Tribunal de grande instance de Marseille, Juge de l'exécution, 9e chambre civile, 24 août 2017, n° 17/04679
TGI Marseille 24 août 2017

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Sur la décision

Référence :
TGI Marseille, JEX, 9e ch. civ., 24 août 2017, n° 17/04679
Juridiction : Tribunal de grande instance de Marseille
Numéro(s) : 17/04679

Sur les parties

Texte intégral

MINUTE N° :

DOSSIER N° : 17/04679

AFFAIRE : […] […]

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MARSEILLE

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 24 AOUT 2017

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Madame X, Juge

GREFFIER : Madame SOLLIER, Greffière

DEMANDERESSE

[…] […] domicile : chez Z A, dont le […], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège.

représentée par Maître Patrice BALDO (AARPI BALDO CRESPY), avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Anaïs MONTI, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSE

S.A. SIFER, dont le siège social est sis […], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège.

représentée par Me Etienne PIERI, avocat au barreau de MARSEILLE

NATURE DE LA DECISION : CONTRADICTOIRE

Le Tribunal après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 01 Juin 2017 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 Août 2017, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 12 novembre 1996, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé […] à Marseille a vendu à la société Electricité de France (EDF) une parcelle de terrain A179. L’acte stipulait que “les parties sont convenues que la toiture-terrasse du parking souterrain sera exclusivement affectée dans l’avenir à usage de zone végétalisée au titre de destination perpétuelle au profit de la copropriété”.

Par acte authentique du 26 décembre 2000, EDF a vendu la parcelle A179 à la société Sifer. Par actes des 19 et 23 février 2009, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé au 36 de la rue de Breteuil à Marseille a assigné la société Sifer, EDF et la société civile professionnelle de notaires pour obtenir le respect des engagements pris par EDF dans l’acte du 12 novembre 1996 lors de l’acquisition de la parcelle.

Par arrêt en date du 3 octobre 2013, la Cour d’appel d’Aix en Provence a prononcé l’annulation du jugement rendu le 13 septembre 2012 par le tribunal de grande instance de Marseille, interdit à la société Sifer de procéder au stationnement d’un quelconque véhicule tant sur la portion de la toiture terrasse dont l’assiette est constituée par la parcelle A179 achetée à l’EDF que sur l’ensemble de la toiture terrasse du parking aérien actuel, ou de la toiture terrasse d’un éventuel futur parking souterrain, assortit cette interdiction d’une astreinte de 100 euros par jour de retard au profit du syndicat à compter du 30e jour franc postérieur à la signification de l’arrêt, l’infraction étant caractérisée par la présence d’un seul véhicule sur la toiture-terrasse, condamné la société Sifer à procéder dans les trois mois de la signification de l’arrêt à la végétalisation tant de la portion de la toiture terrasse dont l’assiette est constituée par la parcelle A179 que de l’ensemble de la toiture terrasse telle que ci-dessus définie, condamné la société Sifer à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 20000 euros à titre de dommages-intérêts, débouté la société Sifer de son appel en garantie à l’encontre d’EDF et de toutes ses autres demandes et mis hors de cause la société civile professionnelle de notaires.

La société SIFER a formé contre cette décision, signifiée le 18 octobre 2013, un pourvoi en cassation le 9 décembre 2013. Par arrêt en date du 17 février 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi.

Par jugement du 20 septembre 2016, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Marseille a assorti l’obligation de végétaliser le toit-terrasse, mise à la charge de la SA SIFER par l’arrêt de la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE en date du 03 octobre 2013, d’une astreinte de 300 euros par jour de retard, passé le délai de 3 mois à compter de la signification par huissier de la décision, et ce pendant 3 mois.

Par acte en date du 26 avril 2017, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé […] à Marseille a assigné la SA SIFER devant le juge de l’exécution de MARSEILLE aux fins de :

— constater que la SA SIFER n’a pas procédé à la végétalisation et à l’aménagement du parking,

— liquider l’astreinte prévue dans le jugement du 20 septembre 2016,

— condamner la requise à lui payer la somme de 27000 euros au titre de l’astreinte,

— prononcer une astreinte de 600 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement et ce jusqu’à parfaite végétalisation du toit terrasse,

— condamner au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris le coût du constat d’huissier.

Lors de l’audience, le syndicat des copropriétaires a maintenu ses demandes initiales. Il estime qu’en posant du gazon synthétique, la société SIFER n’a pas exécuté l’obligation à sa charge de végétaliser le toit terrasse, et qu’elle témoigne au surplus de sa mauvaise foi en posant un tel revêtement synthétique alors qu’elle avait mandaté, en avril 2016, un architecte pour réaliser un aménagement paysagé. Elle entend s’appuyer sur le constat d’huissier en date du 8 février 2017, et souligne que les démarches amiables n’ont pas permis aux parties de s’accorder sur la définition du terme « végétaliser ». Elle relève que la défenderesse a pourtant reconnu dans sa lettre du 7 avril 2017 qu’elle ne s’était pas exécutée. Devant le comportement adopté par la société SIFER, elle demande la fixation d’une nouvelle astreinte pour obtenir une exécution conforme.

