Tribunal de grande instance de Paris, 18e chambre 1re section, 11 septembre 2007, n° 05/11212

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 18e ch. 1re sect., 11 sept. 2007, n° 05/11212
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 05/11212

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

18° chambre 1re section

N° RG :

05/11212

N° MINUTE : 2

Assignation du :

19 Juillet 2005

(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 11 Septembre 2007

DEMANDERESSE

S.A.R.L. ALTRAS

[…]

[…]

représentée par Me Thierry GRUNDELER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire M277

DÉFENDERESSE

[…]

[…]

[…]

représentée par Maître Philippe RENAUD, avocat de la SCP RENAUD-ROUSTAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire P 139

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU PRONONCÉ

C D, Vice-président

Marie-Paule DEBLADIS, Vice-président

[…], Juge

assistés de A B, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 04 Juin 2007 tenue publiquement devant Y Z, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement

Contradictoire

en premier ressort

Sous la rédaction de Y Z

[…]

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé enregistré en date du 9 janvier 1986, la S.C.I. du 24 RUE LAFITTE, aux droits de laquelle se trouve la Société LAFIMO, a donné à bail à la Société ALTRAS un local commercial à destination de “l’exposition et la vente aux professionnels de mobiliers et luminaires modernes”, situé à […], pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 1986, moyennant un loyer annuel initial en principal hors charges de 90 000 Francs soit 13 720,41 €, porté à compter du 1er janvier 2001 à la somme de 18 202,21 €.

Par acte d’huissier en date du 23 juin 2003, la Société LAFIMO a délivré congé à la Société ALTRAS avec refus de renouvellement et paiement d’une indemnité d’éviction pour le 31 décembre 2003.

Selon ordonnance rendue le 12 septembre 2003, le juge des référés a désigné en qualité d’expert Monsieur X, avec mission de donner son avis sur la valeur des indemnités d’éviction et d’occupation.

Par acte d’huissier en date du 19 juillet 2005, la Société ALTRAS a assigné la bailleresse, qui a assigné de son côté la société locataire par acte du 11 août 2005, les deux affaires ayant été jointes selon ordonnance du 23 janvier 2006.

L’expert a déposé son rapport le 7 août 2006, aux termes duquel il conclut à une indemnité d’éviction de 86 200 € ou de 53 500 € en fonction de l’existence ou non de motifs de déplafonnement, et à une indemnité d’occupation de 28 080 €.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 2 avril 2007, la Société ALTRAS sollicite la fixation de l’indemnité d’éviction à la somme de 119 008,50 € et celle de l’indemnité d’occupation à la somme de

28 080 €, demande de constater qu’elle a versé du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 la somme de 54 606 € et d’ordonner la compensation, ainsi que de condamner la Société LAFIMO à payer les entiers dépens et la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 10 mai 2007, la Société LAFIMO sollicite la fixation de l’indemnité d’éviction à la somme de 27 518 €, et à titre subsidiaire de 73 270 € et celle de l’indemnité d’occupation à la somme de 28 080 €, demande d’ordonner la compensation et de dire qu’à défaut de libération des lieux elle pourra poursuivre l’expulsion et la séquestration des biens, ainsi que de condamner la Société ALTRAS aux entiers dépens et à la somme de

2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 mai 2007.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que la description matérielle et de situation faite par l’expert résulte des constatations objectives qu’il a pu faire lors de sa visite sur place et n’est pas contestée par les parties ;

Que les locaux sont situés dans une voie secondaire du 9e arrondissement reliant la […], dans un secteur de bonne commercialité ;

Qu’ils dépendent d’un immeuble de six étages, en maçonnerie enduite avec fissures en façade à rafraîchir ;

Que les biens loués, situés au deuxième étage et accessibles par un ascenseur, sont constitués d’un appartement de 104,20 m² comprenant un show- room, un sanitaire, trois bureaux, une pièce aveugle et un local à archives ;

* Sur l’indemnité d’éviction principale

Attendu que les parties sont d’accord pour considérer que le fonds de commerce litigieux est transférable, et que l’indemnité d’éviction due est en conséquence une indemnité de déplacement;

