Tribunal de grande instance de Bobigny, 5e chambre, 1re section, 26 février 2014, n° 13/01327

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

DE GRANDE INSTANCE

DE BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 26 FEVRIER 2014

Chambre 5/ section 1

AFFAIRE N° RG : 13/01327

N° de MINUTE :

DEMANDEUR

Madame C D

[…]

93170 Y

représentée par Me Eric AUDINEAU, avocat au barreau de PARIS,

vestiaire : D0502

C/

DEFENDEUR

Syndicat des copropriétaires DE L’IMMEUBLE SIS 140 […]

[…]

représenté par son syndic la Société SOREPHIMMO- […]

représentée par Me Aaron F, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0241

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur X, Magistrat, statuant en qualité de Juge Unique, conformément aux dispositions des articles 801 et suivants du Code de Procédure Civile, assisté aux débats de Mademoiselle YATERA, Faisant fonction de Greffier.

DÉBATS

Audience publique du 15 Janvier 2014.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique, par jugement CONTRADICTOIRE et en premier ressort, par Monsieur X, Magistrat, assisté de Mademoiselle YATERA, Faisant fonction de Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte d’huissier signifié le 30 novembre 2012 par dépôt à l’Etude, Mme C D a fait assigner le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-Sec à […] devant le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY aux fins qu’il :

— l’autorise à faire réaliser les travaux sur les parties communes selon la description de la 18e résolution de l’assemblée générale du 28 mars 2012,

— condamne le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-Sec à […] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— la dispense de toute participation à la dépense commune des frais de la présente procédure par application de l’article 10-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965,

— condamne le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 4.000 euros à titre d’indemnité de procédure, outre les entiers dépens. Le tout avec le bénéfice de l’exécution provisoire.

L’affaire a été enregistrée sous le n° RG 13-1327.

Par assignation du 22 avril 2013 tendant aux mêmes fins, Mme C D a rectifié l’erreur initialement commise sur le nom du défendeur, lequel était le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-sec à Y (93170) et non pas le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-Sec à […], assigné dans un premier temps à tort.

Le second acte a été valablement signifié au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-sec à Y (93170) et l’affaire a été enregistrée au greffe sous le n° RG 13-4456.

Lors de l’audience du 19 juin 2013, le Juge de la mise en état a joint les deux instances, l’affaire n’étant plus appelée que sous le seul n° RG 13-1327.

Suivant dernières conclusions notifiées par le RPVA le 19 novembre 2013, Mme C D maintient ses demandes initiales sans changement et fait valoir :

— qu’elle est propriétaire du lot n° 27 et des 20/1067èmes de la propriété du sol et des parties communes générales depuis le 26 novembre 2006 et dans l’acte, ses vendeurs ont déclaré que déjà les anciens propriétaires avaient fait installer d’une part l’eau et l’électricité après autorisation donnée par l’assemblée générale le 6 avril 2002 et d’autre part une petite porte ouvrant à l’intérieur à l’angle sur le côté latéral après autorisation donnée par l’assemblée générale le 5 avril 2003;

— que le règlement de copropriété définit son lot comme un “local à usage de remise” et elle a déposé une déclaration préalable de travaux le 26 avril 2007 afin de la transformer en local d’habitation, ce qui a été accepté le 17 août 2007;

— que dans sa résolution n° 13 votée le 24 juin 2008, l’assemblée générale a missionné un architecte pour que soient établies le respect des règles sanitaires en matière d’habitation et la conformité du lot 27 avec la destination de l’immeuble, lequel rapport lui a été extrêmement favorable en concluant que le lot n° 27 présentait toutes les caractéristiques d’un lot décent à usage d’habitation;

— qu’elle a fait poser à ses frais en 2008 une boîte aux lettres après le résultat concluant de l’expertise et c’est sans autorisation ni justification aucune que le syndicat des copropriétaires a entrepris de l’enlever en février 2012, après quatre ans, au motif que son lot serait désigné comme une “remise” dans le règlement de copropriété, ce qui lui interdirait de prétendre au bénéfice de l’article R 111-14-1 du Code de la construction et de l’habitation et de l’arrêté du 29 juin 1979 imposant que tout immeuble comporte autant de boîtes aux lettres que de logement;

— que l’assemblée générale ayant refusé le 28 mars 2012 de faire droit à sa demande d’installation d’une boîte aux lettres, lui impose de recourir à justice pour sauvegarder ses droits sur le fondement de l’article 30 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 renvoyant au refus d’autorisation prévue à l’article 25 b) pour les travaux financés exclusivement par le copropriétaire intéressé, affectant les parties communes de l’immeuble et/ou modifiant son aspect extérieur;

— que les travaux sollicités sont simples réaliser et respectent l’harmonie de l’immeuble puisqu’elle entend se conformer à la batterie existante;

— que le refus des travaux ne se comprend dès lors pas, sinon par l’hostilité manifeste du syndicat des copropriétaires à son encontre, qu’on peut constater dans la présentation condescendante qu’il a faite de son lot dans la résolution n° 18 de l’assemblée générale du 28 mars 2012, indûment qualifier de “remise” et se voyant indûment refuser le qualificatif de logement, alors qu’il est acquis qu’après les travaux dont elle a bénéficié, la remise s’est muée depuis longtemps déjà en logement décent, ce que le syndicat des copropriétaires sait parfaitement;

— que la décision prise à son encontre est à l’évidence partisane et ne repose sur aucun véritable motif d’intérêt général;

— que le syndicat des copropriétaires lui objecte qu’elle se serait appropriée indûment un droit à construire au détriment de la copropriété alors qu’il convient uniquement de rechercher si la transformation porte atteinte ou non à la destination de l’immeuble, ce qui n’est pas le cas en l’espèce;

— que l’usage des lots prévu dans le règlement de copropriété peut être modifié dès lors que leur configuration matérielle les rend apte à leur nouvel usage et que cette nouvelle affectation ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires, ce qui est le cas en l’espèce;

— que le syndicat des copropriétaires invoque à mauvais escient les articles 3 et 35 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 pour affirmer que le coefficient d’occupation des sols (ci-après C.O.S.) aurait été affecté par les travaux réalisés, alors que les articles cités ne concernent que la surélévation, ce qui n’est pas le cas d’espèce;

— que le C.O.S. n’a, quoi qu’en dise le syndicat des copropriétaires, aucunement été impacté par le changement de destination, qui n’a créé aucune surface de plancher nouvelle.

