HT de vue économique, des résultats probants (un chiffre d’affaires multiplié par deux, passant de 23 à 43 milliards de 1996 à 2001, un positionnement sur les

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nouveaux moteurs de croissance tels que les services mobiles et le trafic Internet, des investissements en hausse passant de 4 milliards d’euros en 1996 à 14 milliards en

2000) même s’il évoque « le boulet de la dette et des milliards envolés »>.

Mais surtout, il expose l’évolution de la situation de l’entreprise sous le titre

« une réorganisation dynamique des forces de l’entreprise » dont certains passages méritent d’être ici repris tant ils demeurent présents au cours de la période de prévention, qu’il s’agisse de « l’extraordinaire mutation culturelle » des personnels, de l’organisation matricielle du groupe, du changement de localisation des agences commerciales pour s’adapter « aux flux de chalandise », des mutations fonctionnelles et géographiques VF ont découlé de la réorganisation profonde du groupe.

1- De 1996 à 2002 : « une réorganisation dynamique des forces de l’entreprise »

Dans les extraits de cette analyse de M. BI repris ci-après (page 55 à 73), relatifs à trois sujets, ont été soulignées par le tribunal les phrases VF entrent en particulière résonance avec le contexte de 2007. 1-1. « L’extraordinaire mutation culturelle » Cette expression d’ « extraordinaire mutation culturelle », souvent reprise dans les écritures des parties, est en fait issue du paragraphe suivant intitulé « de l’usager au client '> :

«A compter de 1996, WV Télécom s’est mis en ordre de bataille pour affronter la concurrence. Les forces de l’entreprise ont été focalisées vers le client.

Toutes les organisations syndicales rencontrées par votre rapporteur ont souligné l’extraordinaire mutation culturelle de WV Télécom depuis 1996. Cette évolution a d’ailleurs représenté un important effort d’adaptation pour certains personnels VF, issus de l’administration des PTT, et bien qu’ayant gardé leur statut de fonctionnaire, se sont progressivement vus entrer dans l’ère du marché, du marketing. de la conquête et de la fidélisation du client. Le discours de l’entreprise, VF avait jusque-là semblé immuable, a basculé vers une nouvelle logique. L’univers professionnel de beaucoup des femmes et des hommes VF la servaient en a été bouleversé. Un tel bouleversement n’est jamais aisé à vivre ni à surmonter. Cela doit être dit pour que soit mieux mesurée l’ampleur des efforts consentis. Des représentants du syndicat SUD-PTT, hostile au changement de statut en

1996, résumaient ainsi cette évolution, à leur sens négative, dans leur réponse écrite au questionnaire de votre rapporteur : « WV Télécom a maintenant un fonctionnement en grande partie comparable à celui des autres grandes sociétés anonymes cotées. Ses ressorts de gestion sont en effet dictés par la situation des marchés financiers et la recherche de création de valeur pour l’actionnaire ». Le trait est sans doute un peu forcé mais le coup d’oeil est intéressant. WV Télécom ne se distingue plus beaucoup aujourd’hui des autres grands opérateurs mondiaux. Mais cette mutation ne s’est pas faite d’un coup de baguette magique. Elle s’est réalisée grâce à l’engagement de ceux VF PU vivre l’entreprise au quotidien et VF continuent à constituer sa principale richesse. Pour cela notamment, hommage doit leur être rendu »>.

1-2. L’origine de l’organisation matricielle et territoriale du Groupe

Le paragraphe suivant, toujours extrait du rapport BI, reconstitue l’évolution structurelle du Groupe et explique la situation dans laquelle il se trouvait au moment de l’annonce du plan NexT.

< De la maison-mère au groupe

a) La croissance externe : une accélération en 2000

Cinq ans après sa transformation en société « nationale » par la loi précitée du 26 juillet 1996, WV Télécom est un groupe global de télécommunications présent

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dans la téléphonie fixe, le mobile (filiale Orange cotée depuis février 2001), l’Internet

(filiale Wanadoo cotée depuis juillet 2000), et les services de données aux entreprises

(filiale Equant-Global One fusionnés en juin 2001). Le groupe comprend, dans son périmètre de consolidation, 227 entités, dont 192 sont consolidées par intégration globale.

Si, dès avant 1996, WV Télécom avait déjà un nombre important de filiales

(TDF, Transpac, etc) la croissance externe et l’introduction en bourse de certaines activités ont profondément modifié la physionomie du groupe. L’entreprise se conforme ainsi à un modèle d’organisation par métiers VF se généralise progressivement dans le secteur des télécommunications et VF est censé permettre de lever des fonds pour financer le développement des technologies, au moment où le coût des investissements à réaliser, dans la perspective de construction des réseaux de 3ème génération, s’est fortement accru. C’est également un moyen de se doter de titres cotés en bourse dans divers métiers, pour participer à la consolidation sectorielle en cours.

Le recensement des acquisitions et cessions de WV Télécom entre 1996 et

2001 figure en annexe. Les opérations les plus récentes sont l’achat d’Orange en mai août 2000 (pour 35,47 milliards d’euros), de MobilCom (opérateur allemand de téléphonie mobile fixe et Internet) en mars 2000, de TPSA (opérateur historique polonais) en octobre 2000, d’Equant (opérateur global pour les grandes entreprises) et de Freeserve (fournisseur de services Internet au Royaume-Uni) au cours du 1er semestre 2001.

Là encore, cette transformation n’a pas manqué de générer des inquiétudes chez certains salariés.

b) Les mutations internes : un processus continu

1- La réorganisation du groupe

Parallèlement, une rationalisation de l’organisation du groupe a été menée à bien pour recentrer l’entreprise sur ses grandes missions, au moyen de la mise en place, dans un premier temps, de cinq branches :

- deux branches commerciales, consacrées respectivement au grand X et aux entreprises, fers de lance de stratégies commerciales volontaristes;

- trois branches opérationnelles : réseaux, développement, ressources.

Dans un second temps, le groupe WV Télécom s’est organisé en huit branches, VF rassemblent chacune un ensemble de filiales et d’entités :

-La Branche Mobiles, VF rassemble Orange et ses propres filiales, et VF gère la chaîne de la téléphonie mobile pour le Groupe (de la conception des services à leur commercialisation, en passant par l’installation et la maintenance du réseau). Cette branche est également très impliquée dans le développement de l’Internet mobile ; La Branche Internet Grand X avec Wanadoo et ses nombreuses filiales. Cette

-

branche gère à la fois les services d’accès à Internet pour le grand X (réseau commuté, câble, ADSL, satellite), en WV et à l’étranger (avec notamment la présence de Wanadoo en Espagne, en Belgique, aux Pays-Bas et au Maroc), les portails entreprise à entreprise («< B VO B ») et les services d’hébergement pour les PME, ainsi que BU nombre de services en ligne (Pages Jaunes, Voila, Alapage, Marcopoly…) ou d’offres de contenus.

La Branche Services Fixes Grand X assure le marketing de tous les produits et services, terminaux et moyens de paiement liés à l’accès fixe de la maison, du lieu de travail (pour les clients professionnels) ou de la ville (publiphonie). A ce titre, elle gère plus de 34 millions de clients en WV.

La Branche Distribution gère tous les canaux de vente des produits et services destinés au grand X (clients résidentiels et professionnels), qu’il s’agisse aussi bien du réseau des agences WV Télécom (700 points de vente en WV métropolitaine et dans les DOM) que des enseignes de grande distribution ou de

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31 ème Ch. distribution spécialisée dans lesquelles l’offre de WV Télécom est présente.

La Branche Entreprises est dédiée à la gestion de la clientèle des moyennes entreprises à celle des multinationales, sans oublier celle des autres opérateurs de télécommunications. Elle assure le marketing et la vente de toutes les solutions voix et données sur ce marché. La couverture du marché des grands comptes internationaux est assurée par Equant, présente dans 200 pays et territoires dans le monde entier, VF fait de WV Télécom le leader mondial des services globaux aux entreprises. La

Branche Entreprises fédère également de nombreuses filiales en WV, comme Transpac (transmission de données), Expertel Consulting, WV Télécom e-business, TDF (services de diffusion audiovisuelle).

La Branche Développement comprend le centre de recherche WV Télécom

Recherche & Développement (ancien CNET) et garantit le BU fonctionnement du système informatique de WV Télécom (avec la Division du système

d’information). Elle joue également un rôle particulier en matière de capital-risque, via la filiale Innovacom.

- La Branche Réseaux exploite et supervise les réseaux nationaux et internationaux pour l’ensemble des lignes de produits du Groupe. Ses principales filiales et entités sont FCR, WV Télécom Marine (pour l’exploitation des réseaux sous-marins) et

WV Télécom Longue Distance.

-La Branche Ressources assure des missions d’expertise pour le Groupe dans les domaines de la finance, de la gestion, de la comptabilité et de l’audit.

Au niveau local, WV Télécom est organisé en 29 directions régionales. regroupées en 6 grands pôles géographiques (Ile-de-WV, Nord-Est, Ouest, Sud

Quest, Sud-Est, Outre-Mer). Ces directions régionales gèrent notamment au plan local le déploiement et la maintenance des réseaux, ainsi que les 650 points d’accueil commerciaux WV Télécom grand X et les 29 agences dédiées aux entreprises.

Notons que la présence territoriale de WV Télécom a elle aussi beaucoup changé. Historiquement situées à proximité des centraux téléphoniques, les agences commerciales ont souvent été « redéployées » vers des zones de plus grand intérêt commercial (centres-villes et galeries marchandes). Ces efforts d’adaptation à la demande de la clientèle ont inévitablement eu des répercussions sur l’implantation et la nature du réseau d’agences commerciales de WV Télécom. Les agences grand X comprennent désormais environ 650 points de vente, dont le nombre est stable depuis plusieurs années, mais dont la localisation est périodiquement adaptée aux flux de chalandise. Dans sa réponse au questionnaire écrit de votre rapporteur sur ce sujet, WV Télécom indique que « cette orientation vers l’adaptation des localisations aux flux commerciaux sera poursuivie » et précise que « les décisions locales des directeurs régionaux pourront conduire à procéder à des ouvertures de nouveaux points de vente et à la fermeture de certains points de vente actuels; dans ce dernier cas de figure, le service à la clientèle sera assuré sous d’autres formes (vente indirecte et relations à distance) »>.

Certaines organisations syndicales, voire certains élus, portent un regard critique sur cette stratégie VF, si elle est plus efficace commercialement, peut, dans certains endroits, se faire au détriment de la proximité immédiate avec les agences.

Toutefois, l’opérateur fait valoir qu’un grand nombre d’opérations commerciales peuvent désormais être réalisées à distance, par simple appel téléphonique, et ne nécessitent plus que le client se déplace. Et il est vrai que les consommateurs apprécient ces prestations à distance si on en croit les courbes de croissance de ces activités.

L’enjeu territorial de demain paraît donc devoir autant se focaliser sur la localisation de ces activités que sur celle des agences »>.

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Ainsi, la focalisation vers le client, la réorganisation matricielle du Groupe,

l’organisation locale en WV avec 29 directions régionales, la modification de

l’implantation des agences commerciales sont déjà des réalités en 2002.

1-3. Les conséquences de la réorganisation profonde: les mutations M. BI évoque aussi les conséquences pour le personnel dans le paragraphe suivant intitulé « Les mutations fonctionnelles et géographiques pour les salariés », dans les termes suivants :

< Cette réorganisation profonde du groupe n’a pas été sans conséquence – on l’a déjà évoqué pour le personnel. A cet égard, sont particulièrement concernées les personnes affectées à des activités, telles la téléphonie mobile, initialement développées au sein de la maison-mère, puis filialisées, introduites dans le nouvel ensemble Orange, lui même ensuite coté en Bourse.

Ces changements se sont accompagnés, pour les personnels fonctionnaires, VF ont très majoritairement souhaité conserver la même activité, d’une mise à disposition ou d’un détachement depuis la maison-mère auprès de ces filiales. Aujourd’hui, on recense ainsi près de 4.200 fonctionnaires dans les filiales de WV

Télécom.

Pour l’ensemble des personnels, depuis 1996, ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes (53 000 au total) -représentant un tiers du total des effectifs de la maison-mère- VF ont changé de fonction à WV Télécom, par exemple pour passer

d’un poste technique à une fonction commerciale. Les redéploiements se sont effectués pour moitié au profit des fonctions commerciales, puis, en importance numérique décroissante, vers les fonctions gestion-finances, informatique. management. L’organisation des métiers a été profondément revue. Les objectifs de rentabilité ont été redéfinis. L’univers du travail a été complètement bouleversé.

Le syndicat FO-communication a dressé, à l’XW de votre rapporteur, le bilan suivant des bouleversements auxquels ont été soumis les personnels de

l’entreprise: « Au niveau des personnels, pour l’exploitant X, les bouleversements étaient déjà en cours depuis la première réforme de 1990 dite « 

Réforme Quilès ». Dans cette multitude de changements :

- réforme des classifications ; réforme des règles de gestion :

- évolution de la rémunération :

- développement de la politique commerciale VF prend le pas sur l’activité technique:

- transformation de l’entreprise publique en société anonyme ;

- ouverture du capital;

- actionnariat des salariés;

- évolution permanente des structures et des méthodes de travail (restructurations, redéploiement des effectifs, changement de métier, d’activité, de lieu et de cadre de travail);

- évolution du management (performance individuelle ou collective, productivité, adaptabilité):

- adaptation des horaires et des services au système concurrentiel :

- réduction massive des effectifs :

… le personnel a quand même conservé l’essentiel : son statut de fonctionnaire d’État titre 1 et 2 de la fonction publique et le capital de l’entreprise est resté (de par la loi de

1996) majoritairement détenu par l’Etat '>.

Ainsi, sont déjà pointés, dans ce rapport de 2002, les bouleversements que les

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personnels de WV Télécom ont connus depuis 1990. Et mérite d’être mise en exergue la conclusion du rapporteur, qu’il souligne en gras dans le texte, tant elle prend un sens particulier les années suivantes : «Il ressort de cette analyse que le statut des personnels fonctionnaires est en quelque sorte le principal élément de leur situation VF n’ait pas été profondément modifié, et ce en l’espace de quelques années seulement.

Il constitue, de ce fait, un HT d’ancrage de la culture de l’entreprise VF, pour votre rapporteur, ne doit pas être ébranlé. »

Enfin, dans le dernier HT de ce paragraphe relatif à la « réorganisation dynamique des forces de l’entreprise », le rapporteur n’oublie pas l’incidence du marché, qu’il juge, lui, comme « un aiguillon salvateur »>, elle aussi évoquée lors des débats. Il l’annonce de la façon suivante :

< La sociétisation et l’ouverture partielle du capital de WV Télécom, à compter de

1996, ont également modifié les contraintes pesant sur la gestion de l’entreprise. Autrefois cantonné à un dialogue singulier avec sa tutelle- l’État- WV Télécom est désormais soumis à l’appréciation que portent, sur sa stratégie, sa rentabilité et sa santé financière, les marchés financiers, les analystes, les agences de notation, et l’ensemble de ses actionnaires : l’État, actionnaire de référence, mais aussi les institutionnels, les salariés actionnaires (92 % du personnel) et les très nombreux petits porteurs (jusqu’à 4 millions de porteurs de titres WV Télécom en WV).

A cet égard, l’introduction en Bourse d’une part du capital change la nature des contraintes et l’intensité du regard critique auxquels sont soumis l’entreprise, son État major et son personnel. La stratégie, la gouvernance et la gestion de l’entreprise s’en trouvent infléchies. C’est, en définitive, l’expérience le prouve, l’aiguillon le plus salvateur d’une entreprise publique ».

Ainsi, de ces extraits, il ressort que le rapport évoque déjà de nombreux sujets mis en avant par les prévenus, ou par les personnes, physiques ou morales, VF se sont constituées partie civile lors des débats. Il en est un dernier, et non des moindres, que M. BI QW, à savoir « l’Évolution sociale» selon deux angles, l’évolution de l’emploi et les relations sociales.

2- Une profonde « Évolution sociale »

L’analyse que le sénateur BI livre de l’évolution de l’emploi et des relations sociales mérite, elle aussi, d’être ici reprise compte tenu de son acuité pour les développements postérieurs, qu’il s’agisse de l’évolution des effectifs, de la diminution du nombre de fonctionnaires, de la fin programmée du congé de fin de carrière (CFC), de la dualité des statuts, des facteurs anxiogènes et de la dégradation des conditions de travail. Là encore, ont été soulignées les phrases d’une actualité frappante dans le contexte de 2007.

2-1. Les trois notables constats de l’évolution de l’emploi : la diminution du nombre des agents de la maison mère, la mise en extinction des corps de fonctionnaires et

l’ampleur des redéploiements

Au sujet de l’évolution de l’emploi, il formule trois constats. Le premier est celui d’ « Une évolution contrastée du volume de l’emploi au

sein du groupe »>.

< En 1996, le groupe WV Télécom comptait 165.200 emplois. Fin 2001, d’après l’entreprise, ce chiffre est de 214.000, soit une hausse globale de 29 %. Mais, comme le montre graphique ci-dessous, cette augmentation VF pourrait d’ailleurs être suivie d’un resserrement d’effectifs dans certaines entités du groupe – recouvre

+

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des réalités très diverses. Ainsi, WV Télécom SA, la maison-mère (dont plusieurs activités ont été filialisées), a-t-elle perdu 26.200 emplois sur la période. EVOLUTION DU NOMBRE D’EMPLOIS DANS LE GROUP E WV TÉLÉCOM

Erreur ! Liaison incorrecte. Source: WV Télécom »

(NB: En dépit de ses recherches, le tribunal n’a pas pu avoir accès au tableau censé figurer dans le rapport.)

< D’après le dernier rapport annuel du groupe, pour le seul exercice 2000 :

- le nombre moyen d’employés de WV Télécom SA a diminué de 4,6 % (et de

3,6 % à périmètre constant, sans tenir compte de la filialisation de certaines activités); mais l’effectif moyen de filiales a augmenté de 18,2 % (+ WO % à périmètre constant);

- et l’effectif moyen des filiales internationales a augmenté de 82,6% ! Ce transfert du centre de gravité du groupe inquiète certaines organisations syndicales.

Ainsi, par exemple, dans une note remise à votre rapporteur, la CGT-PTT relève qu’entre 1997 et 2000, WV Télécom SA a perdu 18.610 emplois, dont 8.057 emplois, soit 5,84 % des effectifs, en 2000. Cette note affirme que « la diminution

d’effectifs ne résulte pas essentiellement de la filialisation » des activités mobiles car sur la base du périmètre 1999, la baisse d’emplois est supérieure en 2000 à celle de

1999 (-3,9 %) ».

La note poursuit : « ces chiffres nous alarment d’autant plus que la population vieillit et passe de 42,7 à 43,6 ans. 24.683 salariés ont plus de 50 ans, 56.082 salariés ont plus de 45 ans, soit 43,19 % de la population, 93.129 salariés ont plus de 40 ans, soit 71,73 % de la population. Quel est donc l’avenir précis de la maison-mère ? : catégories techniques, plates-formes, accueil physique et encadrement. Compte tenu du faible recrutement, des départs importants dans les prochaines années, comment pallier à la perte des compétences déjà perceptibles, d’autant que la mobilité a accru ce constat ! ».

Et M. BI de conclure en gras ce paragraphe : « Il y a là des questions VF ne peuvent pas être passées sous silence »>.

En tout état de cause, il apparaît que la déflation des effectifs en sein de la société mère, WV Télécom SA, est déjà bien amorcée en 2002.

Le deuxième constat que fait M. BI est celui de « la diminution du nombre de fonctionnaires », au sujet de laquelle sont successivement évoquées la problématique de la diminution des effectifs de fonctionnaires elle-même, celle du congé de fin de carrière (CFC), et celle du redéploiement. Le rapport développe ces trois sujets dans les termes suivants :

< a) Le tarissement des recrutements sous statut X La loi relative à l’entreprise nationale WV Télécom avait ouvert la possibilité de recruter des fonctionnaires jusqu’au 1er janvier 2002. L’essentiel des recrutements (environ 3.000 par an) a pourtant eu lieu par recours à des personnels sous statut de droit privé. Pour les six dernières années, sur les WP.600 salariés recrutés par WV Télécom (maison mère), 1.200 avaient le statut de fonctionnaires (dont 900 recrutements de fonctionnaires en 1997).

La proportion d’effectifs sous les différents statuts est aujourd’hui très différente entre la maison-mère et les filiales (en WV) :

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RÉPARTITION DES EFFECTIFS (WV) DE WV TÉLÉCOM

Effectifs permanents WV Télécom Filiales Groupe fin 2001 Maison mère (en WV) WV Télécom

(en WV)

[…]

Droit privé WP 800 20 600 34 400

[…]

Source: WV Télécom

Pour répondre à la question, posée par votre rapporteur, de savoir à quel horizon le nombre de salariés de droit privé dépassera celui des fonctionnaires.

l’entreprise a formulé plusieurs hypothèses, à droit et tendances constantes :

- le maintien du taux de succès actuel du congé de fin de carrière, jusqu’en 2006;

- l’absence de tout dispositif de fin de carrière spécifique au delà de 2006: un niveau de départs naturels et de mobilités vers les filiales identique à celui de

- un niveau de recrutement externe identique à celui de 2001;

2001: le maintien actuel du périmètre du groupe et de la répartition des activités entre maison mère et filiales en WV.

Sur la base de ces hypothèses, les effectifs de salariés de droit privé devraient rattraper les effectifs de fonctionnaires vers 2015 à 2020. Ensuite, les effectifs de fonctionnaires devraient diminuer très sensiblement au cours des années suivantes. En effet, actuellement, seuls 2.300 fonctionnaires de WV Télécom ont moins de 30 ans,

Bien entendu, toute éventuelle évolution de la législation sur les retraites des

fonctionnaires en général (durée de cotisation, rémunération de référence et, notamment, pendant les périodes de détachement, etc.) aurait un impact sur ces prévisions.

b) Le succès du dispositif de congé de fin de carrière mis en place en 1996

Le dispositif de congé de fin de carrière, mis en place par la loi précitée du 26 juillet 1996, […] a été plébiscité par les personnels, puisque plus de huit personnes potentiellement concernées sur dix ont opté pour cette formule. WV Télécom fait état d’un taux de succès actuel de 81 % des personnes potentiellement concernées.

Depuis la mise en œuvre du dispositif, son succès ne s’est jamais démenti. Il a été recensé, en cumul:

- au 31 décembre 1998: 8.199 personnes ayant opté pour cette mesure ;

- au 31 décembre 1999: WO.995 personnes ayant opté pour cette mesure ;

- au 31 décembre 2000: WP.649 personnes ayant opté pour cette mesure ;

- au 31 décembre 2001: 17.400 bénéficiaires '>.
M. BI rappelle aussi que cette loi du 26 juillet 1996 a institué le congé de fin de carrière, régime exceptionnel de retraite anticipée pour les personnels fonctionnaires, possibilité jusqu’alors interdite aux fonctionnaires de WV Télécom VF n’avaient pas droit aux régimes de préretraite des salariés du privé, en raison des règles budgétaires régissant les emplois publics (page 14). En tout état de cause, il n’est pas anodin de constater que l’évolution

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clairement annoncée est celle de la diminution du nombre de fonctionnaires au bénéfice de celui des contractuels et que la fin du CFC est programmée en décembre 2006 sans dispositif de substitution ; autant de points VF auront une incidence importante en 2006.

Le troisième et dernier constat de M. BI mérite, lui aussi, d’être présenté tant il expose déjà que le redéploiement est la clé de voûte de la transformation de l’entreprise : « WV Télécom, contrairement à de nombreux opérateurs historiques européens VF ont procédé à des suppressions massives

d’emplois, a fait le choix de réaliser les gains de productivité imposés par l’évolution des techniques et le développement de la concurrence, par une politique de redéploiement interne de ses effectifs, dont le succès s’explique par un engagement très fort des personnels, notamment fonctionnaires, dans l’accompagnement de la transformation très rapide des métiers de l’entreprise.

Pour percevoir l’ampleur de la mobilisation humaine que cela a entraîné, il faut se rappeler qu’en 2000, les redéploiements occasionnant un changement de poste ou de métier ont concerné plus de 11.800 salariés (après 8.900 en 1999). Depuis 1996, il faut le souligner, ce sont 53.000 pe onnes VF ont changé de métier au sein du groupe.

Les recrutements externes ont été limités aux seuls besoins VF ne pouvaient êtres satisfaits par des ressources internes. »
M. BI décrit une « adhésion indéfectible à l’entreprise » de la part des personnels de droit privé ou de droit X, VF « aiment leur entreprise […] sont fiers de sa réussite, de sa compétence technique, de ses succès commerciaux et les difficultés actuelles ne les indiffèrent pas ».

Et il reprend les termes de la contribution écrite que lui a remise la Fédération

CFTC des postes et télécommunications VF « estime ainsi que le maintien du statut de fonctionnaire du personnel, en 1996, en sauvegardant un repère essentiel, a contribué à cette formidable capacité d’adaptation des salariés et fonctionnaires de WV Télécom : « le personnel de WV Télécom. de très haute technicité, n’ayant pas été

« insécurisé », a su s’adapter aux changements incessants et permettre à WV

Télécom d’être aujourd’hui un leader européen reconnu mondialement (…). La loi de 1996 est une bonne loi, de consensus social, faite pour durer ». Votre rapporteur VF a toujours défendu le maintien du statut des fonctionnaires parallèlement au changement de statut de l’entreprise est convaincu de la pertinence de cette appréciation ».

Ainsi, il n’est relevé aucune « insécurisation des personnels » à l’époque en raison du maintien du statut, mais un engagement très fort de tous, surtout des fonctionnaires dans la transformation de l’entreprise.

2-2. Des relations sociales influencées par la dualité des statuts et l’inquiétude face à des facteurs anxiogènes

Dans la seconde partie, consacrée aux relations sociales, M. BI QW deux autres sujets, également discutés au cours de l’instruction et à l’audience, celui de la co-existence des statuts et celui du climat social.

S’agissant de la co-existence des statuts, la façon dont il présente la récente convention collective et les avantages qu’elle procure en terme de mobilité, mérite

d’être rappelée comme la façon dont est abordée, à l’époque, la dualité des statuts, à savoir principalement au détriment des salariés.

Ainsi, M. BI rappelle que «< WV Télécom SA compte 108.200 fonctionnaires et WP.800 salariés de droit privé. Dans les filiales françaises du groupe, la proportion est inverse: 20.600 salariés de droit privé et 4.200 fonctionnaires. A

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l’étranger, où travaillent 67.000 personnes (près du tiers des effectifs), la présence de fonctionnaires est exceptionnelle »>.

Il présente aussi la nouvelle convention collective des télécommunications, étendue par arrêté ministériel du 12 octobre 2000 à l’ensemble de la branche et applicable depuis le 1er novembre 2000, comme « un équilibre entre des garanties collectives de niveau élevé pour les salariés et des souplesses et des marges de liberté pour des entreprises évoluant dans un univers aux changements très rapides ». Au titre de ces souplesses, il évoque la mobilité: «Dans un secteur en perpétuelle mutation et en recherche d’adaptation permanente, la mobilité géographique et fonctionnelle a été reconnue comme intégrée à l’évolution professionnelle. Elle peut être exigée de tous les salariés par simple intégration dans le contrat de travail. Elle n’est pas nécessaire pour les deux niveaux supérieurs de la classification. La mobilité à l’international est ouverte et peut se développer dans le cadre des négociations individuelles. […]

Dans le groupe WV Télécom, seuls sont directement concernés par les dispositions de cette convention collective les salariés sous contrat de travail de droit privé (y compris les fonctionnaires détachés en filiales). A noter que, dans tous les cas, les fonctionnaires (détachés ou non) conservent leur grade et leur dispositif de retraite.

Fin 2001, le nombre de salariés du groupe WV Télécom (en contrats à durée indéterminée et déterminée) relevant de la convention collective des télécommunications était de 33.500, dont 14.800 à WV Télécom (maison-mère). Il représente 85% des salariés directement concernés par la convention collective »>.

Quant à la dualité de statuts X/privé, le rapport se fait l’écho des critiques de certains syndicats, quant à l’absence d’exercice du droit syndical de droit commun et de comité d’entreprise à la maison-mère. En revanche, toujours selon ce rapport, pour la CFTC, « la dualité des statuts […] ne pose pas de problème. En effet, la loi de 1996 a laissé un espace ouvert aux adaptations. Il n’y a pas de problèmes techniques de gérer deux statuts différents dans le groupe WV Télécom, pas plus qu’il n’y a de problème dans toutes les entreprises pour gérer des CDD, des CDI, des CDI et des personnes mises à disposition par les entreprises extérieures. En revanche, il est clair que certains contractuels voient que le statut de fonctionnaires est quand même plus avantageux que la convention collective en terme de carrière et de niveau des rémunérations. La convergence en terme de rémunération, de possibilité de promotion, de mobilité, de gestion de temps est assurée en partie par voie d’accords. Une convergence vers le moins disant de chacun des statuts, en poserait davantage »

(page 68).

Enfin, M. BI évoque longuement la question « toujours pendante » des fonctionnaires reclassés et ceux reclassifiés, ce VF lui fait dire qu’au sein du groupe « coexistent donc, de fait, deux grands ensembles mais, de fait trois statuts

d’emplois »>.

A ce sujet, M. BI expose la difficulté en ces termes : « Plus de WO ans après la première réforme « Quilès » de 1990, certains fonctionnaires n’ayant pas accompagné les changements de l’entreprise se trouvent toujours dans une situation peu satisfaisante sur le plan administratif et, parfois, humain. Rappelons que la transformation juridique de WV Télécom en exploitant autonome de droit X a, en effet, été accompagnée d’un volet social, VF a fait l’objet d’un accord avec trois des organisations représentatives du personnel, le 9 juillet 1990.

Ce programme social comportait deux axes. Le premier consistait en des mesures de reclassement des personnels fonctionnaires dans de nouvelles échelles indiciaires plus

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favorables. Il a été mis en œuvre en 1991 et 1992. Le second volet correspondait à une réorganisation des « classifications '> des personnels. II a été appliqué progressivement à partir du 1er janvier 1993. Cette réorganisation visait à mieux harmoniser le grade détenu et la fonction exercée. L’objectif affiché par cette refonte des classifications était de valoriser les tâches exercées par les agents en reconnaissant le professionnalisme qu’elles exigeaient.

De manière concrète, la « reclassification » s’est traduite par le rattachement de chaque fonctionnaire de WV Télécom à une fonction correspondant au poste qu’il occupait effectivement, puis par son intégration dans le grade de reclassification correspondant au niveau de cette fonction.

Toutefois, certains personnels ont refusé ces évolutions, soit parce qu’ils estimaient le nouveau régime statutaire moins favorable, notamment eu regard de leurs droits à pension, soit par principe, parce que refusant l’évolution concurrentielle de

l’entreprise, qu’ils jugeaient peu conforme à leur engagement initial de fonctionnaire d’État au sein de la Direction générale des télécommunications (DGT).

Parmi ces personnels, on peut distinguer deux groupes : le premier, composé d’une ou deux centaines d’agents, a refusé toute évolution et estime avoir conservé le statut de fonctionnaire de -feu- la DGT. Or, pour nombre de leurs interlocuteurs, de

WV Télécom au ministère, cette direction n’existant plus, ils se trouvent d’une certaine façon dans des limbes administratifs, étant en activité à WV Télécom

(voire dans des filiales ceuvrant sur des services VF ne relèvent pas du service X) mais revendiquant l’appartenance et l’application des règles de gestion- VF n’ont de facto plus cours de leur ancien corps. Dans certains cas, la situation est totalement bloquée et se révèle difficilement soutenable sur le plan humain. […] Leur situation est aujourd’hui bloquée et ces personnes multiplient les recours contentieux contre les décisions de WV Télécom ou du ministre des télécommunications. Refusant la logique actuelle de l’entreprise, contestant sa légitimité à les employer, elles souhaitent une réintégration dans l’administration de l’État. Le deuxième groupe est celui, plus nombreux (quelques milliers, voire une dizaine de milliers) des personnels VF, ayant refusé la « reclassification », admettent toutefois avoir été « reclassés ». Certaines de leurs associations représentatives estiment qu’ils sont victimes de discrimination vis-à-vis des fonctionnaires ayant accepté la reclassification.[…]

Cette question, préoccupante, n’est pas nouvelle. Elle existait déjà lors du vote de la loi de 1996, mais on n’avait pas encore, à l’époque, pris toute sa mesure, quelques années seulement après le lancement du processus de reclassification (progressivement mis en œuvre à compter de 1993), et alors que les droits d’option pour les nouveaux grades étaient en cours d’exercice. La prise de conscience a réellement émergé avec le rapport précité de M. FL QX, VF a analysé la situation des « reclassés sans reclassification » (lesquels ont en général refusé à deux reprises la reclassification) et jugé qu’elle ne pouvait être « celle de < parias » voués au blocage de leur carrière »>.

De cette problématique complexe, il est intéressant de retirer d’une réponse du Gouvernement en date du 8 janvier 2002 à une question orale, les éléments suivants : « le déroulement de carrière des agents demeurés sur les grades de reclassement peut, sans perte d’identité statutaire, se poursuivre au sein des corps de classification. Il n’est donc pas envisagé d’établir ces personnels en un corps en extinction du ministère de l’économie ».[…]. Mais surtout la phrase suivante : « Si certains agents n’adhèrent pas au nouveau système de promotion, VF repose sur la mobilité fonctionnelle, le plus souvent associée à une mobilité géographique, aucune discrimination n’a été introduite dans les textes statutaires à l’encontre de ceux VF ont choisi de conserver leur grade de reclassement, et aucune mesure n’est à l’ordre du

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jour pour que les corps de reclassement soient déclarés éteints. »

Ainsi, le nouveau système de promotion » repose sur la mobilité fonctionnelle, le plus souvent associée à une mobilité géographique ».

Enfin, est évoqué le climat social. Si le rapporteur fait état d’une conflictualité tendanciellement en baisse à travers l’analyse du nombre de jours de grève, il clôt le thème en mettant en relief l’inquiétude grandissante des personnels, selon les termes suivants : < votre rapporteur est convaincu qu’il ne faut pas sous estimer l’inquiétude des personnels face aux facteurs anxiogènes que sont :

- les mutations fonctionnelles et géographiques ;

- le < yoyo » du cours de l’action;

- la dette du groupe ;

- les conjectures sur l’évolution du statut de l’entreprise, entretenues par de récentes déclarations;

- la question du maintien du statut des personnels ;

- la crainte de licenciements éventuels dans le contexte boursier actuel, si le statut de fonctionnaire devait ne pas être maintenu. »

Dans ce cadre, il est aussi nécessaire de reprendre le dernier paragraphe de M.

BI : « Dans sa réponse au questionnaire VN par votre rapporteur, le syndicat FO-communication estime ainsi que, pour les salariés, d’une façon générale, on observe «< une dégradation des conditions de vie et de travail, liée aux incessantes restructurations et à la course aux gains de productivité. Plus précisément, une précarisation de l’activité, voire une déqualification, une perte de repères et de confiance dans l’entreprise, une déshumanisation de la gestion des ressources humaines et des relations sociales (le terminal remplace l’interlocuteur), une pression du management pour faire toujours plus avec moins de moyens, un manque de perspectives de carrière, des interrogations sur l’avenir (statuts, privatisation totale).

< Cette situation se traduit par le développement du stress chez les salariés, l’augmentation de l’absentéisme et du nombre d’accidents (pour certains mortels dans les services techniques) et d’une aspiration générale à pouvoir parti avant l’âge légal, et cela de plus en plus jeune » (page 77).

Le rapport sénatorial de février 2002 livre donc de nombreux éléments VF donnent du relief à nombre de problématiques, de sujets, en lien direct avec les faits dont le tribunal est saisi.

Et si M. BI décrit aussi les conditions que devrait remplir la loi VF accompagnerait la privatisation de l’entreprise WV Télécom, il est préférable d’évoquer les éléments utiles que comporte le rapport à l’occasion de l’examen de la situation des personnels l’entreprise en 2005 après la mise en œuvre de la loi de décembre 2003. A ce titre, trois points méritent un examen attentif : la mobilité, les institutions représentatives du personnel et la prise en compte de la souffrance au travail.

II- La situation juridique et sociale des personnels en 2005

Après un bref rappel des étapes législatives majeures (1), les particularités de la gestion des fonctionnaires en poste chez WV Télécom issues de la loi du 31 décembre 2003 seront examinées sous l’angle de la mobilité (2) et de la création des institutions représentatives du personnel (3). Car ces sujets permettent de mieux comprendre un certain nombre de décisions prises soit dans les situations individuelles détaillées dans l’ORTC, soit par la direction de l’entreprise et les organisations syndicales.

Le double statut de son personnel imposait, en effet, de trouver en matière de gestion des solutions sui generis puisque ne pouvaient s’appliquer au personnel ni

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exclusivement les règles de droit du travail ni exclusivement les règles de la fonction publique. C’est donc une « solution innovante », selon l’expression du sénateur GS

BI dans son rapport de 2003, que la loi du 31 décembre 2003 a retenue.

Le présent jugement ne peut être le lieu de détailler les étapes successives ayant mené à cette « solution innovante » : d’une part, en ce qu’elles remontent à une période bien antérieure à celle de la prévention (à savoir 1990 avec la loi Quilès), d’autre part, en ce qu’elles portent sur des volets VF, outre leur technicité et leur complexité, ne sont pas directement en jeu dans les faits dont le tribunal est saisi, même s’ils les éclairent comme cela sera évoqué au TM IV.

Enfin, il s’avère que si la souffrance des personnels de WV Télécom était déjà connue et dénoncée, il existait une réflexion précoce sur l’accompagnement de la transformation (4).

1- De 1990 à 2003: trois étapes législatives majeures vers la « sanctuarisation '>

En treize ans, au moins trois lois sont venues modifier en profondeur le statut des fonctionnaires de WV Télécom. Elles seront successivement rappelées pour noter les évolutions concernant les volets intéressants particulièrement le présent dossier, à savoir la mobilité et les institutions représentatives du personnel.

Une première étape a lieu en 1990. La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à

l’organisation du service X de la poste et des télécommunications, VF crée la personne morale de droit X WV Télécom, placée sous la tutelle du ministre en charge des télécommunications, dispose que les personnels de WV Télécom sont SO par un statut particulier pris en application de la loi du WP juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires et de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État (art. 29). Cette loi de 1990 permet aussi d’employer des agents contractuels sous le régime des conventions collectives, sans que cet emploi ait pour effet de rendre applicable à WV Télécom les dispositions du code du travail relatives aux comités d’entreprise (art, 31).

Elle crée une Commission supérieure du personnel et des affaires sociales à caractère paritaire (art. 36).

Les personnels en activité sont placés de plein droit, mais sans changement de leur position statutaire, sous l’autorité du président du conseil d’administration de WV Télécom et WV Télécom est substituée à l’État dans les contrats des agents de droit X non fonctionnaires relevant de la Direction Générale des Télécommunications

(art. 44).

Le décret n° 90-1112 du 12 décembre 1990 portant statut de WV Télécom prévoit que le président du Conseil d’administration recrute et nomme aux emplois de

WV Télécom, gère le personnel, fixe et organise les concours de recrutement et de promotion. Il fixe le niveau des primes, indemnités et rémunérations annexes au traitement de base des personnels, liées à l’activité et aux qualifications spécifiques à WV Télécom (art. 12).

Le décret n° 94-131 du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de WV Télécom prévoit que les commissions administratives paritaires

(une pour chaque corps sauf exceptions) sont créées par décision du président du Conseil d’administration (art. 4). Les attributions sont à l’article 25.

La deuxième étape, à savoir la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à

l’entreprise nationale WV Télécom, VF transforme WV Télécom en une société anonyme, ne remet pas en cause le statut des fonctionnaires employés par la société.

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Les pouvoirs du président de l’ancienne personne morale de droit X pour la nomination et la gestion des fonctionnaires sont logiquement transférés au président du conseil d’administration de la nouvelle société (art. 29-1).

Pour la représentation des personnels, elle crée un comité paritaire, avec un collège représentant les agents fonctionnaires et un collège représentant les autres agents, par dérogation aux dispositions de l’article 15 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Enfin, d’une part, cette loi de juillet 1996 insère un article 30-1 relatif au congés de fin de carrière dans la loi de 1990. D’autre part, elle autorise l’entreprise à procéder, jusqu’au 1 janvier 2002, à des recrutements externes de fonctionnaires et à employer librement des agents contractuels sous le régime des conventions collectives.

La dernière étape découle de la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service X des télécommunications et à WV Télécom, VF parachève la réforme.

En premier lieu, si le ministre chargé des télécommunications reste seul habilité

à prendre les sanctions les plus graves, à savoir la mise à la retraite d’office et la révocation, les pouvoirs du président de la société pour la gestion des fonctionnaires peuvent dorénavant être délégués et il peut autoriser la subdélégation (modif art. 29 Ioi de 1990).

A ce sujet, et pour la période de prévention dont le tribunal est saisi, il convient de relever que Mme GI M a expliqué à l’audience que M. EY AN a délégué cette gestion à M. IG-JB P, VF l’a ensuite subdéléguée à Mme GI M. Plus tard, cette délégation de
M. AN a directement été faite entre les mains de Mme GI M. Et il ressort des délégations de pouvoir communiquées à l’audience du 20 juin 2019 par M. AN que ce dernier a délégué aux directeurs exécutifs « la gestion des salariés de droit privé relevant de leur autorité ou appartenant à des entités VF leur sont rattachés dans le cadre législatif et réglementaire applicable (embauche, rémunération, licenciement, gestion des prestations de services et de sous-traitance, etc.) ». « Les délégataires ont, dans leur délégation et moyens mis à leur disposition, pour rôle de coordonner avec les autres Délégataires les mesures et modalités de mobilité, mutation, déploiement, reclassement entre les différentes directions et établissement de WV Télécom, dans le respect des principes rappelés ci-dessus »>.

En second lieu, ainsi que M. AP l’a expliqué au cours de l’instruction

(D2216/2) et à l’audience pour avoir été en charge aussi de cette évolution lors de son arrivée chez WV Télécom en mars 2003, la loi permet la mise en place des institutions représentatives du personnel (ci-après IRP) de droit commun (art. 29-1 loi de 1990) et supprime le comité paritaire. Elle étend aux fonctionnaires de WV

Télécom les dispositions des titres Ier du livre IV (« les syndicats professionnels '>), III («< hygiène, sécurité et conditions de travail »), IV («services de santé au travail '>),

V («< service social du travail ») et VI (« pénalités ») du Livre II du code du travail (art.29-1 loi de 1990). Le texte permet l’application à WV Télécom des dispositions du code du travail relatives aux comités d’entreprise (art. 29-2 loi de 1990). Il s’agit de la « normalisation des instances représentatives du personnel » présentée par le Premier ministre dans l’exposé des motifs du projet VF allait devenir cette loi du 31 décembre 2003, « normalisation » dont il indiquait que l’un des buts était de « permettre d’harmoniser les relations de WV Télécom avec ses agents fonctionnaires et contractuels de droit privé, afin de renforcer la cohésion des personnels de l’entreprise ».

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En résumé, le droit applicable aux fonctionnaires de WV Télécom est celui de leur statut particulier et ce VF n’est pas prévu et géré par leur statut particulier dépend, par défaut, du statut général. La loi de 2003 a, ainsi, répondu au vœu du sénateur BI dans son rapport du 15 octobre 2003 sur le projet de loi relatif aux obligations de service X des télécommunications et à WV Télécom : « rassurer de façon définitive les fonctionnaires de WV Télécom : ce texte sanctuarise leur statut »>.

Cependant, si elle a « sanctuarisé » le statut particulier des fonctionnaires de

WV Télécom le temps que les effectifs de ceux-ci se tarissent et normalisé les relations sociales, cette loi a laissé à la main des dirigeants de l’entreprise, un certain nombre d’autres sujets, tel le « levier majeur », présenté ainsi dans une note de mai 2000 de WV Télécom ci-dessous évoquée, de la mobilité.

Aussi, avant d’aborder le sujet de la mise en place de ces nouvelles institutions représentatives du personnel, pour les élections desquelles il n’existe désormais qu’un corps électoral unique regroupant tous les salariés de l’entreprise, il paraît nécessaire de s’attarder sur un HT aveugle de cette « sanctuarisation » du statut, à savoir la mutation.

2- De la mutation à la mobilité interne et externe: l’enjeu de cette substitution, outil des redéploiements

Le terme de mobilité, pour figurer parmi les onze agissements visés comme harcelants dans la prévention, « des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles forcées », pour concerner nombre de personnes, sous statut de de droit privé ou de droit X, entendues dans le dossier, pour être annoncée au nombre de WO 000 dans la mise en oeuvre du plan NEXT, pour faire partie du nom de l’Observatoire créé en juin 2007 par deux syndicats, « l’Observatoire du stress et des mobilités forcées », mérite un développement particulier.

Et il est frappant de constater que le terme de mutation a quasiment disparu des textes relatifs à la gestion des personne de France com dès 2000. Dans le Guide élaboré par le syndicat SUD et versé aux débats, par le conseil de ce syndicat, dans sa version 2005 (la mise à jour datant d’octobre 2004), 26 pages (166 à 190) sont consacrées à la « Mobilité» ; et à la rubrique intitulée « Les mutations il est indiqué : « concernant les fonctionnaires : Loi n°84 16 du 11 janvier 1984, Ch VI,

Décision 1006 du 26 juin 1992 », avec le commentaire suivant : « La réglementation concernant les mutations n’est plus respectée par la direction, tout n’a pourtant pas été supprimé ».

L’assouplissement des règles statutaires relatives aux mutations, s’avère, de fait, la condition fondamentale pour la réussite de la conciliation de deux exigences contradictoires à laquelle l’entreprise était confrontée : garantir l’emploi pour les fonctionnaires VF composaient près de 80 % des effectifs de

WV Télécom (à l’époque des faits), entreprise VF ne pouvait recourir à un plan de sauvegarde de l’emploi, et assurer l’avenir de la compétitivité de l’entreprise. Or, cette condition supposait que soient adaptées les règles statutaires classiques de la fonction publique, ce VF a été effectué au fil des ans.

Concrètement, le terme de mobilité recouvre, dans ce dossier, deux réalités bien distinctes, aux problématiques spécifiques et toujours présentes dans la période de prévention: la mobilité interne et la mobilité externe, elle-même déclinée en plusieurs sujets.

S’agissant de la mobilité interne, il est indispensable de rechercher les raisons pour lesquelles elle a pu concerner un nombre de fonctionnaires aussi élevé que celui

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indiqué par M. BI dans son rapport de 2002, et de quelle façon elle a pu être effectuée.

Quant à la mobilité externe, WV Télécom pouvait proposer divers dispositifs pour la favoriser.

Avant d’aborder les deux volets de la mobilité, il paraît utile de rappeler quelques notions du statut de la fonction publique dont l’application aux fonctionnaires de WV Télécom a donné lieu à certaines décisions du Conseil d’État.

2-1. Quelques notions du statut de la fonction publique

Pour avoir donné lieu à des développements spécifiques ou pour apparaitre dans les écritures des parties, en défense s’agissant des écritures de la société WV Télécom (Me PQ PR), ou du coté des parties civiles s’agissant des conseils de Mme BJ (Me Antoine LABONNELIE) et du syndicat CGT

FATP (Me Agnés CITTADINI), méritent d’être rappelées certaines particularités du statut de la fonction publique, pour comprendre celles des fonctionnaires de WV Télécom la distinction du grade et de l’emploi, le régime de la mutation VF s’avère inapplicable en cas de simple « changement d’affectation » ou de transfert collectif de plusieurs fonctionnaires (sans changement d’emploi) en cas de restructuration, la notion de résidence administrative.

Ainsi, le principe de la distinction du grade et de l’emploi est énoncé à l’article 12 de la loi n° 83-634 du WP juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :

«Le grade est distinct de l’emploi.

Le grade est le titre VF confère à son titulaire vocation à occuper l’un des emplois VF lui correspondent.

Toute nomination ou toute promotion dans un grade VF n’intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d’exercer les fonctions correspondantes est nulle. (L. n° 2010-751 du 5 juill. 2010, art. 3).

Toutefois, le présent alinéa ne fait pas obstacle à la promotion interne d’agents VF, placés dans la position statutaire prévue à cette fin (L. n° 2016-483 du 20 avr. 2016, art. 58-II), sont soumis aux II et III de l’article 23 bis de la présente loi. En cas de suppression d’emploi, le fonctionnaire est affecté dans un nouvel emploi dans les conditions prévues par les dispositions statutaires régissant la fonction publique à laquelle il appartient »>.

Le grade est donc le titre qu’un fonctionnaire possède par l’effet de sa titularisation dans un corps. Il indique son rang dans la hiérarchie administrative et lui confère vocation à occuper certains emplois sans se confondre avec ceux-ci. L’emploi est une notion fonctionnelle, qu’il s’agisse de l’ensemble des tâches qu’un fonctionnaire doit accomplir dans le cadre de l’organisation du service ou des missions VF lui sont confiées en vue d’objectifs définis.

S’agissant du régime des mutations, il repose sur l’article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de

l’État, VF le détaille comme suit dans sa version en vigueur à compter du 1er janvier 2007 « L’autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires.

Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques de mutations, l’avis des commissions est donné au moment de l’établissement de ces tableaux.

Toutefois, lorsqu’il n’existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l’intéressé

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sont soumises à l’avis des commissions.

Dans toute la mesure compatible avec le BU fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité « lorsqu’ils prod isent la preuve qu’ils se soumettent à l’obligation d’imposition commune prévue par le code général des impôts », aux fonctionnaires handicapés relevant de l’une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°,WO° et 11° de l’article L. 323-3 du code du travail et aux fonctionnaires VF exercent leurs fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles.

Dans le cas où il s’agit de remplir une vacance d’emploi compromettant le fonctionnement du service et à laquelle il n’est pas possible de pourvoir par un autre moyen, même provisoirement, la mutation peut être prononcée sous réserve d’examen ultérieur par la commission compétente ».

Ce texte est à combiner avec le « pouvoir d’emploi de l’administration » VF se manifeste par un « pouvoir d’affectation » consistant pour l’administration à assigner tel poste de travail à tel agent ou à transférer tel agent d’un poste à un autre, généralement dans le même service. De manière générale, « il appartient à l’autorité investie du pouvoir hiérarchique de prendre à l’égard des fonctionnaires placés sous sa responsabilité les décisions, notamment d’affectation et de mutation, répondant à l’intérêt du service » (CE, 24 févr. 2011, M. B… c/ WV Télécom, n° 335453, Rec.

Lebon).

Librement décidé par l’administration dans l’intérêt du service, le fait de modifier les attributions d’un fonctionnaire sans porter atteinte aux droits qu’il tient de son statut constitue en général une mesure d’organisation du service, « mesure d’ordre intérieur » VF, lui, ne fait pas grief et ne peut donc être contesté devant le juge administratif (CE, 14 avr. 1999, M. BK, n° 199721: Lebon T. 922; Cah. fonct. publ. 1999, n° 180, p. 28). Le juge administratif qualifie ces mouvements de < simples changements d’affectation » (CE WP mars 1985, Mlle Stampf, RFDA 1985, p. 733) et les exonère du respect des exigences formelles de l’article 60 devant encadrer les mutations.

S’agissant de WV Télécom, il a ainsi été jugé que ne constituaient pas une mutation :

- la décision du 17 avril 2003 par laquelle WV Télécom a muté d’office au poste de conseiller d’accueil service après-vente à Nice Ribotti un agent VF était auparavant affecté à des tâches techniques d’installation des lignes téléphoniques, le statut particulier du corps des techniciens de WV Télécom prévoyant la possibilité pour les techniciens chargés de l’exploitation technique et de la maintenance des installations et équipements d’exercer leur activité dans le secteur commercial, ainsi que dans les activités concurrentielles (CE, 9 déc. 2009, n° 326196); M- la décision prise le 27 mai 2004 d’affecter un fonctionnaire de WV Télécom au département Intervention Sud de l’unité interventions clients Midi-Pyrénées, sans changement de résidence administrative, à la suite d’une réorganisation des services consistant à transférer à ce service les activités relevant de l’unité régionale réseau Midi-Pyrénées de WV Télécom dans laquelle l’agent était auparavant en poste, nonobstant les termes employés par WV Télécom dans ses courriers notifiant à l’intéressé la décision d’affectation dont il était l’objet (CE, 30 juill. 2008, n° 309031).

Pas de mutation non plus dans le cas de M. BL évoqué par WV

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Télécom dans ses écritures (page 72), puisqu’il s’agissait d’un transfert collectif de quelques fonctionnaires (sans changement d’emploi) à la suite de la ré organisation ou la restructuration d’un service (CE, 30 juillet 2008, BL, n° 3 09031).

En revanche, emporte « mutation » au sens de ce texte toute affectation comportant changement de résidence ou modification de la situation du fonctionnaire. Pareil mouvement ne peut être prononcé que dans l’intérêt du service et après consultation de la commission administrative paritaire, sauf urgence VF autorise

à ne consulter la commission qu’après la décision. Bien que le texte ne l’exige pas, le Conseil d’État considère que la décision doit, en outre, donner lieu à la mise en œuvre de la procédure de consultation du dossier prévue par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 (L. n° 83-634 du WP juillet 1983, art. 19, Partie I, Droits et obligations; CE 30 déc. 2003, Min. de l’éducation nationale c/ Mme BM, n° 234270: AJDA 2004.

668, note Dord.)

Chez WV Télécom, a ainsi été jugée comme excédant le caractère d’une simple mesure d’ordre intérieur, la décision prise le 29 octobre 2008 par WV Télécom d’affecter un fonctionnaire, auparavant en fonction au département Gestion des affaires au sein de l’unité d’intervention Centre à Montargis, dans les fonctions de chargé d’affaires études en ligne dans la même unité, dès lors qu’il exerçait auparavant des fonctions de conception, de suivi et de coordination de chantiers, de négociation avec des partenaires extérieurs, en relation avec le déploiement du réseau téléphonique alors que ses nouvelles fonctions n’entraînent plus aucun déplacement sur les chantiers et n’impliquent plus ni la réalisation de projets de génie civil ni de contact avec des agents ou élus des collectivités locale, le changement d’affectation critiqué comportant de ce fait une diminution des attributions et des responsabilités exercées par l’intéressé (CE, 4 déc. 2013, n° 359753, Tabl, Lebon).

Enfin, au sujet de la résidence administrative, l’alinéa 3 de l’article 60, VF tend à protéger les fonctionnaires contre l’arbitraire, soumet toutes mutations comportant changement de résidence à l’avis de la commission administrative paritairę mais sans définir ce qu’il faut entendre par « résidence ».

Statuant sur un litige concernant certaines modalités d’application de ces dispositions, le Conseil d’État, après avoir qualifié cette résidence d'« administrative » et constaté qu’il n’existe aucune disposition légale la définissant pour l’application de l’article 60 précité, a considéré qu’il appartient au ministre, en sa qualité de chef de service, d’en fixer, sous le contrôle du juge, les limites géographiques. Puis, répondant à la question VF lui était posée, il a considéré que « si la résidence administrative

s’entend en général de la commune où se trouve le service auquel est affecté l’agent, il en va autrement dans le cas où l’activité du service est organisée sur plusieurs communes ». Dans cette hypothèse, « il incombe au ministre, sous le contrôle du juge, d’indiquer à ses services quelles communes constituent une résidence administrative unique au sens de l’article 60 » (CE, 4 avr. 2001 (M. BN et a., n° 163087 : Lebon 168; AJFP 2001, n° 4, p. 5).

En résumé, seules doivent suivre la procédure avec saisine préalable de la commission administrative paritaire les mobilités individuelles avec changement de résidence (voire de modification de la situation mais à condition de ne pas être un simple changement d’affectation), et les mobilités géographiques collectives avec changement d’emploi. Or, WV Télécom a donné à la « résidence administrative » de ses fonctionnaires, non les limites d’une commune, mais celles

d’une direction régionale, donc de plusieurs départements, ainsi qu’évoqué ci dessous.

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2-2. La mobilité interne avec une acception large de la notion de résidence administrative étendue au bassin d’emploi : la clé de voûte des réorganisations

Dans son rapport de 2002 précédemment évoqué, le sénateur GS

BI rendait hommage : «WV Télécom, contrairement à de nombreux opérateurs historiques européens VF ont procédé à des suppressions massives d’emplois, a fait le choix de réaliser les gains de productivité imposés par l’évolution des techniques et le développement de la concurrence, par une politique de redéploiement interne de ses effectifs, dont le succès s’explique par un engagement très fort des personnels, notamment fonctionnaires, dans l’accompagnement de la transformation très rapide des métiers de l’entreprise. Pour percevoir l’ampleur de la mobilisation humaine que cela a entraîné, il faut se rappeler qu’en 2000, les redéploiements occasionnant un changement de poste ou de métier ont concerné plus de 11.800 salariés (après 8.900 en 1999). Depuis 1996, il faut le souligner, ce sont 53.000 personnes VF ont changé de métier au sein du groupe ».

Et, plus loin, il précisait : « Pour l’ensemble des personnels, depuis 1996, ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes (53 000 au total) – représentant un tiers du total des effectifs de la maison-mère VF ont changé de fonction à WV Télécom, par exemple pour passer d’un poste technique à une fonction commerciale.

Les redéploiements se sont effectués pour moitié au profit des fonctions commerciales, puis, en importance numérique décroissante, vers les fonctions gestion-finances, informatique, management. »

Enfin, selon la réponse faite en janvier 2002 par un des membres du gouvernement, « le nouveau système de promotion,[VF] repose sur la mobilité fonctionnelle, le plus souvent associée à une mobilité géographique ».

Ce constat du sénateur s’explique par l’utilisation de la mobilité faite par la direction de WV Télécom, utilisation clairement « au service du changement », tel que le pose le titre d’une note en date du WO mai 2000, versée aux débats le 16 mai

2019 par M. AP et jointe à ses écritures (pièce n°8). Cette note, dite DG40, intitulée « La mobilité au service du changement dans le Groupe WV Télécom » et signée par le Directeur des Ressources humaines Groupe de l’époque, M. BO

SCHIETTEGATE, débute par cette phrase : «Dans le contexte européen des télécommunications, en pleine mutation, la mobilité est un levier majeur de la politique de l’emploi au service de la performance de notre Groupe ». Puis, sur neuf pages, et avec trois annexes, elle présente et détaille les principes visant à rénover la politique de mobilité au sein du Groupe.

Il est à relever que cette note survient quelques jours après la Convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000, VF, dans son préambule, souligne qu’elle a été négociée avec notamment la volonté de tenir compte des besoins d’évolution des entreprises de la branche et de l’émergence de nouvelles technologies en voulant créer un socle pour les relations sociales entre entreprises et salariés. Et dans le TM IV < Mobilité professionnelle », figure le texte introductif suivant : « Le secteur des télécommunications se caractérise par de perpétuelles évolutions techniques et technologiques, une diversification des ses activités ainsi que par des mutations constantes des métiers.

Dans ce contexte, les partenaires sociaux conviennent que la mobilité géographique et/ou fonctionnelle fait partie des leviers VF contribuent, d’une part, à favoriser le développement des compétences des salariés ainsi que leur évolution professionnelle,

d’autre part, à maintenir la compétitivité des entreprises en facilitant l’adaptation de leurs organisations à l’évolution de leur environnement et donc de leurs besoins.

Les parties signataires estiment que cet environnement nécessite d’optimiser la fluidité

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de l’emploi dans l’entreprise ou le groupe, voire la branche et qu’à ce titre la mobilité géographique et/ou fonctionnelle peut permettre de répondre aux intérêts économiques et sociaux de la profession. »

Il ressort du dossier, des débats et des pièces versées, que ce « levier majeur de la politique de l’emploi qu’est la mobilité interne a continué d’être actionné pendant la période de prévention, puisqu’elle figure au nombre de WO 000 dans le plan NEXT. Avec un personnel constitué à 80 % de fonctionnaires au moment des faits, et en dépit des adaptations du statut, la société WV Télécom ne pouvait recourir à un plan de sauvegarde de l’emploi (ci-après PSE). Cette impossibilité, largement soutenue lors des débats par les prévenus comme par l’inspectrice du travail, Mme Q, conduit néanmoins à s’interroger sur la façon dont pouvaient être conciliés l’exigence des restructurations ou réorganisations de services souhaitées par les dirigeants et le respect des dispositions statutaires.

En fait, il s’avère que, de manière continue depuis la Décision DG40 du WO mai 2000 ci-dessus évoquée, les mobilités internes des fonctionnaires de WV Télécom intervenaient au sein de leur « bassin d’emploi » dont les limites géographiques correspondaient à celles des directions régionales. Selon cette note :

« Le bassin d’emploi est l’espace géographique au sein duquel le développement des compétences de chaque salarié est favorisé au cours de sa vie professionnelle. La mobilité prend place entre les entités du Groupe, dans le bassin d’emploi VF est le territoire pertinent au regard des équilibres entre les besoins et les ressources du

Groupe.

Pour les salariés du Groupe (classes I, II et III à WV Télécom SA), le bassin

d’emploi recouvre le territoire géographique de la Direction Régionale sur lequel ils travaillent, sauf l’Ile-de-WV VF constitue un seul bassin d’emploi.

Le Délégué régional à l’emploi est garant, avec l’ensemble des partenaires du bassin d’emploi, de l’adaptation annuelle des ressources aux besoins, compte tenu de l’évolution des métiers stratégiques décidée par les Branches » (page 4).

Les limites géographiques des bassins d’emploi ont été reprises dans le cadre de l’accord GPEC 2003, signé par quatre des six syndicats de l’entreprise

(seuls les syndicats SUD et la CGT ont refusé de signer cet accord) (D3903/7 et 12).

Elles ont également été reprises, telles quelles, dans le texte de la DG 46 signée par M. P en juin 2006: « Pour les collaborateurs du Groupe

(Bandes A à Dbis ou Classes 1 à 3 à WV Télécom SA), le bassin d’emploi recouvre le territoire géographique de la direction régionale sur lequel ils travaillent sauf l’Ile de-WV VF constitue un seul bassin d’emploi » (D1612/8).

Enfin, la taille du « bassin d’emploi » à l’intérieur duquel des mobilités étaient susceptibles d’intervenir n’a pas été modifiée lors du passage des directions régionales (DR) aux directions territoriales (DT) en juillet 2006: avant la réorganisation, le « bassin d’emploi » correspondait à la DR. Il en existait 7

31 sur le territoire (Pièce n°1 de WV Télécom: Accord IRP 2004, annexe 1, p. 31); après la réorganisation, le « bassin d’emploi » correspondait à des subdivisions des

-

DT appelées «< zones géographiques ». Il en existait 32 sur le territoire (31 + Mayotte)

(Pièce n°3 de WV Télécom: annexe 3 de l’avenant 2006, p. 18 à 20).

Cette acception géographiquement large de la résidence administrative, à savoir le bassin d’emploi d’une direction régionale, soit la superficie de quatre

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départements en moyenne, a été indiscutablement un facteur facilitant les mobilités internes. Elle a, corrélativement, privé les fonctionnaires concernés par ces mobilités, de la mise en oeuvre des règles protectrices classiques de la mutation individuelle en cas de changement de résidence administrative, notamment la garantie d’une transparence par la consultation d’une commission administrative paritaire, ne serait-ce que pour un simple avis. Elle devient ainsi une des explications du faible nombre de recours. En effet, parmi les indicateurs du bilan social 2006 VF figure au dossier (D4067/39), apparaît un indicateur intitulé « nombre de recours à des modes de solution non judiciaires engagés dans l’année ». Le document précise : « il s’agit du nombre de dossiers (hors procédure disciplinaire) engagés devant la CAP nationale durant l’année de référence; cet indicateur n’a pas été suivi en 2004 ».

Le chiffre de 2005 est de 5 recours, tandis que celui de 2006 s’élève à 52 recours.

Et suit le commentaire suivant : « En 2006, le nombre de dossiers non disciplinaires examinés a fortement augmenté du fait principalement des mutations envisagées dans l’intérêt du service, liées aux évolutions d’organisation NEXT ». En regard du volume des effectifs, il n’en demeure pas moins que ce nombre apparaît dérisoire,

A ce titre, il n’est pas anodin de relever, comme le fait le conseil de la CGT

FAPT dans ses écritures (page 8), l’absence de commissions administratives paritaires locales, en dépit de l’article 3 du décret du 11 février 1994 (abrogé le 22 novembre

2011, mais applicable au moment de la période de prévention) VF prévoyait que : «Des commissions administratives paritaires locales peuvent également être créées auprès des chefs de services extérieurs, quand l’importance des effectifs des fonctionnaires en activité le justifie ». Sachant que précisément, les commissions administratives paritaires disposent d’une voix consultative, notamment dans le cas de mouvement des fonctionnaires (article 60 de la loi du 11 janvier 1984) ou de licenciement pour insuffisance professionnelle (articles 70 de la loi du 11 janvier

1984), et alors que l’importance des effectifs pouvait justifier la création de ces commissions locales, il n’existait, au sein de WV Télécom, que des commissions administratives paritaires nationales, VF étaient au nombre de quatre au moment de la période de prévention.

2-3. La mobilité externe : des dispositifs encouragés

Pour être des plus parlants sur l’évolution du nombre de fonctionnaires dans

l’entreprise telle qu’elle est envisagée fin 2003, mérite d’être ici repris le tableau figurant dans le rapport du 15 octobre 2003 de M. BI, en n’oubliant pas de rapporter la précision suivante également fournie : « Cette projection s’appuie sur les taux de départ constatés de juillet 2002 à juin 2003, et suppose qu’il n’y ait pas d’inflexion dans le rythme des départs vers les fonctions publiques »>.

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EVOLUTION DES EFFECTIFS DE FONCTIONNAIRES ACTIFS DE FT-SA

120000

[…]

100000

[…]

80000

64506

60000

40000

20000

[…]

10420

2002 2004 2006 2009 2010 201

[…]

2 2024 2026 202 203 […]

De ce tableau, il ressort qu’entre 2002 et 2010, les effectifs de fonctionnaires de la maison-mère, FT SA, sont censés passer de […] à 64 596, soit une diminution de 41 404 fonctionnaires actifs en huit ans.

Dans les Documents de référence versés aux débats par M. AN, ces diminutions d’effectifs sont principalement expliquées par des « départs naturels » et la mobilité vers la fonction publique.

La définition de ces « départs naturels », expression source de développements fournis de la part des prévenus tant au cours de l’instruction qu’à l’audience compte tenu de son rôle dans l’annonce des 22 000 départs faite par M. AN en février 2006, peut être trouvée dans le Document de référence de 2003, ainsi que M. AO

l’indique dans ses écritures (page 32).

La définition officielle des « départs naturels » figure dans le Rapport 2003,

Analyse financière et des résultats p. 97: « Entre le WO janvier et le 31 décembre 2003 les effectifs de WV Télécom en WV, pour les contrats à durée indéterminée

(CDI) ont diminué de 5,7 %. Cette diminution est imputable pour l’essentiel à des départs naturels (sorties provisoires, mobilité vers les filiales et la sphère publique, pré-retraites, retraites, Congés de Fin de Carrière, démissions et décès)». Le même document précise : « Ces évolutions sont conformes aux prévisions de 22 000 départs naturels et en congés de fin de carrière en WV de 2003 à 2005 »>.

Et il ressort des documents de références produits que sur la période 2003 2005, 21 825 départs naturels ont été constatés (soit 7 039 en 2003, 6 438 en 2004 et 8 348 en 2005).

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S’il n’est pas nécessaire de présenter ici le dispositif de fin de carrière, parce que, d’une part, il a été évoqué au cours du rapport sénatorial de 2002 de M. BI (I

2-1 b), d’autre part, il ne constitue pas stricto sensu une mobilité externe, mais un départ en pré-retraite, il convient en revanche de s’intéresser à deux autres dispositifs : celui de la mobilité vers la fonction publique et l’essaimage.

Le dispositif MFP (Mobilité Fonctions Publiques) est issu de la loi du 31 décembre 2003 (D2157- devenu l’article 29-3 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990). II permettait aux agents de WV Télécom pendant six ans, soit jusqu’au 31 décembre 2009, de rejoindre les fonctions publiques (D3875/2). Le dispositif afférent prévoyait une période de 12 mois divisée en deux périodes de 4 et 8 mois durant lesquelles le fonctionnaire allait successivement pouvoir effectuer un stage probatoire pour se familiariser avec le poste puis être détaché auprès de l’Administration concernée afin de préparer son intégration définitive. Il bénéficiait d’un droit de retour dans l’entreprise durant ces mêmes 12 mois,

Les dispositions relatives à ce dispositif sont précisées dans l’accord GPEC de 2003 ci-dessous examiné (D3903/9). Une indemnité d’accompagnement et une prime

d’intégration, dont le montant et les modalités varient selon le statut du bénéficiaire, sont accordées aux agents de l’entreprise VF rejoignent les fonctions publiques. Dans le Document de référence 2005 de WV Télécom (page 182), il est indiqué «En 2005, la politique active de mobilité des fonctionnaires vers la Fonction Publique a été poursuivie, mettant en œuvre 5 décrets facilitant la mobilité des salariés du groupe WV Télécom vers la Fonction Publique (décrets parus entre septembre et octobre 2004).

Au 31 décembre 2005, 12 200 personnes sont inscrites sur le site Intranet de WV

Télécom dédié à la mobilité vers la Fonction Publique, chiffre VF représente 14% des effectifs fonctionnaires actifs de WV Télécom S.A.

739 mobilités ont été réalisées au titre de l’activité 2005. 34% des mobilités sont effectuées par des cadres et 66% par des salariés non-cadres ».

Dernier dispositif censé favoriser les mobilités externes, l’essaimage, VF existait depuis un certain temps dans l’entreprise WV Télécom Comme le dispositif Mobilité Fonctions publique, il permettait une réintégration au sein du groupe, en l’occurrence jusqu’à 6 ans et 11 mois pour un salarié de droit privé et 12 ans pour un fonctionnaire.

Ainsi, s’il est acquis que le nombre de fonctionnaires avait vocation à diminuer au fil des ans, probablement pour se retrouver au même niveau vers 2015-2020 que celui de salariés de droit privé, ainsi que M. BI l’écrivait dans son rapport de mars 2002, il n’est pas inintéressant de relever que c’est uniquement au titre des « départs naturels » que s’explique cette diminution. Au demeurant, dans le Guide élaboré par le syndicat SUD de 2005 déjà cité, il est écrit au sujet de « La politique de l’emploi » : « WV Télécom mène depuis longtemps déjà une politique de réduction de ses effectifs et de restructuration. Cette politique s’est accrue avec la crise financière et l’arrivée de EQ BV. Elle concerne la maison mère et les filiales avec une logique de groupe. Elle n’exclut ni les licenciements ni les mobilités contraintes ». Avec le commentaire suivant : « Jusque là, le statut de l’entreprise et le statut de fonctionnaire VF concerne encore plus de 80% du personnel, ont protégé l’emploi des agents bien au delà des seuls fonctionnaires. La direction en usant d’un nouveau terme « mobilité externe », VF correspond à la sortie du groupe montre bien quelles sont ses ambitions : réduire les effectifs par tous les moyens. »

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2-4. L’accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du 5 juin 2003 La loi du 17 janvier 2002 dite de modernisation sociale, déjà examinée pour avoir incriminé le harcèlement moral au travail, a également rendu obligatoire la négociation de branches sur la gestion prévisible des emplois et des compétences (ci après GPEC). La finalité recherchée par ce dispositif était d’anticiper les évolutions prévisibles des emplois et des métiers, des compétences et des qualifications, liées aux mutations économiques, démographiques et technologiques consécutives aux stratégies de l’entreprise permettant à celle-ci de renforcer son dynamisme et sa compétitivité.

Il s’avère que, dès le 5 juin 2003, la société WV Télécom a signé avec, quatre des six syndicats de l’entreprise (ni SUD, ni la CGT), un accord sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), applicable jusqu’au 31 décembre 2005, pour organiser la mobilité à l’intérieur du groupe et vers la fonction publique et accompagner le programme de transformation TOP (D58/4). Il concernait tous les agents et a été en vigueur de juin 2003 à mars 2006 (D58/4).

Cet accord du 5 juin 2003 (D3903/1 à 23) décrit les procédures d’information et de consultation des instances de dialogue social dans le cadre des différents scénarios de réorganisations : déploiements vers les emplois disponibles, fermetures de services et mesures de reclassement en cas de plan de sauvegarde de l’emploi dans les filiales du groupe. Les principes de déploiement vers les emplois disponibles sont énoncés tandis que l’obligation légale de l’employeur à fournir un travail à ses salariés est affirmée.

Une commission de suivi composée de deux représentants désignés par chacune des organisations syndicales représentatives et de représentants de la direction du Groupe est instaurée et un bilan de l’application des mesures est présenté chaque année. La demande de mobilité infra-groupe est à l’initiative du collaborateur (D3903/5).

Cet accord crée aussi les « espaces mobilité interne et externe » (EMEI) auxquels succéderont, au cours du second semestre 2006, onze Espaces

Développement (ED), rattachés à chacune des directions territoriales et employant 300 collaborateurs dédiés. Ce dispositif des ED sera étudié dans le TM IV (HT 1.3.2)

Le syndicat SUD-PTT n’est pas signataire de cet accord. Devant les magistrats instructeurs, M. BP a déclaré : «Non. Nous ne souhaitions pas donner notre accord à un modèle de mobilité forcée. D’ailleurs les autres syndicats se sont retirés de ce type d’accord par la suite. » (D281/4). C’est ce qu’il a confirmé à l’audience du 9 mai 2019.

3- La récente mise en place des institutions représentatives du personnel

Certes, s’agissant des comités d’hygiène, de sécurité et du travail (ci-après

CHSCT), il convient de préciser que c’est la loi du 2 juillet 1990 (article 29-1) relative à l’organisation du service X de la Poste et à WV Télécom, VF a rendu applicable à WV Télécom les règles régissant les CHSCT de droit privé, avec « des adaptations, précisées par décret en Conseil d’Etat, VF sont justifiées par la situation particulière des fonctionnaires de WV Télécom ».

Ainsi, il existe au sein de WV Télécom, plus de 250 CHSCT au moment des faits, ainsi qu’un Comité National Santé Hygiène, de Sécurité et des conditions de travail (CNSHSCT). Dotée d’une fonction de coordination, cette instance ne dispose pas de voix consultative.

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Mais c’est la loi du 31 décembre 2003 relative au service X des télécommunications et à WV Télécom, ainsi qu’évoqué ci-dessus, VF a entendu rapprocher la situation de l’entreprise du droit commun en matière d’institutions représentatives du personnel.

Et le décret du 6 juillet 2004 (n° 2004-662) relatif aux délégués du personnel, au comité d’entreprise et aux délégués syndicaux de WV Télécom a instauré un système de représentation du personnel commun à l’ensemble des salariés de

l’entreprise (fonctionnaires ou de droit privé).

Ainsi, des comités d’entreprise, dont l’attribution et le fonctionnement relèvent de l’application du code du travail, ont été créés pour la première fois lors des élections du 18 janvier 2005 au sein de la société WV Télécom, ainsi qu’un comité central

d’entreprise (CCE). Dans le bilan social 2006 (D4067/37), il est précisé : « les institutions représentatives du personnel ont été mises en place à partir de janvier 2005 à WV

Télécom SA »>.

Et, à la page suivante, figure une liste des accords d’entreprise signés en 2006 (intéressement, salarial, PERCO, sur la mise en place des IRP, etc.). Notamment, il apparait qu’un accord a été signé le WP juillet 2004 sur la mise en place et le fonctionnement des IRP au sein de FT SA.

Selon ce document, il existait 38 comités d’entreprise et un comité central d’entreprise

(D4067/32), ce que M. AP a confirmé à l’audience, précisant qu’il en existait également dans les filiales : « à l’arrrivée, c’est 1 000 salariés VF se voient confier un mandat, au niveau du Groupe » (NA WP/05/2019 page 37).

Lors de son audition par les magistrats instructeurs, Mme Q, inspectrice du travail, a déclaré : « A partir de 2004, WV TÉLÉCOM s’est dotée des instances représentatives du personnel de droit privé élues par l’ensemble des salariés publics et privés (délégué du personnel, comité d’entreprise, CHSCT, …). C’est donc à partir de 2004 que la société est tombée intégralement dans le giron du droit privé. En 2006, début de la période que j’ai étudiée, WV TÉLÉCOM est une société anonyme, personne morale de droit privé, assujettie en totalité au droit du travail.

Elle a cependant cette particularité d’avoir conservé des instances du statut de la fonction publique tels que les commissions administratives paritaires et le comité de réforme (pour les salariés inaptes au travail). Ces instances ne concernent que les fonctionnaires. Il y a donc une dualité d’instances » (D282/5).

Tel qu’il résulte des pièces jointes aux écritures de la CGT-FATP (pièces n° 11 et 12), il s’avère que le découpage de ces IRP était particulièrement complexe, en raison de notamment de l’organisation matricielle de l’entreprise WV

Télécom. Ainsi, les découpages ont été établis en fonction de périmètres géographiques pour certains et de métiers pour d’autres. Chaque comité d’établissement était compétent pour un effectif de plusieurs milliers de salariés. Les délégués du personnels intervenaient pour leur part sur un périmètre comprenant parfois plusieurs centaines de salariés.

Or, figuraient, parmi les attributions légales des comités d’entreprise, les réorganisations qualifiées de « multiples et désordonnées » selon la prévention.

Et, à ce titre, il n’est pas inutile de rappeler ici les dispositions de l’article L. 432-1 du code du travail en vigueur à l’époque des faits : « Dans l’ordre économique, le comité d’entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs,

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la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle du personnel. Le comité d’entreprise est obligatoirement saisi en temps utile des projets de compression des effectifs ; il émet un avis sur l’opération projetée et ses modalités

d’application. Cet avis est transmis à l’autorité administrative compétente. Le comité est informé et consulté sur les modifications de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise, notamment en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l’entreprise ainsi que lors de l’acquisition ou de la cession de filiales au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce. Le chef d’entreprise doit indiquer les motifs des modifications projetées et consulter le comité sur les mesures VF sont envisagées à l’égard des salariés lorsque ces modifications comportent des conséquences pour ceux-ci. Il est également tenu de consulter le comité d’entreprise lorsqu’il prend une participation dans une société et de l’informer lorsqu’il a connaissance d’une prise de participation dont son entreprise est l’objet.[…]».

Au cours de l’instruction, M. AO a soutenu : « toutes les réorganisations que nous avons faites sur cette période ont été soumises, conformément à la loi, aux instances représentatives du personnel, ce VF veut dire qu’entre la formulation officielle d’un projet et sa mise en œuvre, il s’écoulait entre 4 et 9 mois. (…) Le premier exemple de ça c’est quand je vais me rendre au comité central d’entreprise, nous avons parlé du projet sans le dévoiler en février 2006, je présente un premier document en mars 2006 puis un document complété en avril 2006. Cela va être déployé dans les comités d’entreprise locaux à partir de juillet » (D2296/4).

Et M. AP a confirmé : « Chaque projet de transformation a fait l’objet

d’une procédure extrêmement cadrée par la loi, en général d’information consultation puisque depuis 2004, l’entreprise WV Télécom vit dans le respect de l’esprit et de la lettre du code du travail. Les quelques procédures dont j’ai eu connaissance au niveau national se déroulaient sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois et étaient l’objet de nombreuses et de longues séances du comité central d’entreprise » (D2295/5).

4- La souffrance au travail : une problématique déjà existante et prise en compte en 2004 chez WV Télécom

4-1. Les dénonciations de la souffrance au travail

Outre < l’inquiétude des personnels face aux facteurs anxiogènes» évoquée par le sénateur BI dans son rapport de février 2002, il est important de noter que deux ans plus tard, lors de la séance des questions au Gouvernement du 3 février 2004, la sénatrice R-FO BQ a interpellé le ministre de l’Économie et des Finances sur l’évolution, chez WV Télécom, des pratiques de gestion du personnel depuis 1997 et son incidence sur le développement de la souffrance au travail en ces termes : « il est impossible de ne pas faire le lien entre ce constat et l’évolution des pratiques de gestion du personnel dans l’entreprise, notamment depuis le début de la privatisation en 1997. La suppression de 20 000 emplois en WV depuis cette date, l’accroissement de la charge de travail et la remise en cause de la qualité du service X ont vivement affecté les personnels.

Surtout, le mouvement incessant de restructurations ne cesse de bouleverser leur travail et leur vie. Un quart d’entre eux auraient subi une mutation avec changement de résidence.

Parallèlement à cette politique de mobilité quasi contrainte et déstabilisante, les directions ont progressivement développé une gestion personnalisée des carrières.

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Prétendument fondée sur la recherche du plus fort rendement individuel, elle aboutit à la mise en concurrence des agents, à leur culpabilisation, et souvent à leur démoralisation.

Les témoignages que j’ai reçus évoquent la multiplication des entretiens de « coaching », de « recadrage », de « remotivation », destinés à « mettre la pression ». La mise en place de l’indice de « performance individuelle comparée », le PIC, vise maintenant à stigmatiser ceux VF seraient les moins efficaces ».

[…] Voici ce que je lis dans le rapport d’un médecin de prévention de WV Télécom : « Le mouvement de mutation a conduit de nombreux agents à la « démotivation » (…).

C’est le seul moyen pour eux de ne pas tomber malades (…). La démotivation est une véritable maladie pour l’entreprise, privée de ses compétences individuelles et encore pire des compétences collectives, car la démotivation enferme dans l’individualisme et casse les collectifs de travail » (D2867/1-4).

Puis, le 24 juin 2004, elle a organisé au Sénat une conférence de presse sur le thème : « WV Télécom : explosion de la souffrance au travail, nouvelle stratégie de gestion des ressources humaines et perspective de privatisation totale »>. L’élue y dénonçait « la déstabilisation permanente des personnels à la suite de restructurations incessantes » et interrogeait le lien entre les pratiques de gestion du personnel et le développement de la souffrance au travail en s’appuyant sur des situations individuelles. S’interrogeant sur les objectifs réels de la direction de WV Télécom, elle indiquait : « Le statut de fonctionnaires de la majorité des effectifs expliqueraient doublement les méthodes de gestion du personnel. Ils ne sont pas licenciables, il faudrait donc multiplier d’autres pressions pour les «inciter » à la démission, au départ anticipé, au changement de statut. D’autre part, abaisser leur nombre est une condition du passage définitf vers le secteur privé comme je le l’ai rappelé au départ » (D2867/5 à WO).

C’est précisément la question orale de Mme BQ VF est l’origine du livre, versé aux débats par M. AO (pièce n°1), et intitulé La machine à broyer, quand les privatisations tuent: WV Télécom, publié à l’automne 004 par le journaliste CM EB ainsi qu’il l’explique à la fin de son livre. Après une enquête auprès de personnels de WV Télécom et de médecins du travail, il expose, que depuis 1990, des dizaines de milliers de salariés ont changé de fonction, de statut, de travail. Ces mutations contraintes se sont appuyées sur une gestion agressive des ressources humaines dont ont découlé stress, dépressions, maladies, suicides, fichages, mutation d’office, pressions hiérarchiques, placardisation, harcèlement.

Et il est piquant de constater qu’il est fait référence, un an plus tard, à cet ouvrage dans un courriel de M. Y-FO CL, directeur des relations sociales du Groupe, en date du 17 novembre 2005 VN aux responsables des directions régionales. Il s’agit de recommandations pour « enrayer » les demandes d’expertises des CHSCT « tous les CHSCT de la DR LPC [Limousin Poitou Charentes], à

l’initiative de la CGT, se sont saisis du bilan de la médecine de prévention pour demander une expertise sur les problématiques d’absentéisme et leur cause; comme vous pourrez le constater à la lecture du document de l’expert, l’objectif est clair : remettre en route le débat sur la « souffrance au travail » et « la machine à broyer »

(D963/5).

Nombre de témoins, voire de victimes, ont également fait remonter les difficultés, non au plan NEXT, mais aux périodes précédentes en considérant que c’était l’abandon de la notion de service X et le passage à une logique de société privée VF avait déstabilisé les salariés, créé l’anxiété et par là même la souffrance.

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ème Ch.

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M. JB BP, partie civile tant en qualité de représentant du syndicat SUD qu’à titre personnel, entendu par le tribunal le 9 mai 2019, a ainsi indiqué que : « Dans les années 70, on a construit un réseau. Le réseau était un des plus modernes du monde. Je suis très attaché à cette entreprise, de même que les 165 000 personnes de 1996. Ces gens se sont sentis trahis par l’Etat. Ils n’avaient pas démérité. Le fait d’avoir été privatisé, après des mouvements sociaux très importants, n’a pas été accepté. C’était le refus qu’ORANGE devienne une multinationale où on ne parle que de cash-flows. M. AN n’a pas été fier de nous puisque sa première idée a été de supprimer 22 000 personnes. Des emplois ont déjà été massivement supprimés » (page 31).

Puis « En 2003, l’entreprise devient privée et les salariés ont extrêmement peur de l’avenir, l’essentiel est la brutalité à tous les étages »> { page 34).

Et encore: « L’idée était de révolutionner FT, c’était la restructuration permanente sans que les gens comprennent. Les fonctionnaires se demandaient quel était le problème pour qu’on nous privatise. A partir du moment où le bien devient privé, on ne parle plus que de cash-flows. Il y avait un sentiment de trahison. Sur la Pologne, du personnel a été viré et les Polonais nous ont dit « ce sont des assassins ». C’est une politique où l’Etat n’a pas suffisamment réagi » (page 36).
M. FO QZ, directeur de BR, a, quant à lui, souligné une forme d’incompatibilité entre la culture de service X des fonctionnaires d’une ancienne administration avec la privatisation de l’entreprise : « Pour moi, il est important d’avoir une approche systémique. C’est une conjonction de facteurs. FT est une administration VF va à l’ouverture [à la concurrence] et la cotation financière » (NA 09/05/2019, page 48).

Toujours en référence au processus de privatisation de l’entreprise, Mme HO CC, représentante des salariés au conseil d’administration de l’entreprise,

a également déclaré lors de son audition par le tribunal le 14 mai 2019: « Ce VF a été mal vécu ce ne sont pas les évolutions technologiques mais le cours de l’action VF devient le maître. Il y a eu une journée où l’action est passée, sans raison technologique à 100 euros puis 200 euros. Nous avions le cours de l’action sur nos écrans de technicien. Nos valeurs n’avaient plus aucun rapport avec nos actions '>

(page 38).
M. BS, ancien directeur du management de WV Télécom, a également indiqué : « Pour mesurer l’intensité de ce bouleversement [de WV TELECOM] que je situe entre 2002 et 2007, […] il faut le rapporter à ce qu’a été la période précédente (1995-2002) » ; « Ce dans quoi a basculé l’entreprise pour aboutir à l’apogée de la crise sociale en 2009, trouve ses racines en 2002 ». Il a précisé : « Très rapidement, les termes d’un changement culturel radical sont posés, je cite : «Il s’agit là de la remise en cause du lien que les salariés avaient construit avec l’entreprise. Cette expression, reprise régulièrement par les dirigeants de l’entreprise, dès 2003, avait une double signification, une double résonnance : les résultats financiers primaient désormais sur le produit et l’activité réels des salariés tout métier confondus. Et la qualité de ce VF était produit en termes d’objets techniques ou de services, passait au second plan derrière la santé financière de l’entreprise. Il s’agissait d’un début de perte de sens du travail, d’une déconnexion avec les enjeux de l’activité. Et tous les dispositifs de gestion VF seront ensuite mis en place le seront au nom de ce rétablissement financier » (NA 20/05/2019, déclaration de M. BS annexée aux notes, pages 1 à 3).
Mme BT, lors de sa déposition a également mis en avant le processus de

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privatisation et le changement de culture d’entreprise qu’il a engendré (NA 1er /07/

2019).

Même Mme M, interrogée par les magistrats instructeurs sur la « perte de repères brutale » évoquée dans le bilan de la mission de SOPRA CONSULTING

(D3226) a répondu : « Concernant la perte de repères, elle est antécédente à ACT car la rupture du contrat social date de Monsieur BU vers 1995 avec un changement de métier pour 50 % des effectifs de WV Télécom. La deuxième rupture date du plan TOP de Monsieur BV, la loi de 2003 a consacré la consolidation du statut de fonctionnaire mais également le fait que l’État passe actionnaire à moins de 50%. Il a également prévu à ce moment-là des mobilités externes. C’est vrai qu’il s’agit d’un changement de contrat social » (D3692/18). A l’audience, elle a confirmé son analyse en disant : « Avec TOP, il y a eu une rupture du contrat social c’est-à-dire que votre carrière ne sera pas forcément à FT »

(NA WP/05/2019, page 43).

4-2. Des intiatives pour accompagner la transformation En regard de ces souffrances identifiées figurent au dossier des documents VF attestent d’une prise en compte précoce de diverses formes de souffrance au travail.

Ainsi, il s’avère que, dès janvier 2000, il existait une Commission Stress au sein du CNHSCT. Cette Commission avait pour mission d’étudier les difficultés rencontrées par les salariés dans le cadre des modes d’organisation du travail et de promouvoir des actions pour les limiter. Les travaux de cette Commission étaient ensuite mis à disposition des unités opérationnelles et des CHSCT (D3962). WV

Télécom était une entreprise pionnière puisque ces problématiques constituaient une préoccupation VF avait à peine émergé.

Par ailleurs, le dossier d’instruction comprend un « aide-mémoire » établi par la Direction des Ressources Humains du Groupe dès 2001 et intitulé : « Quel accompagnement RH dans la conduite des changements d’organisation ? » (D2557).

Dans ce document de travail de 11 pages, les changements d’organisation sont clairement identifiés comme « un invariant de l’environnement de l’ensemble des salariés » et PU, à ce titre, l’objet d’une réflexion en raison de « la complexité des comportements individuels et collectifs » auxquels sont confrontés les managers.

Dès 2001, ce processus intègre la nécessité de « prendre en charge le stress généré » par la situation de changement et de soutenir les salariés, « afin que personne ne soit laissé de côté, surtout les individus les plus fragiles ».

Cette note a ainsi proposé « une exploration des points de vigilance VF doit permettre au manager d’identifier et de créer les conditions favorables pour que leurs collaborateurs s’approprient les situations de changement ». Cette réflexion, VF s’inspire des pratiques managériales, définit ainsi les points de vigilance parmi lesquels : le management : « premier responsable du soutien et de l’accompagnement des collaborateurs» et dont l’engagement est déterminant de l’appropriation du changement par chaque collaborateur. Il est relevé, à ce titre, que « la réalisation des bilans et des entretiens en face à face est parfois chargée affectivement, il est donc nécessaire de faire appel à des accompagnateurs compétents et formés en conséquence »> ; la communication et l’information parmi les points essentiels, la note souligne notamment l’importance d'« imprégner l’ensemble des salariés de la nécessité du changement en l’expliquant clairement », ainsi que d'« organiser une information avec les représentants des salariés ». Les objectifs de cette

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31ème Ch.

of

communication sont de permettre aux collaborateurs de « connaître ce VF va changer et pourquoi cela change », « comprendre ces changements à travers ses propres enjeux personnels », « en discuter afin d’échanger sa perception, valider ou informer certains éléments, conforter un choix, réduire l’incertitude éventuelle » et « être associé, en apportant sa contribution notamment dans l’élaboration de son projet professionnel et ainsi de rendre compte qu’il peut avoir un impact sur les évènements

et que les choses ne lui sont pas imposées. Permettre au salarié de devenir une partie prenante»;

l’identification des emplois et création d’activités en ce, notamment, « réaliser une prospective emploi, anticiper et analyser les évolutions des emplois actuels » ;

- le soutien individuel : « assurer un suivi individualisé de chaque salarié », « réaliser les bilans professionnels en valorisant l’approche par les compétences », « prendre en charge le stress généré par cette situation de changement ». Il est ainsi rappelé que « l’individualisation de ce soutien doit permettre l’identification des compétences, des capacités mais aussi des enjeux et des préoccupations de chacun ».

« Ce soutien VF est une des fonctions du manager premier RH se veut pérenne et ne doit pas être proposé qu’en situation de changement d’organisation. Ce soutien individuel garantit la prise en charge de chaque salarié afin que personne ne soit laissé de côté, surtout les individus les plus fragiles. […] L 'accompagnement permettra de rassurer ces personnes et favorisera une réduction de la période de stress […] » ;

-le développement et la formation : « assurer l’acquisition et l’apprentissage des nouvelles compétences ». « Le management dispose du soutien (coaching, formation…) lui permettant d’être efficace sur la conduite du changement, notamment sur les aspects humains (psychologie, dynamique de groupe, gestion du stress, accompagnement individualisé) »>.

Puis, en mars 2004 sur la base d’une pré-étude de l’Institut des métiers, la Direction de la société a commandé une étude sur les situations d’exclusion interne afin d’identifier les situations à risque et définir des pistes de solution pour chaque cas spécifique (D1637/11). Qualifié de < guide de bonnes pratiques », intitulé « Les situations d’exclusion internes- Repères pour agir » et publié en juin 2005, ce document a été communiqué aux managers, aux cadres des ressources humaines, aux organisations syndicales et aux salariés (D2563- 53 pages). Cette étude sur les situations d’exclusion interne a ainsi permis d’identifier comme population à risque des catégories de salariés suivantes : les salariés en situation de faible employabilité (qualification professionnelle restreinte, problèmes médicaux ou sociaux, problème de discipline);

- les salariés sans problème de compétences, en sous-activité, sans activité ou sur des missions temporaires ;

-les salariés marginalisés par une gestion insuffisante des conflits.

