Tribunal correctionnel de Seine, 9 novembre 1962, n° 9999

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Sur la décision

Référence :
T. corr. Seine, 9 nov. 1962, n° 9999
Numéro(s) : 9999

Texte intégral

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE LA SEINE (12 Ch.), 9 novembre 1962.

1. TÉMOINS. – FAUX 'TÉMOIGNAGE. – ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DU DÉLIT. 2. FAUX

ET USAGE DE FAUX. – USAGE DE CERTIFICAT INEXACT.

Il n’est pas nécessaire, pour qu’une fausse déclaration soit punissable, qu’elle soit de nature à motiver à elle seule une procédure de divorce; il sut fit qu’elle ait pu desservir les intérêts de la plaignante en ayant une influence sur une décision de justice. Tel est le cas lorsque la déclaration, faite au cours d’une enquête en matière de divorce, ne tendait à rien moins qu’et discréditer la plaignante en la faisant passer pour une femme de conduite légère.

Dans ces conditions, il échet de constater la mauvaise foi du prévenu et son intention de nuire, et de le déclarer coupable du délit de faux témoignage. 20 Une fausse déclaration mentionnée dans une lettre qui devait remplacer un témoignage oral, doit être assimilée à une « attestations dont la fausseté est punissable en vertu de l’art. 161 C. pén. modifié, puisqu’elle vise à établir un fait matériel inexact.

L’incrimination prévue par ce texte tend à protéger toute déclaration écrite, quelle que soit sa forme, faite en faveur d’autrui dans un but probatoire, et dans laquelle une personne affirme avoir constaté un fait matériel quelconque.

Dès lors, foi doit être due à un pareil titre, et sa falsification ne peut s’apparenter à un simple mensonge écrit; sa fausseté intellectuelle ou matérielle relève de la répression propre aux faux, en étant toutefois assortie d’une sanction pénale spéciale.

Lorsqu’une lettre vise à suppléer un témoignage verbal sous la foi du serment, la déclaration qu’elle contient revêt de ce fait une force probante particulière•' elle doit être considérée comme un écrit destiné

à faire preuve et constitue dès lors une attestation dont le caractère mensonger est pénalement punissable.

Dame X… c. dame Y… et Z…

LE TRIBUNAL,

Attendu que les ci-après nommés sont poursuivis devant le tribunal correctionnel, sous la prévention :

1° dame Y… d’avoir à Paris, le 20 janvier 1959, fait un faux témoignage en matière civile, en affirmant faussement sous la foi du serment, devant le juge commis dans une enquête de divorce, que la dame X… avait dénudé sa poitrine en présence d’elle-même et du peintre Gabriel D…;

2° Z… d’avoir, à Paris, le 3 février 1959, fait usage sciemment d’un certificat inexact, en le remettant à un avoué pour qu’il soit versé dans une procédure de divorce; — délits prévus et réprimés par les art.

689 et 691 C. pr. pén., 161 complété par la loi du 27 août 1948 et 363 C. pén.; Attendu que le 28 mai

1959, la dame X… a porté plainte avec constitution de partie civile du chef de faux témoignage contre sa belle-soeur, la dame Y…, demeurant à Paris, en lui reprochant d’avoir faussement déclaré sous la foi du serment devant le juge enquêteur en matière de divorce, qu’elle avait en sa présence dévoilé sa poitrine au peintre D…, à l’occasion d’une visite qu’elle lui avait faite, avec elle, dans le courant de l’année

1954;

Attendu que la plaignante soutient qu’il s’agit d’une déclaration mensongère ne reposant sur aucun fondement, en dehors des dires de la prévenue, que l’artiste précité a, en effet, démenti formellement ce fait dans une lettre du 28 janvier 1959; Attendu que s’agissant d’apprécier la valeur du témoignage de la prévenue auquel est ainsi opposé un autre témoignage, il appartient au tribunal de rechercher à l’aide de tous autres éléments de preuve un critère de la sincérité respective de ceux-ci; Attendu qu’il convient à cet égard d’observer que la réaction du sieur D… a été particulièrement vive lorsqu’il apprit l’imputation de la scène précitée, qui était faite à la plaignante; qu’il protesta en effet véhémentement en présence

d’une dlle W… qui accompagnait cette dernière, lorsque celle-ci vint lui demander d’infirmer pareille accusation; Attendu que rien ne permet, d’autre part, de mettre en doute la véracité des dires du peintre



D…, dont la réputation est hors de tout soupçon de complaisance; que celui-ci a toujours maintenu formellement ses premières déclarations et qu’il n’a aucun intérêt à travestir la vérité;

Attendit que la déposition de la prévenue comporte, par contre, un caractère assez insolite; qu’elle a rapporté pour la première fois, au bout de plusieurs années, la scène qui aurait eu lieu en 1954, qu’elle

a été la seule à en parler et qu’il est pour le moins surprenant qu’elle n’en ait fait la confidence à quiconque; qu’elle l’invoque au cours d’une procédure de divorce, où elle semble intéressée à faire triompher la cause de son frère ;

Attendu qu’il convient enfin de remarquer que le sieur X… , mari de la plaignante, a cherché à le minimiser en accomplissant lui-même personnellement une démarche auprès du sieur D… pour en réduire l’importance ;