Lors de l’audience du 20 novembre 2013, le Juge de la mise en état a invité les parties à fournir des explications sur les 3 points suivants :

1° La copropriété disposait-elle encore de droits à construire avant le changement d’affectation de la remise en local à usage d’habitation à l’initiative de Mme C D,

2° Comment avait été comptabilisée la remise vis-à-vis du C.O.S., au moment de la construction, en justifiant de l’incidence sur le C.O.S. du changement d’affectation,

3° Justifier de la nécessité d’obtenir un permis de construire pour modifier une remise en local d’habitation, en considération des travaux mis en oeuvre par Mme C D pour changer ladite destination.

L’affaire a été renvoyée au 15 janvier 2014 pour clôture et plaidoiries.

Suivant conclusions signifiées le 15 janvier 2014, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-sec à Y (93170) demande au tribunal de :

— constater qu’aucun permis de construire n’a autorisé le changement de destination du lot n° 27,

— constater que les assemblées générales du 6 avril 2000 et du 5 avril 2003 se sont prononcées sur des autorisations de travaux qui ne portaient que sur les conditions de jouissance de la remise et n’ont jamais autorisé le changement de destination du lot 27,

— constater que Mme C D s’est appropriée les droits résiduels de construire, accessoires aux parties communes, appartenant au syndicat des copropriétaires,

— juger que le lot n° 27 constitue une remise et non un local à usage d’habitation, de sorte que Mme C D n’est pas fondée à prétendre à l’installation d’une boîte aux lettres, et ce d’autant qu’elle n’y habite pas,

— débouter Mme C D de l’ensemble de ses demandes,

— condamner Mme C D à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamner Mme C D aux entiers dépens, avec autorisation donnée à Maître E F de recouvrer directement ceux des dépens dont il a fait l’avance sur le fondement de l’article 699 du Code de procédure civile.

Et indique :

— que le lot 27 est décrit comme un local à usage de remise dans le règlement de copropriété ;

— que la remise est néanmoins à usage de garage;

— que Mme C D confond les conditions de jouissance de son lot, qui sont libres en vertu de l’article 8 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, avec la destination de son lot qui est définie par le règlement de copropriété ;

— que l’absence de délivrance de permis de construire pour le changement de destination à laquelle Mme C D a procédé la prive du droit de s’en prévaloir, en application de l’article L421-1 du Code de l’urbanisme qui s’applique de plein droit au présent litige;

— que les superficies des planchers aménagés pour le stationnement des véhicules n’entrent pas dans le calcul du C.O.S. et la remise-garage de Mme C D n’a donc pas été comptabilisé dans le C.O.S., à l’origine;

— que la surface déclarée par Mme C D s’élève à14,87 m2 SHON qui a ainsi été prélevée sur le C.O.S. résiduel de la copropriété;

— que si même la copropriété ne disposait plus d’aucun droit à construire résiduel, épuisé par la construction d’origine, alors le changement de destination serait de toute façon impossible au regard des règles de l’urbanisme, puisqu’alors Mme C D aurait étendu le C.O.S. au-delà des limites admissibles;

— que le droit à construire n’appartient qu’au syndicat des copropriétaires en vertu des articles 3 et 35 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

— que la Cour d’Appel de PARIS a déjà jugé qu’au regard de l’incertitude de la conformité de la nouvelle affectation avec le C.O.S., il convenait de débouter le copropriétaire de ses demandes portant sur son raccordement à l’interphone et d’installation d’une boîte aux lettres;

— que l’arrêté du 29 juin 1979 ne s’applique qu’à un logement et non pas à une remise;

— que la jurisprudence a toujours refusé l’installation de boîtes aux lettres pour les lots à usage de garage.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2014 puis mise en délibéré au 26 février 2014, date à laquelle la présente décision a été rendue

EXPOSE DES MOTIFS

1) Sur l’obstacle, allégué par le syndicat des copropriétaires, au changement de destination du lot numéro 27 tiré des règles de l’urbanisme

> Sur l’applicabilité de l’article L 421-1 du Code de l’urbanisme au cas d’espèce

L’article L 421-1 du Code de l’urbanisme prévoit que “Les construction, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire” mais ajoute qu'“un décret en Conseil d’Etat arrête la liste des travaux exécutés sur des constructions existantes ainsi que des changements de destination qui, en raison de leur nature ou de leur localisation, doivent également être précédés de la délivrance d’un tel permis”.

La soumission du changement de destination à la procédure du permis de construire ne va, en réalité, pas de soi, et, contrairement à ce que soutient le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble, il n’est jamais systématiquement nécessaire de solliciter un permis de construire pour la réaliser.

Dans ce cas, en effet, il convient de justifier qu’un “décret en Conseil d’Etat” a bien été pris, lequel est seul habilité à “arrêter la liste des (…) changements de destination qui, en raison de leur nature ou de leur localisation, doivent être précédés de la délivrance d’un tel permis”.

Le permis de construire constitue, ainsi, l’exception pour les changements de destination et la liberté est la règle lorsque la nature et la localisation du changement de destination ne rentrent pas dans des catégories spécifiques arrêtées par décret.

En l’espèce, le Syndicat des copropriétaires ne justifie pas qu’un Décret pris en Conseil d’Etat contraindrait, dans le cas qui nous occupe, Mme C D à déposer un permis de construire pour opérer le changement de la destination à laquelle elle a procédé sur sa remise, moyennant une simple modification de façade, pour les travaux “extérieurs”, et, pour la partie intérieure, la réalisation de travaux d’aménagements et de raccordement visant exclusivement à rendre les lieux aptes à l’habitabilité, avec la mise en place de pièces d’aisance et d’une cuisine.