Enfin, comme M. P l’a expliqué à l’audience le 21 juin 2019, il

a organisé, avec l’Institut des métiers de WV Télécom, le 27 janvier 2006, un colloque intitulé « Agir contre l’exclusion interne, une responsabilité sociale

d’entreprise » au cours duquel l’auteur de l’étude précitée, RA RB, est venue témoigner des < différentes causes d’exclusion interne (réorganisations, évolutions…) », des « coûts financiers, sociaux et conséquences pour les salariés » et des « actions pour éviter que les situations d’exclusion ne se développent '>. L’après midi du colloque est consacré aux interventions des experts : M. DV RC, directeur de l’Observatoire des conditions de travail et de l’ergostressie, Mme BW

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COTTET, thérapeute et coach d’entreprise (Praxéos Management) et des représentants

d’autres entreprises.

III- Sur la situation économique de l’entreprise en 2005

Au cours de l’instruction comme à l’audience, messieurs BX, AO et AP ainsi que le représentant de la société WV Télécom ont tenu à exposer le contexte économique, financier, technologique et réglementaire dans lequel le plan NEXT avait vu le jour, ainsi que les contraintes que ce contexte induisait pour l’avenir de l’entreprise WV Télécom. Le HT de divergence entre les prévenus et les syndicats partie civile représentés à l’audience a porté sur l’analyse de la santé financière de l’entreprise en 2005. Après un rappel synthétique de ces éléments de contexte (1), les éléments fondant les analyses des uns et des autres seront exposés (2).

1- Les éléments objectifs de contexte

A la suite d’un certain nombre d’opérations de rachats de participations, dont la société ORANGE, la dette de WV Télécom s’élevait à 68 milliards d’euros en

2002. Devant les magistrats instructeurs, le représentant de WV Télécom précisait que ce montant de la dette classait FTSA au premier rang des entreprises les plus endettées d’Europe et expliquait que le niveau d’endettement de la société « a créé une urgence absolue et une responsabilité écrasante pour les dirigeants, une tension pour les personnels confrontés au risque de disparition de l’entreprise et aux conséquences pour leurs carrières, d’autant plus pour les fonctionnaires VF s’inscrivaient dans des carrières longues et VF n’avaient jamais envisagé le risque de précarité » (D2176/3).

En octobre 2002, M. EQ BV est nommé président directeur-général de WV Télécom SA. Pour réduire la dette, ainsi que M. AO l’a expliqué à

l’audience avec le plan "15 + 15 + 15" ( cf Document de référence 2005 page 21), M. BV obtient

- un réaménagement de cette dette à hauteur de 15 milliards d’euros; une augmentation de 15 milliards d’euros sollicités auprès de l’actionnaire majoritaire étatique ;

- l’engagement d’un plan d’économie à terme pour un même montant de 15 milliards

d’euros, le plan TOP (pour < Total Operational Performance »).

C’est donc en 2003 que M. BV recrute M. AO au poste de responsable, au niveau du groupe, des achats et de l’amélioration de la performance. Sa mission était alors, dans cet environnement contraint, de réaliser une économie de 3 milliards d’euros sur les achats sur la période 2003-2005. En 2005, une économie de 5 milliards d’euros sera constatée. M. AO a expliqué que son surnom de « cost killer » remontait à cette époque (NA 07/05/2019).

En 2005, cette dette s’établit à 47 milliards d’euros.

Au début de l’année 2005, M. EY AN succède à M. BV. La poursuite du désendettement est l’une des raisons ayant conduit le conseil

d’administration à le désigner à la tête de la société, comme il l’a indiqué lors d’une interview à un journaliste le 27 juin 2005 : « Le conseil d’administration m’a mandaté pour préparer et conduire une phase cruciale pour WV Télécom, VF consiste, au cours des prochaines années, à faire basculer l’entreprise dans le nouveau siècle et à achever le redressement de ses comptes '>.

Outre ce redressement des comptes, M. AN a expliqué, dans cette interview, que l’entreprise devait surmonter le défi de s’adapter aux évolutions technologiques inéluctables dont il donnait l’origine dans les termes suivants : « nous

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31ème C .

passons d’un modèle de téléphonie simple basé sur la durée et la distance à un monde de communications permanentes où chacun est connecté où qu’il se trouve. Du coup, le champ des possibles devient immense » (D4063- Article Les Echos. fr). Lors de sa déposition à l’audience du 14 mai 2019, M. BY de

LAROSIERE, ancien directeur général du Fonds monétaire international (1978-1987), gouverneur de la Banque de WV (1987-1993) et membre du conseil

d’administration de WV Télécom de 1998 à 2009, a d’ailleurs indiqué : « Les changements technologiques ont restructuré l’entreprise » (page 34).

Devant les magistrats instructeurs, M. AN a reposé ce défi de la mutation technologique, en faisant état d’une dernière contrainte, celle de l’ouverture à la concurrence du marché des télécommunications : « Le plan AMBITION 2008

(première dénomination du plan NEXT) devait répondre à deux contraintes VF

s’annonçaient fortes pour l’entreprise : la croissance exacerbée de la concurrence du fait d’une régulation asymétrique toujours favorable à nos concurrents et la mutation technologique vers le monde internet VF s’annonçait extrêmement rapide pour les mois à venir » (D2293/2).

A l’audience, M. AN a développé cette conjonction du décollage du marché des accès Internet à haut débit (DSL), entrainant une forte baisse du trafic téléphonique fixe de WV Télécom, et d’une présence très forte de la concurrence sur ce marché.

Dans ses écritures, comme dans la note d’observations fournie aux magistrats instructeurs, WV Télécom fait également valoir les contraintes consécutives aux évolutions technologiques et réglementaires du secteur des télécommunications

(abandon des monopoles, dégroupage, généralisation du numérique, explosion du mobile, transformation des réseaux, etc. ) en rappelant que ces évolutions ont conduit

à une intensification de la concurrence entre une pluralité d’acteurs, à l’émergence de nouveaux usages des consommateurs et à l’impérieuse nécessité de définir une politique stratégique responsable visant à maintenir la compétitivité du groupe, sa pérennité et in fine ses emplois (D4061/WO et 11).

2- L’analyse divergente sur l’état de « convalescence » financière de l’entreprise fin

2005

En interrogatoire, M. AN a insisté sur le fait qu’en dépit de la baisse de l’endettement, la viabilité de l’entreprise n’était pas garantie : « La crise n’était pas passée. Je rappelle qu’il y avait 40 milliards de dettes résiduelles dans l’entreprise.

Par ailleurs, l’entreprise bénéficiait d’un régime de report d’impôts lié aux pertes de l’année 2002 lui permettant de ne pas payer d’impôts en WV. Cela devait s’arrêter en 2011/2012. […] il fallait donc anticiper. De plus, le régulateur nous imposait chaque année des contraintes supplémentaires entraînant des pertes de chiffre d’affaires et de marges de 600 millions d’euros par an VF se cumulaient. Si rien n’avait été fait on se serait retrouvé dans la situation de 2002 » (D2293/WO).

A l’audience, avec un endettement de 47 milliards d’euros en 2005,
M. AN a toujours soutenu que l’avenir de l’entreprise demeurait incertain: on était sorti de réanimation mais encore sous surveillance » (NA 14/05/2009 page

31).

Lors de sa déposition à l’audience du 14 mai 2019, M. RD a confirmé l’existence d’un risque pesant sur la société en raison de son niveau d’endettement : « En 2005, WV Télécom avait en partie été raffermie par un désendettement, une recapitalisation et une réduction des coûts. Mais l’endettement

n’était pas revenu à la normale », ou encore : « Il y a eu deux ans de médication forte

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mais ce n’était pas fini. WV Télécom était encore malade » (NA 14/05/2019 pages

32 et 34).

Cependant, ainsi que l’ont souligné certains syndicats partie civile, la situation financière de l’entreprise paraissait assainie comme en témoignent les affirmations de

l’entreprise elle-même dans des documents officiels. Ainsi, dans un communiqué de presse daté du 11 janvier 2006, il est indiqué les éléments suivants sur la situation de l’entreprise en 2005 (D2160):

« 2005: confirmation de la génération d’un cash flow organique supérieur à 7 milliards d’euros.

Perspectives 2006 engagement de générer un cash flow organique de 7 milliards

d’euros et accélération de la mise en oeuvre de NEXT.

2005:

Les mutations technologiques accélérées, la pression concurrentielle et l’environnement réglementaire conduisent WV Télécom à confirmer le ralentissement de la croissance déjà constaté au troisième trimestre 2005, ce VF devrait se traduire par une croissance entre 2 et 3 % du chiffre d’affaires pro forma sur la totalité de l’année 2005. L’objectif de Marge Brute Opérationnelle (supérieure à 18,5 milliards d’euros hors amende du Conseil de la concurrence de 256 M€ et hors

Amena) est maintenu pour 2005. Les Capex devraient se situer autour de 12 % du chiffre d’affaires ce VF permettra de générer un cash flow organique supérieur à 7 milliards d’euros, comme anticipé. La mise en œuvre de NExT, engagée au deuxième semestre 2005 s’est traduite, notamment, par :

- un renforcement de la base de clients haut débit ;

- plus de 1 million de clients Haut Débit Mobile en WV avec 6 mois d’avance sur le planning prévisionnel à fin décembre 2005; 1er opérateur en Europe en nombre de lignes ADSL;

-

le lancement d’offres convergentes et l’enrichissement des offres existantes pour le grand X et les entreprises; et la mise en place des principaux leviers de la transformation (création d’une

-

fonction marketing stratégique transverse et lancement du programme de formation et de développement des compétences des collaborateurs du Groupe : ACT […]».

Livré quelques semaines plus tard, courant mars 2006, le Document de référence au titre de l’année 2005 dévoile que « les objectifs du plan « Ambition FT 2005 » ont été atteints, tant pour la génération de cash-flow disponible, que pour l’amélioration du ratio d’endettement financier net rapporté à la marge brute opérationnelle (MBO). Le cash-flow disponible, cumulé sur la période 2003-2005, généré grâce au programme de performance opérationnelle « TOP », s’élève à plus de 16,6 milliards d’euros, à comparer à l’objectif de plus de 15 milliards d’euros. Le ratio d’endettement financier net sur MBO, s’élève, au 31 décembre 2005, à 2,48 en prenant en compte la MBO d’Amena sur 12 mois en 2005 » (page 21).

Il apparaît ainsi que la situation financière du groupe WV Télécom était convalescente.

Conclusions les singularités de l’entreprise, ainsi mises en évidence, se manifestaient dès la période 2002-2005 et ont été le socle des décisions et de la stratégie prises mi 2005 et courant 2006, VF ont été déterminantes pour la période VF suit et dont le tribunal est saisi.

Certaines de ces particularités, telles que l’acception large de la notion de

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31ème Ch.

résidence administrative, la jeunesse des institutions représentatives, la mise en place progressive du dialogue social, l’effort d’adaptation ancien et soutenu demandé aux personnels, l’usure psychique qu’il induisait, la diminution programmée du nombre de fonctionnaires, étaient autant de sources potentielles de fragilités, sources d’autant plus prégnantes qu’elles concernaient tous les personnels, de droit X comme de droit privé. Dans son rapport, le cabinet BR présente l’analyse suivante : « Pendant cette phase, de nombreux salariés ont changé de métier et ont suivi des mobilités. Cette phase marque le premier mouvement important de fragmentation du collectif de travail, avec un processus permanent de décomposition/ recomposition des collectifs de travail VF ont dû s’ancrer dans de nouvelles logiques économiques, changer de métier » (D291/8). D’autant que l’affaiblissement des solidarités collectives facilite l’accomplissement du processus de harcèlement moral au travail. Les prévenus, principaux ou complices, déjà tous en poste dans l’entreprise et certains depuis de nombreuses années, ne pouvaient ignorer ni ces particularités ni les fragilités latentes dont elles étaient porteuses.

Cet environnement externe et interne complexe, en constante mutation, exigeait des dirigeants en charge de la pérennité de l’entreprise, une vision stratégique puissante, susceptible de surmonter les nombreux obstacles économiques, technologiques, financiers, commerciaux VF jalonnent la vie d’un groupe de cette ampleur. Ce projet stratégique ne pouvait que comporter une politique des ressources humaines, au service de la stratégie industrielle à mettre en œuvre.

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TM II- De juin 2005 à fin 2006 : l’apparition d’une politique de déflation des effectifs déterminée et déterminante

Entre le 29 juin 2005 et fin 2006, la vie de l’entreprise WV Télécom a connu des événements VF ont conditionné directement le déroulement des faits survenus au cours de la période postérieure dont le tribunal est saisi.

En effet, M. AN, le nouveau président de WV Télécom depuis le

27 février 2005, a annoncé le nouveau plan industriel et stratégique intitulé « Nouvelle

Expérience des Télécoms » (ci-après NExT) pour les années 2006 à 2008, ainsi que le volet social de ce plan, le programme « Anticipation des Compétences pour la transformation » (ci-après ACT).

Ces deux programmes, et les événements qu’ils ont provoqués au cours de ccs 18 mois, ont été largement commentés au cours de l’instruction, mais aussi des débats.

Car les interprétations qu’en ont données les magistrats instructeurs dans l’ordonnance de renvoi saisissant le tribunal ont été formellement et unanimement contestées par les prévenus, qu’il s’agisse d’une prétendue conception du plan NEXT sous des auspices financiers, de la mise hors jeu des institutions représentatives du personnel, d’une projection irréaliste des 22 000 départs, de l’échec délibéré de la négociation relative à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (ci après GPEC), du transfert de responsabilité sur le personnel de l’obligation de reclassement pesant sur l’employeur.

Or, dans la mesure où le plan NEXT et le programme ACT sont précisément visés dans la prévention pour être le cadre dans lequel les agissements harcelants se seraient déroulés, où la prévention vise aussi une politique ce VF suppose qu’elle a été conçue, mise en oeuvre puis exécutée, il paraît nécessaire d’examiner successivement les points sur lesquels les prévenus bâtissent leur défense.

Il s’avère que cette période de 18 mois peut être décomposée en trois phases la première porte sur les annonces des deux plans en juin-juillet 2005 (I); la deuxième s’ouvre avec le tournant des annonces du 14 février 2006 VF, par leur soudaineté autant que par leur officialisation, PU surgir une politique des ressources humaines comme condition de réussite du plan stratégique NEXT (II) ; la troisième, avec les propos tenus par trois membres de la direction du Groupe lors de la Convention de l’ACSED le 20 octobre 2006, accentue l’accélération de la transformation attendue (III).

Il est frappant de noter que pendant la période d’annonce des deux plans ne seront évoqués que marginalement les départs naturels, sans aucune mise en avant, alors que cette donnée devient majeure à compter de février 2006, vigoureusement affirmée comme une des clés de la réussite du plan stratégique. Cette déflation des effectifs passe du statut d’élément de contexte à objectif prioritaire, fondant une nouvelle politique des ressources humaines.

Quelle que soit la justesse ou l’erreur de la prévision des 22 000 départs du

Groupe, il s’avère incontestable que sa réalisation, devenue la colonne vertébrale de la politique des ressources humaines du Groupe, fait partie des conditions du succès du plan NEXT; que les teneurs et circonstances des annonces de février puis d’octobre 2006 faites par les membres de la Direction ont transformé cette prévision en objectif devant mobiliser tous les personnels du Groupe ; que bien qu’alertée sur le caractère irréaliste de cet objectif, la Direction l’a maintenu de façon intangible pendant trois ans ; que le volontariat, présenté comme le

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fondement des différentes formes de départs, ne pouvait qu’être de pur affichage en raison de la conjonction des suppressions de postes programmées, des mobilités tout autant exigées et des restructurations de services décidées.

I- Du 29 juin 2005 au WP février 2006 : l’annonce et le lancement du plan NEXT, la nouvelle stratégie de l’entreprise accompagnée de son volet social ACT Du 29 juin 2005, date à laquelle M. AN a annoncé le plan NEXT jusqu’au WP février 2006, soit pendant près de sept mois, en dépit des nombreuses présentations de NEXT et de ACT, il n’est pas anodin de constater qu’aucune information n’a été donnée sur une éventuelle diminution des effectifs du Groupe dans les trois ans à venir, excepté celle des recrutements pour « compenser les départs naturels '».

Il importe de revenir sur les conditions dans lesquelles ces plans ont été conçus (1), sur les réactions qu’ont suscitées leurs annonces lors du comité d’entreprise exceptionnel de juillet 2006 (2), et sur l’ambition du programme ACT (3). Il ne sera pas fait état ici de l’intégralité des mesures décidées, mais seulement de celles intéressant directement les faits dont le tribunal est saisi, c’est-à-dire celles relevant de la gestion des ressources humaines, en ce qu’elles présentent un caractère massif et structurant pour l’avenir de l’entreprise.

1- Les conceptions des deux plans et la première présentation de NExT le 29 juin 2005
M. AN a expliqué, au cours de l’instruction (D2435) comme à

l’audience, que le plan NEXT est issu de la centralisation et de la synthèse des travaux et des réunions des différentes équipes par le service de prospective économique de la direction financière. Un schéma cohérent est prêt en juin 2005. L’ensemble est présenté au comité stratégique du conseil d’administration de WV Télécom, puis au conseil d’administration VF approuve le plan et la communication prévue à la presse.

Le document de présentation du Plan NEXT remis à la presse le 29 juin 2005

(D69/1 à 31) commence par l’avertissement suivant : « Cette présentation contient des informations financières de nature prévisionnelle relatives à WV Télécom. Ces informations ne constituent pas des faits historiques et reflètent les opinions de la direction sur les résultats de sa stratégie, ainsi que ses anticipations sur les résultats de programmes nouveaux ou existants, l’évolution de la technologie et les conditions de marché. Bien que WV Télécom estime que ses prévisions reposent sur des hypothèses raisonnables, ces informations sont soumises à de nombreux risques et incertitudes»>.

Avant de parcourir ce document, il convient dès à présent d’indiquer que, dans la présentation, sont juxtaposés la politique d’innovation, le programme de transformation et les objectifs financiers sans mention explicite de leur corrélation.

Concernant le personnel, est mentionné un « programme de recrutement pour remplacer une partie des départs naturels » (D69/28).

Après avoir rappelé les efforts faits par le Groupe en 2005 et les défis technologiques et commerciaux auxquels il est confronté, le document énonce les axes stratégiques autour desquels s’organise le plan NEXT dont l’ambition est d’offrir une nouvelle expérience des télécommunications aux clients par la proposition et la vente de nouveaux services (Livecom, livephone, etc.) en passant d’une logique d’accès aux réseaux à une logique d’accès aux services, ceci afin de « devenir le fournisseur de services télécoms de référence en Europe ».

Dans cette présentation à la presse, il s’agit d'« améliorer la qualité et la simplicité de la relation client », d'« accélérer le rythme des innovations »,

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d'« intégrer les plateformes de réseaux, services et contenus », de « dynamiser l’innovation et le marketing du Groupe » (D69/18 D69/23). Cette présentation comprend aussi une « feuille de route » concernant la marque, les offres convergentes, le portail Internet, les services, les partenariats, etc., ainsi que des objectifs commerciaux, à savoir notamment augmenter de 5 % à WO % le chiffre d’affaires du groupe grâce aux offres convergentes, augmenter de 400 millions d’euros ce chiffre

d’affaires grâce aux contenus, attirer 12 millions d’abonnés supplémentaires grâce au Haut Débit fixe et mobile etc. (D69/25 et 26).

Cette présentation comprend des développements sur l’accompagnement de la transformation, l’engagement de l’entreprise et de ses salariés notamment par « un programme de recrutement pour remplacer une partie des départs naturels »>,

l’émergence de nouveaux métiers, l’accompagnement et la formation. Aucun chiffre n’est donné sur une éventuelle diminution des effectifs.

Enfin, les objectifs et résultats financiers sont énoncés clairement: l’objectif est une croissance pro forma du chiffre d’affaires comprise entre +3 et +5 % sur la période 2006-2008 et le maintien de la capacité à générer du cash flow. Les principes d’utilisation du cash restent de poursuivre la réduction de la dette jusqu’en 2008,

d’augmenter le dividende par action et de choisir des opportunités de croissance externe ciblées et cohérentes avec la stratégie NEXT (D69/29).

Cette première présentation, en tant que communication à la presse, reste très générale sur les ambitions et objectifs. Et le programme ACT n’y apparaît pas, en tant que tel.

Cependant, au sujet de la conception du programme ACT, M. AP a expliqué, au cours de l’instruction comme à l’audience, le déroulement suivant.

A compter d’avril 2005, et alors qu’il occupait toujours le poste de directeur du développement et de l’optimisation des compétences, M. AP est chargé par M. AN de concevoir le volet humain et social d’accompagnement du plan de transformation de l’entreprise, NExT. Ce programme prendra le nom d’ACT pour

< Anticipation des Compétences pour la Transformation ». Pour concevoir ce programme, il a déclaré avoir travaillé avec les équipes de la SG Groupe, notamment mesdames CN DARRIET et GI M, VF occupait alors le poste de directrice Recrutement, Mobilité, Carrières au sein de la SG Groupe depuis quelques mois. Elle était en charge des politiques de recrutement et de gestion des parcours professionnels. Ainsi qu’elle l’a expliqué à l’audience, elle a également développé une compétence particulière sur les sujets de la mobilité des fonctionnaires (mobilité fonction publique) et de l’essaimage, et avait une bonne connaissance des 30

Espaces Mobilité créés en 2003/2004 par son prédécesseur.

Ainsi, en pièce jointe d’un courriel du 11 juin 2005 (D3956), cette dernière transmettait aux responsables des ressources humaines des Divisions du Groupe une présentation du programme «RH 2008 » (devenu ensuite ACT) pour qu’ils l’enrichissent. La formation et l’adaptation des compétences aux nouveaux métiers de

l’entreprise en sont l’enjeu principal, et un seul slide intitulé « Équation emploi du groupe », et reproduit ci-dessous, porte sur la diminution des effectifs. Elle l’annotait à ces termes : « préciser si c’est départs naturels incluant ou non MFP, essaimage » (D3956/15).

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31ème Ch.

nt

i

(TDV) Fin 05 Départs(*) Recrute-ments Fin 08

Groupe 199 000 37 000 15 600 178 000

WV 118 600 21 600 […]

Hors WV 80 800 […]

En juin 2005, il est ainsi prévu, à l’issue des trois ans, une diminution nette des effectifs du Groupe de 21 000 personnes (199 000-178 000), et de 14 100 personnes

(118 600 104 500) pour la WV. Et l’interrogation de Mme M dans

l’astérisque est des plus pertinentes au regard des événements postérieurs, notamment l’annonce des 22 000 départs en février 2006. Le slide suivant est aussi intéressant en ce qu’intitulé « La fluidité de l’emploi », il en annonce déjà les quatre leviers :

- Remplacement partiel des départs naturels

- Renouvellement et entrée de nouvelles compétences par des recrutements externes et des mobilités internes

- Déploiements des Back Office vers le […]

Décroissance des Fonctions Supports » (3956/16).

La création de l’Ecole Management WV (ci-après EMF) est également prévue de la façon suivante (D3956/22): « Création d’une École du Management (EMFT) pour les N-1 et N-2 des Entrepreneurs, visant à :

- Définir les compétences prioritaires à renforcer

- Développer la transversalité et la coopération

- Mettre en cohérence l’offre de formation existante

Construire les dispositifs pédagogiques en s’appuyant notamment sur les

Entrepreneurs '>.

Il ressort de l’examen de ces documents qu’en juin 2005, la déflation des effectifs du Groupe n’est qu’une donnée parmi d’autres, qu’elle fait partie du contexte mais qu’elle ne constitue pas, en elle-même, un objectif.

C’est d’une façon identique que les deux plans ont été présentés quelques jours plus tard aux représentants des personnels, à l’occasion d’un comité central d’entreprise exceptionnel.

2. Les premières réactions lors du comité central d’entreprise exceptionnel de juillet 2005

Si la présentation de NExT aux représentants des personnels avait été certifiée par messieurs AN et AP devant les magistrats instructeurs

(D2293/3; 2216/8), il n’existait pas, dans le dossier, de preuve de cette présentation. Elle a été versée aux débats par M. AP (pièce n°1). Et la lecture de ce procès-verbal du « Comité central d’entreprise – Séances exceptionnelle des 7 et 8 juillet 2005 », est éclairante à plus d’un titre.

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Elle révèle d’abord que, devant les représentants, il y a eu présentation du plan NEXT mais aussi du programme ACT, respectivement par M. AN puis par
M. AP. Cette présentation et les quelques échanges VF ont suivi ont duré

2h30 (page 42 à 67 du procès-verbal).

S’agissant de ACT, outre les quatre volets ci-après détaillés de ce programme

< mondial », selon M. AP, de nombreux jalons ont été aussi posés, tels que

l’augmentation du budget de la formation de 25 %, les créations de l’Ecole

Management WV (EMF), des Espaces Développement, du contrat de développement personnel. M. AP annonce aussi clairement la fin du CFC : « Le CFC se termine

à la fin de l’année 2006 et ne sera pas reconduit ensuite» (page 49).

Cette lecture permet, ensuite, de constater que s’y trouvent, en germe, les points VF vont ultérieurement donné lieu à interrogations ou critiques.

Ainsi, sur les objectifs financiers et la distribution de dividendes, le Président directeur général a indiqué : « Nous avons annoncé aux marchés entre 3 et 5 % de croissance pro forma du chiffre d’affaires entre 2006 et 2008. […]. Les analystes apprécient aussi de connaître notre utilisation des liquidités. Ainsi, nous continuerons de réduire la dette: nous devrions atteindre un ratio dette nette sur EBITDA inférieur

à 2, à la fin de l’année 2008. […]. En matière de dividendes, notre objectif est de le ramener à un euro en 2005, puis de le faire évoluer en fonction du free cash flow organique et des benchmarks sectoriels » (page 46). Pour la CFE-CGC, M. BZ formule la critique suivante : « Vous dites que nous sommes redevenus de bons élèves parce que nous reversons un euro par action : mais à l’époque où nous versions un euro par action, il y avait deux fois moins

d’actions disponibles. Même en parlant en franc constant, vous avez tout de même augmenté le versement du dividende de 80 %, ce VF est d’autant plus inquiétant que le versement de dividendes augmente les frais financiers, ce VF mécaniquement diminue la participation des salariés »>.
M. AP fait alors remarquer : «Que vous le vouliez ou non, une entreprise a des prêteurs. Il se trouve qu’une entreprise vit avec les fonds apportés par les Banques sous forme d’emprunt et par les actionnaires sous forme de capital social. Or, ces apports ne fonctionnent que s’ils entrainent une rémunération. […]. La situation de l’entreprise au début de l’année 2003 était la suivante : les actionnaires avaient accepté de remettre une partie de leurs économies dans WV Télécom et les banques avaient accepté de re-financer les emprunts. Quel prêteur accepterait de ne pas être rémunéré ? Cela n’existe pas » (page 60).

Sur un autre sujet, la réorganisation, M. BZ restitue l’inquiétude des agents en ces termes : « les salariés s’interrogent sur la réorganisation implicite que vous nous avez annoncée lorsque l’on unifie les marques et les produits de convergence, cela entraîne forcément des phénomènes de regroupement. Vous annoncez néanmoins que l’organisation ne sera pas modifiée, mais tel n’est pas du tout le sentiment des personnels » (page 51). M. AN temporise tout en ménageant l’avenir : « […] Il ne faut pas rêver : tout ne sera pas mis en place dès demain matin. […] Bien sûr, de nombreux chantiers de travail vont maintenant se mettre en place. Mais mon message

d’aujourd’hui est avant tout le suivant : si nous ne faisons que prolonger le système actuel, dans trois ans, nos marges se seront érodées et nous ne pourrons survivre. Je veux bien admettre que notre façon de diffuser ce message n’est pas la bonne, mais fondamentalement, l’idée est que nous devons bouger » (page 52).

Sur l’absence de consultation des IRP, la position de M. AP est ferme

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31 ème Ch. tout en annonçant des discussions :

- « nous n’allons pas négocier ACT avec vous; en revanche, chaque composante de ACT rentre dans le cadre de discussions que nous avons au moins une fois par an.

Nous procéderons de même partout » […];

-« La formation fait l’objet d’une information-consultation. Celle-ci devrait d’ailleurs démarrer cet après-midi. La mobilité fait l’objet d’un accord » ;

«Dès demain, vous seront présentées les orientations du plan de formation 2006.

-

Puis, au cours du deuxième semestre, nous aurons des discussions sur chacun des éléments de ACT » ;

- « Quant à la négociation, nous n’allons pas ouvrir un chantier ACT. Nous n’allons pas tout négocier. Un certain nombre de négociations vont arriver. Or, il n’y a pas un seul sujet d’ACT VF ne rentre pas dans ces discussions sur la gestion de l’emploi, la mobilité, etc. Nous évoquerons les salaires en septembre, afin de concilier l’approche fonction publique et l’approche droit privé dans une sorte de NAO qu’il reste à inventer » (pages 56; 59; 63; 64).

Au sujet de la rémunération précisément, M. AP annonce : « Je suis parfaitement conscient qu’une forte implication de l’encadrement est nécessaire pour réussir. C’est pourquoi un volet du projet prévoit qu’une partie de la part variable des managers sera mesurée sur la qualité de l’accompagnement qu’ils apporteront au développement des projets personnels de leurs équipes » (page 47). Face aux critiques des représentants sur les critères de la part variable, il les rassure ainsi : « J’ai évoqué des critères d’appréciation, mais ils seront typiquement qualitatifs. Il s’agit d’aider les personnels à se développer, dans le cadre de leur histoire personnelle » (page 62).

Interrogé au sujet du rôle et de la place des cadres dans ACT, M. AP livre son analyse : « Un important volet de ACT concerne la place et le rôle du management. Nous savons en effet que nous ne ferons pas ce programme sans une mobilisation des cadres, voire une remobilisation dans certains cas. Vous dites que certains cadres sont malheureux des tâches VF leur sont confiées. Mais un cadre n’est pas obligé d’être un manager. Dans la Maison, les cadres ont souvent été sélectionnés parce qu’ils étaient les meilleurs experts de leur groupe, mais pas toujours pour leurs compétences de management. Nous allons donc travailler dans ce domaine, afin qu’ils acquièrent des compétences sur le management des femmes et des hommes. Bien sûr, certains n’en auront pas envie et à l’aide des bilans de compétences, nous pourrons les réorienter vers les carrières d’expertise où la fonction d’encadrement à une moindre importance » (page 64).

Quant à la baisse des effectifs RH, M. AN ayant affirmé qu’il « faut optimiser [nos] fonctions Support » (page 47), M. AP répond aux inquiétudes de ses interlocuteurs de la façon suivante : « Ce n’est pas parce que les effectifs d’une fonction diminuent que son importance diminue. Lorsque nous comparons les effectifs de nos ressources humaines avec ceux d’une entreprise comparable, nous constatons des écarts très importants en effet, nous n’avons pas toujours les bons process, ni le BU système d’information » (page 61).

Enfin, nombre de questionnements ont surgi sur la mobilité.

Pour la CFDT, Mme CA s’exprime ainsi : « lorsque vous parlez de la mobilité internationale, nous craignons, que comme sur le territoire français, cette mobilité ne se transforme en une mobilité forcée ». M. AP s’insurge alors :

« Cela n’a absolument rien à voir» [..] nous souhaitons que les équipes VF travaillent ensemble sur les produits soient internationales de manière à gagner du

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temps sur la connaissance des diversités. Il s’agit donc clairement de volontariat »

(page 53). M. CB questionne: « vous nous avez parlé de la promotion des salariés, en insistant sur le fait que pour les cadres, cette promotion équivalait, de fait, à une mobilité. Ensuite, vous avez évoqué la mobilité au niveau international.

Alors, pour les cadres de catégorie Dbis dans le bassin d’emploi aujourd’hui régional, comment va se mettre en place cette mobilité ? Pour les cadres d’une catégorie supérieure, le périmètre est actuellement national. Y aura t-il un changement ? » (page

57).
M. AP répond «[…] Nous allons entamer en septembre une renégociation de l’accord sur la mobilité dans ce cadre, nous verrons comment se déclinent les principes de ACT. Il est donc prématuré de vous apporter des réponses aujourd’hui. Laissez-moi simplement vous indiquer ma philosophie personnelle sur le sujet. Je n’ai pas dit que pour les cadres, la promotion serait obligatoirement une mobilité. J’ai dit que le contrat de développement personnel engageait l’Entreprise et le salarié. Parmi ces engagements, nous envisageons l’aspect mobilité, l’aspect rémunération et l’aspect formation. Cependant, je suis opposé à un système unique. Nous allons vivre beaucoup de situations particulières […] » (page 58).

Ainsi, si de nombreux sujets ont été abordés, aucun n’a porté sur une déflation des effectifs du Groupe, et aucun chiffre n’a été formulé quant aux départs « naturels ».

3- Les ambitions du programme ACT : un accompagnement de la transformatio n et non de la déflation des effectifs

Il n’y a pas lieu, ici, de faire une présentation détaillée du programme ACT, largement évoqué au cours de l’instruction, dans l’ordonnance de renvoi (page 47 à 50), comme lors des audiences, notamment le 14 mai après le visionnage de la vidéo Pièce 41 (19 minutes) de la conférence donnée par M. AP lors de l’Entrepreneur’s meeting les 15 et 16 décembre 2005 (D3967 et D3927/WO).

Cependant, il est à noter qu’en cette circonstance, ce dernier a tenu à préciser à deux reprises que < NEXT c’est changer l’entreprise et pas changer de salariés », formule se voulant rassurante comme s’il pouvait exister une option permettant à l’entreprise de s’affranchir des garanties statutaires protégeant l’emploi des personnels fonctionnaires.

Aussi, l’évocation synthétique du plan ACT issue d’un document exploité par
Mme M lors d’une présentation le 7 septembre 2005 à Toulouse (D3049), est l’occasion d’examiner si ce programme a pris en compte un objectif de déflation des effectifs.

Le plan ACT, décomposé en quatre volets, a vocation :

- par le volet ACT Opportunités, à donner de la visibilité aux agents sur les évolutions VF s’opéraient au sein de l’entreprise ; par le volet ACT Développement, à donner aux agents la possibilité de participer à la

-

construction de leur parcours professionnel (création du contrat de développement personnel et des Espaces développement);

- par le volet ACT Solutions, à donner à chacun les moyens de valoriser ses acquis professionnels et réussir son projet grâce à une révision des pratiques RH », à développer des mesures et des moyens nécessaires et adaptés à chaque situation, notamment, développer la formation ;

- par le volet ACT Management, à « responsabiliser le management dans la conduite et la réalisation de la transformation du Groupe », à développer les compétences des managers en matière de ressources humaines (D3049/6).

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31ème Ch.

Au fil des mois, cette présentation s’est répétée en des termes identiques, qu’il

s’agisse du bilan social de l’entreprise livré en mars 2006 (D2994) ou de la

< présentation officielle de ACT » au Comité de groupe européen de FTSA en octobre

2006 (D3906/1-28), et sans aucune référence à une quelconque politique de déflation des effectifs.

Tous les prévenus ont constamment affirmé que le programme ACT n’avait jamais été pensé comme un programme de réduction des effectifs, qu’il regroupait uniquement des mesures d’accompagnement du personnel que ce soit pour l’évolution des compétences ou pour les mobilités tant internes qu’externes, toutes choses rendues nécessaires par la transformation de l’entreprise.

Ainsi, devant les magistrats instructeurs, M. AP a expliqué, qu’en sa qualité de SG du groupe, il était le responsable de la conception et de la mise en place du plan ACT : « Act fixait le cadre dans lequel devait s’inscrire

l’accompagnement de tous les salariés dans la transformation induite par le plan stratégique NEXT » (D2295/2). Il a précisé : « la plupart des briques VF constituent ce plan sont des outils VF préexistaient à la SG, VF étaient déjà utilisés et que nous avons améliorés ». Et il a cité au titre des améliorations : la mise en ligne sur le site intranet de la carte des métiers et des évolutions des métiers, l’augmentation du budget formation à hauteur de 25 % sur trois ans et au titre des innovations, le temps partiel fin de carrière en remplacement du CFC (…), la seule création de ACT étant les projets personnels accompagnés (D2295/2), en rappelant qu’ils n’ont officiellement existé qu’à compter de juin 2006, après la décision unilatérale DG 46.

Cette présentation est confirmée par le conseil de Mme M dans sa note

d’observations «à l’exception du Projet Personnel Accompagné (PPA) tous les dispositifs de mobilité ont été repris de l’accord collectif du 5 juin 2003 relatif à la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (mobilité intragroupe, mobilité vers la fonction publique, essaimage, mise en place d’espaces mobilité dédiés à l’accompagnement des salariés, etc.) » (D3875/9).

De même, Mme AK a indiqué que le plan ACT, lancé à Bordeaux et Marseille dès novembre 2005 et généralisé en 2006, «n’a pas fait l’objet d’une procédure de consultation des IRP parce que la majorité des mesures sont reprises de la GPEC de 2003 » (D3327/57).

A l’audience, M. AP, notamment le 27 mai, et Mme M n’ont eu de cesse de répéter que l’essence même du programme ACT était d’éviter de laisser le personnel seul face aux transformations du Groupe et à ses inquiétudes, en offrant à chacun la possibilité d’être accompagné de manière individuelle dans le cadre de la transformation du Groupe.
Mme M l’a déclaré à plusieurs reprises devant le tribunal et notamment le 24 mai 2019: « ACT, c’était comment aider chacun à trouver ce VF lui convenait le mieux » ; « Il y a ACT Développement pour mettre en valeur l’individu ». Le 28 mai 2019, Mme GI UG UH XB, collaboratrice de Mme M, confirmait ces propos en affirmant: « Un changement est toujours difficile et il faut un temps pour entrer dans une démarche de changement. ACT était justement pour préparer à ces changements ».

En conclusion, il ne résulte ni du dossier ni des débats d’élément permettant d’attribuer au programme ACT une autre ambition ou dimension que celle d’accompagner les personnels dans la transformation de l’Entreprise WV

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Télécom décidée par le plan stratégique NEXT. Évolution profonde, parfaitement identifiée par la direction, comme le prouve un document intitulé « ACT- CJ AP » dans lequel il était demandé aux salariés de passer « d’une logique de planification à long terme dans un environnement stable à une logique

d’adaptation permanente dans un environnement instable » (D80). M. AO l’a reconnu également devant le tribunal : il savait que « ce serait dur » pour certains des agents.

Et s’il ne peut être contesté que certaines personnes, sans doute en grand nombre, ont pu tirer profit de la mise en œuvre de ce programme ACT, qu’il s’agisse de la formation, des parcours de professionnalisation ou de certains dispositifs de mobilité externe, il n’en demeure pas moins qu’il s’est révélé insuffisant pour faire barrage et protéger les personnels, lors de la mise en œuvre coercitive d’un nouvel objectif : l’accélération de la déflation des effectifs.

II- Un premier tournant le 14 février 2006: l’accélération du plan NEXT et

l’annonce soudaine d’une déflation des effectifs comme politique des ressources humaines au soutien du plan NEXT

Au détour d’un communiqué de presse le 14 février 2006, la suppression de

16 000 postes a été annoncée (1). La surprise et la désapprobation se sont exprimées à l’occasion du comité central d’entreprise exceptionnel VF s’est tenu le lendemain, au cours duquel des explications sur le nombre de départs ont été fournies. Il convient donc d’examiner son éventuelle justification aux fins d’en déterminer la faisabilité (2).

La conjonction du plan NEXT et de cette nouvelle politique de déflation des effectifs a eu des conséquences immédiates: d’une part, sur la négociation du nouvel accord sur la GPEC, d’autre part, sur l’organisation de la Division Opérations WV (OPF) dirigée par M. AO.

1- Les annonces nationales du 14 février 2006 et leur officialisation dans le Document de référence 2005

Au cours de l’instruction, Mme M a indiqué que la mise en œuvre effective du progamme ACT « a débuté début 2006 après les engagements que EY

AN a pris devant les investisseurs lors d’une présentation en février »

(D3692/4),

Effectivement, le 14 février 2006, dans un communiqué de presse,
M. AN annonce les bons résultats de 2005, et, pour 2006, « 7 Mds € de Free cash flow organique » et une augmentation des dividendes accordées aux actionnaires.

Il précise : « notre environnement change, nous devons changer encore plus vite. Nos atouts exceptionnels, l’ADSL, la livebox, le Haut débit mobile et les Contenus sont les quatre piliers grâce auxquels nous allons développer tous nos nouveaux services. Un grand nombre d’entre eux sera lancé en 2006 sous la bannière d’une marque forte.

Grâce à la mutation que j’ai engagée avec l’ensemble des collaborateurs du Groupe, WV Télécom, encore plus réactif, encore plus efficace, va maintenir son avance. ».

Il annonce «< une accélération du plan NExT pour 2006 » grâce à « un pilotage resserré de l’activité et transformation accélérée de l’entreprise » (D2126/9 à 11).

Mais surtout, pour la première fois, ont été également annoncés 22 000 départs dits « naturels », WO 000 personnes en mobilité et le recrutement de 6 000 nouveaux agents. Ces annonces ont été reprises par la presse : « D’ici 2008, WV Télécom entend réduire de 22 000 ses effectifs en WV, pour l’essentiel par attrition naturelle. Le Groupe devrait en revanche voir ses effectifs à l’international croître de 5 000 salariés au cours de la même période » selon un article de

LeMonde Informatique.fr (D68/2).

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31 ème Ch.

Outre les réactions et questionnements émis lors de la séance extraordinaire du

CCE VF s’est tenue le lendemain, évoquée ci-après, il n’est pas inintéressant de rapporter ici le témoignage de Mme HO CC, administrateur représentant les salariés pour la Fédération SUD au conseil d’administration de WV Télécom.

A l’audience du 14 mai 2019 (NA page 38 à 45), elle a relaté son étonnement et son inquiétude d’apprendre par la presse, le 14 février au matin, des informations aussi importantes alors que la veille au soir s’était tenu un conseil d’administration au cours duquel ces éléments n’avaient pas été révélés. Et elle a fait verser aux débats par son conseil le C qu’elle avait VN à M. AN quelques jours plus tard et dans lequel elle lui fait part de ses interrogations de la manière suivante : « comment comptez-vous « obtenir » 7 000 départs vers des « projets '> personnels accompagnés, de l’essaimage et du futur temps partiel de fin de carrière, sachant que le nombre de départs en essaimage se monte péniblement les jours de grand vent à quelques centaines sur plusieurs années, que les futurs temps partiels de fim de carrière ne concernent que les rares agents VF auront 58 ou 59 ans en 2007 et 2008 et VF ne sont pas en CFC, ni en retraite service actif, et VF auront assez d’annuités pour adopter ce type de dispositif, et qu’enfin, personne n’a la moindre idée de ce que vous entendez par « départs personnels accompagnés ››.

Tout ceci m’amène à m’interroger sur ce VF a amené à cette bien étrange situation : une annonce non dite lors du conseil d’administration et VF devient le lendemain un facteur clé de la stratégie de communication externe ; une annonce VF a des conséquences graves sur le personnel et autour de laquelle toutes les spéculations sont permises, y compris les plus inquiétantes, telles que celles concernant de futurs plans sociaux dans l’entreprise ». A l’audience, M. AN s’est défendu : « C’était une évolution naturelle.

On n’avait pas à l’annoncer au conseil d’administration » (NA 16/5/2019 page 35).

Pourtant, l’officialisation et l’importance quantitative de ces annonces chiffrées relatives aux personnels sont renforcées par la place qu’elles prennent désormais dans le succès du plan stratégique NEXT, d’autant qu’elles apparaissent, dans le Document de référence 2005 de WV Télécom paru en mars 2006, comme une de ses conditions : leurs accomplissements deviennent, non seulement un « facteur clé de la stratégie de communication '> externe selon

l’expression de Mme CC, mais surtout une des conditions de la réussite du plan NEXT.

En effet, dans le Document de référence de 2005 remis à l’Autorité des marchés financiers le WO mars 2006, au TM 4 sur les « Facteurs de risques », le plan NEXT est ainsi présenté dès la cinquième page :

< La stratégie de croissance rentable de WV Télécom est fondée sur la mise en place d’un modèle d’opérateur intégré, dans le cadre du Plan NEXT (Nouvelle Expérience des Télécommunications), VF couvre la période 2006-2008. Si WV Télécom ne réussissait pas à mettre en œuvre ce modèle d’opérateur intégré dans le cadre du Plan NEXT, ou n’y parvenait pas complètement, ou si le développement de services intégrés et convergents ne répondait pas aux attentes de la clientèle, les objectifs du Plan NEXT pourraient ne pas être réalisés, et les activités, la situation financière et les résultats de WV Télécom seraient négativement affectés.

La stratégie de croissance rentable de WV Télécom repose sur la mise en place d’un modèle d’opérateur intégré, dont les métiers cœurs sont désormais le mobile et le Haut

Débit, supports d’une offre multi-services (voir la section 6,1 « Stratégie »).

Pour la période 2006-2008, cette stratégie du Groupe est désormais mise en œuvre dans le cadre du Plan NEXT (Nouvelle Expérience des Télécommunications). Ce plan, présenté en juin 2005, est un programme de transformation sur trois ans VF doit

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permettre aux clients du Groupe d’accéder à un univers de services enrichis et simplifiés et au Groupe de poursuivre sa transformation d’opérateur intégré. Le Plan NEXT vise à faire de WV Télécom l’opérateur de référence des nouveaux services de télécommunications en Europe.

Le succès de cette stratégie et du Plan NEXT dépend des éléments suivants : […]». Suit la présentation des huit éléments, dont les deux derniers sont :

< – [la] capacité à réaliser la transformation accélérée des structures, des modes de fonctionnement, et de la structure des coûts du Groupe, avec notamment des économies sur les achats et les coûts de réseau ;

- [la] capacité à conduire le développement des compétences du Groupe, en particulier grâce au programme « ACT » (Anticipation et Compétences pour la Transformation), et à réaliser, notamment en WV, les recrutements (6 000) et les départs (22 000) prévus »>.

Et la phrase VF suit cette liste marque bien l’enjeu des éléments énumérés :

< Si WV Télécom ne réussissait pas à mettre en oeuvre ce modèle d’opérateur intégré dans le cadre du Plan NExT, ou n’y parvenait pas complètement, les objectifs du Plan NEXT pourraient ne pas être réalisés, et les activités, la situation financière et les résultats de WV Télécom seraient négativement affectés '>.

Ainsi, la réussite du plan NEXT repose, en partie, d’une part, sur le programme ACT, d’autre part, sur une politique de ressources humaines précise, définie par 6 000 recrutements et 22 000 départs « prévus ».

Un peu plus loin, dans le TM 6 du même Document de référence 2005 consacré à la description de l’activité, après l’historique du passage du plan Ambiti on FT 2005 » au plan «NEXT », ce dernier est détaillé et son « accélération » est prévue pour 2006,

S’agissant de l'«< Adaptation des ressources humaines » (page 23), il est écrit que

< WV Télécom adapte ses ressources humaines aux besoins résultant de l’évolution de ses activités et de la transformation de son organisation :

- raccourcissement des circuits de décision et réduction des degrés hiérarchiques ;

- redéploiement vers les métiers au service des clients;

- renforcement des actions de formation, avec l’appui des écoles de métiers internes ;

- mise en place de mesures d’incitation orientées vers la réalisation des objectifs du plan NEXT;

- recrutement de nouveaux talents (6000 recrutements prévus en WV sur la période

2006-2008).

Parallèlement, WV Télécom prévoit 22.000 départs en WV, et une diminution globale des effectifs de 17.000 au niveau du Groupe »>.

Les mêmes informations sont détaillées dans le TM 17 intitulé Salariés, paragraphe sur les « Perspectives d’évolution d’emploi » en page 183 (Ddans 2294/4):

< Perspective d’évolution de l’emploi : Les perspectives d’évolution de l’emploi sur la période 2006-2008 pour le Groupe WV Télécom comprennent une diminution de ses effectifs d’environ 17 000 personnes dans le monde. Cette diminution s’explique de la manière suivante : une réduction d’effectifs d’environ 1 000 personnes hors de WV avec des augmentations pour certaines filiales en fort développement et des réductions pour d’autres filiales.

- une réduction d’effectifs d’environ 16 000 personnes en WV, avec environ 22 000 départs et 6 000 recrutements. Les recrutements externes se feront sur les secteurs

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prioritaires services aux clients, réseaux, systèmes d’information, innovation. Le nombre des départs correspond au rythme observé sur la période 2002-2005 [NB : il

s’agit manifestement d’une erreur pour 2002, au lieu de 2003, les périodes comparées étant de trois années]. Ces départs seront constitués en majorité par les départs en congés de fin de carrière (CFC) sur 2006, par les départs en retraite en lien avec la structure des âges des collaborateurs en WV, mais aussi par les mobilités vers la fonction publique et les autres projets personnels, comme l’essaimage par exemple. WV Télécom prévoit aussi de faire évoluer les compétences de ses collaborateurs grâce à d’importants efforts de formation au cours de ces trois années et de reconvertir environ WO 000 personnes vers les métiers de la relation Client ».

Ainsi, il ressort tant de la communication médiatique du 14 février 2006 que de ce Document de référence 2005, qu’un lien fort unit désormais la réussite du plan NEXT et la suppression de 17 000 emplois au niveau du Groupe : si le terme de prévision est utilisé dans les deux chapitres, il est insuffisant pour faire douter du caractère nécessaire de la suppression de ces 17 000 emplois à l’achèvement du plan stratégique. Mme M a déclaré dans le cadre de l’instruction que « L’engagement principal VF a été pris était une réduction nette de 16 000 », engagement important au HT qu’elle en mentionnait la réussite dans son curriculum vitae : « Les objectifs sur

3 ans : décroissance nette des effectifs de 17 000 emplois, WO 000 mobilités vers les secteurs prioritaires + 25% des investissements de formation du Groupe objectifs atteints » (D3692/5 ; D3294/3).

De même, Mme AK a déclaré lors de l’audience du 16 mai que, lorsqu’elle était arrivée en février 2006, le chiffre de 22.000 départs avait déjà été annoncé et qu’il s’agissait d’objectif en tant que cible à atteindre.

2- La justification de la prévision des 22 000 départs et sa pertinence

Au sujet des 22 000 départs, trois sujets ont alimenté l’instruction, les débats et les écritures: les circonstances de la détermination de ce nombre; son bien-fondé ; sa valeur d’objectif ou de prévision.

Les prévenus ont unanimement soutenu que cette compression massive de personnels s’inscrivait dans le prolongement de la déflation naturelle des effectifs telle qu’elle avait été enregistrée durant le plan précédent mis en place sous l’égide de M. EQ BV, prédécesseur de M. AN, de 2002 à 2005. Et ils ont formellement contesté que la prévision de mobilités externes ne soit pas réalisable sans mobilités forcées.

Après avoir évoqué les réactions des représentants du personnel au lendemain de l’annonces faites le 14 février 2006 (2-1), il sera recherché le bien-fondé des

< prévisions '> officialisées (2-2) puis constaté le décalage entre ce VF a été réalisé entre 2002 et 2005, et ce VF est attendu de 2006 à 2008 (2-3).

2-1. Les réactions du CCE au 15 février 2006

Lors du comité central d’entreprise extraordinaire du 15 février 2006, les représentants des salariés ont exprimé leurs inquiétudes quant la mise en œuvre du plan NEXT et du programme ACT. A titre d’exemple :

- < Vous parlez de départs naturels. Peut-on appeler départ naturel l’incitation, même accompagnée financièrement, à quitter un emploi stable pour trouver un nouveau départ dans le monde de la précarité ? » (D2787/5);

- < Les choix que la Direction de WV Télécom opère ne vont pas dans le BU sens. Ils risquent de compromettre gravement l’avenir de l’entreprise, le niveau de l’emploi et la santé du personnel. » (D2787/5)

- < Nous dénonçons la politique VF consiste à supprimer 16 000 emplois, alors que la

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situation est extrêmement tendue dans les services et que vous annoncez la réalisation de NEXT en deux fois moins de temps que prévu » (D2787/8);

- < En 3 ans, nous avons comptabilisé 1 400 départs nets vers la sphère publique, ce chiffre est nettement inférieur à vos prévisions. Avec l’annonce de suppressions de postes dans la Fonction publique d’État, comment pouvez-vous sérieusement imaginer utiliser ce dispositif ? » (D2787/9);

- « Comment pouvez-vous annoncer des records de résultat financier de FTSA en mettant en avant une énième annonce de départ de salariés ? Vous devez marcher sur la tête ! Nous avons l’impression que plus nous faisons de chiffre d’affaires, plus vous supprimez de l’emploi. Autant nous pouvions l’accepter il y a dix ans, lorsqu’une entreprise avait des difficultés, autant les salariés ne comprennent pas une telle mesure avec un résultat financier en augmentation de 6 % » (D2787/ WO).

Quant au chiffrage des 22 000 départs annoncés la veille, M. AP les détaillait ainsi : « Je vous décompose les 22 000 suppressions d’emplois : 4 800 départs de CFC sur 2006 – 2007 – 2008, 4 500 mobilités vers les fonctions publiques,

5 700 départs en retraite ordinaire, moins de 1 000 salariés VF prendraient leur temps partiel de fin de carrière » (D2787/22).

Les représentants syndicaux ont souligné le caractère hasardeux des projections faites par M. AP.

La représentante de la CFDT lui a fait observer que ce calcul ne permettait

d’arriver qu’à 17 000 personnes et l’a interrogé sur les 6 000 autres personnes VF devront quitter l’entreprise pour parvenir à tenir le chiffre de 22 000 départs annoncés (D2787/22 et 23).
M. AP a répondu que les 7 000 autres départs résulteront de 2 000 projets personnels et de 1 000 projets d’essaimage par an sur trois ans. Il a indiqué qu’il y avait 1 300 projets d’essaimage en 2004 et 2005 et qu’avec le dispositif financier d’accompagnement prévu, il escomptait faire passer ce chiffre à 2 300 par an

(D2787/23).

Le représentant de SUD (M. CD) s’est étonné du chiffre prévisionnel de 4 500 départs vers la fonction publique sur trois ans. Il a rappellé qu’en 2005, il n’y en a eu que 900 (D2787/49).

A juste titre, car le bilan social 2005 ne fait même état au titre de l’activité 2005 que de 739 mobilités effectives vers les fonctions publiques (État, collectivités locales, hospitalière…), soit un chiffre bien inférieur au chiffre de 1 500 compris dans le décompte de M. AP (D2294/3). L’élu de SUD s’est étonné aussi du chiffre prévisionnel de 2 200 départs en retraite par an alors que l’expert mandaté à cet effet l’avait estimé à 1 500. Enfin, il a relevé que le chiffre de 7 000 projets personnels n’avait jamais été évoqué et n’avait pas fait l’objet d’une consultation du comité d’entreprise (D2787/49).

Enfin, M. AP a confirmé la fin du CFC : « Le CFC représente 900 M

€ par an de charge pour l’entreprise. Nous ne pouvons pas reconduire ce niveau de dépense. J’ai donc proposé le temps partiel de fin de carrière et le projet personnel accompagné. Entre le coût du CFC VF n’est pas supportable et ces deux propositions, il y a la marge pour une discussion entre nous et une négociation » (D2787/12).

2-2. L’origine de la détermination des 22 000 départs: le nombre de départs de 2003

à 2005

Ainsi, pendant toute l’instruction, et à de très nombreuses reprises lors de

l’audience, il a été indiqué par les prévenus que le nombre de 22 000 départs prévus pour la période 2006-2008 avait été arrêté en fonction des 22 000 départs constatés

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31 ème Ch. lors de la période antérieure, à savoir 2003-2005.

Cette affirmation a pu être corroborée par les documents de référence des années 2003 et 2004 versés aux débats par M. AN: la prévision de 22 000 départs « naturels » existe bien sur la période 2003-2005. Elle apparaît, en effet, dans :

- le Document de référence pour l’année 2002 (page 127): le nombre de « départs naturels », définis comme étant constitués des « retraite anticipée, retraite et autres départs volontaires », s’élèverait à plus de 22 000 pour les années 2003, 2004 et 2005.

« L’évolution de l’emploi en WV devrait se faire comme par le passé, sans licenciements, mais par reclassement au sein des entreprises du Groupe ou dans les fonctions publiques, ou par départ volontaire. Compte tenu de la démographie, le nombre des départs naturels (retraite anticipée, retraite et autres départs volontaires) devrait dépasser 22 000 départs en 3 ans en WV (en 2003: 7 500 en WV plus

5 500 hors WV) » ;

- le Rapport 2003, Analyse financière et des résultats (page 97): « Ces évolutions sont conformes aux prévisions de 22 000 départs naturels et en congés de fin de carrière en WV de 2003 à 2005 » ;

- le Document de référence pour l’année 2004 (page 63 du rapport financier 2004). La décroissance des effectifs observée s’avérait conforme à ces prévisions de 22 000 départs : « Ces évolutions sont conformes aux prévisions de 22 000 départs naturels et en congés de fin de carrière en WV de 2003 à 2005. Elles se PU dans le cadre

d’un accord pour l’emploi et la gestion des compétences VF a été signé en juin 2003 avec quatre organisations professionnelles. Plus de 700 personnes volontaires ont quitté l’entreprise pour rejoindre les fonctions publiques. Cette tendance devrait s’accélérer en 2004 du fait des récentes dispositions législatives VF facilitent l’intégration des fonctionnaires de WV Télécom dans leur corps d’accueil et définissent un cadre pour l’accompagnement financier de leur mobilité »>.

En outre, figure au dossier un courriel du WO juin 2005, soit contemporain de

l’annonce de NEXT, VF établit que, dès cette époque, un nombre proche des 22 000 départs était l’hypothèse de travail. Dans ce courriel, intitulé « Trajectoires d’effectifs WV New Budget et Ambition 2008 », vraisemblablement validé par AF CU (Direction « Gouvernance RH ») VF figure en copie, M. CE

BRESSON, le prédécesseur de M. AP au poste de SG Groupe de WV Télécom, communique aux membres du Comité de Direction Générale les prévisions d’effectifs des trois années suivantes, dans le cadre du plan « Ambition 2008 » bientôt désigné NEXT :

«2/ pour Ambition 2008

- La cible décidée pour fin 2008 sur le Groupe WV est de 104 500 CDI (soit une réduction de 3 200 CDI par rapport aux remontées actuelles des divisions). En prenant comme HT de départ les 118 600 CDI du New Budget à fin 2005, la décroissance nette des effectifs serait de -5000 en 2006, puis de -4500 en 2007 et

-4000 en 2008.

- les trajectoires prennent en compte la fin du dispositif de CFC en 2006, et l’impact sur les flux sortants. Par contre, la mise en place de nouveaux dispositifs permettra

d’accentuer les départs autres que les CFC.

- l’hypothèse de mobilités vers la Fonction Publique reprend l’orientation donnée pour

2005, c’est-à-dire 1500 départs par an.

- le volume de recrutements a été fixé globalement à 7500 sur la WV pour les années 2006, 2007 et 2008 et ne prend pas en compte le renouvellement des CDI Temps Partiel (CDI TP). L’évolution souhaitée des effectifs induit la répartition suivante: 3 000 recrutements en 2006, 2 500 en 2007, et 2 000 en 2008.

- l’effort de productivité demandé concerne très largement les métiers Supports. C’est

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donc particulièrement dans ces domaines que les actions seront ciblées » (D3185/19).

Ainsi, la Direction < Gouvernance RH » estime en juin 2005 que la décroissance nette des effectifs (c’est-à-dire les entrées diminuées des sorties) sur les trois années 2006, 2007 et 2008 s’établira à – WP 500, au rythme de 5 000 en 2006,

-

puis de – 4 500 en 2007 et – 4 000 en 2008.

Elle estime, par ailleurs, que le nombre de recrutements (c’est-à-dire d’entrées) s’élèvera à hauteur de 7 500, sans tenir compte des CDI Temps Partiel (CDI TP), au rythme de 3 000 recrutements en 2006, 2 500 en 2007, et 2 000 en 2008.

Contrairement à l’analyse faite de ce courriel dans l’ordonnance de renvoi, la

Direction « Gouvernance RH » estimait bien, dès juin 2005, les départs sur les trois années 2006, 2007 et 2008 à hauteur de 21 000 départs (addition des WP 500 et 7 500), une estimation très proche du chiffre définitif des 22 000 départs annoncé publiquement le 14 février 2006 par le PDG de WV Télécom.

Ce courriel vient aussi confirmer les propos de M. AN, quand il a expliqué que le chiffre de 22 000 avait été fixé par la direction financière, VF « avait rassemblé les éléments pour les plans à venir », agissant en quelque sorte comme un secrétariat réunissant les éléments pour fixer ce chiffre. Ce n’est pas en cette qualité de directeur financier qu’elle donnait ce chiffre mais à l’issue d’une synthèse

d’informations provenant des différents services, notamment des directeurs opérationnels et de la direction des ressources humaines du groupe. Ce chiffre de 22 000 ne l’avait pas étonné, pour correspondre au recrutement dans les années 70 des personnes VF arrivaient en fin de carrière : « la pyramide des âges était encore boursouflée » (NA 16/05/2019 page 31, 33).

2-3. Les 22 000 départs : l’illusion d’une simple trajectoire face à la réalité d’un objectif intangible Lors de l’instruction, messieurs AN, AP et AO ont tenté de se défendre de tout objectif de réduction d’effectifs, invoquant le suivi d’une simple « trajectoire prévisionnelle », fondée sur celle réalisée les trois années précédentes.

Au soutien de cette explication, M. AP a joint à ses écritures un courriel du WO février 2010 (Pièce n° WO), soit bien après la fin de NEXT, que
M. HS CF (Direction « Gouvernance RH ») transmettait à son N+1

AF CU avec un tableau intitulé « Effectifs publiés 1994 à 2009 » dans lequel figurent les chiffres suivants :

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31 ème Ch.

1996 Flux de sorties depuis le 1/01 de l’année n

1997 1908

2000

2001

2002 6830 8 599 cumul flux de sorties depuis le 1/01/96 6 031 8 455 8 145 7169 6 830 15 429 21460 cumul par périodes de trois ans […] cumal départs anticipés depuis le 1/01/[…]

[…]

3 744 4205 6 082 12 465 dont départs en CFC, depuis le 1/01 de rannée n 15 752 21 202 […]

[…]

4 370 ul CFC depuis le début de la mesure (oct. 1996) 2 749 […] 3744 4 205 […] 7951

%6 d’augmentation des départs en CFC WO 700 16 150 19 894 24 099 22%

-37%

-5% 41% 12%

2003 Flux de sorties depuis le 1/01 de l’année

2004

2005

2006

2007

2008

2009 7 039 6 438 8 348 cumul flux de sorties depuis le 1/01/96 WO 405 5 258 5 700 2785 58 257 64 695 cumul par périodes de trois ans 73 043 83 448 88 706 […]

21-363 4413 4 207 cumul départs anticipées depuis le 1/01/96 4 386 5331 0 0 33 564 37 771 dont départs en CFC, depuis le 1/01 de fannée n 42 157 47 488 47 488 47 488 ul CFC depuis le début de la mesure (oct 1996)(1996) 47 488 4413 4 207 4 386 5331 0 D […]

% d’augmentation des départs en CFC 37 105 42 436 42 436 42 436 42 436 5%

-5% 4% 22%

Et M. AP en fait l’analyse suivante :

- de 1997 à 2008, WV Télécom a connu environ 22 000 départs tous les 3 sorte que les départs cumulés entre 2006 et 2008 ne sont pas supérieurs aux années ans, de précédentes; sur les 73.043 départs entre 1996 et 2005, le CFC n’explique que 37 105, soit 51 % des départs, de sorte qu’il ne saurait être prétendu qu’il s’agissait de l’explication exclusive ou essentielle des départs sur cette période;

- en 2006, les départs en CFC ont connu un bond de 22% par rapport à l’année précédente, s’expliquant sans doute par sa dernière année d’existence.

Certes, à l’audience du 16 mai 2019, la position des prévenus a évolué, celle de M. AP en tous cas : « une trajectoire annoncée au X dans une société devenue cotée devient pour les gens un objectif» (NA page 33).
M. AP a ainsi admis qu’une annonce officielle, nationale, en faisait un objectif, ce qu’avaient déjà établi très clairement des pièces de l’instruction, ainsi qu’il sera examiné dans le TM suivant, et VF est confirmé par la teneur des documents de l’entreprise eux-mêmes, versés aux débats et compilés dans les deux tableaux ci dessous.

Si cette évolution de postures rend dépassé le débat sémantique VF a agité l’instruction sur la distinction existant entre les termes de prévision, cible, trajectoire, l’obstination des mis en examen, devenus des prévenus, à nier l’évidence concernant cette donnée sociale majeure, a l’avantage de mettre en lumière le caractère structurant, irréaliste et intangible de l’objectif de déflation pour l’avenir de l’entreprise, qu’ils cherchaient à laisser dans l’ombre. Cet objectif de déflation a d’ailleurs été réaffirmé, en termes identiques, dans les documents de référence des années 2007 et 2008, rendus publics.

A cet égard, M. RE FC, directeur financier, explique dans le film de LR BH, que la société WV Télécom, entreprise du CAC 40, était jugée par le marché sur sa capacité qu’elle s’est elle-même fixés dans son plan stratégique :

« WV Télécom ne se compare pas à des entreprises françaises. Il se compare aux grandes entreprises de télécommunication internationales VF sont Telefonica

l’espagnole, Deutsche Telekom l’allemande, Vodaphone l’anglais, pour ne prendre que les trois autres européens. Sa comparaison ? Les investisseurs ils choisissent d’investir dans l’une ou dans l’autre, ou dans les deux, mais ils comparent les quatre là..[…] au regard déjà de leurs projets, au regard de leur capacité à réaliser leurs

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objectifs, au regard de leur capacité à augmenter leur rentabilité et après, aussi au regard de leurs dividendes » (minute 45:49).

Le caractère structurant, irréaliste et intangible découle des constats suivants.

En premier lieu, il convient de rappeler que nombre d’agents souhaitant quitter

l’entreprise l’avaient déjà fait pendant la période couverte par AMBITIONS 2005 ce VF limitait, mathématiquement et proportionnellement, le nombre d’agents réellement volontaires au départ, à un nombre moins élevé que les trois ans précédents, même avec une pyramide des âges « boursouflée » pour reprendre le qualificatif utilisé par M. AN.

En second lieu, il n’est pas contesté qu’il n’y a eu aucun ajustement du nombre fixé des départs, même après la certitude de la fin du dispositif du congé de fin de carrière (CFC) le 31 décembre 2006, comme en atteste, par exemple, un document intitulé « Projet de note-WV Headcounts» daté du 18 novembre 2006

(version 8) découvert dans l’ordinateur de M. AP (D2353/18 -extrait du scellé C5).

Ce document de quatre pages rappelle « Les annonces de NEXT » : « afin de répondre aux objectifs financiers que s’est donnés le Groupe, la diminution nécessaire des effectifs permanents a été évaluée à 16 000 CDI en WV sur la période. Cette diminution sera réalisée avec environ 6 000 recrutements externes et 22 000 départs se faisant notamment via :

-WO 500 départs naturels dont 4 800 congés de fin de carrière (en 2006) et 5700 départs en retraite, – 4 500 mobilités vers les fonctions publiques

-7 000 autres départs (démissions, essaimage, projets personnels accompagnés) ». Certes, M. AN a imputé à l’Etat un rôle certain sur la non-reconduction de ce dispositif. Mais il n’a pas fourni de preuve quant à la réalité de démarches qu’il aurait effectuées auprès de l’État pour faire perdurer ce dispositif.

Enfin, et en tout état de cause, comme le prouvent les deux tableaux ci dessous établis à partir des chiffres fournis par les bilans sociaux et les documents de référence des années 2003 à 2005 (pièces n° 1 à 8 de la CGT FATP), il est patent que la fin de ce dispositif spécifique ne permettait pas d’envisager de réaliser un nombre équivalent de départs en comparaison avec la période antérieure.

Dans le tableau ci-dessous, la première ligne correspond aux chiffres prévisionnels annoncés par M. AP au CCE du 15 février 2006, et la seconde aux départs réalisés les trois années précédentes.

Retraite aire A Fimage Mo n publique THE démissions

Prévis de départs 4800 3700 7000 45000 22000 WV Tdcomputer les ammes 2006 2004

Départs réal E 13005 5332 2130 22072 cour de la période précédente

(2003-20051

S’agissant du total calculé sur chaque poste, celui-ci se décompose comme suit, sachant que les nombres de la première ligne relative aux départs en CFC concordent parfaitement avec ceux mentionnés par M. CF dans son courriel du WO février

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nombreux départs, qu’elle n’avait aucunement constatés à l’échelle envisagée sur la période précédente pour les dispositifs hors le CFC. Les départs prévus, qu’elle disait basés sur le volontariat, impliquaient de manière indiscutable de mettre en place une politique donnant l’illusion que c’était le salarié ou le fonctionnaire VF était volontaire pour partir.

Certes, la « prévision » des 22 000 départs a été atteinte comme le prouvent, par exemple, le courriel de M. CF et les documents de référence postérieurs.

Cependant, ce succès ne donne aucune information sur la façon dont il a été obtenu. Il ne suffit pas à conforter la justesse de l’hypothèse initiale et sa concrétisation exempte d’une quelconque contrainte.

A ce titre, s’agissant des reports des CFC, il est étonnant que l’entreprise ne fournisse aucun état détaillé des sorties effectives entre 2006 et 2008, précisant, notamment, le nombre des départs en retraite par atteinte de la limite d’âge, celui des départs en retraite avant la limite d’âge, le nombre de démissions en distinguant les CDI à temps complet et les « contrats étudiants », le nombre

d’essaimages, les nombre de mobilités externes, etc.

A cela s’ajoutaient les WO 000 mobilités internes, VF, comme évoqué dans le TM I, n’étaient que très peu juridiquement encadrées.

Le tribunal en déduit que pour atteindre l’objectif de déflation des effectifs qu’elle s’était assigné entre 2006 et 2008 et pour prévenir le risque d’un nombre insuffisant de départs sincèrement volontaires, la société WV Télécom a engagé des actions délibérées d’incitation aux départs VF passaient fatalement par une dégradation des conditions de travail.

3- Les premières conséquences révélatrices de l’annonce des 22 000 départs

Il ressort du dossier que cette annonce des 22 000 départs et des WO 000 mobilités a eu des incidences sur deux processus en cours, l’un amorcé depuis

l’automne 2005, à savoir la négociation sur la GPEC (3-1), l’autre débuté en janvier

2006, à savoir la réorganisation du groupe (3-2), et plus précisément celle de la

Division Opérations WV (ci-après OPF).

3-1. L’échec de la négociation sur la GPEC

Comme déjà évoqué dans le TM I, un premier accord sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) a été signé le 5 juin 2003 par la direction de WV Télécom et quatre syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO)

(D3903).

En 2005 et 2006, de nouvelles négociations ont été engagées et ont duré près de huit mois. Au moins huit réunions de négociation avec les organisations syndicales se sont tenues le 28 septembre 2005 ; le 12 octobre 2005; le 21 octobre 2005; le 18 novembre 2005; le 29 novembre 2005 ; le 12 décembre 2005, le 30 janvier 2006. Fin décembre 2005, un accord de prorogation de l’accord emploi de 2003 était signé par la

CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et FO afin de maintenir en vigueur l’accord de 2003 jusqu’au 15 mars 2006, le temps qu’un nouvel accord GPEC soit signé. Cet accord est signé le 19 avril 2006, mais uniquement par la CFTC et la direction. Les organisations syndicales CFE-CGC, CGT et SUD représentant 59% des voix aux dernières élections du comité d’entreprise dans le Groupe WV exercent leur droit d’opposition majoritaire. Conformément à l’article L. 132-2-2 du code du travail, l’accord GPEC est donc devenu réputé non écrit.

Le lien entre cette opposition des organisations syndicales et l’annonce du

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31 ème Ch.

NA A

-

2010 versé aux débats par M. AP :

1003 2004

[…]

Retraite t ire 1397 1847 5332

[…]

Atobate faseton publique

200

201 7:39

* Le dispositif PPA (projet personnel accompagnét n’existe pas entre 2002 et 2005

Comme le souligne le conseil la CGT-FATP dans ses écritures, il apparaît done, à la lecture de ce tableau, que la disparition du congé fin de carrière allait inéluctablement avoir pour conséquence une diminution drastique des départs naturels motivés par sa mise en ceuvre (environ 4 300 départs par an). Et la disparition du dispositif de congé de fin de carrière allait donc avoir deux conséquences : la nécessité de parvenir à un nombre de départs substantiel basé sur la mise en

-

œuvre de ce dispositif dans le courant de l’année 2006, avant qu’il ne disparaisse ; le report des quelques 8 600 départs normalement générés par les CFC sur d’autres postes.

A la lecture du tableau des prévisions, il apparaît que ces reports sur d’autres postes sont particulièrement visibles puisque, s’agissant des dispositifs PPA / essaimages / démissions, ils passent de 1 584 départs constatés sur la période 2003 à

2005 à 7 000 départs envisagés sur 2006 à 2008, soit presque cinq fois plus. Et il convient de noter que le dispositif du PPA ne figurait pas initialement dans ACT, qu’il n’a été créé qu’en 2006 à l’issue des discussions avec les organisations syndicales et a été répris dans la décision unilatérale DRHG/46 du 12 juin 2006.

Quant aux départs vers la mobilité fonction publique, ils passent de 2 150 départs constatés sur la période 2003 à 2005, à 4 500 départs envisagés de 2006 à 2008, soit le double.

Or, les départs fondés sur ces motifs (PPA/ essaimages / démissions / mobilité fonction publique) n’ont rien de naturels et ne sont encadrés par aucun dispositif législatif VF les rendrait de quelque manière que ce soit automatiques (par exemple, atteinte d’un certain âge). Ils reposent tous sur le volontariat, comme l’ont affirmé et reconnu les prévenus. Or, fixer un nombre, en l’occurrence s’élevant à 8 600, à des départs volontaires, ne peut les rendre qu’incités et forcés.

A ce sujet, lors de son témoignage, M. CG, cadre responsable du

Département pilotage de l’URRRD à la DT Sud-Est a fait l’analyse suivante : « Pour résumer, avant 2006, on réorganisait pour s’adapter aux départs naturels constatés.

Désormais, on réorganise pour provoquer des départs préétablis arbitrairement ! Pourtant, considérés isolément, le programme ACT, les réorganisations RAF, les

Espaces Développement… paraissent inoffensifs c’est leur usage combiné et coordonné VF les transforme en processus inflexible » (page 4 de la déclaration jointe aux NA 11/06/2019).

Ainsi, la comparaison avec les chiffres réalisés lors de la période triennale précédente amène de manière indiscutable à la conclusion qu’il était absolument impossible que tous ces départs se réalisent de manière naturelle.

Il résulte donc de la comparaison de ces chiffres que la société WV

Télécom devait nécessairement, si elle entendait atteindre les objectifs qu’elle

s’était fixés, mettre en œuvre une politique managériale aboutissant à de

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31 ème Ch.

chiffre des 22 000 départs en février 2006 a été évoqué à l’audience. L’accord GPEC était devenu < invendable » aux militants des organisations syndicales, comme l’a indiqué Mme Isabel HI-VO (CFDT) lors de sa déposition à la barre du tribunal le 14 mai 2019: « Concernant l’accord GPEC 2003. En 2003, elle apportait quelque chose de novateur dans le Groupe avec des garanties pour les filiales. Cela consolidait ce qu’on appelle les carrières miroirs pour les fonctionnaires également. En 2003, il y avait aussi des perspectives de mobilités qu’on pouvait gérer avec les départs en retraite. La GPEC 2006 n’avait pas de choses novatrices et la négociation a été longue car très axée vers les mobilités. Il y a eu une crispation. En même temps, en février 2006, le Président a annoncé les 22 000 suppressions d’emplois. C’était invendable pour nos militants. Sur 30 pages, 18 étaient consacrées à la mobilité. Ça a tué la possibilité d’aboutir à une GPEC 2006 ».

C’est aussi ce qu’a indiqué M. P lors de l’audience du 7 mai : « la négociation a duré 7 mois pendant lesquels mes équipes m’ont rapporté qu’elle se passait bien (…). In fine, ça s’est mal passé, à ma surprise et à la surprise générale et c’est enfin ce VF transparaît du tract de SUD expliquant le refus de signature (D84/2).

Du fait de l’échec des négociations, M. P a informé les délégués syndicaux que la direction envisageait de prendre une décision unilatérale sur

< certains thèmes VF étaient abordés dans cet accord », après avis du CCE. Lors d’une séance extraordinaire des 8 et 9 juin 2006 a lieu une information consultation du CCE sur le projet de décision unilatérale.

Puis, le 12 juin 2006, M. P a signé la décision unilatérale

< DG46 » ayant pour objet la « Gestion prévisionnelle de l’emploi, développement des compétences et mobilité pour FTSA » (D2529 ou D3297/17 à 33), VF reprend la très grande majorité des dispositifs prévus dans le projet d’accord, selon le syndicat CFE CGC (Pièce n°11 de WV Télécom).

Et il est soutenu par les prévenus que les mesures contenues dans cette décision étaient plus favorables que celles VF préexistaient et étaient issues notamment de l’accord-cadre de 2003 (note 40 du WO mai 2000), en matière de visibilité de la politique de l’emploi, de formation, de mobilité interne par exemple.

Certes, cette décision conserve limitation géographique des mobilités au bassin d’emploi des directions régionales pour les agents de niveaux A à D, même si elles vont fusionner pour créer les directions territoriales au périmètre bien supérieur (page 6).

Cependant, d’autres raisons ont été évoquées par les syndicats à l’appui du refus de signature selon FO et SUD, telle que présentée dans le projet d’accord, la GPEC n’était pas un instrument préventif d’accompagnement des salariés au changement, mais un outil purement curatif de gestion de l’emploi, au service de la seule réduction forcée des effectifs. L’accord prévoyait de confier à l’agent dont le poste était supprimé le soin d’entreprendre les démarches nécessaires à son reclassement alors qu’il appartient à l’employeur d’en prendre l’initiative en pareil cas.

Mais comment être volontaire quand le poste est supprimé ? L’agent dont le poste est supprimé est bloqué en situation paradoxale: placé, sur décision hiérarchique, en « mobilité », il est considéré par cette dernière comme volontaire dans sa recherche d’un poste de reclassement en interne. Or, c’est une recherche VF s’avère une véritable gageure en l’absence de postes de reclassement en interne, compte tenu de la suppression des 17 000 postes annoncée, et VF relève d’une absurde contradiction quand la démarche prétendument volontaire est en réalité déclenchée par la suppression du poste. Ces personnes

< en mobilité » forcée se retrouvent alors dans une situation sans issue, et, par conséquent, anxiogène.

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Transférer ainsi le poids d’un reclassement, le plus souvent impossible, sur

l’agent dont le poste est supprimé, génère une inquiétude VF s’accroit avec le temps au vu des situations d’impasse dans lesquelles les collègues ont échoué, et à l’épreuve des échecs ou des refus successifs ainsi que l’ont vécu, et exprimé, par exemple, Mme

CH, M. JM FJ, M. QL G, M. Y-BO VR, Mme KE K divorcée CI, dont les parcours professionnels sont synthétisés dans l’ordonnance de renvoi et VF ont été examinés à l’audience.

En témoigne aussi M. A RF, ami et collègue d’PN AE VF s’est suicidé le 19 mai 2008. Il a expliqué avoir fait équipe durant plusieurs années avec lui et un troisième collègue, sur les systèmes TELIC, mais avoir pris le parti de se réorienter, ayant compris que la technique n’avait plus d’avenir. Il a souligné la passivité d’PN AE, pourtant très compétent dans son métier, mais incapable de se mobiliser pour s’investir dans un projet personnel conforme aux mutations technologiques et à la nouvelle stratégie de son entreprise : « je lui suggérais de demander à changer de poste, mais il me répondait que la démarche ne lui incombait pas, qu’il appartenait à WV Télécom de lui « trouver quelque chose » (D1396/3).

Mais la plus sérieuse critique est celle développée dans le document du syndicat

CFE-CGC déjà cité VF compare le projet d’accord et la décision 46 (Pièce n° 11 de WV Télécom). Il est écrit: […] «L’ensemble du projet est sous-tendu par une mesure fondamentale : toute décision de formation ou de mobilité est soumise à la validation du manager immédiat. Et par deux corollaires :

- il n’existe aucune procédure de contrôle externe des décisions managériales. il n’existe aucune obligation d’engagement dans la durée des décisions managériales et prises de poste. (sauf en ce VF concerne les parcours professionnels»> décidés par l’entreprise). Dans une entreprise

▸VF remplace la fonction RH par des applicatifs et donne au manager immédiat tout pouvoir en matière de gestion du personnel,

•VF pratique la réorganisation permanente et change régulièrement son management et ses objectifs, ces mesures ont pour conséquence d’empêcher la gestion à long terme des évolutions professionnelles. Elles vident de sa substance le discours sur la gestion prévisionnelle des emplois. Elles contredisent celui sur « le projet professionnel », VF se résume de fait au « parcours professionnel », c’est-à-dire à la formation et à la mobilité vers les métiers considérés comme stratégiques ou prioritaires pour

l’entreprise à l’instant de la prise de décision ».

Cet aval du manager immédiat systématiquement requis pour toute formation ou mobilité est source de dérive, notamment en cas de pression sur le manager concerné, risque de dérive aggravé en l’absence de toute instance externe, telle qu’une commission administ ative paritaire dont il est établi qu’elles n’existaient plus au niveau local, mais uniquement au niveau national. Ce pouvoir de la hiérarchie de proximité a été confirmé par M. AP à l’audience : « c’est le manager prenant VF choisissait le candidat » (NA WP/05/2006 page 37).

Et compte tenu de la politique de déflation officiellement décidée et engagée à compter du 14 février 2006, les règles posées par la décision unilatérale DG 46 ont vocation à s’appliquer à plus du quart des effectifs de la société FT SA, comme les magistrats instructeurs l’expliquent avec justesse dans le paragraphe suivant de

l’ordonnance : « Les personnes mises en examen ont souvent critiqué la « confusion

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.. 31 ème

récurrente entre les notions de départs et de suppression de postes » (D4061/15). Ils soutiennent en effet que le nombre de postes supprimés n’étaient que de 16 000 puisque parallèlement 6 000 recrutements étaient annoncés. Il est exact que le strict calcul mathématique porte effectivement le nombre

d’emplois à supprimer à 16 000: 22 000 – 6000. Il n’en demeure pas moins que pour parvenir à ce chiffre, il faut organiser le départ de 22 000 personnes physiques occupant un poste de travail effectif, soit par une mobilité externe, soit par un autre mode de rupture de leur contrat de travail pour les salariés de droit privé.

De surcroît, le recrutement de 6 000 personnes nécessite l’existence de 6 000 postes disponibles. Ces postes sont soit des postes créés, soit des postes modifiés et devenus vacants par le jeu des mobilités internes ou externes des agents et salariés les ayant occupés.

Les 22 000 personnes VF ont quitté l’entreprise en trois ans n’ont donc pas été les seuls employés impactés car leur poste n’a pas été nécessairement supprimé. Il a pu être modifié puis occupé par un des nouveaux recrutés ou par une personne en mobilité interne.

On constate que l’impact de la politique de réduction d’effectifs s’étend bien au delà des 22 000 salariés concernés par un départ de l’entreprise et que l’approche mathématique privilégiée par les dirigeants ne donne qu’une vision tronquée des conséquences du Plan NEXT sur la collectivité des salariés de l’entreprise » (page 108

109 de l’ordonnance).

3-2. Des réorganisations irradiantes au service de l’accélération du plan NEXT

En exécution du principe de « raccourcissement des circuits de décisions et de réduction des degrés hiérarchiques » énoncé dans NEXT, une succession de réorganisations s’est déroulée.

3-2-1. Les attributions de certains prévenus à l’issue de la réorganisation du comité de direction

Ainsi, le 30 janvier 2006 (D3324/14), WV Télécom diffuse un communiqué de presse annonçant que M. AN « fait évoluer l’organisation de son équipe de direction pour la focaliser sur la transformation du Groupe et sur sa performance opérationnelle, afin d’accélérer la mise en oeuvre du plan NEXT ». Il resserre son équipe de direction à neuf membres.

Il est précisé que M. AO continue de mener la transformation du Groupe, mais qu’il va aussi piloter, assisté de Mme AK, l’ensemble des activités opérationnelles du Groupe en WV : c’est la division dite OPF (Opérations WV), celle dont les effectifs sont les plus élevés, plus de 80 000 (D2126/8 – organigramme

D1534/32).

Quant à M. CJ AP, il est responsable des ressourc es humaines du Groupe.
M. AN a expliqué, concernant la gestion opérationnelle du Groupe, qu’il présidait chaque lundi matin le comité de direction (CODIR) du Groupe VF durait deux heures. Son rôle alors était principalement de veiller à la coordination de la gestion du Groupe par les directeurs généraux ; il intervenait uniquement si le sujet ne pouvait être traité directement par la direction concernée car il impliquait un arbitrage entre deux directions ou une intervention auprès d’une institution ou d’une entité étrangère.

Aucun compte rendu officiel des comités de direction n’a été établi durant cette période, ou du moins retrouvé ou produit.
M. AN a affirmé qu’il n’y avait pas eu de suivi régulier du nombre de départs en comité de direction. Un HT par semestre était fait pour actualiser la

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composition des effectifs et évoquer les secteurs où il était nécessaire de recruter. Sur ce sujet, c’est uniquement si les directions ne s’étaient pas mises d’accord, chacune souhaitant recruter un grand nombre de personnes, que le comité de direction intervenait pour arbitrage en se référant alors au dossier par le Comité de redéploiement. Il a été précisé à l’audience que cette instance était un comité consultatif créé en

2003 et présidé par le SG Groupe VF réfléchissait sur les compétences à attirer dans le Groupe, VF vérifiait les dossiers présentés au CCUES et les recrutements (NA

24/05/2019, pages 41, 42 et 44.)

Dans la mesure où M. AP est renvoyé devant le tribunal en qualité de

SG du Groupe, il importe de cerner l’étendue de ses attributions au cours de la période de prévention, et telles qu’issue de cette réorganisation, Entre le 23 février 2006 et le 30 juin 2010, M. AP a supervisé

l’ensemble des directions de la SG Groupe. Cette fonction support au niveau central avait pour objet de définir et de veiller à la cohérence des politiques de ressources humaines du Groupe, Elle était ainsi au service des SG des Directions Métiers et des

Divisions dirigées par les autres membres du comité de direction.

La délégation de pouvoir du WO juillet 2006 de EY AN à CJ

AP en sa qualité de Directeur Exécutif en charge des Ressources Humaines, acceptée par ce dernier le 24 juillet 2006, précise ainsi : « Le Délégataire [CJ

AP] a la responsabilité de définir les orientations de la politique ressources humaines du Groupe tant en WV qu’à l’étranger, et de les diffuser auprès des autres directions et entités du Groupe » (pièce communiquée par M. AN).

La délégation confère donc au SG Groupe la charge de définir notamment les politiques de rémunération, de formation, d’hygiène, de sécurité et de gestion de carrière des cadres. Il doit également « favoriser la coordination des mesures et modalités de mobilité, mutation, déploiement et reclassement entre les différentes directions et établissements de WV Télécom » ou encore « développer les échanges avec les organisations syndicales comme avec leur fédération et doit, dans ce cadre, notamment, assurer les négociations avec les organisations syndicales et conclure les conventions et accords collectifs de WV Télécom » et « mettre en place et […] assurer le fonctionnement des instances nationales représentatives des personnels de

WV Télécom, au niveau national '>.
M. AP a précisé que gestion des salariés de droit privé relevait directement de chaque Division ou Direction Métier et que la gestion des fonctionnaires et contractuels de droit X relevait de la SG WV VF la subdéléguait aux SG des Divisions et Directions Métier, sans passer par la SG

Groupe. Par ailleurs, tous les Directeurs Exécutifs avaient « pour rôle de coordonner avec les autres Délégataires les mesures et modalités de mobilité, mutation, déploiement, reclassement entre les différentes directions et établissements de WV

Télécom » (Délégation de pouvoir aux Directeurs exécutifs pages 12 à 15). La gestion des salariés de droit privé était donc du ressort de chaque Directeur Exécutif et non du

SG Groupe.

S’agissant des fonctionnaires et contractuels de droit X, EY AN déléguait à IG-JB P, en sa qualité de SG WV, le pouvoir de gestion de ces personnels et ce dernier subdéléguait le WO juillet 2006 cette gestion à son N-1 Y-DQ XI notamment pour les fonctionnaires de la

Division Opérations WV (ci-après « OPF ») et aux SG des autres Divisions et

Directions Métiers pour les fonctionnaires de leurs périmètres respectifs. CJ

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31 ème Ch.

AP, HQ RG et HV RH se voyaient subdéléguer les actes de gestion relatifs aux cadres dirigeants.

En pratique, M. AP explique, dans ses écritures, que l’activité de la SG Groupe était de définir les politiques du Groupe dans sept domaines :

- gestion de l’emploi et le développement des compétences;

- développement des Cadres Dirigeants ;

- conduite du changement et communication interne; relations Sociales;

-

- politique de rémunération ; mobilités internationales, et enfin gouvernance RH. Et, sur les deux organigrammes de la SG Groupe figurant au dossier, Mme

M est placée à la tête de la « Direction du développement personnel et ACT '> dans celui du 1er octobre 2007 (D3329/22), et à la tête de la « Direction du développement et de la performance des ressources humaines » dans celui du 1* décembre 2008 (D3329/51).

Était rattachée à M. AP la Direction des Relations Sociales successivement confiée à M. Y-FO CL de septembre 2005 à mars 2008 puis à M. AF HH. Celui-ci en a expliqué le rôle à l’audience du 7 juin

2019 « La direction des relations sociales groupe recouvre trois principaux secteurs d’activité :

(1) les relations avec les organisations syndicales;

(2) l’organisation et le BU fonctionnement des instances de représentation du personnel (IRP); (3) et enfin le Service de Santé et de Sécurité au Travail.

Ces trois pôles représentaient globalement une petite vingtaine de personnes sachant qu’il existait des Directions des Ressources Humaines, des Directions des Relations Sociales et bien sûr des Services de Santé au Travail dans chacune des filiales, au sein des grandes directions ainsi que dans chacune des Directions Territoriales.

A l’image de la Direction des Ressources Humaines Groupe, la Direction des relations sociales est une direction fonctionnelle VF n’a pas d’autorité hiérarchique sur nos correspondants »>.

Il ressort néanmoins de cette présentation, conforme au communiqué du Groupe du 29 juillet 2009 (D3029/2), que l’animation et la professionnalisation des acteurs des services de santé au travail et de prévention (médecins du travail, assistants sociaux, préventeurs, …) relevaient des attributions de cette direction.

Comme l’a expliqué M. AP aux magistrats instructeurs : « Pendant la mise en œuvre du plan, au titre de ses fonctions de Directeur des Relations Sociales, il était en contact permanent avec les représentants du personnel, les délégués syndicaux et avec ma délégation présidait un certain nombre d’instances » (D2295/2).

Et au cours de l’audience du 18 juin 2019, Mme RI RJ, médecin coordinateur, a précisé qu’elle adressait ses rapports à la Direction des Relations

Sociales, à savoir M. Y-FO CL, puis M. AF HH.

Mérite également d’être examiné le poste de Directeur des ressources humaines

WV, tenu par M. P de septembre 2005 au 31 mars 2008, date de son départ à la retraite. Comme il l’a développé à l’audience, il était le supérieur hiérarchique des différents services des ressources humaines WV (formation,

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services partagés, relations sociales, etc). En revanche, il n’était pas le supérieur hiérarchique :

- des responsables des ressources humaines des autres divisions (Réseaux et des systèmes d’information (SH), Service de communication de l’entreprise (SCE),…) avec lesquels il avait uniquement un lien fonctionnel ; des responsables des ressources humaines des différentes Directions d’Opérations

WV (OPF).

M. CHEROUVRIER était sous la responsabilité hiérarchique de

M. BARBEROT et fonctionnelle de M. WENES. C’est ce qu’a rappelé M. P lors de son audition (D3671/1), en interrogatoire de première comparution (D3687/4) et à l’audience (NA 17/05/2019).

3-2-2. Le projet Réorganisation des Activités WV (RAF)

Il importe d’examiner maintenant une réorganisation décidée en application des principes posés par le plan NEXT, celle de la Direction Opérations WV (ci-après

OPF) à la tête de laquelle se trouvait M. AO: cette réorganisation comporte, notamment, la fusion des 30 directions régionales en onze directions territoriales (ci après DT), fusion conçue dans le cadre du projet Réorganisation des Activités France

(ou RAF- D2783). C’est pour mener à bien ce projet que Mme CK

AK a été recrutée par M. AO courant février 2006.

Cette réorganisation est d’autant plus intéressante à examiner qu’elle offre l’opportunité de comprendre, d’une part, quelles étaient les attributions d’un directeur territorial, poste auquel M. BY AS a été nommé en juillet 2006 à la tête de la DT Est, d’autre part, la chaîne hiérarchique d’OPF dans le cadre d’une organisation matricielle.

