Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 4e section, 6 mai 2010, n° 09/01554

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 4e sect., 6 mai 2010, n° 09/01554
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 09/01554

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3e chambre 4e section

N° RG : 09/01554

N° MINUTE :

Assignation du :

12 Novembre 2007

(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 06 Mai 2010

DEMANDEURS

Monsieur Y Z

[…]

[…]

Monsieur A B

[…]

[…]

Société ASMODEE intervenante volontaire

[…]

[…]

[…]

représentés par Me Hubert D’ ALVERNY- Selarl D’ALVERNY DEMONT ET Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0266

DÉFENDERESSES

S.A. L’ENTENTE DES PROFESSIONNELS SPECIALISTES DE L’ENFANT

[…] TOUTON

[…]

S.A. SOCIETE INTERNATIONALE DE DIFFUSION DU JOUET

[…]

Centre Commercial DE GROS

[…]

S.A. SOCIETE JP

[…] TOUTON

Centre Commercial DE GROS

[…]

S.A. SOCIETE JCE

[…] TOUTON

Centre Commercial DE GROS

[…]

représentée par Me Anne Marion DE CAYEUX-SELARL DBC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K180

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie-Claude HERVE, Vice-Présidente

C D, Juge

[…], Juge

assistés de Katia CARDINALE, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 19 Mars 2010 tenue publiquement devant Marie-Claude HERVE et […], juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe par C D, Juge assistée de Katia CARDINALE.Marie-Claude HERVE étant empêchée.

Contradictoirement

en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE :

Y Z et A B sont les auteurs d’un jeu de cartes intitulé JUNGLE SPEED et ils ont déposé une enveloppe Soleau le 7 octobre 1991 puis le 21 juin 1996. Selon un contrat du 15 décembre 2003, ils ont cédé les droits d’exploitation à la société Asmodée éditions.

En juin 2007, Y Z et A B ont constaté qu’un jeu identique au leur, était commercialisé sous le nom JUNGLE JAM dans le magasin JoueClub situé boulevard des Italiens à Paris. Le 20 septembre 2007, ils ont fait procéder à une saisie-contrefaçon dans ce magasin et le 1er octobre 2007, à un constat sur le site Internet marchand www.JoueClub.com. Le 9 octobre suivant, Y Z et A B ont également fait procéder à une saisie-contrefaçon auprès de la centrale d’achat des magasins à l’enseigne JoueClub, la société internationale de distribution du jouet ( SIDJ).

Y Z et A B ont saisi en référé le président du tribunal de commerce de Bordeaux qui a ordonné l’arrêt de la commercialisation du jeu JUNGLE JAM par une ordonnance du le 7 novembre 2007.

Les 12 et 29 novembre 2007, Y Z et A B ont fait assigner la société coopérative L’entente des professionnels spécialistes du jouet (EPSE), la SIDJ, la société JP ainsi que la société JoueClub express ( JCE) sur le fondement de la contrefaçon de leur jeu JUNGLE SPEED et ils réclament, outre des mesures d’interdiction et de destruction, le paiement de la somme de 122 200 € en réparation de leur préjudice financier et de la somme de 20 000 € à chacun en réparation de leur préjudice moral. Ils sollicitent également la publication de la décision dans des journaux et sur le site Internet www.JoueClub.fr et .com. Enfin, ils réclament l’allocation d’une indemnité de 20 000 € chacun sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et l’exécution provisoire du jugement.

Par des conclusions du 16 mars 2009, la société Asmodée est intervenue volontairement à l’instance. Elle sollicite, avec Y Z et A B, la somme de 106 220 € en réparation du préjudice économique, les deux auteurs du jeu réclamant la confiscation de la recette réalisée par les défenderesses soit la somme de 122 200 € ainsi qu’une “condamnation de principe” en réparation de l’atteinte à leur droit moral.

Dans leurs dernières écritures du 11 juin 2009, les défenderesses expliquent que le jeu JUNGLE SPEED a été référencé auprès d’elles de 2001 à 2007 puis qu’à la suite d’une rupture des relations commerciales avec la société Asmodée éditions, elles ont été amenées à faire appel à une autre fournisseur la société belge Filsfils qui commercialisait un jeu semblable proposé par la société allemande Touchmore, depuis 1998.