Ni la nature des travaux ni leur localisation ne justifiaient, d’évidence, la nécessité de soumettre les travaux de changement de destination réalisés par Mme C D à la procédure dérogatoire de permis de construire, au cas d’espèce.

Mme C D n’a, notamment, pas affouillé les sols dans une réserve naturelle et n’était pas davantage susceptible de porter atteinte à des intérêts archéologiques avec les techniques mises en oeuvre pour modifier la destination de sa remise,ce qui ne faisait pas rentrer les travaux réalisés dans le périmètre des décrets d’application de l’article L421-1 du code de l’urbanisme.

Le décret du 25 novembre 1977 notamment impose le permis de construire avant toute modification de l’aspect d’une réserve naturelle ou de destruction et les décrets du 16 janvier 2002 et du 03 juin 2004 exige également un permis de construire pour les seuls travaux qui affectent le patrimoine archéologique.

Les décrets d’application de l’article L 421-1 du Code de l’urbanisme mettent ainsi en pratique, à chaque fois, la formule prévue à l’article L 421-1 : “en raison de leur nature ou de leur localisation”, qui resterait, sans cela, inapplicable car bien trop générale et imprécise.

Il faut donc, et la loi l’impose, qu’un décret détaille les travaux, qui, normalement, ne relèveraient pas de la soumission au permis de construire, mais qui, par exception, vont y être soumis, compte tenu d’une nature et/ou d’une localisation explicitées par décret.

En l’absence d’un décret justifié, il n’y a donc aucun travaux portant exclusivement sur un changement de destination qui puisse être soumis à la procédure de permis de construire, du seul chef de l’article L421-1 du Code de l’Urbanisme, texte qui ne se suffit pas à lui-même.

Le syndicat des copropriétaires ne justifie pas de l’existence du décret d’application pris en Conseil d’Etat qui pourrait concerner le présent litige.

Le texte de l’article L421-1 du Code de l’Urbanisme, invoqué seul par le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-sec à Y (93170), sans aucune précision sur le texte du décret qui serait opposable à Mme C D, l’a donc été à mauvais escient puisque, à lui seul, ce texte, trop général, ne pouvait être à l’origine d’aucune contrainte pour la requérante.

Le moyen soulevé sera donc écarté.

> Sur la validité du recours à la procédure de déclaration de travaux en l’espèce

La déclaration de travaux déposée par Mme C D a été acceptée par M. Le Maire de Y le 17 août 2012, au visa des articles L 422-1 et suivants et R422-1 et suivants du Code de l’Urbanisme notamment.

Il est donc établi que la voie choisie par Mme C D était la bonne et que les travaux décrits dans sa déclaration de travaux, compte tenu du “POS approuvé le 20 avril 1989 mis à jour le 1er janvier 1995 et modifié le 25 juin 1997", ne nécessitaient aucun permis de construire, ce qu’on sait déjà (voir supra).

Le local concerné par le changement de destination est une remise disposant d’une SHOB (surface hors d’oeuvre brute) de 15,66 m2 et d’une SHON (surface hors d’oeuvre nette) de 14,87 m2 et Mme C D n’a effectué aucune construction nouvelle.

C’est donc à juste titre, dès lors, qu’elle n’a pas coché la case “construction créant une SHOB n’excédant pas 20 m2", laquelle, d’ailleurs, aurait été également exemptée de tout permis de construire.

On doit souligner, à ce titre, que si, déjà, une véritable construction nouvelle inférieure à 20 m2 est exemptée de permis de construire, on ne voit pas comment la simple amélioration de l’existant, présentant lui-même une superficie inférieure à 20 m2, aurait pu être soumise à la procédure de permis de construire.

Par un raisonnement à fortiori, la simple modification d’une surface déjà construite inférieure à 20 m2, ne peut pas se voir exiger un formalisme plus important que pour la construction ex nihilo d’une nouveau bâtiment, exemptée elle-même de permis de construire dès lors que la surface à construire est inférieure à 20 m2.

La petitesse du chantier soumis par Mme C D à la Mairie de Y, et le peu d’importance des travaux à réaliser, consistant essentiellement en des travaux d’aménagement intérieurs, justifiaient donc le recours à la déclaration de travaux.

Mme C D a, ainsi, compte tenu des travaux projetés qui ne consistaient pas en une “construction nouvelle”, valablement renseigné la seule rubrique “modification de l’aspect extérieur d’une construction existante : façade”, en précisant son intention de poser un “volet roulant beige” et en ajoutant, de bonne foi, le motif de sa demande qui était “aménagement d’une remise en habitation”.

La seule modification de la façade de la remise justifiait, au cas d’espèce, parfaitement le recours, par Mme C D, à la simple déclaration de travaux.

Il n’y a donc rien à redire à la voie choisie par Mme C D en l’espèce.

> Sur l’atteinte au Coefficient d’occupation des sols (C.O.S.) détenue par le syndicat des copropriétaires

Le Juge de la mise en état avait sollicité, le 20 novembre 2013, que la démonstration soit faite que la copropriété n’était déjà pas au maximum de son droit à construire avant le changement de destination effectué par Mme C D.

Cette demande visait à savoir si le syndicat des copropriétaires disposait encore d’un droit à construire, avant ledit changement de destination, auquel il aurait pu être porté atteinte.

Le syndicat des copropriétaires n’a pas justifié de cet élément, essentiel, dans le délai de presque deux mois imparti à cette fin entre le 20 novembre 2013 et le 15 janvier 2014, date de la clôture, et ne fait donc aucunement la démonstration du préjudice dont il souffrirait par l’effet du changement de destination du lot n° 27 qu’il conteste.

Compte tenu de la carence du syndicat des copropriétaires, on doit conclure qu’il ne bénéficiait, en réalité, déjà plus d’aucun C.O.S. disponible pour agrandir lui-même l’immeuble, avant les travaux contestés.

Mme C D n’a donc pas porté atteinte à de quelconques potentialités d’extension existantes, au détriment du syndicat des copropriétaires.