Mais surtout, M. AO, lors de l’instruction comme à l’audience, a toujours affirmé qu’il n’existait aucun lien entre cette réorganisation et les 22 000 départs. Selon lui, cette réorganisation avait uniquement des objectifs d’amélioration opérationnelle et ne concer que peu d’effectifs, à savoir 1 200 personnes à « re-déployer » sur les

80 000 qu’OPF comptait à l’époque (3-2-2-1).

Cependant, les représentants des personnels, peu convaincus par les arguments exposés par M. AO et par leur absence alléguée de lien avec la déflation des effectifs ont demandé au CCE une expertise (3-2-2-2). Cette dernière a le mérite de poser et révéler des points de vigilance sur les choix et méthodes à l’œuvre (3-2-2-3).

3-2-2-1. Les teneur et portée du projet RAF

Ainsi que l’a expliqué à l’audience Mme AK, chef du projet

< Réorganisation des Activités WV » à compter de février 2006, ce projet de réorganisation à conduire en une durée de six mois avait un triple objectif :

- regrouper les directions régionales en 11 directions territoriales;

- séparer l’administration centrale au niveau du Groupe et la gestion des fonctions opérationnelles propres à la WV;

- regrouper les unités de déploiement des réseaux avec les unités d’intervention clients sur le territoire d’une même direction régionale.

Elle a rappelé le contexte, à savoir mettre en cohérence le périmètre des directions avec celui des unités opérationnelles VF avaient fait l’objet d’un regroupement dans le cadre d’une précédente réorganisation en 2004/2005 dénommée

< Évolution Relation Client » (ERC): «Ainsi nous étions passés de 30 Agences

Entreprises à 11. De même, les Agences Distributions VF regroupaient les boutiques avaient été réduites de 30 à 11. Le but était le même pour les plateaux d’appels VF devaient être regroupés en 11 Agences Vente et Service Client (AVSC). Dans ces

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. 3 C e 31 èm

conditions se posait la question du sens à conserver 30 Directions Régionales VF avaient des périmètres de responsabilités différents, avec chacun des Comités d’entreprise et donc des salariés VF pouvaient dépendre d’un Comité d’entreprise d’une DR mais travaillant dans une unité opérationnelle rattachée à une autre DR » (D3676/4).

Il convient de préciser que certaines unités, bien que présentes sur le territoire de la direction territoriale après la fusion des DR, rappelée ci-dessous, n’ont pas été concernées par cette RAF. Il s’agit des unités de la filiale ORANGE SA (CCO

Orange), des unités ou filiales de la division SCE (Service Communication Entreprise) devenue OBS (Orange Business Services), les Unités de Production Réseaux rattachées à la direction Technique WV ou les USEI (Unités de supervision et

d’exploitations informatiques), les Unités Comptables VF ne dépendaient pas de la Direction Territoriale. Ces unités étaient ainsi placées sous le pilotage et la hiérarchie directe soit des Divisions OBS, SH, IMT, Direction Financière Groupe (unité comptable) soit, pour les USEI et UPR, sous le pilotage direct de Directions Métiers d’OPF sans lien hiérarchique avec le DT.

Au cours de l’instruction, M. AP a présenté de façon UR la structure pyramidale d’OPF telle qu’issue de la fusion : « les salariés sont répartis en unités VF comptent entre 250 et 800 personnes. Il y a entre 3 et 5 types d’unités :

- Unité intervention clients composée des techniciens appelés à aller chez les clients pour des réparations.

Unité intervention réseau composée de techniciens appelés à réparer le réseau. L

Unité relation clients constituée de plusieurs centres d’appels chargés de répondre

-

aux clients par téléphone. agence distribution correspondant au regroupement de boutiques.

- Unité

Une direction territoriale VF est une maille du territoire est constituée de 3 à 5 unités ayant des métiers différents. Le patron d’une unité territoriale a pour patron le directeur territorial, c’est là que s’exerce la relation hiérarchique. En plus de ces directions territoriales, il y a des directions métiers VF définissent les méthodes de travail des unités correspondant aux métiers dont elles ont la charge. Par exemple le chef d’une unité boutique en Ile de WV a comme patron hiérarchique le directeur territorial Ile de WV et va avoir une relation fonctionnelle avec le directeur métier du métier boutique » (D2217/7).
M. AO a décrit, de façon descendante cette fois, la structuration de ses unités comme suit : « C’est une organisation matricielle avec d’une part une ligne hiérarchique VF dans la très grande majorité des cas était la suivante :

- sous moi, un responsable des directions territoriales

- en dessous, II directeurs territoriaux des unités opérationnelles rattachées à ces II directions territoriales, une unité opérationnelle étant un métier sur la zone géographique représentée par la direction territoriale.

D’autre part, il y avait dans l’autre sens des métiers VF vont proposer, mettre au HT des méthodes de travail, examiner les performances des différentes unités et définir les politiques. » (D2218/6). « WV TÉLÉCOM a une organisation à la fois hiérarchique et fonctionnelle, ce sont les métiers au sens large du terme VF donnent les orientations et les directives de travail aux collaborateurs VF sont dans les métiers et décident du niveau de ressources correspondant.

Si je prends par exemple les achats, dont j’étais responsable pour le groupe, il y avait des acheteurs dans toutes les entités VF ne m’étaient pas forcément rattachés hiérarchiquement mais c’était mes équipiers et moi VF décidions des politiques, des

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ressources et des moyens nécessaires à leur mise en œuvre » (3160/14).

3-2-2-2. Des liens contestés entre le projet RAF et la déflation des effectifs

Le projet de réorganisation des activités WV (RAF) a été présenté par M. AO aux comités centraux d’entreprise des 15 février, 29 et 30 mars puis des 24 et 25 avril 2006 (D2785 et D2786).

Compte tenu de la concomitance, en février 2006, des annonces relatives à la déflation des effectifs et à la ré-organisation de la Direction Opérations WV (OPF), il ressort des procès-verbaux des réunions du CCE des 29 mars 2006 (D2786) et 24 avril 2006 (D2785) que les élus ont exigé des informations précises sur l’impact des restructurations en termes de réductions d’effectifs, de localisations, de modifications des organigrammes, etc.

Car, le 29 mars 2006, en présence notamment de messieurs AP et

AO et de Mme AK (D2876/2), M. P a indiqué :

« dans le dossier, vous avez des chiffres en particulier sur les conséquences sur les état-majors des DR. Sur une population de 1 700, il y a 700 personnes à redéployer » (D2786/38).

En outre, la volonté constante de la Direction a été d’affirmer l’absence de lien entre le sujet des 22 000 départs et le projet de réorganisation des activités WV.

Ainsi, le 29 mars 2006, M. AO a déclaré : « dans de nombreuses interventions, vous nous interrogiez sur l’organisation. Moi, j’ai commencé ma présentation sur les raisons des changements des modes de fonctionnement. Il est important d’être d’accord sur les modes de fonctionnement pour en déduire l’organisation et non le contraire » (D2786/35).

Un mois plus tard, le 24 avril 2006, M. AO a affirmé : «Je ne crois pas que le personnel serve de variable d’ajustement » (D2785/17). « Beaucoup de problèmes trouvent leur solution au niveau du terrain. Les gens du terrain savent comment les régler. Ils doivent donc avoir de l’autonomie pour le faire, mais les choses doivent être coordon ées » (D2785/27).

Il a aussi déclaré : « Il n’y a pas d’impacts (RH) de l’organisation, puisqu’il n’y a pas de suppression de structure. Nous en revenons à la question VF n’est pas de ce dossier VF est la question des 22 000 suppressions d’emplois. Il n’y a pas de suppression de structure ou de poste dans la réorganisation. Je n’ai ni de preuve, ni de faits VF l’attestent. Aujourd’hui, je ne sais pas vous dire, car je n’ai pas encore regardé le dossier. Je ne veux pas vous cacher les choses. Je vous les dirai quand je saurai » (D2785/38- cf aussi D2785-30).

«S’agissant de la concomitance des 22 000 suppressions d’emploi et du projet de réorganisation WV, je vous rappelle que ce sont deux choses VF arrivent au même moment, mais VF partent de deux logiques différentes : celle de la réorganisation WV dans laquelle il faut que nous nous mettions dans les conditions les plus favorables possibles et le plus vite possible et celle des 22 000 VF était d’améliorer

l’efficacité en provoquant des départs naturels. Ce chiffre n’est pas réaliste; il correspond à un besoin de fond de l’entreprise par rapport à l’effet de ciseaux dans lequel nous sommes. Ce n’est pas un débat que nous voulons éviter, mais ce n’est pas ce projet-là dont il s’agit. Vous avez une demande dont je comprends bien la préoccupation qu’elle représente pour vous et le personnel, mais la réponse n’est pas dans ce projet. Il s’agit de la stratégie de métiers » (D2785/44).

Néanmoins, à l’issue de ce CCE du 24 avril 2006, la direction a accepté la désignation d’un expert, le cabinet TW-TX, demandé par les élus du personnel pour les assister dans l’examen du projet de réorganisation des activités

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WV, son impact sur les ressources humaines, sur l’analyse des justifications du projet de réorganisation aussi bien du HT de vue stratégique que du HT de vue économique » (D2785/72).

3-2-2-3. Les enseignements livrés sur le projet RAF par l’expertise TW-TX Dans le bureau de Mme AK a été découvert en perquisition un document intitulé «< Séance extraordinaire CCE FTSA 27 et 28 juin 2006 ». Il comporte les logos des entreprises ORANGE et WV TÉLÉCOM, ainsi que la

-

mention INTERNE GROUPE. Ce scellé M-8 de 140 pages a été partiellement exploité par les enquêteurs (D3325/23 et 24) et a été examiné à l’audience.

Sa première partie, de 120 pages, est le rapport présenté au CCE le 27 juin 2006 par le cabinet TW-TX. En effet, il est rappelé au feuillet 1: < Consulté sur un important projet de réorganisation des activités WV, le CCE de WV Télécom

a désigné le 24 avril le cabinet d’audit TW TX pour l’assister dans ce projet.

La direction de l’entreprise a accepté cette demande d’expertise…. Le cahier des charges porte sur l’analyse des justifications du projet de réorganisation aussi bien du HT de vue stratégique que du HT de vue économique ; sur l’impact économique et financier du projet de réorganisation ; l’analyse de l’articulation Groupe / Services partagés / Pays; l’analyse de l’organisation cible en WV (en particulier les créations de directions territoriales le fonctionnement régulier du regroupement des services techniques dans des unités d’intervention et des unités de pilotage réseau) enfin sur l’impact du projet sur les ressources humaines et l’analyse des modalités

d’accompagnement ».

Au feuillet 7, sur « Les ambitions de NEXT », au niveau des réduction des coûts, il est mentionné :

< Gagner 2Md€ cumulés en trois ans sur les fonctions supports et achat

Suppression des DR

Partie administrative du rapprochement UIC/URR »

Et au feuillet WO, il est précisé que ce rapprochement des UIC et URR (dans le projet

ITN) entraînera un gain de 44 M€ dont 30 M€ découlant de la réduction des coûts fournisseurs et 14 M€ de la suppression de 340 postes.

La suite des feuillets est consacrée à la réorganisation des activités WV. Au feuillet 15, il est notamment indiqué sous la rubrique « Résumé des gains et leviers », que l’objectif de 1 200 suppressions de postes entraînerait un gain moyen de 50 M€.

Au feuillet 51, il est mentionné que « l’évolution majeure est liée au regroupement et à l’évolution du dimensionnement des entités ce VF entraîne des taux de suppression d’emplois variant en fonction des directions territoriales de – 41 % (DT

Réunion) à – 83 % (DT Ile de WV).

Et selon l’estimation faite, sur l’effectif total des états majors de DR, soit 1 706 postes, 921 sont impactés et, sur ces 921 postes, 628 sont supprimés, soit 68 %.

Au feuillet 53, le cabinet relève : « ces évolutions ont également une incidence sur les métiers exercés et sur la compétence requise pour les collaborateurs VF resteront affectés aux États majors des futures DT '>.

Et il poursuit au feuillet 55: «au delà des adaptations à des métiers dont les contenus et/ou modalités d’exercice changent, la question centrale de cette réorganisation est celle du reclassement de plus des 2/3 des collaborateurs actuels '>. Car plus de 80% des postes supprimés sont occupés par des cadres ou cadres supérieurs. Si, selon le cabinet TW-TX, ce personnel présente une certaine mobilité, le cabinet attire l’XW sur les critères de sélection auxquels il

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conviendrait de réfléchir pour assurer des arbitrages à venir vu le risque d’un nombre de candidats à des postes en DT bien supérieur à celui des postes eux-mêmes.

Au feuillet 87, à la rubrique « Corrélation avec les objectifs généraux de FT en matière d’évolution des effectifs », il est indiqué :

* < Mi- février 2006, WV Télécom rend X son objectif de diminuer ses effectifs en WV de 16 000 personnes (22 000 départs, 6 000 recrutements) sur la période

2006-2008.

• 1 200 postes sont supprimés par le projet présenté de réorganisation des activités WV.

Une partie des titulaires de ces postes quitteront l’entreprise soit par mesure

d’âge (retraite, CFC), soit par départ volontaire ( mobilité vers la fonction publique, essaimage, projet personnel accompagné). La proportion de

< partants » est par définition indéterminée sauf pour les départs en retraite.

Inversement, une partie des titulaires devront être redéployés au sein de l’entreprise. Elle cst par définition également indéterminée.

On peut seulement rappeler ici approximativement et de manière simplifiée les prévisions de la direction en matière de répartition des départs pour les 22 000 personnes évoquées plus haut : Sur 3 ans, CFC (22%), retraite et préretraite à temps partiel (30%), mobilité fonction publique (20,5%) PPA / essaimage et divers (27,5%). En 2006, CFC (45%), retraite et préretraite à temps partiel (20 %), mobilité fonction publique (15 %), , PPA/ essaimage et divers (20%) ».

Enfin, après avoir QW le processus de redéploiement, le cabinet fait état des

< points de vigilance » suivants (feuillet 98 à 100):

< la suffisance des heures de formation pour les parcours de professionnalisation, puisque 1 200 personnes dont le métier est en décroissance au sein du Groupe, vont devoir trouver une solution de redéploiement ; les salariés les plus « exposés » : les plus bas niveaux de qualification, parmi les fonctionnaires, et les plus hauts niveaux d’expertise parmi les salariés, avec la prise en compte de leur capacités et souhaits d’orientation dans le cadre des mobilités (internes/externes); la gestion des âges, et notamment la « question des 55 ans et plus »> : «< un risque important de dégradation de leurs conditions de travail dans le cadre des redéploiements, une difficulté plus grande d’adaptation (reconversion mobilité) »>.

Au-delà de la suppression des 1 200 postes, principalement de cadres, dans des proportions variables selon les directions régionales, les points de vigilance évoqués par le cabinet TW-TX préfigurent les difficultés auxquelles vont être confrontés les services directement concernés par le projet RAF, mais aussi annoncent celles que vont vivre, à beaucoup plus grande échelle, les unités opérationnelles lors des réorganisations et restructurations qu’elles vont connaître de 2006 à 2008.

Ce projet RAF apparaît comme le « laboratoire » d’une expérience VF va se reproduire à chaque réorganisation de service des unités locales : suppression de postes, redéploiement fonctionnel et/ou géographique, difficulté de retrouver un poste pour certains en raison de leur âge, de leur faible qualification ou au contraire de leur expertise pointue mais devenue obsolète.

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L’impulsion centrale va secouer toute la chaine hiérarchique subséquente, comme en témoignent les questionnements ou inquiétudes VF percent dans les écrits suivants.

Ainsi, dans un courriel en date du 8 juin 2006 VN à Mme AK et M. AV RK de la SG GROUPE, M. Y-HK XJ de la

Direction régionale de Martinique s’interroge sur l’ampleur de la réorganisation : « Nous avons, dans les questions posées par le CE, une VF nous semble particulièrement sensible et VF à notre avis demande une réponse particulièrement argumentée tant sur le plan juridique que politique. Cette question porte sur un PSE. il faut savoir que c’est un terme (et un thème) VF revient maintenant très souvent. Ce déploiement concernant au moins 85 personnes ne s’apparente t-il pas à un P.S.E (Plan de Sauvegarde de l’Emploi) ? » (D965/8).

A ce questionnement semble répondre un mois plus tard, le 5 juillet 2006, un courriel VF fournit le discours à tenir et donne la marche à suivre (scellé F2 feuillet

45). Il émane de M. CL, Directeur des relations sociales de septembre 2005 à mars 2008 (RH/RSG), VF s’VN à des cadres du top management, M. P étant en copie, et dont l’objet est « RAF: traitement de demande de réunion CHSCT ». Il y est indiqué : « A l’occasion de votre prochaine réunion de CE sur la réorganisation des activités WV, vous allez peut-être être saisis d’une demande de réunion exceptionnelle du CHSCT, et pourquoi pas d’une demande d’expertise HSCT. Voici ce que nous vous recommandons de faire :

Argumentaire

Ce projet, VF se caractérise essentiellement par des changements de rattachements hiérarchiques, n’implique pas de modification des conditions de travail, d’hygiène et de sécurité au sens de es articles L. 236-9 et DM236-2 du Code du travail.

L’article L. 236-2, alinéa 7 du code du travail dispose en effet : « Le comité est consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liée ou non à la rémunération du travail » (…)"

Certes, des postes sont supprimés, et des mobilités seront nécessaires ; mais il ne s’agit pas de mobilité collective d’un type d’emploi X vers un type d’emploi Y, où un

CHSCT pourrait être compétent sur les futures conditions de travail. Il s’agira d’une addition de mobilités individuelles, vers des emplois aussi divers que l’expérience et les compétences des personnes; nous considérons donc que le CHSCT n’est pas compétent pour des changements de métiers individuels.

En ce VF concerne les URR-UIC, le document du CCE du 7/6 précise, page

130: « ce projet n’implique pas d’évolution de métier pour les personnels des URR et UIC. Si une évolution des métiers devait ensuite intervenir, ce serait un autre projet, VF serait traité en tant que tel au niveau de la consultation des instances concernées. »> Le CHSCT n’a donc pas de légitimité non plus sur ce sujet. (…)

Si nous considérons que le CHSCT n’est pas compétent, a fortiori il n’est pas fondé à demander une expertise.

Si un CHSCT décide de diligenter une expertise, il faudra saisir le juge

(Tribunal de grande instance en la forme des référés) pour demander l’annulation de la résolution; refuser de notre propre initiative la mise en oeuvre d’une expertise pourrait se conclure par un rendez-vous devant le tribunal correctionnel.

Naturellement, l’idéal est d’arriver à les convaincre, car sinon nous allons vers une

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guérilla juridique. »

< Addition de mobilités individuelles » et non une mobilité collective VF nécessiterait l’avis du CHSCT. Simple « fusion d’unités » et non une évolution du métier VF elle-aussi nécessiterait un avis du CHSCT. Le discours est clair sur la façon dont le projet RAF doit être compris par les services des directions territoriales ou RH, destinataires de ces « recommandations ».

Les courriels successifs de Mme R-JR XK de la direction juridique du Groupe des WP et 21 septembre 2006 (D3693/2 et D3693/1) sont également révélateurs des difficultés que rencontrent les services RH des DT pour faire diminuer les effectifs des agents soumis au droit privé et ceux des fonctionnaires (AFO) : « j’ai participé à la réunion des SG de DT hier. Ils ont pris, me semble-t-il, conscience du risque VF existe à vouloir tenter de passer sous les radars en se refusant à des licenciements éco (niveau de risque n°1 requalification des « faux licenciements » en licenciement sans cause réelle et sérieuse/ niveau de risque n°2: annulation des licenciements et condamnation à mettre en place un PSE …). Néanmoins, compte tenu du mot d’ordre de O-HK AO de ne pas procéder à des licenciements éco, tout le monde s’accorde pour dire que les marges de manoeuvres sont assez limitées et que nous n’avons pour le moment pas d’autre choix que de tenter des licenciements pour motif perso + transactions en croisant les doigts… Concernant la problématique des AFO et des mutations d’office la ligne de conduite avait été arrêtée il y a quelques mois par HK RL. Selon lui, il convenait de distinguer les cas « à problème » des autres. L’objectif étant d’éviter d’engorger la

CAP nationale… Il s’agit donc d’une appréciation au cas par cas pour savoir si la CAP doit être consultée… Il nous appartient néanmoins de rappeler aux opérationnels le risque VF existe à ne pas la consulter lorsque les critères sont réunis (annulation de la mutation '=> perte de temps pour tout le monde et procédure contentieuse inutile) »>.

Un autre exemple peut être trouvé dans les courriels de M. CM

RIMBAULT, directeur financier de la direction transversale SH (Réseaux, Opérateurs et Systèmes d’information), VF annonce, en septembre et octobre 2006

(D3037/1, D3037/2), que la division ne parviendra pas à atteindre la diminution des effectifs prévue pour fin 2006, notamment en raison des effectifs en provenance des DT qu’elle doit accueillir et VF exprime son agacement d’être dans une situation

d’impasse, d’autant qu’il existe déjà en interne près de 1 400 agents dont le poste a été supprimé (les < CDI sans chaise ») et VF doivent être redéployés.

En effet, dans un courriel du 31 octobre 2006, il répond ainsi à CN

DARRIET RH/MCE (IG JB P en copie) : « il ne faut pas oublier que nous avions convergé vers votre vision sur le new budget en faisant un lug de -300 sur le mois de décembre pour des départs de logisticiens que nous savions quasi impossibles à réaliser.

- Nous sommes à 30 676 à fin septembre La PFA [ prévision de fin d’année] donne 30 059 sur fin décembre soit un delta de

-617 CDI sur 3 mois alors que nous subissons des entrées venant des DT

- Avec les chiffres à fin octobre nous saurons en fin de semaine combien il reste à réaliser sur novembre et décembre. mais mon pronostic personnel est que nous ferons moins bien que la PFA (900 de plus que le new budget) S’agissant de 2007, je pense personnellement qu’il y a un SB manque d’ambition

- Il doit être possible de baisser les recrutements externes de 70 pour entrer dans votre cible

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- Augmenter les départs FP de 80 pour entrer dans votre cible

- Être plus volontariste sur les PPA de 100

- Au total on améliore de 250 par rapport au 1662 positionnés dans magnitude en transferts sortant vers personne. Il reste plus de 1 400 CDI sans chaise à DIDR ce VF est aussi le résultat d’une réunion entre JP COTTET et IG JB

Pour moi le vrai pb est de savoir comment on sort 1 500 fonctionnaires de plus de

50 ans de DIDR ? Ce n’est pas un pb managérial local, mais un véritable plan d’Entreprise qu’il faut mettre en place sur ce sujet et nous ne saurons jamais faire sans votre aide » (D3026/3).

En tout état de cause, et quels que soient ces inquiétudes et constats, la fusion des 30 directions régionales en onze directions territoriales a été effective à compter de juillet 2006. Elle est officialisée par la décision FT/Dir WV/LPW n°1 prise par
M. AO, le WO juillet 2006 (D3329/72).

III- Le second tournant du 20 octobre 2006, la convention de l’ACSED ou le recours à la valeur performative des discours : «l’ensauvagement des mots » Lors d’une conférence devant l’Association des Cadres Supérieurs et Dirigeants de WV Télécom (ACSED), le 20 octobre 2006, à la Maison de la Chimie à Paris, après que M. AN a ouvert les débats, se tiennent deux tables rondes au cours desquelles sont intervenus, notamment, messieurs AO et AP ainsi que
Mme AK. La première table ronde a pour sujet l’évolution des secteurs des télécoms et la seconde la transformation de l’entreprise.

1- Les re-contextualisations faites par les prévenus

Les investigations ont permis d’établir que les propos réellement tenus par les intervenants avaient fait l’objet, à leur insu, d’un enregistrement audio par la secrétaire de la convention, Mme CO, VF en a ensuite établi, de sa propre initiative, un compte rendu diffusé sur le site de l’ACSED avec des mots édulcorés (D72, D73 et

D74/D2464).

Les deux versions des interventions ont été évoquées à l’audience à l’occasion du témoignage de Mme CO reçu le 17 mai.

Au-delà de cette péripétie, les prévenus soutiennent que l’accusation a fait une lecture erronée et partiale des propos qu’ils ont tenus.

Ainsi, M. AN conteste avoir revendiqué une implication, non seulement dans la fixation des objectifs de déflation des effectifs mais aussi dans la mise en place des organes de contrôle et des méthodes de gestion VF se traduiraient sur le terrain par des comportements managériaux ayant pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail. S’il admet avoir évoqué la mise en place d’une politique de management plus réactive, il réfute les conclusions des magistrats instructeurs en ce que cette réactivité impliquait une remontée de toutes les décisions et les informations au Président du groupe. Et dans ses écritures, il soutient que la gestion des agents de la Maison et la mise en oeuvre opérationnelle de NExT et d’ACT ont, de façon incontestable, été délégués » par lui (page 55).

Pour M. AO, ces propos visaient avant tout à répondre aux inquiétudes des cadres supérieurs concernés par le projet RAF et à accélérer la montée en puissance de

l’Espace Développement, outil de reclassement des salariés du Groupe.

C’est également ce qu’a indiqué M. AP, lequel a souligné que l’objectif de ces interventions était de permettre aux dirigeants de s’exprimer de manière

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informelle, libre et avec un discours quelquefois simplificateur VF était habituel dans ce genre de rencontres ; que « les conventions de l’ACSED ne sont donc pas comparables aux conférences officielles de cadres supérieurs, comme les Entrepreneurs’ meetings par exemple, au cours desquelles les membres du Comité de

Direction Générale transmettaient leurs consignes et directives aux cadres du Groupe » (p. 43 des conclusions). Et il relève que le message qu’il a communiqué lors de cette convention ne contredit pas l’esprit et la lettre du programme ACT VF a été présenté, comme en attestent les phrases suivantes qu’il cite dans ses écritures :

- Sur les espaces développement : « c’est le rôle des espaces développement de faire cet accompagnement VF est d’autant d’ordre psychologique que financier » ;

-- Sur les plus de 50 ans, « un des travers du CFC était de stigmatiser les plus de 55 ans et de déclencher un réflexe de refus des plus de 55 ans. Ça va être fini parce que dans l’accompagnement des fins de carrières, il y a un volet VF réaffirme de façon solennelle et avec des dispositifs pratiques la place des seniors dans l’entreprise et VF réaffirme l’impératif de non-discrimination des seniors);

Sur la méthode : «La fonction RH va avoir un rôle clé pour faire cet accompagnement. Je conçois tout à fait qu’un certain nombre de managers ne sont pas préparés à ça. On fera des formations. La fonction RH devra être beaucoup plus proactive »>.

2- Les messages explicites: accélération et urgence

Pour chacun des dirigeants intervenus à l’ACSED seront ici reprises les phrases les plus lourdes de sens et tirées de la version réellement prononcée, les mots en gras étant ceux que Mme CO a adoucis dans le compte-rendu.

C’est en réponse à la question de « l’équation de l’emploi », que M. AN

a prononcé les phrases suivantes :

- « J’ai toujours dit que je voulais emmener tout le monde au 22.000 près. Le HT positif, c’est que pour les salariés VF arriveront à suivre la transformation on a la chance d’avoir des personnes formées, fidèles, bien dans l’entreprise et VF savent faire fonctionner la machine » ; « Nous avons décidé de mettre des procédures pour alléger les effectifs : CFC (et dispositif VF va suivre), les mobilités vers la FP et les projets personnels accompagnés. Mais cela ne marche pas assez bien sauf pour les CFC. Pourquoi ? Managérialement, on n’a pas la culture de suggérer à nos collaborateurs VF seraient mieux dans la FP. La maison est une mère poule VF récupère les gens y compris en créant des emplois artificiels là où il n’y en a pas besoin. On supprime des fonctions support, une semaine après toutes les personnes concernées sont toutes recasées! On leur a créé des postes » ;

- « Souvent ils ne veulent pas aller face aux clients mais la maison ne survivra pas si les fonctionnels ne veulent pas aller face aux clients. C’est une transformation profonde. Si on n’arrive pas à faire ça on n’échappera pas au plan social. Pour le moment je n’en veux pas. Mais si on n’y arrive pas je serai forcé d’y aller » ;

.« Sur le reste, il faut qu’on sorte de la position mère poule. O. AP va vous parler de ce que l’on a en tête. Ce sera un peu plus dirigiste que par le passé. C’est notre seule chance de faire les 22.000 pour pouvoir recruter les 6.000 car on a un problème sur les nouvelles technologies. Il faut un peu de souplesse sur les recrutements » ;

Et il dit en conclusion: « Il faut bien se dire qu’on ne peut plus protéger tout le monde. Il faut se poser la question de quelle va être notre carrière ? En 2007, je ferai les départs d’une façon ou d’une autre par la fenêtre ou par la porte » (D2464/8).

A l’audience, M. AN a précisé au sujet de cette dernière phrase : « c’est une phrase idiote que je regrette » (NA 20/5/2019, page 33), et plus tard : « si

j’ai désinhibé des cadres par mon discours, je le regrette » (NA 20/5/2019 page 34),

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« je savais que ce VF nous était imposé créa it un climat de tension » (NA 20/5/2019 page 35).

Quant à M. AO, interrogé au cours de la première table ronde sur

< l’objectif de retour de mobilité vers l’opérationnel pour mettre [nos] forces face aux clients », il répond : « CJ y répondra tout à l’heure aussi. Pour moi, on est passé de l’âge de la HK taillée à l’âge du bronze. On a encore bcp de progrès à faire. Je ne suis pas en train de porter un jugement de valeur sur la bonne volonté des personnes. Je crois qu’on est vraiment en train de changer fondamentalement beaucoup de choses à la fois et on n’est pas où on devrait être. On a encore des boutiques VF sont fermées les samedis. […] Les 22 000 d’où doivent ils partir, où je vais faire entrer les 6 000, et ces WO 000 VF doivent changer de métier c’est de quels métiers vers quels métiers. Si je n’ai que 6 000 embauches dois-je prioriser les vendeurs dans les boutiques où les techniciens spécialistes des technologies Internet. C’est probablement plus difficile dans une population de 45 à 49 ans de moyenne d’âge de devenir spécialiste des technologies Internet que d’apprendre vendre nos offres. J’ai besoin de comprendre ça pour qu’on ait des vraies stratégies et des vraies trajectoires. » (2464/11)

A la question < Comment gérer l’équation qualité de service avec la motivation et la réduction des effectifs ? », M. AO répond : « Je crois que la motivation on

l’a dans les tripes et dans l’attente. C’est ce que je vous disais tout l’heure. Quand on me dit je suis à la cave, je réponds vous n’avez rien compris. Moi je suis en train de me battre en tête et pas à l’arrière garde. Je me bats pour gagner parce que je crois que je vais gagner. Le jour où ça commence à mal aller c’est le jour où je commence à croire que je vais perdre. […]». (D2464/12) Enfin, sur les deux priorités fondamentales pour 2007, M. AO met en avant : « Réussir ACT c’est pour moi, de très loin, la chose la plus importante. C’est par là que passe notre transformation. Ensuite, le deuxième impératif que j’ai en tête

c’est faire vite, faire vite, faire vite. Penser en permanence, comment je peux faire pour faire plus vite. Tout le restant en découle. Quand vous voulez faire les choses vite il faut les faire bien parce que sinon vous ne pouvez pas aller vite. Et quand vous allez vite vous avez des chances d’arriver avant le concurrent. Éviter que les choses s’enterrent, éviter de laisser les choses pourrir, éviter les querelles de chapelle dépassées. Réussir ACT parce qu’on a besoin de construire notre future équipe, le plus vite possible, avec le moins de niveau hiérarchique, avec le plus de gens VF prennent le pouvoir et puis derrière qu’on fasse tout ça très très vite. » (D2464/15).

Lors de la seconde table ronde, M. AP, interrogé sur les 22 000 départs, mentionne un très fort retard sur les mobilités vers la fonction publique. Il précise : « Si on extrapole les chiffres et si on ne se mobilise pas très fortement d’ici la fin de l’année, on risque d’être à 1000 au dessus de l’objectif en WV, VF se reporteront donc sur 2007. Or, ce VF nous remonte sur 2007 aggrave la tendance constatée en 2006, on est dans une situation critique. D’où le discours très direct du Président. Il m’a demandé de présenter lundi au comité de direction générale, un crash programme pour accélérer ACT. Donc on ne va plus être dans un discours basé sur un volontariat un peu mou, on va être beaucoup plus systématique » (D2464/15). Il est à noter qu’il emploie lui-même le terme d’objectif, qu’il s’est pourtant évertué à contester et vider de son sens lors de l’instruction, avant de reconnaître sa portée structurante à l’audience. Il poursuit : « Il faut s’interroger sur la valeur créée non pas par les gens, mais par les postes qu’ils occupent. C’est la détection systématique avec inscription obligatoire des personnes concernées à l’espace développement: mission d’intérim, examen systématique des possibilités de parcours pro dans la maison, priorité aux métiers de la vente et postes stratégiques et sinon,

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établissement dans un délai fixé à l’avance d’un PPA ou d’essaimage. Il s’agit de mettre un peu de process et de systématiser la démarche VF a été commencé en DT

Est. Ceci est difficile car c’est plus il faut réduire les effectifs de 30, c’est fixer une liste nominative et commencer une démarche de coaching et d’accompagnement soit vers un prioritaire soit à l’extérieur du groupe. C’est quelque chose d’assez grave ». Et à la question « Pour être concret, comment va-t-on désigner les gens candidats à l’espace développement ? Est-ce qu’il suffit d’être au mauvais endroit au mauvais moment ? », il répond : « Ce VF compte ce sont les clients. Ce VF compte c’est de faire de la croissance profitable. On part des clients. On regarde les sites économiquement viables. A ce moment on rencontre les gens et tout se complique car ce ne sont plus des chiffres. On est dans une considération humaine. Mais c’est la logique business VF commande. […] C’est par ce travail fait avec le conseiller développement que l’on trouve la solution. Cette dernière doit marier les contraintes personnelles et celles de l’entreprise. On est dans une démarche que l’on va cadencer.

On va aller vers quelque chose de plus processer. Je suis tout à fait conscient des difficultés. Outre celle donnée par le Président tout à l’heure VF disait que ce n’est pas la culture managériale de WV Télécom, il y en a une autre: changer d’univers professionnel c’est un peu comme la gymnastique. Quand on ne l’a pas fait avant 40 ans c’est plus difficile de s’y mettre. » A l’audience, M. AP, tout en reconnaissant avoir eu un discours

« assez énergique » (NA 20/05/2019 page 37), a expliqué que l’urgence qu’il souhaite communiquer aux cadres présents à l’ACSED est celle de mettre en lumière rapidement les outils qu’il a créés avec le plan ACT pour accélérer le reclassement des cadres dont les postes ont été supprimés. Il a ainsi précisé : « je dis que l’inscription d’un salarié à l’ED est obligatoire dans le crash program quand son poste est supprimé. Quand je parle de systématisme et de process, c’est de ça dont je parle »

(NA 20/05/2019 page 36). Il en ressort que les Espaces Développement, initialement conçus comme un accompagnement du changement de métier ou d’orientation professionnel, allaient devenir ds structures d’incitation forcée au départ de l’entreprise pour nombre de salariés visés par la politique volontariste de réduction des fectifs, comme cela sera évoqué dans le TM IV.

3- Les messages implicites: détermination et pression sur les départs

Certes, la convention n’a pas eu, comme unique sujet, celui de la déflation des effectifs. Nombre d’autres thèmes ont été abordés.

Cependant, tant le choix de certains mots, la formulation menaçante de certaines informations que les messages implicites ne laissent aucun doute sur la volonté des orateurs de donner une accélération puissante à cet objectif de déflation.

D’autant que le X est particulièrement attentif, pour être composé en partie de cadres VF sont en train de vivre la mise en place de la réorganisation d’OPF.

En effet, l’auditoire est des plus choisis. Sont présents près de 300 cadres VF sont les chevilles ouvrières de la politique de l’entreprise, qu’elle soit commerciale, industrielle ou sociale. Les messages seront donc relayés auprès de leurs équipes. A l’audience, ont été examinés la composition et le poids de l’ACSED (NA 17 mai 2019). M. IG PT, alors président en exercice de l’association, a précisé que 250 à 300 personnes étaient présentes lors des réunions de cette association (p. WO du document de travail annexé à la note d’audience du 17 mai 2019). Il y dit que

l’ACSED est un organisme sans complaisance VF faisait remonter les messages et s’insurgera contre l’expression « management par la terreur ». Et selon
M. AP, l’ACSED représente WO % des cadres de l’entreprise (NA 20 mai

2019 p. 35).

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Mais devant les magistrats instructeurs, M. AP avait lui-même déclaré : « Ce n’est pas facile de s’assurer que l’information soit communiquée partout dans une entreprise de 180 000 personnes. J’avais, lors de cette réunion [de l’ACSED du 20 octobre 2006] devant moi l’ensemble des cadres dirigeants WV. Mon souci était vraiment d’être sûr qu’ils connaissaient les prestations de l’espace développement, que les mesures d’accompagnement (la formation et financement) étaient connues et adaptées à leurs équipes» (D2295/8).

De plus grâce à la diffusion d’un compte rendu via le site de l’ACSED, l’information devenait facilement accessible au plus grand nombre.

Ainsi, la portée des propos tenus ne se limite pas aux cadres présents, mais elle s’VN à travers eux, à l’entreprise entière ce que les intervenants n’ont pu ignorer.

En outre, même si le cadre de ces interventions peut se prêter à des usages de langage moins policés que d’autres réunions plus classiques ou protocolaires, le caractère direct voire familier de certains termes utilisés n’est en cause qu’en raison de la violence qu’ils véhiculent et ils ouvrent la porte à d’éventuels abus.

Comme l’a écrit le philologue RN DS, auteur de LTI. La langue du III Reich: « les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelques temps l’effet toxique se fait sentir ». Ce VF fait dire à l’historienne

Mona OZOUF que «l’ensauvagement des mots précède l’ensauvagement des actes » (L’Obs n° 2851 du 5 septembre 2019) En l’occurrence, le Président-Directeur Général et deux des directeurs exécutifs ont employé des mots VF ont indiscutablement vocation à générer des effets. Et ces effets n’ont d’autre visée que de persuader l’auditoire que

l’entreprise devra, coûte que coute, atteindre l’objectif des 22 000 départs et que cette ambition n’est pas discutable. La pression est ainsi mise sur les managers pour sélectionner puis convaincre des collègues à quitter définitivement

l’entreprise. Par tout moyen.

Par exemple, en déclarant : « C’est une transformation profonde (…). Il faut qu’on sorte de la position mère poule. Ce sera un peu plus dirigiste que par le passé. C’est notre seule chance de faire les 22.000 pour recruter les 6.000 »>, M. AN, avec cette référence au passé, savait que le dispositif de congés de fin de carrière ne serait pas reconduit au terme de l’année 2006, et que, par conséquent, il devait être « un peu plus dirigiste » pour « faire les 22 000 »>. Autrement dit, augmenter la pression sur les collaborateurs pour remplir cet objectif.

En affirmant qu’on « ne peut plus protéger tout le monde » et en concluant son intervention en certifiant « En 2007, je ferai les départs d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte », M. AN indiquait aux personnes présentes qu’accélérer les départs était un ordre, que tous les moyens étaient permis, et qu’elles devaient faire davantage qu’obéir : se soumettre.

Ainsi, au-delà du rappel d’informations déjà livrées en février 2006, la vraie volonté de ces dirigeants portait sur l’impulsion, la détermination, la priorité donnée à cet objectif de déflation.

De son côté, M. AO a martelé les chiffres : « je veux faire moins 22 000, plus six mille», cela veut dire : je veux améliorer ma productivité de 15 % (5 % par an) »> (D71/1).

Mais surtout, il a signifié l’urgence, l’accélération : « Réussir ACT, parce qu’on

a besoin de construire notre future équipe, le plus vite possible, avec moins de niveaux hiérarchiques, avec plus de gens VF prennent le pouvoir c’est pour moi, de très loin, la chose la plus importante. C’est par là que passe notre transformation. Ensuite, le deuxième impératif que j’ai en tête c’est faire vite, faire vite, faire vite. Penser en

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permanence, comment je peux faire pour faire plus vite. Tout le restant en découle.

Quand vous voulez faire les choses vite il faut les faire bien parce que sinon vous ne pouvez pas aller vite. Et quand vous allez vite vous avez des chances d’arriver avant queles choses s’enterrent, éviter de laisser les choses pourrir, le concurrent. Éviter éviter les querelles de chapelles dépassées ».

D’ailleurs, messieurs AN et AO ont indiqué clairement la raison de cette urgence l’entreprise venait constater, au moment de la conférence de

l’ACSED, une chute brutale de son activité de base dans le fixe au profit d’Internet. Il s’agit pour le directeur opérationnel de répondre efficacement et dans les meilleurs délais à la perte de clients sur le fixe, à la montée d’Internet et aux conséquences de l’augmentation de la demande auprès du service après-vente. « La vraie réponse est que j’améliore la qualité de service. Il faut que j’arrive à répondre plus rapidement à mes clients; […] Le fond du problème était pour moi tous les gens VF appellent et auxquels je dois répondre » (NA 20/5/2019, page 39).

Outre l’urgence, M. AO RO, auprès de tous les agents, le poison lent de l’avenir incertain : il ne désigne personne et transfère le poids de la sélection aux managers : « c’est une réponse locale à chaque fois en fonction de la compétence des gens VF sont sur place et des managers VF vont gérer ça » (D74/4). Et M. AO prédit que certains salariés resteront < sur le bord de la route » : «Si sur un plateau de 80 personnes, j’ai 3 activités, il est clair que je serai plus efficace avec une seule. Le manager doit évaluer les conséquences. Combien je vais pouvoir emmener de personnes sur cette activité, combien je suis obligé d’en laisser au bord de la route […]. C’est une question VF se traite individu par individu entre le manager et le collaborateur avec le soutien actif de la SG » (D74/4).

Quant à M. AP, après une alarme concrète sur les mauvais résultats des mobilités vers la fonction publique, il présente des méthodes précises pour sortir de la « situation critique»: sortir du « volontariat un peu mou», une « détection la fixation systématique », une « inscription obligatoire » à l’espace développemer

d’une < liste nominative », outre un « crash program »>. Et il rappelle la logique devant présider à cette réorganisation massive impactant 22 000 emplois, la « logique business » : « Ce VF compte, ce sont les clients… de faire de la croissance profitable. On part des clients, on regarde les sites économiquement viables. Puis on rencontre les gens et tout se complique car ce ne sont plus des chiffres VF sont en jeu. On est dans une considération humaine. Mais

c’est la logique business VF commande ». Ces paroles viennent en écho de celles prononcées quelques instants plus tôt par M. AN relatives aux enjeux financiers : « On est sorti du temps où l’on donnait des prévisions à trois ans car cela n’a plus de sens. On reste focalisé sur un paramètre, le FREE CASH FLOW opérationnel car il est vital. […] A la fin du premier semestre 2006, on a dit : on est confortable, on sait qu’en 2006 on sera sur les sept milliards d’euros de cash-flow. C’est absolument essentiel. (…) Pourquoi sept milliards d’euros de cash-flow ? Nous portons sur notre dos la dette de plus de quarante milliards d’euros et s’il y a le moindre charivari sur les taux, on devient extrêmement vulnérables. Donc il faut continuer à rembourser la dette. Parallèlement si on veut que les actionnaires restent avec nous, il faut distribuer des dividendes au même niveau que nos concurrents. A partir de là, on pourra dire: on réduit nos coûts de structure et on a un niveau de revenus issus des nouveaux services VF commence à se voir. Donc le modèle fonctionne ».

Certes, ce primat affiché du profit est en parfaite cohérence avec la finalité de

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31 ème Ch.

croissance rentable fondant le plan NEXT, finalité vigoureusement et clairement ainsi rappelée aux cadres dirigeants de l’entreprise. M. AP n’a t-il pas clôturé son intervention par la phrase suivante : « Pour moi, j’aurai échoué si on ne fait pas les

22.000 départs et si pour le groupe il n’y a pas sept milliards d’euros de cash flow » (D74/8).

Il n’en demeure pas moins que le Directeur des ressources humaines du

Groupe, après avoir annoncé que le Groupe avait pris du retard au sujet des

22 000 départs et constaté l’impossibilité de les obtenir sur la base du volontariat, révèle le recours à des mesures directives et impératives visant à compresser les effectifs, de manière beaucoup plus systématique.

Il convient de noter que l’urgence, l’impératif de déflation avec l’insécurisation professionnelle qu’il propage telle une lame de fond, sont toujours de mise sept mois plus tard, en 2007, comme le prouvent les propos suivants de M. AO rapportés dans un article du quotidien La Tribune du 31 mai 2007, au sujet la politique de gestion du personnel mise en œuvre : « Je mets la pression tout le temps, je ne laisse pas de marge de manœuvre » (…), « nous n’aurons pas de problème pour trouver des volontaires au départ entre les moyens que l’on met à disposition des gens et la pression VF monte sur la mobilité interne » (D2290/4).

De même, selon le compte-rendu d’une réunion VF s’est tenue le 9 mai 2007 en présence de M. AP, découvert dans l’ordinateur de M. CP, directeur des politiques de développement des compétences, il est préconisé : « d’aller à la controverse, au conflit, avec des convictions personnelles », de créer, créons une certaine instabilité pour les salariés (faisons prendre conscience), ne transformons pas l’espace développement en ANPE » (D2288/34 et /37). Certes, les prévenus ont contesté la fiabilité de ce document pour en ignorer l’auteur. Néanmoins, sa teneur est révélatrice de l’état d’esprit de certains des membres de l’encadrement.

4- Les non-dits et les doubles fonds des discours

Au-delà de la vigueur voire de la brutalité du vocabulaire et des tournures, il y a aussi eu des propos distillant des pensées VF avaient vocation à marquer les esprits et

à les imprégner durablement, telles celles de M. AP VF exprime que la valeur est créée « non par les gens mais par les postes qu’ils occupent », qu’un plan social n’est pas à exclure (« si on n’y arrive pas je pense qu’il faudra en venir à des mesures plus radicales » -D74/4), ou celle de M. AO avec les propos suivants :

« Si l’on faisait le travail avec beaucoup de rigueur, on devrait le faire mieux, et donc on devrait être en sureffectif. Dans beaucoup de métiers, ça peut se compenser par la sous-traitance externe à condition que ce soit sur le long terme.

[…] Si je suis brutal, je peux dire que demain je peux supprimer 3.000 personnes, et je pense que ça ne se verrait pas » (D74/2). S’il peut effectivement relever du pouvoir de M. AO de supprimer

3 000 postes ou emplois, mais non 3 000 personnes, il est aussi surprenant de les considérer comme potentiellement inutiles mais surtout humiliant et angoissant de les présenter comme tels à la centaine de cadres présents, VF peuvent, chacun d’entre eux, se sentir visé compte tenu du nombre élevé de suppressions annoncé et de l’imprécision des postes visés. Il fait alors peu de cas du statut d’emploi de 80 % du personnel,

Autant de mots VF sèment les germes du sentiment d’insécurité VF va ronger d’inquiétude les employés de WV Télécom les mois suivants.

Et comment les cadres présents ont-ils pu interpréter les propos de
M. AP lorsqu’il fait appel à un sentiment de < frustration » chez les salariés

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pour provoquer des départs ? A la question : « Pourquoi ne pas élaborer un BU plan social, type société US: plus rapide, deux ans de salaire ? », M. AP a répondu : « Je suis responsable du cash. Je ne crois pas à l’élasticité de la somme qu’on verse. On est vraiment dans le culturel et le managérial. Je ne pense pas qu’en rajoutant trois mois, on modifie fondamentalement ce VF se passe dans la tête des gens. D’ailleurs, c’est bien rare que l’argent soit l’élément déclenchant.

C’est ce VF a fait que les choses soient rendues possibles. Le déclic se fait sur un projet, sur l’envie d’avoir une vie nouvelle, sur une frustration qu’on ressent chez FT.

On est tous traumatisés par les changements. On les accepte quand un certain nombre de critères sont réunis. L’argent n’est pas le premier critère. Le travail des espaces développements, VF rapporteront aux RH, est de déclencher la lueur d’espoir. » (D74/7)

Il est aussi important de relever que M. AP est pleinement conscient et informé que le changement peut < traumatiser »>.

Cette brutalité des propos et du message passé par les dirigeants de WV

Télécom a ainsi été ressentie et reconnue par Mme AK, VF est intervenue lors de la seconde table ronde.

C’est ce qu’il ressort d’un document trouvé chez M. AS nommé

«Commentaires in extenso et résultats de l’évaluation de la Convention ACSED – La

Transformation de l’Entreprise- PARIS Maison de la Chimie 20 WO 2006 », selon lequel elle n’était pas à l’aise (D3327/34). Et c’est ce qu’elle a confirmé lors de l’audience du 20 mai 2019 (NA page 41).

Ce malaise ressenti par Mme AK est d’autant plus probant de la violence des propos tenus ce jour-là, qu’elle a l’habitude de travailler avec messieurs AN, AO et AP.

En outre, il résulte dudit document, trouvé au domicile de M. AS, et dont il n’a pas contesté être l’auteur, l’analyse suivante de la réunion : « bonne le sens et la stratégie FT, vision que l’on n’a pas en unité! Attitude toujours équivoque du Président entre le ton humoristique et le bâton, mais discours plus construit que précédemment ; la stratégie d’innovation et d’organisation Pays semble bien dessinée, mais les moyens de parvenir simultanément aux objectifs de CA et d’effectifs ne prennent pas en compte les aspects humains toujours pas de valorisation des métiers de relation directe avec le client, appelés « prioritaires » pour une entreprise VF se veut de service c’est grave; les injonctions sur la réduction des effectifs ne semblent remettre en cause que les seuls services opérationnels, et les moyens d’y parvenir sont laissés à

l’initiative des managers de proximité – cf. L-P W je décrète l’objectif à vous de trouver les moyens d’y parvenir, nos dirigeants semblent oublier que les messages actuels ne donnent pas confiance et que c’est une condition nécessaire à la bonne marche d’une économie, même réduite à celle d’une entreprise. Les cadres et tous les salariés PU les frais d’un manque d’anticipation de la réorientation des activités et métiers '> (D3327/32).

Les «injonctions sur la réduction des effectifs » ont donc bien été entendues par la hiérarchie intermédiaire, managers et responsables des ressources humaines, ainsi qu’en ont témoigné un certain nombre d’entre eux, au cours de l’instruction comme à l’audience.

Ainsi, Mme CM CQ, VF travaillait durant la période de prévention en qualité de Responsable des ressources humaines, décrit très précisément ce VF constitue pour elle l’un des objectifs majeurs des plans NEXT et ACT. A la question «Que savez-vous des plans Act et NExT, plans de restructuration à WV Télécom ?», Mme CQ a répondu clairement: « Les objectifs étaient de

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31ème Ch. dégraisser l’entreprise sans faire de plan social en incitant le maximum de personnes

à quitter l’entreprise, soit par un plan de retraite anticipé, soit en les accompagnant à prendre des postes à l’extérieur ou à créer leur entreprise. Il n’y avait pas de cible sur une catégorie de personnel. La fonction RH est une fonction de coût et elle a été réduite considérablement entre 2002 et 2010. Les effectifs ont été divisés par 4. De ce fait, les cadres RH obligés de faire les tâches d’assistante RH et de personnels Logistique, n’ont pas pu accompagner convenablement les salariés en difficulté et le changement brutal de restructuration. Concrètement, beaucoup de salariés en ont souffert et moi, à l’UAT, également, j’ai failli faire un 'burn out', si bien que j’en garde des traces dans ma santé. Il m’est arrivé de pleurer sur des incidents au travail VF, au demeurant, sont bénins et prenaient une importance répétitive »>.

Selon M. CR, entendu par le tribunal le 20 mai 2019, « les choses vont se gâter avec les discours des dirigeants à la Maison de la chimie le 20 octobre 2006 », conférence à laquelle il a assisté. « La brutalité de l’annonce est accompagnée de modes opératoires décrits par les 3 acteurs majeurs, M. EY AN, M. O-HK AO et M. CJ AP. Cette journée apparait rétrospectivement à beaucoup, et à moi-même, comme l’acte fondateur de la nouvelle politique des Ressources humaines […] :

- ler HT: l’objectif des moins 22.000 en 3 ans est présenté comme vital, nécessaire à la survie de l’entreprise.

- 2ème HT : ces départs reposeront inutilement sur le volontariat;

- 3ème HT : les mots et le ton employés par les 3 orateurs traduisent une volonté que rien ne saurait faire fléchir.

4ème HT c’est au management de repérer les salariés à faire quitter prioritairement l’entreprise, ceux VF ne sauraient contribuer au redressement de l’entreprise qu’en la quittant » (page 2 de la déclaration jointe aux NA).

Dans le film de M. BH « WV Télécom chronique d’une crise »>, Mme

CS, Directrice territoriale Sud reconnait qu’en cette qualité, elle avait pour mission

l’accompagnement dans la mobilité et : « qu’il y a eu quelques belles histoires. Ce VF après a été un peu délicat, c’est qu’il y a eu dans la manière de traiter cette question une sorte de détermination affichée très clairement ». Mme CS précise : « On a peut-être là vraiment déstabilisé certaines personnes » (39 minutes et 12 secondes). Quant à M. Y-DQ XI, directeur des services partagées ressources humaines, il affirme : « On nous l’avait dit alors pourquoi on ne l’a pas entendu au moment où on nous l’a dit ? Pourquoi on nous l’a répété ? Pourquoi on ne l’a pas entendu ? Parce que on a été dans cette période extrêmement pressé managérialement, dans une logique tournée uniquement vers le résultat. La logique du résultat et le résultat avant tout et donc des contradictions permanentes » (minute

1:WO:51).

Conclusions.

Ces 18 mois marquent un tournant dans la vie de l’entreprise à l’appui de la nouvelle stratégie industrielle du plan NEXT a surgi un objectif de déflation massive des effectifs. Il s’agit d’une politique de gestion des ressources humaines déterminée et menée au plus haut niveau de l’entreprise. En assignant à l’entreprise un objectif quantifié dont il vient d’être démontré qu’il est inaccessible sans porter atteinte au statut d’emploi du plus grand nombre, ses dirigeants PU le choix d’une politique de déflation des effectifs à marche forcée.

Avec les propos tenus par trois des plus importants membres de la Direction, dont le Président-Directeur Général lui-même le 20 octobre 2006, le ton est donné : ce

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sera celui de l’urgence, de l’accélération, de la primauté des départs de l’entreprise, de gré ou de force.

Reste à examiner les leviers VF, malmenant les personnels, vont permettre

d’atteindre malgré tout cet objectif.

TM III- 2007 et 2008 :

L’accomplissement à marche forcée de l’objectif de déflation des effectifs

Au cours des années 2007 et 2008 s’est poursuivie la mise en œuvre du plan stratégique NEXT, monté en puissance au cours de l’année 2006. Plus précisément, les propos de février et octobre 2006 relatifs à la politique de ressources humaines désormais charpentée par l’objectif de déflation des effectifs ont été concrétisés par des agissements structurant la vie quotidienne des agents de WV

Télécom, VF vont être examinés maintenant.

Certes, il est possible que chacun des membres de cette collectivité de travail que constitue l’ensemble des personnels de WV Télécom SA, n’ait pas été directement et personnellement concerné par le cumul de ces agissements.

Néanmoins, en premier lieu, comme développé dans la première partie, le délit de harcèlement moral au travail étant un délit d’habitude, il ne faut pas apprécier les faits indépendamment les uns des autres, les uns après les autres. Chaque fait VF, isolément, peut paraître insignifiant, doit être lu à la lumière des autres, de tous les autres. Doivent être examinés l’ensemble des éléments, comme les éléments dans leur ensemble, d’autant qu’est en place une politique d’entreprise censée concerner tous les agents et être appliquée par eux. Cette politique est le vecteur même de l’expression de la volonté du dirigeant, ses choix révélant ses priorités et déterminant les moyens de la mettre en place. En second lieu, en raison de sa dimension formelle telle qu’évoquée dans la première partie, l’infraction de harcèlement moral au travail se consomme indépendamment du résultat, la loi se contentant d’un comportement susceptible d’entraîner ce dommage envisagé. En l’occurrence, la prévention reproche aux prévenus d’avoir mis en œuvre une politique d’entreprise visant « à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène ».

Pour apparaître dans de nombreux documents et témoignages relatifs aux années 2006 à 2008, pour être des sujets structurant durant de nombreux mois le quotidien de nombre d’agents de WV Télécom, principalement celui des cadres, pour s’avérer être en lien direct avec la politique de déflation généralisée décidée au plus haut niveau, sont ressortis du dossier d’instruction et des débats trois agissements, répétés et dénoncés comme harcelants pour viser à dégrader les conditions de travail des agents de l’entreprise dans le contexte de déflation généralisée : le contrôle des départs et des mobilités dans le suivi des effectifs (I), les critères de détermination de la part variable (II), la formation des managers par l’Ecole Management WV (EMF) (III).

Ces trois leviers méritent d’être successivement examinés pour déterminer

s’ils ont été instrumentalisés afin d’exercer une pression sur la hiérarchie intermédiaire et de proximité pour l’inciter à accélérer les départs ou les mobilités des agents de WV Télécom,

I- Le suivi des effectifs au service de l’objectif de déflation

Nombreux sont les documents et les témoignages VF établissent qu’au cours des deux années 2007 et 2008, et même dès 2006, d’une part, les services de WV

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e Ch. 31 èm

Télécom ont été destinataires d’instructions leur fixant des quotas impératifs de départs et de mobilités internes, d’autre part, qu’ils ont dû régulièrement rendre compte de l’exécution de ces instructions.

Ces pièces, ainsi que les déclarations des prévenus, ont permis de reconstituer la ligne descendante depuis le service de la SG Groupe jusqu’aux unités locales. Comme l’indiquent les magistrats instructeurs, « les commentaires, annotations, additifs VF accompagnent la transmission de ces données, permettent d’apprécier comment de «< simples documents de suivi budgétaire » ont été détournés de leur vocation traditionnelle pour être intégrés à un système de gestion décliné tant par les SG que par les managers et polarisé sur un objectif devenu obsessionnel dans toutes les équipes de WV TELECOM : la réduction des effectifs » (ORTC page 189). Aussi, après une synthèse des explications fournies par les prévenus, notamment par messieurs AP et P (1), ne seront mentionnés ici que les documents les plus probants et illustrant la primauté donnée à l’objectif de déflation à chacune des strates de la hiérarchie (2).

1- Les explications avancées par les prévenus

Tous les prévenus ont fait valoir que le suivi des effectifs était une obligation légale reposant tant sur l’article L. 2323-68 ancien du code du travail relatif au bilan social annuel imposé à toute entreprise de plus de trois cent salariés, que sur l’article L. 2323-51 ancien de ce code relatif à la transmission trimestrielle de rapports complets sur la situation de l’emploi au comité d’entreprise, notamment à la commission emploi du comité central d’entreprise de la société WV Télécom (scellé M2).

Le respect de ces obligations explique, disent-ils, les nombreux courriels et tableaux découverts dans les ordinateurs de l’entreprise, et VF sont relatifs au

< reporting », VF fait constamment état de la dynamique des effectifs et de ses impacts sur le «< budget » (D3048/2 à /9). L’objet de ce « reporting » est de suivre l’évolution des effectifs afin d’ajuster le budget.

De la même manière, la satisfaction VF transparaît dans les courriels retenus par les juges d’instruction (D3347/2, D3203/107) n’est pas liée, selon eux, aux départs des agents de l’entreprise; elle traduit uniquement la concordance de la prévision des mobilités à leur réalisation, ainsi que la constatation de l’attractivité des dispositifs de départ.

Ainsi qu’ils l’ont indiqué à plusieurs reprises, notamment messieurs AP et P, le suivi des effectifs n’est pas la préoccupation des directeurs des ressources humaines : « L’important c’est l’adéquation entre les besoins de l’entreprise et les compétences qu’on met en face » selon l’expression de M. P.

A ce titre, M. AP, lors de l’instruction, à l’audience et dans ses écritures (page 57 à 64), a détaillé le fonctionnement du service en charge de la politique de gestion et du suivi des effectifs du Groupe, la Direction « Gouvernance

RH » dirigée par M. AF CU pendant la période de prévention (D3329/22, D3329/51).

Il a expliqué que les missions de la Direction « Gouvernance RH » consistaient essentiellement à coordonner le reporting mensuel des effectifs avec l’ensemble des Divisions du Groupe : fiabilisation des données de reporting, respect du calendrier, réunions de pré-flash, analyses des résultats. Elle produisait des tableaux de bords mensuels internes à la SG Groupe, des QA trimestriels et annuels, le bilan social de FTSA, la partie « Ressources Humaines » du document de référence, les rapports emploi présentés aux instances représentatives du personnel (CCE / CCUES) et les questionnaires destinés à la presse et à l’État (Sénat, Assemblée Nationale et Agence

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des Participations de l’Etat) sur les trajectoires d’effectifs.

Dans le dossier pénal, figurent, par exemple le « Reporting mensuel sur

l’emploi – résultats à fin décembre 2006 » rédigé par la Direction « Gouvernance RH

» (plus précisément, AF CU, RP RQ et HS RR – D3048/2), le < Reporting managérial des flux Groupe WV novembre 2008 » rédigé par S BLOCTEUR (D3322/22), un email en vue du « Pré-flash meeting – HR results for june 2008 – Résultats RH juin 2008: commentaires » du WO juillet 2008

(D3207/3) et une « proposition de section RH pour le document de référence » adressée pour avis le 23 février 2009 par AF CU et HS CF (Direction < Gouvernance RH ») à M. AP (D3949/1).

Par ailleurs, s’agissant du budget, la Direction < Gouvernance RH » établissait les orientations budgétaires (effectifs et flux) en coordination avec les Divisions et les directions territoriales présentation des orientations, partage sur les évolutions démographiques, évolutions business, contraintes, risques et opportunités, identification des évolutions de périmètre. Elle se coordonnait également avec les travaux de la Direction Rétribution de la SG Groupe (à l’époque dirigée par M.

AR RS) afin de prévoir les frais de personnel. Elle testait enfin les prévisions et l’alignement par rapport aux orientations : alyse des écarts par rapport aux orientations, échanges avec les Divisions pour l’alignement des trajectoires, des flux et des frais de personnel par rapport aux orientations. Dans ce cadre, la Direction

< Gouvernance RH » établissait les lettres d’orientations budgétaires, validées par messieurs AP et P, et les diffusait à chaque SG avant discussion sur les orientations lors des Commissions Emploi. Elle produisait enfin les documents < HT d’étapes » et finaux sur le Budget RH à présenter au Comité de Direction Générale, au Comité d’Audit et au Conseil d’administration.

Enfin, toujours selon M. AP, dans le cadre du plan NExT, la Direction

< Gouvernance RH » établissait les prévisions d’effectifs à trois ans, au niveau Groupe et par Division. Elle coordonnait les travaux de construction de la contribution RH au

[…], ex-MEP) et analysait les écarts par rapport aux annonces de NEXT.

2- La primauté donnée à l’objectif de déflation à tous les niveaux de la chaîne hiérarchique
M. RE FC, directeur financier de 2006 à 2014, a précisé :

« concrètement, les directeurs déléguaient à l’échelon inférieur l’application du plan ACT » (D3664/3).

Au sujet du nombre des 22000 départs, il a indiqué que c’ « était un mélange de faisable et de souhaitable […]. Pour moi cette cible de 22.000 était un ordre de grandeur. A partir de cet objectif général, s’est mis en cascade une répartition de cet objectif pour les différentes composantes opérationnelles, pour tous les gens VF avaient des effectifs, et c’est là où je pense que le fait de quantifier un objectif sur un niveau trop fin, a conduit à ce que chaque responsable, c’est-à-dire le manager se dise

« il faut absolument que j’y arrive » et peut-être dans certains endroits un suivi précis voire tatillon de ces objectifs. Je pense que chez certains managers, cela a été pris comme des mesures ciblées précises »(D 3664/4). Il a ajouté : « ce n’est pas le fait de suivre les chiffres VF soit mauvais, c’est le fait de leur donner un caractère impératif

Le problème a été que la prise en compte de cet objectif est devenue trop rigide » (D3664/7).

Pour déterminer le caractère structurant de cet objectif de déflation et comprendre comment il s’est déployé jusqu’au niveau local, il est nécessaire de décrire sa déclinaison hiérarchique.

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31ème Ch.

t

2-1. Les lettres d’orientation de la SG Groupe

Comme expliqué par M. AP, la Direction « Gouvernance RH » préparait chaque année une « lettre d’orientation Groupe WV à destination de chacune des Divisions du Groupe VF intervenait à la suite de la présentation du budget de l’année suivante au Comité de Direction Générale du mois de novembre.

Dans le dossier, figure une lettre d’orientation signée par M. AP le 14 novembre 2007 (D3036/2) pour le budget 2008 présenté au comité de direction générale du 12 novembre 2007. Elle a pour objet d’allouer à chacune des Divisions les prévisions d’effectifs du Groupe pour le semestre en cours et pour l’année suivante (2008). 1/ effectifs CDI actifs

orientations S2 2007 et FY 2008 recrutements departs offecef fin 2008 périmen managerial Cortalhel autres CDFP recrutements recrutements total jum-at "sorties COTP retraites naroués tecrutements Goran 2008 pilotées SCE-B Dalbard Grigioped départ 7126 0 Opérations WV Moa CCS& Supply Chain LP AO 97 07 EQ

+82

+MAS 81 831

-383

† 498 6777 ITSN-JP CW 800

-2407

-4101

-7.979 5820 76 034 D RD, Mkt strat, Techna-GPenalver 44 40a

-200 386 Achats LP AO 4095 5528 D 36 M

+387

-247 1136 3884 0 […]

-32

-36 1646 1052

0 Secrétariat Gal-JY Larrcuturou

1

-0 40 0 1558 Contenu-PLangrand 0

-27 1074 Finance-G Pellission

# […]

+15

-88

-184

[…]

* 42 0 Total Groupe WV A

+4 BU105 158 KON 41 900 44 2440 1471 2 748 45 187 8 405 99 1920 hors Diwan, Néociès, Silicomp périmètre du réalisé de juin-07

Ce tableau présente « les données chiffrées par périmètre managérial correspondant à ces orientations [..] validées lors du GMC du 12 novembre 2007 »>.

Sa lecture permet de constater que, pour l’ensemble du groupe FTSA sur la période de juillet 2007 à décembre 2008, le nombre de départs à la retraite correspondant aux orientations est de – 2 748, le nombre de « sorties pilotées » est de

5 187. Fin 2008, 9 406 CDI devront avoir quitter l’entreprise. Notamment, dans ce tableau, la direction de M. CT se voit assigner un objectif très précis : le nombre de départs fixés pour le pôle qu’il dirige s’établit à 50 pour les retraites et 197 pour les « sorties pilotées » (D3036/2).

Les termes employés dans cette lettre d’orientation ne laissent aucun doute sur le caractère impérieux du résultat attendu : « La réussite du programme ACT est un enjeu majeur de l’année 2008. Nous avons pris des engagements forts sur l’évolution des effectifs et nous serons jugés sur notre capacité à les réaliser. L’exercice du budget 2008 nous donne l’opportunité de décliner opérationnellement les engagements pris par le GMC en mars et d’atteindre nos objectifs NExT à savoir : une décroissance nette d’environ -16 000 CDI sur le groupe WV.

Sur la base des résultats à fin juin 2007, les orientations pour la deuxième moitié du programme NExT ont été construites de la façon suivante suivante : allocation des sorties pilotées de manière à ce que chaque division ait le même effort en pourcentage à réaliser sur la période de 3 ans 2006-2008

(8,38 % des effectifs fin déc-05 hors retraite, CFC, CDITP) allocation des recrutements en fonction du poids relatif des métiers à risque

.

majeur et critique pour chaque division à fin juin-07 (hors CDITP)

[…] Je compte sur votre collaboration pour atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés» (D3036/2). « Enjeu », « effort », « sorties pilotées », « objectifs ambitieux », autant de

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termes VF prouvent la détermination de l’équipe dirigeante au sujet de la « décroissance nette » des effectifs et la transmission de sa dimension prioritaire aux responsables en charge d’en assurer la concrétisation.

Comme l’a expliqué M. AP lors de son audition devant les magistrats instructeurs, cette lettre d’orientation « intervient à la fin d’un processus VF a vu les équipes de la SG Groupe discuter des trajectoires d’effectifs avec les différentes divisions VF s’appellent périmètres managériaux » dans le tableau. En atteste le courriel de M. CU VN à des cadres RH le 1er août 2007 intitulé « Effectifs

CDI Groupe-WV – premières orientations Budget 2008 et NSFP 2008-2010 (D3025 scellé 0-16),

Cette lettre de novembre 2007 vient aussi dans le prolongement de la réunion précédente du comité de direction générale en date du 15 octobre 2007, au cours de laquelle le maintien des objectifs RH de NExT a déjà été décidé. En effet, selon ce document découvert dans l’ordinateur de M. AP, dont une page est reproduite ci-dessous, la prévision triennale élaborée au début du plan NEXT est confirmée :

th effectifs CDI – orientations CDI Groupe WV

maintien des objectifs NEXT pour la période 2006-2008 :

■à fin juin 2007 (soit à mi-parcours), 58% de l’objectif de décroissance nette ont été réalisés.

• sur le 1er semestre 2007, une décroissance nette de -1 571 CD I, soit 35% de

l’objectif annuel (et 70% de la tendance attendue): rappel orientations 2007 Groupe WV:

·

une décroissance nette de -4 500 CDI à périmètre constant (flux hors nouvelles entités OBS (groupe Diwan, Néocles, Silicomp…)

+1 400 recrutements externes (650 hors CDITP) liés à la réalis ation des départs définitifs

(avec en complément, un effort supplémentaire de 450 contrats d’alternance)

-5 900 départs dont 1 000 mobilités vers la Fonction Publique

- pour atteindre les objectifs à fin 2008, il reste à réaliser 2 400 recrutements

-9 400 départs sur la base des résultats de juin 2007

confidential Groupe WV Telecom-CMC 18 oslabne 2007- orientati ons 2008 Groupe WV

Il convient de noter que ce maintien de l’objectif de décroissance nette dans les termes initialement annoncés est décidé alors que l’ Observatoire du stress et des mobilités forcés a été créé en juin 2007 et que des remontées inquiétantes s’expriment déjà au cours des formations de l’EMF, comme ci-après exposé (III-2-2).

2-2. La Division OPF et la déclinaison de l’objectif de déflation par Mme

AK A l’audience du 27 mai 2019, Mme AK, responsable de la Direction

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des actions Territoriales au sein d’OPF dirigée par M. AO, a clairement indiqué :

- qu’il y avait des objectifs de départs pour les DT et les autres Divisions,

- qu’elle avait calculé une application de l’objectif des 22 000 suppressions de postes en faisant une règle de 3. Chaque direction territoriale devait diminuer ses effectifs de 6%.

Ces propos sont confirmés par un document intitulé « Objectiver les acteurs pour réussir les objectifs ACT en 2007 » retrouvé dans l’ordinateur de l’assistante de
Mme AK, document VF a été transmis à celle-ci par courriel le 18 décembre 2006 de Mme VS LE VH, Directrice Territoriale Sud Est (D3325/WO et 3350/2).

Ce document est aussi intéressant car il fixe aux SG et aux DT, parmi les objectifs personnels, le « nombre de départs Groupe ». Ce document se présente sous forme d’un tableau en quatre colonnes : acteurs, impact personnel, objectif personnel, « objectif solidarité ». Y figurent les objectifs personnels et collectifs (« solidarité ») assignés à tous les acteurs de la ligne managériale de la direction territoriale sans mention chiffrée.

Le «nombre de départs» est « un objectif personnel » assigné aux directeurs territoriaux, aux SG et directeurs des Espaces Développement des directions territoriales ainsi qu’aux « managers de base ». En outre, tous les acteurs de la chaîne managériale (directeur d’unité opérationnelle, RH local, etc.) se voient à minima fixer dans leurs < objectifs solidarité », celui du « nombre de départs '>.

< Le nombre de mobilités vers les domaines prioritaires » est l’autre axe stratégique autour duquel s’articulent les objectifs et les missions des différentes strates de la ligne hiérarchique des directions territoriales. Dans ce tableau, méritent d’être notés les points suivants :

- l’expression < nombre de départs » y figure à toutes les lignes; celle d’ « accompagnement », valeur cardinale du programme ACT, n’y est

mentionnée qu’à trois reprises et son usage est : < trouver des solutions

d’accompagnement permettant de réaliser certains objectifs de départ, nombre de départs faisant l’objet d’un accompagnement, accompagner ses collaborateurs dans la mise en œuvre de ACT » (D3350/2);

- les managers, dernier maillon de la chaîne hiérarchique, sont ceux pour lesquels < le nombre de départs » figure à la fois comme objectif personnel et comme objectif collectif,
Mme AK a commenté ce document: « il y avait un cadrage global, issu des moins 22.000. Le but était de donner des points de repère pour que chacun ait un ordre de grandeur de ce que moins 22.000 voulait dire dans sa région. C’était un HT de repère très global et très macro » (D3670/8).

En réalité, ce document s’apparente à une lettre de cadrage VF répartit la charge impérative de l’objectif national.

Il existe un autre document VF renseigne sur la méthode mise en place par la direction de l’entreprise en matière de mobilité interne pendant la période de prévention. Il s’agit d’un rapport d’audit en date de décembre 2007 sur la mobilité interne visant à évaluer « le déploiement et l’efficacité des mesures

d’accompagnement » demandé par M. AP (D3355). Dans la partie du rapport consacrée à l’application de la DG 46, il est mentionné : « la Direction des actions Territoriales (DAT) fixe pour l’année 2007 un objectif de 2 587 mobilités internes aux Directions Territoriales (DT). L’objectif des unités hors DT est de 985 mobilités. C’est la DAT (Direction des actions Territoriales) VF fixe à chaque direction territoriale un objectif de mobilité secteurs prioritaires VF est ensuite décliné aux Unités opérationnelles.

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Il y est constaté que « Le pilotage par la Direction des actions Territoriales

(DAT) garantit un suivi précis de l’évolution des mobilités. La fluidité est garantie via un dispositif de reporting et de pilotage vers les DT et les ED :

-- la DAT réalise un tableau de bord quantitatif des mobilités internes par DT et par branche métier;

- les RH des UOs [unités opérationnelles] suivent et activent les projets et les réalisations de mobilités internes des collaborateurs par des échanges inter unités lors des Comités Opérationnels de l’Emploi (COE) pilotés par les DT. L’évolution de leur objectif fait l’objet d’un reporting à la DT» (D3355/3-48).

Il est frappant de constater que le nombre de mobilités internes (2 587 pour

2007) est imposé par la direction centrale d’OPF, la DAT, alors qu’il devrait logiquement découler des ré-organisations ou restructurations décidées par le niveau local des directions territoriales.

Cette inversion de la logique prouve la nature dirigiste de l’injonction nationale relative aux WO 000 mobilités internes: elle n’est pas au service de la transformation de l’entreprise, elle en devient la fin.

Ces deux documents mettent en lumière les mécanismes utilisés par la direction des actions Territoriales (DAT) dirigée par Mme AK pour mobiliser les services locaux d’OPF sur des objectifs annoncés par
M. AN concernant les départs comme les mobilités.

Et les résultats sont étroitement surveillés comme en attestent les trois documents suivants.

Le premier concerne une des dix directions territoriales, celle de la DT Sud. Son directeur, M. KB RT VN, le 8 janvier 2008, à Mme AK un courriel avec un fichier de 11 pages « confidentiel », intitulé «< DT

Sud Bilan du 2ème semestre 2007 au 4 janvier 2008 (résultats provisoires) »

(D3205). Il lui rend compte des résultats atteints dans sa DT sur de nombreux points, divisés en plusieurs rubriques. Dans celle intitulée «< Emplois/Act », il décrit :

- la « Tenue de l’objectif CDI actifs avec une décroissance de 47 CDI, soit 7 de mieux que le budget périmètré ;

- la < Fluidité » : 156 salariés ont changé d’unité, soit 3,2 % du total des effectifs

s’élevant à 4 885, 15 cas d’employabilité réduite ayant été aussi identifiés et < en cours de traitement par une instance spécifique, issue d’une initiative locale, le comité

d’adaptation '> ; les < Départs externes », l’objectif annuel de 296 départs étant atteint à hauteur de

74%;

- le «< Redéploiements Front Office », l’objectif annuel des 4 % des CDI actifs soit 196 redéploiements ayant été dépassé avec 245 mobilités réalisées vers les secteurs prioritaires (en provenance de secteurs non prioritaires), soit un taux de 4,96 % des CDI actifs.

< Décroissance », «Fluidité », «Départs externes » sont ainsi des évolutions fidèlement restituées, chaque semestre, par le niveau local au niveau central.

En outre, ce niveau central ajuste, en fonction des remontées du niveau local, ses exigences comme en atteste un autre courriel, cette fois-ci de M. AV RK, RH WV, diffusé le 17 juin 2008 aux directeurs territoriaux d’OPF, et à M. AS, nouveau SG d’OPF, dans la perspective d’une réunion des directeurs territoriaux (CODIR DT) VF doit se tenir le lendemain.

Après avoir noté que « le ratio (départs) aboutis 2008 / (départs) aboutis 2007 se dégrade de -4% » et exposé « la meilleure prévision du total des départs définitifs », il ajuste les objectifs pour le second semestre 2008 : «pour que ce

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scénario se réalise il faudra acter 100 sorties de plus que celles observées en aboutis sur le SI (1080, mi-juin) et 1200 de plus sur l’année pleine (1540 mi juin) » (D3012/4).

Le courriel est accompagné d’un document intitulé « situation de l’emploi des

DT mi-juin 2008 » et de tableaux présentant les flux externes et comparant les départs «aboutis » aux « objectifs » des directions territoriales sur le modèle du document

« Réussir Act » évoqué ci-dessous (D3012/9).

Le dernier document a été découvert dans l’ordinateur de M. AS. Il date du 19 juin 2008, porte la mention « confidentiel groupe », et est intitulé « Réussir Act 2008: la situation des mobilités externes fin mai 2008 » (D3334).

Il présente dans un premier tableau l’état d’avancement, à la date de fin mai

2008, des objectifs fixés dans le plan NEXT 2006/2008 concernant les départs, les recrutements et la décroissance naturelle. Il est rappelé que le nombre de départs prévus dans le plan NEXT est de 22 000 et qu’à fin mai 2008, le taux d’avancement s’élève à 80 %.

Il est aussi mentionné que, pour « tenir le cap », « il faut acter 3 200 départs supplémentaires dans les 7 prochains mois »: «Hors CDITP, cela représente 38 départs par bassin d’emploi et par ED (espace développement), soit presque 2 par jour » (D3334/3).

Y sont recensés les résultats de chaque type de mobilité par rapport aux cibles :

< cible MFP, cible PPA, cible essaimage » (D3334/4 à 8).

Ainsi, pour les mobilités vers les secteurs prioritaires, le niveau de réalisation est supérieur à celui de mai 2007 (864 / 35 %). Il est de 45,4 % pour les « départs externes »> (2294 réalisés / 5050 ), de 34, 8% pour les mobilités vers la fonction publique (348 réalisés/ 1000), de 29,5 % pour les PPA (295/1000) et de 54,6 % pour l’essaimage (273 réalisés / 1000).

Les courriels de Mme DJ RU (RH/SP) des 5 septembre et 16 novembre 2008 relatifs au suivi des mobilités externes (essaimage, mobilités fonction publique et PPA) sont aussi éclairants (D3322/19 à /21). Comme le souhaite M. AP dans sa lettre d’orientation, les

« sorties pilotées» sont bel et bien suivies. Et, là encore, les départs de

l’entreprise et les mobilités ne découlent pas des évolutions commerciales ou technologiques locales : leur nombre est décidé par le niveau central ( «2 par jour »).

2-3. La déclinaison dans d’autres divisions qu’ OPF

Le dossier d’instruction comporte d’autres documents VF attestent que l’objectif de déflation concernait bien toutes les divisions du groupe, et sa déclinaison provoquait quelques réactions.

Ainsi, dans un courriel VN le WP juin 2007 à M. Y-HQ CW, Directeur de la Division SH, M. Y-HK CV, son SG, écrit : « Hier en Codiv

j’ai été un peu interpellé sur le fait que des objectifs de départs externes du groupe seraient donnés de façon uniforme à tous, tu as dit 5,5% je crois, ou 6%. Quelques explications sur ce sujet très touchy.

Ce serait certes une forme de management très économe que de donner le même objectif à tout le monde. On ne perd pas des heures à se demander ce que chacun peut faire. Néanmoins, si l’on veut que l’ensemble de la chaine s’engage sur un objectif, alors c’est aussi le B-A BA du management que de savoir qu’on ne fait pas l’économie d’une conversation avec ses collaborateurs afin qu’ils sentent que le challenge est

« ambitieux mais réaliste » et donc qu’ils s’engagent personnellement. C’est comme cela que j’ai notifié les objectifs de départs aux Directions ». Il précise : « les départs

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externes du groupe sont la somme de deux choses très différentes:

- les départs « naturels » (retraite) (…)

- les départs « incités » : MFP, PPA, « transactions », VF sont plus difficiles et VF représentent l’essentiel de l’investissement actuel et la clé du succès ».

A la fin du courriel, M. CV conclut : « Je te dis cela pour que la filière RH ou les managers n’aient pas l’impression qu’on leur notifie des objectifs de façon aveugle » (D323/63).
M. CW, entendu par les enquêteurs, a admis qu’en l’absence d’un plan social et de reconduction du CFC, « l’augmentation des mobilités » était un exercice difficile : « Comme il n’y a pas de plan social, il faut redéployer, ça se prévoit, ça s’anticipe. Qu’on incite les gens à se redéployer c’est vrai depuis 20 ans. Ce VF est nouveau en 2006, c’est qu’il fallait augmenter le nombre de mise en mouvement en externe. On a stoppé le CFC, c’est vrai, on a augmenté les mobilités, c’est vrai, la brutalité, je ne la reconnais pas. Il est vrai que ça a surpris les salariés qu’on leur propose de travailler ailleurs, ça a parfois été mal vécu » (D2408/9).

Quant à la Division Marketing stratégique et Technocentre, son directeur, M.

JQ CT, a transmis aux managers 11 lettres d’orientation relatives au budget 2008, précisant que la réussite du programme ACT est « un enjeu majeur de

l’année 2008 ». Reprenant les termes utilisés par M. AP dans sa lettre d’orientation, M. CT mentionne que « le groupe a pris des engagements forts sur l’évolution des effectifs et sera jugé sur sa capacité à les réaliser. Toutes les entités du marketing stratégique – Orange Labs contribueront opérationnellement à l’atteinte de l’objectif du groupe ». Chacune de ces lettres fixe au manager le nombre déterminé de CDI actifs à atteindre pour la fin de l’année 2008 (D3325/27, scellé M-12 BRDP). Au sujet de cette initiative de M. CT de subdiviser l’allocation de prévisions d’effectifs à chacune des directions de sa Division, M. AP a déclaré devant les magistrats instructeurs : « ce procédé est une initiative de M. CT, je ne me souviens pas que d’autres membres du Comité de Direction

Générale aient utilisé ce même procédé. Ces lettres n’émanent pas de la SG Groupe

[…]. Je suppose qu’à partir de là, il a dessiné la trajectoire d’effectifs selon le processus dont j’ai déjà parlé et ensuite qu’avec son SG, il a travaillé sur les réallocations. Je pense que ces lettres sont le résultat du travail de réallocation. Je précise à nouveau que ces éléments sont très spécifiques au pôle innovation »

(D3419/19).
M. AP paraît s’étonner de cette « initiative », alors qu’elle n’est que la déclinaison concrète de son impulsion donnée par sa lettre d’orientation au sein de cette division.

Enfin, concernant la Division Entreprises, dans un courriel du 3 novembre 2008 transmis par IQ RV, RH, à plusieurs cadres RH, il est écrit : « vous trouverez ci-joint, un kit destiné à vous aider à communiquer auprès des managers sur la mobilité des salariés VF sont sur le même poste depuis 5 ans ou plus. Pour rappel, l’objectif est de fluidifier l’emploi et pour cela de repérer (si possible lors de vos revues de personnel) les salariés concernés par une mobilité, afin de les aider

à changer de poste. Le manager est en première ligne puisqu’il doit identifier avec vous les salariés, les recevoir afin de les inciter à la mobilité, et suivre les projets (…)

Vous disposez des listes des salariés identifiés à partir du fichier des EI, ces fichiers devant être validés et/ou enrichis et m’être remontés afin que je puisse planifier, avec les ED, les « entretiens carrière » »>(D3185/56).

Le témoignage reçu à l’audience du 21 mai 2019, de M. PK EG,

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31eme Ch.

< responsable de la transformation » au sein de l’Unité d’intervention Limousin Poitou-Charentes de novembre 2006 à avril 2007, illustre la mise en oeuvre de ces instructions « Mes patrons m’attendaient avec impatience parce que le Directeur

Régional leur imposait de mettre les bouchées doubles : le programme ACT n’allait pas assez vite, il fallait redoubler d’efforts. Il fallait faire en sorte que les managers soient plus efficaces pour se donner une chance d’atteindre les objectifs. Nous étions une Unité de près de 1200 salariés et en 2007 nous avions pour objectif de faire quitter l’entreprise à 77 personnes (soit près de 7 % des effectifs) et de faire évoluer vers le FRONT OFFICE- en relation directe avec le client- un total de

63 personnes (soit entre 5 et 6 % des effectifs). Mais pour le National les départs n’étaient pas à la hauteur de l’attendu. Pire, le flux des candidatures se tarissait. Or le nombre de candidatures avait un rôle prédictif important. A titre d’exemple, le national avait calculé que le taux de départs effectifs vers la Fonction Publique était de 7 à 8% des effectifs du nombre total de candidatures. Pour ce VF nous concernait, nous avions WO mobilités effectives à faire vers la Fonction Publique, nous avions donc pour objectif d’obtenir 137 candidatures. Du coup, considéré de cette façon-là, ce n’était plus seulement près de 7 % des effectifs de notre Unité VF devaient quitter l’entreprise, mais plus de 20 % des effectifs de l’Unité VF devaient candidater au départ hors de l’entreprise » (page 1 de la déclaration jointe aux NA).

Comme on peut le constater, la déclinaison quantitative de l’objectif de déflation existe dans chacune des divisions, puis au sein de celles-ci, dans chacune des directions opérationnelles VF les relaient au niveau local. Il s’agit de « mettre en mouvement » tous les agents. Le caractère artificiel mais stratégique de l’objectif de déflation des effectifs résulte aussi de la répartition uniforme, entre toutes les divisons, de

< l’effort » de décroissance. Cette répartition identique met en lumière la fabrication de départs non plus volontaires mais forcés.

II- La part variable et le suivi de la transformation du groupe Lors de la convention de l’ACSED du 20 octobre 2006, M. AP a annoncé «Il [M. AN] m’a demandé de présenter lundi au comité de ;

direction générale, un crash program pour accélérer ACT. Donc on ne va plus être dans un discours basé sur un volontariat un peu mou, on va être beaucoup plus systématique » (D74),

Qu’il s’agisse du document en date du 23 octobre 2006 intitulé «< Crash Program

HR: contribution RH aux objectifs du Groupe- CJ AP » découvert dans un des ordinateurs saisis au siège social de WV Télécom (D3328/27 à 81), qualifié de « document de travail » par M. AP lors d’un de ses interrogatoires, ou qu’il s’agisse du scellé M-9, non raturé, examiné à l’audience du 21 mai 2019, tous deux comportent la mention suivante relative à la part variable VF est présentée comme un < pré-requis » aux 2 principaux leviers, « les flux entrées/sorties » et la « maîtrise des frais de personnel » VF y sont annoncés:

< 50% de la part variable des managers et des RHBP (Ressources Humaines

Business Partner) sur l’atteinte des cibles d’effectifs ;

- part personnelle de la part variable de l’équipe dirigeante de 100% sur la cible d’effectifs au S1 07 » (D3328/30).

Cependant, si Messieurs AN, AO et AP ont pu admettre que ce « crash program » avait pu être brièvement présenté au Comité de Direction

Générale du 23 octobre 2006, M. AN n’en ayant personnellement aucun

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souvenir, M. AP a constamment soutenu qu’aucune des mesures qu’il contenait n’avait été mise en œuvre, excepté les Espaces Développement (audiences des 21 et 27 mai). Quant à M. P, il a contesté avoir mis en œuvre un programme dont il n’a pas eu connaissance et VF n’a pas été mis en place, puisque son initiateur, M. AP, a lui-même indiqué qu’il n’a pas été suivi d’effet.

Il n’en demeure pas moins qu’existent, dans le dossier, des documents et

des moignages VF attestent d’un lien entre la réalisation de la réduction des effectifs et la part variable au cours de la période de prévention, et même dès

2006, même s’il n’a pas été confirmé que le poids de cet objectif de déflation dans le calcul de la part variable ait été aussi lourd que mentionné dans le crash program.

S’agissant de 2006, en effet, deux documents attestent de ce lien entre la part variable et les < flux sortants du Groupe » : l’un est un document intitulé « notification du contrat de part variable pour le S1 2006 » envoyé en pièce jointe d’un courriel par M. JB JOURDAN, directeur de l’Outre-Mer, à M. J. Il comprend, parmi les objectifs personnels, le nombre de « flux sortants du Groupe » (D965/15).

L’autre est une note adressée à M. BY AS en qualité de Directeur

Territorial Est, par conséquent postérieure à juillet 2006, et ayant pour objet

«Notification des objectifs PV du deuxième semestre 2006 ». Elle précise : « l’architecture retenue pour construire la part variable des Cadres Entrepreneurs au titre du S2 2006 repose sur les composantes suivantes :

- Performance Entité d’appartenance (50 %)

- Performance individuelle (50%)"

Concernant la performance individuelle, la note liste les « Objectifs du contrat de performance de la DT » suivants:

« cible CDI actifs: 8100 objectif de départ de salariés nés avant le 31/12/51: 310 présents au 31/8/06 objectif de fluidité des cadres: 25.3% des statuts de fonction ont une

-

ancienneté régionale de plus de 5 ans au 1/7/06 » (D 3333/2). Et la note se termine par: «objectifs managériaux discutés lors de l’entretien de progrès »>.

La précision chiffrée de ces « cibles » ne laissent aucu n doute sur la pression qu’elle induit.

Quant à la période de prévention, des documents établissant un lien entre la part variable et l’objectif de déflation des effectifs ont été également découverts.

Il ressort de leur examen et des explications fournies par les prévenus, une architecture assez compliquée, variable selon le niveau de responsabilité occupé par le cadre concerné voire la Division à laquelle il appartient.

Ainsi, peuvent être distingués trois niveaux : celui des membres du Comité de Direction générale ; celui des cadres « Entrepreneurs » au nombre d’environ

800 au niveau international et 350 en WV ; celui des cadres « non

Entrepreneurs '>.

Il convient de les aborder successivement pour comprendre, là encore, comment cet agissement, la mobilisation des managers via la part variable de leur rémunération au service la déflation des effectifs, a pu structurer et dégrader l’activité quotidienne de leurs collaborateurs.

1- La part variable des membres du comité de direction g énérale Excepté M. AN VF a précisé que « La part variable du président est

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31 ème Ch.

définie par le Conseil d’administration et était uniquement liée à des objectifs de chiffres d’affaire et de marges » (D3413/19), M. AP a expliqué que tous les membres du comité de direction générale avaient une part variable VF dépendait notamment de la trajectoire d’effectifs et dont la structure était la même pour tous :

« pour 100 de part variable, il y avait 40 VF venaient de la performance du groupe (critères financiers), 30 VF venaient de la performance de la division de la fonction, et 30 d’objectifs personnels. C’est à l’intérieur de ces 30 que la moitié provenait des trajectoires d’objectifs, donc 15 % de la part variable. Chaque semestre, je proposais au PDG pour discussion l’établissement des objectifs des membres du comité de direction générale, ensuite nous en discutions et il adressait à chaque membre la notification de ses objectifs. Le mail que vous me présentez est un mail VN par un de mes collaborateurs VF a réalisé cette présentation, au directeur de cabinet de EY AN. Il s’en est suivi un échange puis la décision de Monsieur AN » (D3652/6).

Le courriel évoqué par M. AP est relatif aux objectifs de part variable du premier semestre 2006 pour les membres du comité de direction générale et

l’équipe dirigeante (D3185/38/39). Les trajectoires d’effectifs représentent la moitié des objectifs personnels VF représentent 30% de la part variable (D3185/40).
M. AP a versé aux débats un document présentant la même structure de sa part variable pour le premier semestre 2007 (pièce n° 11 de M. AP).
M. HQ RG, directeur de la gestion des cadres dirigeants, de la mobilité internationale et du talent managment à la SG Groupe de 2005 à 2010, a précisé : « une « lettre » était adressée deux fois par an aux membres du comité exécutif (une dizaine de personnes). Cette lettre traitait de la part variable personnelle VF leur était attribuée. Entre 2006 et 2008 (et uniquement sur cette période), ces lettres mentionnaient la nécessité de respecter la trajectoire d’effectifs de leur entité » (D3368/5).

Il n’est pas anodin de relever que cela a été uniquement de 2006 à 2008 qu’une telle < nécessité de respecter la trajectoire d’effectifs» a été imposée.