Les défenderesses sollicitent la mise hors de cause de la société coopérative EPSE, faisant valoir que celle-ci, constituée par les exploitants indépendants des magasins à l’enseigne JoueClub, est une centrale de référencement des fournisseurs, qui sélectionne des produits mais n’intervient pas dans leur achat. Elles précisent qu’en l’espèce, le jeu litigieux n’a pas été référencé par la société EPSE mais a été acquis par la SIDJ chargée de l’importation de jouets en provenance de l’étranger, auprès d’un distributeur belge la société Filsfils et revendu directement aux magasins à l’enseigne JoueClub et à ses filiales : la société JP exploitant le magasin boulevard des Italiens et à la société JCE chargée de la vente par correspondance et par Internet.

Les défenderesses soulèvent également l’irrecevabilité des demandes présentées par Y Z et A B au titre de l’atteinte à leurs droits patrimoniaux car ils les ont cédés à la société Asmodée selon contrat du 15 décembre 2003.

Au fond, les défenderesses contestent le caractère protégeable :

— des règles du jeu qui sont de libre parcours et au surplus très simples et dépourvues de caractère nouveau et créatif,

— du titre dépourvu également d’originalité,

— du totem qui est dépourvu de décoration et a une forme adaptée à sa fonction,

et elles soutiennent que les seuls objets susceptibles d’être protégés : les motifs des cartes et le conditionnement sont très différents d’un jeu à l’autre.

Les défenderesses font, en outre, valoir qu’en toutes hypothèses, le jeu JUNGLE SPEED est une reprise du jeu Zuma édité depuis 1991 par la société Parker et que la société Touchmore a elle-même mis au point le jeu JUNGLE JAM en 1998 en déposant la marque ainsi que les modèles de totem et de cartes. Elles concluent donc que le jeu JUNGLE SPEED n’est pas antérieur au jeu JUNGLE JAM . Enfin, les défenderesses contestent l’existence d’un risque de confusion.

A titre subsidiaire, les défenderesses déclarent que 6 402 jeux ont été acquis auprès de la société Filsfils au prix de 6,56 € HT et que 3 473 jeux ont été vendus par la SIDJ aux magasins JoueClub et à la société JCE, 2 404 jeux ayant été retournés à la suite de l’interdiction de commercialisation. Elles indiquent que la SIDJ a réalisé un chiffre d’affaires de 30 020, 42 €. Elles contestent l’évaluation faite par les demandeurs de leur préjudice et elles s’opposent par ailleurs à la confiscation des recettes. Elles ajoutent que les magasins indépendants à l’enseigne JoueClub n’étant pas partie à la procédure, aucune décision d’interdiction ne peut être prise à leur encontre et qu’en tout état de cause, toute commercialisation a cessé depuis fin 2007. Elles relèvent ensuite que Y Z et A B ont déjà organisé une publicité après l’ordonnance de référé du 7 novembre 2007. Enfin, elles contestent l’existence d’une atteinte au droit moral des auteurs.

Dans leurs écritures du 9 septembre 2009, les demandeurs exposent qu’ils ont engagé des négociations avec la société Touchmore en 1998 en vue de la commercialisation de leur jeu mais que celles-ci n’ont pas abouti.

Y Z et A B soutiennent être recevables à agir sur le terrain des droits patrimoniaux car ils doivent garantir à la société Asmodée la jouissance paisible de ces droits. Ils soutiennent que le jeu JUNGLE SPEED a une originalité tenant aux cartes, au totem, à la règle du jeu et à la fiction inventée autour de la règle du jeu, que sa création date de façon certaine du 7 octobre 2001 et qu’il est antérieur au jeu JUNGLE JAM ainsi qu’il résulte de la correspondance échangée avec le gérant de la société Touchmore, en 1998.