> Sur la violation par Mme C D des articles 3 et 35 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965

Le syndicat des copropriétaires invoque l’article 3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 pour s’opposer à la demande de Mme C D mais ce texte n’intègre dans les parties communes que “le droit de surélever un bâtiment ou d’en affouiller le sol” ; “le droit d’édifier des bâtiments nouveaux dans des cours, parcs ou jardins constituant des parties communes” ; “le droit d’affouiller de tels cours, parcs ou jardins”.

M. Z s’est rendu dans la remise transformée en local à usage d’habitation par Mme C D à la demande du syndicat des copropriétaires et a constaté exclusivement la présence d’équipements intérieurs de nature à rendre habitable ladite remise, du type cuisine, WC et salle de bains, mais n’a relevé aucune surélévation, aucune édification nouvelle et aucun affouillage des sols.

Mme C D n’a donc fait qu’aménager l’existant et n’a pas réalisé de constructions nouvelles, du type surélévation ou réalisation de bâtiments nouveaux.

Mme C D n’a donc pas manqué à l’article 3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et n’a pas pris du C.O.S. via une quelconque construction nouvelle.

L’article 35 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 est pareillement dépourvu de toute pertinence puisque ce texte ne concerne que “la surélévation ou la construction de bâtiments aux fins de créer de nouveaux locaux à usage privatifs” “par le syndicat” et qu’aucune de ces conditions sont remplies puisque Mme C D n’est pas le syndicat et qu’elle n’a ni opéré de surélévation ni réalisé de nouvelles constructions.

Les moyens soulevés par le syndicat des copropriétaires de ces chefs seront donc écartés.

> Sur l’allégation du placement dans l’illégalité dont souffrirait le syndicat des copropriétaires par l’effet des travaux réalisés par Mme C D au-delà du seuil de son C.O.S. autorisé

Le syndicat des copropriétaires n’a pas pu prouver l’atteinte portée par Mme C D à son C.O.S. disponible mais, en partant désormais du postulat inverse, il présume qu’il n’en détiendrait en réalité plus aucun et soutient, en conséquence, que le changement de destination du lot 27 le placerait dans l’illégalité par l’effet de travaux réalisés au-delà d’un seuil maximum de C.O.S. déjà atteint.

Les motivations successives et contradictoires du syndicat des copropriétaires sur son propre C.O.S. démontrent en réalité qu’il est peu au fait de la teneur de ce dernier et ignore même s’il en resterait de disponible ou non sur l’assise de la copropriété.

Le syndicat des copropriétaires soutient donc que Mme C D, avec le changement de destination de sa remise, a étendu l’assiette du SHON. comptabilisé jusque là, et a donc, potentiellement, placé la copropriété en dépassement par rapport au seuil de son propre droit à construire, déjà à son maximum avant même le changement de destination entrepris.

Ce grief doit toutefois, d’emblée, être relativisé puisque le Maire de la Commune a donné l’autorisation de travaux requise par Mme C D alors qu’il était parfaitement au fait du plan d’occupation des sols et de l’emprise déjà existante de l’immeuble.

On ne voit dès lors pas quelle illégalité pourrait être caractérisée, sachant qu’à l’issue de la déclaration de travaux exhaustive et précise faite par Mme C D, qui n’a rien caché, l’autorisation idoine a été obtenue.

En outre et surtout, il ressort de l’analyse des travaux réalisés par Mme C D qu’elle n’a créé aucune surface de plancher nouvelle.

Le syndicat des copropriétaires argumente néanmoins sur le fait que l’absence de création de surface nouvelle serait indifférent dès lors que la surface d’origine de la remise, non modifiée, n’aurait pas été comptabilisée dans le C.O.S. au moment de la construction de l’immeuble, s’agissant d’un garage.

Le syndicat des copropriétaires soutient en effet que ce serait par l’effet des travaux de changement de destination de la remise que la surface au plancher de cet ancien garage devrait, pour la première fois, être comptabilisée.

La surface de plancher d’origine n’aurait donc pas été comptabilisée, mais devrait l’être désormais, si bien que c’est non pas une construction nouvelle mais le simple changement de destination qui ferait rentrer le syndicat des copropriétaires dans l’illégalité par suite du dépassement du maximum de C.O.S. autorisé.

Le syndicat des copropriétaires soutient donc que la “remise-garage” (sic) de Mme C D, parce qu’avant tout “garage”, n’a, en raison de cet usage spécifique, jamais été comptabilisée dans le C.O.S. d’origine de l’immeuble, si bien que le changement de destination caractériserait à lui seul le dépassement du C.O.S. autorisé, en présupposant qu’il aurait été déjà atteint avant même la transformation “du garage” en local à usage d’habitation.

Le syndicat des copropriétaires ne justifie toutefois pas que la superficie de plancher du lot 27 n’avait pas été comptabilisée dans le C.O.S. d’origine et il y a là, déjà, une première faiblesse dans son argumentation.

En outre, pour tenir, le raisonnement du syndicat des copropriétaires présuppose que la remise appartenant à Mme C D soit exclusivement à usage de garage car si, au contraire, ladite remise ne peut être qualifiée tel, alors, du propre aveu du syndicat des copropriétaires, sa surface de plancher a nécessairement été comptabilisée dans le C.O.S. d’origine.

Pour connaître l’usage du lot 27 appartenant à Mme C D, il convient de se reporter au règlement de copropriété.

Le règlement de copropriété, en page 9, distingue dans un “III” les “REMISES ET GARAGES”, et non pas les “remises ou garages”.

Les deux destinations ne sont donc ni identiques ni synonymes mais, au contraire, clairement distinguées.

Sous le paragraphe III ont lit la description des lots 27 à 30.

Le lot 27 est décrit à “usage de remise situé dans la cour” et il n’est pas question, pour ce qui le concerne de “garage”.

Par contre, les lots 28 à 30 sont décrits, à chaque fois, comme à “usage de remise ou garage”, l’utilisation du “OU”, exclusivement pour les lots 28 à 30, signifiant, alors, que la notion de remise, pour ce qui les concerne, pouvait être entendue comme synonyme de “garage”.