2- Les cadres Entrepreneurs et la part variable

La situation est moins simple pour les cadres Entrepreneurs.

Certes, M. HQ RG atteste qu’il n’y a jamais eu d’instruction de la

SG Groupe sur la réduction d’effectifs dans les notes de calcul de leurs parts variables, tout en n’excluant pas que certaines Divisions aient pu le faire en agissant ainsi de manière « non conforme aux directives officielles du Groupe » (D3668/5).

Cependant, d’autres éléments apportent la preuve contraire.

Ainsi, M. AD SZ, directeur territorial de la DT Ouest jusqu’au

6 novembre 2006 explique aux magistrats instructeurs : « Par la suite la concurrence

s’est exacerbée et avec le plan NEXT il y a eu la volonté d’aller plus loin dans cette diminution des coûts notamment par les départs. WV TÉLÉCOM a une masse salariale VF représente un coût fixe. Quand les ressources n’augmentent pas, il faut

s’attaquer au coût fixe. Il fallait trouver des solutions concernant la masse salariale.

Question: Quels étaient les objectifs des plans NEXT et ACT?

Réponse: Il y avait un mélange d’objectifs qualitatifs (dans mon souvenir nous étions certifiés) et quantitatifs (liés par exemple au nombre de produits vendus et par rapport au nombre de salariés à la fin de l’année). A titre d’exemple ma rémunération comportait une part variable VF prenait en compte parmi un grand nombre de critères les objectifs liés à la masse salariale et au nombre de salariés à la fin de l’année »

(D2421).

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Mme R-XM XN, directrice de la formation WV, déclare :

« j’étais dans la fonction RH et dans notre part variable collective, il y avait un indicateur VF était lié à l’objectif masse salariale. On subissait ça dans notre part variable, alors qu’on n’était pas embarqués dans cette démarche dans notre fonction formation, mais on sentait bien qu’il y avait une pression par rapport à ça ». Elle précise : « c’était un objectif groupe, c’était une pression du top management pour atteindre les objectifs de déflation d’effectifs » (D2401/8).

L’exploitation informatique a permis la découverte dans son ordinateur, d’un compte rendu d’une réunion du CODIR DFDP VF se serait tenue le 14 septembre 2009. Il est notamment mentionné que: […] il y a une pression très forte et très stressante sur la baisse des effectifs – VF est traduite dans nos objectifs (fonction RH) de part variable; Time VO move" (D2288/39/41).

De même, l’exploitation informatique a permis de découvrir une note signée par M. AP en date du 20 décembre 2007 relative à la part variable des Entrepreneurs pour le premier semestre 2008 (D2288/18/19). Il est mentionné, concernant l’évaluation individuelle, que les challenges du leadership sont notamment : «l’atteinte des objectifs liés aux projets de transformation '> (D2288/22).

Y est annexée notamment une fiche intitulée « évaluation individuelle sur le

Leadership Mode: exemples de critères de progrès » VF décline les six < challenges du leadership » (se focaliser sur le client et le marché, conduire la transformation, développer les talents, progresser, donner du sens, travailler en transverse) avec, en miroir, pour chacun des challenges < les exemples possibles d’objectifs » appelés aussi critères de progrès ou principaux enjeux business.

Et, en tant que « leader de FT», « développer les talents » signifie « la promotion des talents de l’équipe hors de l’équipe » et « la fluidité des salariés depuis plus de 5 ans au même poste » est un critère de progrès (D2288/22). Mme M a expliqué que concernant les parts variables,
M. CXOT avait liffusé une note de cadrage aux entrepreneurs, et
M. P à l’ensemble des responsables en WV pour présenter

l’articulation. Elle a ajouté: « Il est important de préciser concernant les parts variables que pour éviter l’arbitraire il était demandé des objectifs Spécifiques,

Mesurables, Atteignables, Réalistes et Temporellement définis dans le temps, appelés SMART. Cela permettait de cadrer les responsables VF devaient définir les objectifs '> (D3692/19-20).

Enfin, sur un tableau de synthèse repris ci-dessous, transmis le 12 février 2007

à Mme AK figurent les résultats, exprimés en pourcentage, des objectifs individuels et collectifs de chacun des directeurs territoriaux. Au nombre des objectifs individuels récompensés, on relève la « décroissance du nombre de salarié nés en 1951 ou avant » et « la décroissance du taux de cadres ». (D3367)

Ce tableau vient en écho d’un document déjà examiné, intitulé « Objectiver les acteurs pour réussir les objectifs ACT en 2007 » retrouvé dans l’ordinateur de

l’assistante de Mme AK (D3350/2 – 1.2-2). Ce document fixe aux SG et aux DT, parmi les objectifs personnels, le « nombre de départs Groupe ».

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31 ème Ch.

Collectif 20,35%. 26,04% 22,73% 25,15% 23,78% 25,63% 23,75% 23,00% 74,76%

Performance WV 25% 12,98%, 12,95%. 12,96% 12.95% 12,95% 12,95% 12.96% 12.96% 12.96% 12,965

[…]

$2.88% 12,42% WP,07% 9,76% WO,57% WP,67 % VO 03%

WO,79%

11,80% 12, WO% WO.02% DO (moyenne des UO) 5% 1,79% 2,WO% 2,07% 2,11% 2,26%

1,82%

2,28% 2,45% OT (FAT, Blux sortants. dép vera trant, CAS SPS) 20% 11,09% WO.32% 11.00% 7,66%

$.31% 11.15% 8,37%

Individuel 53% 9,48%) 9,48% 4,48% 9,42% 9,48% 9,07% 9,48% 9,48%

Objectifs CDIACTIF 9,48% 9,48% 9,48% 9.48% 9,42%

$,48% 9,07% 9.48% 9,48% 9,48% décroissance du nombre de salariés nés on 1951 du avant

-46,0996 -62.30% -79,43% -59.93% -52,69% -72,28%

-66,23% -3.64%

-67.55% -30.45% fluidité des cadres: décroissance du taux de

-32,00% -1,50% sout/fin déc

-- 29,706 1,36%

+9,38 % -34.0% -8,54% 44,45%

-24.49% fluidité des cadres: décroissance du box fin juin/in dec

-27,16%

-WP,80% -WO,38%

-2.70% -33.36% -11,35% -44,45%

-7,65% -36,35% Ruidité des cadres: décroissance du taux dec/fin der

-7.50% 1.36% -20,70%

-44.45%

-802% 2,98% -24,49%

0.00% 0.00% 0,00% 0,00% 0.00% 0.00% 0.00% 0.00% 0.00% 0.00% Objectile managériaux Et 30% 0,00%

15,32% 34,86% 35,52% 31.711 32,95% 29.11% 32,83% 32,48% 34,247 34,63% Total

33,26%

Il est à noter que concernant l’objectif individuel intitulé « décroissance du nombre de salariés nés en 1951 ou avant », M. AS, directeur de la DT Est, figure en tête du palmarès des directeurs territoriaux sur cet objectif dit personnel qu’il

a atteint à hauteur de 73,43 % (D3367/3). Au sujet de ce succès, M. AS a précisé qu’il ne s’agissait que de communication sur le dispositif CFC pour éviter que les salariés aient des regrets après sa disparition au 31 décembre 2006 (D3682/19).

Le montant de sa part variable pour le premier semestre 2007 (28 140€) représente 46,9 % de son salaire fixe. La moitié de cette somme lui est octroyée pour récompenser ses résultats sur les objectifs personnels (D3319/4 Scellé J-UN feuillet 2 et 73).

3- Les cadres non Entrepreneurs La déclinaison territoriale apparaît contrastée pour les cadres non

Entrepreneurs.

Ainsi, lors sa déposition devant le tribunal, M. CR, auteur du livre

Crash program et directeur adjoint en 2006 d’une unité comprenant 1000 agents, a expliqué que la part variable manager (PVM) « valorise financièrement les résultats et la qualité de travail d’un cadre. L’intéressé lui accorde aussi une valeur symbolique de reconnaissance. Une brusque baisse de cet élément théoriquement d’appréciation est un signal que l’intéressé doit comprendre comme une disgrâce dont il doit tirer les conséquences ». Mais il a déclaré : « Autant on était incité, autant je n’ai pas vu

l’objectif de déflation dans l’entretien individuel. Je n’ai pas non plus vu de primes dans le cadre de l’atteinte de la déflation. Mais qu’un cadre bascule low manager s’il fait preuve d’un manque d’enthousiasme, alors là oui. » (NA 20/05/2019 page 47).

Effectivement, dans la note de cadrage sur les parts variables des non

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Entrepreneurs, signée par M. P le 30 janvier 2007 (D3185/8-17), ne figure aucune référence à la part variable. Et à l’audience du 21 mai 2019,
M. P a indiqué : « j’ai signé une note en date du 29 janvier 2007 que

j’ai envoyée aux patrons de divisions. Dans cette part variable, j’en fixe les règles générales : il y a une part collective et une part individuelle. VF d’autres que les patrons de divisions pour fixer les objectifs? Certains sont au COMEX.

Ainsi pour les bandes F et G (D3185/WO), la part collective e st de 50%, comme la part individuelle »>.

En revanche, les documents suivants attestent que dans certains services, tels ceux des Ressources humaines, le lien entre la part variable et la déflation des effectifs était patent.

Dans un courriel VN à plusieurs cadres d’unités le 25 mars 2007, M. Y BY VU, SG à la Direction Territoriale Centre Est, écrit : « Au total 41 départs actés, nous en avions prévisionné une centaine sur 2007 mais comme nous sommes en retard sur les PPA, il ne faut surtout pas se priver d’en faire plus. Vous avez dans ce tableau tous les potentiels possibles, vos SG ont les listes. Cette situation démontre la nécessité de travailler ces possibles départs : c’est un objectif majeur pour l’entreprise.

La condition de réussite est que chaque situation soit examinée attentivement par votre équipe RH et le manager concerné. Il est indispensable que vos chefs de département s’approprient cette priorité. Je rappelle à ce titre le dispositif convenu sur la partie individuelle des parts variables sur le S1 2007: 50% de cette part individuelle en fonction de la contribution à la

Transformation de notre entreprise » (D3004/3).

Dans un document intitulé « départs externes SCE S2 2007-2008 » joint à un courriel du 24 septembre 2007, Mme VV VW VX, SG de SCE, explique : « il serait souhaitable pour nous aider à booster de rappeler à chaque Mi son objectif pour cette fin d’année (celui que nous avions suivi jusqu’à présent ?) et leur indiquer que cela est pris en compte dans la part individuelle de leur bonus »

(D3186/2).

Le document précise concernant le bilan des départs externes à fin août 2007 : « 143 départs soit 51% de l’objectif initialement notifié (279) est atteint à fin août, et 211 soit 76% prévu en fin d’année […]. On observe un retard essentiellement sur les dispositifs de type essaimage, PPA » (D3186/4). Il est rappelé que : « seul le manager est en position de comprendre, détecter, mettre en mouvement les salariés » (D3186/24).

Enfin, dans l’ordinateur de M. CP, il a été découvert une note signée par
Mme GI M, SG WV, en date du 8 octobre 2008 détaillant la mise en œuvre de la part variable pour les cadres non Entrepreneurs de la SG WV (D2288/3 et 2291/2). Les finalités de la part variable y sont énoncées comme suit :

1 « Promouvoir l’ambition d’un groupe intégré conform ément à NEXT et soutenir notre engagement Act

2 Renforcer le levier managérial pour piloter, différencier et récompenser la performance individuelle

3 Établir une relation directe entre la part variable et la performance individuelle et celle de l’entité » (D2291/5).

Le montant de la part variable dépend de la performance individuelle (60%) et de la performance de l’entité d’appartenance (40%) dans la réalisation des objectifs business et des objectifs Ressources Humaines (RH), chacun de ces objectifs étant

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31ème Ch.

composé de plusieurs critères dont la valeur de chacun est détaillée.

Les critères RH de la performance collective et la valeur attachée à chacun de ces critères au 31 décembre 2008 sont décrits comme suit (D2291/7-WO):

• Mobilités vers les secteurs prioritaires: objectif de 2 500 mobilités au 31 décembre

2008 : 40%

• Mobilités externes: objectif de 4 900 mobilités externes au 31 décembre 2008 : 40 %

• Coût de la fonction RH: objectif de 89 M€ au 31.12.2008 : 20 %

Concernant les critères de la part collective, il est stipulé que « le seuil de déclenchement est fixé exceptionnellement à 80% d’atteinte des critères mobilités vers les secteurs prioritaires et mobilités externes » (D2291/WP).
Mme M a précisé que « le seuil fixé à 80 % » signifie que si l’objectif et la trajectoire n’étaient pas atteints à 80 %, ce critère-là n’était pas mis en œuvre

(D3696/20).

Autrement dit, la diminution du coût de la fonction RH étant étroitement liée à

l’objectif dit de mobilité externe, 60 % de ce critère de déclenchement de la prime dépendait prioritairement de la capacité du manager « à faire partir les gens ».

A l’audience et dans ses écritures, Mme M fait relever que cette note est destinée à un nombre restreint de collaborateurs du groupe « les cadres non entrepreneurs de la SG WV », c’est-à-dire environ 1 000 personnes, et rappelle que la SG WV, à cette époque, ne comprend ni les Services Partagés ni OPF.

Enfin, elle souligne que l’impact concret sur le montant des parts variables était minime (D3875/20).

Cependant, il convient de remarquer que cette note concerne les personnels RH des services, que les résultats attendus (2 500 mobilités internes et 4 500 mobilités externes) correspondent aux attentes au niveau national, et que la partie de la part variable correspondant aux critères RH pèse près du quart du total de cette part.

Certaines divisions ou directions ont pu ne pas s’emparer de la part variable pour mobiliser leurs agents dans l’atteinte de l’objectif de déflation des effectifs. Toutefois, cette pratique existait bel et bien à OPF et dans les services RH puisqu’elle a dû être officiellement stoppée par une décision n°50 en date du

19 octobre 2009 signée de Mme M (D3185/68).

Il est donc établi qu’au cours de la période de prévention, en tout cas de 2006 à 2008, la part variable des membres du Comité de Direction Générale, de certains Entrepreneurs dont les directeurs territoriaux et de certains cadres, notamment des services RH, était indexée en partie sur la réussite de la baisse des effectifs. Cette corrélation décidée à un niveau stratégique et dans le cadre d’un environnement par ailleurs instable et de réorganisations constantes peut être qualifiée d’agissement harcelant par l’objet qu’elle visait, à savoir mobiliser la hiérarchie intermédiaire pour obliger des agents à quitter l’entreprise.

III- La formation des managers, l’EMF et « Réussir ACT », au soutien de

l’objectif de déflation par la professionnalisation des méthodes de management Le vaste sujet de la formation des agents de WV Télécom a été QW lors des interrogatoires des mis en examen, a fait l’objet de notes détaillées (D2524) et de nombreuses pièces versées au dossier. Il a été évoqué lors des audiences, notamment les WP et 24 mai 2019, et a donné lieu à de longs développements dans les écritures, notamment, de la personne morale WV Télécom, de messieurs AP et

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P ainsi que de Mme M.

C’est au dossier et à ces écritures qu’il conviendra de se reporter pour connaître l’architecture des nombreuses structures en charge de la formation professionnelle chez WV Télécom ainsi que l’organisation de son offre. Le sujet ne sera repris ici qu’à l’aune de deux volets intéressant directement les faits reprochés aux prévenus, qu’ils ont contestés unanimement avec force d’une part, l’indigence ou l’absence de formations puisque la prévention vise, parmi les onze agissements visés comme harcelants, des formations insuffisantes voire inexistantes », d’autre part, l’analyse des magistrats instructeurs selon laquelle « Les documents découverts en perquisition comme les auditions de certains témoins démontrent que l’EMF a été l’un des outils stratégiques mobilisés pour notifier aux managers l’objectif de réduction des effectifs et les moyens d’atteindre cet objectif » (ORTC page 141).

Ainsi, dans un premier temps sera évoqué l’effort de formation engagé par l’Entreprise dans le cadre du programme ACT (1), et, dans un second temps, un focus sera consacré à l’Ecole du Management WV inaugurée par M. AP début décembre 2006 et à la formation qu’elle dispensait (2).

Il s’avère que s’il ne peut être établi un lien entre les insuffisances ou inadaptations des formations exprimées par certains agents et une stratégie d’entreprise visant à les en priver, en revanche, il existe des éléments suffisants pour prouver que la formation des managers à l’Ecole du management WV a contribué à servir l’objectif de déflation des effectifs en le martelant, d’où une banalisation des départs et mobilités forcés dans l’esprit des managers formés.

1- Le programme ACT et l’effort d’investissement dans la formation professionne lle De 2002 à 2005, les organisations syndicales ont dénoncé les « années noires '> de la formation professionnelle chez WV Télécom, en lien avec la logique d’économie dans le cadre du plan TOP de 2002 à 2005.

Ainsi, dans son guide du personnel de 2005 communiqué le 12 juin 2009 par le syndicat SUD, ce syndicat critiquait vivement le désengagement de WV Télécom : « Pendant des années, WV Télécom s’est soustrait à ses obligations en la matière.

La situation s’est beaucoup dégradée ces dernières années : baisse de la moitié des dépenses en formation, fermeture des instituts de formation, formateurs redéployés…» ; « Il convient d’être vigilant sur ces questions [de formation d’adaptation au poste de travail]. Dans de nombreux cas, les agents sont censés se former sur le tas, sur leur poste de travail, ce VF ne garantit pas les meilleures conditions. Avec le programme TOP, les formations sont de plus en plus données au compte-goutte et à coût minimum, d’où une utilisation discutable du e-learning » et

« Ces formations [qualifiantes et diplômantes] sont aujourd’hui en net recul à WV Télécom. WV Télécom juge aujourd’hui ces dispositifs trop contraignants. Nous considérons qu’il y a un manque aujourd’hui de véritables dispositifs de formation qualifiante dans l’entreprise, en particulier pour permettre aux personnels VF changent de métier d’obtenir des qualifications nouvelles ».

Les nombreux bilans sociaux de WV Télécom versés aux débats confirment ce désinvestissement massif des années 2002 à 2005 en matière de formation professionnelle.

Il s’avère que le programme ACT prévoit une augmentation de 25 % des investissements en formation professionnelle, bien au-dessus, selon les prévenus, des obligations légales. C’est ce qu’annonce M. AP lors du CCE des 7 et 8 juillet 2005:

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31ème Ch.

«L’effort de formation au sein du Groupe WV Télécom représentait, en 2004,

3,6% de la masse salariale puis représente 3,75 % de la masse salariale en 2005. Ce dernier chiffre est une estimation puisque nous sommes en cours d’année. L’année

2006 sera une première étape d’une augmentation de 25 % annoncée par le président

AN pour atteindre 4,1 % de la masse salariale à l’horizon 2007-2008 » (pièce n°1 de M. AP, PV de ce CCE page 113).

Il est à noter que si pour la CFDT et la CGT, « le chiffre de 4,1 % de la masse salariale consacré à la formation professionnelle est supérieur aux obligations légales », pour la CGT, ce pourcentage de 4,1 % est jugé insuffisant : « La véritable question est de savoir pour quelles causes la formation n’était pas au centre des préoccupations ces dernières années. En 1997, 7,42 % de la masse salariale étaient consacrés à la formation. Cet effort de formation est descendu jusqu’à 4,44 % en

2002. Par conséquent, l’objectif de 4,1 % en 2006 n’est même pas équivalent à l’effort produit en 2002 » (page 124).

Dès la fin de l’année 2006, WV Télécom dépasse ses prévisions initiales

d’investissement en formation professionnelle sur les trois années du plan ACT. Comme il ressort de l’instruction, < les indicateurs d’évaluation du Groupe attestent de ce que plus de 2 610 000 heures de formation ont été suivies, soit en moyenne plus de 26 heures de formation par salarié. Ces données dépassent les prévisions fixées par le plan de formation lequel avait prévu un objectif moyen de 22,5 heures de formation par salarié » (D2524/6).

Les magistrats instructeurs ont précisé que le budget de formation a connu une augmentation conséquente, passant de 147 millions d’euros en 2004 à 270 millions

d’euros en 2008, soit près de 84% d’augmentation en quatre ans.

Au cours de la période de prévention, la formation des agents a augmenté de manière notable puisque le nombre d’heures moyen de formation par salarié, VF était de 15,2 en 2004, est passé à 26,3 en 2006 et à 28,6 en 2007 (D2533/WP, D2527/3). C’est ce que retient l’ordonnance de renvoi VF rappelle « son souci de maintenir un budget de formation à hauteur des enjeux de la transformation de l’entreprise »

(ORTC, p.633). Concrètement, comme l’indique M. II CP, directeur des orientations et plans de formation depuis 2005 : « je sais que le temps de formation par salarié a été multiplié par 2 depuis 2005. On est passé de 15 heures par an par salarié à 32 heures par an par salarié » (D2399/5). C’est encore ce qu’indique
M. Y-HK XO, directeur de la formation et du développement professionnel de 2006 à 2008 (D2739/3).

C’est aussi ce que M. P a rappelé lors de sa déposition en tant que témoin : la transformation était accompagnée d’un « budget d’accompagnement de la formation qu’aucune entreprise française n’a mis en œuvre » (D3671/2), propos confirmés lors de l’audience du 20 juin 2019.

Il ressort également du dossier et des conclusions, qu’afin de faciliter

l’accompagnement vers les postes considérés comme stratégiques ou appartenant à des secteurs prioritaires, il est mis en place des parcours de professionnalisation « pour soutenir les évolutions des compétences des collaborateurs dans le cadre de la Gestion

Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, de la transformation des activités du

Groupe et de l’accompagnement du comblement des postes stratégiques ».

Ce parcours de professionnalisation intervient « en soutien d’un projet professionnel nécessitant de forts changements de compétences et conduisant à une mobilité fonctionnelle et/ou géographique » (D2529/3). Ses conditions et son contenu sont définis dans le cadre de l’entretien individuel. La formation suivie dans le cadre de ce parcours peut être validée par un diplôme ou un certificat. A cet effet, WV

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Télécom a développé des partenariats avec des Universités et des Grandes Écoles prestigieuses (D4061/40). Ces parcours de professionnalisation donnent en outre droit à une prime de 12% du salaire brut, grâce à la décision DRHF/GPC/78 du 14 décembre 2006 intitulée « Prime de parcours de professionnalisation vers un poste stratégique et/ou prioritaire ».

De surcroît figure dans le dossier une présentation, dans cadre de la négociation de la GPEC de février 2008 avec les organisations syndicales, VF récapitule l’effort massif de formation entrepris par WV Télécom (D2913/21).

Enfin, les bilans sociaux 2002 à 2010 versés aux débats pendant l’audience sont également probants quant à l’augmentation nette des moyens alloués à la formation, à destination de l’ensemble des salariés de WV Télécom (cf conclusions de
M. AP page 24 et 25).

C’est aussi ce que relève, dans son rapport d’étonnement d’août 2009, M. AL de CZ, directeur Grands Comptes Commerce, Transport, Tourisme et Médias au sein d’OBS (ex-SCE): « La formation : c’est un HT très fort de l’entreprise mais VF me semble insuffisamment valorisé : les salariés ne réalisent pas leur chance, l’importance de l’investissement formation et la qualité des formations dispensées. Le fait que le sujet de la formation soit QW 2 fois par an dans le cadre des El est en soit déjà exceptionnel. J’ai trouvé toutes les formations auxquelles j’ai participé de très grande qualité. J’ai également été impressionné par les moyens investis par le Groupe pour développer les compétences de ses top managers, par l’intermédiaire d’Orange University » (D3185/20).

Au sujet d’Orange University précisément, M. AP a expliqué qu’il en présidait le comité de pilotage depuis sa création, en octobre 2003. Cette Université d’Entreprise («< WV Télécom Group University » ou « FTGU ») a pour objectif de diffuser une culture du management commune aux 800 cadres dirigeants dit

< entrepreneurs » du Groupe WV Télécom. Une des directrices de cette structure, Mme IB GOAVEC, également directrice de la communication interne Groupe de 2004 à 2011 et rattachée directement à M. AP, lui a remis une attestation (en date du 24 juin 2019 jointe en pièce 2 aux écritures). Elle y témoigne de l’implication personnelle d’CJ AP dans le développement des compétences managériales des cadres au sein de l’Université d’Entreprise : « CJ AP se désolait du manque de discernement managérial de cette entreprise. C’est à cause même de cette défaillance humaine, qu’il a créé à l’Université une formation longue sur le sujet pour les entrepreneurs (le top management international): Leadership et Commitment. Il fallait les ouvrir sur les émotions humaines, sur l’art du discernement, la prise de recul. [CJ AP] venait quasiment à toutes les sessions de l’Université pour conclure. Il parlait sans cesse du rôle des managers, de la dimension humaine de leur travail, de la nécessité de savoir discerner, de savoir gérer le ET (on peut être humain ET suivre les objectifs, mais avec discernement) et pas que le OU (soit on est humain, soit on est dans le quanti) ». Ce que ce dernier a fait valoir à l’audience du 24 mai.

En conséquence, il ressort de ces éléments qu’au cours de la période de prévention, WV Télécom a indiscutablement développé la formation professionnelle.

Certes, à l’occasion de l’examen de la situation et du parcours professionnel des 39 victimes nommément désignées dans la prévention, il est ressorti que certaines d’entre elles, notamment messieurs AE, D,

DA, DB, DC et DD, avaient souffert d’un

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31 ème Ch.

manque de formation ou de formations inadaptées. Si le grief s’avère parfaitement fondé, il ne peut pas être directement rattaché à une politique d’entreprise visant à appauvrir ou à réduire l’offre de formation. Il s’explique davantage par des contextes locaux, et apparaît comme une technique anxiogène de certains managers de proximité pour, en privant

l’agent d’un accès à la formation, l’inciter à se poser des questions sur son avenir dans l’entreprise comme M. CR l’a expliqué clairement à l’audience

(page 3 de sa déclaration jointe aux NA du 20/05/2019).

Cette augmentation du budget de formation est à saluer. Cependant la formation à l’EMF a été utilisée à d’autres fins comme démontré ci-dessous.

2- La formation des managers, Réussir ACT et l’Ecole Management F rance Dès juillet 2005, lors de la présentation du programme ACT au comité central d’entreprise, M. AP a annoncé la création d’une école du management. En octobre 2006, devant les membres de l’ACSED, il a précisé « le dispositif école de management est conçu pour faire passer 4 000 personnes en 12 mois» (D74/7,

289/7).

L’École du Management WV (ci-après « EMF ») a été inaugurée le décembre 2006 (D3028). Dirigée par M. EQ DE, elle est rattachée à la Direction du Développement Professionnel de la SG WV, elle-même dirigée par M. Y-HK XO.
M. AP et Mme M ont formellement contesté avoir été membre du comité de pilotage de l’EMF, dont étaient membres en revanche M.

P et Mme AK (NA 24/5/2019 page 36).

Compte tenu du rôle qu’a tenu l’EMF dans la politique de départs forcés, rôle révélé par les critiques formulées par certaines des personnes ayant suivi les formations de l’EMF et par la teneur de documents saisis par les enquêteurs, mais aussi en raison de la participation personnelle de Mme M à une partie de la formation, il convient de revenir sur la portée et le contexte de l’EMF tels que les prévenus les conçoivent, puis d’examiner les éléments VF prouvent le conditionnement auquel les managers étaient soumis en vue de dégrader les conditions de travail de leurs collègues pour faciliter leurs départs.

2-1. L’EMF: un passage obligé pour l’encadrement Entendu par les enquêteurs, M. Y-HK XO a évoqué la mission que lui avait confiée M. AP : « À cette période, M. CJ AP que j’avais rencontré dans la région, car il présentait le plan ACT, m’a proposé le poste de directeur de la formation. L’objectif était de transformer le métier des techniques vers celui de commercial. J’ai accepté le chalenge, je suis remonté prendre ces fonctions sur Paris et j’y suis resté 2 ans avant de partir à la retraite à 55 ans » (D2739/2).

Au cours de l’instruction, M. AP a présenté le contexte et la portée de

l’Ecole du Management : « Il y avait 350 cadres dirigeants VF suivaient des formations à l’université Orange, ce sont eux VF sont appelés « entrepreneurs ».

L’école de Management (EMF) était destinée aux collaborateurs directs de ces entrepreneurs, soit environ dix personnes par cadre dirigeant. Pour l’essentiel cela représentait les gens VF rapportaient directement à un cadre dirigeant plus les gens VF ne rapportaient pas à un cadre dirigeant mais VF avaient des équipes importantes

» (D2508/6, D1559/20). Et il a constamment soutenu que « l’objectif de I’EMF était de donner les moyens aux managers d’accompagner les salariés dans les transformations du Groupe » (D2508/6). C’est aussi ce qu’indique le bilan social 2006 : « l’année 2006 a également été marquée par la création de l’Ecole du Management WV destinée à développer les

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capacités de leadership et à unifier les pratiques managériales de quelque 3 000 managers du Groupe FT en WV » (D4067/32).
Mme AK a déclaré que «Tous les directeurs de départements ou équivalent en WV étaient concernés par cette formation » (D3676/7).

La formation assurée par l’EMF a effectivement été suivie, entre décembre

2006 et 2008, par tous les managers auxquels elle était destinée.

Et l’engagement des managers dans ce cursus faisait l’objet d’un suivi dont Mme AK était destinataire comme en atteste le bilan du 2 e semestre 2007 que lui a transmis le directeur de la DT Sud, dans lequel on peut lire à la rubrique

< participation École du Management » : « Tous les managers éligibles de la DT sont engagés dans le cursus, soit 11 managers. Fin 2007, 60 managers ont terminé le cursus (54%) » (D3205/8).

A l’audience, M. P a rappelé le succès de la formation : « On avait un système de sondages des cadres ayant fait la formation envoyé par l’Ecole. Le sondage était compulsé par M. DE. Le taux de satisfaction était BU […]. On ne peut pas être contre l’Ecole du Management » (NA 24/5/2019 page 36).

2-2. Une formation révélatrice des enjeux : « Réussir AC T » La Direction de la Formation Professionnelle de la SG WV a conçu un programme de formation complet composé d’un cursus commun obligatoire, lui même composé de quatre modules de formation : « s’approprier NEXT »> (D2531 et D1559/18), « Réussir ACT » (D86), « leadership » et « piloter la transformation »>, ainsi que de modules optionnels (D2122/4 et D1559/20). Le cursus commun obligatoire est composé de WO jours de formation sur une période de 9 mois maximum

(D2122/6).
M. EQ DE, le directeur de l’Ecole de Management WV, a expliqué qu’à son arrivée à la tête de l’EMF en 2006, le planning de formation était déjà fait pour les deux ans à venir, et a précisé ne pas avoir été impliqué dans la détermination du contenu des formations (D3694/5-7).
M. DV CR, directeur adjoint d’Unité en 2006, a remis aux enquêteurs plusieurs supports de présentation de la formation dispensée à l’EMF datés d’octobre et décembre 2006 VF présentent le cursus à suivre. Dans l’un d’entre eux, «Direction du développement professionnel '> décembre 2006, avec les logos

d’Orange et de FT, VF présente le programme de la formation, il est indiqué (D1559/

20) « l’école du management WV, un enjeu fort Professionnaliser le management dans le cadre du programme NExT/act. (…) Le X concerné: Tous les N-1 des entrepreneurs WV ainsi que certains managers de managers d’équipes importantes ou chefs de projet avec une forte composante d’animation transverse.

Le programme : Un cursus commun obligatoire & un cursus optionnel sur des thèmes tels que la culture juridique, l’innovation, la culture de gestion, l’efficacité personnelle… »

Le cursus obligatoire prévoit, notamment:

- une journée VF se déroule sur le site de la direction territoriale intitulé « S’approprier NEXT '> deux journées à l’EMF intitulées « Leadership Écouter et mobiliser » [devenu « Réussir ACT » animé par RW RX]

- deux journées à l’EMF intitulées « Leadership: s’engager et faire s’engager »

- trois journées à l’EMF intitulées « Manager l’emploi et les compétences '>

- deux journées en DT intitulées « Piloter la transformation '>. Et il est précisé : "La mise en place de ce cursus de 12,5 jours doit être suivie par les

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managers concernés sur une période allant entre 6 à 9 mois maximum".

Et dans sa dernière partie sur le titre « Questions fréquemment posées », il est précisé :

< Les modules < 180° », « Leadership » et « Manager les hommes et les équipes » abordent les éléments de la stratégie NEXT et de son volet Rh Act partagés au niveau national. La mixité géographique permet la création d’un réseau de managers au niveau national »>.(D1559/43)

Dans un autre document, il est précisé que le démarrage de la première promotion est le 6 décembre 2006, et que pour la ière ce sera le 6 octobre 2008

(D1559/54).

Au sujet du module « Réussir ACT », lors de son audition par les enquêteurs,
M. HD DF, responsable du centre de compétence ressources humaines du département RW CONSULTINGS de la société SOCIETE SOPRA GROUP, a livré les éléments suivants (D2852): « La société RW RX domiciliée à Neuilly-sur-Seine, filiale de SOPRA GROUP, a été sollicitée début 2006 par la société

WV TELECOM, pour répondre à un appel d’offre sur un module de formation, à l’époque, relatif à la gestion de l’emploi et des compétences. Nous avons répondu et avons été retenu en fonction de la proposition commerciale que nous avions fait.

C’est la direction de la formation de WV Télécom VF pilotait le choix de la prestation. Le directeur de la formation avec VF nous avons commencé à travailler

s’appelait M. Y-HK XO, VF est parti à la retraite depuis. Il y avait aussi une chef de projet dont j’ai oublié le nom. Y-HK XO et la responsable de projet nous ont demandé de commencer le travail de conception d’un module de formation d’une durée de deux ou trois jours. En avançant dans notre travail, nous avons été amené à rencontrer différents acteurs de la SG de WV Télécom pour avoir des éléments internes, et c’est là que nous avons identifié le fait que la politique de l’entreprise concernant l’emploi et les compétences était principalement porté par un dispositif appelé ACT, De mémoire, il est à noter que les négociations sur la GPEC (Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) avaient échoué, donc la direction de WV Télécom

a monté un dispositif de gestion des emplois et des compétences qu’elle a nommé ACT. Dans ce plan ACT, il y avait des dispositifs relatifs aux mobilités internes externes, les actions d’accompagnements proposées aux salariés dans le cadre de ces mobilités. Par rapport à notre action de formation, il nous a été demandé de construire un module destiné aux managers intermédiaires, c’est-à-dire essentiellement les responsables de département, pour leur permettre de s’approprier les éléments de gestion des emplois et des compétences et de jouer un rôle de conseil auprès de leur collaborateurs, dans le cadre de leur mission de manager. EQ DE, le responsable de l’École du Manager WV (EMF), était notre interlocuteur opérationnel.

Dans ce cas là, on prend les éléments internes de la société, on fait un travail pédagogique VF est par la suite validé par le client avant que l’on commence à animer les formations […]

Question: Le volet ACT du plan NEXT prévoyait une déflation de 22 000 postes sur 3 ans, dans le groupe. Vous était-il demandé d’apprendre aux managers d’inciter et d’accompagner leurs compagnons vers les mobilités demandées par la direction ?

Réponse: Non. Ce VF nous était demandé, c’était d’aider les managers à évoquer la question du parcours professionnel en expliquant à leurs collaborateurs, la stratégie de l’entreprise et en veillant à ce que chacun d’eux, ait les informations et l’appui nécessaire à la réalisation de leur parcours professionnel.. On était pas là pour promouvoir telle ou telle solution. Nous travaillions pour la SG, j’insiste là dessus et donc la SG souhaitait qu’on donne les éléments aux managers pour accompagner

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au mieux les salariés, en leur présentant les dispositifs à disposition en terme

d’orientation professionnelle et de formation.

Notre rôle était donc d’apprendre aux managers à présenter aux salariés, ce VF était en jeu, c’est à dire que l’entreprise était en réorganisation et donc, il fallait accompagner les salariés dans ces réorganisations, dont parfois des fermetures de sites.

Il y avait des mobilités vers la fonction publique pour les fonctionnaires, des parcours professionnels accompagnés pour les projets professionnels, accompagnement à la mobilité externe et interne, etc.

Il se trouve que dans la presse, notamment un reportage télévisé, il était évoqué des situations managériales conflictuelles, je ne suis pas au courant de tout ce VF s’est passé dans l’entreprise, mais je peux témoigner que nos interlocuteurs RH nous on toujours demandé de faire passer des messages d’écoute, de respect et

d’accompagnement des salariés. Qu’il y ait eu des divergences d’approche au sein de la direction de WV Télécom.

c’est possible.

L’objectif affiché clairement était la suppression de 22 000 postes, l’embauche de 6 000 salariés et WO 000 changements de métier par mobilité interne.

Sur la validation des contenus de formation et l’esprit de la politique du groupe j’étais en lien avec GI M, VF était à l’époque directrice du développement des ressources humaines du groupe. Elle était N-1 ou N-2 d’CJ AP le SG groupe de l’époque.

Le cadrage donné par GI M et l’esprit qu’elle nous a donné était celui de transmettre l’écoute et l’accompagnement des salariés. Je tiens à préciser que je n’avais que 2 jours pour passer cette formation.

Nous avons déroulé cette formation de mi-2006 à fin 2007 début 2008.

Sur l’opérationnel j’étais en lien avec EQ DE de l’EMF sur la planification des sessions et l’évaluation des participants.»

Au sujet du déroulé lui-même de la formation, M. DF a précisé : « La

1ère matinée était consacrée à une table ronde composée de représentant de la direction de WV Télécom. Il y avait un directeur métier, un directeur territorial et un représentant de la SG.

Ces membres présentaient les éléments de la stratégie de WV Télécom, de la politique RH, et nous étions là pour favoriser l’échange, le [ dialogue ] entre les participants et la direction. C’était la 1ère séquence, le matin.

L’après midi, on travaillait en atelier sur les rôles respectifs, c’est à dire le rôle du manager, le rôle du responsable RH et celui de l’Espace Développement et la coopération entre les 3.

Le 2ème jour, c’était les mises en situation pour réfléchir avec les managers sur comment aborder le thème de la mobilité, comment aider ses collaborateurs à réfléchir à un projet professionnel dans le contexte de transformation de WV Télécom

L’après midi, c’était des mises en situations centrées sur comment mobiliser et accompagner les managers de proximité » (D2852/4).

Le support de cette formation < Réussir ACT » daté de février 2007 figure au dossier (D2122) et a été examiné à l’audience. Son objectif est d': «< Accompagner les managers dans le développement de leur leadership et le renforcement de leur capacité

à piloter la performance par la gestion de l’emploi et des compétences »>. A la 18ème page, au sujet des ateliers, leurs thèmes tournent autour de la « mise en mouvement » : « Cas étape 1: définir le type de mise en mouvement » ; «< Cas étape 2: définir les modalités de la mise en mouvement, travailler sa posture de

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manager ; < Cas étape 3: travailler les résistances, maitriser les risques ». Puis s’enchaînent les pages relatives à la Journée 1 de < Réussir ACT »>.

Les premières pages rappellent les enjeux, à savoir un net ralentissement de la croissance du marché des télécoms et un déclin du fixe », « notre progressivité, en progression constante, reste une des plus dégradées des opérateurs européens » avec un tableau comparatif (/23), « une pyramide des âges déséquilibrée » (/24), avec, notamment, fin 2006, les effectifs actifs comprenant les CDI et la CDD, une moyenne d’âge de 44,6 ans pour l’effectif de FTSA s’élevant à 99 900 personnes alors que celle des filiales WV n’est que de 36,4 ans pour un effectif de 8 988 personnes, soit au total une moyenne d’âge de 44 ans pour l’effectif total du Groupe WV s’élevant à

108 888 personnes.

Quant aux annonces de NExT», elles sont présentées comme étant « une équation emploi ambitieuse mais réaliste ». Les variables de l’équation sont déclinées dans une première colonne comme suit : « plus de WO.000 mobilités vers les métiers des secteurs prioritaires, 6.000 recrutements en WV dans les métiers clés et 22.000 départs Groupe », et dans la colonne de face : « (…) augmentation des investissements en formation, recrutements de contrats en alternance, dispositifs de mobilité externe (CFC, PPA etc…) ».

En bandeau, en bas et en gras, il est conclu: < 2006-2008: diminution nette des effectifs Groupe WV de 16.000 »>. (D2122/26)

Le titre de la page suivante est : « 2006 une dynamique résolument engagée, résultats Groupe WV ». Un tableau compare, en les détaillant (retaites, CFC, Mobilités Fonctions publiques, autres), les « prévisions NEXT: 9.400 départs et 2 000 recrutements » et les « départs et les recrutements réalisés en 2006: WO.300 départs et 2 400 recrutements ».

Et dans un bandeau en bas de page, on annonce les résultats obtenus en 2006 : « diminution nette des effectifs Groupe WV: 7 900 »

Enfin, s’agissant des « mobilités vers les secteurs prioritaires », elle précise :

- « 2000 mobilités vers le secteur prioritaire de la relation client 760 entrées sur des parcours de professionnalisation, 300 sorties » (D2122/27).

Dans la page suivante, il est rappelé que ces objectifs nécessitent une dynamique de rupture et l’engagement de tous: managers, RH et Espaces développement »> (D2122/28).

Ainsi, les termes employés dans ce support, tels que « la mise en mouvement »>, « travailler les résistances », une « équation emploi ambitieuse mais réaliste », « dynamique résolument engagée », « prévisions de départs »,

« départs réalisés », « dynamique de rupture », sont sans équivoque : il s’agit de sensibiliser et de mobiliser les managers du Groupe pour atteindre le nombre de départs ciblé par la direction générale.

Il est établi qu’ont participé aux premières matinées de cette formation consacrée à une table ronde Mme CK AK à deux reprises (les 12 février et 23 mai 2007), Mme GI M à 22 reprises sur les 37 séances, et M. BY AS à cinq reprises (les 19 mars, 25 avril, 18 juin, 9 juillet, 27 août 2007)

(D3368/4).
Mme GI M a expliqué avoir souhaité participer à cette formation afin de rappeler les fondamentaux du programme ACT. Son intervention, limitée à la session du matin du premier jour, était focalisée sur la dimension RH de ACT, la dimension opérationnelle étant confiée à un Directeur Territorial et un Directeur Métier.

Ainsi qu’elle l’a déclaré, son rôle a consisté à « expliquer la vocation du Programme ACT sur le terrain, dans les divisions, dans les Directions Territoriales, la

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vocation consistant à anticiper sur les compétences nécessaires au groupe et les modalités d’accompagnement. […] M. DF a bâti le programme de ces deux jours et ma contribution a été de lui donner le sens et la structure de ACT pour qu’il se l’approprie » (D3692/4).

2-3. La synthèse 2007 des tables rondes de « Réussir ACT » : un concentré des dérives

En revanche, Mme M s’est vivement désolidarisée des propos tenus au cours des tables rondes tels qu’ils sont restitués dans un document de 42 pages découvert dans l’ordinateur de M. DE, directeur de l’Ecole Management

WV, intitulé « Réussir ACT: synthèse des tables rondes de l’année 2007 » et supportant les logos de WV TELECOM, ORANGE et RW Consultants

(D3368).

Les échanges VF sont relatés dans ce document ne sont pas conformes aux discours que Mme M assure avoir tenus, ce que confirment
M. DF et M. RY RZ, cadre participant au réseau des Espaces

Développement, dans des attestations qu’ils lui ont remises (D3884, D3889) et sont fortement contestés par M. AP pour ne pas correspondre à la parole de la SG Groupe (D2508/5, D3652/8, D3652/18). Ils révèlent néanmoins les difficultés auxquelles les managers sont confrontés pour obtenir » les mobilités, comme les réponses et méthodes VF leur sont données, certaines relevant de technique de manipulation psychologique. En voici quelques extraits:

- D3368/8: < Quant est-il de la mobilisation géographique des cadres ?

° Elle est absolument nécessaire pour garder une objectivité de jugement, une distance VF permet d’amener de la nouveauté, la capacité d’innovation.

° La promotion sur place n’est pas souhaitable car cela « tue » dans l’image collective la nécessité de mobilité. Q De plus cela évite la dimension affective quand il faut prendre des décisions

difficiles »

- D3368/WO: « Nous vivons en WV dans un environnement juridique très contraint :

l’approche act n’est-elle pas la seule possible ? Non, nous aurions très bien pu envisager un plan de licenciement si nous l’avions O

souhaité ».

- D3368/18: « Il faut au total réduire l’effectif de 16 000 personnes, donc une baisse de 15 % sur 3 ans. Il y a eu une baisse d’effectifs de 7 900 en 2006 (WO 300 départs,

2 400 recrutements). Ces départs ont été favorisés par les CFC (4900 en 2006) mais en

2007-2008 il n’y aura plus de départs CFC … Il reste 12 000 départs à faire, donc

6 000/an.

La pyramide des âges n’est pas favorable à la dynamique prospective d’où la nécessité de rééquilibrer la situation par une politique de recrutement et d’intégration de compétences aujourd’hui inexistantes chez FT et VF sont impossibles à créer à court terme.

Si l’on considère qu’il y aura des départs naturels en retraite à hauteur de 1500 / an, ça nous donne 4 500 départs externes à organiser chaque année. Or en 2006, on en a réalisé 1700… Il y a un véritable enjeu ! Cette démarche exige des managers de plus en plus mobilisés…

- il faut supprimer les postes VF n’apportent pas de valeur ajoutée pour le client.

- ces premiers travaux réalisés, il faut les généraliser à tous les métiers ! »

D3368/20: «De manière plus générale il faut introduire la culture du Turn Over ».

-« Est-ce que l’objectif d’ACT est de faire partir le plus rapidement possible les 47-54

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ans ?

Non, l’objectif d’ACT est de détecter et saisir les opportunités de départ quand elles se présentent. »

< En tant que manager pour atteindre mes objectifs, j’ai tout intérêt à me focaliser sur les jeunes pour être sûr de faire mon quota de départ. Ce n’est ni une stratégie liée à la compétence, ni à l’âge »>.

- D3368/21 : « pour aider les collaborateurs à se mettre en mouvement : les brusquer un peu pour provoquer une réflexion, VF pourra être relayée par les ED »> ;

- < s’il ne veut pas changer de métier, ni de région, il n’y a pas de solution pour lui au sein du groupe et dans ce cas seule la mobilité externe est possible » ;

< Le temps on en manque c’est vrai. Mais au-delà du temps de la prise de conscience, notre problème est culturel. Une bonne partie de nos agents sont encore trop attentistes par rapport à l’entreprise. Une astuce sur chacun des EI [entretien individuel] que vous conduisez, si vous ne disposez pas de raison particulière de catalyser les énergies autour d’un événement favorisant la mise en mouvement, parlez avec des « si ». « si on fermait » « si tu devais bouger » »>.

-D3368/21 : A la rubrique 4. intitulée NEXT et ACT : l’optimisation de l’activité et des modes de fonctionnement, il est indiqué :

< Rupture du pacte social-Message fort à faire prendre conscience aux salariés

- aujourd’hui on ne rentre plus chez FT pour faire toute sa carrière

FT ne garantit plus l’emploi «géographique» et personne ne peut dire ce que sera FT dans 5 ans Il – Il faut donc générer de la fluidité pour pouvoir être souple et s’adapter

(changement de technologies, externalisation de certaines fonctions, …) »

- D3368/22 : < Mais comment arriver à faire bouger des personnes VF ont 50 ans ?

o Personne ne dit que c’est simple !

o à 45 ou 50 ans, il reste encore 15 à 20 ans de travail ! notre responsabilité est de maintenir leur employabilité et donc leur montrer la réalité actuelle par rapport aux perspectives de leur activité chez FT ou ailleurs »>.

- D3368/26 : « Est-ce que toutes les DT sont logées à la même enseigne ? Certaines sont en sous effectifs d’autres en sureffectifs. Quelle politique de recrutement ?

o Je crois que nous sommes tous globalement en sureffectif. Y compris en IDF »>

.

- D3368/29 : « Est-ce que cela fonctionne Act avec 80 % de fonctionnaires ?

o La réussite de FT est qu’il n’y a aucune différence entre fonctio nnaires et contractuels.

o Je vous rappelle que l’on paye les salariés 25% au-dessus du marché et donc que l’entreprise est en droit d’exiger de ses salariés fidélisation.

o Le pacte social est aujourd’hui rompu et les gens sont souvent sur un mode parent/enfant et non sur un mode adulte, ce VF augmente la difficulté.

o Ne pas réussir Act, cela veut dire qu’on se prépare à des décisions encore plus difficiles demain.

o La seule chose dans un plan social VF est facile est de dire: c’est pas ma faute, c’est la leur ! Et un plan social, tout le monde sait faire. Or Act c’est beaucoup plus courageux qu’un plan social. »

- D3368/34 : Pour les gens VF ne sont pas assez proactifs, VF se sont installés dans le poste parfois, il faut supprimer le poste pour faire bouger, « retirer la chaise » en mettant en déploiement ….

o Il y a déploiement :

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 – si le poste est supprimé

- si la personne n’a pas répondu aux sollicitations alors, elle prend des risques à trop rester dans son emploi …

o Il faut pouvoir dire, même pour les « bons »: «< tu es BU, mais aujourd’hui, tu dois te mettre en XX … »

- «< La prise de conscience c’est long. Des retours sur le contexte s’imposent, il faut user de la répétition, saisir tous les événements pour rappeler les enjeux et le contexte.

< Les réorganisations vont entraîner cette prise de conscience et faire office de déclencheur ».

A la lecture de ces verbatim, on peut comprendre qu’à l’occasion du comité de pilotage de la formation « Réussir ACT » le 2 juillet 2007, le prestataire RW RX ait indiqué : «La participation aux sessions de formation de managers en recherche d’emploi est perturbante pour le participant lui-même, mais a également un effet négatif sur le groupe » (D2744/8).

De même, ces propos résonnent étrangement après ceux que les représentants des salariés ont entendus dans la bouche de M. AP lors du CCE du 29 novembre 2006 : « Nous ne pouvons pas nous louper sur les 22 000. Il faut faire en sorte que toutes les situations individuelles soient examinées. Je vais peser mes mots.

Il est beaucoup plus grave de ne pas dire la vérité à un salarié sur ses possibilités d’évolution que de lui raconter des histoires et lui donner du désespoir pendant quelques années. Il y a manière et manière pour le faire. Je ne peux pas être derrière tous les managers. Que pour certains, l’exercice soit fait de façon plus que maladroite, je peux le concéder. Je suis prêt à prendre une part de responsabilité. Mais cela ne veut pas dire que l’exercice ne doit pas être fait. Cela veut dire que je dois m’impliquer plus, que je dois faire en sorte que dans les formations, dans l’École de management VF est mise en place en ce moment, les gens apprennent à respecter les situations individuelles. Il y a autant de situations individuelles que de personnes. La question de son avenir dans les trois ans est une question que tous doivent se poser. Mon devoir de SG et du Comité de direction générale est d’accompagner les salariés dans cette réflexion. Mais, ce n’est pas exercice facile compte tenu du nombre de salariés. S’il

s’agit de dire avec vous que le respect des personnes reste une dimension essentielle, je le redis avec vous et je m’y efforce à en faire une pratique dans mon entourage immédiat » (PV du CCE du 29 novembre 2006 page WP, versé par la CFE-CGC) On y retrouve l’impérieuse nécessité de parvenir aux 22 000 départs, condition de la pérennité de l’entreprise, la dimension systématique de l’examen des situations individuelles, celles des salariés comme des fonctionnaires, en vue de la « mise en mouvement ». Si le respect de la personne est indéniablement affiché dans les propos de M. AP, il est supplanté par d’autres préoccupations dans les propos des managers intermédiaires, sous pression, et mis en demeure d’atteindre les objectifs de mobilités internes et externes.
M. DV CR, cadre VF a suivi cette formation, en a donné la vision suivante : « Dans cette formation prophylactique, on apprend en effet comment traiter une personne qu’on veut rendre mobile ou partante, en imaginant ses propres réactions » (page 5 de sa déclaration jointe aux NA du 20/05/2019).
M. CG, cadre responsable du Département pilotage de l’URRRD à la DT Sud-Est, entendu le 11 juin, témoigne : « je suis les formations managériales ACT et Engagement de Développement Personnel (EDP). Elles n’éveillent pas de méfiance de premier abord, car le coté « anticipons les compétences » est bien mis en avant, mais étonnement sur les volets essaimage, projet personnel et fonction publique, VF

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sont nouveaux … et plutôt disproportionnés au regard des personnes concernées. La formation EDP est plus dérangeante car elle laisse entrevoir une possible obligation

d’avoir un projet personnel » (déclaration jointe aux NA page 1).
M. HG OW a déclaré que « le levier consistant à dire qu’il n’y avait pas

d’avenir à WV Télécom a été mis en place clairement dans les formations d’ACT » et que « le 2° levier était d’aider les gens à partir avec des techniques extrêmement déshumanisées »>. (D2435/8)

A ce sujet, une autre formation a marqué un certain nombre de participants entendus dans le dossier : celle évoquant la « courbe du deuil » ci-dessous reprise. Elle apparaît notamment sur le support de la formation < Faire s’engager Les réactions face au changement » animée par le cabinet Leisire & Partners (D87).

La vallée du changement : du choc à l’engagement

Exterieur

Le choc L’engagement

Action Informer

Déni

Colère Reconnaître Intégration

Pour

Découverte Marchandage du sens Le temps

[…]

Si la pertinence de ce document n’est plus aujourd’hui véritablement discutée, il n’en demeure pas moins qu’à l’époque, dans le contexte anxiogène de déflation des effectifs généralisée et massive, il n’est pas étonnant que certains managers l’ont interprété de manière péjorative, en le percevant alors non plus comme un outil de soutien à l’accompagnement professionnel mais comme un outil d’emprise sur leurs collègues.

L’analyse faite dans le rapport BR de ce document est intéressante. Pour ses auteurs, ACT est un programme de systématisation des évolutions pour les salariés. On passe subtilement de la rhétorique du départ volontaire à celle du projet personnel.[…]. En 2005, ACT dessine la scène des dysfonctionnements rencontrés aujourd’hui : un projet collectif VF relève de

l’imaginaire :

- sur papier des collaborateurs VF ont tous le souhait de faire un projet dans

l’espace développement sous l’égide de managers VF articulent résultats et gestion de l’humain, avec des RH positionnés en périphérie du dispositif au service du management;

- une réalité où la question de la singularité du projet de chacun au regard de son

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histoire et de ses compétences passe après celle de la nécessité de réduire la masse salariale.

Un discours du registre imaginaire, « managinaire » diraient JA SA et DH de Gaulejac dans lequel l’impossible n’existe pas, VF relève de la toute puissance, presque de la pensée magique : il suffirait de dire pour faire faire. Dire le changement crée le mouvement, en regard d’une page issue d’un document Journée

Information ACT mars-Avril 2007, consacrée à la « courbe du changement »

(D339/194 à 195).

Plus loin, sous le titre « Une psychologisation VF disqualifie », le rapport livre l’analyse suivante : « Une des constantes du discours de la direction est la fonction du manager dans la conduite du changement. La formation comportementale VF lui est proposée vise à lui permettre d’avoir réponse à tout auprès de ses collaborateurs. Il pourra répondre à leurs objections comme on a répondu aux siennes. On peut espérer que ces sessions s’accompagnaient de la possibilité de débattre et de réfléchir collectivement mais, elles laissent malgré tout un arrière goût d’infantilisation et de manipulation. La subjectivité y est réduite à une simple résistance au changement. Il

n’existe pas de sujet en désaccord, il n’existerait que des sujets VF n’ont pas encore compris ou VF cèdent à la peur. Le refus n’est jamais une prise de position étayée et réfléchie mais, un pur positionnement psychologique VF se travaille. » (D339/215)

Pour conclure sur ce sujet de la formation, il ressort du dossier que
M. DF, le directeur de l’organisme chargé de la formation « Réussir ACT »>, dans un rapport écrit postérieurement à la crise médiatique, a écrit : « La présentation de cette politique, patronnée par la SG, a été faite dans le respect des personnes, dans un esprit d’échange et de débat, et dans un souci de co-construction avec les personnels concernés par les mobilités ». Il ajoute néanmoins avoir alerté son interlocutrice fin 2007 « sur différents points de vigilance :

- les discordances, voire les tensions, VF pouvaient apparaître entre les tenants d’une ligne dure (Opérations WV) et la SG (notre client), VF souhaitait promouvoir une démarche plus douce

- la perte de repères brutale (en termes de valeurs) […]

- la nécessité de renforcer leur réseau RH de proximité …» (D3226/7).
Mme M a déclaré avoir « rebouclé » cette alerte auprès de messieurs

AP et P. Elle indique néanmoins ne pas comprendre ce que veut dire M. DF en évoquant « les partisans de la ligne dure » (D3692/18).

Conclusions

Il ressort des éléments VF viennent d’être analysés que les années 2007 et 2008 ont été spécialement marquées par l’activation de trois leviers : la pression donnée au contrôle des départs dans le suivi des effectifs; la modulation de la rémunération de cadres d’un certain niveau en faisant dépendre, pour partie, la part variable de l’évolution à la baisse des effectifs de leurs unités ; le conditionnement des esprits des

< managers » au succès de l’objectif de déflation lors de leurs formations. Mis au service de la politique de déflation des effectifs massive et généralisée à

l’œuvre depuis 2006, ces actes distincts intervenus concomitamment se sont poursuivis et répétés au cours des deux années suivantes : ils constituent autant d’agissements réitérés ayant eu pour objet une dégradation des conditions de travail en forçant les agents au départ ou à la mobilité au-delà d’un usage normal du pouvoir de direction.

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TM IV-2007-2008 : પાનાં તા ن عسل

L’intranquillité, une dégradation potentielle

à cause de l’intensification des méthodes managériales

La primauté donnée à l’objectif de déflation dans le suivi des effectifs à tous les niveaux de la chaîne hiérarchique, l’indexation de la part variable sur le nombre de départs réalisés et le conditionnement des managers lors de leur formation à l’EMF ont indéniablement structuré la politique de baisse des effectifs à marche forcée voulue par les plus hautes instances de l’entreprise VF en firent un objectif majeur et intangible dont dépendait la réussite du plan NEXT. Les magistrats instructeurs ont identifié et retenu dans la prévention d’autres facteurs de déstabilisation des personnels.

Parmi les autres agissements visés par l’ordonnance de renvoi, certains

n’apparaissent pas pouvoir être rattachés directement à la politique d’entreprise telle qu’entendue par le tribunal. A la différence des trois leviers mis en évidence par les développements VF précèdent, pour la surcharge de travail, la pression sur les résultats ou à l’inverse l’absence de travail », « le contrôle excessif ou intrusif »>,

< l’attribution de missions dévalorisantes », « l’isolement des personnels », « les manoeuvres d’intimidation, voire les menaces » et « les diminutions de rémunération », il n’existe pas d’éléments suffisants pour pouvoir conclure avec certitude que ces agissements-là relèvent de consignes ou de dispositifs conçus, décidés, impulsés ou contrôlés par les dirigeants.

Si ces comportements ont indiscutablement été subis par certaines des victimes nommées dans la prévention comme cela ressort du dossier et des débats, ils ne sont pas assez structurants pour relever, par nature, d’une politique, ou n’étaient pas susceptibles de concerner tous les agents de WV Télécom.

En revanche, ils peuvent faire partie de méthodes ou de dispositifs que certains managers, sous la pression de l’objectif, ont utilisés pour atteindre les cibles de mobilités internes ou de départs forcés VF leu étaient imposées par leur hiérarchie, à

l’occasion, le plus souvent des réorganisations décidées au niveau local.

En imposant un nombre de départs excédant manifestement celui des sorties naturelles raisonnablement prévisibles et en transférant à l’échelon local le poids concret et final de la sélection des agents devant être mobiles ou quitter

l’entreprise, la Direction a inévitablement entraîné l’usage, généralisé sur tout le territoire, par les managers sous pression, de diverses méthodes d’intensification des départs ou des mobilités. Cela ressort notamment du compte rendu découvert dans l’ordinateur de M. AS dans lequel sont ainsi résumés les propos des intervenants lors de la conférence de l’ACSED «Je décrète l’objectif à vous de trouver les moyens d’y parvenir » (D3327/32). Mais en déléguant à la hiérarchie intermédiaire et de proximité le poids de la déclinaison de la politique de déflation des effectifs à marche forcée qu’elle avait décidée, elle ne peut se défausser, sur cette hiérarchie, des moyens que cette dernière a utilisés, sachant que ces moyens étaient mis à sa disposition et contrôlés par l’entreprise. Cette mise en mouvement massive axée sur l’effectivité des départs organisée par les managers a créé un climat anxiogène, déstabilisant les agents VF tombaient alors dans la crainte de ne pas retrouver de poste en raison des 22 000 suppressions programmées, ou dans l’angoisse de devoir à tout prix parvenir à s’adapter à leurs nouvelles fonctions sous peine d’être contraint au départ. Certains cas et des éclairages issus du rapport BR seront repris ci-dessous en ce qu’ils attestent du caractère prégnant et durable de ces peurs des agents.

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A ce stade de l’examen des faits, trois rappels s’imposent.

En premier lieu, l’effectivité de la dégradation des conditions de travail subie par certains agents, notamment ceux visés dans la prévention, ne modifie pas la nature formellement harcelante des trois agissements directement imputable à la Direction de WV Télécom et générateurs de méthodes usitées par les managers. Elle prouve seulement la nature efficace et structurante de ces agissements. Comme indiqué dans la partie consacrée à l’élément légal du délit de harcèlement moral au travail, les agissements auraient pu ne pas atteindre leur résultat, la dégradation des conditions de travail : ils suffisaient que, potentiellement, ils la recherchent.

Autrement dit, le fait que ces agissements aient obtenu l’effet attendu, c’est-à dire la dégradation VF a provoqué les mobilités internes contraintes ou les départs forcés nécessairement dommageables pour l’agent VF le vit, ne vient pas infirmer leur caractère d’impulsion centrale, politiquement déterminé et structurant. Cela prouve simplement que l’objet du harcèlement reposait sur trois excellents leviers VF, en irradiant la structure de l’entreprise, ont rempli leur office. En outre, la circonstance que les conséquences de la dégradation des conditions de travail n’aient été réelles que pour certains agents, voire un grand nombre, VF ont alors connu des troubles physiques ou mentaux, des dépressions, une souffrance profonde manifestée par des actes suicidaires, ne permet ni de réduire ni d’annihiler la dimension collective du climat anxiogène visé par la politique menée : « Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés », comme l’ont révélé l’exceptionnel taux de participation au questionnaire BR, à l’automne 2009, et le contenu des opinions alors exprimées par le plus grand nombre, confirmant en cela le caractère institutionnel du harcèlement moral inhérent à la politique d’entreprise incriminée. A ce titre, il est indifférent que ces conséquences sur les agents aient été immédiates, c’est-à-dire perceptibles pendant les années 2007 et 2008, ou qu’elles se soient manifestées dans les mois, voire les années, suivants. Car c’est le vécu contemporain des années d’exécution du plan NEXT, la respiration de son atmosphère anxiogène de 2006 à 2008 VF importe pour caractériser la potentielle dégradation, voire l’existence de l’atteinte à la santé, aux droits ou à l’avenir professionnel de l’agent, en rappelant, que l’éventualité de l’atteinte suffit pour caractériser le délit: la dégradation ne doit être que « susceptible de » générer ces dommages.

En deuxième lieu, et a contrario, le fait que certains managers n’aient pas recouru à des méthodes harcelantes, adoptant un comportement protecteur vis à vis de leurs collègues malgré la pression de l’objectif de déflation, n’empêche pas que d’autres managers les aient utilisées, avec des conséquences potentiellement ou réellement dommageables pour les agents de leur service : c’est ce qu’explique avec justesse le rapport BR examiné à ce sujet et repris ci-après, VF répartit les managers en trois catégories : les protecteurs, les exécuteurs et les simples exécutants. Les excès ou « dérives » de certains managers, en lien avec leur personnalité ou leur façon de gérer la pression, ne sauraient faire disparaître l’existence de la pression elle-même comme semblent le prétendre les prévenus pour se mettre à distance de la réalité de la dégradation des conditions de travail. De même, le fait que des agents ont quitté leur poste ou l’entreprise sans douleur, ainsi que cela ressort de témoignages ou d’attestations versées au dossier par les prévenus, n’infirme pas la réalité vécue par l’immense majorité du personnel, à savoir le climat anxiogène créé par les méthodes subies par un très grand nombre

d’entre eux.

En dernier lieu, l’instauration d’un climat anxiogène aux fins de provoquer

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le départ de personnels que leur statut d’emploi et les résultats de l’entreprise mettaient à l’abri d’un plan de sauvegarde de l’emploi, ne peut relever que d’un exercice abusif du pouvoir de direction d’un chef d’entreprise, quelle que soit sa volonté d’assurer l’avenir, la compétitivité, la performance de l’entreprise ou de ses services.

Dans ce dossier, la politique voulue par la direction de WV Télécom des 22 000 départs et des WO 000 mobilités internes avec un pilotage de la ligne managériale au moyen d’indicateurs de performance basés sur les flux a mécaniquement provoqué l’utilisation de techniques managériales délétères, susceptibles de causer des dommages, de mettre en XX la santé mentale ou physique des agents, et de compromettre leur chance de mener à bien, ou à terme, leur carrière dans l’entreprise. Si la fixation d’objectifs relève du pouvoir hiérarchique de l’employeur et qu’il est admis qu’elle puisse provoquer un certain stress ou une pression, pour autant, c’est à la condition que la mise en œuvre de ces objectifs, fixés raisonnablement, demeure respectueuse des conditions de travail.

Il importe donc d’évoquer, maintenant, les méthodes utilisées par les managers pour accélérer les départs et les mobilités, en précisant que certaines sont bien antérieures à la mise en place du plan NEXT ainsi que les débats l’ont établi (I). Puis, seront plus spécifiquement examinés les rôles des services des ressources humaines avec les Espaces Développement et celui de la hiérarchie intermédiaire (II).

Enfin, il y a lieu d’évoquer les constats de la dégradation potentielle ou effective des conditions de travail effectués au niveau local et national (III).

I- L’intensification de certaines méthodes managériales, sources d’intranquillité

Il convient d’évoquer certaines des méthodes managériales, en ce qu’elles sont révélatrices de la pression subie et répercutée par les managers.

Elles seront abordées sous deux angles successifs : celui du suivi individuel (1) puis celui des mobilités contraintes découlant des réorganisations et du « Time VO move » (ci après TTM) (2).

La potentielle dégradation des conditions de travail qu’elles cachent, ou celle qu’elles entraînent, sera illustrée par des témoignages issus du dossier ou des débats.

1- Le suivi individuel : un usage détourné au profit de la provocation au mouvement

C’est d’abord dans le cadre du suivi individuel des agents que les méthodes managériales insécurisantes se sont exprimées. Certes, la Convention collective des télécoms du 26 avril 2000 (Titre 6, TM 2) prévoyait : « Sur un plan collectif, pour réaliser au mieux l’adéquation entre les exigences VF génèrent les facteurs d’évolution ci-dessus décrits et les compétences dont dispose l’entreprise à un moment donné, les entreprises peuvent utiliser différents moyens tels que la formation professionnelle, la mobilité, le recrutement, la modification de l’organisation du travail ou des activités confiées au salarié. Dans ce contexte, il appartient aux entreprises de mettre en place des processus destinés à examiner régulièrement la situation individuelle des salariés afin de leur donner une plus grande visibilité de leurs perspectives professionnelles »>.

Ainsi qu’évoqué au premier TM, la privatisation de WV Télécom amorcée depuis 1996 a entraîné l’introduction de nouvelles méthodes de gestion des activités des agents ou de leur carrière, introduction VF heurtait la culture professionnelle antérieure issue du service X. Ce choc des cultures a été très mal vécu par certains fonctionnaires. Comme le rappelle le rapport BR, « la plupart des salariés rencontrés sont entrés à WV Télécom ou aux PTT par la voie des concours, VF était également le moyen reconnu d’ascension professionnelle.

Depuis l’ouverture des capitaux au secteur privé, le mode des concours a été supprimé

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pour être remplacé par des outils de management plutôt issus de pratiques d’entreprise émanant du secteur privé, telles que l’entretien annuel, des primes en fonction de l’atteinte ou non des objectifs, un système de jury pour monter en grade, etc. »> (D339/11)

Mais si ces méthodes étaient déjà dénoncées dans l’ouvrage La machine à broyer, quand les privatisations tuent: WV Télécom de M. CM EB paru en 2004, versé aux débats par M. AO et évoqué dans le TM I, elles ont perduré pendant la période de prévention pour prendre une autre ampleur et permettre ainsi aux managers d’atteindre les objectifs de départs et de mobilité.

En effet, en octobre 2006, devant l’ACSED, le Président du Groupe a martelé l’idée que les personnels ne devaient plus être protégés et a invité les managers à ne pas les ménager : « il faut qu’on sorte de la position mère poule. CJ AP va vous parler de ce que l’on a en tête. Ce sera un peu plus dirigiste que par le passé» (D72/6). De son coté, ce jour-là, M. AO indiquait aux cadres présents : « C’est une réponse locale à chaque fois en fonction de la compétence des gens VF sont sur place et des managers VF vont gérer ça. […] c’est une affaire VF se traite d’individu par individu entre le manager et le collaborateur et le soutien actif de la SG »> (D74/4).

Si les méthodes appliquées par l’encadrement ne peuvent être considérées comme des agissements harcelants directement imputables aux prévenus en l’absence de consignes précises en vue d’un usage intensif, étant des outils directement aux mains des managers de proximité VF en PU fait des usages différenciés, ces méthodes doivent être évoquées car elles ont été exploitées, intensifiées par les managers sous pression afin d’accélérer les mobilités ou les départs en fragilisant les agents.

Seront successivement examinées trois d’entre elles, les revues de personnel, les performances individuelles comparées, et les « pushings mails »>.

Ainsi, les revues de personnel apparaissent dans le « Crash program » présenté par M. AP au comité de direction générale du 23 octobre 2006 (D3328/27), mais aussi dans le document « Bilan du contrat de performance DT Est

$2 2007 » saisi au domicile de M. AS parmi les actions pour favoriser les départs et améliorer la fluidité » mises en œuvre au cours de l’année 2007 (D3319/8 scellé J-DEUX page 98). Devant les magistrats instructeurs, M. AS a prétendu que ces revues de personnel étaient de simples réunions regroupant les représentants de l’ensemble des unités présentes sur le territoire géographique concerné, le SG ainsi que le responsable de l’espace développement avec «pour objectif de croiser les souhaits d’évolution des salariés, remontés dans leur entretien avec leur manager ou avec les

Espaces Développement et d’autre part les besoins en compétences, déclinés de la GPEC sur le bassin de vie (le bassin de vie correspond aux activités situées à proximité de la résidence administrative du salarié) » (D3682/7).

De son côté, M. P a reconnu avoir explicité cet outil lors du séminaire < Réussir ACT » le 9 mai 2007 devant les responsables RH (conclusions p. 41). Au cours de l’instruction, il en a donné le sens suivant : « l’idée est de mieux connaître les salariés et de mieux connaître leurs aspirations » (D3697/WO). Et il s’est défendu à l’audience du 7 mai 2019 de tout recours dévoyé à cet outil en ces termes:

« N’importe quelle action de la SG peut être retenue contre la SG. Par exemple, la revue du personnel, dans ma bouche, c’est s’occuper du personnel quand une activité est sur le déclin et le personnel VF s’occupe de cette activité, il va falloir s’en occuper »>, et encore lors de l’audience du 28 mai 2019: « les revues du personnel sont d’une banalité sans nom ».

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Dans le contexte de raréfaction des effectifs, la banalité des revues de personnel prend une autre dimension que celle présentée par M. P, comme le montrent les témoignages suivants. M. A EH, cadre RH ayant exercé au sein de l’Espace développement de Paris après voir perdu son poste à la SG de SH, décrit les revues de personnel comme suit : «Il y avait une obligation avec la hiérarchie,

d’avoir une rencontre au moins mensuelle avec les RH des salariés concernés, ça

s’appelait la revue de portefeuille, cette consigne était orale. Le but de cette revue mensuelle ? De mieux inciter le salarié à partir » (D1718/2).
Mme FT UH, manager à l’Agence Entreprise du Sud-Ouest relate: « toutes les semaines en CODIR, on comptait les départs, on bâtonnait, sans considération pour les compétences professionnelles ou la situation sociale du salarié.

[…] j’avais beaucoup de mal à appliquer la politique du groupe, on parlait des heures en CODIR, de comment faire partir les gens, de les mettre en déséquilibre, bref des trucs horribles, en tant que manager, j’étais obligée de relayer et je relayais très mal »

(D3168/2). « Moi je ne suis pas arrivée aux objectifs, on n’y arrivait pas avec ces 22

000 personnes. J’ai essayé proprement de faire le sale boulot. Si on n’arrivait pas à notre objectif, c’était la part variable VF en souffrait pour l’ensemble des objectifs. Je

n’ai pas vu quelqu’un virer pour çà » (D3168/4).

Dans un courriel du 3 novembre 2008 transmis par Mme IQ SB, RH de la Division Services aux Entreprises, à plusieurs cadres RH, déjà évoqué, on peut lire : < vous trouverez, ci-joint, un kit destiné à vous aider à communiquer auprès des managers sur la mobilité des salariés VF sont sur le même poste depuis 5 ans ou plus. Pour rappel, l’objectif est de fluidifier l’emploi et pour cela de repérer (si possible, lors de vos revues de personnel) les salariés concernés par une mobilité, afin de les aider à changer de poste. Le manager est en première ligne puisqu’il doit identifier avec vous les salariés, les recevoir afin de les inciter à la mobilité, et suivre les projets

(…) Vous disposez des listes des salariés identifiés à partir du fichier des EI, ces fichiers devant être validés et/ou enrichis et m’être remontés afin que je puisse planifier, avec les ED, les « entretiens carrière » (D 3185/56).

Du côté des agents, voici deux exemples de cette mise en déséquilibre évoquée par Mme UH.

Pour Mme RA VY, chercheur pour WV Télécom dans un centre de recherches de la région Rhône-Alpes, le début des pressions au départ, date de l’année 2007 : « A partir de 2007 ce qu’a fait l’entreprise WV-Télécom, était carrément insupportable. […] Dès 2007, sans aucune présentation de nouvelle stratégie de l’entreprise, si ce n’est que le personnel devait être réduit, j’ai commencé à subir des pressions morales m’incitant à monter un projet personnel avec quasiment comme seul débouché possible le départ de l’entreprise. On me disait que je travaillais dans un domaine VF n’était pas au coeur de la mission du laboratoire auquel j’appartenais, que les financements VF m’avaient été accordés, allaient être réduits ». Elle indique qu’un jeune doctorant a été retiré de son équipe du jour au lendemain sans qu’elle en soit prévenue. Elle ajoute : « sans arrêt, on me disait qu’il fallait que je me trouve un autre poste, car le mien allait être supprimé, par contre aucune proposition ne m’était faite » (D2251/2).
M. EY AG, planificateur au sein du service Ingénierie Test

Expertise service clients de l’Unité Intervention Affaires de Paris, victime visée dans la prévention et VF a tenté de suicider le 7 novembre 2007, note aussi qu’en 2007, les pressions se PU plus précises: «En avril 2007, en effet, j’ai eu un entretien où ma

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N+1 m’a dit l’année prochaine tu ne feras pas partie de l’effectif, il faut que tu ailles voir l’espace développement. […] J’ai recherché moi-même des postes et j’ai postulé sur plusieurs postes officiels mais mes deux chefs, paradoxalement, m’ont interdit de partir lors d’un entretien que nous avons eu tous les trois. […] Ils ne se sont pas justifiés, ils m’ont simplement interdit de partir. Je me sentais pris dans une souricière, ne voyait aucune issue. J’ai compris a posteriori que mes supérieurs voulaient que je passe par l’espace développement, structure destinée à prendre en charge les agents sortants pour les placer hors entreprise ou sur des plate formes commerciales. Ils ne m’ont pas demandé mes aspirations, ni mes compétences pour une affectation VF me conviendrait »> (D1792/2).

Ce témoignage de M. AG relatif à la « souricière » dans laquelle il se trouvait, situation également mal vécue par M. QL G resté sans réponse de sa hiérarchie sur ses demandes de changement de poste, confirme la justesse de la critique émise par le syndicat CFE-CGC (cf TM II. HT II-3-1) au sujet de la décision DRHG/GPC/46 de juin 2006 relative à l’absence de garantie collective prévue par la décision et de cadre de référence auquel peut se reporter

l’agent, ce VF le rend seul face à son manager pour discuter de sa mobilité

< volontaire ».

< Volontaire »> pour un parcours de professionnalisation vers le numérique,
M. Y-FL LB paraissait l’être. Néanmoins, l’angoisse de pas réussir l’examen et de se retrouver sur une plate-forme téléphonique l’a, selon son épouse entendue à l’audience du 3 juin 2019, poussé à se suicider quelques jours avant, le 4 mai 2008. Lors de l’enquête, elle avait déclaré : « Il voulait réussir dans son nouveau job, c’était clair. Mais il est clair que malgré sa bonne volonté et sa détermination, il

n’y arrivait pas. Il ne voulait surtout pas dire à son chef qu’il n’y arrivait pas, parce qu’il craignait qu’on le mute sur une plate-forme. Et cela, il n’en voulait pas.

Confronté à l’échec de cette formation, alors qu’il y consacrait un fort investissement, son moral s’en est trouvé anéanti. Il est tombé en dépression » (D1495/3).

Mais, pour certains de ses collègues du site de Longwy entendus lors de

l’enquête, le climat déstabilisant tel qu’ils l’ont décrit n’est pas étranger à ce passage à

l’acte. M. GS SC, un collègue de M. Y-KA DC, considère que ce dernier s’est engagé dans ce parcours de formation sous la pression de ses managers: < A l’époque, nous subissions une restructuration. Notre hiérarchie avait la pression et il fallait adapter le personnel à de nouvelles prestations et techniques. C’est comme cela que Y-KA DC a été envoyé en stage « Parcours qualifiant ADSL ». Ce que je peux vous dire, c’est que Y-KA DC n’a pas eu le choix ». Il est convaincu, comme Mme DC, que le management a brandi la menace de la disparition du métier pour déterminer Y-KA DC à

s’engager dans cette formation : « Le stage que Y-KA a suivi était imposé sous prétexte que son job allait disparaître. Or, ce motif est faux puisque cette charge ce travail existe toujours, mais que WV TELECOM s’est déchargé de ce travail en revendant cette activité au privé. Son job existe toujours aujourd’hui » (D1500/3 et /

Pour M. SD SE, délégué syndical SUD, la démarche de Y-KA DC se comprend au regard des techniques de communication managériale appliquées à cette période pour diminuer les effectifs : « Le discours tenu était tordu: les salariés étaient victimes de ce que j’appelle de bruits de couloirs.

C’était comparable à une guerre psychologique. En fait, il y avait une technique VF consistait dans un premier temps à faire courir un bruit, lequel arrivait jusqu’aux oreilles des salariés, comme, par exemple, la fermeture de poste ou d’un service. Psychologiquement, les gens faisaient un travail dans leur tête. Ils se préparaient à

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devoir subir. Cette politique était dispatchée comme cela dans toute la WV. Chaque direction devait faire du « moins ». Les gens victimes de faux bruits se préparaient eux-mêmes à la reconversion » (D1508/3).

Face à l’absence d’un cadre légal organisant les départs et des garanties pour les personnels, le cabinet BR remarque que la direction a mis en oeuvre sa politique de restructuration « sans plan social » et a tablé sur une « mise en mouvement » des agents mais que « l’arbitraire et l’incertitude ont pris la place de la sécurité et de la stabilité dans le vécu de beaucoup » (D339/32).

Voici un exemple, révélateur de l’incertitude angoissante dans laquelle tous les agents d’un service étaient susceptibles de basculer en l’absence de critères de sélection clairs, issu du témoignage de M. VZ WA, travaillant dans un des Centres Clients Orange et Renseignements (CCOR) à Lanester et entendu au cours de l’enquête consécutive au suicide le 14 novembre 2009 de Mme DJ

BE, victime visée dans la prévention. Il explique que lorsqu’une nouvelle manager a pris la responsabilité du service Acquisition dans lequel il travaillait, elle

« a laissé ouvertement entendre qu’il y avait une personne de trop au sein de l’unité. Elle attendait qu’un volontaire se désigne pour partir… Et nous savions que si personne ne se présentait, une personne serait désignée d’office. Comme les relations étaient très tendues entre DJ et Mme DK, j’ai anticipé par amitié pour

DJ et je me suis proposé. C’est ainsi que j’ai quitté le Groupe Acquisiton pendant un an, tout en restant dans la même pièce. J’étais dans un groupe de gestion de portefeuilles. J’ai expliqué à DJ pourquoi j’étais parti. Elle savait que c’était pour elle que je m’étais dévoué » (D1226/2).

Le cas de Mme DL, en poste à Saint-Lô, en est une autre illustration.

Aucun élément objectif et contrôlable, notamment par les représentants du personnel, n’avait été identifié pour la sélectionner. Les managers ont pris une décision de mobilité forcée vers un poste de commercial dans une autre ville, Coutances, alors même que cette mobilité allait à l’encontre de la volonté de la salariée, et n’était pas justifiée. Seul le passage à l’acte par une tentative de suicide de la salariée sur son lieu de travail le 29 juin 2009 a permis dès le lendemain de trouver une solution et de maintenir la salariée sur son poste.

Plus loin, le rapport BR préconise : «Les règles du jeu de la mobilité ne doivent pas être opaques les postes ouverts doivent être portés à la connaissance des salariés un suivi des candidatures doit être assuré même en cas de refus sur le poste les jeux relationnels doivent être limités, etc. Bref les dispositifs clairs et efficaces doivent être mis en place pour réduire la situation d’incertitude dans laquelle se trouvent les postulants et rétablir une certaine dans le traitement des candidatures » (D339/128).
Mme KJ SF, SG SH, affirme: «A l’époque, un manager pouvait dire à son subalterne qu’il ne voulait plus de lui dans son équipe et qu’il fallait qu’il se trouve un poste et aille voir l’espace développement. Ce manager pouvait prendre rendez-vous pour ce salarié. Mais aujourd’hui, cela ne serait plus possible » (D2957/8).

A ce titre, il est intéressant de mentionner la motivation d’un arrêt rendu par la chambre criminelle le 19 juin 2018 (n° 17-84.007) évoquant une mutation forcée :

«Attendu que, pour confirmer le jugement sur la culpabilité, l’arrêt relève, s’agissant de Mme L., par motifs propres qu’elle a été reléguée dans un local d’archives aveugle de 5 m², et par motifs réputés adoptés qu’elle a été évincée des réunions de service; que les juges ajoutent que Mme D. a régulièrement subi les colères et les emportements du prévenu; qu’ils précisent enfin, par motifs propres, que ce dernier a de façon répétitive tenu à Mme C. des propos dénigrant ses capacités intellectuelles

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de façon humiliante et vexatoire et a eu la volonté de lui imposer une mutation, au mépris de ses droits et des règles applicables, et, par motifs réputés adoptés, que cette volonté s’est traduite par un commencement d’exécution; Attendu qu’en l’état de ces énonciations, exemptes d’insuffisance comme de contradiction, et dès lors que la tenue de propos humiliants et vexatoires à un subordonné excède les limites du pouvoir de direction, la cour d’appel a justifié sa décision ».

Autre méthode de pression sur les agents, la performance individuelle comparée (PIC) au sujet de laquelle on peut lire les témoignages suivants dans le dossier d’instruction.
Mme FT UH, manager à l’Agence Entreprise du Sud-Ouest, décrypte la méthode de la PIC : « On nous demandait de faire une PIC (performance individuelle comparée) VF consistait à noter les personnes selon différents critères et les comparer entre eux, ce VF peut avoir du sens lorsque les gens PU le même métier, ce VF n’était pas le cas dans mon équipe, mais il fallait quand même que je les compare. Officiellement, l’intérêt était de faire progresser le salarié. Officieusement, les moins bien classés étaient mis en déséquilibre » (D3168/7). M. AD SI, cadre WV Télécom en Alsace (DT Est), confirme la méthode et l’usage que devaient en faire les managers : « Avant, il y avait un entretien annuel avec les non-cadres et un entretien tous les 6 mois avec les cadres. Là il a fallu faire un entretien par mois avec les gens, ça s’appelle PIC Performance Individuelle

Comparée. C’est-à-dire qu’il fallait fixer des objectifs aux personnes, et on nous avait même demandé d’afficher les résultats de chacun. Je ne l’ai pas fait. On nous a dit que c’était de l’émulation saine » (D1025/3).

Dans le cadre de l’enquête menée suite au suicide, le 14 février 2010, de
M. CM FS, âgé de 53 ans (D1519/7), VF était en arrêt maladie pour dépression depuis avril 2009 (D3281/D16/WO) et dont le fils s’est constitué partie civile, un de ses collègues, M. HQ SJ, chargé d’affaires à l’Unité d’Intervention de Paris (UIA), a été entendu. Il rapporte : « Nous avions chacun des affaires à résoudre, et le chef de service, M. A SK, tenait à jour, un tableau de bord VF s’appelait PIC signifiant Performance Individuelle Comparée. Donc au départ, ce tableau était affiché dans le service et tout le monde apparaissait dessus

[…] Plusieurs chefs de service refusaient d’afficher ce tableau, d’autres l’affichaient, mais n’y mentionnaient pas les noms des collaborateurs, tandis que M. SK SL ce tableau de classement en y mentionnant les noms des collaborateurs (…) ça instaurait une compétition entre les salariés (…) une mauvaise ambiance de travail

»>. (D1833/2)
M. HD SM, également chargé d’affaires à l’UIA, pointe les dérives de la pratique de la PIC : « Avant la vague de suicides, le N+1 SL publiquement un graphique sur lequel apparaissaient les résultats de chaque chargé d’affaires, et en fin d’année le manager disait à celui VF avait les plus mauvais résultats de se bouger pour avoir de meilleurs résultats, ça créait une ambiance malsaine, surtout dans un contexte où ils voulaient supprimer 2 ou 3 postes. Après la médiatisation des suicides, ils ont arrêté cette méthode » (D1829/3).

Et parmi les 39 victimes désignées nommément dans la prévention, Mme C, VF a tenté de se suicider 18 juin 2009 sur son lieu de travail, a subi

l’affichage des résultats commerciaux de son service au centre de la plateforme d’appel à Saint-QG. Elle a déclaré que ses « déboires » avaient commencé lorsqu’elle était passée du service « WO.16 » au service « WO.14 » où elle estime avoir subi une pression hiérarchique « constante » pour atteindre les objectifs fixés :

« chaque matin un objectif à remplir. Un tableau sur lequel étaient inscrits nos noms était placé au milieu de la pièce, pour être vu par tout le monde. En fonction des

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objectifs atteints, ou non. Les ventes réalisées par chaque fonctionnaire de la veille étaient soulignées. En temps réel, notre supérieure hiérarchique nous boostait sans arrêt, c’était l’essentiel de son travail. Il nous arrivait entre nous de dénoncer ces comportements inadmissibles, mais en prenant les gens à part, notre hiérarchie obtenait le consentement à ces méthodes. […] J’atteignais mes objectifs quand je me trouvais au service du « WO 16». J’avais au moment où j’étais dans ce service aussi des objectifs à atteindre, mais la pression hiérarchique en moins » (D1079/2).

Il a été établi à l’audience que les PIC existaient avant 2007 puisqu’un compte rendu du Conseil de la Division Réseaux et Opérateurs du 3 juin 2003 en fait état en ces termes dans le dossier (D3053/19): «Notes de référence: une note précisant la démarche PIC (performance individuelle comparée) va être préparée. Le corps de doctrine est commun avec celui de FL SN »>.

En outre, si M. AO n’a pas contesté avoir eu connaissance de tels affichages mentionnant les performances des salariés notamment sur les plateformes téléphoniques, il n’a pas QR BU d’en demander la suppression (D2352/15).

Quant à M. AP, il a précisé que « de mémoire, ce principe d’affichage venait de la direction de certains métiers d’intervention clients et avait donc vocation

à s’appliquer sur le territoire national ». Il a rappelé que cet outil devait être utilisé « avec énormément de précaution ». Il a affirmé ensuite avoir plaidé (devant les directeurs régionaux, lui semble-t-il) pour que cet affichage ne soit pas obligatoire mais en ajoutant : « je ne pouvais que conseiller, je n’étais pas décideur » (D2378/5

8).

Comme le préconise M. AP, l’usage de ce type d’outil de management, au surplus dans cette entreprise récemment privatisée, nécessitait des précautions sous peine, comme l’a expliqué le médecin psychiatre AV AZ lors de son audition en date du WO mai 2019, d’instaurer une compétition délétère et de fragiliser certains agents. Selon lui, la multiplication des entretiens individuels est également une pratique de déstabilisation des salariés. Cette approche d’individualisation de la relation du vail avec le manager et la fixation des objectifs, notamment commerciaux, visent à isoler le salarié de la communauté de travail et à le faire entrer dans une compétition VF est quelquefois malsaine. Dès qu’un salarié a des résultats en baisse, son manager ne manque pas de lui rappeler notamment par le biais de cet affichage. Le salarié est alors ostracisé, ce d’autant plus les primes variables dépendaient en partie des résultats collectifs des salariés de la plateforme.

En tout état de cause, le caractère néfaste et largement répandu de ces PIC était tel qu’il a justifié, lors de la réunion plénière de négociation sur le stress le

20 octobre 2009, que M. AP en ordonne « l’arrêt immédiat» (D3322/5).

Enfin, une autre méthode pour inciter à la mobilité ou la susciter, plus moderne,

a été évoquée lors de l’enquête : les « pushing mails ». Il est, en effet, ressorti des auditions qu’un grand nombre d’agents recevaient des courriels relatifs à des propositions de poste en externe. Leur fréquence et leur interprétation apparaissent variables selon les témoignages.

Par exemple, M. SO SP, technicien PABX région Centre, déclare :

« À partir de 2006, nous recevions une quantité très importante de mails nous invitant à quitter FT. Ces mails proposaient des emplois en mairie, en conseil général, dans les services publics en général. Le message était clair, la porte de sortie était grande ouverte. […] ces mails étaient diffusés au niveau national et régional », mails qu’ils recevaient « à peu près deux fois par semaine » (D1369/3).

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Mme SQ SR, agent à la gestion d’affectation de production dans la région Pays de la Loire, corrobore : « Plusieurs fois par semaine des mails arrivaient sur nos boîtes de trois expéditeurs différents, Espace Développement, La communication FT et notre hiérarchie niveau N+2, recevant trois fois la même chose

» (D1297/3).
M. DV CR, directeur adjoint d’Unité en 2006, déclare que « les salariés recevaient régulièrement des mails listant les postes offerts dans la fonction publique, il y avait des réunions d’information sur l’essaimage, et les managers avaient consignes d’évoquer le sujet dès qu’une occasion se présentait ou spontanément » (D1552/5).
M. AD SI, manager à l’UI Alsace Lorraine (DT Est), explique le suivi qu’il devait assurer suite à ces envois de mails : « Les fameux mails que tout le monde recevait, y compris moi. Et je devais même donner deux noms associés à deux postes en dehors de WV TELECOM, je devais inciter les gens à trouver mieux ailleurs, leur expliquer ce VF était le mieux pour eux, etc. […] Je ne sais pas ce que la Direction faisait de ces noms, mais il fallait montrer qu’on avait poussé les gens à partir. Ça faisait partie de nos objectifs. […] Ces demandes de noms associés à des postes étaient régulières, c’était plusieurs fois dans le mois, à un moment j’avais même l’impression de faire plus ça que le travail pour lequel j’étais là. Ça a commencé je pense début 2008. Les mails on les recevait depuis plus longtemps '> (D1025/3).

A l’audience, les prévenus ont mis en avant le caractère local de ces pratiques et fourni des exemples dont la teneur s’avère purement informative.

Il sera relevé que les agents évoquant la pratique des pushings mails sont répartis sur l’ensemble du territoire, ce VF permet d’établir l’existence d’une pratique généralisée.

Là encore, cette pratique peut ne pas sembler condamnable en soi, pour être une information et être devenue courante à l’heure actuelle. Cependant, elle ne l’était pas encore à l’époque des faits et, dans le contexte des 22 000 départs, elle pouvait être perçue comme une nouvelle forme d’incitation à quitter

l’entreprise, pesante par sa répétition et sa fréquence, particulièrement dans le climat général d’anxiété.

Enfin, toujours sous l’angle de l’individualisation du parcours professionnel, l’analyse que livre le rapport BR au sujet du projet personnel encouragé par l’un des quatre piliers de ACT, « ACT développement », VF vise à « donner à chaque salarié les moyens de construire son propre projet professionnel en cohérence avec la stratégie du Groupe, grâce à un réseau de onze Espaces Développement ayant pour mission, de conseiller les collaborateurs de l’ensemble du Groupe dans leurs réflexions et leurs démarches », est éclairante.

Comme le prouve un support de formation de l’EMF de février 2007 étudié dans le rapport, le projet professionnel est présenté comme la « HK angulaire du dispositif. C’est l’aboutissement d’une réflexion VF tient compte des compétences du salarié, de ses motivations, des opportunités professionnelles des réalités de chaque pays ».