Attendu qu’il ressort de toutes ces circonstances un ensemble de présomptions grave précises et concordantes qui permettent au tribunal d’avoir l’intime conviction que la prévenue n’a pas dit la stricte vérité et qu’elle a cherché à nuire à sa belle sœur ; qu’il convient, en conséquence, de tenir le fait litigieux pour inexact ; qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’une telle imputation soit punissable, qu’elle soit de nature à motiver à elle seule une procédure de divorce, qu’il suffit qu’elle ait pu desservir les intérêts de la plaignante en ayant une influence sur une décision de justice ; que tel est le cas en l’espèce, puisqu’elle ne tendait à rien moins qu’à discréditer la dame X… en la faisant passer pour une femme de conduite légère ;

Attendu qu’il échet dans ces conditions de constater la mauvaise foi de la prévenue set son intention de nuire, et de ma déclarer coupable du délit de faux témoignage ;

Attendu que la prévention met en cause par ailleurs le sieur Z… et reproche à ce dernier d’avoir, le 3 février 1959, fait parvenir au juge enquêteur précité une lettre écrite de Londres le 22 janvier 1959 qui devait remplacer son témoignage oral et qui comportait, notamment le passage suivant : « … tout ceci est d’autant plus inconcevable que nous avons pu observer la conduite de sa femme avec le prince de

H… lors de son retour de vacances en France vers les USA à bord de l’Ile de France en 1952, où ma femme, aussi passagère à bord était choquée par leurs attitude et propos intimes… » ; qu’il est fait grief

à son auteur de s’être porté ainsi garant d’un fait inexact qu’il n’avait pas lui-même constaté ; qu’il est fait grief à son auteur de s’être porté ainsi garant d’un fait inexact qu’il n’avait pas lui-même constaté ; qu’il est apparu en effet, au cours de l’information, que le sieur Z… n’avait jamais pris passage sur ledit bateau ; que seule sa femme avait pu être témoin de ce fait ;

Attendu qu’en présence de cette impossibilité matérielle, ce dernier a argué de ce qu’il avait voulu

s’associer au témoignage de son épouse, sans vouloir faire prévaloir le sien; qu’il s’agissait d’une tournure de phrase épistolaire qui avait été mal comprise;

Attendu que cette explication ne peut être retenue en raison du sens formel donné à la phrase susvisée; qu’il apparait que le prévenu a nettement déclaré qu’il avait été lui-même directement le témoin do la scène; qu’il a entendu ajouter le poids de son témoignage à celui de sa femme; qu’il a agi ainsi avec une malignité manifeste dans le but de nuire à autrui, en rapportant un fait erroné;

Attendu qu’une telle déclaration mentionnée dans une lettre doit être assimilée à une u attestation » dont la fausseté est punissable en vertu de l’art. 161 C. pén., modifié par la loi du 27 août 1948, puisqu’elle vise à établir un fait matériel inexact; Attendu que l’incrimination prévue par ce texte tend à protéger toute déclaration écrite, quelle que soit sa forme faite en faveur d’autrui, dans un but probatoire et dans laquelle une personne affirme avoir constaté un fait matériel quelconque; que foi doit être due à un pareil titre; que sa falsification ne peut s’apparenter à un simple mensonge écrit; que sa fausseté intellectuelle ou matérielle relève de la répression propre aux faux en étant toutefois assortie d’une sanction pénale spéciale; Attendu que le document litigieux visait à suppléer un témoignage verbal sous la foi du serment; que la déclaration qu’il contenait revêtait de ce fait une force probante Pare: culière; qu’il doit


être considéré comme un écrit destiné à faire preuve; qu’il y a lieu en conséquence de dire et juger qu’il constitue une attestation dont le caractère mensonger est pénalement punissable;

Attendu que le prévenu n’est poursuivi que pour s’en ne servi en France, en raison de ce qu’une telle fabrication échappe à toute répression en Angleterre;

Attendu qu’il apparaît que ladite attestation a été utilisée par son auteur agissant avec la même intention de li« s »„ en parfaite connaissance de cause en l’avant adressée à tic; magistrat français, à Paris, le 3 février 1959; qu’il importe de retenir comme lieu du délit l’endroit où ce document devait produire effet; qu’il échet en conséquence de constater que le sieur Z… s’est rendu coupable du délit d’usage d’attestation inexacte sur le territoire national. Attendu que la dame X.,,, partie civile, réclame aux deux prévenus conjointement et solidairement une somme de 50.000 F à titre de dommages-intéréts:

Attendu que le tribunal estime devoir fixer à 250 F le montant de la réparation due par chacun d’eux pour le préjudice causé par les délits qu’ils ont respectivement commis; qu’il y a lieu de déclarer lesdits délits connexes et de prononcer de ce fait la solidarité;

Par ces motifs,

Le tribunal déclare les deux prévenus atteints et convaincus des délits qui leur sont reprochés;

Pour répression, les condamne chacun à 15 jours d’emprisonnement avec sursis et 500 F d’amende, et à, verser chacun conjointement et solidairement la somme de 250 F à titre de dommages-intérêts…

MM. X, prés.; Bouchery, subst. […], Toulouse et Cain, av.

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Tribunal correctionnel de Seine, 9 novembre 1962, n° 9999