Si donc les lots 28 à 30 sont à usage de garage, en plus de pouvoir être à usage de remise, tel n’est pas le cas du lot n° 27 dont la destination à usage de remise est seule prévue dans la description qui est faite de ce lot.

Le fait que le lot 27 ne soit qu’à usage de remises alors que les lots 28 à 30 sont, eux, à usage de “remise ou garage”, justifie d’ailleurs que le titre III ait été intitulé “garages et remises” et non pas “garages ou remises”, tous les lots n’étant pas identiquement renvoyés à cet usage multiple.

Si tous les lots avaient été à usage de “garage ou remise”, alors le titre III aurait été intitulé “garages ou remises” mais, précisément, c’est parce que le lot 27 n’est pas à usage de garage que le titre III a été intitulé “garages et remises”, la distinction entre le concept de garage et celui de remise s’imposant dès lors que les lots appréhendés sous ce titre n’étaient pas tous à la fois “garage ou remise”.

Il y a donc, dès l’origine, dans le règlement de copropriété, une potentialité de changement de destination plus importante, pour le lot 27, que pour les lots 28 à 30, puisque sa surface de plancher, devait, dès l’origine, être comprise dans le C.O.S., faute pour le lot 27 d’avoir été renvoyé à un usage exclusif de “garage”, aucunement mentionné dans la description de ce lot, dans le règlement de copropriété.

Dans l’acte authentique de vente de Mme C D, il n’est d’ailleurs fait mention que de la destination que donne du lot 27 le règlement de copropriété et il n’est pas dit qu’il s’agirait d’un garage et pas davantage qu’il s’agirait d’un “garage ou remise”, d’une “remise ou garage” ou encore d’un “garage – remise”, comme le prétend le syndicat des copropriétaires sans juste motifs dans ses conclusions.

Le mot garage n’est à aucun moment employé pour le lot 27 dans la description qui suit sa désignation, dans le règlement de copropriété.

On doit ajouter que même si le lot 27 n’avait été qu’un garage, ce qu’il n’est pas, l’argumentation tirée du C.O.S. développée par le syndicat des copropriétaires ne serait pas davantage pertinente, du point de vue de l’insécurité juridique qu’il allègue, dès lors :

— que seule Mme C D devrait répondre d’une éventuelle illégalité par le fait des travaux d’aménagement réalisés à ses frais exclusifs sur une partie privative, et pas le syndicat des copropriétaires,

— que Mme C D a été dûment autorisée par une déclaration de travaux donnée par le Maire de la Commune et n’a réalisé que les travaux annoncés, sans rien cacher,

— que Mme C D est donc couverte par la déclaration de travaux et, compte tenu de leur nature et de leur localisation, le changement de destination était lui-même exempté de toute procédure de permis de construire.

En conséquence des motifs qui précèdent, même l’argumentation que le syndicat des copropriétaires croit pouvoir tirer d’une illégalité, pour ce qui le concerne, consécutive à un dépassement, supposé mais non démontré, de son C.O.S. autorisé, sera donc écartée.

2) Sur l’obstacle allégué par le syndicat des copropriétaires, tiré cette fois du droit de la copropriété

L’article 8 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dispose d’abord que le règlement de copropriété détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance.

Le règlement de copropriété peut donc valablement préciser qu’une partie privative sera à usage d’habitation, qu’une autre sera à usage de garage, qu’une troisième sera à usage de cave ou de débarras et qu’une quatrième sera à usage de remise.

L’article 8 alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 poursuit en précisant que le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, par ses caractères ou sa situation.

Le syndicat des copropriétaires prétend qu’un copropriétaire ne pourrait jamais modifier la destination de ses parties privatives mais seulement les conditions de leur jouissance.

Cette allégation n’est toutefois pas exacte et un copropriétaire peut tout à fait changer la destination de son lot, dès lors que le règlement de copropriété ne prohibe pas le changement de destination pour de justes motifs tirés de la “destination de l’immeuble, ses caractères ou sa situation”.

Une remise est un local où l’on range des objets et sa destination est déjà large.

L’immeuble est à usage d’habitation et Mme C D, en transformant sa remise en local à usage d’habitation, n’a pas porté atteinte à la destination de l’immeuble, lui-même à usage d’habitation.

Par ailleurs, le règlement de copropriété n’impose pas aux copropriétaires de laisser leurs lots à l’usage qu’il décrit, et n’impose aucune interdiction de transformation.

Le maintien de la remise à l’état de remise pour sauvegarder le “caractère” de l’immeuble n’est, ainsi, aucunement imposé par le règlement de copropriété.

Il convient donc uniquement de s’assurer si le changement de destination était compatible avec la destination de l’immeuble, auquel cas il ne pouvait être refusé.

Or, tel est bien le cas en l’espèce, le lot 27 transformé et l’immeuble étant l’un et l’autre à usage d’habitation.

On doit souligner que lors de l’assemblée générale du 5 avril 2003, le propriétaire du lot 27 avait déjà été autorisé à modifier l’accès de sa remise en aménageant une porte latérale, et que lors de l’assemblée générale du 6 avril 2002, cette dernière avait donné (9e résolution) son accord pour raccorder la remise au réseau d’eau et d’électricité en précisant seulement que les “conduites d’eau devront être souterraines et les conduits électriques sous gaines. Les travaux seront bien à sa charge”.

Avec l’aménagement autorisé d’une porte latérale ne permettant que le passage d’un homme et l’adjonction d’une alimentation en eau et électricité, il apparaît que la destination de la remise à usage d’habitation était, déjà à ces deux dates, entérinée par l’assemblée générale.

Par ailleurs, avant la déclaration de travaux, l’assemblée générale avait donné l’autorisation requise par Mme C D de poser un volet roulant sur sa remise, accessoire dont dispose ordinairement les locaux aptes à l’habitation.