Les demandeurs font valoir qu’il existe une identité certaine entre les deux jeux en cause avec un totem, une règle du jeu identique décrivant “la loi de la jungle”, 80 cartes à jouer de même format et un titre très proche bien que le terme jungle ne s’impose pas. Ils ajoutent que les opérations de saisie-contrefaçon ont révélé que le jeu JUNGLE JAM était disposé dans les présentoirs JUNGLE SPEED et vendu comme un jeu JUNGLE SPEED créant une confusion dans l’esprit du consommateur. Ils font valoir que l’impression d’ensemble créée par les jeux est également identique et que seul un examen détaillé des éléments les composant permet de déceler des différences.Ils concluent donc à l’existence d’actes de contrefaçon commis par l’ensemble des sociétés du groupe et ils ajoutent qu’il n’est pas établi que ceux-ci ont pris fin à la date du 26 octobre 2007 pour Internet et à celle du 14 novembre 2007 pour les magasins.Y Z et A B invoquent leur préjudice moral tenant à la banalisation et à la dénaturation de leur jeu et au mépris de leurs droits. Ils maintiennent également subir un préjudice financier avec la société Asmodée. Ils évaluent leur gain manqué à 106 220 € HT et ils sollicitent au surplus l’attribution des recettes réalisées par les sociétés du groupe JoueClub.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1/ Sur la mise hors de cause de la société EPSE :

Le catalogue JoueClub Noel 2007 sur lequel est proposé le jeu Jungle jam est édité par la société EPSE.

Aussi cette dernière participant à la diffusion et la promotion du jeu litigieux ne peut être mise hors de cause.

2/ Sur le caractère protégeable du jeu :

Le jeu JUNGLE SPEED se compose de

—  80 cartes à distribuer,

— un totem en bois sculpté et pyrogravé sur le dessus,

— une fiction mentionnée sur la règle du jeu et exploitant le thème de la jungle et de la tribu,

— une règle du jeu expliquant que les cartes sont distribuées entre les joueurs qui vont les retourner au fur et à mesure, que lorsque des cartes présentant le même symbole sont retournées, les joueurs doivent s’emparer du totem, que celui qui n’arrive pas à l’attraper, doit prendre toutes les cartes retournées et que la partie est gagnée par le joueur qui a réussi en premier à se débarrasser de ses cartes. Le jeu comporte des cartes spéciales avec des flèches qui donnent lieu à la mise en oeuvre de règles particulières.

Les cartes à jouer de format carré portent sur une de leur face la mention JUNGLE SPEED sur un fond bleu avec des cercles rouges et sur l’autre face différents motifs sur un fond blanc entouré d’un bord noir avec une frise. Six cartes se distinguent car au lieu de comporter des motifs, l’une de leurs faces représente des flèches d’orientations différentes. L’originalité de ces cartes à jouer ne fait pas l’objet de contestation.

Le totem en bois avec la mention JUNGLE SPEED sérigraphiée à son sommet, présente une forme particulière qui facilite sa préhension, il ne constitue pas en lui-même une oeuvre protégée; néanmoins de multiples types d’objets à saisir étaient envisageables et sa présence contribue à l’originalité de l’ensemble que constitue le jeu.

La règle du jeu raconte en préambule une histoire de jungle et de tribu afin de présenter le jeu et d’expliciter son titre car si le mot Speed peut se comprendre facilement pour un jeu fondé sur la vitesse des joueurs, le mot jungle est totalement arbitraire.

Ainsi cet ensemble constitué par ces cartes à jouer de deux sortes différentes et aux motifs variés, ce totem en bois sculpté, ce rattachement arbitraire à l’univers de la jungle et de la tribu par le nom du jeu, les motifs et les formes adoptés, résulte d’un effort créatif certain.

Néanmoins, cet effort créatif ne peut être définitivement établi que si aucun jeu semblable n’a été connu antérieurement à la création du JUNGLE SPEED.

Y Z et A B versent aux débats la photocopie de deux enveloppes Soleau de 1991 et de 1996. Ces enveloppes Soleau ont été ouvertes devant huissier de justice, le 12 mars 2009. L’huissier de justice a constaté la présence dans la 1re enveloppe Soleau n° 54247 de 1991, d’une règle du jeu JUNGLE SPEED/ OS A MOELLE, des exemples de symboles à représenter sur les cartes, et d’un tableau de jeu. Dans la seconde enveloppe Soleau n° 61007 de 1996, il a constaté la présence d’un dépôt d’une marque semi-figurative JUNGLE SPEED représentant le motif figurant sur le dos de chacune des cartes à jouer, la fiction insérant le jeu dans le contexte de la jungle, la description d’un totem en bois pouvant être décoré et les symboles représentés sur les cartes.