Que la Société ALTRAS sollicite d’être indemnisée de la valeur du droit au bail ;

Que la Société LAFIMO conteste le principe d’une indemnité d’éviction due au titre de la valeur du droit au bail s’agissant de locaux à usage exclusif de bureaux pour lesquels le prix du loyer du bail renouvelé serait équivalent aux prix de marché ;

Attendu cependant que la destination contractuelle est “l’exposition et la vente aux professionnels de mobiliers et luminaires modernes”, et que l’usage effectif tel que constaté par l’expert est l’exposition-vente, promotion, commercialisation notamment de mobiliers, éclairages et éléments de décoration pour bureaux ;

Que s’agissant d’une activité commerciale de vente aux professionnels comprenant l’exposition de matériels ainsi entreposés et manipulés lors notamment des changements des éléments exposés, la bailleresse n’est pas fondée à prétendre qu’il s’agirait d’un usage exclusif de bureaux ;

Attendu que pour s’opposer à l’octroi d’une indemnité au titre de la valeur du droit au bail, la Société LAFIMO prétend en second lieu que la modification des facteurs locaux de commercialité du fait des nombreuses constructions et de l’ouverture le 5 mars 2004 du grand magasin Galerie Lafayette Maison, aurait nécessairement entraîné le déplafonnement du loyer et que la valeur du droit au bail serait en conséquence inexistante ;

Attendu cependant que l’expert a relevé une légère diminution de la fréquentation de la station de métro Richelieu Drouot ainsi que des déclarations d’achèvement de travaux concernant en grande partie des rénovations de constructions déjà existantes ; qu’en outre l’ouverture du magasin cité par la bailleresse est en outre postérieure à la date d’effet du congé ; qu’il s’ensuit qu’il n’est pas rapporté la preuve d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité, et qu’au surplus, cette modification serait sans incidence sur l’activité exercée en direction de professionnels et située au deuxième étage de l’immeuble ;

Qu’en conséquence, le droit au bail, dont la valeur résulte du capital constitué par la différence entre la valeur locative d’un local équivalent sur le marché et le loyer effectivement payé, capitalisée sur plusieurs années, doit être indemnisé ;

Que l’expert, qui a justement recherché dans le quartier environnant des références de locaux similaires propose une valeur locative unitaire de 300 € le m² , non contredite par les parties, dont il se déduit une économie de loyer de 11 438 € ;

Que la Société ALTRAS demande d’appliquer à cette économie de loyer un coefficient de 7 alors que l’expert a pris un coefficient de 5 ; que compte tenu de l’emplacement dans une voie secondaire d’un secteur de bonne commercialité et de la situation des locaux en étage, le coefficient de 5 proposé par l’expert ainsi que la valeur du droit au bail de 57 190 € doivent être retenus ;

Attendu que la Société ALTRAS sollicite en outre au titre de l’indemnité d’éviction principale l’indemnisation de la perte de clientèle qu’elle subira pendant le temps nécessaire à l’agencement des nouveaux locaux ; que cependant, le fonds de commerce étant transférable, seule la valeur du droit au bail doit être retenue dans l’indemnité d’éviction principale, le trouble commercial que la société locataire invoque à deux reprises tant dans l’évaluation de l’indemnité principale que dans celle des indemnités accessoires, étant pris en compte au titre des indemnités accessoires ;

* Sur les indemnités accessoires

- Sur les frais de réinstallation

Attendu que les frais de réinstallation inhérents à la prise à bail de locaux équivalents, commission d’agence et frais de rédaction d’acte, peuvent être forfaitairement évalués à la somme de 3 500 €;

- Sur les frais de déménagement

Que les frais de déménagement seront évalués conformément au devis produit par la société locataire à la somme de 4 740 € non contestée par la bailleresse ;

- Sur le trouble commercial

Attendu que le poste de préjudice de trouble commercial vise à indemniser la perte d’activité et donc de bénéfice subie par le locataire pendant le temps nécessaire à sa réinstallation ;

Que selon les usages l’expert a estimé ce trouble à trois mois de bénéfices ; que la Société ALTRAS propose d’y inclure la dotation aux amortissements sans fournir les documents financiers et comptables permettant de justifier de ces chiffres ; qu’en conséquence le montant de 8 031 € proposé par l’expert et accepté par la bailleresse sera retenu;