Le Maire de Y a d’ailleurs analysé lui-même les choses ainsi et, dans l’autorisation de travaux donnée le17 août 2007, il vise “la copie du procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires indiquant l’assentiment de ces derniers relativement à la réalisation des travaux qui affectent l’aspect extérieur d’une partie de l’immeuble”.

Le changement de destination s’est donc fait avec l’assentiment de la copropriété et Mme C D n’est pas démentie lorsqu’elle indique avoir bénéficié pendant 4 ans d’une boîte aux lettres, sans aucune difficulté, jusqu’à son brutal enlèvement.

Lors de l’assemblée générale du 24 juin 2008 une 13e résolution ainsi libellée a été soumise au vote :

“Suite à l’achat par Mme C D du lot 27 défini dans l’état descriptif de division comme une réserve, (elle) a réalisé divers travaux pour transformer le lot à usage de réserve en un local à usage d’habitation (sans) solliciter l’autorisation de l’assemblée générale sur ce point sauf la pose d’un volet roulant.

De ce fait il est demandé à l’assemblée générale d’autoriser le syndic à missionner M. A architecte afin qu’il indique si le logement est décent ou non, et que le changement de destination du lot 27 n’est pas conforme à la destination de l’immeuble.

Si les termes du rapport de M. A font ressortir que ce logement n’est pas décent et que le changement de destination du lot 27 n’est pas conforme à la destination de l’immeuble, l’assemblée générale autorise le syndic à assigner Mme C D devant toute juridiction afin qu’elle remette les locaux constituant le lot 27 dans leur affectation d’origine, c’est à dire de réserve.”

Après en avoir délibéré, l’assemblée générale décide de confier audit architecte la mission de dire si logement est décent ou non, ainsi que d’indiquer si le changement de destination du lot 27 est conforme ou non à la destination de l’immeuble et précise que c’est seulement si tel ne devait pas être le cas que le syndic serait alors, mais alors seulement, autorisé à assigner Mme C D devant la juridiction compétente pour qu’elle remette le lot 27 dans son affectation d’origine c’est à dire de “réserve”.

Cette résolution est très importante car elle confirme d’abord que le lot 27 est bien à usage de “remise” ou “réserve” mais pas de garage et surtout, conditionne le maintien du lot 27 dans sa nouvelle configuration de local à usage d’habitation à la seule confirmation faite par un homme de l’art de ce que le nouveau logement est d’une part décent et d’autre part conforme à la destination de l’immeuble.

C’est donc seulement si le logement ne devait pas répondre à l’un ou l’autre de ces deux impératifs que l’assemblée générale annonce son intention de contraindre Mme C D à remettre le lot 27 dans sa configuration de “réserve” prévue à l’origine.

Un contrat est alors passé entre la copropriété et Mme C D et le syndicat des copropriétaires s’oblige, en réalité, dès lors qu’il aura eu l’assurance préalable que le nouveau logement répond à sa destination de logement ainsi qu’à celle de l’immeuble, à tenir le fait de transformation pour acquis puisque, de toute façon, dans un tel cas de figure, il ne serait plus en mesure de le remettre en question devant la justice et le lot 27 transformé en logement devrait être définitivement laissé tel quel.

Le syndicat des copropriétaires a missionné M. Z, architecte B, et Mme C D a collaboré de bonne foi à l’enquête imposée.

L’architecte a établi un rapport de visite le 28 juillet 2008 et rappelle que c’est “sur les conseils de l’avocat du syndic” qu’il a été missionné “pour se prononcer sur les conditions d’habitation de ce lot initialement à usage de remise qui a été transformé par Mme C D en local d’habitation”.

L’architecte mandaté constate d’une part que “le logement est tout à fait décent et n’a d’aucune façon l’apparence d’un taudis, ce que craignaient les autres copropriétaires” et ajoute:

— que la surface de la pièce est supérieure à 9 m2, conformément à la réglementation et correctement éclairée par une large baie ;

— que la baie donne sur la cour mais “sans entraîner de nuisances au niveau des vues”;

— que les “évacuations sont correctement raccordées au réseau collectif de l’immeuble”;

— que “l’installation électrique est conforme à la réglementation”;

— que le seul défaut mineur réside dans la nécessité de mettre en place une VMC dans la salle d’eau mais n’est pas significatif puisque d’une part il n’a été à l’origine d’aucune dégradation des lieux et que d’autre par Mme C D s’est engagée à reprendre sans délai la non façon.

L’architecte conclut en indiquant :

“Bref, ce local m’est apparu tout à fait habitable et décent !”.

Le point d’exclamation est important car l’architecte livre ainsi le sentiment d’avoir été instrumentalisé par le syndicat des copropriétaires, dans un contexte d’hostilité de principe des copropriétaires, lesquelles souhaitaient qu’il conclut dans un sens inverse de celui retenu.

L’expert s’est d’ailleurs fait présenter les choses d’une façon orientée par la copropriété et l’indique clairement dans son rapport, quand il précise que le logement litigieux “n’a d’aucune façon l’apparence d’un taudis, ce que craignaient les autres copropriétaires”. (mis en gras par nos soins)

La copropriété a fait part de ses “craintes” à l’architecte mandaté et a qualifié par un présupposé blâmable que le logement construit par Mme C D ne pouvait qu’être un “taudis”, sans aucun justificatif à l’appui.

L’architecte a balayé les craintes de la copropriété et a interdit à quiconque de pouvoir qualifier la remise très correctement transformée par Mme C D de “taudis”.

Le logement visité par M. Z répond donc à toutes les caractéristiques d’un logement décent et est conforme à la destination de l’immeuble, ce dont le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble peut avoir l’assurance depuis que le rapport de visite dressé le 28 juillet 2008 lui a été dûment communiqué.

C’est d’ailleurs après ce rapport éminemment favorable pour elle, que Mme C D a mis en place une boîte aux lettres pendant plusieurs années, laquelle sera brutalement enlevée au moins de février 2012 après quatre ans d’installation ininterrompue.

Le tribunal, grâce aux pièces versées aux débats, peut avoir la certitude que la destination modifiée du lot n° 27 répond bien à celle de l’immeuble.