Les rédacteurs du rapport PU néanmoins valoir l’appréciation suivante : «L’entreprise doit permettre aux salariés d’évoluer dans ses compétences; mais ici, on ne propose pas un plan collectif et négocié de GPEC avec un accompagnement individuel RH tentant d’articuler l’avenir de l’entreprise et du salarié en se référant à son parcours professionnel. On énonce la nécessité du projet personnel pour tous.

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Nous ne sommes pas loin de l’injonction paradoxale « sois spontané » telle que les systémiciens la proposent VF se formulerait ici sur le mode, « il est obligatoire pour tous d’avoir un désir personnel ». On le sait, ce type de message « brouillé » met le sujet en situation d’inconfort. Quand de surcroit il émane d’une autorité, cette injonction paradoxale met le sujet en risque sur le plan psychique. Face à l’impossible du conflit et de la fuite (bassin d’emploi, attachement au statut, à l’entreprise, au métier) l’échappée sera au mieux la dérision et le désinvestissement, au pire la dépression, l’angoisse ou les manifestations psychosomatiques » (D339/195).

Cette analyse résonne étrangement avec le témoignage livré le 21 mai 2019 par
M. PK EG, responsable de la transformation au sein de l’Unité d’intervention Limousin Poitou-Charentes de novembre 2006 à avril 2007 : « Le discours tenu aux salariés était simple : dans une logique d’adaptation permanente, le salarié devait devenir le premier acteur de son évolution professionnelle et l’entreprise devait lui en donner les moyens. Ce discours était calibré pour être perçu comme un argumentaire difficilement contestable. Il se voulait un discours de responsabilité, de liberté et faisait appel au bons sens des femmes et des hommes

d’entreprise que nous étions toutes et tous.

Mais en réalité, cette liberté et cette responsabilité que l’on nous faisait intérioriser étaient extrêmement surveillées et contraintes. Au bout du compte, chaque salarié devait soit signer un « engagement de développement personnel » (EDP), soit signer une convention d’essaimage ou de Projet Personnel Accompagné (PPA). Il n’était pas prévu d’exception » (page 3 déclaration jointe aux NA).

2- Les sources de mobilité contrainte : les réorganisations et le Time VO M ove Un chiffre issu de l’analyse des questionnaires VN aux agents de WV

Télécom en novembre 2009 par le cabinet BR marque l’importance quantitative des mobilités : « Les mobilités sont ainsi fréquentes au sein de WV

Télécom. Seuls 30 % des salariés déclarent ne pas avoir changé de poste au cours des 5 dernières années.

Pour 40 % des salariés ces changements de poste étaient souhaités et compris et pour

22 % ils ne l’étaient que parfois. Un nombre important de salariés ont ainsi été concernés dans leur carrière par des mobilités fonctionnelles et géographiques vécues positivement. Et c’est certainement l’une des richesses de WV Télécom que d’avoir su offrir par le passé des possibilités d’évolution et de carrières riches à ses salariés » (D339/123).

Autre résultat fourni par le questionnaire : au cours des 5 dernières années, 16,15 % des salariés ont déclaré avoir dû déménager en raison d’un changement de poste (D339/128), soit un pourcentage trois fois plus élevé que celui fourni par M. AO à l’audience.

Dans la partie consacrée aux conséquences des mobilités fonctionnelles et géographiques forcées dans le rapport BR, il est rapporté : « quand on écoute les salariés, on constate que très peu développent une aversion pour la mobilité. La mobilité fonctionnelle, et dans une moindre mesure, il est vrai, la mobilité géographique, est appréciée. Des carrières et des parcours de promotion internes très riches sont décrits par les salariés. […] C’est la brutalité des réorganisations, des injonctions et des pressions à la mobilité VF ont été mal perçues et pour de nombreux salariés mal vécues. […]

Les résultats du questionnaire permettent d’identifier que WP,2 % des salariés de

WV Télécom sont affectés par une situation de désajustement professionnel, c’est

à-dire par un impact négatif de la mobilité et une inadéquation à leur poste de travail. Les salariés de Gestion Clients, Services Clients par Téléphone et Fonctions supports

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sont les premiers concernés par le désajustement professionnel » (D339/121).

Enfin, l’expertise des données numériques du scellé G PROVISOIRE DEUX a révélé la présence d’un document intitulé « Assises de la refondation document de travail pour discussion – Synthèse au WO décembre 2009 (analyse de 1200 comptes rendus de réunions) ». Ce document a été trouvé dans un disque dur saisi chez M.

JQ CT, Directeur de la Division Recherches et développement. En page

7 de ce document, il est indiqué : « La politique de mobilité est vécue comme une contrainte et non une opportunité. […] Les mobilités sont ressenties comme une finalité en soi, ne visant que la réduction des effectifs. […] Les règles ne sont pas connues ou pas comprises, les outils n’assurent pas la fluidité de l’information. [..] Les mobilités sont ressenties comme ne prenant pas assez en compte les situations et contextes personnels. […] Les conditions opérationnelles d’accompagnement sont ressenties comme défavorables aux salariés » (D2921/7).

Avant d’évoquer le Time VO Move (2-2), il convient de s’intéresser aux réorganisations qualifiées de « multiples et désordonnées » dans la prévention, non pas en ce qu’elles constituent un agissement harcelant en elles-mêmes, mais parce que les mobilités contraintes en découlent (2-1).

2-1. Les multiples réorganisations et leur cortège de mobilités

Parmi les onze agissements considérés comme harcelants par la prévention, figurent les réorganisations que les magistrats instructeurs ont qualifiées de

< multiples et désordonnées '>.

Il est indiscutable, au travers des auditions faites par divers services enquêteurs sur toute l’étendue du territoire national, comme à la lecture des documents versés au dossier d’instruction, tels que les rapports des CHSCT, que ces réorganisations ont été extrêmement nombreuses pendant la période de prévention, qu’il s’agisse de réorganisations affectant l’organisation du travail ainsi qu’évoqué lors de l’examen des situations de M. AE (M. AO ayant expliqué que le service de techniciens réseaux dans lequel il travaillait avait été concerné par deux projets, celui du nomadisme et celui de l’optimisation des tournées – NA 03/06/2019 page 43) et de M.

BG ou de réorganisations concernant les modalités d’exercice du métier, comme dans le cas de M. DQ DA, victime visée dans la prévention et VF a tenté de se suicider en mai 2009.
M. DA impute son geste à l’évolution de l’organisation de son entreprise qu’il ne comprend pas et qu’il estime de ce fait démotivante : « La seule explication est la réorganisation de WV Télécom, que j’appelle plutôt désorganisation. C’est une vraie pagaille depuis trois, quatre ans, et ça ne se calme pas » (D1436/4).

Il explique qu’une partie de ses missions ayant été transférées à des entreprises privées, il a été affecté à une cellule multi-technique où il s’est vu confier des tâches qu’il ne maîtrisait pas : « Des services VF n’avaient rien à voir les uns avec les autres se sont retrouvés dans des unités uniques dites multi-techniques » […] «je suis conduit tout aussi bien à faire de la transmission, de la commutation ou de la radio.

[…] Cela a eu pour effet de confier à des personnels des tâches qu’ils n’avaient jamais exécutées et pour lesquelles ils n’avaient reçu aucune formation » (D1436/2-3). L’un de ses anciens collègues, M. DP, avec lequel il travaillait en binôme, souligne la difficulté de DQ DA à s’adapter au rythme des réorganisations tout en relevant que la confrontation avec des technologies plus ou moins bien maîtrisées est le lot de tous les agents VF travaillent dans le multi technique : «Il était très perturbé par les réorganisations successives du service, parfois très rapides. C’était très déstabilisant pour lui». Il partage l’avis de DQ

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DA sur le rythme des réorganisations : « Dès que les gens s’habituaient à une organisation, WV Télécom la changeait » (D1438/3).

Le cas de M. DR, responsable technique informatique réseaux de l’Unité de Service et d’Infogérance (USEI) d’Ile-de-WV à Paris, VF s’est suicidé le 4 septembre 2008 et VF figure parmi les 39 victimes de la prévention, est révélateur de l’usure psychologique que provoquent les réorganisations successives. M. CM SS, un de ses collègues, VF déclare avoir vécu notamment avec CE DR «les multiples réorganisations depuis en 2002/2003 » et que la pression hiérarchique était faible, observe néanmoins que les réorganisations ne sont pas sans incidence sur le climat et le sort des agents : « il est vrai que ces réorganisations servent à perdre des gens en route, parce que cette technique sert à regrouper les services, donc après le regroupement, les salariés se rendent compte que les postes sont en doublon, donc soit ils se trouvent un autre poste, soit ils restent sans travail en attendant de trouver un autre poste. Ce type de réorganisation évite d’avoir un mouvement social et permet de faire partir des salariés d’eux-mêmes » (D1864/2).

Autre cas VF illustre les difficultés d’adaptation à un nouveau poste dans le cadre d’une mobilité fonctionnelle : celui de Mme IB CH VF, suite à la fermeture du service Gestion de l’Agence Vente Client de Bordeaux, a dû intégrer l’équipe Sherpa du service « Convergence Plus » à partir de février 2009. Elle devait, à ce titre, exécuter des missions relevant tant du domaine technique que du domaine commercial qu’elle ne parvenait pas à convenablement effectuer : « J’avais un bilan

d’activité où il était indiqué le nombre de dossiers traités, le nombre de dossiers en instance, avec cela il faisait les statistiques. Je ne comprenais pas bien l’intérêt de ces entretiens du fait qu’il [son manager] savait déjà quelle activité était effectuée. A chaque fois, il insistait sur le déséquilibre VF existait entre les dossiers techniques et les dossiers commerciaux alors qu’il savait pertinemment que je ne maîtrisais pas la technique. Pour moi, j’étais sans cesse sous pression […] j’avais l’impression qu’il me harcelait et qu’il me mettait la pression mais au même titre que les autres ». Elle explique : « Je n’ai jamais été habituée à cette politique du chiffre. Je ne supportai pas d’avoir une épée de Damoclès au dessus de la tête à savoir si j’allais assurer les objectifs VF m’étaient fixés » (D990/3); […] « Cette pression faisait que j’étais dans un mauvais climat de travail. Donc j’avais peur de mal faire, de ne pas tenir mes objectifs » (D990/4).

Au sujet de ses conditions de travail, elle relate «Les conditions de travail

n’étaient pas non plus épanouissantes. Nous étions disposés en CO et il ne fallait pas de cahier avec nous alors que moi, j’avais besoin de mes notes. » […]. «Initialement, il n’y avait pas de postes attitrés. Il fallait ranger nos effets dans une valise elle-même entreposée le soir dans le vestiaire. Le matin, on se mettait là où il y avait de la place. il ne devait rester aucun effet personnel sur les tables le soir. Nous nous sommes battus pour avoir chacun une place habituelle, ce VF a été accepté » (D990/5 et 6)

Nombreuses ont été également les ré-organisations portant sur des fusions de services, de délocalisations et de suppressions de sites, etc.

A ce titre, les commentaires que M. AS a fournis à l’audience du 20 juin

2019 lors de l’examen du scellé J DEUX concernant la DT Est ont été particulièrement éclairants au sujet des disparitions, fusions partielles ou totales de sites qu’il a mises en œuvre sur cette direction territoriale sur la période de 2006 à 2007. Il en ressort

l’apparence d’opérations à tiroirs inscrites dans une forme de mouvement perpétuel où la logique des modifications organisationnelles devient factice: il faut bouger pour

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bouger.

Et il résulte du dossier d’instruction un certain nombre de témoignages faisant un lien entre ces ré-organisations VF ont entrainé des suppressions de postes et les 22 000 départs décidés par la direction.

Telle est l’analyse de M. EQ ST, pilote d’activité réseau et délégué syndical dans la Région Pays de la Loire, quand il expose l’application locale de la politique globale de fermeture des petits sites au site de Service Après-Vente (SAV) par téléphone implanté à l’origine à Saumur : « La direction a décidé de fermer le site et de rapatrier tout le personnel sur Angers. Cela impliquait donc deux heures de trajet en plus. Techniquement, le site était viable et l’activité pouvait continuer. Nous n’avons pas eu de justification rationnelle de la part de la direction VF a persévéré en dépit des soutiens d’élus et d’actions du personnel. La seule explication plausible était le contexte de suppression d’emplois. La pression au départ caractérisée par le « en secouant un peu partout, des gens tombaient ». Ce fut le cas, les mères de famille par exemple VF partaient de l’entreprise comme ceux VF ne pouvaient pas faire ces deux

heures de route c’était l’application simple du plan NEXT ». Il ajoute : « D’ailleurs, depuis septembre 2010, le site a ouvert de nouveau avec le SAV et une autre fonction.

Preuve que l’entreprise a changé mais surtout qu’il était bien possible de rester à Saumur. C’était vraiment une méthode pour faire partir les gens » (D1300/3).
M. AR AJ, victime dans la présente procédure, VF encadrait le service comptabilité-gestion à Rouen (DT NOC) est plus sévère encore: « Lors de mes entretiens individuels avec mon responsable direct, on m’incitait à décliner la politique de l’entreprise lorsqu’il s’agissait de prévoir une réorganisation injustifiée à la fois sur le plan de l’efficacité et sur le plan du retentissement négatif pour mes agents. On réorganisait pour réorganiser afin d’entretenir une forme d’insécurité pour le personnel» (D1471/2-3). Il déclare « mon chef [HQ SU] m’a expliqué que WV TELECOM pouvait très bien se passer de moi […] l’obsession de la hiérarchie était la diminution des effectifs » (D1471/3).

Au sujet de la suppression du service d’PN AE, VF s’est suicidé le 19 mai 2008 (D2804), fermeture s’inscrivant dans la cadre du projet d’optimisation des zones d’intervention selon les prévenus, le cabinet ISAST, missionné par le CHSCT de I’UI NORMANDIE relève que « même s’il est indiqué dans le document-projet que le projet d’optimisation des zones d’Intervention» n’impacte pas le nombre d’effectifs, nous voyons que, dans les années récentes, une sortie sur deux n’a pas été remplacée par de nouveaux entrants sur un poste de Technicien d’Intervention Client. Ce projet s’inscrit bien dans une démarche globale orientée par les objectifs du Groupe en termes de réduction de 22 000 postes (Projet NExT)» (D145/2).

Un dernier exemple concernant aussi une victime retenue dans la prévention, M. FL D.

En 2008, les Unités de Pilotage des Réseaux (UPR) de Lyon et de Marseille ont fusionné. Il ressort du document sur le projet de fusion des UPR de Marseille et Lyon, présenté le 29 mai 2008 au comité d’entreprise, que « La fusion des UPR donne lieu à une redéfinition du périmètre des fonctions transverses; ainsi, le nombre de postes passe de 95 à 75 pour l’ensemble des fonctions transverses » (D197/5). Le rapport du groupe d’analyses et de prévention (GAP) en charge d’une enquête sur le décès de

FL D VF s’est suicidé le 14 juillet 2009 en laissant un C accusateur pour la direction de WV Télécom, relève que la hiérarchie annonçait « une déflation des effectifs de 5% sur l’UPR créé » (D195/7). FL D exerçait la

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même activité d’architecte réseau mobile sur le même lieu à Marseille depuis WP ans

(D192) et bien que le conseil de WV Télécom ait affirmé que les réorganisations des UPR de Lyon et de Marseille n’avaient pas d’incidence sur la pérennité du poste occupé par ce salarié, ses collègues (Y-DQ XP- D2280/2, AD

RICHAUME D2373/2) PU état de l’ambiance dégradée provoquée par cette annonce de déflation. Pour FO SV, FL D « s’est senti menacé par cette fusion, comme tout le monde. […] Le climat était tendu depuis quelque temps.

[…] Le but ultime à l’époque était de « dégraisser à tout prix » (D2372/2). Dans le documentaire de LR BH, M. PN SW, délégué syndical

CGT, apporte l’éclairage suivant : « FL D, je pense, de par son manager immédiat, ne subissait pas ce que l’on pourrait appeler un harcèlement moral, etc…

En revanche, il y a un système à WV Télécom depuis quelques années, un système insidieux VF met les personnes en insécurité sur leur poste. C’est des mots VF sont rabâchés sans arrêt par la direction : "Vous n’êtes pas propriétaires de votre poste. Tout le monde peut être redéployé. » Il est très facile par des petites phrases, banales, pas vraiment méchantes, de faire peur aux gens» (minute 1:02:15).

Autant de « minuscules gouttes d’arsenic» évoquées par M. DS (cf

CHAP. II, HT III).

Un déficit de communication de la part des managers au sujet de certaines réorganisations a également été évoqué. Ainsi, la direction territoriale Nord (DTN) a connu, d’avril 2007 à décembre 2008, une série de six réorganisations des unités et des métiers VF a conduit à une baisse des effectifs de 2611 à 2269 agents entre 2006 et

2009 (D58/20).

Le défaut d’explication sur le sens des réorganisations successives de la direction territoriale Nord conduites par des managers sous pression a eu des répercussions, notamment concernant Mme BW DT, victime dans la présente procédure, agent de l’Unité d’intervention Nord Pas-de-Calais. En arrêt maladie depuis août 2008, Mme DT s’est suicidée à son domicile le 26 février 2010.
M. HS DT, son époux, explique qu’en 2008, une nouvelle réorganisation se mettait en place : « Il était question de regrouper les trois plateaux de Lille, Arras, et Lens. Mon épouse s’occupait du suivi de contentieux, mais ne savait pas quelle place elle allait prendre, ni quelle activité au sein de cette organisation '>

(D821/2). Il constate que, dans le cadre de cette réorganisation, « à WV TELECOM, ils n’ont pas su expliquer à mon épouse ce qu’allait devenir son emploi ». M. HQ SX, collègue d’BW DT, confirme qu’en mars 2008 : « la hiérarchie n’a jamais été capable d’expliquer clairement [à BW DT] ce qu’elle allait devenir dans cette nouvelle organisation. Elle ne figurait même pas dans le nouvel organigramme ». Il précise : «Alors qu’il était acté qu’elle avait sa place, lorsqu’elle demandait des nouvelles de son devenir, il lui était répondu qu’elle devait prendre ses congés et qu’elle verrait quand elle rentrerait […]» (D852/3).

Cependant, ces réorganisations ou restructurations ne peuvent être en elles-mêmes assimilées à des agissements harcelants. D’une part, il ne ressort pas du dossier d’élément suffisant pour établir qu’elles étaient toutes injustifiées, pour être sans lien avec des projets technologiques ou commerciaux nécessaires à la transformation de l’entreprise, ou qu’elles ont été décidées par les prévenus, VF en avaient délégué le pouvoir à l’échelon territorial. Par ailleurs, il n’est pas contesté que les regroupements d’activités, déplacements ou fusions de sites ont été évoqués en comité d’établissement au niveau de la direction territoriale en présence des organisations syndicales. Des accords locaux ont pu être signés avec les organisations syndicales, sur les actions de formation, la négociation des horaires, etc., comme versés au dossier d’instruction par M. AS (D3907 et suivantes).

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En revanche, au sujet de leur caractère « désordonné », il peut être noté que la Direction de WV Télécom ne disposait pas d’outil lui permettant d’avoir une vision globale de toutes les réorganisations opérées simultanément sur le territoire et susceptible d’assurer une transformation de l’entreprise à un rythme supportable pour les agents en priorisant, freinant ou différant certaines d’entre elles. C’est en tout cas ce VF ressort de la réponse de Mme M et du regret exprimé par le représentant de FO lors du CCUES des 16 et 17 septembre 2008, dont le procès-verbal a été versé aux débats par les conseils de la CFDT et de l’UNSA le 6 juin 2019: « Sur la demande de fermeture de sites, je regrette votre refus. Car

d’avoir en CCUES une vision globale des fermetures de sites sans être obligé de regarder tous les projets présentés en DT VF ne concernent que les DT et en Divisions VF ne concernent que les divisions, ce serait une donnée intéressante pour l’ensemble des élus et RS de cette assemblée. Peut-être qu’un jour nous arriverons à vous convaincre que c’est nécessaire et utile » (page 34 du procès-verbal}.

Laissées à la main des managers des directions territoriales ou des unités locales, elles n’étaient, semble-t-il, examinées et contrôlées par la Direction qu’à

l’occasion d’arbitrages opérés par une instance particulière, le comité de redéploiement présidé par M. AP: ces arbitrages intervenaient lors de réorganisations concernant des services implantés dans deux ou plusieurs directions territoriales. Il peut être néanmoins relevé qu’à l’automne 2009, la décision de
M. AN de stopper la réorganisation du site de Cahors, VF, selon M.

AN lui-même n’avait pas de sens, a immédiatement été suivie d’effet (NA

24/05/2019, NA 21/06/2019 page 31).

Mais surtout, il est établi qu’à l’occasion de ces réorganisations ont pu être mises en œuvre, pour inciter à la mobilité, des méthodes de management VF existaient déjà dans l’entreprise, mais dont l’usage a été intensifié par les managers VF se trouvaient sous la pression de l’objectif de déflation, comme le prouvent les témoignages suivants.
M. CG, cadre responsable du Département pilotage de l’URRRD à la

DT Sud-Est, entendu le 11 juin, témoigne : « Depuis 95, on réorganise régulièrement les établissements. Mais globalement ça se passe bien, je parle pour les cadres : les séniors laissent les postes opérationnels aux plus jeunes et prennent des fonctions de conseil, d’accompagnement faciles à supprimer à leur départ à la retraite. On s’adapte sans grands heurts à la baisse des effectifs induits par l’attrait du CFC (les départs réellement naturels) Les années 2003-2005 sont très dures : plan BV, économies drastiques, grosse pression, mais tout le mode l’accepte pour sauver l’entreprise. A cette occasion, les consultants externes mettent en place une organisation matricielle étouffante et intrusive, un management très directif, puis le Lean management. Début 2006, le plan BV a été tenu, l’entreprise étant sauvée, nous attendions un retour à la normale, pour pouvoir souffler un peu. Déception, AN annonce un plan similaire: NExT. Nous apprenons la distribution de stocks-options aux top managers, conditionnés à la réussite de NExT. Mon directeur indique avoir reçu environ 1 000 actions » (déclaration jointe aux NA page 1).

La mise en place du programme ACT est décrite de manière très crue par M. DU, cadre responsable technique en région parisienne: « L’idée de ACT était de briser toutes les structures pour vous obliger à vous mettre en mouvement, à vous remettre en question, et partir de l’entreprise. Pour ce faire, les chefs de département changeaient d’abord tous les 2 ans, puis tous les ans, puis tous les 6 mois.

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31eme Cn.

Chacun avait pour mission de restructurer le service, avec toujours moins de personnel, en déclinant que notre activité avait une faible rentabilité et qu’il fallait la sous-traiter,

Le but de ACT était de modifier tous les repères, de faire un tremblement de terre, pendant 3 ans, pour dégoûter le personnel » (D1721/1).
M. EQ EE, directeur du contrôle de gestion de l’agence Entreprise

Sud-Ouest explique qu’à son avis, sous le terme officiel, politiquement correct, de fluidité », les réorganisations et les programmes de mobilité interne participaient de la même logique que les programmes de mobilité externe : « Mon interprétation de cette politique managériale était de créer un mouvement des personnels pour faire sortir des gens. Si vous en faites bouger une dizaine, vous aurez bien une ou deux personnes VF partiront. Pour cela, les personnes étaient mises « en déploiement ». Leur poste était supprimé et il leur fallait en trouver un autre. Sauf que tous les services supprimaient des postes. Il était donc difficile à ces salariés d’en retrouver »

(D2813/12).

Un exemple est celui de M. DV JV, partie civile entendue le WP juin 2019, VF a subi des mobilités fonctionnelles successives dans un contexte notamment de réorganisations des directions régionales en direction territoriale, et VF a pâti d’un nombre de «fonctionnels » trop élevé à l’Agence Vente et Service Client (AVSC) Nord de WV, comme l’explique le courriel suivant, de juin 2009, de son manager, M. GD SY: «Nous avons des objectifs très ambitieux de réduction des effectifs fonctionnels et nous en prenons acte. Il ne s’agit nullement de sanction envers

DV et je le lui ai bien expliqué ce matin : objectivement, cela fait de nombreux mois qu’DV ne devrait plus figurer dans les effectifs fonctionnels de l’AVSC. Nous nous sommes fait épingler par notre Direction Métier et notre DT sur nos fonctionnels trop nombreux : nous n’avons plus le choix. DV JV sera donc rattaché au SNC

[Service National Consommateur] au 1er juillet 2009 » (D1985).

Un autre exemple peut être celui de M. NU AI, VF travaillait à l’Unité d’intervention Alsace-Lorraine de la Direction Territoriale Est à Strasbourg, où la suppression du service «les liaisons louées» était programmée pour 2008. Cette suppression concernait notamment NU AI, membre de ce service, VF s’est trouvé ainsi affecté sur un site VF ne réunissait que des postes commerciaux

(D1021/2; D1019/2; D1020/15).
M. Y AI, employé de WV Télécom et frère de NU AI VF s’est suicidé le 17 mai 2008, et dont le décès a été considéré comme accident de service, rapporte : « Le changement est venu progressivement, à partir du moment où le plan NExT a été mis en place. Ça a été diffus mais on a commencé à être progressivement plus stressé, et les réunions ont commencé à s’accentuer de plus en plus vers nos départs. […] Je pense que tout le monde a dû être convoqué, à cause du plan NExT VF parlait de la suppression de 22 000 emplois. Ça devait être fait en 3 ans, et comme ils n’arrivaient visiblement pas à cet objectif, on a senti une pression VF montait crescendo. C’est-à-dire qu’on nous a dit quand on était donc convoqué qu’on était vieux, qu’on n’arriverait plus forcément à suivre, qu’il faudrait commencer à partir, ce genre de choses» (D1019/2; D1019/4). A l’audience du 3 juin, M. Y AI, VF s’est constitué partie civile, a remis un exemplaire de la lettre qu’il avait lue lors la première réunion d’équipe VF avait suivi le geste de son frère. En voici un extrait, sachant qu’elle date de mai 2008 :

«Les restructurations successives de notre PDG EY AN pèsent lourdement sur le moral de agents de WV Télécom. Les annonces successives de suppressions de postes, de même que la pression exercée par FT pour inciter les

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agents à quitter l’entreprise ont fini par ébranler le moral des agents. Ces dernières années, un certain nombre de suicides ont déjà endeuillé notre entreprise. Quelle est la réponse de l’entreprise face au désarroi de ses salariés ? » (jointe aux NA).
M. Y-BO XQ, un collègue des frères AI, indique : « Vous me demandez si le plan de suppression de postes en 2006 s’est ressenti niveau management, oui, oui, il y a eu lors des entretiens beaucoup de monde à VF les chefs demandaient plus ou moins de partir en pré-retraite, ou partir ouvrir sa propre entreprise, enfin l’important était de partir quoi. C’était surtout à ce moment-là qu’il y

a eu plus de pression » (D1021/3).

Sans être exhaustif, il apparait dans le dossier d’instruction ainsi qu’aux cours des audiences que la mobilité géographique et / ou fonctionnelle a été un outil mis en œuvre par les managers pour déstabiliser le personnel et les contraindre à quitter l’entreprise.

Lorsqu’un salarié ne trouve plus de justification et ne comprend plus le travail qu’il exécute, il va être nécessairement en souffrance.

Les mobilités appliquées avec incohérence poussent le salarié à exercer des postes sur lesquels il y aura une perte de repère par rapport au métier connu, un manque de formation qualifiante et une contrainte dans l’exercice de sa mission.

Le cabinet BR indique que le mouvement a souvent été vécu comme imposé de manière abrupte, sans préparation ni accompagnement. Il note qu’un fort sentiment d’insécurité est apparu et demeurait encore très présent lors de

l’intervention de son cabinet, en 2010, tant pour les fonctionnaires que pour les salariés de droit privé (D339/34 et 35).

Et à cette intensification de méthodes managériales visant à obtenir des mobilités et des départs sous la contrainte, s’est ajoutée une autre sorte de mobilité contrainte concernant cette fois-ci les cadres, le « Time VO move ».

2-1. Le couperet des cadres: la pratique du « Time VO move »

Il est ressorti des débats et des pièces qu’il existait, avant l’arrivée de M. AN, une pratique au sein du Groupe WV Télécom VF consistait à imposer aux cadres de la bande E une mobilité géographique pour pourvoir accéder aux grades supérieurs. Selon Mme M (conclusions page 37), deux accords d’entreprise sont venus mettre un terme à cette pratique, le premier en 2004 pour les femmes et le second en 2007 pour les hommes. Mais il également apparu que cette pratique de la mobilité géographique concernait aussi des cadres de niveau inférieur, de façon assez répandue.
M. AN a affirmé constamment, dans le documentaire de M. BH

(minute 41:26) en 2009 jusqu’à l’audience, qu’il ignorait jusqu’au sens de l’expression

Time VO move, la seule qu’il connaissait étant « Time VO market », et il n’est pas le seul.
M. Y-HK XO, Directeur de la Formation et du développement professionnel Groupe connaît «< uniquement time VO market» (D2739). Même des cadres l’ont indiqué. M. AD SZ, directeur régional Bretagne, répond à propos de

l’évocation de l’expression « Time VO move » : « Je n’en ai aucune idée, ça a dû être un slogan inventé après mon départ », étant précisé que M. SZ a souhaité une mobilité vers la fonction publique, effective à compter du 6 novembre 2006 (D2421/5). M. DV TA, directeur de la DT Ile de WV en 2007, déclare quant à

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31 ème Ch.

lui: < Franchement ça ne me dit rien. Pour moi j’ai le souvenir que TTM était Time VO

Market VF visait à raccourcir les délais entre le développement et la mise sur le marché ›› (D2422).

Certains cadres ont témoigné n’avoir jamais exercé de pressions, tels Mme WB-WC, directrice du centre de développement et de recherche

MAPS. A la question « Votre service était-il touché par le Time VO Move demandé par la direction ?», elle répond : « Je n’ai jamais entendu parler de ça. Moi, en tant que manager de ces équipes, je n’avais aucune pression pour pousser des salariés de chez moi à bouger » (D2758). Il convient de préciser qu’elle a pris ses fonctions en avril

2009, par conséquent quelques mois après la note de Mme M ci-après évoquée.

A la même question, M. TB TC, VF dirigeait le laboratoire ETT, affirme : « Je connais ce terme pour l’avoir lu sur des tracts syndicaux, en revanche en tant que manager je n’ai jamais eu à mettre en place une procédure pour inciter les salariés à partir » (D2759).
Mme R-XR XN, directrice de la formation et du développement professionnel groupe d’octobre 2008 à 2011, déclare : « sur le time VO move, je ne l’ai jamais vécu, je ne l’ai jamais vu dans des directives, par contre il m’a été rapporté que certains managers demandaient à leur collaborateurs cadres de bouger de façon systématique, ceci pour les redynamiser, qu’ils soient plus performants » (D2401/8).

En revanche, M. AO a déclaré : « C’était une pratique courante

d’expliquer aux cadres, au bout d’un certain temps, qu’il fallait qu’ils bougent »

(D2351/6). Et il est effectivement ressorti de l’enquête que cette obligation de mobilité

a été vécue par de nombreux cadres et que cette pratique générait un climat d’insécurité comme en attestent les témoignages suivants.

Selon M. DV CR, cadre supérieur, « Tout le monde avait le time VO move au-dessus de la tête, ça participait à ce climat de peur » (D1552/6).
Mme FT UH, responsable du département business de l’Unité d’Intervention Languedoc-Roussillon de 2005 à 2008, décrit avec beaucoup de précision l’application du principe < Time VO move » dans son unité et ses effets sur l’environnement du travail et la santé de ceux VF étaient ciblés par cette technique de management : « C’était très dur à vivre, c’était une punition, mais les gens ne comprenaient pas pourquoi ils étaient punis, il n’y avait rien de personnel, c’était juste pour remplir les objectifs de déflation […]. Donc les time VO move et ces gens piégés se retrouvaient affectés fictivement dans une entité poubelle dénommée le CDR Déploiement, lorsque le salarié était rattaché à ce code, il était dans un sas de sortie, il fallait soit qu’il se trouve un autre poste, soit qu’il sorte, il n’était plus reconnu dans l’unité, il ne faisait plus partie de l’organigramme et ne touchait plus de part variable.

Théoriquement, ils étaient accompagnés par les SG et les Espaces Développement mais dans les faits, comme le but était de faire partir les gens, on laissait pourrir la situation jusqu’à ce qu’ils partent d’eux-mêmes » (D3168/2-3).

Lors son témoignage à l’audience du 21 mai 2019, M. PK EG,

< responsable de la transformation » au sein de l’Unité d’intervention Limousin

Poitou-Charentes de novembre 2006 à avril 2007, relate : « Parmi les cadres,

l’ambiance n’était pas bonne. Le Time VO Move faisait des ravages. Dès que l’on était touché par une évolution d’organisation et très vite dès qu’on appartenait aux T

fonctions supports ou de Back-Office – on se voyait proposer une évolution vers un métier prioritaire.

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Certains de ces cadres postulaient alors sur des métiers prioritaires locaux, mais ils

n’étaient jamais pris… Alors on leur proposait PARIS. Le temps de leur réflexion, on leur proposait une mission. Il y avait d’ailleurs tellement de cadres fragilisés et donc tellement de missions à proposer qu’on s’est mis à créer des structures dédiées au sein des Directions Territoriales. On a dépassé les

250 cadres en mission en même temps dans certaines de ces Directions Territoriales. Bien sûr, pour vous motiver, la première mission était souvent d’un certain intérêt.

Mais très vite, les activités, voire les tâches qu’on vous réservait vous donnaient

l’impression forte d’une tentative de déqualification grossière. Vous pouviez ainsi vous retrouver à saisir dans Excel la liste des salariés de la Direction Territoriale… »

(déclaration annexée aux NA page 3).

Enfin, M. HK GO, délégué syndical central CFDT, interviewé dans le documentaire de LR BH, expose les conséquences des mobilités des cadres :

«Il faut pas faire de complicité avec les salariés qu’on manage. Et donc, en les bougeant souvent, on n’a pas le temps de créer ces solidarités VF existent dans le travail, et même avec le manager parce que le manager ne fait rien sans ses salariés. Il aura pas ses objectifs lui non plus et, peut-être que pour éviter ça aussi, on a décidé que les cadres eux aussi devaient bouger systématiquement. Et « Time VO move » c’était ça quoi. De toute façon un cadre, au bout de trois ans il fallait déjà qu’il se mette dans la tête qu’il fallait qu’il change. »

- Dès son arrivée ?

« VF. Et il avait le temps de rien construire, en fait, et donc qu’est-ce qu’il faisait ? Il appliquait bêtement – enfin bêtement – en tout cas appliquait les directives qu’on lui donnait du haut parce que en plus, lui, le « Time VO move » c’était quand même aussi une épée de Damoclès sur sa tête, et s’il l’appliquait pas, il partait peut-être encore plus vite qu’un autre » (minute 33:41).

Dans son rapport, le cabinet BR fournit l’éclairage suivant sur la dimension insécurisante de ce genre de pratique : « Dans une période instable où les

salariés so très bousculés, on sait que la relation au RH ou au management est un HT d’ancrage important. Cette mesure ne fera qu’aggraver la situation des salariés, tout niveau hiérarchique confondu. Elle rompt les liens du collectif de façon itérative et met ce « manager RH » en situation de lâcher ses équipes (et donc chaque salarié) de façon régulière. Tout le monde menace, tout le monde est menacé » (D339/214). C’est ce qu’indique, sous une autre forme, M. A TD, chef d’équipe et supérieur hiérarchique jusqu’en 2007 de JB DW, victime dans cette procédure VF s’est suicidé le 9 novembre 2008, lorsqu’il pointe les méfaits de la politique de turn-over systématique dans ce contexte de restructurations successives :

«La politique de WV TELECOM a changé, les chefs d’équipe ont été déplacés tous les deux ans, à partir de 2006, il y a eu des quotas de personnes à faire partir et dans le cas de JB DW, cela a été difficile, de faire confiance à chaque fois

à des nouveaux chefs d’équipe […]. Tout se passait très bien avec Mr DW, hormis le fait qu’il manquait de confiance envers sa hiérarchie […]» (D849/2). Lors de son témoignage, M. CG, cadre responsable du Département pilotage de l’URRRD à la DT Sud-Est, livre l’analyse suivante : « La mobilité des cadres détruit les relations de confiance avec les salariés, fragilise et isole des cadre de leur famille et de leurs pairs. La double mobilité géographique et métier tous les 3 ans multiplie les pertes de repères. Comme le manager ne connait pas son nouveau métier, il ne peut pas comprendre les difficultés de ses salariés, n’a plus qu’un repère unique : les injonctions des directions métiers, éloignées du terrain et du travail réel.

Les solidarités et la confiance s’effondrent. La compétition devient concurrence ML. Le lien social se délite » (page 4 de la déclaration jointe au NA du

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31ème Ch.

11/06/2019).
M. DX DY, le Secrétaire National de la CFDT, adressait, le 5 novembre 2008, un C à Mme GI M, au sujet de cette pratique de mobilité des cadres. Il reprenait les remontées du terrain et expliquait que ce système se caractérisait par :

- des mobilités fonctionnelles tous les 5 ans pour les cadres de la bande E et tous les 3 ans pour les cadres de la bande F.

- des mobilités géographiques tous les WO ans, sur un autre bassin ex DR pour les cadres de la bande E et tous les 5 ans, sur un autre bassin de DT pour les cadres de la bande F.

Et il précisait : « Nous vous confirmons que cette mesure [mobilité fonctionnelle tous les 5 ans et mobilité géographique tous les WO ans], si elle existe, n’a pas été présentée et encore moins discutée avec les représentants du personnel » (D3433).

Au cours de l’instruction, Mme M (D3692/WP) et M. AP

(D2295/6) ont affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une « consigne de la SG Groupe »>. Et ils ont réitéré ces propos à l’audience. Pour conforter cette affirmation et attester de la remise en cause de la pratique dénoncée notamment par sa lettre en réponse du 21 novembre 2006 figurant au dossier dans laquelle elle qualifie de « dysfonctionnement » une telle pratique (D3433/3), Mme M a versé aux débats un courriel du 19 décembre 2008, qu’elle a VN en interne aux principaux services concernés (RH SH, Direction des Relations sociales, OPF, DJ notamment) afin de transmettre la lettre de M. DX

DY et surtout le C de réponse qu’elle lui avait VN, et dans lequel elle rappelle de < faire de la mobilité une opportunité pour le collaborateur de réaliser un projet de développement personnel dans une optique de sécurisation de son parcours professionnel et de concilier au mieux aspirations professionnelles et personnelles » (pièce n° 2 communiquée le 20 juin 2019 et jointe aux conclusions). Cette réaction de Mme M, si elle est incontestable, peut paraître néanmoins tardive de la part de la personne VF occupait, dès 2005, le poste de Directrice Recrutement, Mobilité, Carrières au sein de la SG Groupe et à la connaissance de laquelle l’existence de cette pratique, si répandue, du Time VO move aurait donc totalement échappé jusqu’à ce signalement du syndicat CFDT.

Il peut être constaté que la conjonction de ces mobilités issues des réorganisations et de celles liées Time VO move a été un indéniable facteur anxiogène pour les agents dans le contexte de déflation généralisé.

3- L’instrumentalisation de la hiérarchie intermédiaire et des services des ressources humaines

Classiquement, les services des ressources humaines, l’encadrement et la médecine du travail ont, entre autres, pour rôle d’apporter du soutien aux personnels et de veiller au climat des relations sociales dans l’entreprise. Cette mission est d’autant plus indispensable que le contexte d’exercice des activités est devenu stressant sous la pression de nombreux changements.

Or, si l’examen de la situation individuelle des 39 victimes a permis de relever certaines dérives managériales, il a aussi été l’occasion de constater que les managers avaient eux-mêmes souffert de la pression qu’ils exerçaient (3-1). Par ailleurs, le rôle des services des ressources humaines, et celui notamment des Espaces Développement, mérite un examen particulier (3-2).

3-1. La hiérarchie intermédiaire en souffrance : entre le marteau et l’enclume

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Le manager joue un rôle de premier plan dans l’atténuation ou l’aggravation du stress de ses collègues. Or, si des « dérives » managériales ont été dénoncées, la souffrance de certains managers est également ressortie du dossier d’instruction et des débats. En voici certains à titre d’exemples.
Mme HR TE, Adjoint au chef de groupe déclare : « Il y a eu un fossé VF s’est creusé voire VF existait déjà entre la hiérarchie de proximité, nous, et nos adres supérieurs. Il n’y a pas eu d’explications, de projets, on nous parlait à coup de schémas, d’objectifs, de chiffres, mais tout le côté humain a été laissé de côté »

(D1294/3).

Au cours de son audition par l’enquêteur, M. FO FP, victime mentionnée dans la prévention, a relaté les conditions dans lesquelles il a assuré la fermeture du service qu’il dirigeait, l’agence entreprise (AE) d’Annecy, à partir de

2008, et a accompagné ses collaborateurs dans leur changement d’affectation vers les plate-formes et notamment le WO-16 « pour ceci je devais leur faire passer le discours VF m’était soufflé par WV Télécom » (D1102/2). Et il a mal vécu, au HT d’être arrêté pour dépression en 2009, le fait d’être affecté à son tour, sur une plate-forme téléphonique. S’il affirme ne pas avoir eu le sentiment d’être harcelé, il exprime néanmoins le désarroi du cadre intermédiaire VF a appliqué sans état d’âme les instructions de sa direction à ses collaborateurs et VF découvre qu’en dépit des gages de loyauté qu’il a donnés, il est à son tour soumis à un traitement identique, voire plus sévère : « J’avais un fort sentiment d’injustice, car je donnais beaucoup pour WV Télécom et en retour j’étais viré comme grouillot dans un service où je ne voulais pas aller. J’allais faire le même boulot que Mme DZ le cas social de mon service » (D1102/3).

Entendu comme partie civile, M. Y AI, frère de NU AI VF

s’est suicidé le 17 mai 2008 mais agent lui-même de WV Télécom, a eu ces mots envers leur N+1 auquel il attribue un rôle dans le geste fatal de son frère : « M. EA

a su appliquer avec zèle les consignes et ordres donnés par la direction de WV Télécom. M. EA ne nous a jamais indiqué que notre nouvelle activité serait liée au PABX. Il laissait planer le doute sur un éventuel passage au commercial. Ce VF est atterrant dans ce dossier, et que l’on entend aussi chez les prévenus, c’est les « pas nous ». Les « pas nous », c’est ceux VF ne PU rien, VF ne sont au courant de rien, mais VF exécutent. Les ordres, c’est « pas nous », c’est les « on ». Dans notre entreprise, à cette période, nous étions dirigés par des « on » et des « pas nous ». Les «on '> donnaient les ordres, les « pas nous» ne prennent pas leurs responsabilités après exécution » (page 6 de la déclaration annexée au NA du 3 juin 2019).

La douleur exprimée par M. AI comme celle de Mme UH, dont les propos ont été ci-dessus rapportés (« J’ai essayé de faire proprement le sale boulot »>) prennent une certaine profondeur quand ils sont mis en perspective avec ceux tenus par Mme CM TF, responsable d’équipe WO-14, dans le documentaire de LR BH: «Le manager de proximité a toujours été entre le marteau et

l’enclume. Le marteau tapait plus ou moins fort suivant les mois. Là, ces derniers temps, effectivement, j’ai l’impression quand même que l’enclume était de plus en plus dure et le marteau de plus en plus fort. Donc, on n’avait nous plus de moyens pour bouger, plus de moyen de rien faire pour essayer d’éviter ce VF tombe d’en haut et

d’éviter les rebonds sur le bas. » (minute 1:26:29).

A ce sujet, M. Y-FL XS, coordinateur de la gestion de crise également interviewé dans le documentaire de LR BH visionné à l’audience du

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31 ème Ch.

21 juin 2019, donne une explication : « Si vous mettez un système de gestion VF regarde le nombre de gens VF vont partir dans la fonction publique et que ce critère là, et si vous mettez une pression trop forte, et bien vous poussez les managers à avoir des comportements VF ne sont pas vertueux. C’est pas le manager VF est en faute, c’est le système de gestion VF le conduit, de fait, à avoir cette attitude»> (minute

43:11).

Autre témoignage dans ce documentaire, celui du désarroi d’un manager cette fois, M. Y TG, chef de département de FL D, VF n’a toujours pas compris le sens de la lettre que ce dernier a laissé avant de se suicider et dans laquelle il a écrit : « Je me suicide à cause de mon travail à WV Télécom. C’est la seule cause. Urgence permanente, surcharge de travail, absence de formation, désorganisation totale de l’entreprise. Management par la terreur. »

Le témoignage reçu à l’audience du 27 juin 2019 de M. KA PE a été instructif sur le parcours subi par ce cadre, responsable du contentieux du Groupe, après son refus en mars 2005 de procéder à la fermeture de centre (Lisieux et Guéret) :

«Ma hiérarchie m’a répondu que la nouvelle tendance était à la création de très grosses structures multifonctionnelles de plusieurs centaines d’employés, que je ne comprenais pas cette vision et qu’eux ne comprenaient pas mes états d’âme de fonctionnaire ». Il a détaillé les étapes successives de sa placardisation, après avoir été écarté de son poste en avril 2006: « Je suis donc resté seul dans mon bureau de

Bordeaux Pessac de 8h30 à 18h30 tous les jours pendant un an, sans même voir un collègue… Je n’ai jamais plus eu un mail, un coup de fil ou tache… sauf une, remettre un tableau Excel à deux colonnes à jour : j’ai refusé. Je m’envoyais de temps en temps un mail pour savoir si j’existais toujours dans l’organigramme. Une fois par trimestre environ, je recevais un appel des RH pour savoir si j’avais trouvé un poste ailleurs car je comptais en tant que « chargé de mission » dans les effectifs de la direction, et que cela plombait les ratios. […] Lors de l’un des rares appels de ma RH, je lui ai indiqué que j’étais psychologiquement et physiquement très mal et étais sous antidépresseurs puissants et somnifères […]. Je lui ai dit aussi que j’avais peur car je m’étais mis à boire seul dans mon bureau du whisky : elle m’a répondu que je n’avais pas à me plaindre puisque FT me versait un salaire VF me permettait de m’acheter cet alcool ». Fin 2007, on lui a proposé qu’il demande officiellement sa retraite en août 2008, date de ses 55 ans, en lui proposant une nomination préalable au grade de directeur régional pour avoir un meilleur indice. Son interlocuteur lui a précisé qu’il devait donner sa réponse sous 48 heures et que trois jours plus tard, « il y avait une réunion spéciale pour les gens comme [lui] » (déclaration annexée aux NA).

Une explication a été présentée dans le rapport BR (D339/174 à

176), issue de l’analyse faite par M. AZ dans son ouvrage Souffrance en WV, synthétisée sous l’expression « la banalisation du mal » et qu’il a développée à

l’audience.

Le rapport BR donne aussi l’éclairage suivant : « Du profil de « BU technicien » issu de la culture industrielle de FT, le manager a dû passer à celui de « BU gestionnaire » chargé de faire atteindre à ses collaborateurs des objectifs quantitatifs élevés. Ce phénomène a eu pour effet de mettre les managers sous pression et a induit des comportements variables selon leur personnalité et leur sensibilité à la souffrance d’autrui. La mise sous pression pour atteindre les objectifs et leur participation à la diminution des effectifs, voire par des moyens répréhensibles, a fortement entamé leur image auprès des salariés. 40% d’entre eux ne se sentent pas soutenus par leur manager. Mais ceci a eu également pour conséquence d’augmenter le stress de nombreux managers dont la santé psychologique a été fragilisée en provoquant notamment un sentiment de culpabilité.

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Pris dans la double contrainte de loyauté à l’entreprise et de protection de leurs collaborateurs, ils sont devenus aussi une population exposée aux risques psychosociaux d’autant que 35 % d’entre eux estiment que leur propre responsable ne les soutient pas dans leur travail quotidien » (D339/131).

Plus loin, le rapport expose les trois grandes catégories de comportement adoptés par les managers : « La pression du court terme évoquée précédemment a eu des effets variables sur le comportement des managers selon leur personnalité. Les témoignages recueillis lors des entretiens ont permis d’identifier trois grandes catégories de comportements :

- les « exécutants » VF ont plus ou moins adhéré au modèle de management (manager gestionnaire) et adapté leur comportement au nouveau modèle, alternant entre résistance passive et « réalisation du minimum pour être tranquille » ;

- les « protecteurs » VF ont joué un rôle d’amortisseur face aux contraintes et à la pression ou VF ont parfois été « résistants », en prenant des libertés avec les objectifs ;

- les «exécuteurs » VF ont adhéré au modèle et aux objectifs de réduction des effectifs, et parfois, aux yeux des salariés « ont fait du zèle pour obtenir leur prime, voire ont adopté des comportements VF ont dépassé les limites de l’acceptable » (D339/169).

3-2- Les services des ressources humaines, moteur de la transformation

Alors qu’elle figurait parmi les pré-requis dans le Crash program présenté par M. AP au comité de direction générale le 23 octobre 2006 (D3328/28 et /29), ce dernier, comme Mme M et M. P, ont constamment affirmé que la « verticalisation des fonctions RH » n’avait jamais été mise en oeuvre.

C’est ce qu’a confirmé M. HD EC, responsable des ressources humaines de l’unité d’intervention Ile-de-WV Est entre septembre 2006 et septembre 2009, VF gérait environ 1 000 personnes au sein de WV Télécom : « La verticalisation de la fonction RH a été annoncée, mais je ne l’ai jamais vécu. Mon N+1 était Y FO WD VF était le directeur de l’unité d’intervention, c’est lui VF me fixait des objectifs, c’est à lui que je rapportais et c’est lui VF me faisait mon entretien semestriel d’évaluation. J’ai travaillé avec lui de début septembre 2006 au 30 septembre 2008. ID TH, la SG DT, avait un rôle de conseil, d’expertise métier, mais ne s’est jamais positionnée vis-à-vis de moi de manière hiérarchique » (D3170/WP).

Ce responsable a également précisé : « On s’est retrouvé dans une logique parfois trop orientée ressource et pas assez humaine, avec des politiques et marges de manœuvre pas claires. Les effectifs RH avaient été considérablement réduits, entraînant un sentiment d’isolement pour les managers et les salariés »> (D3170/WP).

Sur ce sujet de la diminution des effectifs RH, il est en revanche en désaccord avec M. AP VF soutient qu’ils sont restés constants, en joignant à ses écritures le rapport pré-final d’analyse des comptes 2008 du Groupe établi par le cabinet TW (pièce n°7): si les effectifs des services RH sont effectivement restés constants en proportion des effectifs du Groupe WV, pour environ 3% entre décembre 2006 et juin 2009, ils sont passés de 3 332 personnes à 3096 sur la même période, soit une diminution de 7,1% (page 18). Toujours au sujet de la diminution des effectifs RH, mérite d’être relevé

l’éclairage suivant. Interrogée sur les conséquences des plans NEXT et ACT, CM CQ WE, cadre RH à l’UAT de la direction territoriale Sud

Est, déclare: « Les objectifs étaient de dégraisser l’entreprise sans faire de plan social en incitant le maximum de personnes à quitter l’entreprise, soit par un plan de retraite anticipé, soit en les accompagnant à prendre des postes à l’extérieur ou à créer leur entreprise. Il n’y avait pas de cible sur une catégorie de personnel. La

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h. e C m è 1 3

fonction RH est une fonction de coût et elle a été réduite considérablement entre 2002 et 2010. Les effectifs ont été divisés par quatre. De ce fait, les cadres RH obligés de faire les tâches d’assistante RH et de personnel logistique n’ont pas pu accompagner convenablement les salariés en difficulté et le changement brutal de restructuration.

Concrètement, beaucoup de salariés en ont souffert et moi à l’UAT, également j’ai failli faire un « burn-out » si bien que j’en garde des traces dans ma santé » (D3263/3).

En revanche, il est ressorti des débats que M. AP n’était nullement responsable de la la mise en place de ces assistances téléphoniques dans les centres de services ressources (CSRH), déjà critiqués dans l’ouvrage de M. EB paru en

2004 et dont les conséquences délétères sont évoquées dans le documentaire de LR

BH: cette initiative remonte à juin 2000, soit bien antérieurement à l’arrivée de
M. AP au sein du Groupe WV Télécom, et incombe à M. BO

SCHIETTECATTE, l’un des prédécesseurs de M. P, à la tête de la

SG WV. C’est en effet ce VF ressort de la pièce n° 6 jointe aux écritures de M. AP. Ont été créés WO CSRH centres spécialisés en charge de

l’administratif : Opérationnels depuis juin 2000, ils sont une dizaine, répartis dans toute la WV, à agir comme des prestataires de services pour le compte de plusieurs unités opérationnelles ».

Au sujet de ces CSRH, voici l’avis de Mme R-XR XN, directrice de la formation et du développement professionnel Groupe d’octobre 2008 à 2011 : « il n’y avait plus de RH de proximité car M. AP avait mis en place des regroupements et des mutualisations, ce VF fait qu’il n’y avait plus une personne identifiée pour accompagner au quotidien un individu […] Pour joindre un RH, il fallait appeler une hotline, un centre de services partagés ». Elle précise : « pour beaucoup de domaines, le premier recours était le manager, maintenant je pense qu’un salarié pouvait toujours contacter directement son RH, dont il connaissait les coordonnées au moins par l’annuaire du groupe » (D2401/7).

Qu’ils aient été verticalisés ou non, que leurs effectif aient modestement ou fortement décru, il est indiscutable que les services des ressources humaines, au niveau territorial et local sans oublier les 11 Espaces Développement, ont tenu un rôle fondamental dans l’accélération de la déflation. Sous la pression des nombres de départs à communiquer à leur hiérarchie comme de la part variable en partie indexée sur le nombre des départs, ils ont été à la fois le moteur et la courroie de transmission de la transformation », ainsi que le montrent les documents et témoignages suivants.

Dans le courriel VN à plusieurs cadres d’unités le 25 mars 2007, M. Y BY VU, SG à la direction territoriale Centre Est, écrit : « Au total 41 départs actés, nous en avions prévisionnés une centaine sur 2007 mais comme nous sommes en retard sur les PPA, il ne faut surtout pas se priver d’en faire plus.

Vous avez dans ce tableau tous les potentiels possibles, vos SG ont les listes. Cette situation démontre la nécessité de travailler ces possibles départs c’est un objectif majeur pour l’entreprise.

La condition de réussite est que chaque situation soit examinée attentivement par votre équipe RH et le manager concerné.

Il est indispensable que vos chefs de département s’approprient cette priorité. Je rappelle à ce titre le dispositif convenu sur la partie individuelle des parts variables sur le $1 2007: 50 % de cette part individuelle en fonction de la contribution à la

Transformation de notre entreprise » (D3004/3).

Ce courriel se situe dans la droite ligne d’une note de M. AV RK

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de la SG WV VF prouve que, dès le second semestre 2006, les SG des directions territoriales étaient déjà sous la pression de la part variable en partie indexée sur les < flux sortants du Groupe: MFP, autres départs y compris CFC '> à hauteur de 20% de la performance individuelle, ce VF représentait la moitié de la part variable

(D3322/36). C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé M. EC, responsable des ressources humaines de l’unité d’intervention Ile-de-WV Est : « Oui, il y avait des managers VF avaient des objectifs sur les effectifs, c’était mon cas en tant que SG », en précisant plus loin : « La part variable est là pour indiquer où sont les priorités '>

(D3170/11 et/12).
Mme M apporte un nouveau document, avec un courriel en date du 22 septembre 2006 de ce même responsable, M. AV RK de la SG WV, joint à ses écritures : « Afin de mieux piloter les mobilités vers les métiers prioritaires, il a été décidé au niveau du Groupe en WV de définir et de renforcer les missions et responsabilités du Directeur Territorial à l’Emploi et d’améliorer l’utilisation de l’outil Planet Emploi. Je vous rappelle les principales modalités à mettre en œuvre.

[…] à compter du 2 octobre, les SG de DT assureront la publication des postes dans Planet Emploi pour l’ensemble des services situés sur le bassin territorial de la DT. A cette date, les autres habilitations seront supprimées (les personnes concernées vont être informées).

[…] Pour toute question relative à ces orientations, vous pouvez contacter DV TI ou moi même » (Pièce n°5 communiquée par Mme M le 27 juin

2019).

Autre exemple, mais cette fois sur un rôle modérateur qu’ont pu avoir certains cadres de la SG, avec les échanges de courriels des 19 et 20 mars 2008 entre Mme

ED, SG et Mme JW XT-XU, manager à l’Explocentre. relatifs à la situation de trois salariés de l’Explocentre dont la sortie est demandée par leur manager pour répondre aux objectifs de réduction d’effectifs. Pour inciter deux de ses salariés à partir, JW XT-XU a décidé de leur attribuer une rémunération variable à zéro «pour les inciter à bouger dans le cadre des réductions d’effectifs planifiées », invoquant le courage managérial cité par CJ AP. Mme JW ED nuance ce concept de courage managérial en évoquant les risques judiciaires (D3325/26). Elle écrit : « Au-delà de la politique RH GROUPE, il faut prendre garde au respect du code du travail. […] j’attire ton XW sur certains risques juridiques que NOUS (toi et le groupe) courons» (pages 1, 2 et 3 du scellé M 11).

Dernier document relatif au rôle des services des ressources humaines, les notes prises par M. II CP, directeur des orientations et plans de formation à la direction de la formation et du développement professionnel du Groupe FTSA de 2005 à 2011, lors d’un séminaire intitulé « Réussir ACT» organisé le 9 mai 2007 par messieurs AP et P à l’intention des SG. Il est notamment préconisé :

- « allez à la controverse, au conflit, avec des convictions personnelles; créons une certaine instabilité pour les salariés (faisons prendre conscience)

- ne transformons pas l’ED en ANPE » (D2288/34 et /37). Entendu, M. CP déclare : « Les SG étaient dans un système de contrainte sur l’évolution de l’emploi et sur les mobilités » (D2399/3-5).
M. HD EC, SG déjà cité, relate qu’il rendait compte tous les mois à son N+1 et au SG et concède : « Il est vrai que la fonction RH était parfois en panne

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31ème Ch.

d’explication sur le motif des mobilités » (D3170/14).

Voici maintenant quelques témoignages de leurs interlocuteurs locaux ou territoriaux.
M. CM TJ, ancien directeur du service client en Agence Entreprise dans la région Rhône-Alpes de 2007 à 2009, donne un aperçu de ce qu’était devenue la fonction RH au niveau d’une unité locale « ceux VF avaient le rôle :

moteur, c’étaient les SG, avec à côté un directeur financier, et la direction du service. Les SG avaient les impulsions nationales, et il fallait que ça soit fait, les -20

-30, je parle du personnel ». Il précise que la SG de l’agence Entreprise Rhône Alpes Auvergne « n’avait pas d’équipe propre, [qu'] elle travaillait directement avec moi pour préparer les dossiers. Moi mon boulot, c’était d’exécuter les objectifs

d’effectifs VF étaient fixés par la SG. Mon boulot, c’était la mise en œuvre »

(D2241/3).
M. DV CR est plus explicite sur la méthode : « La pression sur les résultats de déflation était transmise au directeur de l’unité et à la SG d’unité. Ceux ci suivaient avec les managers en comité de direction hebdomadaire, l’avancée des réflexions des personnes VF avaient été pressenties ou présumées partantes possibles ». Il indique que la direction territoriale supervisait et suivait l’atteinte des objectifs de cette déflation. (D1552/5)
M. EQ EE, directeur au contrôle de gestion à l’agence Entreprises Sud

Ouest apporte le témoignage suivant sur le rôle des services RH : « La suppression de ces 22.000 postes était un sujet permanent. Nous avons eu des objectifs « de sortie externe» à tenir au sein de l’entité «Entreprises», déclinés dans chaque département, chaque service. Le terme officiel, politiquement correct, était « fluidité ».

Concernant les objectifs de sortie par semestre, il déclare : « Plus on approchait du terme du semestre, plus il fallait mettre de pression sur les personnes pour qu’elles partent. Ces objectifs de sortie étaient traités comme des objectifs commerciaux, à la différence qu’ils étaient l’objectif numéro un. On parlait de « win ratio », que ce soit pour la gestion du personnel comme pour les contrats commerciaux »).

A l’appui de ses dires, M. EE présente à l’enquêteur un courriel en date du 17 mai 2007 (D2813/4) VN par DQ EF, son N+1 :

« Bonjour je vous confirme que pour les obj de niveau I pour l’AE SO nous retenons :

- pour 30 % l’IMSC relation globale, obj 32,5 % pour 40% le CA « propre » : obj 86 317 K L

- pour 15 % les mobilités externes, obj 12

- pour 15 % les mobilités internes vers métiers prioritaires, obj 5 » (D2813/4), Le chiffre d’affaires attendu est de 86 317 KF et 12 personnes doivent quitter

l’agence avant la fin de l’année.

Interrogé sur la source d’inspiration de cette communication managériale, M.

EE explique qu'« elle lui a été communiquée par les ressources humaines de la direction « Entreprises Sud-Ouest » VF l’avait elle-même reçue de la direction des ressources humaines de la direction territoriale […] au travers d’un document intitulé

«Doper la fluidité interne – Codir DT du 12 novembre 2007 » (D2813/12).

Appliqué à la situation de M. QL G, une des 39 victimes nommément désignées dans la prévention, alors auditeur dans le service de M. EE au sein de l’agence dirigée par M. EF, ce « win ratio » désincarné prend une autre dimension.

A la suite d’une réorganisation de son service, le poste de QL

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G est supprimé fin 2007 et celui-ci est redéployé « en mission » en

2008. Le 20 février 2008, M. EF écrit : « Nous devons faire -1 sur les fonctions support sur le semestre et c’est le poste de QL VF sera supprimé. Nous laissons toute latitude à QL pour disposer de temps pour découvrir, se former … Je suis toutefois inquiet sur un aboutissement rapide des démarches de sorties externes de QL. Quelle est ton opinion sur son dossier et comment peut-on augmenter notre

< win ratio » sur ce dossier qu’il faut absolument que l’on boucle sur SI? »>(D2877/5). Il n’est pas anodin de relever que cette décision de M. EF n’est pas de la seule initiative de la direction de l’Agence Entreprises mais résulte d’une directive supérieure : « Après une analyse de l’évolution de l’activité et des échanges avec la direction métier, il a été décidé en 2008 de supprimer le poste qu’occupait QL G » (D2821/2).

Les auteurs du rapport BR PU un constat VF corrobore les témoignages évoqués ci-dessus : « La restructuration de l’entreprise fut accompagnée d’une restructuration des RH. Elles ont fait l’objet d’une réduction de leurs effectifs et

d’un éloignement géographique des salariés par la mise en place de plates-formes téléphoniques spécialisées (CSRH), responsables de la gestion administrative du personnel. La distance géographique a empêché le contact direct avec les personnels

[…]. En outre, les RH ont été mobilisées prioritairement sur la réduction des effectifs du groupe WV TELECOM. Cette mission leur a conféré une image négative de déshumanisation, perception amplifiée par le changement de dénomination de la fonction, en juxtaposant à « Ressources Humaines» l’appellation « Business Partners

» (D339/24).

Cette analyse ne fait que formaliser et synthétiser les verbatim adressés par les agents de WV Télécom à leur direction à l’automne 2009, et VF ont été exploités, pour la préparation des Assises de la refondation, dans un document trouvé dans un disque dur saisi chez M. JQ CT. A la page 5 de ce document intitulé

< Assises de la refondation document de travail pour discussion – Synthèse au WO décembre 2009 (analyse 200 comptes rendus de réunions)», il est indiqué : « la question des ressources humaines est mise en avant dans 22 % des verbatim remontés au WO/12/09: 5900. Une fonction RH dont la crédibilité est remise en cause et perçue comme trop éloignée de sa vocation d’origine autour de l’accompagnement et du soutien. […] Une fonction VF n’est plus suffisamment perçue comme garante de

l’équité dans l’entreprise en particulier sur le sujet des salaires, des parts variables, de la valorisation des efforts. […] Un rôle ambigu entre les objectifs de départs, prioritaires, et le rôle impartial attendu de conseil et gestion des compétences et des carrières. […] La perception d’un sous dimensionnement, d’une organisation ressentie comme défaillante, voire une absence de la fonction RH face aux enjeux de la transformation. […] Un désengagement de la fonction RH de son rôle, laissé au manager premier RH » (D2921/5).

Enfin, dans le documentaire de LR BH, Mme CS, directrice de la DT

Sud livre l’analyse suivante : « On va mettre, en fait, tout le dispositif

d’accompagnement VF va bien, les formations, et on peut vous aider. Et de ce HT de vue là, je crois qu’il y a eu des mobilités réussies. Des personnes VF souhaitaient finalement un peu réorienter leur évolution, leur carrière professionnelle, se sont retrouvées dans des fonctions de responsable des ressources humaines ou de directeur financier, VF étaient des fonctions sur lesquelles les collectivités locales avaient des besoins, dans des conditions finalement assez satisfaisantes. BU. Je pense qu’il y a eu quelques belles histoires. Ce VF, après, a été un peu délicat, c’est qu’il y a eu dans la manière de traiter cette question une sorte de détermination affichée très clairement.

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31 ème Ch.

- Fallait y aller.

- C’était ça, voilà. Et c’est vrai que je pense qu’on a, peut-être là, vraiment déstabilisé certaines personnes » (minute 39:08).

Comme déjà évoqué, en remplacement des « Espaces mobilités » créés en 2003,

onze < Espaces Développement » (ED), rattachés à chacune des Directions Territoriales et employant 300 collaborateurs dédiés, ont été mis en place au cours du second semestre 2006.

Au vu du document de présentation interne daté du 6 décembre 2006, les

Espaces Développement ont vocation à apporter leur soutien aux managers et aux salariés quelle que soit l’entité d’appartenance au sein du Groupe et quel que soit leur statut (fonctionnaire ou contractuel), en leur proposant une offre de services diversifiés: centre de ressources et d’information, conseil et orientation dans la construction d’un projet professionnel ou d’un plan de développement dans le cadre d’un déploiement individuel ou d’un déploiement collectif (D2907).
M. AP avait présenté en octobre 2006, lors de la convention de

l’ACSED, les Espaces Développement comme un espace où inscrire obligatoirement les personnes concernées par les postes dont la valeur créée n’était plus satisfaisante (D74), puis lors de son interrogatoire devant le juge d’instruction comme à l’audience, comme un lieu VF devait être visible pour les salariés et assurer l’obligation de reclassement VF pèse sur l’employeur (D2508/WP).

En confrontant les propos tenus par le SG Groupe lors la convention de

l’ACSED à ceux tenus par Mme AK le même jour, il y a peu de doute sur la vocation assignée par les dirigeants aux Espaces développement. Ainsi, Mme AK explique aux cadres présents à la maison de la Chimie leur fonction stratégique dans le dispositif de déflation des effectifs : « C’est le rôle des espaces de développement d’accélérer les départs vers l’extérieur de l’entreprise et d’accélérer les redéploiements vers les métiers face aux clients. Ce travail doit être fait en étroite collaboration avec leur manager » (D2464/19).
M. EG, «responsable de la transformation » au sein de l’Unité d’intervention Limousin-Poitou-Charentes de novembre 2006 à avril 2007, explique dans son témoignage en date du 21 mai 2019 « Quand je suis arrivé, tout était en place l’Espace Développement, l’objectivation déclinée par le national vers les régions et des régions vers les Unités Opérationnelles et le système de suivi en « viviers » était très rigoureux. Il y avait un « vivier EI » VF regroupait les noms, prénoms, code alliance et

d’autres informations sur les salariés contractuels VF avaient pu témoigner d’un intérêt pour la mobilité interne ou pour la mobilité externe à l’entreprise.

Il y avait également un « vivier Fonction Publique » VF regroupait les noms, prénoms, code alliance et d’autres informations sur les salariés fonctionnaires VF avaient pu témoigner d’un intérêt pour la mobilité vers la Fonction Publique. Cette population était à suivre en priorité. D’ailleurs, à ma connaissance, depuis 2005, le programme ACT était essentiellement un programme visant à susciter, chez les fonctionnaires de l’entreprise, un intérêt fort pour évoluer vers une Fonction Publique territoriale ou nationale.

Il y avait aussi un « vivier métiers prioritaires » VF regroupait les noms, prénoms, code alliance et d’autres informations sur les salariés volontaires ou identifiés par le management pour une mobilité vers les métiers prioritaires parce que la valeur ajoutée sur le poste occupé était jugée faible.

Et il y avait un « vivier global » VF regroupait les informations de tous les

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autres viviers.

Au sein de chaque unité, il fallait donc enrichir ces viviers pour permettre aux conseillers de l’Espace Développement de travailler ». (page 1 de la déclaration jointe aux NA)
Mme UH, manager à l’agence entreprise Sud-Ouest, atteste :

«Théoriquement, ils étaient accompagnés par les SG et les Espace Développement

(ED), mais dans les faits comme le but était de faire partir les gens, on laissait pourrir la situation jusqu’à qu’ils partent d’eux-mêmes » (D3168/4).
M. A EH, employé au sein de l’Espace Développement de Paris, explique qu’à ce poste, il avait des objectifs quantitatifs et qualitatifs : « Pour les quantitatifs, il y avait le nombre de départs réalisés, le nombre d’entretiens réalisés, il n’y avait pas de qualitatif finalement. J’ajoute que j’ai refusé d’appliquer le système, mais il n’y a pas eu de conséquence pour moi […] je pense grâce à mon mandat syndical à la CFDT» (D1718/2). Il précise : « Inciter les personnels à quitter

l’entreprise faisait partie des objectifs qu’on recevait lors de l’entretien individuel semestriel. On nous demandait X départs vers la fonction publique, X départs en création d’entreprise, par exemple. […] le manager établissait un tableau comparatif des départs qu’on réalisait » (D1718/3). Dans le document Crash Program déjà cité, il est indiqué: « Formation spécifique à la « chasse de tête » des conseillers développements» (D3328/33). Concernant le contenu des formations qu’il a suivies pour assurer son rôle

d’accompagnateur au sein des espaces développement, M. EH observe:

«Il y avait des ateliers pour apprendre à démontrer les bienfaits de la retraite. Et ce VF est pervers, c’est qu’une partie de notre rémunération est assise sur l’atteinte des objectifs. C’est la nature humaine, des personnes pouvaient être tentées d’atteindre à tout prix leurs objectifs » (D1718/2).

Enfin, dans un document du cabinet SENSING en date du 24 janvier 2010 répondant à une demande d’intervention pour les responsables des Espaces Développement (D3356/6), les rédacteurs décrivent le contexte de la façon suivante :

«Avec l’objectif des 22 000 départs volontaires du plan Act, les Espaces

Développement étaient le « GW armé » de la mobilité extérieure. Si bien que les ED, pressés d’atteindre les objectifs de sortie du groupe, ont été surnommés par les salariés les Espaces « dégagement » (D3356). Cette analyse est à rapprocher de l’information que rapporte Mme EI dans son signalement VN eu Procureur de la République en janvier 2010 : « Le service « Espace développement » a au sein du groupe, la réputation d’inciter les salariés VF s’y inscrivent à aller sur des postes qu’ils ne souhaitent pas (call-centers ou boutiques notamment) ou de quitter le groupe (en particulier pour les salariés ayant le statut de fonctionnaire de trouver un poste dans la fonction publique) » (D23/4).

II- Les constats de l’existence d’un climat anxiogène

Nombreux sont les professionnels et les instances VF ont constaté, dès 2007, le climat délétère dans lequel les agents de WV Télécom travaillaient. Compte tenu à la fois de la diversité des auteurs de ces constats et de la convergence de leurs conclusions, il convient maintenant de les examiner, au niveau local (1) puis national

(2) pour établir l’existence d’une dégradation des conditions de travail, potentielle ou réelle, découlant du climat anxiogène créé par la polítique de déflation des effectifs à marche forcée.

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31ème Ch.

1- Les constats au niveau local d’une potentielle ou réelle dégradation des conditions de travail

Au niveau local, deux catégories de professionnels ont pu faire état, dans leurs rapports, d’une potentielle ou réelle dégradation des conditions de travail des agents de

WV Télécom : les médecins du travail et les inspecteurs du travail.

1-1. Un mal-être au travail perçue par les médecins du travail Dans le dossier d’instruction ont été versés de nombreux extraits de rapports établis par les médecins du travail de différentes directions territoriales pour les années

2007, 2008 et même 2009. En dépit de leurs lieux d’exercice différents, ils partagent une vision similaire de l’évolution du climat de l’entreprise, avec un développement des risques psychosociaux qu’ils lient aux changements significatifs d’activité (dont ceux nécessités par les réorganisations), aux objectifs dont les salariés ont du mal à percevoir le sens, aux mutations géographiques collectives par fermetures de sites, à l’augmentation de la charge de travail, au management difficile, aux modifications structurelles ou encore au manque de reconnaissance, aux redéploiements et à l’éloignement du domicile.

Dans son rapport annuel d’activité pour l’année 2007, VN au médecin coordonnateur de la SG du groupe WV Télécom, le docteur EJ, médecin du travail de la direction territoriale Nord Ouest Centre signale : « Pathologie anxio dépressive de plus en plus fréquente. L’élément marquant est l’origine des troubles : suppression de postes, de services, ou incitation à la retraite (la cessation de l’activité professionnelle est parfois difficile à vivre et ressentie comme un véritable deuil. Si de surcroît elle n’est pas volontaire, se rajoutent un sentiment d’inutilité du travail accompli et de manque de reconnaissance. […] Il faut insister sur la sévérité croissante des manifestations, notamment du risque auto ou hétéro agressif»

(D216/4).

Le médecin précise : « En 2007, les décompensations ont été liées à des suppressions de postes ou de services, ou sont également survenues chez des agents ayant été sollicités avec conviction pour un départ de l’entreprise alors que tel n’était pas leur souhait» (D216/2).

Dans leur rapport d’activité pour 2007, les médecins du travail de la direction territoriale Sud-Ouest pointent les risques psychosociaux liés aux restructurations

(D298/22).

Ainsi, le docteur HA TK relève : «Les constatations faites lors des consultations des agents révèlent surtout une angoisse pour l’avenir professionnel, du fait des restructurations des services avec nécessité d’apprendre une nouvelle activité ou de se déplacer géographiquement. Les difficultés sont plus importantes pour les seniors » (D302/24); selon le docteur SD TL: « En 2007, la restructuration continue dans mon périmètre d’activité avec les fermetures du 1014 à Limoges, de l’activité ADV à

Brive, du ProActif à Tulle et du 712 à Angoulême avec pour corollaire une montée en puissance des troubles psychosociaux face à certaines formes de management parfois brutales ou ressenties comme telles par de nombreux salariés » (D301/23);

- d’après le docteur EK: < A tous les niveaux et quel que soit le statut ou le grade des agents, est exprimée une inquiétude quant à l’évolution de l’entreprise. Ces difficultés sont ressenties et exprimées différemment selon le vécu professionnel et/ou personnel de chacun. Aussi il est important que l’entreprise, le personnel et les médecins, nous nous saisissions de ce problème pour y apporter des solutions adaptées, en rétablissant un climat de confiance, en créant des espaces d’échanges libres où informations et communications cohabitent, et où les agents sont écoutés et

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associés à l’organisation du travail » (D300) pour le docteur Y-HC XV: «l’incommunicabilité observée entre

+

l’encadrement et les travailleurs dans le cadre d’une restructuration importante sur le secteur géographique 86, 17 et 79 fait partie des éléments responsables de mon départ de l’entreprise. Des disparitions de services et même actuellement de sites entiers de petites villes sont créatrices d’une souffrance psychologique importante des agents dont la seule prise en charge individuelle n’est pas suffisante. […] Quoi qu’il en soit, les dégâts psychologiques humains que j’ai pu observer sont considérables et pourraient expliquer à eux seuls des réactions individuelles désespérées d’individus préalablement fragilisés par la vie » (D304/26).

Dans son rapport annuel d’activité de la médecine du travail pour l’année 2008, le docteur RI-RJ, médecin coordonnateur de la médecine du travail du

Groupe WV Télécom, relève dans la quasi-totalité des 76 rapports annuels d’activité dont elle fait la synthèse, une « évocation constante » des risques psychosociaux avec une augmentation significative des visites occasionnelles à la demande des salariés

(3430 en 2007 et 4468 en 2008) VF « expriment leur vécu au travail parfois dans un contexte de difficultés, notamment dans les services en cours de réorganisation '>

(D224/2 à /4). Cela ressort de la synthèse des rapports annuels d’activité pour l’année 2008 des médecins du travail de la Direction Territoriale Nord-Ouest Centre (D217/3), du rapport du Docteur EL à la direction territoriale Sud-Est à Marseille (D220/2) et du rapport du Docteur EM à la direction territoriale Sud-Est (D221/3). Lors de son témoignage à l’audience du 18 juin 2019, le Docteur PO RI-RJ, après avoir présenté les principales fonctions d’un médecin coordonnateur, poste qu’elle a occupé chez WV Télécom du 30 octobre 2006 à fin

2009, a rappelé qu’il s’agissait d’un moment charnière où l’entreprise passait de la médecine de prévention de la Fonction publique à la médecine du travail prévue par le code du travail : « Nous étions à une époque où nous apprenions en avançant » ; « le contexte était difficile à ce moment-là; les RPS étaient un concept nouveau et on faisait le maximum avec les moyens dont on disposait » (NA page 38 et 30).

Dans son rapport annuel pour 2008, le docteur EN de la direction territoriale Sud-Est note que «les problèmes ont été accentués par le fait que plusieurs emménagements aient été effectués sans que les travaux nécessaires soient terminés sur les sites d’accueil ». Il conclut: « Le vécu des salariés de FT concernant le fonctionnement de leur entreprise, et rapporté dans les consultations médicales, est une impression vertigineuse de flou et d’incohérence, ainsi qu’une impression de menace permanente sur la pérennité de leur emploi. Cette impression participe à leur déstabilisation et entraîne une souffrance importante. Un grand nombre de salariés sont actuellement traités par des anxiolytiques, des antidépresseurs et/ou des somnifères » (D219/2 et/3).

Dans leur conclusion commune pour l’année 2008, les sept médecins du travail de la direction territoriale Centre-Est manifestent les mêmes inquiétudes. Ils PU toutefois état « avec satisfaction d’un réel changement de la posture de l’entreprise quant à la prise en compte des risques psychosociaux », alors qu’auparavant, selon leur expression, « c’est le déni VF a prévalu ». Ils se disent néanmoins « témoins de la

< pression » mise sur les cadres pour leur imposer une mobilité soit interne (Time VO Move), soit externe pour un objectif affiché de fluidité de l’emploi. […] Quand elles sont imposées, passées en force, ces mobilités fragilisent les individus, désorganisent leurs vies personnelles et ont un retentissement sur leur état de santé » (D222/2).

Dans son rapport annuel d’activité pour 2008, le docteur EO, mé decin du

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travail à la direction territoriale Sud-Est, ajoute que « les réorganisations et restructurations incessantes d’une année sur l’autre deviennent pour BU nombre de salariés de plus en plus difficiles à vivre. […] Pour la plupart, ils n’ont plus de perspectives de carrière et souffrent d’une incompréhension de leur hiérarchie ». Le médecin cite l’importance des indicateurs chiffrés dans le travail et le manque d’outils efficaces pour effectuer ce travail. Il conclut de la façon suivante : « cette analyse pose la question incontournable de la responsabilité organisationnelle dans la souffrance au travail individualisée des salariés au sein de WV TELECOM. Il faut que les décideurs soient davantage impliqués et amènent des solutions en discussion avec les différents interlocuteurs de l’entreprise VF sont régulièrement interpellés par cette souffrance des salariés » (D218/6).

Les conclusions communes des médecins de la direction territoriale Est pour

2008 indiquent : « Nous notons une dégradation de la perception des salariés de leur santé, et pour un certain nombre d’entre eux, nous observons un état anxio-dépressif en lien avec leur situation de travail et/ou l’incertitude de l’avenir. Nous avons parlé de salariés « usés, fatigués » professionnellement. Nous pensons qu’il est nécessaire d’anticiper sur les compétences de chacun, et leurs facultés d’adaptation, face aux transformations encore à venir dans l’entreprise » (D3203/226 et 227).

Dans sa lettre de démission du 25 mai 2009, le Docteur LE MOT, médecin du travail à Tours, explique : « après 4 mois d’activité, je suis toujours confronté à une incidence très forte de la souffrance au travail où les « process » très contraignants et à mon avis inappropriés, ont an impact particulièrement négatif sur le vécu des salariés parmi les plus anciens, VF éprouvent pour beaucoup un sentiment de dévalorisation au moment où ils s’estiment contraints à remettre en question leur éthique professionnelle. Je ne dispose pas des moyens pour contribuer à des actions de prévention autres que tertiaires cantonnées au cabinet médical » (D223/3),

Dans sa lettre de démission du WO novembre 2009, le docteur EP, médecin du travail à Grenoble et à Lyon, dresse un «bilan d’impuissance et d’échec » en expliquant que « le rôle du médecin du travail, « exclusivement préventif, doit être un rôle de prévention primaire visant à «éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail », par une adaptation du travail à l’homme et non l’inverse. Durant ces deux années d’exercice, je n’ai pu faire que le constat d’une adaptation forcée de l’homme au travail, suite à des fermetures de service, des suppressions de poste de travail, des mutations fonctionnelles ou géographiques imposées». Elle conclut son C ainsi: «J’ai eu le sentiment d’être cantonnée au cabinet médical uniquement dans l’écoute de salariés en souffrance, sans aucun moyen d'action pour faire évoluer ce constat négatif» (D3320/WP-14).

Une de ses collègues sur Grenoble, le Docteur PW PB PC a été entendue à l’audience du 20 mai 2019. Elle a relaté avoir commencé à être alertée mi-2007 par l’augmentation des visites médicales à la demande en 2007, elles représentent 14,8 % du total des visites médicales effectuées alors qu’elles n’en représentaient que 11,4 % en 2006. Même pourcentage en 2008 (14,5%) pour atteindre

19 % en 2009. Elle constate que les salariés ont besoin de parler, qu’ils vivent mal au travail », que « les conflits de valeur se multiplient notamment chez les cadres pris entre leur loyauté envers l’entreprise et leur éthique personnelle et plus encore chez ceux de la filière des ressources humaines ». Elle précise : « Les conflits de valeur peuvent être une source d’anxiété, de frustration, de colère ou de culpabilité, et encore plus lorsqu’il n’est pas possible d’exprimer son malaise ce VF était le cas à WV Télécom à ce moment-là. Le stress, l’épuisement professionnel, les troubles anxieux, la dépression, ou même des manifestations physiques peuvent alors s’installer traduisant

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cette souffrance psychique » (déclaration annexée aux NA). Elle maintient : « En 2007, les choses prennent une ampleur jamais connue avant ». Elle précise : < Nous avons essayé d’alerter M. AP sur le malaise des salariés que nous voyions augmenter. Il ne nous a pas crus. Peut-être croyait-il que nous exagérions ? » (NA page 43 et 41).

Dans son rapport de synthèse pour le Groupe en 2009, le docteur EQ

SIMONET médecin-coordonnateur, cite plusieurs contributions collectives des médecins du travail des différentes directions territoriales.

Ainsi, les médecins de la direction Sud signalent qu’en 2009, le risque psycho social « a touché l’ensemble des services du fait des évolutions des organisations du travail VF sont fréquentes ouvertures de nouveaux services, fermeture de services existants avec délocalisations, extensions géographiques… Les choix d’organisation du travail se sont faits sans prendre suffisamment en compte la dimension humaine.

On observe une déstabilisation des personnes ayant acquis des compétences après un apprentissage plus ou moins long » (D3035/21).

Les médecins de la direction Centre-Est constatent que « les restructurations se sont poursuivies à un rythme soutenu pendant une partie de l’année 2009 […] sur le terrain, ces réorganisations se superposent, se contredisent, sont incompréhensibles pour les salariés et désorganisent massivement le travail. L’impact sur la santé de ces restructurations a été majeur ces dernières années ». Ils ajoutent que « le management par la pression s’est accentué en 2009: objectifs commerciaux toujours plus ambitieux, nouvelles parts variables vendeurs, classement des salariés en fonction de leurs résultats» (D3035/27). Ils signalent également en 2009 « la montée du malaise dans l’entreprise. Les incidents sur les lieux de travail ont été nombreux, crises de larme, altercations, salariés VF craquent, etc. Les décompensations en lien avec le travail se sont multipliées en particulier chez les salariés en mobilité forcée, « redéployés » VF exprimaient de plus en plus nombreux leur détresse et le sentiment d’être des laissés pour compte » (D3035/26).

Dans leur rapport de 2009, les médecins de la direction Ile-de-WV rappellent qu’ils avaient alerté dans leur rapport 2008 sur la montée du risque psychosocial. Ils écrivent : « Nous déplorons que les tristes événements de 2009 soient venus confirmer cette crainte. Nous regrettons que notre analyse, confirmée par d’autres rendues depuis, n’ait pas été mieux prise en compte. L’actualité de l’année 2009 a démenti ceux VF croyaient (ou feignaient de croire) qu’il n’existait pas de troubles psychosociaux au sein de l’entreprise » (D3035/30).

Les médecins de la direction Nord-Ouest Centre notent que « face aux événements psychosociaux de 2009, la direction de FT et l’ensemble des directions ont renforcé la prise en compte des risques psychosociaux, ce VF était demandé depuis plusieurs années» (D3025/23).

Les médecins de la direction Centre-Est s’interrogent, pour leur part, sur

l’attitude de la Direction face aux passages à l’acte suicidaire de plusieurs agents : «Face aux suicides de salariés et à la médiatisation de ces suicides, l’entreprise a pendant plusieurs mois joué la carte du silence vis-à-vis des médecins de l’entreprise.

Comment expliquer que les médecins aient été informés par les médias ou les syndicats de ces drames et presque jamais par leur direction ou les RH ? » (D3035/26).

1-2. Les recommandations de quelques inspecteurs du travail

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Les constats effectué par les médecins du travail de WV Télécom trouvent leur pendant auprès de certains inspecteurs du travail, dont des rapports figurent au dossier d’instruction.

Ainsi, l’inspecteur du travail de Bordeaux informe le 22 novembre 2007 le directeur du CCOR Sud-Ouest que les représentants du personnel signalent l’existence d’une souffrance mentale au travail pour tout ou partie du personnel de l’établissement qu’il dirige et VF lui rappelle son obligation légale de prendre des mesures de prévention des risques et notamment la nécessité dans le contexte décrit de mettre en place des moyens humains et techniques suffisants et adaptés pour répondre au flux

d’appels à traiter, de fixer des objectifs réalistes, tenant compte des ressources humaines et techniques mises en place. » (D3203/90).

***

Huit mois plus tard, le WO juillet 2008, il note: «S’agissant plus généralement des établissements et unités du groupe WV TELECOM relevant de ma compétence territoriale depuis le WO octobre 2007, je constate de fréquentes réorganisations impliquant le plus souvent une dissociation pour le personnel entre

d’un côté l’affectation opérationnelle et d’un autre côté le rattachement hiérarchique.

[…] Ces réorganisations favorisent en outre manifestement, au regard des informations portées à ma connaissance y compris par médecine du travail, le développement de situations de mal-être au travail »> (D243/2).

Dans un C du 9 juin 2008, l’inspecteur du travail de Rouen signale à la directrice du CSPCF: « Le document d’évaluation des risques ne comprend aucune référence aux risques en lien avec l’évaluation des salariés, la mobilité contrainte des salariés, la réorganisation des processus de travail, l’utilisation de nouvelles technologies ». Compte tenu de ces éléments, il sollicite la suspension des réorganisations en cours (D155). Par C du WO décembre 2008, il renouvelle sa demande et note que le rapport d’expertise réalisé par le cabinet ISAST « confirme

l’existence de risques graves pour la santé physique et mentale des salariés en lien avec les réorganisations quasi permanentes des services dont vous avez la charge » (D156).

L’inspectrice du travail de Troyes, le 28 juillet 2008, relève au sujet du CCOR Nord-de-WV : « Un certain nombre d’indicateurs laissent à penser qu’une réelle souffrance au travail existe pour une partie des salariés appartenant au CCOR Nord de WV » (D105).

Au-delà de la simple évocation des risques psychosociaux, ces divers rapports, nourris des remontées du terrain, décrivent une détérioration constante des conditions de travail au sujet de laquelle ces professionnels du travail ont cherché à sensibiliser tous les échelons hiérarchiques.

2. Les constats au niveau national d’une potentielle ou réelle dégradation des conditions de travail

Au niveau national, d’autres institutions ont cherché à rendre visible la dégradation des conditions de travail VF était en train d’apparaitre comme un effet de la politique massive et généralisée des effectifs, dont elle était en réalité l’objet. Les faits dont le tribunal est saisi sont évoqués dans les appels à la grève versés aux débats par la CFDT à l’audience du 14 mai 2019. En effet, les motifs des deux premiers appels à la grève, le 14 décembre 2006 et le 31 mai 2007, sont strictement identiques : « La défense de l’emploi suite à l’objectif des 22 000 suppressions de postes annoncé dans le cadre de NEXT. La CFDT exige une négociation sur l’emploi alliant l’embauche de jeunes, un dispositif d’aménagement des fins de carrières

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motivant, et une négociation spécifique sur l’emploi des seniors.

Une formation professionnelle VF donne les moyens au personnel d’exercer son métier dans de bonnes conditions avec une qualité de service à la hauteur des attentes du client.

L’abandon de méthodes managériales VF déstabilisent le personnel par

l’intimidation, piétinent ses compétences et ne respectent pas les droits des individus ».

Quant à la grève du 29 janvier 2009, elle est justifiée par les motifs suivants :

« La défense de l’emploi par l’ouverture sans tarder de la négociation sur l’insertion des jeunes, annoncée dans le cadre des négociations sur la GPEC; L’amélioration du dialogue social;

L’opposition à la déréglementation du temps de travail, notamment la remise en cause des temps convenus et du temps partiel; […] Enfin au regard des conditions de vie et de travail de plus en plus difficiles rencontrées par les salariés à travers les réorganisations et fermetures de sites et changement d’activités nous demandons l’ouverture de négociations sur le Stress et les conditions de travail ».

Par ailleurs, deux syndicats ont décidé de créer un observatoire du stress tandis que, de son coté, le CNSHCT déposait deux alertes à un an d’intervalle.

1-1. En juin 2007, la création de l’Observatoire du Stress et des Mobilités forcées de

WV Télécom

Comme l’ont évoqué messieurs BP et BZ (audiences des 9 et 31 mai 2019), cet Observatoire a été créé par une association co-fondée par les syndicats SUP-PTT, la CFE-CGC et l’UNSA, assistée d’un comité scientifique composé de sociologues, d’ergonomes et de psycho-thérapeutes, et dotée d’un site internet.

Cette association a joué un rôle majeur dans la médiatisation de la crise sociale et pour faire reconnaitre la responsabilité de l’entreprise dans les suicides au travail et plus généralement, dans la dégradation de l’ensemble des relations sociales au travail.

Elle se donne pour objectifs de :

- procéder à une enquête statistique auprès des salariés sur les risques psychosociaux ;

- faire pression sur la Direction pour les choses évoluent ;

- former les élus des CHSCT sur la question des risques psychosociaux.

Le texte de présentation identifie précisément les facteurs de risques psycho sociaux VF seront repris dans la plainte du syndicat SUD et le rapport de Mme Q, inspectrice du travail :« A WV Télécom, le sentiment de stress est général, renforcé par une politique de réorganisation globale et permanente : 22 000 suppressions d’emploi, soit un emploi supprimé sur cinq, mobilités fonctionnelles, mobilités géographiques, changement d’encadrement, suppression d’emploi et hausse de la productivité, tout concourt à généraliser une instabilité du personnel » (D225).

Ses initiateurs entendent s’emparer de la thématique de la souffrance au travail dont ils reconnaissent qu’elle n’était pas jusqu’alors un axe prioritaire de leur action : « Le mouvement syndical a encore beaucoup de mal à traiter des questions souvent analysées comme des « questions individuelles », renvoyées au médecin du travail ou

à l’assistant social… quand ils sont disponibles »>.

Le texte se poursuit par une dénonciation des conséquences de la fragmentation du collectif de travail VF est l’un des principes cardinaux du programme ACT : « La

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direction enferme les salariés dans une relation unique et étroite avec le manager immédiat, pour traiter tous les problèmes, y compris individuels. Les individus les plus fragilisés ont donc des difficultés extrêmes à trouver un interlocuteur extérieur à sa hiérarchie directe. Jusqu’à présent, la direction ne reconnaît pas un problème particulier de stress dans l’entreprise. Lorsqu’elle est confrontée à des cas de suicides, elle communique en général pour décorréler cet acte désespéré des conditions de travail » (D225).

La Direction de WV Télécom s’est opposée à ce que le site de l’Observatoire soit accessible sur l’intranet de WV Télécom. M. AP a justifié cette décision en expliquant que l’Observatoire du stress avait été créé par deux organisations syndicales sur les six représentatives à WV Télécom et que ces deux organisations n’étaient pas majoritaires : « Nous avons donc décidé à la SG groupe de ne pas permettre l’accès au site sur l’intranet pour cette première raison. La deuxième raison, est qu’ils avaient mis en ligne un questionnaire supposé évaluer le niveau des risques psycho-sociaux, que ce questionnaire ne nous apparaissait pas répondre aux critères VF auraient garanti un minimum de caractère scientifique. En particulier il était possible à un salarié de répondre autant de fois qu’il le souhaitait en ligne ». Il a précisé que le était accessible dès lors qu’on n’utilisait pas le réseau interne de WV Télécom (D3162/3).