Y Z et A B justifient également avoir présenté leur jeu à des salons en 1996,1997 et 1998. Ces éléments permettent de retenir que le jeu avec ses composantes actuelles existe depuis 1996.

Les défenderesses invoquent l’existence du jeu Zuma édité par la société Parker depuis 1992.

Ce jeu présenté comme un jeu de ruse et de réflexion, comporte des cartes à jouer , un tableau de jeu et plusieurs totems. La règle du jeu indique que les joueurs ont sept cartes en main et que le but est d’obtenir soit un full aztèque composé d’un carré et d’un brelan soit les trois cartes soleil, que s’ajoutent à cela la présence au centre de la table de totems de trois couleurs différentes, le joueur ayant obtenu une combinaison gagnante devant s’emparer d’un totem en criant Zuma, les autres joueurs devant également attraper un totem, étant précisé qu’il y a un totem de moins que de joueurs et qu’un joueur ne doit pas prendre un totem de la même couleur que lors d’une manche précédente.

Ces éléments ne permettent pas de retenir que les cartes utilisées dans le jeu Zuma présentaient une ressemblance quelconque avec celle du jeu JUNGLE SPEED. En outre, les totems du jeu Zuma apparaissent beaucoup plus travaillés que celui du JUNGLE SPEED .Par ailleurs, la règle du jeu est assez différente de celle du JUNGLE SPEED puisque les joueurs doivent obtenir certaines cartes , qu’il existe plusieurs totems et que le but du jeu n’ est pas de se dessaisir de l’ensemble de ses cartes mais d’obtenir le plus de points en récupérant les bonnes cartes et les totems. Enfin le jeu ne fait pas référence à l’univers de la jungle mais plutôt au monde des Aztèques.

Ce jeu aussi connu sous le nom de toru et X, comme le jeu JUNGLE SPEED ,est basé sur la vitesse de réaction des joueurs; néanmoins, l’exploitation qui est faite de ce principe dans les deux jeux, est différente et les éléments caractéristiques du jeu JUNGLE SPEED ne sont pas présents dans le jeu Zuma. Aussi l’existence de ce jeu ne vient pas détruire l’originalité de celui de Y Z et A B.

Les défenderesses versent également aux débats une pièce 37-8 relative à un jeu Schnipp schnapp avec des cartes représentant les personnages de Winnie l’ourson. Cette seule pièce ne permet pas de retenir que les éléments caractéristiques du jeu JUNGLE SPEED étaient présent dans un jeu antérieur à 1996.

Le jeu JUNGLE JAM a été présenté pour la 1re fois à Francfort le 29 août 1998. Cependant les télécopies que l’actuel dirigeant de la société Touchmore, Olaf Hartman, a adressées aux auteurs en avril 1998 établissent qu’il connaissait le jeu JUNGLE SPEED et qu’il souhaitait obtenir le droit de l’exploiter. Ces pièces démontrent ainsi l’antériorité du jeu JUNGLE SPEED sur le jeu JUNGLE JAM et la connaissance que le gérant de la société Touchmore avait du jeu JUNGLE SPEED avant de proposer sur le marché le jeu JUNGLE JAM.

Il ressort ainsi de l’ensemble de ces éléments que le jeu JUNGLE SPEED résulte d’un effort créatif de Y Z et A B et que ceux-ci sont bien fondés à se prévaloir de droits de propriété intellectuelle.

3/ Sur l’existence d’une contrefaçon :

Le jeu JUNGLE JAM se compose de 80 cartes de format carré et de même dimension que les cartes du jeu JUNGLE SPEED. Elles portent sur une face, une main tenant un totem et sur l’autre face, des motifs variés sur un fond blanc, avec un tour noir. Les motifs représentés ne sont pas identiques à ceux du jeu JUNGLE SPEED, néanmoins ils sont difficiles à distinguer les uns des autres car il s’agit de dessins assez simples, en général dépourvus de signification et d’une seule couleur à chaque fois. Il existe par ailleurs également six cartes spéciales représentant un poing avec ou sans totem.

Le jeu JUNGLE JAM comprend également un totem en bois sculpté avec à son sommet, une sérigraphie. De forme quasiment identique au totem du jeu JUNGLE SPEED, il s’en distingue par une taille légèrement plus haute, détail qui n’est pas perceptible lorsque les deux totems ne sont pas côte à côte.