- Double loyer

Que l’indemnité de double loyer, évaluée par l’expert à deux mois de loyer à la valeur locative, doit être retenue à hauteur de la somme de

5 200 € ;

- Perte de salaires

Que le montant de 4 770 € proposé par l’expert et correspondant à un mois de salaires et charges est accepté par les parties ;

- Frais administratifs divers

Que les parties sont d’accord pour fixer ce poste, relatif à des frais de timbres, de mailings et de publicité du fait du changement d’adresse, à un montant de 1 344 € ;

- Sur les frais de licenciement du personnel

Attendu que ces frais seront pris en compte sur justificatifs ;

Attendu qu’il résulte des développements qui précédent que l’indemnité d’éviction totale sera fixée à la somme arrondie de 84 800 € correspondant aux postes suivants :

— indemnité principale : 57 190 €

— indemnités accessoires dont :

. frais de réinstallation : 3 500 €

. frais de déménagement : 4 740 €

. trouble commercial : 8 031 €

. double loyer : 5 200 €

. perte de salaires : 4 770 €

. frais administratifs : 1 344 €

* Sur le montant de l’indemnité d’occupation

Attendu que les parties ne contestent pas l’évaluation de l’expert de l’indemnité d’occupation à un montant de 28 080 € en tenant compte d’un abattement de précarité de 10 % ;

Qu’en conséquence il y a lieu de fixer l’indemnité d’occupation due par la Société ALTRAS à compter du 1er janvier 2004 à la somme de

28 080 € ;

* Sur les autres demandes

Attendu que la Société LAFIMO et la Société ALTRAS demandent d’ordonner la compensation judiciaire ;

Attendu qu’aux termes de l’article L 145-58 du code de commerce, le propriétaire peut se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée ;qu’il n’y a pas lieu dès lors d’ordonner la compensation judiciaire, la créance de la Société ALTRAS ne satisfaisant pas aux prescriptions de l’article 1291 du Code Civil ;

Attendu que la bailleresse demande de dire qu’à défaut de libération des locaux, elle pourra poursuivre l’expulsion de la Société ALTRAS; qu’il résulte cependant de l’article L 145-29 du code de commerce, que les lieux doivent être remis au bailleur pour le premier jour du terme d’usage qui suit l’expiration du délai de quinzaine à compter du versement de l’indemnité d’éviction entre les mains du locataire ou éventuellement d’un séquestre ;qu’en conséquence, il ne peut être fait droit en l’état à la demande d’expulsion ;

Attendu que la Société LAFIMO demande d’ordonner l’exécution provisoire ; que cependant selon l’article L 145-28 du code du commerce, le locataire a le droit de se maintenir dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité définitivement fixée ; que dès lors l’exécution provisoire incompatible avec la nature de l’affaire au sens de l’article 515 du nouveau code de procédure civile, ne sera pas prononcée ;

Attendu que l’instance et l’expertise ont été nécessaires à la détermination des droits et obligations respectifs des parties ; qu’en conséquence, les dépens doivent être supportés par moitié par chacune des parties ;

Que compte tenu de la situation respective des parties et des faits de l’espèce, il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort

Fixe à la somme de 84 800 € l’indemnité d’éviction due par la Société LAFIMO à la Société ALTRAS, somme à laquelle il conviendra d’ajouter, sur justificatifs, les frais de licenciement qui seront à la charge de la Société locataire,

Fixe à la somme annuelle de 28 080 € en principal, l’indemnité d’occupation due par la Société ALTRAS depuis le 1er janvier 2004 et jusqu’à libération effective des lieux dans les conditions fixées par les articles L 145-28, L 145-29 et L 145-30 du code de commerce,

Dit n’y avoir lieu à compensation judiciaire,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Fait masse des dépens, en ce compris les frais d’expertise, et dit qu’ils seront supportés par moitié par chacune des parties et qu’ils seront recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 11 Septembre 2007

18e chambre civile 1re section

Le Greffier Le Président

A B C D

FOOTNOTES

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Expéditions

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