Quant aux résultats de ce questionnaire (D228, D229), ils figurent, notamment, dans un article du journal Les Échos du 4 décembre 2007 « Si plus de 3.200 personnes, « représentatives de l’ensemble des salariés » (78 % de fonctionnaires,

74% de quadras ou quinquas et 70 % avec plus de quinze ans d’ancienneté), ont répondu au questionnaire en ligne de cet observatoire, c’est que l’anonymat leur était garanti. Selon les premiers résultats publiés en septembre mais WV Télécom

-

conteste la méthode -, 66,4 % des salariés se disent en situation de « stress » et 15 % de « détresse », tandis que 80 % voient leur emploi « se dégrader » ou « menacé », et 45 % se sentent « placardisés » (D2290).

Un second questionnaire est VN six mois plus tard, auquel ont répondu plus de 1 600 salariés : « La mobilité des salariés et la non maîtrise de leur carrière sont des stresseurs VF influencent fortement la santé des salariés : 53% déclarent avoir changé de métier sous contrainte et il y a une forte corrélation entre le poids de la contrainte et le nombre de symptômes et d’effets dommageables à la santé exprimés.

Plus la fréquence des changements de poste est élevée, plus la dégradation de la santé est importante. En moyenne sur les 5 ans écoulés : 2,17 postes, soit près d’un changement fonctionnel tous les 2 ans et 3 mois ; 2 sites, soit une mobilité géographique tous les 2 ans . Plus d’une personne sur 3 affectée sur 3 postes différents ou plus = 1 poste tous les 19 mois » (D232).

Lors de son témoignage à l’audience du 1 juillet 2019, Mme PW BT, sociologue, a relaté le déroulement de l’étude qualitative, sur la forme

d’entretiens avec les salariés de WV Télécom, qu’elle a menée pour le compte de

l’Observatoire et dont l’objet était « de mettre en lumière l’existence ou non d’un lien entre le malaise exprimé par les salariés et les méthodes managériales ainsi que la gestion des ressources humaines ». Elle en a présenté les principaux résultats : «par delà la singularité des cas particuliers, les témoignages recueillis tendent à indiquer que les agents de WV Télécom, tous statuts confondus, sont confrontés à une dégradation générale de leurs conditions de travail et des rapports sociaux à

l’intérieur de l’entreprise. Phénomène collectif, cette dégradation est pourtant vécue à titre individuel » et a conclu ainsi: «[…] nous aboutissons au constat que le stress, le

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harcèlement, la mise au placard et les mobilités « volontaires »>-forcées, ainsi que leurs conséquences indéniables sur la santé des agents, sont partie intégrante d’un système de gestion de ressources humaines renvoyant à un mode de fonctionnement global. Ces pratiques et situations ne se laissent pas comprendre en additionnant des signes de malaise ou en s’arrêtant sur le vécu, les « fragilités psychologiques » ou l’éventuelle perversité des individus ».

2-2. […]

Le 4 juillet 2007, le Comité National Santé Hygiène Sécurité et Conditions de Travail de WV Télécom formulait le droit d’alerte suivant : « Au regard des témoignages des salariés de FT, du travail de certains CHSCT et du contenu du rapport annuel d’activités 2006 de la Médecine du Travail, VF PU ressortir les risques psychosociaux en terme de stress, de pression, du mal être ou de risque d’agression physique ou verbale ainsi que des manifestations de fatigue, d’anxiété, troubles de l’humeur, insomnies dues aux modifications incessantes de

l’environnement de travail avec une perte de repères et inquiétude de l’avenir, les représentants au CNSHSCT CFDT, CGC, CFTC, CGT, FO et SUD déposent, ce jour, un droit d’alerte concernant la mise en XX de la santé des salariés au sein de WV Télécom.

Ils demandent également que les CHSCT se saisissent de ce problème notamment à partir des actions préconisées par la commission nationale stress depuis 2000.

Les représentants du CNSHSCT demandent que le stress reconnu comme un risque professionnel, soit analysé et évalué au même titre que tous les risques et intégré dans le document unique conformément à la réglementation en vigueur (Article L 230-2 du

Code du Travail) » (D213).

Et, dans sa déclaration préalable (pièce versée par le conseil de la CFTC le 16 mai 2019), la CFTC rappelle : « Actuellement à WV Télécom nos collègues PU l’objet d’un management par le stress inacceptable et sans précédent. Nous avons déjà à plusieurs reprises appuyé sur la sonnette d’alarme. (…)

Plusieurs cas nous ont été signalé, c’est pourquoi nous vous disons simplement et calmement XW XX XY. (…)

Nous vous avons alerté Monsieur le Président, demain, à WV Télécom nous ne pourrons pas dire: « je ne savais pas » ou « si j’avais su ».

A l’occasion de la réunion du CNSHSCT du 30 juin 2008, les syndicats CFDT,

CFTC, CGC, CGT, FO et SUD faisaient la déclaration commune suivante : « Nous déplorons aujourd’hui 5 suicides et plusieurs tentatives, pour certains sur le lieu du travail.

A partir de quel chiffre, la direction va t elle décider d’aborder le problème pour tenter de trouver des mesures?

Vos refus systématiques d’aborder cette question prennent un sens dans la mesure où

Ils confirment la peur de la direction de voir son organisation du travail mise en cause. A tel HT que vous combattez les enquêtes demandées dans les CHSCT ou les expertises quand de tels drames se produisent.

Votre seul objectif: faire en sorte qu’ils ne soient pas reconnus en accident de service.

Ces actes sont, au moins partiellement, la conséquence des restructurations incessantes, des pressions incessantes et insupportables de la direction sur les personnels.

A l’heure ou des négociations ont lieu sur la transposition de l’accord européen sur le stress en droit français, il est urgent que la direction de WV Télécom change

d’attitude. L’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la

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sécurité, et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. WV Télécom est hors des clous.

L’objectif de rentabilité financière immédiate pour satisfaire les actionnaires porte atteinte à l’Homme dans son travail en le réduisant à un facteur de production, une machine VF ne saurait avoir ni besoin ni conscience.

Face aux réorganisations, les salariés sont de plus en plus fragilisés, déstabilisés. Il y a un an l’ensemble des organisations syndicales lançait un droit d’alerte, nous faut-il aujourd’hui décréter l’état d’urgence ?

Compte tenu de cette situation, l’ensemble des organisations syndicales demande la tenue d’un CNSHSCT extraordinaire, au plus tard au mois de septembre, sur les risques psychosociaux » (D215).

Au niveau local, de nombreuses expertises ont été sollicitées par les comités

d’hygiène et de sécurité des conditions de travail et figurent au dossier. L’une d’entre elles a été évoquée par M. ER, expert du cabinet TW lors de son témoignage à l’audience du 21 mai 2019. Il a relaté que son entreprise avait été sollicitée pour réaliser une expertise, en juillet 2007, dans le cadre du projet de fermeture du site d’Alès : « J’envoie un collègue habitué à ce genre de situations mais il a constaté un niveau de risques psychosociaux jamais vu. Les salariés avaient pendu des mannequins dans l’entreprise. Je lui ai alloué un expert psychologue ». Puis il a donné lecture d’une partie des conclusions de l’expertise, jointes aux notes

d’audience : « En premier lieu, et dans l’urgence, nous alertons la Direction et les élus sur la violence VF habite actuellement les personnels que nous avons rencontrés sur

Alès et Montpellier. Cette situation est d’autant plus grave que les conséquences pourraient s’avérer dramatiques. Pourtant WV Télécom est une entreprise VF, par ailleurs, a connu et connait encore sur d’autres sites des situations extrêmement tendues. Différents PV de CHSCT et rapports de la Médecine du Travail ont déjà dénoncé des situations de crise. (…)

L’intensité des propos renvoie à une souffrance toute aussi vivace et destructrice envers ceux-là même VF expriment leur colère.(….) Cette crise démontre que les techniques de gestion de projet traditionnelles telles qu’elles sont appliquées dans l’entreprise ont fait long feu, et surtout elles ne prennent pas en copte les réalités de terrain. Elles s’inspirent du principe selon lequel résister au changement est un réflexe tout à fait naturel et qu’il suffit d’un peu de patience et d’écoute pour qu’enfin les personnes directement concernées se montrent plus compréhensives. (…) Or, nous ne nous trouvons en présence de professionnels réfractaires au changement? Bien au contraire ! Les parcours des uns et des autres témoignent de mutations successives, de reconversions multiples…

La résistance VF s’affirme aujourd’hui, en particulier à Alès, n’est donc pas le fruit d’une quelconque rigidité ou d’un manque d’ouverture à l’égard de ce VF est nouveau. C’est le refus de voir s’effondrer un « édifice » que les uns, les unes et les autres ont réussi au bout de plusieurs années à bâtir (…)

Donc, au niveau de l’entreprise, s’arc-bouter sur l’idée que cette résistance collective, ces mannequins pendus aux plafonds et aux façades de l’entreprise, cette violence ne correspondent qu’à une « phase certes difficile mais momentanée », c’est aussi : prendre le risque qu’un drame se produise puis d’en assumer la responsabilité. (en gras dans le texte) […] Nous tenons à attirer l’XW sur la nécessité de prendre en compte les signes que le personnel nous donne à entendre et à voir. VF sait si un drame ne se prépare pas aujourd’hui pour demain à

Alès ou à Montpellier? Et s’il se produisait quelque chose, VF en endossera la responsabilité ? ».

A l’audience, M. ER a poursuivi : «Début septembre 2007, M.

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AP a souhaité nous rencontrer. J’y vais avec un collègue. Le 27 septembre 2007, nous avons rencontré M. AP et M. P. Dans l’entretien, nous avons compris que c’était le reproche d’avoir écrit tout ça. Puis nous avons débattu des situations individuelles. Nous n’avons pas eu l’impression d’être entendus. L’idée était que les gens se plaignent parce qu’ils sont vieux ». Il a conclu en disant : « Ils considéraient ainsi que leur projet était bien avancé. Si les salariés étaient dans ce niveau de mal-être, ils allaient quitter l’entreprise et le projet était en bonne voie »

[…]. Chez FT, on avait l’impression de se heurter à un mur ». Interrogés sur ce témoignage à l’audience du 23 mai suivant, messieurs

P et AP ont indiqué qu’ils ne se souvenaient pas de cet entretien dont ils ne contestaient la tenue. M. AP a précisé, en revanche, avoir reçu deux ans plus tard, un courriel de M. ER au sujet de la fermeture du site de Cahors faisant référence à cet entretien (NA page 30). Une note de M.

ER en date du 1er octobre 2009 au sujet de Cahors figure effectivement au dossier (D3322/8 à /WO).

Ce témoignage de M. ER résonne étrangement avec les propos tenus, dans le documentaire de M. BH, par M. AF HH, N-1 de M.

AP et directeur des relations sociales Groupe, présidant toutes les instances de représentation du personnel nationales (Comité central, CNHSCT, Comité Groupe WV) à compter de 2008. Il y déclare qu’il faisait un HT sur le climat social chaque semaine en réunion avec son supérieur et indique : « On n’imaginait pas qu’il puisse y avoir quelque chose VF arrive comme ça de cette ampleur. On n’a rien vu venir parce qu’on refusait aussi d’écouter » (minute 1:09:46).

Conclusions

Les éléments du dossier et les témoignages recueillis à l’audience ont permis

d’établir que les managers de proximité ou territoriaux, comme les services des ressources humaines, ont, sous la pression de la politique de déflation des effectifs à marche forcée, intensifié des méthodes VF ont contribué à créer un climat délétère au sein de l’entreprise.

Comme indiqué avec justesse Mme BT : « Phénomène collectif, cette dégradation est pourtant vécue à titre individuel ». La dégradation, potentielle ou réelle, des conditions de travail telle que vécue par les agents VF ont été entendus par les enquêteurs ou le tribunal, constatée par les médecins et inspecteurs du travail et dénoncée par les syndicats, est manifeste pendant les années 2007 et 2008 d’exécution du plan NEXT. Elle est apparue, pour certains agents, comme un effet de la politique massive et généralisée des effectifs, dont elle était, en réalité, l’objet. En dépit des alertes exprimées dès 2007 sous diverses formes et par des observateurs pluriels dont les partenaires sociaux, la direction de l’entreprise a persisté dans son objectif imposé de réduction des effectifs et a maintenu, pour y parvenir, le recours à des méthodes de déstabilisation des personnels.

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TM TN et 2010: La « crise sociale », sa médiatisation et leurs conséquences

Le 20 octobre 2006, devant les cadres de l’ACSED, M. AN a clôturé son intervention en indiquant : « Si la transformation se passe mal, ce sera de ma faute; si elle se passe bien, ce sera votre réussite ». Interrogé à l’audience du 7 mai 2019, sur le déroulement de cette « transformation », M. AN a répondu :

« Les phénomènes médiatiques ont détruit le résultat social de la transformation »

(NA page 38).

Quelques audiences plus tard, le 21 juin 2019, après la projection du documentaire de M. BH, M. AO a déclaré : « Pour moi, il n’y avait pas de crise sociale systémique chez FT. Ce VF remonte dans les Écoutes salariés, ce n’est pas une crise sociale ». Et M. AP de s’insurger: «Je trouve scandaleux qu’on puisse parler d’une technique pour déstabiliser les salariés » (NA page 36).

Ces propos, cohérents avec le rejet par les trois prévenus de toute implication dans le délit de harcèlement moral VF leur est reproché, sont révélateurs du tourment dans lequel l’entreprise est médiatiquement entrée à l’été 2009.

Concernant les années 2009 et 2010, il n’existe que peu de documents relatifs au plan NEXT, ce VF est logique puisqu’il s’achevait fin 2008. En revanche, un certain nombre de documents a trait à la mise en œuvre du plan de prévention des risques psychosociaux, décliné fin 2008 après la signature de l’Accord interprofessionnel sur le stress le 2 juillet 2008, ainsi qu’aux évènements VF ont constitué ce qu’il est, alors, appelé « la crise sociale » chez WV Télécom. Ils ont été enrichis par les pièces versées au cours des débats par les parties.

Il s’avère, à l’examen des pièces du dossier d’instruction et à l’issue des débats, que la médiatisation du suicide de M. FL D, survenu le 14 juillet 2009, a marqué un tournant dans la vie de l’entreprise WV Télécom. Les termes de la lettre qu’il a laissée ont mis en cause son employeur et ont amplifié la médiatisation de la crise sociale.

A partir du mois d’août 2009, la direction a pris un certain nombre de décisions

à l’XW des personnels, avant de s’engager dans le processus des « Assises de la Refondation » et la définition d’ « un nouveau contrat social ». Parmi les nombreux événements de l’automne 2009, mérite un développement particulier la sollicitation du cabinet BR, compte tenu de l’éclairage qu’il a apporté sur les faits instruits.

Enfin, quelques événements ou analyses postérieurs doivent également d’être évoqués.

Aussi, après avoir retracé le tournant des années 2008-2009 avec la prise en compte des risques sociaux et la suite du plan NEXT (I), seront abordées certaines des décisions prises par la Direction (II) et, enfin, des lectures, internes ou extérieures de cette période charnière (III).

Il convient de noter qu’en 2009 et 2010, 16 personnes sur les 39 nommément visées dans la prévention ont connu une dégradation manifeste de leur état de santé, et huit autres ont mis fin à leurs jours, M. G se suicidant en avril 2011.

I- Le tournant des années 2008-2009 : NEXT, et après ?

S’il existe une commission Stress au sein du Comité national d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société WV Télécom depuis 2000, pionnière à l’époque, et des initiatives postérieures notamment celles relatées par le

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conseil de WV Télécom dans sa note sur la formation (D2524), concernant la période de prévention, il ressort du dossier d’instruction que l’entreprise a mis en œuvre, dès l’été 2008, un plan de prévention des risques psycho-sociaux (1). Quant au plan NEXT, il paraît n’avoir connu ni reconduction, ni successeur (2)

1- La prise en compte des risques psychosociaux fin 2008 et courant 2009 : sa portée et ses limites

Dans le dossier d’instruction figure une note versée par le conseil de la personne morale, VF expose que la société WV Télécom a développé un dispositif structuré autour d’actions concrètes afin de prendre en compte les risques psychosociaux (D2524), dans le prolongement de l’accord interprofessionnel sur le stress au travail signé par toutes les organisations syndicales le 2 juillet 2008. Les actions avaient « pour objectif de permettre l’amélioration des conditions de travail et de mieux accompagner les salariés en situation de mal-être professionnel », en permettant aux managers d’identifier les signes révélateurs d’un éventuel mal-être au travail et d’améliorer le bien-être de leurs collaborateurs. Est notamment joint un document

(D2562-pièce n°38) postérieur à juillet 2008, dans lequel le plan d’actions prévoit comme axes de : fédérer les acteurs médico-sociaux et développer une vision partagée et

-

complémentaire du rôle de chacun (séminaire);

- intégrer et développer les travaux des CHSCT des unités opérationnelles ;

- sensibiliser tous les managers à la prévention des risques psychosociaux et à

l’orientation des situations à risque ;

- développer une coordination systématique entre des RH, manager et acteurs médico sociaux (projet de transformation, revues de personnel, réunions régulières de veille médico-sociale).

Le 18 novembre 2008, lors du CCUES (Comité Central de l’Unité Economique et Sociale), M. AP présente un plan intitulé « la prise en compte des risques psychosociaux » (D259; D1617/23). Le document de présentation de ce plan,versé à la procédure par un délégué du personnel entendu comme témoin (D1616), indique : « Notre volonté engager une nouvelle dynamique » et détaille les trois axes à privilégier pour intensifier les actions, à savoir « améliorer les process et les conditions de travail; mieux accompagner les opérations de transformation; mieux accompagner les salariés en situation de mal-être professionnel » (D1617/23 et /27). Au demeurant, ce sont ces trois axes VF sont repris dans le Document de référence de

2008 (page 94).

Dans le document de présentation, il est ainsi préconisé de « travailler avec des intervenants extérieurs comme l’ANACT par exemple pour réaliser des analyses des conditions de travail ». Il est aussi recommandé « d’envisager systématiquement un volet d’analyse des éventuels risques psycho-sociaux dans les dossiers de transformation » et « de prendre en compte toutes les conséquences sociales en cas de fermeture d’un site en mettant en place, outre l’information-consultation des CHSCT et la négociation financière, un soutien psychologique avec le soutien d’un intervenant extérieur » (D1617/29).

Il est enfin annoncé la mise en place de formations à la détection des signaux faibles dispensées par des cabinets extérieurs (dont l’IARP) à destination des comités de direction des unités d’OPF, de SH, etc.

A l’audience du 5 juin 2019, comme dans ses écritures, M. AS a expliqué qu’à son arrivée en mai 2008 à la tête de la nouvelle direction des ressources humaines d’OPF, il a contribué à la mise en œuvre du plan d’action sur les risques psycho sociaux en consolidant le travail réalisé sur les cellules d’écoute. Il a mis également en

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place un cahier des charges pendant l’été 2008 pour sélectionner un cabinet chargé

d’assurer la formation des managers (contact avec M. ES de l’IAPR-pièce

n°2).

La détermination de la Direction à s’emparer de la question des risques psycho sociaux trouve cependant ses limites. Ainsi, le compte-rendu des réunions du

CNSHSCT tenues WO jours plus tard, les 27/28 novembre 2008, mentionne: « le

Président [M. ET] précise qu’il n’est pas prévu au niveau de

l’entreprise d’ouvrir un champ de négociation dans le cadre de la transposition de

l’accord interprofessionnel sur le stress » (D261/20).

Les représentants du personnel regrettent que l’Entreprise circonscrive la discussion aux seuls points VF ne relèvent pas de sa stratégie et refuse d’y intégrer fermetures de sites et les scripts dans les centres de la relation client par téléphone.

Leur position est exprimée comme suit : « Pour certains représentants du personnel, les actions de prévention primaire tendant à supprimer le risque n’apparaissent pas dans le programme, exemple est pris des fermetures de site. Par ailleurs, ils sont perplexes sur le fait de parler de gestion des risques psychosociaux tout en poursuivant la stratégie de l’entreprise ». La suite du compte-rendu laisse présumer une ouverture : « Sur ce HT, l’entreprise propose de travailler avec 4 directions métiers au sein de la commission stress afin d’intégrer le plus en amont possible des actions permettant de réduire les risques psychosociaux » (D261/20).

Dans le compte-rendu des réunions du CNHSCT de fin novembre 2008, on peut lire aussi : « Organisations syndicales et représentants de la Direction constatent en commun que les résultats des travaux de la Commission Stress (mise en place en 2000) n’ont pas été mis en œuvre dans les unités opérationnelles » (D261/20).

Certes, il apparaît, dans le dossier, qu’une déclinaison a été faite, notamment au sein d’OPF, comme en atteste un document du 15 janvier 2009 de Mme EU

BARBAULT, de la SG d’OPF, intitulé « Prévention et détection des situations à risques. Un dispositif structuré autour d’actions concrètes ». Ce document évoque la mise en place du dispositif au niveau d’un certain nombre de directions territoriales avec intervention des différents psychologues et formation des managers pour détecter les signaux faibles « à la suite de l’intervention du Président du CCUES » (D2564).

Cependant, c’est le même constat que celui de novembre 2008 VF semble ressortir, un an plus tard, de l’échange de correspondances entre Mme Q, inspectrice du travail, et M. AF VO, directeur des relations sociales

Groupe.

Dans la note qu’elle lui VN le 16 novembre 2009, Mme Q écrit :

«J’observe par ailleurs que lors du CCUES du 18 novembre 2008, Monsieur

AP a présenté un document intitulé « La prise en compte des risques psycho sociaux ». Certains principes VF y figurent tels que : « Envisager systématiquement un volet d’analyse des éventuels risques psycho-sociaux dans les dossiers de transformation » ne sont toujours pas déclinés dans vos établissements »> (D263/2). Et, dans le C suivant daté du 11 janvier 2010 qu’elle lui VN, elle donne un exemple : « Je constate que malgré cet engagement, cette analyse des risques n’est, dans les faits, pas mise en œuvre de façon systématique. A titre d’exemple je prendrai le projet de regroupement des activités immobilières au sein des UPR soumis au CE RSI le 18 mars 2009. Il ressort du document remis au CE que ce projet emportait suppression de 27 postes, mise en redéploiement de 71 personnes et recrutement de 45 personnes. Ce projet comportant des regroupements géographiques de sites, des mobilités géographiques du personnel étaient donc prévues. Il comportait également création de 45 postes de conseillers immobiliers sur lesquels les personnels

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dont le poste était supprimé étaient prioritaires. Des mobilités fonctionnelles étaient donc également envisagées. Pourtant cette réorganisation ne comportait aucun volet

d’analyse des risques psychos sociaux. Cet exemple n’est pas isolé » (D265/2).

2. Une suite au plan NEXT?

Il ne fait pas débat que l’objectif des 22 000 départs fixé par M. AN en février 2006 a été atteint comme souligné dans le curriculum vitae de Mme M. Dans ce document, il est indiqué que, dans le cadre de «< Act programme,

People développement and HR operations (WO/2007)», elle était chargée de la « Définition de la stratégie RH et de l’animation du déploiement du programme ACT en WV et à l’international en soutien du projet d’entreprise NEXT » (en gras dans le texte). Il y est mentionné : « Objectifs sur 3 ans : décroissance nette des effectifs de 17 000 emplois, WO 000 mobilités vers les secteurs prioritaires, + 25 % des investissements de formation du Groupe: objectifs atteints » (D 3294/3).

Mais surtout, cette certitude ressort d’un document découvert dans le bureau de
Mme AK à EV, lors de la perquisition du 3 avril 2012 (scellé M2). Intitulé « COMMISSION D’EMPLOI », il compte 24 feuillets et supporte les logos des entreprises ORANGE et WV Télécom. Il porte les mentions RHCORP-GOV et la date du 26 mars 2009. Ce document est classé « confidentiel groupe WV Télécom ».

Les feuillets 8 à 14 verso sont relatifs au bilan du plan NEXT. Au verso du feuillet 8, il est écrit : « En WV, l’objectif de départs définitifs a été rempli à 103 % avec 22

450 départs réalisés contre 21 800 attendus. L’objectif de mobilités vers les secteurs prioritaires a été rempli à 100 % »>.

En revanche, les éléments sur la suite donnée au plan NEXT sont contradictoires : certains indiquent qu’il y aurait eu un nouveau plan, < Orange 2012 »,

d’autres infirment cette hypothèse.

En faveur de la poursuite de la logique du plan NEXT, pourrait figurer le communiqué de presse du 4 mars 2009 évoqué et repris dans le rapport BR de la manière suivante : « Avec « Orange 2012 » le Groupe annonce dans son communiqué de presse du 4 mars 2009 qu’il « confirme la validité de sa stratégie et adapte ses modes d’action pour atteindre un objectif ambitieux de génération de cash flow organique. » Le désendettement n’apparaît plus comme une stratégie prioritaire et laisse la place à un objectif de « rémunération attractive » pour les actionnaires. Le groupe souhaite « maintenir la génération de cash flow organique au niveau de 2008 dans un contexte économique difficile ». Les objectifs explicitement annoncés sont :

Maintenir un niveau annuel de cash flow organique sur 2009-2011 équivalent à

celui enregistré en 2008 (8 milliards d’euros).

Le maintien d’un niveau d’investissements soutenu, entre 12 et WP % du chiffre

+

d’affaires..

• Nouveaux modes d’action pour économiser jusqu’à 1,5 milliard d’euros par an.

• Le maintien d’un ratio de dette nette sur EBITDA inférieur à deux (ce VF est le cas depuis 2007).

• Le maintien d’une « rémunération attractive pour ses actionnaires avec un niveau de distribution supérieur ou égal à 45 % » (D291/WO).

Pourraient également en faire partie les éléments livrés par le document précédemment évoqué « Commission emploi » en date du 23 mars 2009 (scellé M2).

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Le verso du 3ème feuillet fait état de 249 départs à la fin février 2009. Le détail par catégorie de départ y est précisé. Le verso du 4ème feuillet est un tableau de bord RH des départs en mobilité externe à la fin février 2009. Il est indiqué que « le niveau des départs définitifs à fin février 2009 est très en retrait par rapport aux prévisions de

l’année 2009 et au réalisé 2008 à la même période. Il constitue à ce stade un réel HT de vigilance. […] Par ailleurs les départs en retraite et les mobilités fonction publique marquent aussi un net ralentissement en ce début d’année. ».

Enfin, dans le Document de référence 2008 de l’entreprise rendu X en mars

2009 et versé aux débats par M. AN, il est mentionné : « En mars 2009,

WV Télécom a lancé son nouveau plan stratégique, Orange 2012, VF vise à confirmer sa stratégie et à adapter ses modes d’action pour atteindre un objectif ambitieux de génération de cash flow organique » (page 24). Plus loin, cette stratégie est présentée selon « trois grands axes simplifier la vie des clients; développer l’agilité du Groupe dans l’exercice de ses métiers; inscrire la performance dans la durée » (page 28). Au sujet plus précisément des personnels, la même page précise : «Face à l’accélération prévue des départs en retraite en WV à moyen terme, WV Télécom anticipera les recrutements dans ses métiers clés tout en poursuivant les programmes de mobilité interne et externe existants. Il sera donné en particulier une priorité en WV au recrutement des jeunes en contrat d’apprentissage. ». Et on retrouve dans ce document officiel certains éléments du communiqué de presse repris dans le rapport BR: «L’ambition financière d’Orange 2012 est de maintenir un niveau annuel de cash flow organique sur 2009-2011 équivalent à celui enregistré en 2008 (8 milliards d’euros), sur la base des perspectives macroéconomiques actuelles et hors acquisition éventuelle de nouvelles fréquences pour les services mobiles » (page 29).

Cependant, M. AN a affirmé devant les magistrats instructeurs ne pas avoir remis en place de plan après NEXT car « j’estimais qu’on était sorti du tunnel et qu’il fallait traiter l’entreprise comme si elle n’avait pas de problème » (D3161). C’est ce qu’il a maintenu à l’audience : « Janvier 2009 est une échéance importante pour le Groupe. Nous sommes sortis des méandres liés à la dette. Le plan NEXT est arrivé à échéance le 31/12 et le conseil a reconnu que les objectifs avaient été atteints. De nouveaux projets sont prévus et j’ai décidé qu’on ne ferait pas de nouveau plan. Je n’avais qu’un seul objectif: la qualité de service » (NA 07/06/2019 page 31).

«L’expression « Orange 2012 » ne me dit rien » (NA 07/06/2019 page 32). M. EW, représentant la personne morale WV Télécom à l’audience, a confirmé au sujet du communiqué de presse : « C’est pour ça qu’on confirme le cash flow. A un moment, on réfléchit à l’idée d’un plan potentiel qu’on ne fera pas » (NA

07/06/2019 page 32).

Les magistrats ont présenté à messieurs AN et AP un document du Comité division IMG du 21 avril 2009 intitulé « Ambition RH 2009 – 

Innovation et Marketing Groupe », où il est indiqué notamment : « Trajectoire d’effectifs en nette décroissance et conforme au budget » ; « Orientation de départs du Groupe dépassée » (D3053/27); « l’ambition 2009 se traduit par un objectif interne ambitieux de taux de sortie de 12% en moyenne (mobilités Groupe + départs du Groupe) Une volonté d’atteindre un niveau de sortie élevé pour atterrir en-dessous du budget et se donner des marges de manoeuvre pour renouveler nos compétences par des mobilités Groupe entrantes et quelques recrutements externes ciblés »

(D3053/29).
M. AP (D2419/22 et /23), tout comme EY AN

(D3413/16), ont analysé ce document comme un message sur la communication VF serait nécessaire, selon la direction financière, après l’échéance du plan NExT auprès

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des investisseurs pour rendre compte de l’ensemble des prévisions, en particulier de la trajectoire d’effectifs (D3419/22).

Précisément, au sujet de cette absence de nouveau plan stratégique, un éclairage pourrait être trouvé dans les propos suivants que tient le directeur général adjoint Finances, M. RE FC, dans le documentaire de M. BH: « On est en juillet 2008. En septembre 2008, la crise financière. Pas vraiment le BU moment pour rebâtir un projet d’entreprise. Donc, au lieu d’avoir un projet d’entreprise plutôt industriel, comme le projet précédent, l’objectif principal c’est devenu : générer

8 milliards de cash » ( minute 48/03).

En tout état de cause, il ne résulte pas d’élément suffisant pour établir qu’après le terme du plan NEXT, une politique de déflation des effectifs à marche forcée, visant à contraindre les agents à des départs définitifs ou à des mobilités internes, ait été reconduite, officiellement.

IL n’y a donc plus de harcèlement moral par objet.

Cependant, en raison de la force d’inertie d’une telle politique, sa mise en œuvre au niveau territorial et local met du temps à s’arrêter, d’autant que nombre de réorganisations se poursuivent jusqu’à ce que M. AP en annonce l’arrêt officiellement fin 2009. La pression existant au niveau local persiste. Simple répercussion du harcèlement moral des années 2007 et 2008, elle n’apparaît pas davantage en relation avec de nouveaux agissements susceptibles de caractériser un harcèlement moral par effet pour les années 2009-2010.

II- La médiatisation de la « crise sociale » et ses conséquences

1- Le suicide de M. D et la médiatisation de crise sociale

Avant de se suicider le 14 juillet 2009, M. FL D, architecte réseau au sein de l’Unité de Pilotage Réseau (UPR) Sud-Est à Marseille, a écrit une lettre réquisitoire dans laquelle il dénonce ses conditions de travail caractérisées selon lui par l'« urgence permanente, [la] surcharge de travail, [1] absence de formation, [la] désorganisation totale de l’entreprise », le « management par la terreur ». Il dit être pour cette raison « désorganisé et perturbé », être « devenu une épave », ne voyant pour issue que le suicide (« il vaut mieux en finir »). Il constate qu'« étant dans les derniers jours dans un état pitoyable », il a « commis beaucoup d’autres maladresses VF ont pu être mal interprétées » et poursuit : « Mais la base, j’insiste là-dessus, c’est bien le travail VF a provoqué ça et donc c’est WV Télécom VF est responsable de mon suicide ». Il exclut toute cause personnelle autre que son activité professionnelle (D193).

Ce passage à l’acte survient après sept autres concernant des victimes nommément désignées dans la prévention et survenus aux dates suivantes :

- le 17 mars : la tentative de suicide de M. FQ AL, en poste à l’UIA Paris, par défenestration sur son lieu de travail ; le 15 avril le suicide, à son domicile de Neuilly sur Seine, de M. TP BF, pilote de production réseaux depuis le 1 octobre 2008 à l’unité d’intervention des Hauts-de-Seine, site de Levallois-Perret, au sujet duquel le témoignage d’un de ses collègues, M. FQ PM, a été reçu à l’audience du 12 juin 2019;

- le 22 avril : le suicide à son domicile parisien de Mme ID-QC B, ingénieur technico-commercial en charge de la gestion relation clients (GRC) au sein de la division des grands comptes ; en juin l’arrêt de travail pour M. FO FP, manager de l’agence entreprise (AE) à Annecy;

- le 17 juin : l’arrêt de travail pour M. DV JV, développeur d’applications

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rattaché à l’Agence Vente et Service Client (AVSC) Nord-de-WV, entendu à

l’audience du WP juin 2019;

- le 18 juin la tentative de suicide par médicaments sur son lieu de travail à St

QG par Mme IE C ;

- le 29 juin : la tentative de suicide par veines entaillées, sur son lieu de travail à St Lô, par Mme TQ DL, technicienne au service « Administration des ventes »>.

Le geste de M. D précède, de peu, les actes suivants concernant huit autres victimes nommément désignées dans la prévention :

- le 30 juillet : le suicide de M. PO BG, conducteur d’activité sur le site de

Quimper au sein de l’unité d’intervention de Bretagne, au sujet duquel le témoignage de sa compagne, Mme V W, a été reçu à l’audience du 14 juin 2019;

- le 6 août : la tentative de suicide de Mme KE K divorcée CI, en poste fonctionnaire dans le service Gestion Technique Client (GTC) des produits analogiques au sein de l’unité d’intervention Normandie au Havre (DT NOC):

- le 11 août : le suicide, à Besançon, de M. JA DB, âgé de 28 ans et technicien à l’unité d’intervention de Bourgogne Franche-Comté, site de Besançon; le 9 septembre M. JM FJ, technicien Clients Entreprises à l’unité

-

d’intervention Champagne-Ardennes, se poignarde, en réunion à Troyes, devant ses collègues ; le 11 septembre: Mme TR TS, chargée de recouvrement Grands

-

comptes au Centre Clients Entreprises, de ORANGE BUSINESS SERVICE se défenestre sur son lieu de travail, rue Médéric à Paris, et succombe à ses blessures, agonie à laquelle a assisté M. PX BZ et VF l’a définitivement marqué ainsi qu’il a expliqué à l’audience du 31 mai 2019;

- le 28 septembre: M. Y-BO DD, en poste à Annecy, se suicide. Une expertise CHSCT est confiée au cabinet TW, au sujet de laquelle M. ER a apporté son témoignage à l’audience du 21 mai 2019 (NA page 50-51); le 15 octobre M. EY H, ingénieur ds laboratoire Recherche et

-

Développement RD-site de Lannion, se suicide trois jours avant sa reprise, après un arrêt maladie de cinq semaines pour dépression;

- le 14 novembre : le suicide de Mme DJ BE, conseillère clientèle à la

Direction Grands Comptes de WV TELECOM de Lanester.

2- Des décisions stratégiques pour surmonter la « crise sociale »

Il est ressorti des débats, étayés par les pièces VF y ont été versées, qu’à l’été

2009, M. AP constitue une équipe pour gérer la crise sociale et confie à
Mme M la négociation de certains des accords fondateurs du nouveau contrat social.

Au mois d’août 2009, WV Télécom signe avec l’ANACT, établissement X à caractère administratif créé en 1973 et placé sous la tutelle du Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, un contrat d’une durée de WO mois (D261) afin que

l’ANACT accompagne l’entreprise dans le déploiement de sa politique de gestion des risques psycho-sociaux (D261/4). Le 15 septembre 2009, la direction met en place une ligne de dialogue à destination de l’ensemble des salariés, accessible 7 jours sur 7 et

24h sur 24, et une ligne dédiée aux managers. Ce dispositif était mis en œuvre en partenariat avec l’IAPR (D2902).

Le 25 août 2009 se tient la première réunion des Assises de la refondation au cours desquelles seront traités six chantiers différents, dont M. AP a décrit le contenu devant les magistrats instructeurs : «La négociation du nouveau contrat social démarre en réalité le 25 août 2009, là, le champs de la négociation commence

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à être posé. La crise culmine fin septembre-début octobre 2009, à une période où je suis quasiment au quotidien en négociation.

On a décomposé la négociation en plusieurs chantiers (organisation du travail, conditions de travail, équilibre vie professionnelle vie personnelle, fonctionnement des instances représentatives du personnel, emploi mobilité compétence). Le but est d’apaiser le climat et d’envoyer des messages rassurants VF indiquent que la direction va traiter les sujets. Pour les organisations syndicales, il s’agit de montrer qu’elles pouvaient obtenir certaines choses. Certaines décisions sont là pour apaiser.

Sur les PIC, ma position était publique mais les syndicats me disaient que je n’étais pas écouté donc on a décidé d’être plus directif, ce VF d’ailleurs va déplaire à certains managers. Cette disposition sera présente dans le document final.

Je précise que le premier accord sera signé en mars 2010 et le dernier en septembre 2010.

Pour montrer qu’on avance dans le processus de négociation, c’est important d’envoyer des signaux » (D3652/17 et 18). Quant à M. AN, lors de l’instruction, il a déclaré : « Ces assises étaient une manière de désamorcer cette communication [VF attribuait les suicides aux mobilités] et ses effets. Il s’agissait d’éradiquer la cause prétendue des suicides VF n’avait pas de réalité » (D2293/6).

A l’occasion de ces assises, sont compilés de nombreux verbatim émanant des salariés, synthèse dont résulte le document de 12 pages intitulé « Assises de la refondation document de travail pour discussion – Synthèse au WO décembre 2009 (analyse de 1200 comptes rendus de réunions) », découvert dans un disque dur saisi chez M. JQ CT (D2921/1 à 16- scellé G provisoire: annexe 2). Ce document liste:

- un principe fondateur pour demain : « Construire une entreprise VF redonne toute sa place à la dimension humaine et au lien social » ; les six grandes attentes donner du sens aux actions, reconnaître et valoriser les individus, retrouver de l’autonomie et des marges de manœuvres, encourager la responsabilisation au service du client, prendre en compte la diversité des situations et favoriser les coopérations;

- les sept grands domaines d’action : le modèle de management, la place de la fonction RH dans l’entreprise, la mobilité, les conditions de travail au quotidien, des processus et un SI au service du client interne et externe, la transformation de l’entreprise et ses conséquences sur l’organisation, les salariés en attente d’un projet d’entreprise fédérateur.

Le 15 septembre 2009, M. AX TT, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, demande à M. AN, de définir, avec les partenaires sociaux de l’entreprise, une stratégie durable

d’accompagnement humain et de dégager une feuille de route. Il a, par ailleurs, missionné le Directeur général du travail pour qu’il participe au comité national de suivi hygiène, sécurité et conditions de travail et lui en rende compte régulièrement. Enfin, déterminé à accélérer la préparation du nouveau plan de santé au travail (2010 2014), VF vise notamment à développer une politique de prévention active des risques professionnels, le ministre, présentera, le 9 octobre, dans le cadre de la réunion du conseil d’orientation sur les conditions de travail, des mesures d’urgence VF concerneront non seulement WV Telecom, mais aussi l’ensemble des entreprises françaises et en particulier les plus grandes (D1018).

C’est à la sortie de la réunion avec le ministre que M. AN a employé

l’expression de la « mode des suicides»>.

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Le 24 septembre se tient une réunion présidée par M. AP, en présence de M. Y-O XZ, directeur général du travail, accompagné de
Mme Q. Selon Mme Q, lors de cette réunion, les représentants des syndicats ont unanimement dénoncé les troubles résultant de l’organisation du travail, en particulier la mobilité forcée et les réorganisations permanentes. Ils ont évoqué le lien entre les suicides et l’organisation du travail mise en place à WV Télécom (D282/2).

Le 5 octobre 2009, M. AO demande à être déchargé de ses responsabilités à la tête d’ Opérations WV. Il est remplacé par SD EX. « Je vis cette crise avec beaucoup d’émotion, ça me touche au plus profond » a t-il précisé à l’audience, ajoutant quelques instants plus tard : « J’avais un sentiment d’injustice. J’ai le défaut de ne pas être de la maison, je suis une pièce rapportée » ; […]; « C’est une blessure VF ne s’est jamais refermée »> ; J’ai porté le chapeau car ça arrangeait tout le monde. Je suis certain d’avoir été sacrifié »; « Vu de ma fenêtre, en 2006, 2007,

2008, nous n’avons pas changé ce que nous étions en train de faire. Oui, je suis surpris du basculement » (NA 07/06/2019 page 35 et 36).

Le 26 octobre, M. AN, dans une lettre adressée au ministre du travail, souhaite qu’une personnalité indépendante soit désignée pour enquêter sur le suicide de certains fonctionnaires employés par FT pour lequel une demande de qualification en accident de service lui a été présenté (D347).
M. Y-KA AK, inspecteur général des affaires sociales, est désigné et sa note sera transmise en mars 2010 (D347)

De son côté, Mme GI M a relaté s’être consacrée quasi exclusivement avec son équipe, en 2009 et 2010, à la négociation avec les organisations syndicales représentatives (SUD, FO, CGT, CDFT, CFTC, CFE CGC) des accords suivants :

- Accord égalité professionnelle entre les femmes et les hommes négocié en 2007, puis en 2010;

- Accord senior signé en 2009 (accord signé par CFDT, CGT, CFTC et FO le 23 décembre 2010);

- Accord mobilité, développement professionnel et formation (accord signé par CFDT, CFTC, CGT le 5 mars 2010);

- Accord Vie privée / Vie professionnelle (accord signé par CGT, CFE CGC, CFTC le 5 mars 2010);

- Accord sur l’amélioration des conditions de travail (accord signé par CFDT, CFTC,

CFE CGC le 27 septembre 2010). ( NA 07/06 et 21/06/2019)

Pour mémoire, Mme M est aussi l’auteur de la décision 50 du 19 octobre 2009 VF met fin à la pratique de la part variable calculée à partir d’un objectif de réduction d’effectifs (D3185/68).

Quant à M. AS, VF cumule depuis juillet 2008 les fonctions de SG d’OPF et de directeur des actions territoriales, il a expliqué avoir, après le départ de M. AO en octobre 2009, accompagné M. SD EX dans ses visites terrain au sein des directions territoriales.

Puis, dans le cadre de ses attributions et à la demande de M. EX, nommé directeur exécutif d’OPF, puis de Mme TU TV en avril 2010, M.

AS a indiqué avoir piloté, avec les directions territoriales, une réflexion pour la mise en place d’une nouvelle organisation intégrant, d’une part, les enseignements des Assises de la Refondation, le nouveau contrat social et les accords négociés au niveau

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national, d’autre part, une refonte du parcours client sur la base d’une « re territorialisation » de l’activité et des flux, dans une dynamique de décentralisation.

Dans le cadre de ses missions, M. AS assure donc la mise en place du nouveau contrat social et l’application des accords au sein d’OPF.

Enfin, le 1er mars 2010, M. SD EX succède à M. EY

AN comme directeur général de WV Télécom. M. AN reste président du conseil d’administration jusqu’au 1 mars de l’année suivante. En juillet 2010, M. EX annonce le plan « Conquête 2015 », son projet d’entreprise destiné à définir les enjeux et perspectives du Groupe, clarifier ses métiers, retrouver un esprit de conquête et la fierté d’appartenance à Orange (D2290/32).

3- Le rapport BR et le « nouveau contrat so cial '> En septembre 2009, la Direction de WV Télécom et le CHSCT ont décidé de confier au cabinet BR un audit de l’entreprise, une évaluation des risques psycho-sociaux. Ce dernier a rendu, en décembre 2009, un pré-rapport (D292) puis divers rapports les mois suivants, dont des extraits ont été repris dans les chapitres précédents.

Le directeur général de ce cabinet d’étude sur les risques professionnels liés au travail, M. Y-FO QZ, a été entendu par les magistrats instructeurs (D379) et par le tribunal le 9 mai 2019.

Lors de l’instruction comme à l’audience, les prévenus ont critiqué globalement tout le travail effectué par ce cabinet, en se prévalant d’un rapport réalisé par le cabinet ALIXIO.

Ainsi, selon eux, le contexte dans lequel ce rapport a été élaboré ne pouvait qu’influer à la fois sur l’approche adoptée et sur l’état d’esprit des agents de WV Télécom au moment où ils ont été sollicités. Ils avancent les éléments suivants :

- les divergences entre les réponses apportées à certaines questions et celles données quelques mois auparavant dans le cadre d’Ecoute Salariés ne peuvent s’expliquer;

- dès octobre 2009 et avant que l’analyse des réponses aux questions VF étaient posées ait pu être faite, M. BB s’exprimait publiquement sur sa conviction de l’existence d’une souffrance généralisée, voire d’un désespoir des salariés tenant à la politique institutionnelle de l’entreprise, marquant ainsi une partialité VF doit être prise en compte (NA 09/05/2019 page 55);

- la qualité scientifique de ce rapport est contestable et certaines des réponses apportées par les salariés contredisent ses propres conclusions.

Et une analyse critique a été menée par un autre cabinet ALIXIO (D3874). Ce rapport relève notamment des imprécisions importantes dans les chiffres (notamment des effectifs) et la description de l’échantillon d’entretien, un manque de nuance dans les réponses, des formulations de questions VF enferment le salarié dans un « schéma de réponse négative » ou encore des interprétations orientées «< liées à une rhétorique

(hyperbole) et des termes non conventionnels dans le champ scientifique »> (3874/43).

Or, il convient d’observer, sur le contexte, que ce rapport a été établi à la demande de M. AN avec pour objectif de remettre en cause les méthodes utilisées par le cabinet BR (D3874), comme en atteste le titre de ce document < Étude critique des travaux réalisés par le Cabinet BR»>. Quand aux critiques de fond formulées par ce rapport du cabinet ALEXIO, il y a lieu de souligner que M. ER, du cabinet TW TX, a, lors de

l’audience du 21 mai, indiqué que l’étude de BR était de qualité et respectait les règles communément admises pour la réalisation d’une telle enquête. En effet, le questionnaire de BR a notamment pris en compte les outils

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d’étude consacrés que sont le modèle de Karasek et le modèle de Siegrist comme expliqué par M. BB lors de son audition et confirmé par Mme EZ lors de son audition le 11 juin.

Ces critiques sont d’autant moins opportunes et bien fondées que le travail de BR a été réalisé en étroite collaboration avec la Direction de l’entreprise VF n’y trouvait, alors, rien à redire.

Le 16 décembre 2009, Mme TY TZ, présidente du Comité de pilotage paritaire BR et WV TELECOM ORANGE, commente la restitution du cabinet BR de la façon suivante : « C’est une restitution sans concession et sans surprise. Je crois qu’on ne pouvait pas s’attendre à des messages positifs, je crois que ça aurait été bien étonnant et par conséquent, on a une restitution VF est vraiment en phase avec tout ce qu’on savait et avec tout ce VF était remonté, et notamment les Assises de la Refondation. Et puis c’est également cohérent avec tout ce VF se discute dans le cadre des négociations» (D2215/2). A l’audience du 11 juin 2019, M. EW, représentant de la personne morale WV Télécom aux débats, a indiqué : « On en a tiré des enseignements et on a eu les plans derrière. Les assises de la Refondation et le rapport BR ont servi

à ce VF a été fait ensuite » (NA 11/06/2019 page 46).

Enfin, les constats et analyses du rapport BR prennent un sens particulier lorsqu’ils sont mis en perspective avec la teneur du « nouveau contrat social '>.

En effet, le rapport rendu par BR en décembre 2009 souligne que les objectifs de la direction ont été de mettre en mouvement le personnel,

« l’arbitraire et l’incertitude prenant la place de la sécurité et de la stabilité dans le vécu de beaucoup ». Le cabinet constate que le mouvement a souvent été vécu comme

« imposé de manière abrupte, sans préparation ni accompagnement et qu’un fort sentiment d’insécurité est apparu et demeurait en 2010 très présent, tant pour les fonctionnaires que pour les salariés de droit privé » (D339/32 à /34). Il indique également que les plans de redressement et de réorganisations « se sont traduits par une mise sous tension de l’organisation et ont exposé les salariés à de multiples facteurs de risques psychosociaux ». (D339/17). Par ailleurs, le cabinet relève que les managers ont été mis sous pression pour atteindre les objectifs élevés et ont participé à la diminution des effectifs, par des moyens souvent répréhensibles.

L’étude et les conclusions du cabinet BR ne se limitent pas au sondage auquel 80 000 agents ont répondu, mais comprend également de nombreuses auditions de salariés, ainsi que Mme FA l’a expliqué à l’audience du 11 juin

2019, et l’analyse d’une base documentaire comprenant, notamment, les rapports

d’expertise diligentés par les CHSCT.

Ainsi, des 80 000 réponses faites au questionnaire distribué aux salariés de droit privé et agents, il ressort que :

65% d’entre eux considèrent que leurs conditions de travail se sont dégradées depuis quelques années ; 64% jugent que « les instructions ou demandes sont floues, et qu’ils sont mal

informés»;

39% considèrent que leur état de santé s’est dégradé ces cinq dernières années ;

55% se déclarent pas du tout ou plutôt pas satisfaits de leur situation de travail.

En outre, parmi les salariés jugeant que leurs conditions de travail s’étaient dégradées (plus de 60% de l’effectif du Groupe):

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23% considéraient que cette situation s’expliquait notamment par des

< agressions verbales, menaces ou chantage du responsable hiérarchique »> ;

23% liaient cette situation à « des critiques injustes de leur travail '> ; 23% estimaient également < subir des pressions de leur responsable ».

Au sujet de ce < nouveau contrat social », figure, au dossier, un communiqué de presse en date du 21 septembre 2010 (D2290/1) intitulé « WV Télécom VN le

«nouveau contrat social » à chacun de ses 100 000 salariés en WV ».

Il n’est pas inutile de le restituer ci-dessous dans son intégralité car il est révélateur des évolutions opérées après la prise en compte, notamment, des rapports du cabinet TEHNCOLOGIA, et du financement conséquent (900 millions d’euros) dédié à la mise en oeuvre de ce nouveau contrat social.

« Dans le cadre de « conquêtes 2015 », le projet d’entreprise de WV Télécom-Orange à 5 ans présenté en juillet 2010, SD EX, Directeur

Général de WV Télécom-Orange, a VN un document intitulé « pour un nouveau contrat social « à chacun des 100 000 salariés en WV.

Fruit de l’écoute de l’ensemble des salariés et des négociations avec les organisations syndicales suite à la crise sociale traversée par l’entreprise, ce nouveau contrat social est destiné à faire de WV Télécom-Orange un groupe où il fait BU travailler grâce à une nouvelle vision des Ressources Humaines, un nouveau style de management et des valeurs communes.

Le nouveau contrat social touche à tous les aspects de la vie au travail : recrutement, parcours professionnel, organisation du travail, management, conditions de travail, rémunération, relations avec la fonction Ressources humaines. Avec pour ambition d’être reconnu comme un employeur de référence en WV, WV Télécom-Orange

s’engage sur:

1- une politique de l’emploi, active, motivante et solidaire

• renforcer le recrutement externe: WO 000 recrutements sur des postes en CDI sur les années 2010-2011-2012 aider les jeunes à s’intégrer dans la vie professionnelle partenariats avec les écoles, 4 500 apprentis par an, 2 500 stagiaires, 4 000 tuteurs, 250 doctorants accompagner chaque salarié dans la durée: 250 personnes dédiées au sein des

espaces Orange avenirs» pour conseiller les salariés sur leur projet professionnel. Les salariés seniors bénéficient d’un accompagnement spécifique : possibilité d’opter pour le temps partiel seniors, entretiens < cap seniors « dès 55 ans afin de faire le HT sur leurs souhaits d’évolution.

• permettre à chacun de développer une expérience et des compétences reconnues : plus de 3 millions d’heures de formation par an, 17 écoles métier, augmentation du nombre de validation des acquis de l’expérience, suivi des salariés de plus de 45 ans VF n’ont pas suivi de formation depuis plusieurs années …

●Favoriser la mixité femmes-hommes, avec un objectif de 35% de femmes dans tous les comités de direction à l’horizon 2015

2- une organisation valorisant davantage le travail de chaque salar ié Le Groupe s’engage à faire évoluer l’organisation du travail vers plus de proximité, de coopération et de transversalité entre les équipes et à améliorer les outils informatiques pour les rendre plus simples et plus pratiques pour mieux répondre aux clients

•Les objectifs individuels sont moins nombreux, ciblés sur les priorités essentielles de la mission et tiennent compte des moyens alloués pour les atteindre, des réalités techniques, géographiques et commerciales Des séances d’expression collective seront organisées pour l’ensemble des salariés

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au moins une fois par an Chacun bénéficie de la formation nécessaire à l’exercice de son travail (33 heures de

• formation/salarié/an, 9000 modules de formation, matins de la formation…)

3 – une communauté de managers partenaire du nouveau contrat social Le manager joue un rôle clé dans la mise en œuvre du contrat social. Le Groupe s’engage à leur donner plus de marges de manoeuvre et des moyens d’action, notamment :

• une « feuille de route » donnant de la visibilité à moyen terme sur leur rôle, leurs responsabilités et leurs objectifs sera adressée à chacun des 12 000 managers de

WV Dès le second semestre 2010, la rémunération variable des cadres « leaders»

s’appuiera notamment sur un indicateur de performance sociale Le renforcement de la formation des managers (orange campus, séminaire

intégration pour les nouveaux managers.)

•Prise en compte du rôle de soutien et de développement des salariés dans

l’évaluation des managers

- une qualité de vie au travail améliorée

Dans un environnement de travail de qualité, tous les salariés contribuent au développement et au maintien de la convivialité, essentielle à la dimension humaine de l’entreprise. Des conditions de travail adaptées à l’activité : WO millions d’euros pour

l’amélioration des locaux, 20% du budget informatique, soit 50 millions d’euros pour

l’amélioration du confort des salariés

• La convivialité au quotidien (budget convivialité alloué aux managers, 270 salles de convivialité créées…)

•La prise en compte des contraintes personnelles des salariés (aménagement du temps travail, télétravail, expérimentation sur horaires de travail…) Une politique volontariste de prévention des risques psycho-sociaux : formation de 7

#

000 managers, réseau d’observation et veille sociale. Lors de tout projet de réorganisation, les risques psychosociaux seront analysés avec les représentants du personnel. U Accompagnement des salariés en difficulté : 11 espaces d’écoute et

d’accompagnement, 400 spécialistes dédiés à la santé/sécurité, un numéro vert dédié, recrutement des médecins du travail (objectif: 1 médecin en moyenne pour 1500 salariés)

5- une rétribution équitable de l’engagement de tous et de chacun

WV Télécom-Orange s’engage à maintenir un système d’augmentation motivant : Des modalités favorables d’association des salariés aux résultats de l’entreprise : au

► titre de 2009, «supplément d’intéressement » d’un montant de 600 € par personne, programme d’actions gratuites, un montant moyen cumulé de participation et

d’intéressement de 4 500 € par salarié, soit un montant 7 fois supérieur aux obligations légales Des dispositifs de protection pour l’avenir: abondement PEG et PERCO…

• Un système d’augmentation motivant: l’accord salarial du 26 avril 2010 prévoit notamment une augmentation moyenne de 3% avec une garantie de 500€ pour tous.

6- Une fonction RH plus proche des salariés

▸Une présence renforcée à proximité des salariés : 187 nouveaux postes de responsables ressources humaines viennent d’être créés Une meilleure prise en compte des aspects humains dans les décisions : soutien aux

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managers, démarche de prévention des risques psycho-sociaux pour tout projet de transformation…

• Le développement d’un dialogue social de qualité : plusieurs accords structurants pour la vie professionnelle des salariés ont été signés depuis le début de l’année.

♥Le suivi de la performance sociale de l’entreprise : baromètre social, indicateur de performance sociale avec impact sur la rémunération des cadres dirigeants, sondage semestriel.

Une filière RH fédérée et formée pour remplir ses missions : école des RH, parcours

.

de professionnalisation mis en œuvre avec l’ESSEO et l’UTG de Compiègne, partages

d’expérience et rencontres régulières au niveau du Groupe

Au total, dans le cadre du projet Conquêtes 2015, WV Télécom Orange investit 900M€, au titre des années 2010 à 2012, pour financer la mise en œuvre du Nouveau Contrat Social.

Ce nouveau contrat social est fondé sur un équilibre entre les droits et devoirs réciproques entre WV Télécom Orange et ses salariés. Il traduit la conviction que performance sociale et performance économique sont indissociables, au service des clients et au bénéfice de tous »>.

III- La crise sociale vue en 2010 et après

Comme indiqué dans le Document de référence 2009, établi en mars 2010, la

< crise sociale » vécue par l’entreprise WV Télécom a fait l’objet d’une large couverture médiatique et suscité des réactions politiques, notamment de la part de sénateurs. Il est intéressant d’évoquer, pour finir ce TM, la restitution VF en est faite officiellement, en interne, mais aussi l’analyse qu’en donne M. II ER, directeur des activités de santé au travail au sein du groupe TW, cabinet VF a réalisé plusieurs expertises CHSCT pour WV Télécom

1- Les explications de la crise sociale fournies par la société WV Télécom

Mérite d’être rappelée la façon selon laquelle la société WV Télécom, ou l’un de ses représentants, communiquait sur la crise sociale en 2010.

Ainsi, dans le Document de référence 2009, établi en mars 2010, la société

WV Télécom fait état, dans la partie consacrée aux risques opérationnels, de celui concernant les ressources humaines de la façon suivante : « WV Télécom a connu en 2009 une crise sociale importante VF a fait l’objet d’une large couverture médiatique en WV et au-delà. WV Télécom a mis en place un plan ambitieux pour répondre à cette crise mais ce plan pourrait ne pas délivrer les résultats attendus, ce VF pourrait avoir un impact significatif sur l’image, le fonctionnement et les résultats du Groupe. »>

Le document développe ainsi : « Au cours de 2009, le Groupe a traversé une crise importante en lien avec les risques psycho-sociaux et le mal-être au travail. Cette crise, VF a fait l’objet d’une très importante couverture dans les médias français et internationaux en raison d’une série de suicides de salariés, a eu un impact significatif sur l’image du Groupe. En réponse à cette crise, le Groupe a lancé dès le début du troisième trimestre 2009 un plan ambitieux visant à apporter des solutions durables aux facteurs de risques identifiés. Ce plan a notamment conduit à la réalisation d’un état des lieux sur le stress et les conditions de travail et à

l’organisation d’un vaste programme de débats collectifs au sein du Groupe. Par ailleurs, WV Télécom a mené avec les partenaires sociaux des négociations sur un certain nombre de thèmes comme le stress, les conditions de travail, l’organisation du travail, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, l’amélioration du fonctionnement des instances représentatives du personnel, et les perspectives de

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développement professionnel, de formation et de mobilité. Ces négociations ont donné lieu à la signature, le 5 mars 2010, de deux premiers accords.

Ce plan traduit une complète intégration du volet social dans la stratégie de WV Télécom. Bien que le Groupe considère que le coût de la mise en place d’un tel plan devrait être plus que compensé par les bénéfices qu’en tireront l’entreprise et ses salariés, ce plan pourrait cependant ralentir certains programmes de réduction des coûts. En outre, dans l’éventualité où ce plan ne déboucherait pas sur les résultats attendus, il pourrait en résulter une poursuite de cette crise susceptible d’impacter durablement l’image de marque du Groupe, son fonctionnement et ses résultats '> (page 17).

Il est également utile de rapporter ici la présentation faite de « la crise traversée par le groupe ces derniers mois » par le directeur exécutif de WV Télécom, M. HK FB, à une délégation de trois sénateurs. Elle est issue d’un extrait du

< Rapport d’information » en date de juillet 2010, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, par la mission d’information sur le mal-être au travail, versé aux débats le 12 juin 2019 par le ministère X. Dans le cadre de cette mission, une délégation de trois sénateurs a visité, le WO juin 2010, un centre d’appels

de France Té itué à Ivry-sur-Seine. Cette délégation a été accueillie, notamment, par M. FB, lequel a, selon le rapport, «tout d’abord apporté quelques éléments d’explication sur la crise traversée par le groupe ces derniers mois. Celle-ci revêt trois dimensions: il s’agit d’abord d’une crise de sens. A la suite des changements technologiques et managériaux de ces dernières années, les salariés n’ont plus perçu le projet de

l’entreprise, devenu moins visible, moins compréhensible et moins mobilisateur. Les objectifs de rationalisation budgétaire et d’économies, rendus nécessaires par la situation financière tendue de l’entreprise, l’ont emporté sur les objectifs à dominante plus sociale;

c’est ensuite une crise de l’organisation. Un « néo-taylorisme » a été mis en place sans mesurer les effets qu’il pouvait avoir sur les salariés. Le choix de cette nouvelle organisation s’est imposé en raison du contexte très concurrentiel et de mutation permanente dans lequel évolue une entreprise de haute technologie comme WV Télécom; elle est enfin une crise de la fonction ressources humaines (RH).

Sans doute, la fonction RH n’était-elle pas adaptée aux changements organisationnels vécus par l’entreprise ces dernières années. Il a ensuite expliqué que la nouvelle équipe dirigeante, conduite par SD EX depuis le 1er mars 2010, entend placer la « refondation sociale » au coeur de sa stratégie, en insistant sur le capital humain. Un nouveau projet d’entreprise a été élaboré, à partir des remontées de terrain, et sera présenté officiellement au début du mois de juillet »>.

2- Des éléments d’analyse livrés par M. ER

Les conseils de l’UNSA et de la CFDT ont versé aux débats, le 25 mai 2019, deux articles consacrés à des analyses de la crise sociale VF a secoué la société WV

Télécom faites par M. II ER, directeur des activités de santé au travail au sein du groupe TW, cabinet VF a réalisé plusieurs expertises CHSCT pour WV Télécom.

Le premier est un article paru dans la revue METIS Correspondances européennes. M. II ER tient les propos suivants en réponse à des questions posées le 18 janvier 2011: « Revenons à WV Télécom : comment avez vous procédé ?

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 – Je vais prendre l’exemple du suicide VF a eu lieu dans un centre d’appel à Annecy en septembre 2009. Ce fut le premier cas où EY AN, le PDG de l’époque, s’est déplacé avec le SG et le directeur pour la WV. A l’issue de sa visite, il a dit trois choses suspension de la fermeture des petits sites, suppression du « time VO move »>,

c’est-à-dire de l’obligation pour les cadres de bouger tous les trois ans, annonce que le centre d’appel d’Annecy serait un lieu de travail exemplaire. A travers ces trois annonces, il a lui-même établi un lien entre les suicides au travail, les conditions de travail, le management et la stratégie de l’entreprise ».

Le second article est postérieur de trois ans. Intitulé «< WV Télécom-Orange. De la crise sociale aux enjeux de transformation du travail »>, il est paru dans le numéro d’octobre 2014 de la revue ANACT. M. ER y livre l’analyse suivante : «En 2002, un nouveau dirigeant est nommé. Dés son arrivée, il affiche une volonté de

« modifier le temps » de l’entreprise. Il instaure une « culture de l’urgence» VF laisse peu de place à un véritable débat sur les orientations, ni avec les syndicats, ni au conseil d’administration. Le reporting trimestriel devient une religion. Là où son prédécesseur demandait à ses équipes de s’ancrer dans les territoires, de tenir compte de la culture, de la géographie, de l’état de la concurrence pour tenir ses parts de marchés, il centralise et ne veut plus « voir qu’une tête ». Le découpage par processus est accentué, la clientèle segmentée. Si cette tendance n’est pas en soi nouvelle, ce VF est à retenir est surtout que l’organisation de l’entreprise a dû s’aligner strictement sur ce découpage. Les compétences, les savoir faire, le travail des agents sont rentrés dans une tempête de relocalisation et de repositionnement permanent. Face à la concurrence exacerbée, le choix a été fait de sophistiquer les offres et de les renouveler à un rythme très rapide, conduisant les personnels à devoir maîtriser une complexité technologique et marketing considérable.

Pour y faire face, l’entreprise a clairement fait le choix de la taylorisation. Une forte division du travail devait permettre à chaque salarié de se retrouver avec un « SB morceau » de cette complexité devenue ainsi maîtrisable. C’est dans ce contexte déjà lourd concernant les évolutions du travail que le plan NEXT visant à faire partir 22 000 salariés sur la période 2006-2008, est intervenu. Il a actionné tous les moyens possibles pour convaincre un maximum de salariés que leur avenir devait s’écrire en dehors de l’entreprise. Tout ce VF rattachait les agents à leur passé était nié ou dénigré. La concurrence a chassé la notion de service aux publics, les réseaux

n’étaient plus perçus que comme des utilités au service des contenus, la couverture territoriale était considérée comme un boulet en regard de la vélocité nécessaire pour faire face à la mondialisation. Cette vision stratégique contestable a été accompagnée d’une mise en œuvre opérationnelle radicale. Début 2005, un nouveau responsable est nommé dans l’urgence après la nomination du PDG au gouvernement. La confiance absolue qu’il accorde à son équipe de direction, et l’absence d’écoute sociale de celle ci n’ont pas permis que soit identifiée à temps la spirale destructrice dans laquelle nombre de collaborateurs du groupe se sont vus entraînés.

Cette stratégie, basée sur le triple déni de son histoire, de sa géographie et des enjeux du travail, conduit WV Télécom à la crise de 2009. […]

L’histoire tout d’abord. Au lieu d’en faire une «variable» il s’agit de considérer les salariés comme une «donnée» de l’entreprise et de s’appuyer sur leurs compétences, sur leur fort attachement à l’entreprise, sur leur aptitude à faire face à de nombreux changements. Le plan « conquêtes 2015 » remet l’entreprise dans un temps plus long et fait régulièrement référence en termes positifs à l’histoire de WV Télécom. L'« accord seniors » adoucit la fin de carrière de ses anciens et

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reconnaît le besoin de transmettre leurs savoir faire. La proposition syndicale de « clause de stabilité dans un poste » est acceptée.

Le rapport à la géographie est également revu. Le projet de regrouper les effectifs sur une dizaine de métropoles et l’approche idéologique de la fermeture des «petits sites» sont abandonnés.

L’idée que l’on puisse «amener le travail vers les salariés là où ils vivent» est prise au sérieux. La « re territorialisation » des activités, par exemple dans les services aux clients, va aussi dans ce sens.

Il s’agit enfin de redonner au travail l’XW nécessaire. Un premier accord sur l’organisation du travail est signé. Il intègre « la prise en compte de l’écart entre travail prescrit et travail réel « et rejette explicitement la taylorisation comme « conduisant à la robotisation des individus ». Un accord sur les expérimentations en vue d’améliorer les conditions de travail le complète en 2011.

Dans la suite de ces accords, la direction envoie à tous les salariés le «Nouveau

Contrat Social » VF se fixe pour objectif « une organisation du travail efficace, transparente et coopérative » pour rétablir a la confiance entre les services ». Chacun doit pouvoir « s’exprimer sur l’organisation du travail ». Il est fait référence très précisément aux notions d'« utilité du travail », « d’autonomie », de «marges de manœuvre », de la nécessité de tenir compte du « travail réel ». Pour donner à ses salariés «les moyens de répondre de manière adaptée et rapide ou client»), il est prévu de « réduire le nombre d’offres et les simplifier »>.

Ces objectifs ambitieux sont complexes à mettre en œuvre et se heurtent à nombre de résistances.

Ils supposent de faire régresser une approche infantilisante du management, de rétablir la confiance au quotidien, de refonder une véritable fonction ressources humaines.

L’ensemble des actions et des mesures prises est évalué par l’entreprise à 900 millions

d’euros.[…]».

Conclusions. Le suicide de M. D, le 14 juillet 2009, a marqué un tournant dans la vie de l’entreprise WV Télécom. Sa médiatisation a provoqué une succession de décisions de la part de la Direction VF ont modifié en profondeur l’avenir de l’entreprise.

Mais cependant, avant même ce geste fatal, il n’existe pas d’élément suffisant pour établir que la politique de déflation à marche forcée telle que décidée fin 2006

s’est poursuivie au-delà du terme du plan NEXT, échu le 31 décembre 2008. Car l’objet de cette politique, à savoir dégrader les conditions de travail des agents de WV Télécom pour les pousser à la mobilité ou aux départs, a été atteint : l’objectif des 22 000 départs a même été dépassé. En raison seulement de la force structurante de cette politique et de sa force d’inertie, ses répercussions ont continué à être ressenties au niveau local en 2009 et jusqu’en 2011, lors du suicide de M. G. Les événements tragiques survenus à partir de 2009 sont les conséquences du harcèlement moral par l’objet caractérisé en 2007-2008, et non la manifestation de nouveaux agissements, imputables aux prévenus, VF auraient eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail.

Compte tenu de la médiatisation de la crise sociale, la Direction de WV

Télécom n’a pas eu d’autre choix que de chercher, à partir de l’été 2009, tous les moyens de redonner confiance aux agents. En creux, le « nouveau contrat social '> annoncé par M. EX à l’été 2010 révèle les valeurs sociales VF ont été atteintes lors de la mise en œuvre du plan NExT et qu’il veut restaurer, telles qu’ « une politique de l’emploi, active, motivante et solidaire », « une organisation valorisant davantage

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le travail de chaque salarié », « une fonction RH plus proche des salariés ».

CONCLUSIONS DE LA PARTIE II

Le volumineux dossier d’instruction et les dix semaines de débats ont donné un éclairage particulièrement précis sur la politique VF a été imaginée, décidée, organisée et appliquée par les organes dirigeants de la société WV

Télécom durant la période visée par la prévention dans le cadre de l’application du plan NEXT et du programme ACT : une politique délibérément attentatoire aux droits et à la dignité des employés de WV Télécom SA, ainsi qu’à leur santé physique ou mentale.

Il ressort des éléments exposés dans les quatre premiers chapitres que le plan NEXT, dont la stratégie était d’assurer une « croissance rentable », reposait, notamment, sur une politique de déflation des effectifs concernant tous les employés de FT SA, fonctionnaires comme salariés de droit privé, au mépris de leurs statuts d’emploi.

Cette politique a eu pour objet, à partir d’octobre 2006, une dégradation des conditions de travail, les départs n’étant plus volontaires mais forcés, au travers de l’instrumentalisation de dispositifs managériaux subie et mise en œuvre par la hiérarchie intermédiaire.

Constitutive d’agissements répétés, VF outrepassaient les limites du pouvoir de direction de ses initiateurs, et aux répercussions nécessairement anxiogènes, cette instrumentalisation s’est concrétisée par : la pression donnée au contrôle des départs dans le suivi des effectifs à tous les niveaux de la chaîne hiérarchique ; la modulation de la rémunération de cadres d’un certain niveau en faisant dépendre, pour partie, sa part variable de l’évolution à la baisse des effectifs de leurs unités ; le conditionnement des esprits des « managers » au succès de l’objectif de 4

déflation lors de leurs formations.

Mis au service de la politique de déflation des effectifs massive et généralisée à l’œuvre depuis 2006, ces actes distincts intervenus concomitamment se sont poursuivis et répétés au cours des deux années suivantes : ils constituent autant d’agissements réitérés ayant eu pour objet une dégradation des conditions de travail en forçant les agents au départ ou à la mobilité au-delà d’un usage normal du pouvoir de direction.

Les managers de proximité ou territoriaux, comme les services des ressources humaines, ont, sous la pression de la politique de déflation des effectifs

à marche forcée, intensifié des méthodes VF ont contribué à créer un climat délétère au sein de l’entreprise, l’intranquillité.

En conséquence, les faits de harcèlement moral sont parfaitement établis sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, période d’exécution du plan NEXT. Si les répercussions de cette politique ont continué à se poursuivre les années suivantes, il est avéré que la politique de déflation des effectifs n’a pas été voulue au-delà de cette date. L’infraction poursuivie n’étant pas caractérisée pour la période du 1 janvier 2009 à fin 2010, une relaxe s’imposera pour ce second temps de la prévention.

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PARTIE III-LES CULPABILITES ET LES PEINES

Les investigations, les nombreux documents versés, les témoignages recueillis ont permis d’établir que le délit de harcèlement moral institutionnel était parfaitement caractérisée, en ses éléments matériel et intentionnel.

En effet, courant 2006, la direction de WV Télécom a décidé, annoncé puis mis en œuvre une politique de déflation massive des effectifs de 2006 à 2008. Cette décision relève indiscutablement du pouvoir de direction du chef d’entreprise.

Le caractère massif de la réduction des effectifs, près de 20% de l’effectif total de WV Télécom SA, et le délai d’exécution décidé, trois ans, rendaient illusoire le caractère volontaire des départs attendus en raison de la disparition d’un dispositif, le congé de fin de carrière, VF avait jusqu’alors majoritairement permis les départs définitifs et en raison du statut de fonctionnaire VF concernait environ 80 % des agents.

La solution coercitive trouvée pour mener à bien cette politique, à savoir créer un climat anxiogène pour forcer les agents à la mobilité ou au départ, s’est concrétisée par des actes positifs et réitérés VF exerçaient une pression sur la hiérarchie intermédiaire et le service des ressources humaines : la primauté donnée, dans le suivi des effectifs, à celui des départs et des mobilités, la rémunération de certains membres de l’encadrement en partie indexée sur le nombre de départs, et le conditionnement de la hiérarchie intermédiaire et de proximité à l’impératif de déflation des effectifs. A cause de la pression de ces agissements, les managers du niveau territorial, local et les services des ressources humaines ont employé des méthodes pour contraindre leurs collègues à quitter l’entreprise ou à être mobile. C’est par cet enchaînement indivisible que l’objet de la politique, à savoir dégrader les conditions de travail du personnel de l’entreprise par l’instauration d’un climat anxiogène, était recherché.

Par leur nature VF avait pour objet de faire dégrader les conditions de travail, ces agissements structurels pour relever directement de la politique de l’entreprise, et structurants pour, potentiellement, altérer la santé de tous les agents, étaient harcelants. Ils ne pouvaient, par conséquent, relever d’un exercice normal du pouvoir de direction et de contrôle. Créer un climat anxiogène afin de forcer les agents à être mobile ou à quitter définitivement l’entreprise ne peut que relever d’un exercice abusif de ce pouvoir de ce pouvoir de direction et de contrôle.

Le fait qu’au terme des trois ans le nombre de 22 000 départs décidé a été atteint ne prouve pas qu’il était réaliste mais atteste seulement de l’efficacité de l’objet de la politique, l’instauration d’un climat délétère, et de l’intensité des agissements harcelants choisis.

Le fait que certains agents ont volontairement quitté l’entreprise ou volontairement connu des mobilités ne suffit ni à supprimer la potentialité d’une dégradation des conditions de travail de tous les agents, ni à annihiler l’effectivité de cette dégradation vécue par un certain nombre d’agents dont la santé ou l’avenir professionnel ont pu être altérés.

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I- La participation au délit des trois prévenus principaux

Ainsi qu’il vient d’être démontré ci-dessus, les faits établis procèdent d’une politique de déflation des effectifs jusqu’au-boutiste, amorcée courant 2006 et arrêtée fin 2008, outrepassant l’exercice normal du pouvoir de direction. Compte tenu, d’une part, de la nature structurelle des agissements, à visée collective et charpentant la vie de l’entreprise, d’autre part du statut au titre duquel messieurs AN, AP et AO sont renvoyés devant le tribunal, VF marque à fois la distinction et la conjonction de leurs rôles pour être membres du comité de direction générale, en raison enfin de leurs nombreux points de défense communs, il est opportun et nécessaire d’examiner conjointement ces moyens de défense d’abord (1) puis leur participation respective (2).

1- Une défense à la fois commune et singulière

Au moment de la clôture de l’instruction, puis lors des débats, et enfin dans leurs écritures messieurs AN, AP et AO ont fait valoir des moyens de défense identiques, et d’autres déclinés de façon spécifique sur certains points. Il sollicitent leur relaxes, les faits reprochés n’étant constitués ni en droit, ni en fait selon eux.

Le rappel des moyens communs aux trois personnes physiques renvoyées comme prévenus principaux précèdera celui des moyens propres à chacune des trois.

1-1. les moyens communs

Les moyens de défense communs à messieurs AN, AP et

AO peuvent être rattachés à trois catégories différentes.

Le premier moyen concerne l’élément légal, à savoir l’impossible délit de harcèlement moral institutionnel. Ce moyen a été écarté dans première partie de ce jugement, étant rappelé que le tribunal a retenu que les faits de harcèlement moral peuvent être constitués à l’égard d’une collectivité de travail visée par les agissements sans qu’il soit nécessaire d’identifier nommément chacune de leurs victimes.

La deuxième catégorie relève des facteurs de contraintes exogènes, qu’il s’agisse du contexte historique d’une société récemment privatisée et de la dualité des statuts des personnels, des mutations technologiques indispensables, de la pression découlant de la dérégulation et de l’ouverture du marché des télécoms à la concurrence ou de la situation économique et financière de l’entreprise en 2005. Autant de sujets VF ont été longuement examinés lors de l’instruction comme à l’audience et dont la réalité est incontestable. Mais, comme les prévenus l’ont indiqué eux-mêmes, ces facteurs de contexte ne peuvent constituer, juridiquement, des faits justificatifs, c’est-à-dire des circonstances VF justifieraient ou légitimeraient une infraction.

La troisième catégorie concerne le contexte, voire la caution, juridique applicable à la période de prévention, notamment la teneur de la convention collective nationale de télécommunications du 26 avril 2000 VF rappelle que le secteur des télécommunications se caractérise par de perpétuelles évolutions techniques et technologiques, une diversification permanente de ses activités ainsi que par des mutations constante de ses métiers, et VF acte que la mobilité fonctionnelle et/ou géographique est rendue nécessaire par la transformation de l’entreprise.

Les derniers moyens relèvent plus directement des faits du dossier. D’un côté, les trois prévenus certifient que le plan NEXT et le programme ACT n’étaient, ni l’un, ni l’autre, une politique d’entreprise telle que visée par la

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prévention, à fortiori conçue sous les auspices financiers, mais une stratégie

d’entreprise, validée par le conseil d’administration de WV Télécom, et son volet social VF ne saurait être, de quelque façon que ce soit, assimilé à une politique de déflation des effectifs.

D’un autre côté, ils PU valoir le fait que le nombre des 22 000 départs n’était qu’une prévision, au surplus reprise de la diminution des effectifs réalisés les trois années précédentes. En tout état de cause, les départs n’étaient pas une politique d’entreprise mais un HT de passage ou une conséquence de la transformation.

Enfin, tous les trois, de façon unanime, soutiennent qu’ils n’avaient pas conscience de commettre une infraction, de porter atteinte à la dignité, à l’intégrité mentale ou à la santé des agents de WV Télécom et contestent la caractérisation de

l’élément intentionnel, à savoir le dol général. Ils affirment que les propos qu’ils ont tenus lors de la réunion de l’ACSED ont fait l’objet d’une interprétation erronée. Ils assurent n’avoir jamais constaté personnellement la mise en œuvre, ou les conséquences, d’une prétendue politique de déstabilisation généralisée des agents de WV Télécom, alors qu’il se déplaçaient régulièrement sur les sites et qu’ils rencontraient les différentes organisations syndicales. Au sujet des alertes VF auraient pu survenir pendant la période de prévention, ils expliquent soit qu’ils n’en ont pas été destinataires parce qu’elles étaient traitées au niveau local ou par leurs collaborateurs, soit qu’elles présentaient un caractère trop général ou résiduel pour leur permettre d’en percevoir le caractère significatif. La meilleure preuve de cette ignorance résidant dans leur réaction immédiate lors de la crise sociale et médiatique de l’automne 2009.

Par ailleurs, au sujet d’une éventuelle dégradation générale des conditions de travail des agents de WV Télécom, ils arguent l’absence de démonstration sérieuse, voire de fiabilité, des conclusions produites par le cabinet BR, comme du rapport de l’inspectrice du travail, Mme Q.

1-2-Les moyens tirés de la portée et des limites de leurs fonctions respectives

Au soutien de leur défense, messieurs AN, AP et AO ont développé des arguments en lien avec leurs fonctions respectives dans l’entreprise, VF peuvent être synthétisés de la façon suivante.
M. AN détaille les conditions d’exercice de ses fonctions de président directeur général du groupe Télécom de 2005 à 2010, dont la dimension politique et internationale exigeait, au quotidien, de nombreux déplacements et des réunions stratégiques pour assurer l’avenir de l’entreprise.

Concernant la gestion opérationnelle du Groupe, il présidait chaque lundi matin le comité de direction générale du Groupe. Son rôle était alors principalement de veiller à la coordination de la gestion du Groupe par les directeurs généraux auxquels il avait délégué ses pouvoirs le WO juillet 2006, et VF les avaient acceptées les jours suivants, ainsi qu’en attestent les documents non fournis pendant l’instruction mais communiqués uniquement à l’audience, le 20 juin 2019.

Au sujet de ces délégations de pouvoirs, M. AN fait valoir que la mise en œuvre de NExT a été confiée à M. AO, directeur exécutif en charge de la transformation NEXT et des activités en WV.

Concernant la gestion des ressources humaines, la délégation de pouvoirs a été principalement faite au profit de M. AP, la gestion des salariés de droit privé étant déléguée à tous les directeurs exécutifs dont ils relevaient.

De son côté, M. AP soutient que la plupart des 11 agissements visés par la prévention ne relèvent ni de ses compétences ni de ses attributions.

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Il écarte ainsi de son périmètre d’action neuf agissements : les incitations répétées au départ, les réorganisations multiples et désordonnées, les mobilités géographiques et/ ou fonctionnelles forcées, la surcharge de travail, la pression des résultats ou à l’inverse l’absence de travail, le contrôle excessif et intrusif, l’attribution de missions dévalorisantes, l’isolement des personnels, les manoeuvres d’intimidation, voire les menaces et les diminutions de rémunération. En effet, et conformément aux délégations de pouvoirs versées aux débats, il n’avait, à la tête de la SG Groupe aucun pouvoir de gestion opérationnelle sur les salariés des directions métiers ou des directions opérationnelles (comme OPF), avec lesquels il n’avait aucune relation hiérarchique.

Au sujet des agissements VF seraient en lien direct avec la politique RH, après avoir affirmé, sans être démenti, qu’aucun des prérequis du crash program n’a effectivement été mis en place, il s’attache à démontrer que les effectifs de la fonction

RH sont restés constants, à hauteur de 3 % des effectifs totaux, durant toute la période de prévention, que de nombreuses actions de prévention du stress et des risques psychosociaux ont été mises en place par la direction notamment dans le cadre du programme ACT, afin d’accompagner et de soutenir de la meilleure manière possible les salarié, et que les indicateurs classiques d’une situation de dégradation des conditions de travail, tels que les absences pour maladie ou le taux d’absentéisme, n’était pas de nature à alerter la direction. Enfin, au sujet des formations prétendument insuffisantes voire inexistantes, il réfute ce reproche comme étant totalement infondé au regard du développement sans précédent de la formation professionnelle des salariés au cours de la période de prévention, grâce au plan ACT.

Quant à M. AO, il rappelle qu’il n’a ni fixé, ni décidé la politique

d’entreprise choisie ; qu’il a délégué ses pouvoirs à chacun de ses 21 collaborateurs directs y compris la fonction RH.

Dans le périmètre d’OPF, s’il reconnaît avoir décidé du projet « réorganisation des activités WV » (RAF), il précise que c’était pour une mise en cohérence avec le plan NEXT mais surtout avoir fait confiance au terrain : « nous avons clairement dit que les UO étaient rattachées à la direction territoriale et que le rôle des métiers était de fixer les objectifs et de suivre l’évaluation de performance. En effet ce sont les directeurs territoriaux VF PU les évaluations » (D2786/36). Ce faisant, il énonce clairement que sa vision consiste à faire confiance au terrain et à déléguer auprès des personnes effectivement en charge, contrairement au grief VF lui est fait d’une centralisation systématique et excessive VF aurait eu pour effet de le rendre responsable de tout mouvement ou action.

Enfin, il souligne qu’il a pris toutes les précautions nécessaires pour assurer le BU fonctionnement d’OPF tant en ce VF concerne son personnel que sa gestion, au niveau VF était le sien. À ce titre, il met en lumière diverses initiatives.

En premier lieu, il invoque l’enquête statistique Écoute salariés, régulièrement effectuée chaque année, de 2007 à 2009, pour connaître le ressenti global des salariés

(NA 06/06/2019 page 39 ) et dont les résultats étaient nullement alarmants et étonnamment divergents, sur certains points, avec les réponses fournies lors du questionnaire du cabinet BR quelques semaines plus tard. En deuxième lieu, il valorise l’initiative, lancée en avril 2007 et incompatible avec ce VF aurait été sa volonté de créer un climat professionnel anxiogène, du dispositif des Cellules d’écoute dont le principe était d’offrir aux salariés VF se sentaient en souffrance la présence d’un interlocuteur indépendant VF les accompagnerait dans la recherche d’une solution et d’un comportement adapté.

En dernier lieu, il montre qu’il n’a eu de cesse, pendant toute la durée du plan

NEXT, de trouver les moyens utiles pour communiquer et échanger avec l’ensemble des personnels d’OPF: les vidéos 3 × 5 dont certaines ont été visionnées à l’audience,

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les Questions directes, autant de supports de communication VF lui permettaient d’aborder et d’expliquer toutes les questions soulevées par le plan NEXT et le programme ACT: la formation, les Espaces développement, les réorganisations, la politique de l’emploi, etc.

2- Les éléments VF prouvent la responsabilité pénale des trois prévenus principaux

Messieurs AN, AP et AO n’ont-ils en rien participé à

l’action délictueuse, comme ils le soutiennent ? ette action délictueuse leur est-elle totalement étrangère, matériellement et dans l’intention? Quelle portée a une délégation de pouvoir quand il s’agit de la politique d’entreprise? L’organisation matricielle du Groupe est-elle une nouvelle forme

d’exonération de responsabilité ?

La particularité fondamentale des faits établis, à savoir qu’ils caractérisent un harcèlement moral institutionnel au travail, n’exclut pas le respect du principe fondamental, en droit pénal, à savoir une responsabilité pénale personnelle : « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait » selon l’article 121-1 du code pénal.

Il convient de rappeler que les faits établis par le dossier d’instruction et les débats sont étrangers au non-respect de l’obligation de sécurité et de prévention des risques psychosociaux VF incombe au chef d’entreprise.

Ils n’appartiennent pas davantage au domaine susceptible de conduire à une responsabilité du fait d’autrui.

Cependant, en raison tant du fait qu’est en cause une politique d’entreprise, en

l’occurrence dans le domaine des ressources humaines et à visée déflationniste, que du fait que les trois prévenus sont renvoyés devant le tribunal en leur qualité de dirigeants

à des niveaux divers, l’examen de la responsabilité personnelle de chacun des trois nécessite une analyse conjointe des actes commis, VF ne prend un sens que dans le suivi du temps nécessaire à l’accomplissement du harcèlement moral institutionnel. Il s’avère que leur responsabilité pénale personnelle et respective repose, en réalité, sur une décision partagée, sur une mise en œuvre coordonnée, sur un suivi vigilant, des agissements harcelants dont l’objet était la dégradation des conditions de travail de tous les agents de WV Télécom pour assurer et hâter, accélérer, la réduction recherchée des effectifs de l’entreprise. En l’espèce l’absence, ou le refus de la participation de l’un des trois, telle qu’ainsi définie, n’aurait pas permis la réalisation du délit de harcèlement moral institutionnel.

Ces trois périodes du processus vont être successivement examinées, le rôle de chacun des trois prévenus étant distingué pour chacune des périodes.

2-1. Une décision partagée

Comme établi au cours de l’examen des faits, l’année 2006 a connu deux tournants majeurs : le premier date du 14 février 2006 avec l’annonce officielle faite par le président directeur général de WV Télécom, M. AN, des 22 000 départs de l’entreprise et des WO 000 mobilités internes. Le sujet de cette diminution des effectifs sur trois ans surgissait alors qu’il n’avait jamais été évoqué jusque-là et que l’atteinte du chiffre de départs annoncé était impossible dans le contexte de

l’époque, comme cela a été établi, sans l’instauration d’un climat anxiogène pour contraindre les agents à être mobile ou à quitter l’entreprise. Le second tournant date du 20 octobre 2006 avec les termes à forte valeur performative employés devant l’ACSED par les trois prévenus quant à la nécessité et l’accélération de l’objectif de déflation des effectifs.

Ce n’est nullement déformer la teneur de ces propos que de constater

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l’unanimité VF se dégageait des trois orateurs quant à l’urgence et l’enjeu de l’objectif annoncé 6 mois plus tôt et quant à la détermination VF les animait tous les trois en

2006.

En 2006, la décision de M. AN de mener une politique de déflation des effectifs à marche forcée, validée par le conseil d’administration, est ainsi soutenue par messieurs AP et AO. Ils en partagent publiquement la teneur et la portée à venir.

Certes, ces faits sont antérieurs à la période de prévention dont le tribunal est saisi.

Néanmoins, ils ont été contradictoirement discutés au cours de l’instruction, lors des débats et dans les écritures. Ils peuvent, ils doivent ainsi que démontré dans la partie sur l’élément légal (CHAP II, HT II.3.1), être pris en compte pour comprendre la participation postérieure et respective des trois prévenus dans le processus de harcèlement moral institutionnel VF avait débuté dès cette époque, et VF s’est concrétisé par des agissements harcelants VF ont duré trois ans.

S’agissant des délégations de pouvoir, VF permettraient une exonération de la responsabilité pénale personnelle de messieurs AN, AP et AO, il convient de rappeler que pour être valable, la délégation doit remplir certaines conditions, relatives, d’une part, à la personne du délégant et du délégataire, d’autre part, à l’opération elle-même.

En l’espèce, si les conditions relatives aux personnes paraissent remplies, en revanche, il n’en est pas de même de celles relatives l’opération elle-même : la politique de déflation à marche forcée relève du pouvoir propre de direction du chef d’entreprise, VF ne pouvait être déléguée. Au cas d’espèce, le Comité de direction générale a été associé à cette décision et les membres n’ont émis aucune protestation et, au contraire, ont fait leur cette politique. Chacun dans le cadre de ses fonctions et du service qu’il dirigeait, le service des Ressources humaines du

Groupe pour l’un, la Division opérationnelle la plus importante en effectifs pour

l’autre, en toute indépendance, a décliné et mis en œuvre cette politique. Il ne

s’agit pas d’une responsabilité pénale « collective » mais d’une responsabilité pénale partagée par chacun, se traduisant dans son périmètre de compétence, de ce projet voulu et assumé par les trois prévenus.

Interrogé le 27 juin 2005 par un journaliste sur ce VF l’avait le plus surpris lors de son arrivée à la tête de WV Télécom trois mois plus tôt, M. EY AN avait répondu : « Cela a été de m’apercevoir que, même en étant très proche du président, et en connaissant tout de l’entreprise, à la seconde où l’on devient le patron, on reçoit tout le poids de l’entreprise sur les épaules, et on ne peut plus s’arrêter d’y penser. On devient d’un coup responsable de tout, y compris de ce que l’on ne connaît pas, et il faut anticiper constamment » (D4043-Article sur Les Echos.fr »).

2-2. Une mise en œuvre coordonnée
M. AN, par sa fonction, a initié, et donc nécessairement suivi dans ses implications managériales, durant toute la durée de la prévention, la réorganisation de la société WV Télécom. Il a revendiqué à la Maison de la Chimie son implication, non seulement dans la fixation des objectifs de déflation des effectifs mais encore dans la mise en place des organes de contrôle et des méthodes de gestion VF se traduiront sur le terrain par des comportements managériaux ayant pour objet de dégrader les conditions de travail : « on a changé le système de reporting, de management et l’organisation pour piloter la maison de façon plus réactive » (D72/3). Ce suivi lui était indispensable pour mesurer les effets attendus de la déflation des effectifs sur l’amélioration poursuivie des ratios financiers.

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Les investigations et les débats ont permis d’établir que l’instauration du climat anxiogène a découlé de la mise en oeuvre de trois agissements spécifiques : la prééminence donnée à la déflation dans le suivi et le contrôle des effectifs, la prise en compte des départs dans la rémunération des membres de l’encadrement et le conditionnement de la hiérarchie intermédiaire à la déflation des effectifs lors des formations dispensées par l’Ecole Management WV.

Ces trois leviers, constituant des agissements réitérés pour avoir été activés pendant de nombreux mois, ont été tous conçus et/ou utilisés par messieurs

AP et AO en fonction de leur domaine d’attribution respectif.