En défense, la SA SIFER a demandé au juge de l’exécution de débouter le Syndicat des copropriétaires de l’ensemble de ses demandes et de lui laisser la charge des dépens de l’instance.

La SA SIFER estime qu’elle a procédé à la végétalisation de la toiture terrasse du parking aérien suivant les préconisations de son maître d’oeuvre, Monsieur Y, architecte expert près la Cour d’appel d’Aix en Provence. Elle fait valoir que la pose d’un gazon synthétique sur l’ensemble de la toiture terrasse a été réalisée le 8 février 2017 et que depuis, elle a complété cette installation par la pose de 10 pots de 200 litres supportant des plantes synthétiques.

Elle considère qu’il n’est pas de la compétence du juge de l’exécution d’interpréter l’arrêt de la Cour du 3 octobre 2013 quant à ce que serait une « végétalisation », ni de définir les conditions de cette obligation dès lors qu’il est constaté que l’aménagement réalisé atteint l’objectif essentiel de l’obligation faite par la Cour, à savoir « l’interdiction de stationner un véhicule dont la végétalisation n’est que la conséquence ».

MOTIFS

Par jugement du 20 septembre 2016, le juge de l’exécution de la juridiction de céans a assorti l’obligation de végétaliser le toit-terrasse mise à la charge de la SA SIFER par l’arrêt de la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE en date du 03 octobre 2013, d’une astreinte de 300 euros par jour de retard pendant trois mois, à l’expiration d’un délai de 3 mois suivant la signification par huissier de la décision.

Comme a déjà pu le relever le jugement rendu le 20 septembre 2016, la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE n’a pas précisé en quoi devait consister la “végétalisation” du toit-terrasse à laquelle elle a condamné la société SIFER.

Si, aux termes de l’article R121-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, il partage toutefois avec le juge qui a rendu cette décision le pouvoir d’interpréter le titre afin de déterminer la teneur et la portée des obligations qu’il contient.

La Cour d’appel a mis en exergue dans ses motifs que « les termes des premières protestations du syndic reprochaient non pas l’absence de végétaux mais l’utilisation à titre de parking ».

Elle a également indiqué expressément en ses motifs que l’obligation à la charge de la SIFER consiste à « destiner l’ensemble de la toiture terrasse du parking (souterrain ou existant) visible depuis la copropriété à une végétalisation exclusive de tout parking automobile ». Elle ajoute que « l’affectation en zone végétalisée ne fait pas référence à un quelconque projet ou schéma, l’essentiel consistant dans l’interdiction de stationner un véhicule dont la végétalisation n’est que la conséquence, par référence au projet présenté par EDF » initialement.

Il s’en déduit que moins que la présence de végétaux, c’est surtout l’apparence de la parcelle litigieuse depuis la copropriété voisine qui est au cœur de l’obligation tenant à la végétalisation de la toiture terrasse. Preuve en est que la Cour fait référence successivement à cette vue :

— « la toiture terrasse visible depuis les constructions de la parcelle A178 relevant de la copropriété »,

— la « vue sur le parking »,

— la « dalle visible surmontant le parking souterrain projeté ».

Le contenu de l’obligation à la charge de la Société SIFER s’agissant de la végétalisation du toit terrasse sera donc examiné à l’aune de cette interprétation et des dispositions de l’article 1104 du code civil (ancien article 1134 alinéa 3) aux termes desquelles les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Le jugement rendu le 20 septembre 2016 ayant été signifié le 6 octobre suivant, il appartenait à la société SIFER d’avoir végétalisé la zone litigieuse au plus tard le 6 janvier 2017.

La preuve de l’exécution d’une obligation de faire incombe au débiteur de l’obligation.

Or, la société SIFER fait état de l’installation d’un gazon synthétique à la date du 8 février 2017, complétée ensuite par l’installation de divers pots contenant des plantes synthétiques selon devis du 2 mars 2017.

Aux termes de l’article L. 131-4 du Code des procédures civiles d’exécution, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.

En l’espèce, la société SIFER produit aux débats un devis en date du 21 octobre 2016 établi par la société GREEN GAZON pour la pose d’un gazon synthétique (pièce 2). Il n’est pas contesté que cette installation n’interviendra pas avant le 8 février 2017. Le constat d’huissier réalisé à cette même date à la demande du Syndicat des copropriétaires fait état de la présence de quelques arbrisseaux, d’un palmier, et de la pose récente sur une partie de la surface de la terrasse supérieure d’un revêtement de type synthétique de couleur verte ayant l’aspect du gazon. Les photos annexées font apparaître la présence de trois bacs à fleurs vides de taille moyenne, une petite jardinière rectangulaire fleurie, une jardinière en coupe fleurie, un banc en bois, et trois palettes abandonnées en bordure du gazon synthétique.

Un second constat d’huissier en date du 16 février 2017 est versé aux débats par la société SIFER. L’huissier y reprend la présence du gazon synthétique et précise que son mandant lui indique que la pose du gazon s’est achevée le 14 février 2017. Les photos annexées permettent de constater la présence d’un petit pot cylindrique supplémentaire garni d’une plante dont la hauteur globale ne doit pas dépasser 40 cm.

