Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 1er juillet 2011, n° 09/14571

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 1er juill. 2011, n° 09/14571
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 09/14571

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3e chambre 3e section

N° RG :

09/14571

N° MINUTE :

Assignation du :

22 Septembre 2009

JUGEMENT

rendu le 01 Juillet 2011

DEMANDERESSE

X&CO SAS

[…]

[…]

représentée par Me D E, de GT Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1111

DÉFENDERESSE

Société Y SARL

[…]

[…]

représentée par Me Stéphane WOOG, de la SCP WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0283

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie SALORD, Vice-Président, signataire de la décision

Z A, Juge,

B C, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS

l’affaire a été plaidée à l’audience publique du 26 Mai 2011,

par jugement avant dire droit du 10 Juin 2011, le Tribunal à ordonné la réouverture des débats pour production de la décision du Tribunal de Commerce de Nanterre et renvoyé l’affaire à l’audience publique du 28 Juin 2011

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe

Contradictoire

en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société X&CO et la société Y proposent à la vente des coffrets et cartes cadeaux permettant à leurs bénéficiaires d’accéder à une sélection de prestations de services déclinées autour de thématiques variées telles que la détente et le bien-être, l’aventure, la gastronomie, les séjours ou les divertissements, respectivement sous les marques SMARTBOX et WONDERBOX.

La société X&CO indique avoir découvert en octobre 2008 que la société Y se livrait à des actes de contrefaçon de droits d’auteur en faisant figurer sur son coffret “Nuit insolite” la photographie d’une yourte vue de l’extérieur imitant celle apposée sur son coffret SMARTBOX “Séjour pittoresque” mais aussi à des actes de parasitisme par la reprise des éléments caractéristiques de sa charte graphique et par la même association thèmes/couleurs.

En octobre 2008, la société X&CO a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris la société Y aux fins de lui voir interdire de fabriquer, commercialiser et promouvoir ses nouveaux coffrets cadeaux.

Par ordonnance du 7 novembre 2008, le juge des référés l’a déboutée de ses demandes mais cette décision a été partiellement infirmée par la cour d’appel de Paris en date du 20 mai 2009 qui, dans ses motifs, a retenu que le coffret intitulé “Nuit insolite” reprenait “une photographie semblable à celle de X (une yourte) dans une couleur très semblable à celle que cette dernière utilisait depuis 2007/2008" et a considéré que ce coffret constituait “la reprise plagiaire” de celui de la société X&CO .

La société X&CO a ensuite fait assigner en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire la société Y devant le présent tribunal par acte d’huissier délivré le 22 septembre 2009.

Par ordonnance du 18 juin 2010, le juge de la mise en état a rejeté la demande de communication de pièces formée par la société X&CO .

Par jugement rendu le 10 juin 2011, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de produire la décision du tribunal de commerce de Nanterre annoncée pour le 27 mai 2011 et de formuler toutes observations sur cette décision et sur la recevabilité de la demande reconventionnelle en parasitisme et concurrence déloyale formée par la société Y.

L’affaire a été renvoyé à l’audience de plaidoirie du 28 juin 2011 pour clôture de la procédure et dépôt de dossier.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 juin 2011, la société X&CO demande au tribunal de:

Vu les articles 31, 32-1 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 111-1 et suivants et l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l’article 1382 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Recevoir la société X&CO en ses demandes, l’en dire bien fondée et ce faisant,

A titre liminaire, sur l’intérêt à agir de X&CO,

— Constater l’intérêt à agir de X&CO au sens de l’article 31 du code de procédure civile;

En conséquence,

— Dire et juger que X&CO est recevable à agir à l’encontre de Y ;

A titre principal, sur la contrefaçon de droits d’auteur,

— Dire et juger que, du 1er au 30 octobre 2008, Y a contrefait sur le coffret cadeau « Nuit Insolite » la photographie de la yourte vue de l’extérieur exploitée par X&CO sur son coffret cadeau SMARTBOX « Séjour pittoresque » ;

En conséquence,

— Condamner Y à verser à X&CO, à titre provisionnel, la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts ;