En tant que SG Groupe, M. AP a mobilisé les services RH pour assurer une pression jusqu’au niveau local, les cadres du niveau central et intermédiaire bénéficiant de la part variable indexée sur les départs. Il a signé le 20 décembre 2007, une note fixant les règles de calcul de la part variable des

Entrepreneurs pour le premier semestre 2008 (D2288/22) dont le principe et les modalités ont été repris et adaptés par GI M et BY AS à destination des managers « non entrepreneurs »,

Il est le signataire du C du 14 novembre 2007 VF accompagne la notification par la SG Groupe à chaque directeur du nombre de départs VF devaient être réalisés dans leur périmètre managérial. Cet objectif chiffré a été décrit par des témoins comme non négociable (D3036/2-Scellé K4). Neuf mois plus tard, il continue à user de son autorité sur les managers comme en témoigne son intervention intitulée « Act : 2008 et après » le 4 juillet 2008 en leur rappelant qu’il y a « une obligation de réussite » à atteindre l’objectif annoncé précisant, pour être bien compris, qu'« à moins 500 de la cible en effectifs, nous ne pourrons pas échapper, vis-à-vis des investisseurs, à la nécessité d’afficher à nouveau des objectifs de décroissance en 2009» (D 3196/3).

C’est aussi lui VF a annoncé la création de l’Ecole Management WV en juin 2005, cadre dans lequel à partir de décembre 2006 jusqu’en 2008 les cadres intermédiaires ont été conditionnés pour accélérer la mise en mouvement de leurs collègues.

Enfin, les termes suivants de la lettre d’adieux que M. Y-BO DD, âgé de 51 ans, technicien au centre d’appels téléphoniques « WO.16 » d’Annecy, a laissée à sa famille avant de se suicider en se jetant du haut d’un viaduc d’autoroute sur le trajet de son domicile à son travail le 28 septembre 2009 : « WV TÉLÉCOM, avec ses restructurations incessantes, n’a pas fait dans la dentelle: suppression de poste et le personnel doit s’adapter » (D1087/28), prennent une résonance particulière quant ils sont mis en perspective avec ceux prononcés par M. AP lors de

l’ACSED: «L’enjeu de 2007/2008, ce n’est pas seulement le plan social mais c’est aussi ce VF va se passer avec Deutsh telekom. Il faut qu’on soit plus fort si on se rapproche. Cela peut venir très vite. On ne va pas faire dans la dentelle. Il faut mettre les gens en face de la réalité de la vie. La réalité de la vie c’est qu’on a encore la possibilité de préparer l’avenir dans des conditions exceptionnelles mais que ça ne durera pas si on ne tient pas les objectifs » D2464/19).

Quant à M. AO, promu directeur général adjoint et dirigeant d’OPF, soit la division comportant près des deux tiers des effectifs du Groupe WV, il a assuré une exécution effective de la déflation en veillant à ce que l’objectif de déflation soit reparti et décliné pour, et par, chacune des 11 directions territoriales. Les initiative, rappelées ci-dessus doivent être mises à son crédit : cependant la première était probablement inadaptée, pour les autres il n’a pas tiré profit des enseignements que ces dispositifs auraient pu lui apporter a fortiori dans un contexte d’intranquillité

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recherchée.

Cette coordination et cette complémentarité dans l’action entre la direction métier située au cœur du processus de déflation et la division opérationnelle la plus conséquente en nombre d’agents était indispensable pour parvenir au résultat. Si l’un des deux avait freiné ou cessé son action, celle de l’autre en aurait immédiatement connu des conséquences : elles étaient inextricablement liées.

2-3. Un suivi vigilant pendant trois ans d’un objectif demeuré incha ngé L’intention de nuire n’est pas requise pour caractériser l’infraction de harcèlement moral.

La volonté et la conscience de commettre des actes harcelants suffisent.

En l’espèce, il est incontestable que l’objectif recherché des 22 000 départs et des WO 000 mobilités n’a connu aucune modification pendant les trois ans d’exécution du plan NEXT.

Le caractère intangible de ces cibles prouve la détermination de messieurs AN, AP et AO durant ces trois années et leur volonté jusqu’au-boutiste. Il est patent qu’il existe une contradiction réelle entre la revendication du succès du plan NEXT que messieurs AN, AP et AO ont portée dès 2009,

d’une part, et leur rejet de toute responsabilité dans les répercussions de ce même plan,

d’autre part.

Il ne peut être sérieusement envisagé que M. AN s’est, sitôt l’annonce du plan NEXT faite en juin 2005, désintéressé de l’exécution de ce plan triennal; qu’il n’a jamais tenu informé le conseil d’administration de l’avancée d’un objectif présenté comme essentiel pour la réussite du plan NEXT notamment dans les documents de référence; qu’il n’a perçu aucune rémunération proportionnelle à l’atteinte des objectifs fixés.

Plusieurs éléments en procédure, notamment les notes prises par l’un de ses trois directeurs adjoints, M. RE FC, confirment que le discours de M. AN à la Maison de la Chimie, n’est pas un acte isolé mais traduit sa conception de la gestion des ressources humaines.

Ainsi, dans son carnet de notes, M. FC retranscrit les propos tenus par M. AN le 25 février 2008, lors d’une réunion du GLT (CODIR) en ces termes «DL: tout va bien, nous avons notre destin en main, à condition de mettre la pression » (page 47 du scellé K-DIX) (D 2963/7). Invité à commenter cette note, M. FC déclare : « Il s’agit de mettre la pression sur tous les objectifs, et non sur les effectifs seulement. La politique de management de M. AN, c’était de dire que les gens faisaient des choses parce qu’on les pousse à les faire, c’est dans ce sens-là qu’il faut entendre le terme pression. On est en février dans une préparation de l’année 2008 »> (D3664/7).

Par ailleurs, si tous les trois ont admis avoir conscience que le changement pouvait être source d’inquiétude pour les agents de WV Télécom, ils ont contesté, depuis leur mise en examen à l’été 2012 jusqu’au 11 juillet 2019 date de la dernière audience, toute conscience du caractère harcelant que pouvait revêtir la politique de déflation des effectifs à marche forcée qu’ils avaient décidée et mise en œuvre.

Cependant, en 2009-2010, alors qu’ils sont interviewés par M. BH, ils tiennent des propos différents, en dépit des explications qu’ils ont fournies après le visionnage du documentaire à l’audience du 21 juin 2019.

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Ainsi, M. AO en réponse à la question posée par M. BH « À quel moment vous vous êtes dit: « Alors là c’est grave grave »? – Ou alors vous ne le pensez pas ? », répond : « Je pense que c’était une situation sérieuse. Mais je ne pense pas que c’était une situation VF justifiait les événements VF ont suivi […]. Je pense qu’on pouvait traiter tout ça et continuer à avancer: » (minute 1:WP:23). Quant à M. AP, il reconnaît une sorte de négligence : « J’ai négligé. Je comprenais, je n’ai jamais eu le sentiment de ne pas le comprendre. D’une certaine façon ce que j’entends aujourd’hui, je l’ai déjà entendu. Pas aussi souvent, pas avec autant de force, pas dit par autant de gens en même temps, mais il n’y a aucun argument que je n’entends quand je vais sur le terrain en ce moment, aux Assises de la Refondation, ou quand je participe à des réunions, il n’y a réellement pas de choses que je n’ai jamais entendues. Mais je n’ai pas mesuré – oui, c’est ça, comment dire… la profondeur, quoi. » (minute 1:WO).

Enfin, M. AN admet avoir « poussé le bouchon un peu trop loin '> :

« En fait, le sujet c’est : Est-ce que vous êtes capable de faire de l’économique et de

l’humain en même temps. Et c’est ça la marche qu’on a ratée. A partir du moment où vous êtes sous la pression de tout un tas de trucs que vous connaissez, concurrence, etc…, vous devez assurer une rentabilité maximum, donc vous mettez des indicateurs et des paramètres de décision VF remontent. A la fin c’est Dieu le Père VF décide de tout. On a poussé le ballon un peu trop loin. Donc il faut remettre ça à plat, rediscuter avec les gens et trouver le HT où on s’arrête, et comment on aide sans contraindre, etc. C’est tout un fonctionnement VF est à revoir. Le modèle qu’on va reconstruire va être compatible économique et humain » (minute 4:56).

La sincérité des propos tenus dans le film de S. BH n’a de sens qu’à l’aune du déni de leurs agissements. Si ce déni tend à minimiser leur responsabilité dans la survenance de la crise, il est pulvérisé par leurs expériences professionnelles antérieures respectives et par leur connaissance ancienne et profonde de l’entreprise WV Télécom, enrichies notamment de leurs fréquents déplacements sur le terrain.

Celles-ci les mettaient en situation, sauf à être aveugles et sourds, d’avoir une pleine conscience de l’efficacité des leviers et moyens qu’ils ont choisis et mis en oeuvre pour parvenir à la dégradation des conditions de travail dans l’entreprise, dont dépendait la réussite de l’objectif de déflation des effectifs.

En conséquence, messieurs AN, AP et AO seront déclarés coupables de harcèlement moral envers la collectivité du personnel de WV Télécom sur la période 2007 et 2008, et renvoyés des fins de la poursuite pour le surplus de la période de prévention,

II- La responsabilité pénale de la société ORANGE SA venant aux droits de la société WV Télécom SA

Pour mémoire, le principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales ayant été supprimé par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, la responsabilité pénale des personnes morales peut être engagée pour l’ensemble des crimes, délits et contraventions existants dès lors qu’il s’agit de faits commis à partir du

31 décembre 2005 et que les conditions d’imputabilité de ces faits à une personne morale prévues par l’article 121-2 du code pénal sont réunies. L’article 121-2 du code pénal ne rend les personnes morales pénalement responsables que « des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». Il faut vérifier à la fois que l’infraction a été commise pour le compte de la personne morale, et les organes ou les représentants de la personne morale.

En l’occurrence, la société ORANGE SA venant aux droits de la société WV

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Télécom SA était placée, notamment en 2007 et 2008, sous la présidence de M. EY

AN, dont la responsabilité pénale personnelle est engagée comme auteur de harcèlement moral de nature constitutionnel au cours de cette période.

Dans le Document de référence de WV Télécom pour 2009, il est écrit : « En

2009, le groupe WV Télécom a traversé une crise sociale importante en WV.

Pour faire face à cette crise révélatrice d’un mal-être au travail, le management du

Groupe a lancé un dispositif complet pour bâtir un nouveau contrat social. L’ensemble s’articule autour de trois axes: les négociations avec les partenaires sociaux, l’état des lieux des conditions de travail et les Assises de la refondation '>

(page 323).

Le terme même de « refondation », en ce que refonder signifie reconstruire sur des bases et des valeurs nouvelles, constitue la reconnaissance UR de ce que le plan

NEXT et le programme ACT, tels qu’ils ont été mis en application sous la responsabilité de M AN, étaient attentatoires aux bases et aux valeurs VF auraient du présider aux destinées de cette société dans l’intérêt bien compris de ses employés.

Pourtant, à l’annonce de sa mise en examen, en juillet 2012, WV Télécom a fait le communiqué de presse suivant : « WV Télécom entend rappeler qu’elle conteste avoir mis en place une politique délibérée visant à provoquer de la souffrance au travail pour créer des conditions de départ. Pour autant le Groupe reconnaît que l’action de l’entreprise ait pu être mal perçue, ce VF a induit un trouble collectif. Il est tout à fait possible que ce trouble ait pu, sur des collaborateurs (VF pouvaient avoir par ailleurs des fragilités ou des difficultés) contribuer à une souffrance au travail. Dans certaines situations l’entreprise a

d’ailleurs reconnu spontanément un lien entre le passage à l’acte suicidaire et le contexte de travail.

Dans un premier temps, il a pu être affirmé que cette situation était spécifique à

WV Télécom. Il est clairement apparu depuis qu’il s’agit d’un phénomène de société et que de nombreuses organisations de travail (y compris la Fonction Publique) confrontées à des problématiques d’évolution de leur contexte ont pu avoir des difficultés comparables, y compris dans leurs manifestations les plus dramatiques. Tous les observateurs de la vie au travail constatent un mal étre au travail en WV, lié notamment à une sur implication de la relation au travail.

C’est pourquoi WV Télécom s’est attaché depuis à répondre à son environnement au travail par une action globale, dont le caractère innovant a été souligné par de nombreux observateurs externes et internes. Parallèlement, le Groupe a reconnu la nécessité de s’impliquer dans la réparation de situations individuelles, tout en contestant formellement être à l’origine d’une stratégie délibérée de déstabilisation de ses collaborateurs » (pièce n°23 – CFDT).

De même, à l’issue du visionnage du film de M. BH « WV Télécom chronique d’une crise » à l’audience du 21 juin 2019, M. EW, représentant de la personne morale, a déclaré : «[…] on n’a pas su accompagner les plus fragiles. L’entreprise a vraiment QR que le contrat social était la garantie des emplois et que ça allait suffire. Mais on s’est trompé […]. » (NA page 34).

Et le dernier jour d’audience, M. EW a tenu à faire une déclaration au nom de l’entreprise, dont voici quelques extraits : «Il n’y a pas de performance économique sans performance sociale. N’omettons pas le corollaire, il n’y a pas de performance sociale sans performance économique ». Après avoir rappelé les quatre chocs spécifiques au secteur des télécoms VF ont obligé l’entreprise à se transformer (passage X/privé, dette de 70 milliards, ouverture à la concurrence, mutations

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technologiques), il a indiqué que l’équation n’était pas facile à résoudre, et que « les dirigeants de l’époque n’avaient peut-être pas les marges de manœuvres et de décision que l’on veut bien leur prêter aujourd’hui »>.

Il a reconnu une indéniable « souffrance chez certains de [nos] collaborateurs » : « en se focalisant sur la préservation de l’entreprise et de son personnel dans son ensemble, il est évident que nous n’avons pas su protéger certaines personnes. […]. Je l’ai dit à la barre lors des audiences et le redis ici, c’est au moins une responsabilité morale que nous entendons assumer ». Avant de poursuivre : « En revanche je ne peux assumer que l’entreprise, son collectif auraient délibérément cherché cela; c’est faux, ce n’est encore une fois pas l’entreprise que je connais »>.
M. EW a ensuite révélé l’engagement des démarches suivantes : « Nous avons donc, sans attendre [la décision du tribunal], commencé à travailler avec les organisations syndicales à des modalités concrètes d’accompagnement des personnes en ce sens. Tout dispositif peut toujours être amélioré, il est très important pour nous de poursuivre le dialogue social et de voir avec nos partenaires sociaux dès la rentrée

[septembre 2019] ce VF peut être le cas échéant amélioré s’agissant de notre dispositif de prévention. Nous entendons parallèlement lancer une réflexion quant à une procédure d’indemnisation de préjudices individuels. [ ] Sur le modèle de la commission de médiation VF a été évoquée au cours du procès, à l’issue des audiences, nous engagerons une discussion en ce sens avec nos partenaires sociaux pour constituer une commission VF se penchera sur cette question de l’indemnisation ».

S’agissant d’un délit volontaire dont M. AN sera déclaré WN en sa qualité de président-directeur général de la société WV Télécom SA devenue

ORANGE SA pour le compte et dans l’intérêt de laquelle il a agi, ce n’est pas une seule < responsabilité morale » ou une responsabilité civile VF incombe à l’entreprise, mais une responsabilité pénale, caractérisée par une politique d’entreprise issue d’un plan concerté pour dégrader les conditions de travail des agents de WV Télécom afin d’accélérer leurs départs définitifs de l’entreprise.

La société WV Télécom SA devenue ORANGE SA sera donc déclarée WN de harcèlement moral sur la période du WO janvier 2007 au 31 décembre 2008, et relaxée pour le surplus de la période de prévention.

III – La participation au délit des quatre prévenus renvoyés comme complices Mesdames M et AK, messieurs P et

AS ont été renvoyés devant le tribunal en qualité de complice par aide ou assistance des agissements reprochés à messieurs AN, AP et

AO ainsi qu’à la personne morale WV Télécom devenue ORANGE, pour des périodes de prévention différentes, en des qualités professionnelles distinctes et en raison d’actes spécifiques.

Au moment de la clôture de l’instruction, puis lors des débats, et enfin dans leurs écritures, messieurs P et AS, mesdames AK et

M ont fait valoir des moyens de défense proches, pour reposer soit sur des moyens strictement identiques, soit sur des moyens liés aux fonctions qu’ils occupaient au cours de la période de prévention. Ils sollicitent leur relaxe.

Il convient d’examiner ces moyens (1), avant d’étudier les actes VF caractérisent la complicité imputable à chacun de ces quatre prévenus (2).

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1- Les moyens de défense des quatre prévenus renvoyés pour complicité

Le premier moyen concerne l’élément légal du délit principal, à savoir l’impossible délit de harcèlement moral institutionnel. Ce moyen a été écarté dans la première partie, comme déjà rappelé pour les prévenus principaux.

Le moyen subséquent relatif à l’impossible complicité en l’absence d’infraction principale, ne peut qu’être, en conséquence, rejeté.

La deuxième catégorie a trait à la non caractérisation du délit principal de harcèlement moral. Les éléments de fait examinés dans la deuxième partie ont permis au tribunal d’établir qu’il était constitué.

La troisième catégorie ressort de la qualification de la complicité elle-même, VF

n’est caractérisée que s’il est rapporté la preuve d’un acte matériel positif imputable au complice et de sa volonté de participer sciemment à l’acte délictueux imputé à l’auteur principal, preuve issue d’éléments commis pendant la période dont le tribunal est saisi. En l’occurrence, ils PU valoir l’absence d’élément matériel VF leur serait imputable: soit que les éléments de participation VF leur sont reprochés sont prescrits pour avoir été commis en 2006, tels que l’échec de la négociation relatif à la GPEC imputé à M. P, la participation de Mme M à l’élaboration du crash program, la participation de Mme AK à la réunion de l’ACSED; soit que ces éléments ne sont pas antérieurs ou concomitants aux actes reprochés aux auteurs principaux ; soit enfin qu’il s’agit d’actes découlant de leurs attributions, tels le suivi des effectifs.

Quant à l’élément intentionnel, ils soutiennent n’avoir jamais eu la volonté de participer à la commission d’une infraction.

2- Les éléments VF prouvent la responsabilité pénale des quatre prévenus de complicité Mesdames M et AK, messieurs P et

AS ont-ils eu un rôle dans la politique de déflation à marche forcée telle qu’établie par le tribunal ? Ont-ils contribué à la conception, à l’activation des trois leviers identifiés : la primauté donnée, dans le suivi des effectifs, à celui des départs et des mobilités, la rémunération de certains membres de l’encadrement en partie indexée sur le nombre de départs, et le conditionnement de la hiérarchie intermédiaire et de proximité à l’impératif de déflation des effectifs ?

L’article 121-7 du code pénal dispose : « Est complice d’un crime ou d’un délit la personne VF sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation ».

Il convient de rappeler, comme évoqué dans la première partie consacrée à l’élément légal, que le harcèlement moral est un délit d’habitude. Les infractions

d’habitude sont celles dans la définition desquelles la loi inclut la répétition, de sorte que le premier comportement n’est pas punissable: la question s’est posée de savoir si

l’habitude devait être constatée dans le comportement du complice. Après avoir varié, la Cour de cassation a tranché en faveur de la répression du complice: « Pour être punissable, la complicité d’une infraction d’habitude n’exige pas l’aide ou l’assistance du prévenu, à au moins deux actes de l’infraction principale » (Crim., 19 mars 2008, n° 07-85.054). Un seul acte suffit, et cette jurisprudence répond implicitement à la question de la nécessaire antériorité ou concomitance de l’acte de complicité par rapport à l’acte principal.

Il importe donc maintenant de déterminer si chacun d’entre eux a, au cours de la

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31ème Ch. période de prévention le concernant, commis un acte VF a contribué à la politique coercitive de déflation des effectifs visant à dégrader les conditions de travail des personnels de WV Télécom par l’instauration d’un climat anxiogène

2-1. Mme GI M

Les magistrats instructeurs ont renvoyé Mme M devant le tribunal en diverses qualités simultanées ou successives (Directrice du programme ACT,

Directrice du management, des compétences et de l’emploi, Directrice du développement et des opérations Ressources Humaines WV, de Directrice des

Ressources Humaines WV puis de Directrice adjointe des Ressources Humaines Groupe) au sein du groupe WV Télécom, pour quatre sortes d’agissements distinctes.

Il n’est pas contesté qu’elle connaissait le plan NEXT et le programme ACT et que son rôle au sein de la SG Groupe était important comme elle l’indique elle-même dans son curriculum vitae où l’on peut lire que, dans le cadre de « Act programme, People développement and HR operations (WO/2007)», elle était chargée

< de définir la stratégie RH et d’animer le déploiement du programme Act en WV et

à l’international en soutien du projet d’entreprise NEXT ». Elle y fait valoir que sa mission a été une réussite : « Objectifs sur 3 ans : décroissance nette des effectifs de

17 000 emplois, WO 000 mobilités vers les secteurs prioritaires, + 25 % des investissements de formation du Groupe: objectifs atteints » (D3294/7).

En dépit de la complexité de l’organisation matricielle du Groupe WV

Télécom et du nombre de postes ou fonctions occupés par Mme M au cours de la période de prévention, le tribunal a compris que les deux premières catégories d’actes reprochés ne relevaient pas de ses attributions au niveau de la SG Groupe : elle n’a ni « organisé » le suivi strict et concret des réductions d’effectifs, ni « mis en place des outils de pression sur les départs tels que les réorganisations laissant les salariés et des agents sans poste, un management par les résultats », compte tenu des rapports fonctionnels et non hiérarchiques que la fonction SG Groupe entretenait avec les différentes divisions. Notamment, la mise en oeuvre opérationnelle d’ACT au sein de la Division OPF dirigée par M. AO, a incombé, à compter d’octobre 2006 et pendant la période de prévention, à M. AV RK, directeur des actions RH territoriales avec l’animation des Espaces Développement.

En revanche, au titre des deux dernières sortes d’actes reprochés, « encourager les procédés visant à créer une instabilité pour les agents et les salariés » et « organiser les incitations financières relatives à l’atteinte des objectifs de réduction d’effectifs », il ressort du dossier des participations personnelles et précises de Mme M.

Les premières ont trait à ses interventions, à 22 reprises, lors des formations

< Réussir ACT »> suivies par les managers à une période où l’objectif de déflation sous tendait toute la politique RH, et où ces formations servaient à les conditionner pour accélérer les départs et les mobilités.

S’il est exact qu’aucun témoignage ne figure au dossier pour relater qu’elle aurait prôné, au cours de ces formations comme à d’autres occasions d’ailleurs, des méthodes harcelantes, il est ressorti du document La synthèse 2007 des tables rondes de « Réussir ACT » (D3368 cf CHAP III HT III-2-3) que les managers subissaient une réelle pression pour atteindre les objectifs de mobilités internes et externes VF leur avaient été fixés. Par conséquent, l’intervention de Mme M en début de formation ne pouvait que cautionner, dans l’esprit des managers y participant, l’axe majeur et urgent de la politique coercitive de déflation des effectifs et les moyens d’y

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parvenir.

Par ailleurs, au vu notamment de la fréquence de ses interventions, il est peu crédible qu’elle ait ignoré le climat révélé par les managers avant que M. FD lui en fasse part fin 2007.

La seconde implication de Mme M, dans le fonctionnement des

< leviers » de la politique tels qu’identifiés par le tribunal, concerne la modulation de la rémunération des cadres d’un certain niveau en faisant dépendre, pour partie, la part variable de l’évolution à la baisse des effectifs de leurs services. En effet, Mme

M est l’auteur de la note du 8 octobre 2008 détaillant la mise en œuvre de la part variable pour les cadres non Entrepreneurs de la SG WV (D2291). Si l’on pourrait suivre Mme M lorsqu’elle avance la portée réduite de cette note en raison, d’une part, de la part marginale représentée par le suivi des départs et mobilités dans la part variable totale, d’autre part, du nombre faible de personnes qu’elle concernait (un millier),en revanche, il ne peut être décemment contesté qu’un tel affichage, systématisé, reconduit d’année en année dans des termes identiques, ainsi que Mme M l’a précisé, encourage une pratique d’incitation aux départs, et la récompense. Prétendre le contraire reviendrait à dénier l’intérêt même de cette mesure : pourquoi la prendre et la pérenniser si on la sait inutile ?

En outre, si l’effectif concerné peut paraître faible, il est composé des personnels moteurs de la transformation, les SG des services territoriaux et leurs collaborateurs, ainsi que les personnes travaillant dans les Espaces Développement. Enfin, le caractère structurant de cette mesure est prouvé par la force d’inertie qu’elle recelait puisque ses effets ont perduré, de l’aveu même de Mme M, dans un contexte où il n’existait «plus aucune trajectoire d’effectif» (page 47 des conclusions) et que, pour tenter de freiner cette force, elle a dû signer note du 19 octobre 2009 au niveau national, soit plus de dix mois après la fin du plan NEXT

(D3185/68). En conséquence, Mme GI M sera déclarée WN de complicité de harcèlement moral, pour avoir, en qualité de Directrice du Management des compétences et de l’emploi puis de Directrice du Développement et des Performances des RH, entre janvier 2007 et le 31 décembre 2008, contribué à

l’animation de la formation Réussir ACT destinée aux managers pour les conditionner à l’impératif de déflation des effectifs, et pour avoir rédigé et envoyé une note détaillant la mise en œuvre de la part variable pour les cadres non Entrepreneurs de la SG WV partiellement fondée sur des critères de départs et mobilités. Elle sera relaxée pour le surplus de la période de prévention.

2-2. Mme CK AK
Mme AK a été renvoyée devant le tribunal en sa qualité de directrice des actions territoriales, sa complicité reposant sur deux sortes d’agissements différentes: avoir organisé le suivi strict et concret des réductions des effectifs, et avoir pratiqué un mode de management très directif encourageant la pression sur les départs.

Après avoir intégré WV Télécom en 1985, Mme CK AK devenue directrice régionale Ile de WV Quest à partir de 2003, est nommée, en février 2006, chef du projet de Réorganisation des activités en WV (RAF), sous la responsabilité directe de M. AO.

Le 26 juillet 2006, elle est nommée directrice des actions territoriales jusqu’en mars 2008, période à laquelle elle quitte la Division OPF pour devenir directrice des opérations de la Direction Marketing et stratégie.

Durant ces 20 mois où elle a été en poste à OPF, elle a eu pour mis sion de

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superviser les 11 directions territoriales avec chaque directeur territorial ayant lui même la mission d’assurer la cohérence des politiques et des activités sur leur territoire.

Il s’agit donc d’une très proche collaboratrice de M. AO et, à ce titre, elle a été associée à la mise en oeuvre de la politique de réorganisation de l’entreprise et notamment de pressions visant à déstabiliser les salariés afin de les inciter aux départs.

Certes, son intervention devant l’ACSED le 20 octobre 2006, pour laquelle elle a indiqué a posteriori avoir été mal à l’aise, ou le document « Départs 2007 – 

Objectiver les acteurs » découvert dans l’ordinateur de sa secrétaire et daté du 11 décembre 2006, sont antérieurs à la période de prévention.

Néanmoins, ils attestent de la parfaite connaissance par Mme AK, d’une part, de la politique généralisée et massive de déflation des effectifs, d’autre part, de l’accélération VF lui a été donnée à compter d’octobre 2006 puisqu’elle a expliqué que le rôle des Espaces Développement nouvellement mis en place était bien d’accélérer les départs vers l’extérieur (D74). En outre, comme elle l’a expliqué à l’audience du 27 mai 2019, elle a notifié à tous les directeurs territoriaux, les objectifs de déflation d’effectifs et leur suivi. Elle a même détaillé la façon dont elle avait décliné l’objectif national des 22 000 départs en faisant une règle de 3. Chaque direction territoriale devait diminuer ses effectifs de

6%. (NA page 43)

Ses aveux ont été corroborés par M. BY AS, lequel, lorsqu’il était directeur de la DT Est, a indiqué recevoir de Mme AK les cibles et objectifs des départs dans le cadre de la GPEC unilatérale (D3682/16).

Par ailleurs, dans le dossier d’instruction, figure un courriel du WP novembre

2006, de Mme GI UC, assistante de CK AK, à destination de plusieurs cadres d’OPF, relatif à la mise en place d’une réunion téléphonique bi-mensuelle entre les directeurs territoriaux « afin de traiter le problème des mobilités des cadres en bandes FG » (D3356/23). Est ainsi mise en place, à compter de novembre 2006, une réunion téléphonique un lundi sur deux, de 9h30 à 10h30, consacrée de suivi des mobilités, avec tous les directeurs territoriaux

(D3356/23). M. AO a justifié ce suivi téléphonique bimensuel en rappelant que le projet

RAF (Réorganisation Opération WV) présenté au comité central d’entreprise du 1er semestre 2006, à cause du regroupement des directions régionales en directions territoriales, aboutirait à un sur-effectif de 1 100 personnes, essentiellement des cadres, et que Mme AK, VF suivait cette réorganisation, souhaitait

s’assurer que le cas de ces cadres était effectivement traité avec tout le sérieux et la célérité nécessaires (D3654/6).
Mme AK était donc parfaitement au fait de l’ampleur des opérations et en assurait personnellement le contrôle ainsi qu’en atteste le courriel que lui VN M. KB RT, directeur de la DT Sud, le 8 janvier 2008 avec un fichier de 11 pages « confidentiel », intitulé «DT Sud : Bilan du 2ème semestre

2007 au 4 janvier 2008 (résultats provisoires)» il lui rend compte des résultats : atteints dans sa DT sur de nombreux points, divisés en plusieurs rubriques (D3205). Elle a donc pris une part certaine dans l’accélération de la politique de déflation des effectifs d’OPF, en 2007 et jusqu’à son départ de cette direction en mars 2008.

Enfin, Mme AK n’a pu qu’être informée du climat anxiogène généré par cette politique de réduction des effectifs, puisqu’à la demande de M. AO, elle a contribué à mettre en place, d’une part, le dispositif des « Écoutes salariés », sondage de satisfaction de salariés, d’autre part, le dispositif des Cellules d’écoute en lien avec M. FE, entendu par le tribunal (D3676/15; NA 03/06/2019).

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La période à laquelle ces projets ont été conçus et mis en route, à savoir le printemps 2007, ne peut être sans lien avec la grève de mars 2007, la mise en place par des organisations syndicales, en juin 2007, de l’Observatoire du stress et des mobilités forcées et le dépôt d’un droit d’alerte par le Comité National Santé Hygiène Sécurité et Conditions de travail (CNSHCT) le 4 juillet 2007 (D213), autant de manifestations VF ne pouvaient qu’alerter l’ensemble des prévenus, et spécialement Mme AK, sur les situations dramatiques rencontrées par certains agents.

Pour être retenus au titre de la complicité, les actes doivent avoir été accomplis personnellement, doivent être des actes positifs, antérieurs ou concomitants à la consommation de l’infraction principale. Mme AK devra donc être déclarée WN de complicité de harcèlement moral dans les termes de la prévention, pour avoir, en qualité de directrice des actions territoriales, reconduit, pour 2007, la déclinaison de l’objectif national des 22 000 départs, déclinaison qu’elle avait arrêtée et diffusée en 2006, auprès des 11 directions territoriales.

2-3. M. IG-JB P

Les magistrats instructeurs ont renvoyé M. IG-JB P devant le tribunal en sa qualité de directeur des Ressources Humaines WV sein du groupe WV Télécom, pour quatre agissements distincts.

Il est acquis que lorsque M. IG-JB P prend ses fonctions de directeur des Ressources Humaines WV en septembre 2005, sous l’autorité hiérarchique directe de M. AP et sous l’autorité fonctionnelle de
M. AO, les annonces et présentations du plan NEXT et du programme ACT ont déjà eu lieu. Et il n’existe aucun élément établissant qu’il ait participé à la détermination du nombre de recrutements, des WO.000 mobilités internes et des 22.000 départs pour les années 2006 à 2008 annoncés en février 2006.

Lors des débats, M. P est revenu sur les déclarations qu’il avait faites lorsqu’il avait été interrogé par un officier de police judiciaire, déclarations au cours desquelles il avait confirmé que l’objectif de déflation de 22 000 postes étaient bien un < enjeu majeur de ACT » et que « tout le monde le savait » (D3637/3). Ainsi, à l’audience du 7 mai, il a rectifié : « La déflation était un des objectifs de ACT, pas

l’objectif majeur. L’objectif était la professionnalisation, avec un accompagnement et des formations. Je suis scandalisé quand j’entends qu’on réduit ACT à la réduction des effectifs ».

Il a également modifié ses déclarations faites au sujet de la verticalisation de la fonction RH, VF n’aurait eu d’effet que sur sa propre situation de directeur des ressources humaines WV, par son rattachement hiérarchique à M. AP, responsable des ressources humaines Groupe.

Il a expliqué qu’en tant que Directeur des ressources humaines WV, il coordonnait en WV les différentes missions des ressources humaines. Il travaillait avec un certain nombre de Directeurs en charge de chacune de ces missions des ressources humaines.

Pour les mêmes raisons que celles exposées lors de l’examen de l’implication de
Mme M, il ne peut être reproché à M. P les deux premières catégories d’actes mentionnées dans sa prévention, car elles ne relèvent pas de ses compétences au niveau de la SG WV : il n’a ni « organisé le suivi strict et concret des réductions d’effectifs », ni «< mis en place des outils de pression sur les départs tels

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que les réorganisations laissant les salariés et des agents sans poste », compte tenu des rapports fonctionnels et non hiérarchiques que la fonction SG WV entretenait avec les différentes divisions.

La dernière catégorie d’actes mentionnés dans sa prévention, à savoir

< intervenir dans les décisions de mobilité forcée », pour viser en réalité celle de M. F, ne peut davantage lui être imputée, d’une part, en ce que la note dont il a été destinataire date de juin 2005, soit à une période à laquelle il n’avait pas encore pris ses fonctions à la SG WV, d’autre part, pour relever d’une période dans le tribunal n’est pas saisi. Cet argument de l’antériorité des faits par rapport à la période de prévention est également opérant s’agissant de la négociation de la GPEC VF s’est déroulée de septembre 2005 à mai 2006, mais surtout de la décision unilatérale

DRHG/46 queM. P a signée le 12 juin 2006 (D2529 ou D3297/17 à

33).

En revanche, au titre de la troisième sorte d’actes reprochés, consistant à

< encourager les procédés visant à créer une instabilité pour les agents et les salariés », il ressort du dossier des participations personnelles et précises de
M. P. La première a trait à la note du 27 janvier 2007 (D3185/8 à 17) relative aux principes applicables à la part variable managériale pour le premier semestre 2007 pour les salariés cadres, non entrepreneurs sur le périmètre WV, évoquée par Mme M dans son interrogatoire de première comparution pour être celle dont elle s’était inspirée pour rédiger la sienne en octobre 2008 (D2291/18) en dépit des contestations formulées par M. P à l’audience (NA du WP/05/2019) et dans ses écritures (page 38-39) en ce qu’il ne participait pas à la construction des objectifs au sein des unités opérationnelles, cette note de janvier 2007 fait partie des incitations financières relatives à l’atteinte des objectifs de réduction d’effectifs.

Certes, à la différence de celle de Mme M, cette note ne mentionne expressément ni les mobilités internes ni les départs, et indique seulement : « La structure de la part variable managériale est désormais déclinée de façon cohérente sur le périmètre WV et vise à :

- promouvoir l’ambition d’un groupe intégré conformément à la stratégie NEXT, renforcer cet outil managérial pour piloter, différencier et reconnaître la performance individuelle,

- établir une relation directe entre rémunération variable et performance constatée »

(D3185/9). Cependant, la date de son envoi, soit peu de temps après l’accélération de la politique de déflation généralisée impulsée lors de la réunion de l’ACSED deux mois plus tôt, les enjeux structurants qu’elle affiche, à savoir « harmoniser et instrumenter la rémunération de la performance », « mobiliser les salariés sur l’exigence d’atteindre les objectifs NExT», mais aussi « récompenser le dépassement des objectifs clé à la réussite de NEXT» (D3185/15), le nombre d’agents susceptibles d’être concernés et la diversité des Divisions auxquelles ils appartiennent, soit

« Opérations WV, y compris Orange WV pour les salariés de ce périmètre,

OBS pour les salariés SCE, FT Groupe pour les salariés des autres structures (SH, RD, Finance, RH, Communication, ..), AMER ou EME pour l’état major des régions » (D3185/14) donnent à cette note une orientation et une ampleur, implicites mais non équivoques, quant à l’usage VF doit en être fait au service de l’objectif de déflation des effectifs massive et généralisée.

La seconde manifestation d’une participation personnelle concerne l’organisation, par M. P avec M. AP, d’un séminaire

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« Réussir ACT » le 9 mai 2007 à l’intention d’un certain nombre de responsables des ressources humaines et dont le déroulement a pu être reconstitué grâce aux notes de M. II CP, VF occupait à l’époque les fonctions de directeur des orientations et plans de formation à la direction de la formation et du développement professionnel du groupe, et VF y a assisté « pour comprendre l’état d’esprit des SG et ajuster [mes] formations » (D2399/5).

Dans ces notes figurent les mentions suivantes : « T. BV a fait un deal: pérennisation du statut des fonctionnaires en échange de la privatisation d’où une situation paradoxale sur le statut, nous sommes les seuls au monde à avoir fait ce choix. 80% des gens d’aujourd’hui seront là au 1er janvier 2009. […] Allez à la controverse, au conflit, avec des convictions personnelles. Créons une certaine pour les salariés (faisons prendre conscience). Ne transformons pas l’ED instabilité en ANPE. […] Augmentons le turn-over. Des revues de tout le personnel avec des actions suivies et réalisées » (D2288/36 à /39).

Si l’intégralité des propos rapportés dans ces notes, comme le fait remarquer M. P dans ses écritures, ne peut lui être attribuée, il convient de relever que la préconisation d’une systématisation des revues du personnel, certes outil

RH devenu classique, du recours aux missions temporaires et aux Espaces

Développement, vient en écho direct des propos tenus à l’ACSED, qu’au surplus M. AP réitère lors de ce séminaire : « j’ai besoin de vous, les résultats de

ACT ne sont pas bons et je m’en sens personnellement responsable, FT a besoin de vous. […] ACT c’est le et: il faut à la fois transformer les compétences et diminuer les effectifs. […] Je vous demande de faire un projet professionnel pour donner l’exemple

[…]. Je vous demande d’aller plus vite » (D2288/36). Elle en est une UR déclinaison opérationnelle, et la présence de M. P, à supposer même qu’elle soit demeurée silencieuse à défaut d’être désapprobatrice, ne peut qu’apporter une légitimation évidente pour les SG présents compte tenu du poste de directeur RH WV qu’il occupe alors.

Enfin, il convient de rappeler le contexte général dans lequel ces propos ont été tenus, soit juste après la grève de fin mars 2007 et juste avant la création de l’Observatoire du stress et des mobilités forcées par deux syndicats en juin 2007.

Compte tenu de ces événements, sans oublier le droit d’alerte déposé par le Comité National Santé Hygiène Sécurité et Conditions de travail (CNSHCT) le 4 juillet 2007 et le fait que M. P participait au comité de direction de la Division OPF et présidait le Comité central d’entreprise (CCE) devenu CCUES en 2007 (pièce n° 4), l’intéressé s’avère peu crédible quand il soutient ne pas avoir été informé, avant son départ à la retraite fin mars 2008, du malaise grandissant au sein de l’entreprise quand bien même il n’aurait pas reçu les informations que lui aurait fournies Mme

M censée avoir été elle-même alertée par M. DF.

Certes, M. P a fait valoir un certain nombre d’actions permettant d’accompagner les agents telles que le développement d’un partenariat avec l’institut des métiers de WV Télécom, le développement de la formation professionnelle, le développement de l’évaluation des risques professionnels et la mise en place d’action de prévention (pièce n°6, sa note du 6 mars 2006), l’organisation d’un colloque en janvier 2006 sur le sujet « Agir contre l’exclusion interne, une responsabilité sociale d’entreprise » (pièce n° 7, NA WP et 20 mai 2019). Cependant, il y a lieu de relever que les deux dernières appartiennent à une période où l’objectif national de déflation des effectifs n’était pas encore annoncé ou venait tout juste de l’être.

Pour être retenus au titre de la complicité, les actes doivent avoir été accomplis personnellement, doivent être des actes positifs, antérieurs ou concomitants à la

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31 ème Ch. consommation de l’infraction principale.

Par conséquent, M. P sera déclaré WN de complicité de harcèlement moral pour avoir, entre 2007 et le 1er avril 2008, date de son départ à la retraite, en sa qualité de directeur des Ressources humaines WV, encouragé des procédés visant à créer une instabilité pour les agents et les salariés.

2-4. M. BY AS
M. BY AS a été renvoyé devant le tribunal en ses qualités successives de directeur territorial de la DT Est puis de directeur des ressources humaines WV, fonctions qu’il a assumées à compter du 6 mai 2008 et qu’il a cumulées avec celles, à partir de juin 2009, de directeur des actions territoriales de la

Division Opérations WV, pour quatre catégories d’agissements distinctes.

Comme le révèle son parcours, M. BY AS connaissait bien

l’entreprise WV Télécom pour l’avoir intégrée en décembre 1990 en tant que RX interne à la Direction Régionale Ile-de-WV, puis avoir été chargé des relations sociales et du management à la direction régionale Paris Nord, puis nommé directeur adjoint des ressources humaines de la division Ile-de-WV de la Branche

Entreprise et adjoint du SG de la direction régionale de Paris, et enfin SG de la direction Ile-de-WV Est.

De 2003 à 2005, M. AS a travaillé dans une division centrale, pour être le SG de SCE (service communication entreprise), devenue OBS (Orange business Services), dont Mme UD UE était le directeur exécutif.

Puis, mi-octobre 2005, M. AS a pris les fonctions de directeur régional de Lorraine, avant d’être désigné, le WO juillet 2006, lors de la mise en place des directions territoriales, directeur territorial Est comme évoqué dans la Partie II

(TM II).

Enfin, à partir du 6 mai 2008 et jusqu’au mois de juin 2009, M. AS est devenu le premier directeur des ressources humaines d’Opérations WV, poste et service créés en mai 2008, et que lui a confiés M. AO.

Certes, M. AS n’a pas organisé le suivi des effectifs, au sens où la conception de ce suivi ne relève pas de sa paternité. Mais il l’a mis en oeuvre, concrètement à son échelle, celle de la DT Est VF comptait 8 000 agents comme il l’a précisé à l’audience (et dans ses conclusions page 27 ), de la même façon que ses dix autres collègues jusqu’en mai 2008. Comme il l’a lui-même observé, les chiffres de sa DT PU état de la baisse des effectifs de la même façon que ceux des autres DT. Et s’il fait valoir que la DT qu’il dirigeait a connu une baisse « peu significative » par rapport aux autres DT compte tenu de ses effectifs, il ne faut pas confondre les comparaisons en valeur absolue et celles en valeur relative, comme en atteste un bilan de la SG Groupe de juin 2008, soit juste après qu’il a quitté ses fonctions à la direction territoriale Est : les résultats de la DT Est à mi parcours de l’année 2008 sont supérieurs à la moyenne nationale pour les départs définitifs du Groupe (53,8% pour la DT Est / 45,4 % en moyenne nationale) et pour les mobilités vers la fonction publique (48,1 % pour la DT Est / 34, 8%en moyenne nationale), et inférieurs pour les PPA (19,1 % pour la DT Est/ 29,5

%en moyenne nationale) et l’essaimage (47,4 % pour la DT Est / 54,6 % en moyenne nationale) (D3334/ 5 à /8).

En toute hypothèse, ce n’est pas le suivi en lui-même VF est un élément de la complicité, c’est la réalité qu’il révèle, à savoir la baisse constante des effectifs.

Cette réalité est le fruit de décisions prises par M. AS dans le cadre de ses attributions personnelles de directeur territorial au titre du pilotage de la transformation.

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Car ces décisions « territoriales », si elles mettaient en œuvre des décisions ou des orientations des Directions Métiers, relevaient de son pouvoir, qu’il a exercé de façon zélée en privilégiant la politique de déflation des effectifs à marche forcée, devenue une priorité partagée et acceptée par lui.

Son positionnement dans la chaîne hiérarchique, VF pourrait paraître intermédiaire, n’est néanmoins pas suffisant pour le priver de tout commandement. La concentration opérée en juillet 2006 des 30 directions régionales en 11 directions territoriales a étendu le périmètre d’action, tant géographique que fonctionnel de chacun de ces 11 directeurs territoriaux. Ils

n’étaient pas des maillons, mais des décideurs responsables et des relais incontournables.

Envisager l’inverse, à savoir que les décisions de suppression de sites, de fusions de sites ne relevaient pas de sa compétence, contredirait les explications qu’il a fournies à l’audience du 20 juin 2019 lors de l’examen du scellé J DEUX. Certes, la direction Métier RH animait fonctionnellement le réseau des RH au niveau territorial et des unités. Cependant, cette animation de la SG toute emplie de

l’objectif de déflation ne servait que d’aiguillon aux projets de réorganisations de la DT. Si M. AS pouvait être influencé dans sa réflexion par cette consigne, il gardait sa liberté d’action dans son exécution. En toute hypothèse, comme
M. AS l’a bien expliqué, les directeurs RH des DT étaient rattachés hiérarchiquement aux directeurs territoriaux, et au niveau des unités, les responsables

RH étaient rattachés hiérarchiquement aux directeurs d’unités, VF, eux, étaient rattachés au seul directeur territorial.

Cette liberté d’action est, au demeurant, attestée par le document « Bilan de performance de la DT Est S2 2006 » comme celui du même semestre pour l’année suivante (scellé J-DEUX D3319/7 et 8). Si M. AS a affirmé qu’il n’en était pas

l’auteur et qu’il était un « modèle type » que les autres DT devaient remplir de leur côté, il est néanmoins inconcevable qu’il ne l’ait pas, a minima, validé avant qu’il soit transmis à la Direction d’OPF puisqu’il fait partie des documents saisis dans un ordinateur à son domicile et qu’il dresse le bilan de la direction territoriale qu’il dirige: daté du 5 janvier 2007, le premier document indique les flux sortants du groupe avec 562 départs réalisés sur 430 demandés. Ce résultat comprend les mobilités fonction publique avec 43 réalisés sur 73 demandées et les autres départs dont le CFC (congés de fin de carrière) avec 519 réalisés sur 324 demandés. Le nombre de salariés en redéploiement y est indiqué avec 81 réalisés sur 71 demandés, ainsi que le pourcentage de fluidité des cadres avec 14,94 % réalisés sur 25,30 % demandés

(D3319/6).

Quant à l’expression de «Lows performers » portée dans le « Bilan de performance de la DT Est S2 2007 », si M. AS n’en est ni le créateur ni le seul utilisateur ainsi qu’en atteste un document d’RW RX à destination du comité de pilotage de la formation « Réussir ACT » le 2 juillet 2007 (D2744/4 et 9), elle s’avère en lien avec la politique de déflation de Groupe. Dans ce document, le prestataire RW RX souligne qu’échappe aux participants de la formation la cohérence entre « le message global d’ACT « mise en mouvement de tous les collaborateurs vers de la mobilité interne et externe » versus « - 22 000 départs, et en priorité les low performer »». Ces participants ont seulement des difficultés à comprendre que l’identification de leurs collègues les moins performants a vocation à les faire partir du Groupe en premier, usage que M. AS a, lui, parfaitement compris.

Quant à la PIC (performance individuelle comparée), elle figure, dans une note signée de M. AS, parmi les objectifs de management déterminant la part variable pour le premier semestre 2008 de M. Y-HK YA, directeur de

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31 ème Ch.

l’UFR, comme devant faire l’objet d’une « utilisation positive partout » (D3363/2). Si, là encore, M. AS n’est ni l’inventeur ni le seul zélateur de cette technique, sa responsabilité hiérarchique vis-à-vis des agents de sa direction territoriale lui permettait de recommander ou de faire cesser son usage.

S’agissant, enfin, du dispositif de l’Intérim Développement, M. AS ne peut être rendu responsable de la décision de M. AP de l’avoir évoqué devant l’ACSED, et, ainsi que M. AS l’indique, il n’est pas le « pionnier » des missions temporaires déjà évoquées dans la décision du 12 juin 2006 (DRHG/GC/46) dite GPEC 46.

Ce dispositif a indéniablement connu un certain succès au sein de la DT Est, puisque, de l’aveu même de M. AS, 195 missions ont été réalisées au total dans le cadre

d’Intérim Développement d’octobre 2006 à avril 2008 (D3344/6), ce VF peut prendre un certain sens en ce qu’il coïncide avec l’accélération de la politique de déflation même s’il n’apparait avoir concerné que 1,6% de la population de la DT Est. Toutefois, il n’est pas établi, d’une part, que ce dispositif a été un outil de pression en l’absence d’un quelconque témoignage dans le dossier d’instruction sur ce dispositif, d’autre part, que ce dispositif a été effectivement déployé et généralisé sur d’autres directions territoriales, que cela soit au cours de la période où M. AS occupait le poste de DT, ou à partir du 6 mai 2008.

Même s’il se présente comme un « levier pour l’équation RH » (D3328/2), le lien entre ce dispositif et la politique de déflation est ténu dans la mesure où il répondait à un besoin de combler des vacances de poste dans le domaine client en évitant le recours aux recrutements externes temporaires.

Le grief tel que retenu par les magistrats instructeurs « en concevant puis en généralisant la pratiques des missions territoriales » n’apparait donc pas suffisamment caractérisé.

Par ailleurs, M. AS a contesté avoir eu conscience des méfaits sur le terrain des dispositifs mis en place, n’ayant eu aucune alerte précise de la part des médecins du travail de sa DT, étant précisé que, sur la période au cours de laquelle il dirigeait la DT, seuls les rapports de 2006 avaient pu être évoqués au comité d’établissement de la DT. Et s’il admet que ces rapports décrivaient une situation particulièrement difficile pour les salariés de WV Télécom (D3203/207-208), cette description, sans évocation de cas particulier ni de mise en cause de dispositif en particulier mais uniquement des politiques générales, lui paraissait trop imprécise pour être considérée comme une véritable alerte. En outre, la critique des rapports 2006, quant à un manque d’espace d’expression et de développement, lui a paru recevoir une réponse avec la généralisation des cellules d’écoutes à compter de septembre 2007. Cependant, il paraît peu crédible que, notamment à l’occasion ses cinq participations à la formation Réussir ACT en 2007 (les 19 mars, 25 avril, 18 juin, 9 juillet, 27 août 2007 – D3368/4), M. AS n’ait jamais perçu les difficultés xquelles ses collègues étaient confrontés pour obtenir » les mobilités, comme cela

a été établi précédemment (cf TM III, HT III-2-3- La synthèse 2007 des tables rondes de « Réussir ACT »). Par ailleurs, il ressort de la note relative, notamment, au suicide de M. NU AI en poste dans la DT Est et en date du le 17 mai 2008, que « Le suicide de M. P, que lui-même relie expressément à son travail, est intervenu au terme d’un processus désordonné de réorganisation au cours duquel

l’entreprise n’a pas véritablement cherché à concilier les légitimes exigences de l’entreprise et les contraintes ou les souhaits des personnels » (D352/2). Il convient de souligner que ce suicide a été considéré, par l’Entreprise WV Télécom dans une décision du 30 avril 2010, comme un accident imputable au service (D1018/4).

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En revanche, à compter du 6 mai 2008, période à partir de laquelle M. AS est devenu directeur des ressources humaines de la Division OPF, il ne figure, dans le dossier d’instruction, aucun document ou témoignage VF prouve sa participation personnelle et directe à la politique de déflation des effectif à marche forcée engagée depuis fin 2006. Si son nom apparaît effectivement sur un certain nombre de tableaux de synthèse (D3334 à 3338), cet élément est insuffisant pour fonder une participation personnelle.

La raison pourrait être trouvée dans les explications fournies à l’audience de M. AS au sujet de la réorganisation survenue en 2008.

En effet, comme évoqué dans le TM précédent, il n’existait pas de SG au sein d’OPF jusqu’au 6 mai 2008, date à laquelle ce service est créé et confié à M. AS. Cette nouvelle instance n’a pas le même périmètre que celui de la SG

WV que M. P a dirigée jusqu’à son départ à la retraite en avril

2008. D’une part, les directeurs des Ressources Humaines des directions métiers

d’OPF sont rattachés hiérarchiquement aux directeurs Métiers: M. AS n’avait donc pas de lien hiérarchique avec eux (contrairement au SG WV). D’autre part, les directeurs des Ressources Humaines des directions territoriales demeuraient rattachés aux directeurs territoriaux, eux-mêmes rattachés à la Direction des Actions

Territoriales (DAT), à la tête de laquelle se trouvait Mme AK jusqu’en mars 2008, puis notamment M. HC UF. Au sujet de cette DAT, il apparaît, en outre, que le coordonnateur des RH pour cette direction (M. AV RK) est resté rattaché, jusqu’à son départ à la rentrée 2008, à la Directrice des Ressources

Humaines WV, Mme GI M. Enfin, pour mémoire, au sein d’OPF, les responsables Ressources Humaines des unités rattachées au DT sont rattachés hiérarchiquement au directeur d’unité. M. AS, depuis son nouveau poste, n’a donc pas de lien hiérarchique avec eux. Cette absence de visibilité de l’action de M. AS pourrait également s’expliquer par le fait qu’à la création de cette direction, il ne disposait que de deux collaborateurs comme il l’a expliqué à l’audience. Et, dans ses écritures (page 17), il a précisé que ce n’est qu’en octobre 2008 que son service s’est étoffé avec l’arrivée de la

Directions des Services Partagés Ressources Humaines (CSRH) VF comprenait plus de 700 agents et la formation des managers avec la création de l’OPF management school.

Pour être retenus au titre de la complicité, les actes doivent avoir été accomplis personnellement, doivent être des actes positifs, antérieurs ou concomitants à la consommation de l’infraction principale. En conséquence, M. BY AS sera déclaré WN de complicité de harcèlement moral, pour avoir, en qualité de Directeur régional de la DT Est, entre janvier 2007 et le 5 mai 2008, prêté un concours actif à l’exécution de la politique de déflation des effectifs à marche forcée, et relaxé pour le surplus de la période de prévention.

IV – Les peines

Les faits instruits dans le présent dossier présentaient deux questionnements inédits : l’un en droit, l’autre en fait. L’enjeu juridique concernait l’incrimination du harcèlement moral institutionnel en l’état du texte de l’article 222-33-2 du code pénal, étant précisé qu’à l’époque des faits dont le tribunal est saisi, le plafond des peines encourues par les personnes physiques était d’un an d’emprisonnement et 15 000€ d’amende.

L’enjeu factuel portait sur la caractérisation d’agissements issus d’une politique d’entreprise, ayant pour objet, ou éventuellement pour effet, de dégrader les conditions de travail des agents de l’entreprise.

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31ème Ch.

Ces deux questionnements ont été levés par l’affirmative, comme cela a été démontré dans les deux parties précédentes.

Face à cette caractérisation inédite du harcèlement moral pris dans sa dimension institutionnelle, les explications fournies par les prévenus ont revêtu, en revanche, un caractère assez classique : la contestation unanime et totale, en droit comme en fait, et la récusation de l’accusation de déni portée par les victimes.

Certes, il ne s’agit pas ici de contester l’existence d’éléments de contexte longuement évoqués : une privatisation récente, la dualité des statuts des personnels, l’ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications, le poids de la dette et les évolutions technologiques incessantes. Ces contraintes endogènes et exogènes étaient indiscutables.

C’est précisément pour les surmonter que M. AN a intégré la direction de l’entreprise WV Télécom en tant que directeur général adjoint, dans le cadre

d’une mission appelée TPSNU (Technologie Partenariats Stratégiques et Nouveaux

Usages) au printemps 2003 à la demande de son président, M. EQ BV. C’est également parce qu’il connaissait bien l’entreprise WV Télécom, pour en être un des administrateurs depuis 1992 (NA 07/05/2019 page 39), qu’il a succédé à M. BV en février 2005.

C’est aussi pour dépasser ces contraintes que M. AO, compte tenu de ses succès professionnels antérieurs, a été sollicité pour rejoindre le Groupe au printemps 2003, au poste «< achats et amélioration de la performance » et aider au redressement des comptes de l’entreprise.

C’est enfin pour faciliter les mobilités vers les fonctions publiques et préparer ce VF est devenue la loi du 31 décembre 2003 que M. AP a accepté de prendre les fonctions de < Directeur du développement et de l’optimisation des compétences '> en mars 2003.

Tous les trois avaient donc eu le temps d’appréhender les forces et les fragilités, bien spécifiques, de l’entreprise avant l’annonce du plan NEXT, en juin 2005.

Il ne s’agit pas davantage d’ignorer ou d’écarter les moyens incontestablement mis en œuvre pour aider les agents à effectuer les transformations stratégiques nécessaires à la pérennité de l’entreprise, et dont ils ont réellement bénéficié.

Il ne s’agit pas, enfin, de critiquer les choix stratégiques d’un chef d’entreprise, notamment celui d’une politique de déflation des effectifs dès lors qu’elle demeure respectueuse du cadre légal et fixe un objectif accessible sans recourir à des abus.

Il s’agit seulement de rappeler aux prévenus que les moyens choisis pour atteindre l’objectif fixé des 22 000 départs en trois ans étaient interdits ; qu’il faut concilier le temps et les exigences de la transformation de l’entreprise avec le rythme de l’adaptation des agents VF assurent le succès de cette transformation.

Dans le dossier d’instruction ou joints aux écritures, figurent de nombreux documents VF soulignent les qualités humaines, d’écoute, de respect, d’échanges dont sont indiscutablement pourvus les prévenus et dont ils ont témoigné au cours de leur parcours professionnel, sans oublier l’excellence de leurs compétences. Les témoignages reçus à l’audience de M. RD au sujet de M. AN, de Mme HR OX concernant M. AP ou de Mme UG UH

XB, collaboratrice de Mme M les ont indéniablement confirmées.

Les prévenus ont paru surpris, voire attristés, par les répercussions, les conséquences humaines de la politique qu’ils ont décidée ou contribué à mettre en

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œuvre. Reprenant l’explication avancée par M. AN d’une « rupture, à un moment donné, dans la chaîne hiérarchique », ils en ont systématiquement reporté la responsabilité sur la hiérarchie intermédiaire ou de proximité VF aurait utilisé, à leur insu, voire en ne respectant pas leurs valeurs qu’ils portaient, des méthodes dévoyées pour parvenir au nombre des 22 000 départs exigé, méthodes qu’ils ignoraient, qu’ils désapprouvent et condamnent. Au cours de l’instruction comme à l’audience, certains prévenus, notamment M. AO, ont même manifesté un profond sentiment

d’incompréhension, voire d’injustice, face au poids des accusations VF les visaient.

Étant rappelé que nulle intention de nuire n’est requise pour caractériser le délit de harcèlement moral, cet « écran », ce bouclier de l’encadrement, derrière lequel les prévenus ont tenté de se protéger, est inopérant comme cela a été démontré.

Car c’est la logique de gestion de flux de main-d’oeuvre qu’ils ont conçue et instaurée, grâce aux agissements structurants qu’ils ont choisis, VF a mécaniquement entraîné une pression sur l’encadrement. Celui-ci, étant lui-même menacé de sanctions en cas de résistance contre les missions VF lui étaient assignées ou récompensé financièrement en cas d’objectif atteint, a répercuté cette pression dans l’exercice de son pouvoir de gestion et de surveillance devenu potentiellement arbitraire par une intensification des incitations à la mobilité, par des mutations forcées, par l’inflation des contrôles, créant par là-même un climat anxiogène dans le quotidien de tous les agents.

C’est une particularité de ce délit de harcèlement moral que de transférer, insidieusement, le poids de la responsabilité des actes sur la victime, VF alors culpabilise, se remet en cause et peine à identifier la cause de sa souffrance, surtout si cette cause relève d’une organisation VF la dépasse.

Ce transfert de culpabilité est d’autant plus dramatique que le travail nourrit et structure l’identité professionnelle mais aussi personnelle. L’emprise alors créée phagocyte la réflexion, elle isole la personne : elle provoque des failles telles que des conflits de valeurs, l’insatisfaction du travail bâclé, le doute sur la compétence, ou amplifie d’éventuelles fragilités antérieures.

Dans le cas du harcèlement moral institutionnel au travail, cela se double d’une fragmentation du collectif par l’instauration d’un climat de compétition délétère, par la prolifération de comportements individualistes, par l’exacerbation de la performance. Ils n’en mouraient pas tous mais tous étaient touchés. Si la dégradation peut être vécue à titre individuel, le harcèlement moral au travail peut être aussi un phénomène collectif.

Cette réalité a été parfaitement illustrée par les témoignages reçus au cours de l’instruction et à l’audience, récits VF ont également mis en lumière le courage de ceux VF, à l’époque, ont rompu le silence en considérant que la détresse, la souffrance psychologique pouvaient découler de faits de harcèlement moral et pas seulement de fragilités individuelles. Ces témoignages ont, tous, révélé des personnes fières d’appartenir à la société WV Télécom, VF cherchent à rester BC et VF se battent pour leur dignité notamment professionnelle, ainsi que des personnes pliées par la douleur d’avoir perdu un être cher dont ils défendent la mémoire avec une énergie désespérée ou une simplicité remplie de pudeur.

La société WV Télécom et messieurs AN, AO et AP ont respecté l’obligation de verser un cautionnement VF leur a été imposée dans le cadre du contrôle judiciaire auquel ils étaient astreints depuis juillet 2012, le cautionnement s’élevant à 150 000 euros pour la première, à 100 000 euros pour M.

AN et à 75 000 euros pour messieurs AP et AO.

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31 ème Ch.

/ in

Le casier judiciaire des 7 prévenus personnes physiques était vierge au moment des faits, seul celui de M. AS comportant une condamnation à une peine d’amende pour des faits de conduite sous l’empire d’un état alcoolique postérieurs à la période de culpabilité retenue par le tribunal. Quatre d’entre eux sont désormais à la retraite. Aucun d’eux n’a fourni de justificatif relatif à ses ressources actuelles.
M. EY AN, âgé de 77 ans, est retraité depuis mars 2011. Après avoir perçu un salaire de 1,5 million d’euros par an en moyenne au moment de la prévention, il déclare percevoir désormais divers revenus pour un total, selon lui, de

16 838,87 euros par mois.
M. CJ AP, âgé de 64 ans, retraité depuis février 2016, a déclaré percevoir des pensions et retraites s’élevant à un montant total de 12 000 euros par mois.
M. O-HK AO, âgé de 70 ans, à la retraite depuis janvier 2010, a indiqué avoir déclaré un montant de 310 000 euros comme revenus en 2018.

Au regard du rôle prééminent tenu par messieurs AN,

AP et AO, initiateurs d’une politique de déflation des effectifs à marche forcée, jusqu’au-boutiste, ayant pour objet la dégradation des conditions de travail de la collectivité des agents de WV Télécom pour les forcer à quitter définitivement l’entreprise ou à être mobiles, de la durée pendant laquelle cette politique a été mise en œuvre, de l’ampleur du harcèlement moral ayant eu pour cible plusieurs dizaines de milliers d’agents, et de l’atteinte ainsi portée aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives, sans négliger l’absence d’antécédent judiciaire des intéressés et leur relaxe pour la moitié de la période de prévention, seule la condamnation de ces trois prévenus à la peine maximale d’emprisonnement encourue, partiellement assortie d’un sursis simple à hauteur de huit mois, apparaît appropriée à la gravité des faits, à la personnalité des auteurs et à la situation matérielle, familiale et sociale de chacun. Pour les mêmes motifs, tous les trois seront condamnés à une amende délictuelle de 15 000 euros.

Sera également prononcée la confiscation des scellés.

En l’état lacunaire des informations relatives aux ressources des prévenus et à leur état de santé, il ne peut être envisagé un aménagement ab initio de

l’emprisonnement ferme.

Quant à la société Orange pour le compte de laquelle M. EW a indiqué, à l’audience, que son chiffre d’affaires s’est élevé à 41 milliards d’euros en 2018 avec un résultat positif d’exploitation de 4 829 000 euros, et dont le casier judiciaire porte mention de 12 condamnations prononcées entre 2000 et 2017, dont trois avant la période de prévention, elle sera condamnée à une peine d’amende délictuelle d’un montant de 75 000 euros et à la confiscation des scellés.
M. IG-JB P, âgé de 68 ans, dit avoir déclaré 130 000 € de revenus pour l’année 2018 en pension et retraite. Depuis mars 2013, Mme GI M, âgée de 60 ans, est directrice de la responsabilité sociale d’entreprise du groupe (communiqué de presse du 2 avril 2013 D3294/1).
M. BY AS, âgé de 54 ans, a indiqué percevoir dans le cadre du projet personnel accompagné comme directeurs de l’IDATE, un salaire mensuel de 8 000 euros ainsi qu’une prime dégressive de 65 000 euros pendant la période de son projet. R, il a deux enfants à charge.
Mme AK, âgée de 59 ans, représente la société Orange dans le

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comité national d’éducation économie et déclare 320 000 euros par an. Elle n’a plus

d’enfants à charge.

Pour avoir, par aide ou assistance, dans leur domaine d’intervention respectif, apporté leur soutien actif et personnel aux agissements de messieurs AN, AP et AO, et au regard des éléments de personnalité précités, mesdames AK et M, messieurs P et

AS seront condamnés à la peine de quatre mois d’emprisonnement intégralement assorti du sursis, à une peine d’amende de 5 000 euros et à la confiscation des scellés.

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~*3 Temerch.

PARTIE IV- L’ACTION CIVILE

Introduction

Comme évoqué dans la première partie consacrée à l’élément légal, l’enjeu de la définition du délit de harcèlement moral a surgi dès le premier jour du procès avec des exceptions, soulevées par tous les prévenus, d’irrecevabilité concernant, notamment, les nombreuses constitutions de parties civiles formées postérieurement à l’ordonnance de renvoi. Nombre des moyens d’irrecevabilité soulevés par les conseils des prévenus concernant en réalité des points relatifs au périmètre de l’incrimination, ils ont été, logiquement, repris dans les écritures aux fins de relaxe.

D’autres exceptions, fondées sur d’autres moyens, concernaient aussi les renouvellements de constitution devant le tribunal correctionnel, déclarées irrecevables au cours de l’instruction.

Le tribunal ayant déjà répondu à certains de ces moyens dans le TM consacré à l’élément légal, il conviendra de se reporter aux développements concernés : ne seront, ici, reprises que les réponses synthétiques. Seront, en revanche, évoqués de façon plus complète les moyens non encore examinés.

Ainsi, après l’examen de ces moyens d’irrecevabilité (I), seront rappelés quelques principes relatifs tant aux caractéristiques du préjudice susceptible de réparation qu’à l’indemnisation elle-même de ces préjudices en raison de certaines particularités des faits de ce dossier, telles que le caractère potentiel de la dégradation, les statuts juridiques des demandeurs (fonctionnaires ou agents de droit privé) et d’un des défendeurs (société anonyme), ou le suicide de certaines victimes avant d’évoquer lesdites particularités (II).

Les principes dégagés guideront ensuite le tribunal dans l’examen des recevabilités des constitutions et des demandes, formées par les personnes physiques

(III), et par les personnes morales (IV). Enfin, il sera statué sur les demandes au titre de l’exécution provisoire et de

l’article 475-1 du code de procédure pénale (V).

I – Les exceptions d’irrecevabilité des constitutions de partie civile

Dans des conclusions régulièrement déposées à l’audience du 6 mai 2019, et actualisées avant les réquisitions, les conseils des prévenus demandent au tribunal de déclarer irrecevables les constitutions de partie civile formées postérieurement à l’ordonnance de renvoi du 12 juin 2008.

Les moyens, bien que formulés de façon différente, s’articulent autour de cinq points: l’impossibilité d’une jonction au fond (1), les limites de la saisine in rem et la nécessaire détermination de la victime (2), l’atteinte aux droits de la défense et l’action de groupe (3), l’autorité de chose jugée concernant certaines constitutions (4), et

l’absence de préjudice personnel, actuel et certain (5).

1-La jonction au fond : impossible ou obligatoire ?
Mme CK AK et M. IG-JB P, dans leurs écritures, au visa de l’article 459 du code de procédure pénale, soutiennent que

l’exception d’irrecevabilité des constitutions de partie civile soulevée ne peut pas être jointe au fond. Ils PU ainsi valoir que le débat portant sur de nouveaux faits engendré par la constitution de 132 nouvelles parties civiles ne leur permet pas

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d’assurer leur défense conformément au principe du respect des droits de la défense prévu à l’article préliminaire du code de procédure pénale. Dès lors, s’agissant selon les prévenus, d’une disposition d’ordre X au sens de l’article 459 du code de procédure pénale, l’examen de la recevabilité des constitutions de partie civile ne peut être joint au fond.

En premier lieu, il est de principe de noter que l’exception d’irrecevabilité d’une constitution de partie civile fondée sur l’article 2 du code de procédure pénale, peut être soulevée en tout état de la procédure (Crim., 11 sept. 2001: Juris-Data n° 

2001-011117; Bull. crim. 2001, […]

En second lieu, en vertu de l’article 459 alinéa 3 du code de procédure pénale, le tribunal doit joindre au fond les incidents et exceptions dont il est saisi et statuer par un seul jugement. Cette règle doit s’appliquer à l’exception d’irrecevabilité d’une constitution de partie civile, la chambre criminelle ayant jugé d’une part, que cette jonction constitue une mesure d’administration judiciaire VF n’est susceptible d’aucun recours, d’autre part, qu’il ne résulte pas de l’article 423 du code de procédure pénale que l’appréciation, par le juge, du bien-fondé d’une telle exception doive être préalable à la décision rendue sur l’action publique (Crim., 16 oct. 2013, n° 12 81.532, n° 05-82.121, n° 05-82.122 et n° 03-83.910)

2- Le respect de la saisine in rem et la nécessaire détermination de la victime

Les prévenus, au travers de leurs écritures, soutiennent, au visa de l’article 388 du code de procédure pénale, l’irrecevabilité de ces nouvelles constitutions de partie civile pour non respect du principe de la saisine in rem du tribunal. Ils PU valoir que l’ordonnance de renvoi VF saisit le tribunal détermine l’étendue, et donc les limites, de sa saisine. Le tribunal ne pourrait étendre cette saisine à des faits nouveaux VF ne figureraient pas dans l’ordonnance de renvoi, y compris à des personnes non déterminées dans l’ordonnance de renvoi.

Ainsi, ils considèrent que l’emploi de termes généraux dans l’ordonnance de renvoi, en particulier l’usage de l’adverbe «< notamment », n’a pas vocation à permettre

à la juridiction de jugement de statuer sur des faits dont elle n’est pas saisie. Ils excluent que tout salarié de l’entreprise pourrait être victime d’une « politique

d’entreprise » et soit recevable à se constituer partie civile. En particulier, Mme GI M et M. IG-JB P, au visa de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et de deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, 25 juillet 2000, Mattoccia c. Italie, §60 et CEDH, 19 décembre 1989, Brozicek c. Italie, §42), PU valoir que la saisine d’une juridiction répressive doit être suffisamment précise pour permettre à la personne poursuivie de se défendre et de pouvoir préparer sa défense, ce que ne respecte pas l’emploi de termes généraux dans l’ORTC, tels que l’adverbe

« notamment ».

Il est spécifiquement soutenu, par l’ensemble des prévenus, que le délit de harcèlement moral suppose l’identification précise des salariés VF en seraient victimes. A ce titre, il est souligné que la chambre sociale de la Cour de cassation juge régulièrement que des méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral, à la condition que ces méthodes se manifestent pour un salarié déterminé. Par ailleurs, il est observé que la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé qu’une personne ne peut être mise en examen du chef de délit de harcèlement moral qu’à l’égard d’une ou plusieurs personnes déterminées (Cass. Crim 4 octobre 2016, n°16-81.200). Les nouvelles parties civiles ne constituent donc pas, selon les conseils des prévenus, des « personnes déterminées » par l’ordonnance de renvoi mais bien un élément de fait

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31 ème Ch.

nouveau nécessitant une mise en examen supplétive. que lesM. IG-JB P, en particulier, conteste circonstances particulières de l’arrêt rendu par la chambre criminelle du 20 mars 2019 (n°17-85.246) puissent trouver à s’appliquer au cas d’espèce. Il objecte que dans l’arrêt cité, la raison de la recevabilité de la constitution de partie civile de la société, non visée en qualité de victime dans la prévention, réside dans l’exacte similitude des faits dont avaient été victimes les deux sociétés, faits VF étaient donc bien visés par la prévention. Ce raisonnement ne peut, selon M. P, s’appliquer au délit de harcèlement moral VF, à l’instar du délit d’atteinte involontaire, nécessite de qualifier les faits vécus par chaque personne retenue en qualité de victime. Toute situation individuelle non visée par la prévention doit dès lors être déclarée irrecevable par le tribunal.

Enfin, tous les prévenus soutiennent qu’ils ont fait l’objet d’une mise en examen pour harcèlement moral commis à l’encontre de 39 personnes déterminées, pour lesquelles le juge d’instruction a analysé chacune des situations personnelles avant de décider que des charges suffisantes existaient et commandaient un renvoi devant le tribunal correctionnel. Dès lors, ils PU valoir n’avoir jamais été entendus sur les situations des nouvelles personnes souhaitant se constituer partie civile postérieurement à la clôture de l’instruction. N’ayant pas été mis en examen sur ces faits nouveaux, les prévenus considèrent qu’ils ne peuvent être renvoyés devant le tribunal pour les situations individuelles non visées par l’ordonnance de renvoi sans contredire l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, ainsi que les articles 176, 179 et 184 du code de procédure pénale.

Il a été établi, par les développements précédents, que le délit de harcèlement moral au travail tel qu’incriminé par le code pénal, inclut des agissements se rattachant

à une politique d’entreprise, politique ayant vocation à structurer la vie de l’entreprise et ayant suscité, en cascade, des décisions ou des comportements pour l’ensemble de ses employés, à la double condition que ces agissements, répétés, relèvent d’un abus du pouvoir de direction et que, du fait de leur répétition, ils soient porteurs, de façon latente ou concrète, d’une dégradation des conditions de travail de la collectivité des employés, quelle que soit l’ampleur des répercussions pour chacun de ses membres. Et si la victime pénale peut être une collectivité identifiable, l’action civile exige une personne identifiée.

En l’espèce, il a été ensuite démontré que le plan NEXT, dont la stratégie était d’assurer une « croissance rentable », reposait, notamment, sur une politique de déflation des effectifs concernant tous les employés de FT SA, fonctionnaires comme salariés de droit privé; que cette politique a eu pour objet, à partir d’octobre 2006, une dégradation des conditions de de travail pour les pousser à la mobilité ou aux départs, au travers de l’instrumentalisation de trois dispositifs managériaux subie et mise en oeuvre par la hiérarchie intermédiaire, instrumentalisation, au cours des deux années suivantes, constitutive d’agissements répétés VF outrepassaient les limites du pouvoir de direction de ses initiateurs, et aux répercussions nécessairement anxiogènes ; qu’enfin, les managers de proximité ou territoriaux, comme les services des ressources humaines, ont, sous la pression de la politique de déflation des effectifs à marche forcée, intensifié des méthodes VF ont contribué à créer un climat délétère au sein de

l’entreprise, l’intranquillité, du 1 janvier 2007 au 31 décembre 2008.

La recevabilité étant liée à l’appréciation VF a été faite de l’étendue de

l’incrimination et VF vient d’être rappelée, l’examen de la recevabilité doit donc porter sur la situation de toutes les personnes présentes dans l’entreprise pendant tout ou partie de la période d’incrimination retenue par le tribunal.

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En conséquence, les moyens tenant au respect de la saisine in rem et à la détermination de la victime seront écartés comme non fondés.

3- Sur l’atteinte aux droits de la défense et l’interdiction d e l’action de groupe M. CJ AP, la société ORANGE, Mme GI M, ainsi que Mme CK AK soutiennent dans leurs conclusions, que la recevabilité des nouvelles constitutions de parties civiles constituerait une atteinte majeure aux droits de la défense. Au visa de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et au soutien de la décisions n°89-260 du 28 juillet

1989 du Conseil constitutionnel, M. CJ AP fait valoir dans ses écritures que le respect des droits de la défense et la garantie d’une procédure juste et équitable imposent que les situations des nouvelles parties civiles reçoivent le même traitement que les autres parties civiles. Il considère alors que seule une analyse individuelle permet la caractérisation des éléments constitutifs de l’infraction et la démonstration de la réalité d’un préjudice personnel et direct, non démontré au jour de la constitution. M. CJ AP, la société ORANGE et Mme CK

AK, au travers de leurs écritures, avancent que les contingences calendaires laissent trop peu de temps au tribunal pour mener à bien l’analyse individuelle complète que commande le respect des droits de la défense sans recourir à un supplément d’information. Il est ainsi rappelé la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 17 février 2009, n° 08-83.927, selon laquelle en matière de harcèlement moral et dans le cadre d’une plainte collective, il doit être recherché si le chef de poursuite est bien caractérisé par des faits précis et circonstanciés à l’égard de chaque plaignant.

Par ailleurs, déclarer les demandes recevables, sans cette analyse individuelle et circonstanciée préalable, reviendrait selon M. AP et la société ORANGE,

à instaurer une action de groupe proscrite en matière pénale par le droit français. Selon eux, se prévaloir d’une action menée par d’autres et reconnaître un principe de responsabilité non individualisée et circonstanciée au soutien d’une faute commune, est contraire à l’adage «nul ne plaide par procureur », adage à l’origine de l’interdiction de l’action de groupe en droit pénal.

Les prévenus ont pu lors de l’instruction, à l’audience et dans leurs écritures,

s’expliquer sur le plan NEXT, sur la politique de déflation mise en oeuvre, sur les agissements se rattachant à la politique, sur l’exercice de leur pouvoir de direction, comme sur les répercussions de l’objet de cette politique, VF peuvent n’être que potentielles. Et les écritures, notamment de la société WV Télécom -Orange et de messieurs AP et AO, sont très détaillées quant à l’examen des cas visés par la prévention. Ils ont été également mis en situation, durant les 12 semaines de débats, de pouvoir contester, à leur convenance, l’appartenance de chacune de ces nouvelles constitutions de partie civile à la collectivité des agents de WV

Télécom, voire l’existence ou la relativité du retentissement de la politique de déflation des effectifs incluse dans le Plan NExt, sur leur situation personnelle.

En conséquence, les éléments constitutifs de l’infraction ayant été contradictoirement débattus, le moyen tenant à l’atteinte aux droits de la défense doit être écarté. S’agissant de la réparation des préjudices allégués par les victimes, le choix, fait par tous les prévenus, d’arguer de l’irrecevabilité de la constitution sans contester ni les principes des préjudices ni même certains d’entre eux, ne peut ensuite servir de prétexte à évoquer une atteinte aux droits de la défense, les écritures des conseils desdites parties civiles ayant, au surplus, été versées aux débats en temps utile.

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31ème Ch.

Devront donc être examinées les recevabilités des constitutions formalisées après la clôture de l’information.

N’est pas davantage fondée la critique tenant à la mise en œuvre d’une

< action de groupe » hors du champ limitativement défini par la procédure civile introduite par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, ni celle d’une violation plus générale du principe selon lequel en WV « nul ne plaide par procureur ».

Même s’il est avéré dans le présent dossier que la plupart des parties civiles constituées depuis qu’a été décidé le renvoi de l’affaire devant le tribunal correctionnel, sont représentées et assistées par le même cabinet d’avocats, ce seul constat ne suffit pas à caractériser une intervention à la procédure excédant les droits que chaque victime d’une infraction tire de l’article 2 du code de procédure pénale. Les prévenus ne démontrent pas en quoi ces parties civiles agiraient à la place ou pour le compte d’autres victimes, ce que seul prohibe l’adage « nul ne plaide par procureur ». Il apparaît au contraire naturel, s’agissant des suites dommageables d’une politique d’entreprise visant une collectivité de travail, que tout membre VF s’en estime victime intervienne dans l’unique procès pénal ouvert contre ceux qu’il tient pour responsables de son préjudice personnel, peu importe que ces actions individuelles s’additionnent au HT de faire nombre puisqu’elles n’intègrent pas dans leur démarche toutes les victimes potentielles des comportements incriminés.

A cet égard, il importe de rappeler aussi que l’action publique a été mise en mouvement par le procureur de la République de Paris; que plusieurs dizaines de constitutions de partie civile ont été formalisées au stade de l’instruction; que selon

l’article 418 du code de procédure pénale, toute personne VF, conformément à

l’article 2 du même code, prétend avoir été lésée par un délit peut, si elle ne l’a déjà fait, se constituer partie civile à l’audience même ; que la simple possibilité d’une dégradation des conditions de travail de la victime suffit à consommer le délit de harcèlement moral et que l’exercice de l’action publique ne se confond pas avec celui de l’action civile, en sorte que la recevabilité d’une constitution de partie civile

d’employés de WV Télécom par voie d’intervention à l’instance pénale ne peut être subordonnée à la démonstration préalable d’un préjudice effectif.

En conséquence, le moyen tiré d’une violation de l’adage « nul ne plaide par procureur » et de la mise en œuvre illicite d’une action de groupe ne saurait prospérer.

4- L’autorité de chose jugée concernant certaines constitutions

Au visa de l’article 188 du code de procédure pénale et de plusieurs arrêts de la chambre criminelle (Crim, 11 septembre 2001, n°00-84.614; Crim 19 avril 2017, n°16-83.788), M. O-HK AO, Mme CK AK et la société

ORANGE, au travers de leurs écritures, PU valoir qu’un non-lieu implicite est intervenu à l’égard de trois salariés dont les situations ont fait l’objet d’investigations dans le cadre de l’instruction mais pour lesquelles les prévenus n’ont pas été mis en examen (M. AF LL, M. HC IM et M. Y-FO GC). Par ailleurs, ils objectent aussi que cinq salariés ont déjà été déclarés irrecevables en leur constitution de partie civile au cours de l’instruction (Mme FT J, M. Y-HC FY, Mme UI LM, M. BY FV et M. Y

QL WF). Il est ainsi soutenu que l’ordonnance d’irrecevabilité de constitution de partie civile, non contestée, a désormais autorité de la chose jugée.

A ce titre, M. O-HK AO, Mme CK AK et la société

ORANGE considèrent que ces non-lieu implicites, devenus définitifs, PU obstacle à ce que la constitution de partie civile de ces salariés devant le tribunal correctionnel soit jugée recevable.

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Il y a chose jugée au pénal lorsque les faits ont donné lieu à une poursuite terminée par une décision définitive sur le fond. Les décisions VF peuvent avoir autorité de chose jugée au pénal ont pour effet d’éteindre pour l’avenir l’action publique pour les mêmes faits, même sous une qualification juridique différente, que la personne poursuivie ait été condamnée, relaxée ou acquittée (CPP, art. 368). Dans ce cas, la victime ne peut plus engager son action devant les juridictions pénales, dessaisies de l’action publique. Toutefois, la chose jugée sur l’action publique n’entraîne pas fatalement extinction de l’action civile VF pourra encore être exercée devant les tribunaux civils.

En l’occurrence, il ressort d’une jurisprudence bien établie que l’irrecevabilité d’une constitution de partie civile devant la juridiction d’instruction n’a aucune autorité de la chose jugée devant la juridiction de jugement. Ainsi, même définitive, la décision d’une juridiction d’instruction déclarant irrecevable la constitution d’une partie civile ne s’oppose pas à ce que la même personne se constitue à nouveau devant la juridiction de jugement. Notamment, dans un arrêt du 15 mai 1997 (Crim. n°96

81.496), la Haute juridiction a jugé que: « la décision de la juridiction d’instruction statuant sur la recevabilité d’une constitution de partie civile VF ne porte que sur

l’exercice des droits réservés à la partie civile au cours de la procédure d’information n’acquiert aucune autorité de chose jugée quant à l’exercice de l’action civile devant la juridiction de jugement. »>.

Cette jurisprudence ne peut que s’appliquer, a fortiori, aux cas de « non-lieu implicites » évoqués par les prévenus.

En conséquence, le moyen tenant à l’autorité de chose jugée sera écarté comme non fondé.

Devra donc être examinée la recevabilité de ces huit constitutions explicitement ou implicitement rejetées au stade de l’instruction.

5- L’absence de préjudice personnel, actuel et certain

Dans leurs écritures, les prévenus PU valoir que les constitutions de partie civile postérieures à l’ordonnance de renvoi ne respectent pas les critères de recevabilité requis aux termes des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, à savoir la démonstration d’un préjudice personnel, actuel et certain. Ils considèrent que ces constitutions sont fondées sur des faits dont le tribunal n’est pas saisi et que les dommages invoqués ne peuvent pas découler directement des faits objets de la poursuite. A ce titre, ces nouvelles constitutions de partie civile sont, selon les prévenus, irrecevables.

Or, au-delà de la question de la saisine in rem ci-dessus résolue, ce moyen opère une confusion entre la recevabilité (l’intérêt à agir) et le bien-fondé des constitutions de partie civile.

Pour mémoire, selon l’article 418, alinéa 1 du code de procédure pénale, toute personne VF, conformément à l’article 2, prétend avoir été lésée par un délit, peut, si elle ne l’a déjà fait, se constituer partie civile. Le texte renvoie donc aux conditions générales de l’action civile, la partie civile devant établir avoir souffert personnellement d’un préjudice découlant directement des faits constitutifs de l’infraction.

Et, si le texte du harcèlement moral prévoit l’alternative (agissements ayant pour objet ou pour effet), se contentant d’une potentialité de préjudice pour être caractérisé,

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il doit être concilié avec les exigences textuelles relatives de l’action civile VF posent le principe de la réparation de « tous les chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, VF découleront des faits objets de la poursuite »>.

Par conséquent, toute personne faisant partie d’une collectivité cible d’une politique d’entreprise jugée harcelante par son objet et les méthodes de sa mise en œuvre a qualité pour intervenir au procès pénal, indépendamment de l’appréciation de son droit à réparation du dommage VF en aurait résulté.

Il en est ainsi pour tout personnel en poste et ayant appartenu à la collectivité des employés de WV Télécom, pendant tout ou partie de la période de prévention retenue par le tribunal.

Le moyen tiré de l’absence de qualité à agir sera donc rejeté comme non fondé.

II – Les principes gouvernant la réparation du préjudice En raison de certaines particularités factuelles de ce dossier, telles que le caractère potentiel de la dégradation, les statuts juridiques des demandeurs

(fonctionnaires ou agents de droit privé) et d’un des défendeurs (société anonyme), ou le suicide de certaines victimes pendant ou après la période de prévention retenue par le tribunal, il n’est pas inintéressant de rappeler certains principes relatifs tant aux caractéristiques du préjudice susceptible de réparation (1), qu’à l’indemnisation elle même de ces préjudices (2), avant d’évoquer lesdites particularités (3). En conclusion, seront repris les principes VF fonderont l’examen des constitutions de partie civile.

1- Quelques rappels sur les caractéristiques du préjudice

Le préjudice doit être direct, certain, personnel

1-1. Un préjudice direct

Le préjudice invoqué doit être lié à l’infraction par un rapport de cause à effet, l’infraction doit être la cause du dommage. Le principal intéressé est alors seul demandeur à l’action,

L’appréciation du caractère direct ou indirect d’un préjudice s’opère à partir de critères différents de ceux pris en compte par le juge civil. Pour le juge pénal, le dommage est direct au sens de l’article 2 du code de procédure pénale, lorsqu’il est la conséquence directe de l’infraction poursuivie (Crim., 22 mai 2012, n° 11-85.507;

Rev. sc. crim. 2013, p. 884, obs. X. Salvat).

Devant les juridictions répressives, seul peut être indemnisé le préjudice VF est la conséquence directe des faits déclarés constitutifs d’une infraction. Le dommage indirect, « en cascade » selon l’expression imagée de M. FF, n’est pas indemnisable.

En présence d’une pluralité de causes, chacun des éléments en l’absence duquel le dommage ne serait pas survenu est réputé avoir contribué de façon directe à sa production. Il est indifférent que la faute pénale commise par les prévenus ait été la cause déterminante du préjudice personnel des parties civiles puisqu’il suffit que celui ci en soit la suite nécessaire pour que leur responsabilité soit engagée, alors même que d’autres circonstances auraient concouru au dommage.

L’appréciation du caractère direct du préjudice revêt une difficulté particulière quand intervient la notion de temps, soit qu’avant l’accident la victime ait porté déjà en elle, en germe, une partie des éléments constitutifs de son préjudice, dont

l’événement dommageable a été en quelque sorte le révélateur, soit que, par la suite, le préjudice initial connaisse de nouveaux développements.

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S’agissant des prédispositions pathologiques antérieures, il convient de faire la distinction suivante.

Ou bien l’affection n’a été révélée ou provoquée que par le fait de l’infraction et, en ce cas, le dommage doit être réparé comme si la victime ne souffrait pas de ces prédispositions.

Ou bien, au contraire, la victime était déjà diminuée et elle ne doit, par conséquent, être indemnisée que dans la mesure de l’aggravation de son état, à l’exclusion des conséquences d’u olution normale de son état pathologique préexistant, sauf si le fait traumatique a transformé radicalement la nature de l’invalidité préexistante.

Il en est ainsi de la victime VF se trouve atteinte d’une invalidité totale à la suite de

l’accident litigieux alors qu’auparavant, malgré son état antérieur, elle exerçait régulièrement une activité professionnelle exigeant une pleine capacité de travail et menait une vie normale.

La question de l’incidence des prédispositions peut aussi se poser en cas de suicide de la victime. Le fait que l’accident survenu à une personne, VF s’est ensuite suicidée, n’ait été que la cause indirecte et partielle de son suicide, ne suffit pas à écarter l’existence d’un préjudice direct (Crim., 24 nov. 1965: D. 1966, p. 104 – Crim., 14 janv. 1971, n° 69-92.994, Bull. crim. 1971, n° WP – Cass., 2ème civ., 26 oct. 1972,

n° 71-WO.866, Bull. civ. 1972, II, n° 263), dont peuvent se prévaloir ses ayants droit, voire la victime elle-même dans l’hypothèse où elle aura survécu, sauf à devoir rapporter la preuve d’une relation directe et certaine entre l’accident et le suicide

(Cass., 2ème civ., 22 janv. 2015, n° WP-28.368, Bull. civ. 2015, II, n° 11).

1-2. Un préjudice certain

Le dommage invoqué devant la juridiction de jugement doit être en principe actuel au moment où l’action civile est examinée.

Le préjudice éventuel n’ouvre pas droit à réparation (Crim., 7 juin 1989: Bull. crim. 1989, n° 245.- Crim., 4 déc. 1996: Bull. crim. 1996, n° 445)

Le préjudice peut parfois être futur c’est-à-dire non encore réalisé lorsque sa survenance est certaine (Crim., 6 mai 1987, n° 86-91.206: JurisData n° 1987-001052;

Bull. crim., n° 180). La condition est d’apparaître comme la prolongation directe et certaine d’un état de choses actuel et d’être susceptible d’une évaluation immédiate (Cass. req., 1er juin 1932: S. 1933, 1, 49, note H. Mazeaud). C’est toute la différence entre la simple éventualité et la potentialité d’un dommage.

La jurisprudence pénale admet, à l’image de la jurisprudence civile, l’indemnisation de la perte de chance dès lors que cette dernière n’est pas douteuse

(Crim., 16 févr. 1981, n° 80-92.326).

1-3. Un préjudice personnel ou par ricochet

Le demandeur doit, pour exercer l’action, éprouver le dommage, ce VF n’implique pas que le dommage ait été subi en premier par la personne de celui VF agit puisque ce préjudice peut aussi bien être par ricochet.

En cas de décès de la victime directe, la Cour de cassation a jugé que « Toute personne victime d’un dommage, quelle qu’en soit la nature, a droit d’en obtenir réparation de celui VF l’a causé par sa faute; le droit à réparation du préjudice éprouvé par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers. Lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère X et que la victime n’a pas renoncé à l’action civile, ses ayants droit sont recevables à agir devant la juridiction saisie » (Crim., WO novembre 2009, n° 09 82,028, Bull. crim. 2009, n° 185)

Ainsi, l’action civile peut être exercée par les ayants cause de la victime dans

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31eme Ch.

شی – - – - – - – - la mesure où cette action fait partie de son patrimoine. Outre cette action à titre successorale, les héritiers peuvent exercer l’action à titre personnel.

Par ailleurs, lorsque la victime n’est pas décédée, les proches de la victime peuvent agir au titre du préjudice qu’elles ont personnellement subi (Crim., 9 févr. 1989, n° 87-81.359, aff. Latil-Janet; Bull. crim., n°63)

2- Quelques rappels sur la détermination de la réparation

Il importe de rappeler les règles essentielles VF doivent dicter l’évaluation du préjudice: il s’apprécie à la date de la décision du juge. En effet, par application de l’article 1382 [devenu 1240] du code civil, les juges doivent allouer à la victime d’un délit des dommages-intérêts égaux à l’entier préjudice causé par ce délit au jour où leur décision intervient ;

l’auteur du dommage est tenu de réparer intégralement les préjudices causés, de telle sorte que la victime soit replacée dans une situation aussi proche que possible de celle VF aurait été la sienne si le fait dommageable ne s’était pas produit ; le montant de l’indemnisation ne peut être inférieur au préjudice effectivement subi ni lui être supérieur, dans la limite des demandes dont le tribunal est saisi.

Ainsi, la détermination du montant des dommages-intérêts ressortit à l’appréciation souveraine des juges du fond sous réserve que le préjudice soit indemnisé intégralement. Et la Cour de cassation ne cesse de rappeler le principe selon lequel le tribunal doit tenir compte de tous les chefs de dommages matériels, corporels et moraux découlant des faits objet de la poursuite (Crim., 16 janv. 1980: Bull. crim.