Le titre JUNGLE JAM et la règle du jeu ancre celui-ci dans le domaine de la Jungle ainsi qu’il résulte des chapitres : la malédiction du démon de la jungle, qui sera le roi de la Jungle.

Enfin, la règle du jeu est identique à celle du JUNGLE SPEED. Le but est de se débarrasser de l’ensemble de ses cartes en étant plus rapide que les autres joueurs pour saisir le totem à l’apparition de cartes présentant les mêmes symboles. Les cartes Poing et totem ont les mêmes fonctions que les cartes Flèches du jeu JUNGLE SPEED.

Il apparaît ainsi que les éléments caractéristiques du jeu du JUNGLE SPEED sont présents dans le jeu JUNGLE JAM : les cartes à jouer de deux sortes différentes et aux motifs variés, le totem en bois sculpté, le rattachement arbitraire à l’univers de la jungle et de la tribu par le nom du jeu, les motifs et les formes adoptés.

Les emballages des deux jeux sont certes différents mais cet emballage qui constitue un accessoire du jeu et qui peut être modifié sans que celui-ci le soit, n’en constitue pas un élément caractéristique revendiqué par les auteurs

Dès lors, il y a lieu d’admettre que le jeu JUNGLE JAM est une contrefaçon du jeu JUNGLE SPEED.

4/ Sur les mesures réparatrices :

— Sur les demandes financières formées par Y Z et A B:

Dans leurs dernières écritures Y Z et A B réclament une réparation de principe au titre de l’atteinte à leur droit moral qui résulte de la dénaturation et de la banalisation de leur oeuvre et qui en détruit progressivement l’originalité.

Cependant une demande portant sur une condamnation de principe est une demande indéterminée et est donc irrecevable, à ce titre.

Les auteurs ainsi que la société Asmodée réclament l’indemnisation d’un préjudice financier résultant de la vente des jeux JUNGLE JAM et ils réclament à ce titre le chiffre d’affaires perdu qu’ils évaluent à 106 220 €.

Y Z et A B sollicitent, au surplus, la confiscation des recettes réalisées par les défenderesses, sur le fondement de l’article L 331-1-4 du Code de la propriété intellectuelle.

Cependant selon un contrat conclu le 15 décembre 2003, Y Z et A B ont cédé à la société Asmodée le droit exclusif de reproduire et de représenter dans le monde entier et en toute langue, le jeu qu’ils ont conçu, moyennant une redevance de 5% du prix public HT sans que cette rémunération puisse être inférieure à 92 centimes par jeu, lorsque le jeu est commercialisé en langue française en France.

Compte tenu de ce contrat, la perte de chiffre d’affaires tenant à la diminution des ventes du jeu JUNGLE SPEED est subie par la société Asmodée et les auteurs qui subissent éventuellement une diminution de leurs redevances, ne peuvent demander l’allocation de dommages intérêts en vue de compenser la perte de chiffre d’affaires subi par la société éditrice.

La demande de Y Z et A B tendant à obtenir paiement de la somme de 106 220 € doit donc être déclarée irrecevable.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu d’ordonner la confiscation des recettes au profit des auteurs qui ne sont plus titulaires des droits d’exploitation.

— Sur les demandes financières de la société Asmodée :

La SIDJ a effectué trois commandes au prix unitaire de 6,25 € ht + une commission de la société Filsfils de 5% soit 6,56 € HT :

— une première commande de 1 400 jeux livrée en avril et mai 2007,

— une deuxième commende de 5 404 jeux livrée en septembre 2007,

— une troisième commande de 5 404 jeux annulée.

Les défenderesses versent aux débats une attestation établie par la SIDJ selon laquelle seuls 3 473 jeux auraient été vendus générant :

— un chiffre d’affaire de 30 020,42 € pour la SDIJ qui revend les jeux au prix unitaire de 7,13 € à ses filiales les sociétés JP et JCE et au prix de 8,70 € aux magasins indépendants,

— un chiffre d’affaires de 46,35 € pour la société JP ayant vendu 3 jeux et de 1 869, 45 € pour la société JCE ayant vendu 121 jeux, au prix unitaire de 15,45 € ht.

— le chiffre d’affaires tenant à la vente des 3 349 jeux restants ayant été réalisé par les magasins indépendants.