Il n’y a donc aucun obstacle juridique qui puisse être mis à la destination nouvelle du lot 27, désormais à usage d’habitation, conformément à l’article 8 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Le syndicat des copropriétaires s’abstient d’ailleurs de solliciter la remise en état du lot 27 dans son état préexistant, ce qui démontre qu’il n’a aucun motif pertinent à faire valoir pour s’opposer au changement de destination.

Toutes conséquences de droit devront donc être tirées par le tribunal de la nouvelle destination du lot 27 à usage d’habitation, à laquelle le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-sec à Y (93170) n’est pas en droit de s’opposer, ce qu’il sait parfaitement depuis le rapport établi le 28 juillet 2008 à son intention par M. Z, au demeurant.

3) Sur l’autorisation de travaux requise par Mme C D

L’article 25 b) concerne tous les travaux qu’un copropriétaire s’engage à effectuer à ses frais, dès lors qu’ils “affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble”.

L’article 30 dernier alinéa dispose que lorsque l’assemblée générale refuse l’autorisation prévue à l’article 25 b), tout copropriétaire peut être autorisé par le tribunal à exécuter aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d’amélioration tels que “transformation d’un ou plusieurs éléments d’équipement existants, l’adjonction d’éléments nouveaux (…)” notamment.

En l’espèce Mme C D souhaite ajouter à ses frais une boîte aux lettres pour bénéficier du service postal.

La boîte aux lettres devra être ajoutée à la batterie de boîtes aux lettres déjà existante, placée dans les parties communes de l’immeuble.

Les travaux réalisés aux frais de Mme C D affecteront donc les parties communes et sont, dès lors, des travaux concernés par l’article 25 b) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Les travaux projetés aboutiront à “transformer un élément d’équipement existant”, à savoir la batterie de boîtes aux lettres déjà posée et vont emporter “adjonction d’éléments nouveaux”, par la mise en place d’une boîte aux lettres supplémentaire.

Mme C D est donc en droit de solliciter du tribunal l’autorisation d’effectuer les travaux requis, à ses frais.

Mme C D les avait d’ailleurs déjà accomplis avec l’accord tacite du syndicat des copropriétaires conscient de l’impossibilité de pouvoir s’y opposer en l’état du rapport de visité établi, à sa demande, par M. Z, architecte B.

Ce n’est que dans un second temps que le Syndicat des copropriétaires a entrepris d’enlever lui-même la boîte aux lettres déjà posée par Mme C D, sans s’être fait autoriser par justice et sans avoir jamais sollicité, judiciairement, la remise en état du lot 27 à son usage originel de remise, comme il l’avait annoncé lors de l’assemblée générale 24 juin 2008 (13e résolution), dans la seule hypothèse où les travaux réalisés soit ne répondraient pas aux caractéristiques d’un logement décent soit entreraient en contradiction avec la destination de l’immeuble, ce qui n’était pas le cas.

Mme C D, victime d’une voie de fait de la part du syndicat des copropriétaires qui a enlevé sans autorisation de justice sa boîte aux lettres déjà posée, a écrit au syndic pour solliciter, par un vote de l’assemblée générale, l’autorisation lui permettant d’en poser une nouvelle.

La résolution n° 18 soumise au vote le 28 mars 2012 est ainsi libellée “Demande de Mme C D : installation d’une boîte aux lettres sous le porche pour sa remise. Ci-joint courrier de Mme C D”.

En réponse, l’assemblée générale “n’autorise pas Mme C D à procéder à l’installation d’une boîte aux lettres identique à celles de la batterie actuellement présente pour sa remise, sachant que l’arrêté du 29 juin 1979 annexé par Mme C D à son courrier dans son article 1er indique : “les immeubles doivent être équipés d’un nombre de boîtes aux lettres au moins égal au nombre de logements (…)”.

Le texte de la résolution contient la preuve de l’abus puisque :

— il est indiqué que la boîte aux lettres devant être posée par Mme C D allait être “identique” au modèle de la “batterie actuellement présente” et que la copropriété ne pouvait donc souffrir d’aucun préjudice esthétique par l’effet de l’autorisation requise,

— il est précisé, en dépit de toute vérité, que le lot 27 est une remise et pas un logement.

La copropriété souligne les mots sa remisequi ne serait pas un “logement” et il y a là, de sa part, une pétition de principe, détachée de toute mesure et de toute raison, tendait à faire que ce qui est ne soit pas et de forcer la réalité pour faire rentrer ce qui n’est pas dans une rubrique inadéquate.

Le lot n° 27 n’est plus une remise et le syndicat des copropriétaires le sait parfaitement depuis que le rapport de visite de M. Z a été établi le 28 juillet 2008, à son intention.

Le fait, donc, de renvoyer le lot 27 à un usage de “remise” en soulignant ce mot, signale une passion blâmable de la part du syndicat des copropriétaires dont l’intention est de ne pas tirer les conséquences que la qualification juridique du lot 27, qui est un logement, sans discussion possible, impose.

Dans ce contexte d’obstruction délibérée et passionnelle de la copropriété à la pose d’une simple boîte aux lettres conforme au modèle de la batterie de boîte aux lettres déjà existantes, Mme C D est évidemment fondée à en appeler à justice pour vaincre l’abus de majorité commis à son encontre, sans juste motif.

Le tribunal tirera donc lui-même les conséquences nécessaires du fait que le lot n° 27 est devenu, légalement, un local à usage d’habitation, et donc un logement, pour imposer à la copropriété d’avoir à subir, comme la loi l’impose, la pose d’une nouvelle boîtes aux lettres constituant l’accessoire indispensable du nouveau logement appartenant désormais à la copropriété, le fait que Mme C D ne soit pas domiciliée dans ledit logement étant indifférent, de ce point de vue.

Mme C D sera donc autorisée par le tribunal à mettre en place dans les parties communes de l’immeuble, à ses frais, une nouvelle boîte aux lettres qui constituera l’accessoire du lot n° 27 dûment transformé en local à usage d’habitation, suivant un modèle qui devra être identique à la batterie de boîtes aux lettres actuellement existante.

4) Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme C D

L’abus commis par le syndicat des copropriétaires à l’encontre de Mme C D est caractérisé en l’espèce puisque c’est sans juste motif qu’il a enlevé la boîte aux lettres installée par Mme C D sur un modèle identique à la batterie existante, puis s’est opposée à la remise des choses dans l’ordre, pour des motifs strictement passionnels, tirés de ce que le lot n° 27 serait encore une “remise”, ce qu’il sait qu’il n’est pas depuis le 28 juillet 2008 au plus tard, date du rapport établi à son intention par l’architecte mandaté qui lui avait donné toutes les assurances nécessaires tant sur la qualité des travaux entrepris que sur leur conformité à la destination de l’immeuble.

Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-Sec à […], dans ces circonstances, sera condamné à payer à Mme C D la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

5) Sur les demandes accessoires

Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-Sec à […], qui succombe, sera condamné aux dépens de l’instance.

Le syndicat des copropriétaires réclamait 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, alors que son conseil a rédigé trois jeux de conclusion.

Mme C D réclame pour sa part 3.000 euros, soit une somme moindre que le syndicat des copropriétaires alors que les diligences justifiées par son conseil n’ont pas été moins importantes avec la rédaction d’une assignation puis deux jeux de conclusions.

Le dossier est devenu technique, par la faute du syndicat des copropriétaires qui a multiplié les fondements d’opposition, que ce soit sur le droit de l’urbanisme et le droit de la copropriété.

L’équité, dans ces circonstances, commande d’allouer à Mme C D une somme qui ne saurait être inférieure à 2.500 euros.

C’est donc à hauteur de cette somme que le syndicat des copropriétaires sera condamné sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’exécution provisoire du jugement sera ordonnée compte tenu de l’ancienneté du changement de destination.

6) Sur l’article 10-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965

L’article 10-1 dernier alinéa de la loi prévoit que le copropriétaire qui, à l’issue d’une instance judiciaire l’opposant au syndicat voit sa prétention déclarée fondée par le juge est dispensée, même en l’absence de mande de sa part , de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.

Mme C D s’est réclamée de l’application de ce texte.

Les frais de procédure visés à l’article 10-1 comprennent les frais des articles 695 à 700, c’est à dire les dépens et autres débours ainsi que les honoraires d’avocat.

Mme C D sera donc dispensée de toute participation aux frais et débours induits par le recours à justice, de même qu’à l’article 700 du Code de procédure civile mis à la charge du syndicat des copropriétaires à hauteur de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Constate qu’aucun dépôt de permis de construire n’était nécessaire préalablement au changement de destination du lot n° 27 en l’absence d’un décret pris en exécution de l’article L421-1 du Code de l’urbanisme pouvant s’appliquer à l’espèce.

Constate que les assemblées générales du 6 avril 2000 et du 5 avril 2003 se sont prononcées sur des autorisations de travaux portant sur les conditions de jouissance de la remise et laissaient préfigurer le changement de destination à venir.

Constate qu’il n’est justifié d’aucune appropriation par Mme C D de droits résiduels à construire constituant l’accessoires des parties communes et appartenant au syndicat des copropriétaires, cette dernière n’ayant créé aucune surface SHON nouvelle, l’emprise au sol de son ancienne remise n’ayant pas été modifiée.

Constate qu’il n’est pas davantage justifié que ce serait le changement de destination de la remise qui imposerait, désormais, de comptabiliser la superficie au plancher du lot 27 dans le SHON, alors que, dès l’origine, puisque le lot n° 27 n’était pas décrit comme un “garage”, ladite superficie n’avait pas dû manquer d’être déjà prise en compte dans le C.O.S..

Constate, en conséquence, qu’aucun dépassement du C.O.S. n’est caractérisé du seul fait, en l’espèce, du changement de destination de la “remise”, qui n’était déjà pas un garage, portant sur une superficie de plancher jamais modifié.

Constate qu’aucun moyen d’illégalité ne peut prospérer puisque l’autorisation de travaux a été donnée à Mme C D par Monsieur le Maire de Y, compétent et habilité pour détecter toute éventuelle infraction aux règles d’urbanisme.

Juge la transformation du lot 27 régulière sur le fondement de l’article 8 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, compte tenu de ses caractéristiques propres (logement décent) et de sa conformité à la destination de l’immeuble (à usage d’habitation).

Juge que le lot n° 27 est devenu, par suite de sa légitime et régulière transformation, un local à usage d’habitation, de sorte que Mme C D est fondée à prétendre à l’installation d’une boîte aux lettres, le fait que ledit lot ne constitue ni son domicile ni sa résidence habituelle ou secondaire étant parfaitement indifférent.

Constate que c’est par suite d’un abus de majorité que le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-Sec à […], après avoir procédé lui-même à l’enlèvement d’une précédente boîte aux lettres, s’est opposé, sans aucun juste motif à faire valoir, au retour à la situation antérieure, dans sa résolution n° 18 votée le 28 mars 2012.

Autorise Mme C D à mettre en place dans les parties communes de l’immeuble, à ses frais, une nouvelle boîte aux lettres qui constituera l’accessoire du lot n° 27 dûment transformé en local à usage d’habitation, suivant un modèle qui devra être identique à la batterie de boîtes aux lettres actuellement existante.

Condamne le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-Sec à […] à payer à Mme C D la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Condamne le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 140, rue de Noisy-le-Sec à […] à payer à Mme C D la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Dispense Mme C D de toute contribution aux frais et débours induits par le présent procès ainsi qu’à l’indemnité de procédure mise à la charge du syndicat des copropriétaires sur le fondement de l’article 700 Code de procédure civile.

Ordonne l’exécution provisoire du jugement.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi jugé puis mis à disposition au greffe le 26 février 2014, la minute étant signée par:

LE GREFFIER LE PRESIDENT

F. YATERA S. X

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Tribunal de grande instance de Bobigny, 5e chambre, 1re section, 26 février 2014, n° 13/01327