Ainsi, à la date du 16 février 2017, le dispositif mis en place par la société SIFER sur le toit terrasse ne peut clairement pas être qualifié de zone végétalisée tant son contenu en végétaux (synthétiques ou véritables) est pauvre ; la moitié des pots/jardinières présents sont vides, et leur nombre restreint correspond à une végétalisation plus que succincte des lieux.

La société SIFER se prévaut d’un devis en date du 2 mars 2017, établi par la société Jardins du Golfe pour la fourniture et la pose de 10 pots de 200 litres et de 10 plantes synthétiques sur la terrasse du parking. Toutefois, aucun constat ni aucune pièce produite aux débats ne permet de confirmer l’installation postérieure de plantes supplémentaires.

La note technique, rédigée le 23 mai 2017 par l’architecte mandaté par la société SIFER pour l’aménagement paysager du toit terrasse, fait état d’un support qui ne serait pas adapté à la mise en oeuvre d’aménagements paysagers traditionnels nécessitant l’apport de terre végétale et d’un système de drainage. L’architecte envisage comme seule solution d’aménagement l’installation d’un gazon synthétique et d’une végétation constituée de plantes synthétiques en pots colorés répartis sur la surface aménagée.

Un tel aménagement serait conforme à l’obligation retenue par la Cour d’appel visant à substituer à la dalle du parking visible depuis la copropriété, un espace végétalisé. La présence de plantes ou d’un gazon synthétique est de nature à répondre à l’obligation prescrite pour peu que l’ensemble de l’espace soit a minima garni de plantes pour présenter l’aspect d’un espace globalement végétalisé.

A ce jour, les photos produites des lieux ne justifient pas d’une exécution conforme et de bonne foi de l’obligation à la charge de la société SIFER.

Les photos couleurs, non datées, annexées à la note technique de l’architecte permettent de constater la présence des éléments suivants sur l’ensemble du toit terrasse :

— une surface au sol revêtue de gazon synthétique,

— une grande jardinière vide,

— une petite jardinière de balcon garnie posée sur une palette en bois,

— trois jardinières de taille moyenne garnies,

— deux bancs en bois,

— une plante grimpante commençant à s’installer sur le garde corps du toit terrasse.

Si le revêtement au sol est conforme à ce qui est attendu de la part de la SIFER compte tenu des contraintes techniques relatives au support, en revanche, le reste de l’aménagement ne répond pas aux exigences posées par le titre exécutoire et à une exécution de bonne foi s’agissant de la création d’une zone végétalisée sur le toit terrasse litigieux.

Certes, le titre exécutoire ne détaille pas le nombre, la hauteur, et le type des pots ou des plantes à installer, toutefois, la société SIFER ne pouvait douter qu’en étant particulièrement avare sur les végétaux installés (dont la qualité artificielle n’est nullement reprochée) au regard de la surface importante à aménager, elle s’exposait à une exécution incomplète de son obligation.

Par conséquent, compte tenu des diligences accomplies par la SA SIFER pour l’exécution de son obligation, sans qu’elle ne mette en exergue de difficulté particulière y afférent, il échet de liquider l’astreinte à la somme de 5000 euros.

Afin de parvenir à une exécution complète de l’obligation tenant à la végétalisation de l’ensemble de la surface afférente au toit terrasse, il convient de fixer une nouvelle astreinte à la charge de la société SIFER. Il est laissé à cette dernière un nouveau délai de 2 mois à compter de la signification par huissier de la présente décision pour s’exécuter, faute de quoi elle y sera contrainte par l’effet d’une nouvelle astreinte journalière de 300 euros pendant une durée de trois mois.

Il est inéquitable de laisser les frais irrépétibles engagés dans l’instance à la charge du syndicat des copropriétaires, la SA SIFER est condamnée à lui verser une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SA SIFER, qui succombe, est condamnée aux entiers dépens en ce compris le coût du constat d’huissier établi le 8 février 2017.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de l’exécution, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire, et en premier ressort,

Vu l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence en date du 3 octobre 2013,

Liquide le montant de l’astreinte fixée par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Marseille par jugement du 20 septembre 2016 relative à l’obligation de végétaliser le toit terrasse mise à la charge de la SA SIFER à la somme de 5000 euros,

Condamne la SA SIFER à payer ladite somme de 5000 euros au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé […] à Marseille au titre de la liquidation de l’astreinte,

Assortit l’obligation de végétaliser le toit terrasse, mise à la charge de la SA SIFER par l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence en date du 3 octobre 2013, d’une astreinte de 300 euros par jour de retard pendant trois mois, passé le délai de 2 mois à compter de la signification par huissier de la présente décision,

Condamne la SA SIFER à payer la somme de 1500 euros au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé […] à Marseille sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA SIFER aux dépens, en ce compris le coût du constat d’huissier établi le 8 février 2017,

Rappelle que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

Ainsi Jugé et prononcé les jour, mois et an susdits et ont signé après lecture faite le Juge et le Greffier.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXECUTION

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