Cependant la société JP atteste avoir vendu 79 exemplaires du jeu JUNGLE JAM au prix unitaire de 18,49 € ttc et avoir réalisé un chiffre d’affaires de 1 460, 71 € ttc.

Les défenderesses versent par ailleurs aux débats un procès verbal de constat du 13 novembre 2007 établissant que le jeu JUNGLE JAM est absent du site www JoueClub.com ainsi qu’une lettre adressée aux magasins le 14 novembre et leur demandant de suspendre immédiatement la commercialisation du jeu.

Le jeu JUNGLE SPEED est lui-même vendu au public au prix de 19,99 € ttc.

Compte tenu de ces éléments, le préjudice subi par la société Asmodée du fait des gains manqués sur les ventes de jeux JUNGLE SPEED sera fixé à la somme de 45 000 €.

Il y a donc lieu de condamner in solidum les sociétés EPSE et SIDJ, à payer à la société Asmodée la somme de 45 000 € à titre de dommages intérêts, la société EPSE qui édite le catalogue Joue club, ayant participé à l’entier préjudice par la promotion du jeu.

Les sociétés JP et JCE seront condamnées in solidum avec les premières, respectivement à hauteur de 720 € et de 2 000 €, compte tenu de leur participation personnelle au préjudice total.

— sur les autres demandes :

La somme allouée à titre de dommages intérêts assure une réparation adéquate du préjudice subi et il n’y a pas lieu d’ordonner la publication de la décision judiciaire dans des journaux et sur les sites Internet des défenderesses.

En tant que de besoin, il y a lieu d’ordonner la destruction des jeux JUNGLE JAM en stock dans les locaux des sociétés SIDJ, JCE et JP, la demande relative aux autres magasins ne pouvant être satisfaite leur exploitant n’étant pas partie à l’instance.

Les défenderesses seront condamnées sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile in solidum à payer à la société Asmodée la somme de 10 000 € et à Y Z et A B ensemble le coût des procès-verbaux des 20 septembre, 1er et 19 octobre 2007. Ces dépenses étant nécessaires au soutien des intérêts de la société éditrice que les auteurs se sont engagés à défendre.

L’exécution provisoire compatible avec la nature de l’affaire sera ordonnée compte tenu de l’ancienneté des faits.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Rejette la demande tendant à la mise hors de cause de la société coopérative L’entente des professionnels spécialistes de l’enfance,

Dit qu’en important, promouvant, offrant à la vente et vendant le jeu JUNGLE JAM, les sociétés L’entente des professionnels spécialistes de l’enfance, la société internationale de diffusion du jouet, la société JP et la société JoueClub express ont commis des actes de contrefaçon du jeu JUNGLE SPEED de Y Z et A B,

Déclare irrecevable les demandes de Y Z et A B en indemnisation de l’atteinte à leur droit moral, et en indemnisation de la perte de chiffres d’affaires,

Condamne in solidum les sociétés L’entente des professionnels spécialistes de l’enfance et la société internationale de diffusion du jouetà payer à la société Asmodée la somme de 45 000 € à titre de dommages intérêts,

Condamne in solidum avec les sociétés EPSE et SIDJ, la société JP et la société JoueClub express , à hauteur respectivement des sommes de 720 € et de 2 000 €,

Rejette la demande de Y Z et A B tendant à la confiscation des recettes des défenderesses, en application de l’article L331-1- 4 du Code de la propriété intellectuelle,

Rejette la demande de publication de la décision judiciaire,

Ordonne la destruction des jeux JUNGLE JAM en stock dans les locaux des sociétés SIDJ, JCE et JP, aux frais de ces dernières et dit qu’il en sera justifié dans les trente jours suivant la date à laquelle la décision sera devenue définitive,

Condamne in solidum la société L’entente des professionnels spécialistes de l’enfance, la société internationale de diffusion du jouet, la société JP et la société JoueClub express, à payer à la société Asmodée la somme de 10 000 € et à Y Z et A B le coût des procès-verbaux des 20 septembre, 1er et 19 octobre 2007, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Rejette les autres demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne in solidum la société L’entente des professionnels spécialistes de l’enfance, la société internationale de diffusion du jouet, la société JP et la société JoueClub express aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 06 Mai 2010

Le Greffier Le Président

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