1980, n° 25. Crim., 20 janv. 1987: Bull. crim. 1987, n° 26. – Crim., 1er oct. 1997:

Bull. crim. 1997, n° 219), de la perte subie ou du gain manqué (Crim., 23 févr. 1977 : D. 1977, inf. rap. p. 181, perspective d’avancement remise en cause. – Crim., 14 mars

1991 Bull. crim. 1991, n° 126, frais de subsistance et incapacité de travail de 100 % pour une victime réduite à l’état végétatif).

Les dommages-intérêts se mesurent à l’étendue du dommage et non à la gravité de la faute. Et l’évaluation à laquelle procède le juge doit s’effectuer sur des bases objectives, et non en fonction de la représentation qu’a pu s’en faire la victime.

Par ailleurs, comme prévu à l’article 480-1 du code de procédure pénale, les prévenus dont la culpabilité procède d’un même délit ou d’infractions se rattachant entre elles par des liens d’indivisibilité ou de connexité, sont solidairement tenus des dommages-intérêts, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de la responsabilité personnelle de chacun puisqu’il n’appartient pas au juge pénal de prononcer un principe de responsabilité entre co-auteurs et complices du dommage dont il est ordonné réparation.

Bien qu’ayant quitté courant 2008 soit l’entreprise, s’agissant de
M. P, soit le service, s’agissant de Mme AK, ces derniers, complices des actes d’exécution de la politique et de son intensification, seront tenus solidairement à la réparation des préjudices. Enfin, en application de l’article 1231-7 du code civil, les dommages-intérêts alloués produisent de plein droit des intérêts au taux légal à compter du jour où le jugement est prononcé.

3- Les spécificités du dossier

A l’aune des principes généraux ci-dessus rappelés, les faits de harcèlement moral dit institutionnel tels que condamnés par le tribunal dans le présent dossier,

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nécessitent l’examen de certains points spécifiques comment peut-on réparer les répercussions d’une dégradation des conditions de travail potentielle ? Dans quelles conditions un tribunal correctionnel est-il compétent pour allouer des dommages intérêts à des victimes salariées ou fonctionnaires, compte tenu des régimes dérogatoires existants ? Comment un suicide peut-il être pris en compte dans une indemnisation ?

3-1. La conciliation de la potentialité d’une dégradation (agissements ayant pour objet) et de l’existence d’un préjudice

La question sur le bien-fondé du droit à réparation prend une acuité particulière dans ce dossier, au regard, d’une part, de l’éventuelle différence, en terme de réparation, entre des préjudices découlant d’agissements ayant pour objet une dégradation des conditions de travail, et ceux découlant d’agissements ayant eu cet effet, d’autre part, de la réparation corrélative d’un préjudice potentiel.

Certes, conformément aux principes posés par les articles 2 et 3 du code pénal, le tribunal doit, pour chacune des constitutions contestées par les prévenus, comme pour celles VF ne le sont pas, examiner leur recevabilité en répondant aux questions suivantes : le plaignant fait-il partie de la collectivité des employés de WV Télécom victime d’une politique d’entreprise jugée harcelante sur la période du WO janvier 2007 au 31 décembre 2008, ou est-il un proche ou héritier d’un de ces employés ? Les préjudices qu’il allègue sont-ils personnels et en lien direct avec les faits condamnés ? Quelles preuves de ces préjudices fournit-il ?

Mais au-delà de cet examen classique, il convient d’évoquer la distinction entre la réparation des préjudices découlant d’agissements ayant pour objet la dégradation des conditions de travail, et la réparation découlant d’agissements ayant e u cet effet.

Car, dans le premier cas, le caractère potentiel de la dégradation des conditions de travail suffit à caractériser l’incrimination. Dans cette situation de dégradation potentielle, et subséquemment d’absence d’atteintes aux droits, à la dignité, d’altération de sa santé physique ou mentale, et de compromission de l’avenir professionnel, quel préjudice peut être réparé, puisqu’il n’apparaît que potentiel ?

En fait, et dans la logique des principes ci-avant évoqués, doivent être distinguées les répercussions « civiles » de l’objet de ces agissements, des « effets '>

(pénaux) des agissements visés par la seconde banche de l’alternative de

l’incrimination de harcèlement moral: l’objet des agissements n’empêche pas la reconnaissance de l’existence de dommages, lésions pouvant être matérielle, corporelle ou morale, dont les conséquences sont des préjudices économiques ou moraux.

Car si le texte de l’incrimination de harcèlement moral prévoit

l’alternative (agissements ayant pour objet ou pour effet), se contentant d’une potentialité de dommages pour être caractérisé, il doit être concilié avec les exigences textuelles relatives à l’action civile VF posent la réparation de « tous les chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, VF découleront des faits objets de la poursuite »>.

Ainsi, même dans le cas d’une dégradation potentielle, doivent être réparés les dommages découlant des faits dont le tribunal est saisi, si les dommages invoqués sont directs, certains et personnels.

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31eme Cn.

En outre, au sujet de l’évaluation du préjudice, la Cour de cassation a précisé qu’il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe (Crim., 8 mars 2005, n° 04-83.410, Crim., WO févr. 2009, n° 08-85.167) : « Les juges du fond jouissent d’un pouvoir souverain d’appréciation pour fixer la somme allouée en réparation du préjudice » (Crim. 16 janv. 2013, n° 11-83.689). Ainsi, si un préjudice éventuel n’ouvre pas droit à réparation (Crim., 7 juin 1989 Bull. crim. 1989, n° 245; Crim., 4 déc. 1996: Bull. crim. 1996, n° 445), les préjudices d’une dégradation potentielle doivent être réparés.

En conséquence, découle de cette conciliation textuelle, l’obligation, pour le tribunal, d’examiner le principe des préjudices, puis de fixer le montant de la somme allouée en réparation de ces préjudices.

3-2. La qualité des parties et les liens entre infraction pénale et accident du travail Au cours de l’instruction comme lors des débats, notamment lors de l’examen

d’une note de 15 pages sur le suicide au travail jointe à un courriel de Mme FG

FH (SG/DJ) en date du 25 octobre 2007 (D3203/127 à 141), la spécificité de la dualité des statuts, de droit X et de droit privé, des employés de WV Télécom au cours de la période de prévention a donné lieu à des échanges portant sur la reconnaissance en accident de service accordée à certains suicides ou tentatives de fonctionnaires ou en accident de travail aux actes de même nature commis par des agents de droit privé (cf note M Y-KA AK, inspecteur général des affaires sociales – D347), et sur les spécificités juridiques de chacune des deux reconnaissances.

En raison des demandes formulées par M. FI, salarié de droit privé, dans le cadre de sa constitution de partie civile, il importe de rappeler certains points afin de déterminer la compétence du tribunal correctionnel.

3-2-1. L’accident du travail et le régime spécifique de réparation des salariés ou assimilés

Selon l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, « est considéré comme accident du travail, qu’elle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ». Et l’article L. 411-2 du même code assimile l’accident de trajet à l’accident du travail.

La Cour de cassation a jugé que « constitue un accident de travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d’apparition de celle-ci » (Soc, 2 avr. 2003, n°00-21.768, publié), et elle a admis la prise en compte des affections psychiques (dépression nerveuse), même apparues soudainement, dès lors qu’elles sont survenues par le fait ou à l’occasion du travail (2* civ, 1 juil. 2003,

n°02-30.576, publié).

Ce régime prévoit un mécanisme d’indemnisation spécifique, instaurant une réparation du risque à la fois automatique (dès lors que la qualification d’accident du travail trouve à s’appliquer) et forfaitaire (sauf exceptions) pour la victime ou ses ayants droit sociaux. Et, en cas de « faute inexcusable » de l’employeur, le droit à indemnisation est étendu (majoration de la rente et complément d’indemnisation).

Depuis le 1er janvier 2019, la compétence exclusive auparavant attribuée aux tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) pour connaître de l’indemnisation des accidents du travail et de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur a été transférée aux pôles sociaux des 116 tribunaux de grande instance spécialement

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désignés à cet effet.

3-2-2. Parmi les exceptions au régime dérogatoire des accidents du travail : la faute intentionnelle, exception inapplicable au harcèlement moral

Ne relèvent pas du régime dérogatoire des accidents du travail, outre les accidents du travail ayant le caractère d’accident de la circulation ou les accidents provoqués par un tiers, les accidents causés par la faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés.

En effet, l’article L. 452-5 du code de la sécurité sociale prévoit que si l’accident est dû à la faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés, la victime ou ses ayants droit conservent contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du livre quatrième dudit code.

Cependant, la définition donnée par la Cour de cassation à la faute intentionnelle est particulière et entraîne des conséquences spécifiques s’agissant du délit de harcèlement moral.

En effet, selon cette Haute juridiction, la faute intentionnelle suppose « un acte volontaire accompli avec l’intention de causer des lésions corporelles (Soc. 11 janv. 1989, n°87-12.781, Bll.1989, V n°WO). Au-delà du caractère volontaire de l’acte, il faut établir que « l’auteur a voulu le dommage survenu à la victime », qu’il agissait avec

l’intention de la blesser (Crim. WP déc. 2016, n°15-81.853, Bull. Crim. 2016, n°335):

« justifie sa décision la cour d’appel VF, après avoir déclaré le prévenu WN de harcèlement moral dans le cadre du travail, déboute la caisse primaire d’assurance maladie, partie civile, de ses demandes indemnitaires, dès lors que l’élément intentionnel de ce délit ne se confond pas avec la faute intentionnelle au sens de l’article DM452-5 du code de la sécurité sociale, fondement des demandes, VF suppose qu’il soit établi que l’auteur a voulu le dommage survenu à la victime du fait de ses agissements ».

En conséquence, pour le délit de harcèl nent moral, en l’absence de confusion entre faute intentionnelle et élément intentionnel, l’indemnisation de la victime salariée ou de ses ayants droit au sens du code de la sécurité sociale

(énumérés aux articles L. 434-7 à L. 434-14) continue de relever du régime dérogatoire découlant de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.

3-2-3. Le cas des fonctionnaires et la faute de service: l’inapplicabilité à WV

Télécom, société anonyme

Le régime dérogatoire prévu par l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ne s’applique pas aux fonctionnaires.

Par ailleurs, la qualité de l’auteur, de l’employeur, WV Télécom-Orange étant une société anonyme, exclut la recherche d’une faute de service, et subséquemment la compétence du tribunal administratif.

Car, selon l’article L. 413-12, 4° du code de la sécurité sociale, il n’est pas dérogé aux dispositions législatives ou réglementaires concernant les pensions des fonctionnaires de l’État et des collectivités territorialités. La chambre sociale en a déduit que les accidents de service ne sont pas SO par la législation sur les accidents de travail (Soc., 29 avril 1993, pourvoi 89-20.780).

Ainsi, les deux régimes dérogatoires étant écartés, les agents de droit X sont recevables à agir devant le tribunal correctionnel, et sont alors applicables les règles de droit commun de la réparation du préjudice né d’une infraction.

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31ème Ch.

3-3. Sur les suicides et tentatives, et le préjudice d’affection

Une des dernières particularités des faits saisissant le tribunal réside dans le constat que 19 des 39 personnes visées comme victimes dans la prévention se sont suicidées au cours de la période de culpabilité finalement retenue par le tribunal ou plusieurs années après, jusqu’à trois ans plus tard s’agissant de M. QL G, le 26 avril 2011. Ce dernier, comme six autres employés de WV

Télécom ont explicitement mis en cause leur employeur pour expliquer leur passage à l’acte dans leurs écrits posthumes.

En outre, parmi les 20 autres victimes, 12 ont tenté de suicider, sur les lieux mêmes de leur emploi quelquefois, dans les cas de Mme DL, de Mme

C, M. FJ, M. AL, M. FK, Mme K divorcée CI et M. AJ.

Le nombre élevé, les circonstances de ces passages à l’acte ont donné lieu, au cours des audiences, à des débats et à des témoignages.

Ainsi, il est ressorti des débats, et notamment des auditions de certains témoins, que la comptabilité des suicides des personnes employées de WV Télécom était lacunaire et non fiable en l’absence de précision administrative dans les causes de décès des employés de cette entreprise. Le travail de recensement de l’Observatoire du stress et des mobilités forcées de WV Télécom VF a conduit à la transmission aux magistrats instructeurs, notamment, d’un tableau recensant les suicides et tentatives puis d’une note actualisée en date du WO juillet 2010 recensant 46 suicides et 29 tentatives entre 2008 et 2010 (D337), s’il a contribué à une prise de conscience des répercussions de la politique harcelante de déflation, ne peut être considéré comme une source intégralement fiable.

Dans ces écritures (page 71), M. AP confirme qu’aucun suivi des suicides des salariés et agents de WV Télécom n’était réalisé dans le Groupe.

Comme il l’a expliqué à la barre du tribunal, c’est à compter du suicide de M. FL

D qu’il demande à ce que tous les suicides lui soient remontés au niveau central : « c’est la lettre de M. D VF m’a fait demander que les lettres arrivent

à mon niveau » (NA WP/06/2019, page 41). Auparavant, les directeurs régionaux puis territoriaux, en lien avec les directeurs des unités opérationnelles, s’occupaient de répondre à ces drames.

Seule la crise sociale de l’été 2009 a conduit Mme HO UJ

WG à réaliser un « tableau de suivi des suicides », dans lequel elle recense les chiffres suivants : 28 en 2000, 23 en 2001, 19 en 2002, 22 sur les neuf premiers mois de l’année 2004, 12 en 2008 et 9 du 1 janvier au 12 août 2009 (Pièce n°16 de M. AP courriel de Mme UJ-WG à M. CU du 16 décembre 2010). La responsable de la politique de sécurité en WV constate que le nombre de suicides observés parmi la population des salariés de WV Télécom est chaque année, y compris en 2008 et 2009, inférieur aux prévisions statistiques. Il ressort aussi de ce document que le nombre annuel de suicides en 2008 et 2009 est très inférieur à celui des années 2000 à 2004, étant souligné qu’aucun chiffre n’est porté pour les années 2005, 2006 et 2007.

D’autres travaux, tel l’ouvrage du sociologue UK UL (D3860) ou divers articles communiqués par M. AO (pièces 25 à 27), ne corroborent pas la notion d’augmentation statistique des suicides à WV Télécom à partir des années 2006, ni une proportion supérieure par rapport à l’ensemble de la population.

En outre, l’imputabilité du passage à l’acte aux agissements de l’employeur était délicate en raison tant du caractère multi-factoriel du suicide, que de la diversité

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de la réaction des proches de l’employé à l’annonce du geste fatal, certains désirant le conserver dans un cadre intime, privé et l’écarter de tout lien professionnel, d’autres cherchant à y donner une dimension professionnelle principale. Il convient néanmoins de noter que le médecin psychiatre AV

AZ a mentionné les traits fréquents des victimes de harcèlement moral les

menant au suicide : ce sont souvent des personnes très consciencieuses, perfectionnistes, honnêtes et rigoureuses. Elles aiment rendre service et se rendre utiles, sans toujours savoir dire non. Elles évitent les conflits et préfèrent ne pas faire de vagues au HT d’occulter le problème ou d’en parler tardivement. L’esprit de service X, avec ses corollaires de réserve, d’obéissance et d’excellence, VF imprègne historiquement WV Télécom peut également expliquer ces traits et leurs conséquences.

En outre, toujours du côté des victimes, le poids du tabou pèse lourd et empêche la parole libératrice, les démarches judiciaires nécessaires, le recours à l’aide médico psychologique. Parler signifie pour les victimes non seulement s’exposer au risque de ne pas être crues mais aussi reconnaître leur statut de victime. Parler signifie aussi revivre le stress dû au harcèlement et faire face à la dégradation de sa propre image.

Enfin, deux points méritent d’être soulignés car certains prévenus ont tenté de minimiser ces faits tragiques par l’invocation de difficultés personnelles de certains agents, et également par l’effet WERTHER, ou suicide mimétique, phénomène mis en évidence en 1982 par un sociologue américain VF a étudié la hausse de suicides suivant la parution, dans les médias, d’un cas de suicide. Le nom est inspiré par une vague de suicides s’étant produite en Europe après la parution, en 1794, du roman de

GOETHE, Les souffrances du jeune Werther. Or, il est ressorti des auditions des témoins, dont M. AZ, psychiatre, que le mécanisme d’imitation de l’effet WERTHER n’est possible que dans l’hypothèse où les personnes sont dans une situation équivalente à celle de la victime. Comme l’a relevé le VQ FL BC: «pour inciter au suicide, il faut une identification au cas du jeune WERTHER. A WV Télécom, les salariés vivaient la même situation que celui VF s’était suicidé. D’où la possibilité d’identification. En parlant d’effet WERTHER, la direction admet qu’il y avait des pratiques harcelantes '> (NA 29/5/2019 page 45). Au surplus, ne peut qu’être relevé le nombre important de suicides ou tentatives dits < vindicatifs » tels que définis par le VQ AD PA, sociologue, lors de son audition en date du WO mai 2019, que ce soit par une tentative ou un passage à l’acte sur le lieu de travail, tels Mesdames C, DL,

TS et K (divorcée CI) et messieurs FJ, AL,

G, FK et AJ, ou par un écrit laissé incriminant l’employeur dans les cas de Mme B et de messieurs D, FM,

DB, G, H et DD.

Comme l’a indiqué le Docteur AZ, un seul suicide suffit à indiquer que le climat professionnel présente une dimension délétère et une atomisation des relations professionnelles.

Par conséquent, s’agissant du préjudice moral subi par les personnes employées par WV Télécom VF se sont suicidées ou ont tenté de la faire, mais aussi subi par les autres personnes ne relevant d’aucune de ces situations tragiques, le préjudice moral de ces personnes en poste chez WV Télécom SA et VF justifient avoir souffert de harcèlement moral sera intégralement indemnisé par l’allocation d’une somme de 45 000 € sous réserve du plafond de la demande, qu’il s’agisse du préjudice moral au titre de l’action successorale dans

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ème Cn. 31

la situation de ceux et celles VF ont abrégé leurs souffrances, ou du préjudice moral au titre de l’action personnelle de celles et ceux VF ont continué à les subir quelles qu’en soient les raisons.

Enfin, s’agissant de l’indemnisation monétaire du préjudice d’affection ressenti par l’entourage d’une victime décédée, elle n’a d’autre objet que de réparer le profond bouleversement de la vie quotidienne consécutif au décès, à supposer que puisse y parvenir l’allocation d’une somme d’argent.

Une telle indemnisation, sauf à revêtir un caractère punitif que bannit notre système juridique s’agissant de la réparation du préjudice, ne doit bénéficier qu’à ceux des proches du défunt que sa mort a particulièrement traumatisés et dont les conditions

d’existence sont durablement et gravement perturbées par la disparition de l’être qu’ils chérissaient.

En conclusion, les principes suivants présideront à l’examen des constitutions de partie civile formalisées par les personnes physiques et morales dans le présent dossier :

-la recevabilité étant liée l’appréciation VF a été faite de l’étendue de

l’incrimination exposée dans les parties I et II du présent jugement, l’examen de la recevabilité doit porter sur la situation de toutes les personnes présentes et en situation de travail effectif dans l’entreprise pendant tout ou partie de la période

d’incrimination, sans qu’elle puisse être écartée en raison du rejet explicite ou implicite de certaines constitutions au cours de l’instruction, ou en raison de leur formalisation après la clôture de l’instruction ; toute personne faisant partie d’une collectivité cible d’une politique d’entreprise jugée harcelante par son objet et les méthodes de sa mise en œuvre a qualité pour intervenir au procès pénal, indépendamment de l’appréciation de son droit à réparation du dommage VF en aurait résulté ; si le texte de l’incrimination de harcèlement moral au travail prévoit

l’alternative (agissements ayant pour objet ou pour effet), se contentant d’une potentialité de dommages pour caractériser le délit, il doit être concilié avec les exigences textuelles relatives à l’action civile VF posent le principe de la réparation de « tous les chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, VF découleront des faits objets de la poursuite ». Ainsi, même dans le cas d’une dégradation potentielle, doivent être réparés tous les dommages découlant des faits dont le tribunal est saisi, si les dommages invoqués sont directs, certains et personnels;

- les deux régimes dérogatoires (l’un relatif aux accidents du travail et l’autre à la faute de service) étant écartés, les agents de droit X de WV Télécom sont recevables à agir devant le tribunal correctionnel, et leur sont alors applicables les règles de droit commun de la réparation du préjudice né d’une infraction; pour le délit de harcèlement moral, en l’absence de confusion entre faute intentionnelle et élément intentionnel, l’indemnisation de la victime salariée ou de ses ayants droit au sens du code de la sécurité sociale (énumérés aux articles

DM434-7 à DM434-14) continue de relever du régime dérogatoire découlant de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.

III – Les constitutions de partie civile des personnes physiques Après l’examen des désistements présumés (1), seront abordées les constitutions de partie civile rattachées aux 39 victimes nommément mentionnées dans la prévention saisissant le tribunal (2), puis celles des victimes non désignées nommément dans la prévention (3).

Les montants des dommages-intérêts alloués en réparation intégrale des

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préjudices, et ceux des frais irrécouvrables accordés, seront synthétisés dans un tableau intégré dans le dispositif.

Il convient de rappeler que, dans le cadre des contrôles judiciaires auxquels la société WV Télécom et messieurs AN, AO et AP ont été astreints depuis juillet 2012, une partie des cautionnements versés est prévue pour garantir la réparation des dommages causés par l’infraction », soit pour

l’indemnisation des parties civiles : cette partie s’élève à 135 000 euros sur les 150 000 euros versés par l’entreprise, à 90 000 euros sur les 00 000 euros versés par
M. AN, à 70 000 euro sur les 75 000 versés par messieurs AP et AO.

1- Les désistements présumés de certaines constitutions de partie civile

Au préalable, il convient de noter que M. FN, dont la constitution de partie civile a été déclarée irrecevable par les magistrats instructeurs (D4100), ne s’est pas constitué devant le tribunal : il n’a donc pas la qualité de partie civile au procès peu important qu’il ait été cité pour l’audience.

Par ailleurs, selon l’article 425 du code de procédure pénale, « la partie civile régulièrement citée VF ne comparaît pas ou n’est pas représentée à l’audience est considérée comme se désistant de sa constitution de partie civile ».

C’est le cas de Mme KG KF, de Mme ID-R

DB ainsi que des proches de M EY H le tribunal constatera le désistement présumé de constitution de partie civile de ces quatre personnes.

Selon l’alinéa 3 de l’article 425 du code de procédure pénale, le jugement constatant le désistement présumé de la partie civile lui est signifié par exploit

d’huissier, conformément aux dispositions des articles 550 et suivants et ce jugement est assimilé à un jugement par défaut, pouvant être frappé d’opposition. Cependant, la partie civile peut exercer un recours contre une telle décision soit par la voie de l’opposition, soit par celle de l’appel, en vertu des articles 497 et 499 du code de procédure pénale.

2- Les constitutions de partie civile rattachées à la situation des 39 victimes nommément visées dans la prévention Les situations des 39 victimes nommément visées dans la prévention ont été longuement examinées, tant au cours de l’instruction lors des interrogatoires de messieurs AN, AO et AP et du représentant de la société WV Télécom, dans les écritures de leurs conseils, que dans l’ordonnance de renvoi VF y consacre 289 pages.

La synthèse et l’analyse faites par les magistrats instructeurs ont été ensuite contradictoirement discutées au cours des débats comme en attestent les notes

d’audiences : les victimes concernées, leurs proches, leurs conseils ou les conseils des syndicats partie civiles ont pu les mpléter ou rectifier, les prévenus faisant de même, les parties ayant quelquefois versé aux débats des pièces supplémentaires ou les ayant jointes à leurs écritures.

A l’issue des débats, sur les 39 situations, 26 ont donné lieu à constitution de partie civile de la part d’un total de 38 personnes, victimes directes ou ayants droit. En l’absence de constitution de partie civile pour les WP autres situations, c’est à-dire celles de Mme IB CH, M. QG FR, M. FO

FP, Mme DJ BE, M. SD FM, M. DQ DA,
M. FQ AL, Mme TR TS, M. CE DR, M. FQ

DW, M. Y-BO DD et Mme EU UM, étant rappelé que

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31eme Cn.

ONS

pour celle de M. EY H un désistement présumé a été constaté, il n’y a pas lieu de les examiner au titre de l’action civile.

Pour les 26 victimes dont la situation a donné lieu à des constitutions de partie civile, l’appartenance à la collectivité des agents de WV Télécom au cours de la période de prévention finalement retenue par la tribunal, soit les années 2007 et 2008,

a été vérifiée, même si elle n’a jamais été contestée par les prévenus, étant précisé que certaines d’entre elles ne relevaient pas de la division OPF, telles M. FR (Imt), Mme BE (OBS), M. H (RD IMT), M. FS (Finances groupe), M. AJ (DACR/D Financière groupe), et M. FI.

En application des critères de recevabilité ci-dessus rappelés, à savoir que toute personne faisant partie d’une collectivité cible d’une politique d’entreprise jugée harcelante par son objet et les méthodes de sa mise en œuvre a qualité pour intervenir au procès pénal, indépendamment de l’appréciation de son droit à réparation du dommage VF en aurait résulté, ces 38 constitutions seront déclarées recevables.

En outre, le tribunal a l’obligation d’accorder réparation de tous les dommages découtant des faits pour lesquels la responsabilité pénale des prévenus est retenue, dès lors que les dommages invoqués sont directs, certains et personnels.
Mme DL s’est constituée partie civile par lettre du 26 novembre 2018, elle a sollicité la somme de 9 715,20 euros en réparation d’une perte de salaire. Si sa constitution de partie civile sera déclarée recevable, elle sera déboutée de sa demande, le dommage allégué n’étant pas en lien direct avec les faits condamnés. Pour les 25 autres situations, il conviendra de se reporter aux écritures des conseils pour connaître les détails et fondements des demandes des parties civiles et des objections opposées par les prévenus, particulièrement par la société ORANGE, dont l’argument central consiste à invoquer l’absence d’un harcèlement moral institutionnel ou interpersonnel pour conclure à la relaxe totale, et implicitement, au rejet de toutes les demandes.

Néanmoins, pour diverses raisons, il convient de se pencher plus attentivement sur certaines situations.

Ainsi, s’agissant des demandes formulées par M. DX F, il sera débouté de celles relatives à son préjudice matériel, pour relever soit de l’article 475-1 du code de procédure pénale, soit de la réparation déjà accordée par le tribunal administratif. Quant à sa demande en réparation de son préjudice moral, elle sera accueillie au titre de la période de 2007-2008 durant laquelle il a vécu un « exil » sur un poste à Besançon.

La constitution de partie civile de son épouse, Mme JO JN épouse F, pour avoir directement souffert de cet éloignement géographique, sera également déclarée recevable et il sera fait droit à sa demande d’un euro de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Dans le cas de M. Y-BO J, la particularité, comme l’indiquent les magistrats instructeurs, réside dans le fait que les agissements les plus caractéristiques ont été commis dans les semaines antérieures à la période de prévention retenue, le contrat de fin de carrière de Y-BO J débutant au 1er janvier 2007; que Y-BO J fait grief à la société de ne pas avoir procédé au règlement de ses jours déposés sur son compte-épargne temps. Il décrit avec force détail les refus VF lui sont opposés par des agents VF se PU l’écho des

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instructions de la Direction laquelle s’en tient au protocole d’accord au terme duquel

Y-BO J avait l’obligation de faire usage de son solde de jours déposés sur son compte épargne à compter du 15 octobre et jusqu’au 31 décembre 2006. Or, le dossier personnel de Y-BO J permet de constater qu’il a été en arrêt maladie jusqu’au 7 janvier 2007 et qu’il a été inscrit dans les effectifs de WV

Télécom jusqu’à décembre 2009, date de sa retraite légale. Il était donc en droit de revendiquer le paiement du solde de son CET »>. Ainsi, M. J n’était pas en situation de travail effectif dans

l’entreprise pour les années 2007 et 2008, période pendant laquelle est circonscrit le harcèlement moral retenu par le tribunal. Il serait donc débouté de ses demandes indemnitaires n’ayant pas été exposé à la politique d’entreprise VF fonde les déclarations de culpabilité.

Quant à son épouse, Mme FT JZ épouse J, agent de WV Télécom, elle a effectué des missions successives et dans divers départements,

à leur retour des Antilles, entre février 2007 et le 31 août 2010. Contrairement à

l’ordonnance d’irrecevabilité de sa constitution de partie civile rendue par les magistrats instructeurs à son endroit le 19 décembre 2014 (D3718), Mme FT

J sera déclarée recevable en sa constitution de partie civile, pour être membre de la collectivité des agents de la société WV Télécom au cours de la période de culpabilité retenue par le tribunal, et il sera fait droit à ses demandes.

Enfin, concernant M. DH FI, salarié de droit privé ayant engagé une procédure de reconnaissance d’accident de travail devant le tribunal des affaires sanitaires et sociales, et comme évoqué précédemment, le tribunal correctionnel est devenu incompétent pour statuer sur toutes demandes indemnitaires, en raison de l’absence de confusion entre l’élément intentionnel du délit de harcèlement moral et la faute intentionnelle (Crim., WP déc. 2016, n°15-81.853, Bull. Crim.2016, n°355).
M. FU sera débouté de ses demandes puisque la réparation du préjudice relève du dispositif dérogatoire et impératif résultant par le code de la sécurité sociale pour les salariés de droit privé, peu important le caractère prétendument distinct de certains postes de préjudices invoqué. En revanche, M.

FI sera déclaré recevable en son action, notamment en ce qu’il a contribué à la manifestation de la vérité par son témoignage, VF a donné lieu, à l’audience du 31 mai 2019, à l’expression d’une grande souffrance. Et il sera fait droit à sa demande au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

En tenant compte des précisions relatives à ces cinq parties civiles, il sera alloué aux parties civiles mentionnées dans le tableau figurant au dispositif (dit n° 1) dont les demandes étaient formées soit à titre personnel soit au titre de l’action successorale, voire aux deux titres, les montants de dommages-intérêts indiqués audit tableau, en réparation intégrale des préjudices subis. Ces parties civiles seront déboutées du surplus de leur demandes.

3- Les constitutions de partie civile des victimes n on désignées nommément dans la prévention

Quelquefois constituées partie civile dès l’instruction, dans le cas de messieurs

FW, GC et FV, ou s’étant manifestées peu de temps avant l’ouverture des débats ou au cours de ceux-ci dans tous les autres cas, 128 personnes physiques se sont constituées individuellement en se présentant comme victimes des faits de harcèlement moral,

Il convient d’examiner ces constitutions afin de vérifier, d’une part, si ces personnes étaient en situation de poste effectif dans l’entreprise en 2007-2008, d’autre part, si les préjudices qu’elles invoquent sont la répercussion directe de l’infraction

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31eme Cn. commise.

3-1. M. HG FW

Dans des lettres, accompagnées de nombreuses pièces, adressées en recommandé les 19 novembre 2018, 23 novembre 2018 et 17 décembre 2018,
M. HG FW demande au tribunal de condamner la société WV Télécom à lui verser la somme de 100.000€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice corporel pour invalidité aggravée et non consolidée, 309,50€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et 35.000€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral. Il demande en outre au tribunal de condamner les sept personnes physiques in solidum à lui verser la somme de 140.000€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice corporel pour invalidité aggravée et non consolidée, de 23.012,92€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et de 35.000€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
M. HG FW, né le […], a débuté son activité professionnelle au sein de la société WV Télécom en qualité de conseiller technique.

Durant sa carrière professionnelle, il écrit avoir subi du stress lié à son activité professionnelle, notamment dû à l’acharnement du responsable d’équipe qu’il avait à l’époque (boutique de Venette, dans l’Oise, responsable en 2011 HZ

GRZESIAK). M. FW fournit plusieurs « demandes d’explications» dudit responsable d’équipe, qu’il juge injustifiées (discours aux clients inadaptés contestés, départ à 18h58 au lieu de 19h.). Il dit avoir été poussé par celui-ci à changer de lieu de travail pour un lieu plus éloigné de son domicile, ce à quoi il s’opposait. Cet état de stress est attesté par plusieurs certificats médicaux et a entraîné plusieurs congés maladies.
M. HG FW considère avoir été privé d’une promotion en 2011. Il était, en effet, arrivé troisième et seules deux places devaient être proposées, mais il avait ensuite appris qu’une troisième personne avait été promue. Il a été radié des cadres et a été mis en retraite anticipée pour invalidité, avec une infirmité de 30%, le 29 novembre 2016. Sa retraite normale aurait dû, selon lui, débuter le 1 avril 2020.

Il dit être aujourd’hui sous anti-dépresseurs et souffrir d’une obésité morbide, qu’il lie au stress qu’il a subi au travail. Il a également subi en 2012 des deuils familiaux VF l’ont particulièrement affecté.
M. FW faisait partie des effectifs de la société pendant les années retenues par le tribunal. Si les faits dont il se plaint prennent corps à partir de 2011, il n’en demeure pas moins qu’il a été exposé, comme les autres personnels en situation de travail dans l’entreprise, à la politique institutionnelle harcelante et en a subi les répercussions. Dès lors, le préjudice moral en relation directe et certaine avec

l’infraction retenue par le tribunal sera parfaitement réparé par l’allocation

d’une somme de WO 000€. Il sera débouté du surplus des demandes exprimées comme étant sans lien prouvé avec l’infraction commise.

3-2. M. Y-KD FX

Dans des conclusions régulièrement déposées et soutenues par son conseil,
M. Y-KD FX se constitue partie civile.

Fonctionnaire travaillant chez WV Télécom depuis 1976, M. FX relate avoir subi alors qu’il était en poste depuis janvier 2005 à l’Agence Entreprise Ouest

Atlantique à Quimper des contrôles incessants, une surcharge de travail et diverses mesures qu’il juge vexatoires VF ont eu des conséquences sur sa santé, au HT d’être

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en arrêt de travail à compter du 9 décembre 2009.
M. FX faisait partie des effectifs de la société WV Télécom pendant la période des faits condamnés par le tribunal. Les dommages qu’il allègue et dont il a justifié sont une répercussion directe et personnelle des faits commis par les prévenus.

Sa constitution de partie civile sera donc déclarée recevable et il lui sera alloué, au titre de la réparation intégrale de son préjudice moral, la somme de 45 000 euros.

3-3. M. Y-HC FY

Malgré une ordonnance d’irrecevabilité de sa constitution de partie civile rendue le 25 mars 2015 (D3864), M. Y-HC FY a renouvelé sa constitution par télécopie reçue le 4 juillet 2019. Au terme de celle-ci, il conclut : « Je ne peux pas évaluer le préjudice moral, mais pécuniairement, le préjudice financier peut être quantifié en prenant une hypothèse d’évolution moyenne de carrière tout à fait envisageable selon mes états de service, entre 60 000 et 80 000 euros sur WP ans ».

Si les éléments figurant au dossier, notamment son audition par les services de police le 15 novembre 2013 et les documents qu’il a fournis à cette occasion (D3296 et 3297), confirment sa qualité d’agent de WV Télécom en poste à l’unité d’intervention Centre à Chartres en 2007-2008 comme délégué du personnel, période au cours de laquelle il aurait été victime d’une mobilité forcée finalement annulée la veille de l’audience devant le tribunal administratif, la formulation de ses demandes ne permet pas d’y faire droit. En effet, il ne chiffre pas sa demande au titre du préjudice moral. Par ailleurs, en l’état des pièces produites, il ne rapporte pas la preuve certaine et suffisante d’un lien de causalité entre le préjudice de déroulement de carrière allégué et l’infraction commise par les prévenus.

La constitution de partie civile de M. FY sera donc déclarée recevable, mais il sera débouté de ses demandes.

3-4. Mme OF FZ
Mme OF FZ s’est constituée partie civile par C du 12 juin

2019, joignant 84 pièces, et elle a été entendue par le tribunal le 2 juillet 2019.
Mme OF FZ, née le […], a débuté son activité professionnelle au sein de WV Télécom en 1984, en tant qu’agent d’accueil, sous le statut de fonctionnaire. Elle connaît ensuite plusieurs évolutions professionnelles.

Durant sa carrière professionnelle, elle estime avoir été victime de harcèlement moral de la part du responsable de l’agence où elle travaillait à Carpentras

(LR UN), et alerte sa hiérarchie en 1997. Elle porte plainte contre lui en

2003. Le jugement, rendu le 16 décembre 2004, conclut à la prescription des faits. Elle change par la suite plusieurs fois métier dans le cadre de réorganisations à partir de 2000 et se plaint d’une surcharge de travail et d’une peur de ne pas être à la hauteur. Elle souffre de la politique qu’on lui demande d’appliquer aux vendeurs et des multiples changements de métier qu’on lui impose sans préparation (notamment, en 2003, nommée du jour au lendemain à un nouveau poste pour lequel elle n’a pas reçu la formation nécessaire, d’une part, et VF est dénué d’intérêt selon elle, d’autre part). On lui promet régulièrement des promotions et elle travaille y compris chez elle, mais elle n’est finalement pas formée. Elle est placée plusieurs fois en arrêt maladie à cause du stress au travail (1998, 2003, 2004, 2005, et en congé longue durée en 2006, 2007, 2008, 2009). Les expertises évoquent un état dépressif, des troubles du sommeil et des cauchemars à

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31ème Ch.

caractère professionnel, des troubles alimentaires, un discours suicidaire. Elle a mis plusieurs années à faire reconnaître un accident de service. Elle obtient finalement une retraite anticipée pour invalidité le 1er février 2011.

Elle dépose plainte en 2007 pour harcèlement moral. Le 3 novembre 2011,

WV Télécom est condamnée par la cour administrative d’appel de Marseille. Elle crée en 2007 une association «Harcèlement moral au travail STOP » et VN des lettres notamment à M. EY AN et au ministre M. EQ

BV, pour les alerter.

A l’audience du 2 juillet 2019, Mme FZ a déclaré : « En 2004, je suis sans boulot, je reste chez moi. En décembre 2004, on me propose d’aller au WO-14. Je me retrouve en arrêt maladie. Le SG me fait un C pour une prime de WO 000€ si je pars en CFC. »

Elle a sollicité indemnisation de 20 000€ pour son préjudice d’angoisse.

Certes, Mme FZ faisait partie des effectifs de la société pendant les années retenues par le tribunal en 2007 et 2008. Cependant, elle se trouvait en congé longue durée en 2007 et 2008 et n’a donc pas été exposée aux manifestations de la politique harcelante au temps de l’infraction commise.

En conséquence, Mme FZ sera déclarée recevable mais déboutée de sa demande.

3-5. M. AD GA

Dans un C en date du WO mai 2019, M. AD GA se présentant comme un agent en poste à l’UA d’Aurillac souhaite apporter un témoignage et se constituer partie civile. Il relate la < détérioration des mentalités » qu’il a constatée depuis 1997 en lien avec la privatisation de l’entreprise, une placardisation dont il s’estime victime depuis 2000, une série d’événements personnels douloureux.

A l’appui de ce C, M. GA a fourni la copie d’un courriel de M.

MH MG en poste à l’UI AURA en date du 6 mai 2019 dont il est destinataire et des résultats de dosimétries de 2016 et 2017 le concernant.

Ces seuls documents ne sont pas suffisants pour prouver la qualité

d’agent de WV Télécom en 2007-2008, période des faits dont le tribunal est saisi. La constitution de partie civile de M. AD GA sera donc déclarée irrecevable.

3-6. M. S GB

Dans des conclusions régulièrement déposées par son conseil, M. S

GB relate qu’en 2007, la plaque du contentieux d’Avignon où il travaillait est supprimée. Parmi les douze cadres, les quatre plus âgés sont poussés à la retraite anticipée. M. GB, VF était parmi ceux-ci, s’est vu proposer de partir avec une prime de deux ans de salaire, sous la menace de se voir muté très loin de son domicile. Il a refusé et subi une douzaine d’entretiens de reclassement (simulacres

d’entretiens selon lui). En 2008, il reçoit une mission sur Marseille (à 4 heures de transport aller-retour de son domicile). Cette mission consistait à trier et faire pilonner des archives, une tâche très inférieure à son niveau de compétences. Il était ainsi, pendant plusieurs mois, isolé dans un local insalubre et sans téléphone, ce VF a suscité l’alerte du

CHSCT le 18 mars 2008 (pièce n° 2 + photos).

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En 2010, la situation de M. GB s’améliore, il est nommé responsable logistique à Avignon, poste correspondant à ses compétences et à sa situation.

Dans ses conclusions, M. GB demande au tribunal de condamner conjointement et solidairement les prévenus au paiement d’une somme de 50.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral, ainsi qu’à la somme de WO.000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
M. GB faisait partie des effectifs de la société WV Télécom pendant la période des faits condamnés par le tribunal. Les dommages qu’il allègue et dont il a justifié sont une répercussion directe et personnelle des faits commis par les prévenus.

Sa constitution de partie civile sera donc déclarée recevable et il lui sera alloué, au titre de la réparation intégrale de son préjudice moral, la somme de 45 000 euros, pour réparer à sa juste mesure le préjudice né des conditions de travail particulièrement dégradantes VF lui furent imposées en relation avec la politique d’entreprise harcelante.

3-7. M. OH OG

Dans un C comportant 44 pages reçu le 23 juin 2019, M. OH OG, VF se présente comme ancien directeur des ressources humaines pour l’Afrique d’Orange Business Services, se constitue partie civile et sollicite la condamnation de la société WV Télécom et de la société SITA (Société Internationale de

Télécommunications Aéronautiques) à lui verser diverses sommes pour divers préjudices. Il relate un certain nombre d’événements relatifs à son licenciement pour motif économique en mai 2007 qu’il conteste, suite à sa mutation du Sénégal en Afrique du Sud et en lien avec les accords conclus entre les sociétés SITA, dont il était le salarié depuis 1993, Equant et WV Télécom. Il s’avère que ces faits ne présentent aucun lien avec les faits de harcèlement moral dont le tribunal est saisi.
M. OH OG, recevable en sa constitution, sera débouté de

l’intégralité de se demandes.

3-8. Mme R-IB BJ-WH

Il ressort de ses écritures, régulièrement déposées et soutenues, que Mme BJ-WH a été recrutée le 16 mars 1982 en qualité de fonctionnaire au grade d’agent d’exploitation du service général des postes et télécommunications. Après avoir occupé divers postes, elle rejoint le service d’après-vente technique de Pantin en juin 2006. Elle relate les pressions qu’elle a alors subies jusqu’en 2009 pour quitter le service et VF l’ont profondément affectée. Elle joint, à l’appui de ses dires, 27 pièces dont de nombreux courriels de sa hiérarchie ou de la conseillère de l’Espace

Développement, un procès-verbal du CHSCT de Pantin en date du 30 octobre 2008 mais surtout la restitution des travaux de l’enquête lors de la réunion extraordinaire du

CHSCT le 19 mai 2009, VF confirment ses dires et l’existence d’un climat anxiogène dans le service en lien direct avec les 22 000 départs attendus et dont elle a personnellement et directement souffert. Sa constitution de partie civile sera donc déclarée recevable et il lui sera alloué, pour réparation intégrale de son préjudice moral, la somme sollicitée de

25 000 euros.

3-9. M. Y-FO GC
M. Y-FO GC, né le […], a débuté son activité professionnelle au sein de la société WV Télécom le 20 novembre 1968

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31

(administration des Postes et télécommunications) en qualité d’ouvrier d’État de troisième catégorie, sous le statut de fonctionnaire. Il connaît plusieurs évolutions professionnelles au sein de WV Télécom et il devient notamment technicien supérieur des installations de télécommunications en 1977.

A partir de 1990, ses relations avec WV Télécom se détériorent. Il refuse en

1992 une fiche de poste car il veut rester technicien supérieur des installations de télécommunications et réclame le bénéfice de son statut de fonctionnaire. Il est plusieurs fois en arrêt maladie à partir de 1993 et jusqu’à 2007, à cause du stress au travail. Ses conditions de travail se dégradent (surcharge de travail) et ses relations avec ses supérieurs se tendent.

On lui offre, en 2002, le choix entre un départ en préretraite et une mutation à

Valenciennes, il choisit la deuxième proposition et estime subir un déclassement professionnel en plus d’un éloignement non désiré de son domicile.

Il finit par faire valoir ses droits à la retraite fin 2007, poussé par le stress et une pathologie dépressive.
M. GC s’était déjà constitué partie civile au cours de l’instruction avec l’aide

d’un conseil, le 23 avril 2010 (D273 et VI). A l’issue des investigations réalisées sur commission rogatoire de la DIPJ de Lille aux fins de préciser la date des agissements dénoncés dans la plainte (D1121 et V5), les magistrats, après avoir rappelé que l’information judiciaire portait sur des faits de harcèlement moral susceptibles de résulter des plans NEXT et ACT mis en place à compter de 2006 (D268), ont indiqué, dans une ordonnance d’irrecevabilité de cette constitution en date du 24 septembre

2012 (DV0008), que M. Y-FO GC dénonçait des faits VF se seraient déroulés au cours des années 1990, c’est-à-dire à une date largement antérieure à l’application des plans NEXT et ACT (D1125/2); « que les faits dénoncés par le plaignant ne rentrent pas dans le champ de la saisine de l’information judiciaire ».

Par des conclusions régulièrement déposées et visées, M. Y-FO GC se constitue à nouveau partie civile et demande au tribunal de condamner les prévenus à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
M. GC était en situation de travail effectif dans l’entreprise pendant une partie des deux années retenues par le tribunal, dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique entre septembre et décembre 2007 avant de demander sa mise à la retraite. Il a donc été exposé, comme les autres personnels en situation de travail dans la société, à la politique institutionnelle harcelante et en a subi les répercussions. Dès lors, le préjudice moral en relation directe et certaine avec l’infraction retenue par le tribunal sera parfaitement réparé par l’allocation d’une somme de WO 000 euros.

3-WO. M. BY FV
M. BY FV, né le […], a débuté son activité professionnelle au sein de la société WV Télécom en qualité de technicien sous le statut de fonctionnaire.

Il dit avoir subi des mutations forcées depuis 1997. Après une dépression en

2004, il a repris le travail en mi-temps thérapeutique en 2005. Il a alors souhaité opérer une reconversion professionnelle et a demandé un congé de formation pour préparer une licence de psychologie. Sa première demande, puis ses demandes de prolongation du congé sont plusieurs fois refusées, de façon injustifiée selon lui. Il a également eu des difficultés à obtenir la reconnaissance d’un accident du travail en

2006. Son état de santé se dégrade à cause du stress et des refus de réponse de sa hiérarchie à ses appels. Une enquête diligentée par la direction territoriale d’Ile-de

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WV sur sa déclaration de harcèlement moral conclut, en juillet 2008, à l’absence de harcèlement moral. Il est plusieurs fois placé en arrêt maladie. En novembre 2011, il tente de se suicider et est hospitalisé. Par la suite, il est toujours suivi médicalement et est placé en congé longue durée en 2012.
M. FV a déposé plainte le 15 mai 2009 pour dénoncer les faits qu’il qualifie de harcèlement moral. Sa plainte étant classée sans suite, il dépose une plainte avec constitution de partie civile le 2 avril 2010. Celle-ci est déclarée irrecevable dans un premier temps pour défaut de consignation. Après plusieurs demandes, sa constitution de partie civile a été déclarée irrecevable par les magistrats instructeurs le 20 février 2018 en l’absence de « relation directe entre les préjudices allégués par BY FV et les agissements commis dans le cadre de la politique d’entreprise mise en place dans le cadre des plans NEXT et ACT » (D4158).
M. FV a été longuement et à de multiples reprises auditionné par les enquêteurs agissant sur commission rogatoire (D734,735, 1747, et 1881- DV12/17). Et selon la conclusion d’une expertise psychiatrique en date du 21 août 2012 le concernant (DV12/77), il « existe un trouble délirant persécutif à type de délire paranoïaque passionnel, évoluant de façon chronique, nourri d’interprétations multiples, sans critique ni distance, VF envahit et isole le sujet. Ce trouble a évolué ces dernières années, et même si le HT de départ peut appartenir à la réalité, l’état actuel du sujet est en relation avec un trouble délirant ».

Dans son C auquel il a joint deux tomes de pièces, ainsi qu’à l’audience du 24 juin 2019 au cours de laquelle il a été entendu, M. FV a renouvelé sa constitution de partie civile et a demandé au tribunal de condamner les prévenus à lui verser la somme de deux millions d’euros à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudices confondus et 17 000 euros de frais d’avocat.

Là encore, il s’avère que M. FV était en situation de travail effectif par intermittence au cours des deux années retenues par le tribunal. Il a donc été exposé, comme les autres personnels en situation de travail dans la société, à la politique institutionnelle harcelante et en a subi les répercussions. Dès lors, le préjudice moral en relation directe et certaine avec l’infraction retenue par le tribunal sera parfaitement réparé par l’allocation d’une somme de WO 000 euros, et de 1 500 euros au titre de

l’article 475-1 du code de procédure pénale, et débouté pour le surplus.

3-11. Les autres constitutions de partie civile de personnes physiques postérieures à l’ordonnance de renvoi

Se sont constituées partie civile quelques jours avant l’ouverture des débats

118 personnes physiques, toutes représentées ou assistées puisque six d’entre elles

-

ont été entendues à l'audience par les mêmes conseils, à savoir le cabinet

IF et JX.

Ce dernier a régulièrement déposé et soutenu des conclusions communes comportant l’exposé des 118 situations individuelles et sollicitant des demandes identiques pour chacune d’entre elles : la somme de WO 000 euros de dommages-intérêt en réparation de leur préjudice moral respectif, la somme de 1 500 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale, ainsi que l’exécution provisoire. Il y a lieu de signaler que la situation et les demandes du Syndicat National des Professionnels de la santé au Travail (SNPST), également évoquée dans ces écritures, seront évoquées avec celles des personnes morales.

Il convient, au préalable, de rappeler que l’exception d’irrecevabilité soulevée par les prévenus concernant ces constitutions, et notamment celles de M. GD

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31 ème Ch.

GE, M. JB KZ, M. Y-QL WF (D3706), Mme

LM (D3730), M. AF LL, au motif de rejets implicites ou explicites rendus par les magistrats instructeurs, a été écartée pour les motifs développés ci-avant (cf. I).

Sur le fond, l’examen des pièces jointes aux conclusions a permis au tribunal d’établir que ces 118 personnes étaient en situation de travail effectif au sein de la société WV Télécom au cours de tout ou partie de la période de prévention finalement retenue. Les personnes suivantes seront donc déclarées recevables en leur constitution Mme KJ KI, M. JB BP, Mme

HO CC, Mme R-WV HF, M. GD MQ, Mme GF

GG, M. HQ IH, Mme EU KK, Mme UO UP

GH, M. FL KL, M. Y-FL WQ, Mme GI

AY, Mme KN KM, M. HQ HP, M. A MR, M. DV KO, M. MT MS, M. KQ KP, M.

II IJ, Mme KS KR, M. MV MU, M. AR MW, M. DV KT, M. GD GE, Mme R-HK WI,
M. HC KU, M. DV MX, M. MZ MY, Mme R-HW

GJ, M. Y-BO WW, M. DV KV, M. Y-EQ

GK, Mme DJ KW, M. KA KX, Mme GL

GM, M. HK DE VA, M. Y-QL WF, M. CM DE IK, Mme JW KY, M. JB KZ, M. DV LA, M.

JB LD, Mme NB NA, Mme ND NC, Mme GN

GO, Mme AA LE, M. DQ NE, Mme LG LF,
Mme HR LH, M. AD LI, M. CJ NG, M.

HC NF, M. HQ LJ, M. HG WX-WY, M. GP

GQ, Mme BW LK, Mme R-HW UQ, M. DX

GR, M. AF LL, Mme LN LM, M. GS

GT, Mme GN NJ, M. LR LQ, Mme GU

GV, M. O LS, M. LU LT, M. HS LE

GW, M. MT VM, M. Y-HK WJ, Mme R-IB

GX, M. AD NK, Mme CK HX, Mme

NM NL, M. O LV, M. JB NN, M. GY

GZ, Mme KE LW, M. CE NO, M. HA

HB, M. HZ HY, Mme R-UR IW, M. AD LX,
M. Y-BO WZ, Mme AA AB, Mme HW LY, M. O

HC, M. Y-DQ WU, M. CM NP, M. HC IM, M. HG LZ, Mme GN MA, M. HS MB, M.

AD IA, M. HQ MC, Mme MD HT, M. HN ME,
M. Y-BO WR, M. MH MG, M. IN IO, M.

HQ MI, Mme MK MJ, M. BY NQ, Mme NS NR, M. Y-DQ WK, M. FO NT, M. NV NU, M. HD

HE, M. NX NW, Mme HV HU, Madame IP-R NY agissant en qualité d’ayant droit de son fils NZ NY, M. MM ML, Mme R-WL WM, M. OB OA, Mme IB OC,
Mme KE MN, M. AV OD, M. Y-BO VH VI, M.

HC MO.

Ces personnes allèguent toutes d’un préjudice moral, fondé sur des dommages dont la nature ou la teneur sont développées dans les écritures ou ont été exposées à

l’audience par M. JB BP le 9 mai 2019, par Mme HO CC le

14 mai, par Mme LN LM le 25 juin, par Mme AA AB le 27 juin, et enfin par M™ KI et M. LE GW le 28 juin 2019.

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Il s’avère qu’elles justifient toutes d’un préjudice personnel directement provoqué par la politique de l’entreprise WV Télécom VF avait pour objet de dégrader les conditions de travail afin de provoquer des départs et/ou des mobilités forcées, et VF a eu pour répercussion de créer un climat de travail anxiogène. En effet, elles ont vécu personnellement des mutations fonctionnelles ou géographiques contraintes au cours des années 2007 et 2008 telles M. HF, M.

II IJ, Mme KS KR, Mme JW KY, Mme AA LE, Mme HR LH, M. AF UT, et M. HG

LZ, ou ont été confrontées à des situations particulièrement difficiles liées au suicide et tentative de suicide de leurs collègues de travail, telles M. GD GE

(D1427) concernant Mme DL, M. Y-QL WF (D2364) concernant M.

D, M. JB KZ (D1397) concernant M. PN AE, M.

GP GQ concernant M. Y-FL AF.

Ces victimes ont donc toutes été exposés, sous des formes diverses, comme les autres personnels comme elles en situation de travail dans l’entreprise WV Télécom, à la politique institutionnelle harcelante et en ont subi les répercussions.

En conséquence, il sera fait droit à leur demande d’indemnisation de leur préjudice moral et alloué la somme de WO 000 euros de dommages-intérêts pour réparation intégrale de leur préjudice.

IV – Les constitutions de partie civile de personnes morales

Un certain nombre de personnes morales se sont constituées partie civile au cours de l’information, ouverte suite à la plainte du syndicat SUD PTT. Elles ont ceuvré, tout au long de cette information mais aussi au fil des audiences, notamment par le nombre et la compétence des témoins qu’elles ont fait citer, pour mettre en lumière les agissements des prévenus et soutenir des victimes ou parties civiles.

Seront successivement abordées les constitutions de partie civile des syndicats

(1), puis celles des autres personnes morales (2).

1- Les constitutions de partie civile des dix syndicats

Huit syndicats se sont constitués partie civile au cours de l’instruction, et deux lors du procès. Et excepté le syndicat CGT des salariés activités postales du Doubs, ni assisté, ni représenté aux audiences et dont il conviendra de constater le désistement présumé, les neuf autres ont maintenu ou formalisé leur constitution de partie civile par des conclusions régulièrement déposées et visées à l’audience. Seront donc examinés la qualité et l’intérêt à agir de ces neuf syndicats.

S’agissant des syndicats, la Cour de cassation leur a reconnu depuis longtemps le droit d’agir (Cass. ch. réunies, 5 avr. 1913), solution consacrée par l’article 5 de la loi du 12 mars 1920 et reprise aujourd’hui par l’article L. 2132-3 du code du travail : les syndicats peuvent, en vertu des dispositions de cet article, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent, lequel est à distinguer du préjudice social, dénoncé par le Procureur de la République, et du préjudice individuel subi par la victime directe, membre de la profession défendue.

Concernant la qualité à agir, l’article L. 2132-1 du code du travail dispose que les syndicats professionnels sont dotés de la personnalité civile. En l’espèce, et après examen des statuts, tous les syndicats remplissent cette condition.

Concernant l’intérêt à agir et la recevabilité de leur constitution de partie civile, les syndicats sont recevables en matière de blessures ou d’homicide involontaire

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31eme Ch.

(Crim., 3 dec. 1981, B323), mais aussi pour toute infraction susceptib le de compromettre la sécurité des salariés et de causer ainsi un préjudice aux intérêts collectifs des professions représentées par les syndicats sans qu’il soit nécessa ire qu’un des salariés représentés par ces syndicats ait subi un préjudice direct et pers onnel (Crim., 11 oct. 2005, n° 05-82414 JurisData n° 2005-030420; JCP S 2006, 1 166, comm. A. Martinon; D. 2005, inf. rap. p. 2822).

En l’occurrence, et comme déjà jugé (Crim., 15 mars 2011, n° 09-88627), le bien-fondé d’un constitution de partie civile d’une organisation syndicale en cas de harcèlement moral est incontestable. En effet, il n’est pas possible de considérer que les pratiques VF portent atteinte à la dignité d’un salarié ne mettent en jeu, et en cause, que ses intérêts individuels. Dans le présent dossier, les faits de harcèlement moral ont duré plusieurs années dans l’entreprise WV Télécom et ont concerné toute la collectivité de ses employés : ils ont gravement porté atteinte à l’intérêt collectif de la profession que les syndicats représentent. Car il n’est pas inutile de rappeler que l’enquête a débuté suite à la plainte déposée par le syndicat SUD PTT en décembre 2009; que ce dernier s’était associé, deux ans plus tôt, avec le syndicat CFE-CGC Orange pour créer l’ Observatoire du stress et des mobilités forcés afin de tenter de contrecarrer l’action des dirigeants ; que cette action a permis de sensibiliser les médias sur les graves difficultés vécues au sein de l’entreprise ; que cette exposition médiatique, comme l’attestent de nombreux articles dans le dossier ou versés aux débats par les syndicats (tel un article publié dans Le Monde le 26 septembre 2009, co-signé par M. A PY, en qualité de porte-parole national de l’union syndicale Solidaires, sur les souffrances endurées au

travail commencer par la crise sociale de WV Télécom -D3180/176), a contribué à mener la Direction à suspendre certaines mesures VF alimentaient le climat anxiogène.

En outre, il est intéressant de relever que M. AO a déclaré à la presse, le 24 septembre 2009 que « cette affaire a été montée en épingle par les médias, instrumentalisée par les syndicats avant les élections au conseil d’administration le 15 novembre prochain » (article du Nouvel Obs du 24 septembre 2009, pièce n°15 de la F3C-CFDT). Cette interprétation de la situation de crise et de l’action des organisations syndicales démontre la volonté de la direction de WV Télécom de reporter sa responsabilité sur les syndicats, position que semble avoir renouvelée M. HH lors de son audition comme témoin à l’audience du 7 juin 2019, en indiquant que « nous étions dans un dialogue VF ne fonctionnait pas » (NA page 46). Enfin,les nombreuses pièces du dossier et celles jointes aux conclusions (communiqués de presse, déclarations communes, préavis de grève, courriers adressés directement aux dirigeants, etc) révélant le temps consacré à la dénonciation des faits de harcèlement moral ont été confortées par les dépositions à l’audience de M. JB BP, VF avait été également entendu par les magistrats instructeurs, et de
Mme HO CC pour le syndicat SUD PTT (9 et 14 mai), de Mme HI-VO pour le syndicat F3C CFDT le 14 mai, de M. Y-HK M pour le syndicat CFTC le 16 mai, de M. PX BZ pour le syndicat CFE-CGC le 29 mai, de M. A PY pour l’Union syndicale Solidaires et de M. HJ pour l’UNSA à

l’audience du 28 juin, mais aussi celles de M. PK UU devenu adhérent à la CFDT le 21 mai, et de Mme PW BT au sujet de l’ Observatoire du stress et des mobilités forcées le 1er juillet 2019 et de certaines parties civiles VF ont témoigné des actions des membres de ces syndicats.

L’ensemble a permis au tribunal de mesurer l’ampleur de la mobilisation et de l’investissement pour lutter contre la souffrance au travail et améliorer l’organisation du travail en lien direct avec les plans NEXT et ACT, comme le soutien apporté au plus près des employés de l’entreprise pendant de longs mois. Ces auditions ont été

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également des moments au cours desquels furent évoqués les freins mis par la

Direction à leurs actions VF auraient dû permettre au corps social de réguler les conséquences humaines des changements et d’anticiper les impacts sur la santé des agents et des salariés.

Quant à la constitution de partie civile du Syndicat National des Professionnels de la Santé au Travail (SNPST), l’examen des pièces établit qu’il a notamment pour objet social: «[…] d’étudier, de représenter et de défendre l’indépendance, les droits, les intérêts moraux et matériels des professions de la Santé au travail et de ceux VF les exercent ou veulent l’exercer et plus particulièrement de ses adhérents. Ces actions se situent au plan individuel comme au plan collectif […]» (pièce n° 69 Cabinet IF et JX).

Et par délibération en date du 8 octobre 2016, le Bureau du SNPST a entendu se constituer partie civile en ces termes: […] Le SNPST considère en effet que les médecins comme les autres salariés de l’entreprise ont été soumis, dès 2006, à des atteintes délibérées de leurs conditions de travail visant à les déstabiliser, à aliéner leur indépendance et, fait aggravant, à les empêcher d’exercer leur mission de protection de la santé des salariés de l’entreprise. Dans une lettre adressée à EY AN le 21 décembre 2007, le SNPST avait dénoncé ces pratiques ainsi que les conséquences délétères prévisibles pour la santé des personnels VF se sont malheureusement révélées exactes. Le bureau National du SNPST mandate le Dr AD JE, membre de son organisation, pour le représenter dans cette procédure judiciaire et assurer le suivi de ce dossier[…] » (pièce n°68).

En effet, dès le 21 décembre 2007, le SNPST adressait un C visant à alerter M. AN sur les « graves dysfonctionnements » du service de santé au travail de WV Télécom (pièce n°70). Ce C faisait notamment état des pressions subies par certains médecins du travail obligés à participer aux cellules d’écoute et de médiation, alors qu’ils estimaient qu’il existait des incompatibilités déontologiques et réglementaires avec leur statut. Le SNPST visait également des atteintes à l’indépendance des médecins du travail.

A l’évidence, les faits reprochés aux prévenus ont causé un préjudice à l’ensemble des professionnels de la santé au travail dont les droits et intérêts sont défendus le SNPST.

En conséquence, il y a lieu, après examen des pièces justificatives, de déclarer recevables les constitutions de partie civile des neuf syndicats suivants : la Fédération

CFTC des postes et télécommunications (D373) représentée par sa Présidente en exercice, Mme ID UV, la Fédération CGT des activités postales et de télécommunication représentée par son Secrétaire général en exercice, M. AD UW (D381/2), la Fédération Communication, Conseil, Culture (ou F3C

CFDT) représentée par son Secrétaire général, M. IX IW (D277/27), la

Fédération syndicale Force ouvrière de la communication (D276), la Fédération syndicale SUD des activités postales et télécommunications représentée par M JB BP (délibérations du Bureau Fédéral des 9 décembre 2009 et 8 avril 2010

(D2, D), le syndicat CFE-CGC WV TELECOM ORANGE, le Syndicat national des professionnels de la Santé au travail (SNPST), l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA ORANGE) représentée par son Secrétaire général, M. HK

HJ (D287/24), et l’Union syndicale Solidaires.

En outre, leur seront allouées en réparation intégrale de leur(s) préjudice(s), à titre de dommages-intérêts, les sommes mentionnées au tableau n° 2 joint au dispositif. Conformément aux demandes de huit de ces syndicats, les huit prévenus seront solidairement condamnés à leur verser ces sommes. S’agissant du Syndicat

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31 ème Ch.

CFE-CGC WV Télécom Orange, la société WV Télécom devenue ORANGE SA sera condamnée à lui verser la somme d’un euro tandis que les sept autres prévenus seront solidairement condamnés à lui verser la somme de 46 984,28 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice moral.

2- Les constitutions de partie civile des autres personnes morales

Au cours de l’instruction, deux associations se sont constituées partie civile, une troisième se constituant devant le tribunal correctionnel. Par ailleurs, les magistrats instructeurs ayant été saisis par un réquisitoire supplétif en date du 25 novembre 2010, de faits d’entrave au fonctionnement du Comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail de l’unité d’intervention Affaires de Paris (ci-après

CHSCT de l’UIA de Paris), cette entité s’était également constituée partie civile au cours de l’instruction VF s’est conclue par un non-lieu de ce chef.

Pour mémoire, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que dans le silence des statuts, le président d’une association n’avait pas le pouvoir d’agir en justice en son nom (Cass. Ire civ., 19 nov. 2002: Bull. civ. 2002, I, n° 272; JCP G

2003, II, 10059, note L. Boré). Il doit, pour ce faire, être habilité à agir par l’assemblée générale. Au contraire, si les statuts l’habilitent à représenter en justice l’association, ce pouvoir emporte celui de décider d’agir en son nom (Cass. 2e civ., 1er déc. 1993: Bull. civ. 1993, II, n° 346).

2-1. L’Association d’aide aux victimes et aux organisations confrontées aux suicides et dépressions professionnels (ASD-Pro) Par conclusions régulièrement déposées et visées, l’Association d’aide aux victimes et aux organisations confrontées aux suicides et dépressions professionnels demande au tribunal de condamner solidairement la société WV Télécom et les sept personnes physiques prévenues à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral .

L’Association d’aide aux victimes et aux organisations confrontées aux suicides et dépressions professionnels (ASD-Pro) est valablement représentée par son président, M. FL UX, habilité par l’article 12 de ses statuts à la représenter en justice.

Certes, il s’agit d’une association régulièrement déclarée le 18 avril 2009 soit postérieurement aux faits poursuivis et elle ne relève pas d’une des catégories d’associations dont le droit à l’action civile pour la défense d’un intérêt collectif a été légalement aménagé par les articles 2-1 à 2-23 du code de procédure pénale. Cependant, outre qu’une association demeure recevable à se constituer partie civile sur le fondement de l’article 2 du code de procédure pénale même si sa recevabilité n’est pas prévue par un texte spécial, il s’avère que l’ASD-Pro se fixe comme objet social, selon ses statuts, d’aider les victimes dans l’obtention de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et d’œuvrer pour une plus grande visibilité du nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles liées aux risques psychosociaux.

Certes, l’association n’a pas joint, à ces conclusions, de justificatif relatif à la participation qu’elle évoque dans ses conclusions, au cours de la période de prévention, l’Observatoire du stress et des mobilités forcées, ni au fait qu’elle indique avoir reçu, depuis sa création, 36 sollicitations de membres du personnel de WV Télécom ou de leurs familles, dont 14 cas ont donné lieu à une reconnaissance

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du caractère professionnel de la maladie ou de l’accident. Cependant, l’audition de M. FL UX, à l’audience du 15 juillet 2019, a permis notamment au tribunal

d’établir l’existence d’un préjudice réel et personnel à l’association qu’il préside, découlant directement des faits condamnés (NA page 31).

En conséquence, l’Association d’aide aux victimes et aux organisations confrontées aux suicides et dépressions professionnels sera déclarée recevable en son action civile, et son préjudice réellement subi sera réparé dans son intégralité par l’allocation de la somme de WO 000 euros à titre de dommages-intérêts.

2-2. L’association Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés dite FNATH « association des accidentés de la vie »

Par conclusions régulièrement déposées et visées, l’association Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés demande au tribunal de condamner la société WV Télécom et les sept personnes physiques prévenues à lui verser la somme d’un euro symbolique à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

L’Association Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, association régulièrement déclarée le WO décembre 1920, est valablement représentée par sa présidente, Mme V UY, habilitée par l’article WP de ses statuts à la représenter en justice.

Certes, cette association ne relève pas d’une des catégories d’associations dont le droit à l’action civile pour la défense d’un intérêt collectif a été légalement aménagé par les articles 2-1 à 2-23 du code de procédure pénale. Cependant, outre qu’une association demeure recevable à se constituer partie civile sur le fondement de l’article 2 du code de procédure pénale même si sa recevabilité n’est pas prévue par un texte spécial, il s’avère que l’association dite FNATH Accidentés de la vie se fixe comme objet social, selon ses statuts, d'« oeuvrer, au plan national et européen, à l’amélioration du sort des accidentés de la vie (victimes

d’accidents du travail, de la route, de maladies professionnelles, de catastrophes naturelles ou industrielles, d’accidents médicaux ou domestiques, d’agressions ou d’actes de terrorisme…), ainsi que du sort de toutes personnes handicapées, invalides ou malades et leurs ayants droit '>.

Cependant, ni dans ses écritures, ni dans ses pièces, cette association n’allègue de préjudice personnel découlant directement des faits condamnés.

Or, l’allocation de dommages-intérêts a seulement pour objet de réparer tout le préjudice mais rien que le préjudice réel subi par une victime, y compris lorsqu’il s’agit

d’une personne morale, et ne saurait donc avoir pour raison principale, sinon exclusive, le financement des activités d’une association, aussi louables et utiles soient-elles.

Ainsi, l’Association Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés sera déclarée recevable en son action civile, mais elle sera déboutée de ses demandes.

2-3. Le Groupement FNATH association des accidentés de la vie du Doubs

Par conclusions régulièrement déposées et visées, le Groupement FNAH association des accidentés de la vie du Doubs demande au tribunal de condamner la société WV Télécom et les sept personnes physiques prévenues à lui verser la somme d’un euro symbolique à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

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31 ème Ch.

Le Groupement FNATH association des accidentés de la vie, groupement inter départemental DOUBS-JURA est adhérent de la Fédération nationale des Accidentés du Travail et Handicapés dite « FNATH, association des accidentés de la vie » déclarée le WO décembre 1920. Il est valablement représenté par sa présidente, Mme

IB UZ, habilitée par l’article 14 de ses statuts à le représenter en justice.

Il se fixe comme objet social, selon ses statuts, d’ « ceuvrer, au plan interdépartemental, à l’amélioration du sort des accidentés de la vie (victimes d’accidents du travail, de la route, de maladies professionnelles, de catastrophes naturelles ou industrielles, d’accidents médicaux ou domestiques, d’agressions ou d’actes de terrorisme…), ainsi que du sort de toutes personnes handicapées, invalides ou malades et leurs ayants droit »>.

Cependant, ni dans ses écritures, ni dans ses pièces, ce groupement n’allègue de préjudice personnel découlant directement des faits condamnés. Or, l’allocation de dommages-intérêts a seulement pour objet de réparer tout le préjudice mais rien que le préjudice réel subi par une victime, y compris lorsqu’il s’agit d’une personne morale, et ne saurait donc avoir pour raison principale, sinon exclusive, le financement des activités d’un groupement, aussi louables et utiles soient

elles.

Ainsi, le Groupement FNATH association des accidentés de la vie sera déclaré recevable en son action civile, mais il sera débouté de ses demandes.

2-4. Le Comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail de l’unité

d’intervention Affaires de Paris (CHSCT de l’UIA de Paris)

Par conclusions régulièrement déposées et visées, le Comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT) de l’unité d’intervention Affaires (UIA) de Paris demande au tribunal de condamner la société WV Télécom et les sept personnes physiques prévenues à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Si les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail institués par

l’article L. 236-1 (devenu L. 4611-1) du code du travail ont pour mission de contribuer

à la protection de la santé et de la sécurité des salariés de l’établissement, ainsi qu’à

l’amélioration de leurs conditions de travail et s’ils sont dotés, dans ce but, d’une faculté d’expression collective pour la défense des intérêts dont ils ont la charge, il n’en demeure pas moins que, pour se constituer partie civile en cours d’instruction, ils doivent justifier de la possibilité d’un préjudice direct et personnel découlant des infractions poursuivies comme l’exige l’article 2 du code de procédure pénale (Crim., 11 oct. 2005: JurisData n° 2005-030420 déjà cité). Pour qu’un représentant de CHSCT puisse exercer l’action civile du chef d’une infraction, il suffit qu’il justifie d’une délibération du comité régulièrement adoptée dans les formes prévues par les articles L. 4614-7 et L. 4614-8 du code du travail, il

n’est pas nécessaire que la délibération vise précisément ladite infraction (Crim., 28 oct. 2014, n° 14-81.853: JurisData n° 2014-025833; Dr. pén. 2015, chron. 9, n° 16, note M. HL [pour un délit d’entrave]).

En l’espèce, M. Y-XF HM représente valablement le CHSCT de I’UIA de Paris pour justifier d’une délibération en date du 11 février 2010 (D722/4).

Quant au bien-fondé de cette constitution, certes, les faits d’entrave au préjudice du CHSCT de l’UIA de Paris ont fait l’objet d’un non-lieu.

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Cependant, en raison d’une part du délit de harcèlement moral subi par la collectivité des employés de WV Télécom dont cette instance est une des représentantes locales, d’autre part de ses nombreuses initiatives et de démarches détaillées dans les conclusions, notamment en faveur de messieurs EY

AG et FQ AL, parties civiles dans la présente procédure VF étaient en poste dans le périmètre de l’UIA et VF ont tenté de se suicider respectivement les 5 novembre 2007 et 17 mars 2009, le CHSCT de l’UIA de Paris justifie d’un préjudice direct et personnel. Au vu des justifications produites et des explications fournies par M. HM à l’audience du 31 mai, le CHSCT de l’UIA de Paris sera déclaré recevable en sa constitution et son préjudice réellement subi sera réparé dans son intégralité par

l’allocation de la somme de WO 000 euros à titre de dommages-intérêts.

V. Sur les demandes au titre de l’exécution provisoire et de l’article 475-1 du code de procédure pénale 1- Sur l’exécution provisoire

La nécessité d’une indemnisation rapide du préjudice subi par les victimes, les faits condamnés remontant à plus de dix ans, justifie que soit ordonnée l’exécution provisoire des dispositions civiles du présent jugement pour celles VF l’ont sollicitée.

Cette précision sera donc mentionnée dans les deux tableaux joints au dispositif.

2- Sur les frais non recouvrables de l’article 475-1 du code de procédure pénale

Enfin, il est équitable que soit versée aux parties civiles VF en ont fait la demande, la somme mentionnée aux deux tableaux joints au dispositif, pour les dépenses qu’elles ont été contraintes d’engager et dont elles ont justifiées, afin de faire valoir leurs droits et VF ne sont ni payées par l’État, ni prises en charge par un assureur ou tout autre organisme.

Pour mémoire, la solidarité édictée par l’article 480-1 du code de procédure pénale n’est pas applicable au paiement des frais non recouvrables de l’article 475-1 du code de procédure pénale dont, en outre, seuls les eurs et complices sont tenus in solidum, ceci excluant toute contribution d’un assureur ou d’un tiers civilement responsable.

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31 ème Ch. PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement à l’encontre de la société WV Télécom SA devenue la société ORANGE SA, CJ

AP, EY AN, O-HK AO, CK AK divorcée L, IG-JB P, GI OS épouse

M et BY AS, prévenus,

à l’égard de l’ASSOCIATION D’AIDE AUX VICTIMES ET AUX

[…]

PROFESSIONNELS (l’ASD PRO), l’ASSOCIATION FEDERATION NATIONALE

DES ACCIDENTES DU TRAVAIL ET DES HANDICAPES (la FNATH), le CHSCT

DE L'UIA PARIS, la FEDERATION CFTC DES POSTES ET

TELECOMMUNICATIONS, la FEDERATION CGT DES ACTIVITES POSTALES

ET DE TELECOMMUNICATION, la FÉDÉRATION F3C CFDT, la FEDERATION

SYNDICALE FORCE OUVRIERE DE LA COMMUNICATION, la FEDERATION

SYNDICALE SUD DES ACTIVITES POSTALES ET TELECOMMUNICATIONS

(SUD PTT), le SYNDICAT CFE-CGC WV TELECOM ORANGE, le

SYNDICAT UNSA-WV TELECOM, I’UNION SYNDICALE SOLIDAIRES, le

SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DE LA SANTE AU TRAVAIL

(SNPST) et l’ASSOCIATION FEDERATION NATIONALE DES ACCIDENTES DU

TRAVAIL ET DES HANDICAPES DU DOUBS (la FNATH du Doubs – Jura),

W V, JF JG épouse B, C née JI IE, D CE, D née JJ JK,

E née D IB, D JL, FJ JM,

AC IG, F DX, DB ID R, DB

DH, AG EY, JP JQ, G née HN

HO, G JR, G JS, G

JT, G JU, FS-WS WT, JV DV, DT HS, I née JY JL, J Y BO, J née JZ FT, AH KA, AI Y-HS,

AI R-VE, DC KB, DC KC, FK KD,

K née CI KE, FI DH, AJ AR, FY

Y-HC, GB S, FV BY, parties civiles,

KI KJ, CC HO, GG GF, KK EU,

KL FL, WQ Y-FL, KM KN, HP

HQ, KO DV, KP KQ, IJ II,

KR KS, KT DV, GE GD, KU HC,

KV DV, KW DJ, KX KA, GM GL,

DE VA HK, KY JW, KZ JB, LA DV, LD JB, LE AA, LF LG, LH

HR, LI AD, LJ HQ, LK BW, LL AF, LM LN, GT GS, LQ LR,

GV GU, LS O, LT LU, LE GW

HS, GX R-IB, LV O, GZ GY,

LW KE, HB HA, LX AD, AB AA,

LY HW, HC O, WU Y-DQ, IM HC,

LZ HG, MA GN, MB HS, MC HQ, HT

MD, ME HN, WR Y-BO, MG MH,

IO IN, MI HQ, MJ MK, HE HD, HU

HV, ML MM, MN KE, MO HC,

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AE MP, BP JB, HF R-WV, MQ GD,

IH HQ, UP-GH UO, AY GI, MR A, MS MT, MU MV, MW AR, WI R-HK, MX DV, MY MZ, GJ R-HW, WW Y-BO,

GK Y-EQ, WF Y QL, DE IK CM, NA NB, NC ND, GO GN, NE DQ, NF HC,

NG CJ, WX-WY HG, GQ GP, UQ R

HW, GR DX, NJ GN, AF BW, AF

GS, WJ Y-HK, NK AD, VM MT, HX

CK, NL NM, NN JB, NO CE, HY

HZ, IW R-UR, WZ Y-BO, NP CM, IA

AD, NQ BY, NR NS, WK Y-DQ, NT FO,

NU NV, NW NX, NY IP-R agissant en qualité d’ayant droit de son fils NY NZ, WM R-WL, OA OB,

OC IB, OD AV, VH XA Y BO,

FX Y-KD, BJ-WH R, IB, FZ OF,

BF OE,

contradictoirement à l’égard de HG FW, Y-HC FY, AD

GA, JH DL, OH OG, KH FN et Y-FO GC, parties civiles, le présent jugement devant leur être signifié,

par défaut à l’égard du SYNDICAT CGT DES SALARIES ACTIVITES POSTALES

DOUBS, de KG KF, ID-R DB, CM

IC épouse H et II H, parties civiles.

SUR L’ACTION PUBLIQUE

- déclare Messieurs EY AN, O-HK AO, CJ AP ainsi que la société WV Télécom SA, COUPABLES de harcèlement moral du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008;

- relaxe Messieurs EY AN, O-HK AO, CJ AP ainsi que la société WV Télécom SA, pour le surplus de la période de prévention, soit du 1¹ janvier 2009 à fin 2010;

déclare M. IG-JB P WN de complicité de harcèlement moral du 1¹ janvier 2007 au 1 avril 2008;

- déclare Mme GI M WN de complicité de harcèlement moral du 1¹ janvier 2007 au 31 décembre 2008;

- déclare M. BY AS WN de complicité de harcèlement moral du

1* janvier 2007 au 5 mai 2008; relaxe M. BY AS et Mme GI M pour le surplus de la période de prévention, soit du 6 mai 2008 à fin 2010 pour le premier, et du 1¹ janvier 2009 à fin 2010 pour la seconde ;

- déclare Mme CK AK WN de complicité de harcèlement moral du 1¹ janvier 2007 à mars 2008;

condamne M. EY AN à la peine d’UN an d’emprisonnement dont

HUIT (8) mois avec sursis et à une peine d’amende délictuelle de 15 000 euros;

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31 ème Ch. condamne M. CJ AP à la peine d’UN an d’emprisonnement dont HUIT (8) mois avec sursis et à une peine d’amende délictuelle de 15 000 euros;

- condamne M. O-HK AO à la peine d’UN an d’emprisonnement dont HUIT (8) mois avec sursis et à une peine d’amende délictuelle de 15 000 euros;

- condamne M. IG-JB P à la peine de QUATRE (4) mois d’emprisonnement avec sursis et à une peine d’amende délictuelle de 5 000 euros;

condamne Mme GI M à la peine de QUATRE (4) mois d’emprisonnement avec sursis et à une peine d’amende délictuelle de 5 000 euros;

condamne M. BY AS à la peine de QUATRE (4) mois d’emprisonnement avec sursis et à une peine d’amende délictuelle de 5 000 euros;

condamne Mme CK AK à la peine de QUATRE (4) mois d’emprisonnement avec sursis et à une peine d’amende délictuelle de 5 000 euros;

- condamne la société WV Télécom devenue ORANGE SA à la peine d’amende délictuelle de 75 000 euros;

A titre de peine complémentaire, condamne les huit prévenus à la confiscation des scellés ;

Et aussitôt, la présidente, suite à ces condamnations assorties du sursis simple, a donné

l’avertissement, prévu à l’article 132-29 du code pénal, aux condamnés en les avisant que s’ils commettent une nouvelle infraction, ils pourront faire l’objet d’une condamnation VF sera susceptible d’entraîner l’exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu’elle encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-WO du code pénal.

En application de l’article 1018 A du code général des impôts, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 127 euros dont sont redevables les condamnés ;

Les condamnés sont informés qu’en cas de paiement du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où ils ont eu connaissance du jugement, ils bénéficient d’une diminution de 20% de la somme à payer.

SUR L’ACTION CIVILE

1- Rejette les exceptions d’irrecevabilité des constitutions de partie civile soulevées par tous les prévenus ;

2- Constate que M. KH FN n’a pas la qualité de partie civile devant la juridiction de jugement ;

3- Constate le désistement présumé de Mme KG KF, de Mme ID

R DB, de M. et Mme H et du syndicat CGT des salariés activités postales du Doubs ;

4- Déclare irrecevable la constitution de partie civile de M. AD GA;

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5- Déclare recevable la constitution de partie civile de M. Y-HC FY, de Mme OF FZ, de Mme KN DL, de M. OH OG, de M.

Y-BO J, de l’association Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés dite FNATH « association des accidentés de la vie » et du Groupement FNATH association des accidentés de la vie du Doubs, mais les déboute de leurs demandes, en l’absence de preuve suffisante entre celles-ci et les faits dont le tribunal est saisi;

6- Déclare recevables les constitutions de partie civiles des personnes physiques et morales mentionnées aux deux tableaux ci-après ;

7- Condamne solidairement Messieurs EY AN, O-HK AO,

CJ AP, IG-JB P, BY AS, Mesdames

CK AK et GI M ainsi que la société WV Télécom devenue ORANGE SA à verser les sommes indiquées dans les deuxième et troisième colonnes du tableau n° 1 à titre de dommages-intérêts aux personnes physiques parties civiles listées audit tableau en réparation de leur préjudice matériel et moral;

8- Condamne solidairement Messieurs EY AN, O-HK AO,

CJ AP, IG-JB P, BY AS, Mesdames

CK AK et GI M ainsi que la société WV Télécom devenue ORANGE SA à verser les sommes indiquées dans les deuxième et troisième colonnes du tableau n° 2 à titre de dommages-intérêts aux personnes morales parties civiles listées audit tableau en réparation de leur préjudice matériel et moral;

9- Condamne in solidum Messieurs EY AN, O-HK AO,

CJ AP, IG-JB P, BY AS, Mesdames

CK AK et GI M, ainsi que la société WV Télécom devenue ORANGE SA à verser la somme indiquée dans l’avant- dernière colonne des deux tableaux au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale aux parties civiles listées à ces deux tableaux ;

WO- Ordonne l’exécution provisoire des dispositions civiles du présent jugement pour les parties civiles VF l’ont sollicitée et ainsi que mentionné à la dernière colonne des deux tableaux ci-dessous ;

Tableau n° 1-Personnes physiques

PARTIES SOMMES ALLOUEES en EUROS CIVILES

Préjudice Préjudice Préjudice Art. 475-1 Ex.° matériel moral en moral CPP provi qualité à titre soire

d’héritier personnel

1 MP 45 000 € 15 000 € 15 000 € VF

AE

2 HG FW WO 000 €

3 Y-KD 45 000 € VF WO 000 €

FX

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PARTIES

CIVILES

IE

JI divorcée

C

JG B

JF

6 S

GB

7 CE

D

IB

D ép. E

JK

JJ ép.

D

JL WO D

11 VB FJ

IG DES 12 CHAMPS

DX WP F

14 JO VC

QUISSAU épouse

F

15 DH

DB

16 Rainer BF

17 R-IB

BJ ép. WH

18 BW

AF

19 GS

AF

37 Ch.

SOMMES ALLOUEES en EUROS

Préjudice Préjudice Préjudice Art. 475-1 Ex.° matériel moral en moral CPP provi qualité à titre soire d’héritier personnel

45 000,00 € WO 000 € OUI

45 000 € 15 000 € […]

45 000 € WO 000 € VF

15 000 € 5 000 € VF

15 000 € 5 000 € VF

45 000 €

15 000 € 5 000 € OUI

15 000 € 5 000 € VF

45 000 € […]

45 000 € WO 000 € VF

45 000 € 6 000 €

1 € 6 000 €

20 000,00 € 15 000 € 50 000 €

15 000 € 15 000 € VF

25 000 € 24 000 €

15 000 € 7 500 € OUI

15 000 € 7 500 € VF

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37

PARTIES SOMMES ALLOUEES en EUROS CIVILES

Ex.° Préjudice Préjudice Art. 475-1 Préjudice provi CPP moral en moral matériel soire à titre qualité d’héritier personnel

45 000 € […] EY LE

II

VF 45 000 € 15 000 € JQ

JP

OUI 30 000 € 22 000 € HO

HN veuve

VD

VRADOUX

22 000 € VF 30 000 € JR VD

VRADOUX

45 000,00 € VF 30 000 € 22 000 € JS VD

VRADOUX

22 000 € VF 30 000 € JT VD

VRADOUX

VF JU LOU 30 000 € 22 000 €

VRADOUX

WT MEN 15 000 € 30 000 € 21 190 €

NECHEZ

-WS

15 000 € VF DV JV 45 000 €

OUI 7 500 € 30 000 € HS DT

7 500 € VF JL 30 000 € 45 000 €

JY ép.

I

1 500 € WO 000 € OUI FT JZ ép. J

KA AH 45 000 € […]

15 000 € 15 000,00 € VF V

W

OUI 7 500 € 15 000 € Y-HS

AI 45 000 € 7 500 € OUI 15 000 € R-VE

AI

Y-FO GC WO 000 €

45 000 € 15 000 € VF KE

K divorcée

CI

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37eme Ch.

PARTIES

SOMMES ALLOUEES en EUROS CIVILES

Préjudice Préjudice Préjudice Art. 475-1 Ex.* matériel moral en moral

CPP provi qualité à titre soire d’héritier personnel 38 KB

30 000 € WO 000 € DC VF

45 000 € 39 KC

30 000 € WO 000 € DC VF

40 KD FK

45 000 € […] 41 BY WO 000 € FV 1 500

42 DH

FI 74 160 € OUI

43 AR AJ

45 000 € 15 000 € VF

Tableau n° 2 -Personnes morales

PARTIES CIVILES Préjudice Art.475-1 Ex.° moral CPP Fédération CFTC des postes et prov. 1 30 000 € 119 520 € télécommunications VF

(Me IU)

Fédération CGT des activités postales 2

30 000 € et de télécommunications 165 000€ VF

(Me CITTADINI)

Fédération communication conseil 3 30 000 € 155 000 € culture CFDT (F3C CFDT) (Me OUI

IV)

4 Fédération FO Communication 30 000 € 126 000 € (Me IY)

5 Fédération syndicale SUD PTT 40 000 € (Me IF) 560 880€ OUI

6 Syndicat national des professionnels 15 000€ de la Santé au travail (SNPST) 1 500€ OUI

Me IF)

Union nationale des syndicats 7 30 000 € 155 000 € autonomes (UNSA ORANGE) OUI

(Me IV)

Union syndicale Solidaires 8

20 000,00 € 15 000€ VF (Me IF)

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Association d’aide aux victimes et aux WO 000 € […] organisations confrontées aux suicides et dépressions professionnels

(Me IF)

Comité d’hygiène et de sécurité des WO 000 € OUI conditions de travail de l’unité WO d’intervention Affaires Pari

(Me ALVEREZ de SELDING)

11-Condamne la société WV Télécom devenue ORANGE SA à verser la somme de un euro au Syndicat CFE-CGC WV Télécom Orange et solidairement Messieurs EY AN, O-HK AO, CJ AP, IG

JB P, BY AS et Mesdames CK AK et

GI M à lui verser la somme de 46 984,28 euros en réparation de son préjudice matériel, la somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice moral, et les 8 prévenus in solidum à lui payer la somme de 244 075 euros au titre de l’article

475-1 du code de procédure pénale, l’exécution provisoire assortissant ces dispositions civiles;

12- Déclare recevable en leur constitution les 118 personnes suivantes : Mme KJ KI, M. JB BP, Mme HO CC,
Mme R-WV HF, M. GD MQ, Mme GF GG, M. HQ

IH, Mme EU KK, Mme UO UP-GH, M. FL KL, M. Y-FL WQ, Mme GI AY, Mme

KN KM, M. HQ HP, M. A MR, M. DV KO, M. MT MS, M. KQ KP, M. II

IJ,Mme KS KR, M. MV MU, M. AR MW, M. DV KT, M. GD GE, Mme R-HK WI,
M. HC KU, M. DV MX, M. MZ MY, Mme R-HW

GJ, M. Y-BO WW, M. DV KV, M. Y-EQ

GK, Mme DJ KW, M. KA KX, Mme GL

GM, M. HK DE VA, M. Y-QL WF, M. CM DE

IK, Mme JW KY, M. JB KZ, M. DV LA, M.

JB LD, Mme NB NA, Mme ND NC, Mme GN

GO, Mme AA LE, M. DQ NE, Mme LG LF,
Mme HR LH, M. AD LI, M. CJ NG, M.

HC NF, M. HQ LJ, M. HG WX-WY, M. GP GQ, Mme BW LK, Mme R-HW UQ, M. DX

GR, M. AF LL,Mme LN VG, M. GS

GT, Mme GN NJ, M. LR LQ, Mme GU

GV, M. O LS, M. LU LT, M. HS LE

GW, M. MT VM, M. Y-HK WJ, Mme R-IB

GX, M. AD NK, Mme CK HX, Mme

NM NL, M. O LV, M. JB NN, M. GY

GZ, Mme KE LW, M. CE NO, M. HA

HB, M. HZ HY, Mme R-UR IW, M. AD LX,
M. Y-BO WZ, Mme AA AB, Mme HW LY, M. O

HC, M. Y-DQ WU, M. CM NP, M. HC

IM, M. HG LZ, Mme GN MA, M. HS MB,
M. AD IA, M. HQ MC, Mme MD HT, M. HN ME, M. Y-BO WR, M. MH MG, M. IN

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31 ème Ch.

IO, M. HQ MI, Mme MK MJ, M. BY NQ, Mme NS NR, M. Y-DQ WK, M. FO NT, M. NV NU,
M. HD HE, M. NX NW, Mme HV HU,Madame IP

R NY, agissant en qualité d’ayant droit de son fils NZ NY, M. MM ML, Mme R-WL WM, M. OB OA, Mme

IB OC, Mme KE MN, M. AV OD, M. Y-BO

VH VI, M. HC MO

WP- Condamne solidairement Messieurs EY AN, O-HK AO,

CJ AP, IG-JB P, BY AS, Mesdames

CK AK et GI M ainsi que la société WV Télécom devenue ORANGE SA à verser à chacune de ces 118 personnes la somme de WO 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral;

14- Condamne in solidum Messieurs EY AN, O-HK AO,

CJ AP, IG-JB P, BY AS, Mesdames

CK AK et GI M, ainsi que la société WV Télécom devenue ORANGE SA à verser à chacune de ces 118 personnes la somme de 1 500 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

14- Ordonne l’exécution provisoire des dispositions civiles du présent jugement pour ces 118 parties civiles VF l’ont sollicitée ;

15- Déboute toutes les parties civiles du surplus de leurs demandes.

Informe les prévenus de la possibilité pour les parties civiles, non éligibles à la CIVI, de saisir le SARVI, s’ils ne procèdent pas au paiement des dommages-intérêts auxquels ils ont été condamnés dans le délai de deux mois à compter du jour où la décision est devenue définitive;

et le présent jugement ayant été signé par la présidente et la greffière.

LA GREFFIERE

8 LA PRESIDENTE

t

En conséquence, la République française mande ét onn cop n

à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite i t décision à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires

d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la présente décision a été signée par

Is directeur de greffe

JUDICIAIRE

L

A

N

U

20200505

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Tribunal correctionnel de Paris, 20 décembre 2019, n° 1