— Ordonner une expertise visant à déterminer, d’une part, le gain manqué de X&CO et, d’autre part, le montant des bénéfices réalisés par Y entre le 1er et le 30 octobre 2008 grâce à la commercialisation du coffret « Nuit Insolite » ;

A titre principal, sur le parasitisme,

— Dire et juger que Y a commis des actes de parasitisme en reprenant entre le 7 août 2008 et le 8 juillet 2009 (i) les caractéristiques essentielles de la charte graphique des coffrets cadeaux SMARTBOX, et (ii) les associations de thèmes / couleurs des coffrets SMARTBOX ;

En conséquence,

— Condamner Y à payer à X&CO la somme de 517.800,93 € en réparation du gain manqué subi par X&CO en raison des actes de parasitisme commis à son encontre entre le 7 août 2008 et le 8 juillet 2009 ;

— Condamner Y à payer à X&CO la somme de 350.000 € en réparation du trouble commercial subi par X&CO en raison des actes de parasitisme commis à son encontre entre le 7 août 2008 et le 8 juillet 2009 ;

— Ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir dans les conditions suivantes:

Parution du communiqué suivant en police « Times new roman » 12 sur le haut de la page d’accueil du site internet « www.wonderbox.fr » : « Par décision en date du […], la société Y a été condamnée par le Tribunal de grande instance de Paris pour avoir commis des actes de contrefaçon et de parasitisme à l’encontre de la société X&CO caractérisés d’une part, par la contrefaçon des droits d’auteur de X&CO sur la photographie d’une

yourte et, d’autre part, la reprise des éléments caractéristiques de la charte graphique des coffrets SMARTBOX de X&CO. Le Tribunal de grande instance de Paris a notamment fait injonction à la société Y de cesser la promotion, fabrication, commercialisation et distribution des coffrets WONDERBOX reprenant indûment les éléments caractéristiques de la charte graphique des coffrets SMARTBOX de X&CO. La société Y a été également condamnée à payer à la société X&CO la somme de […] euros à titre de dommages-intérêts et la somme de […] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. La publication judiciaire,

la condamnation aux dépens et l’exécution provisoire ont également été ordonnées par le Tribunal de Grande Instance de Paris » ;

Parution du communiqué suivant en police « Times new roman 12 » dans trois journaux choisis par X&CO, aux frais exclusifs de Y, et dans la limite de 5.000 € par insertion, sous l’intitulé : « Par décision en date du […], la société Y a été condamnée par le Tribunal de grande instance de Paris pour avoir commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale à l’encontre de la société X&CO caractérisés d’une part, par la contrefaçon des droits d’auteur de X&CO sur la photographie d’une yourte et, d’autre part, la reprise des éléments caractéristiques de la charte graphique des coffrets SMARTBOX de X&CO. Le Tribunal de grande instance de Paris a notamment fait injonction à la société Y de cesser la promotion, fabrication, commercialisation et distribution des coffrets WONDERBOX reprenant indûment les éléments caractéristiques de la charte graphique des coffrets SMARTBOX de X&CO. La société Y a été également condamnée à payer à la société X&CO la somme de […] € à titre de dommages-intérêts et la somme de […] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. La publication judiciaire, la condamnation aux dépens et l’exécution provisoire ont également été ordonnées par le Tribunal de Grande Instance de Paris » ;

Lesdites parutions devront être effectuées dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard ;

La parution du communiqué sur le site internet de la société Y est ordonnée pour une période ininterrompue de 30 jours à compter de la date de mise en ligne dudit communiqué; à défaut de parution du communiqué dans le délai imparti par le tribunal, et nonobstant l’application d’astreintes éventuellement dues par Y, la période de parution du communiqué sera portée à 60 jours ininterrompus à compter de la date de mise en ligne dudit communiqué;

A titre subsidiaire, sur les demandes reconventionnelles de Y,

— Constater que X&CO n’a commis aucun abus du droit d’agir à l’encontre de Y ;

— Dire et juger que X&CO n’a commis aucun acte de parasitisme à l’encontre de Y ;

En conséquence,

— Débouter Y de ses demandes reconventionnelles ;

En tout état de cause,

— Condamner Y à payer à X&CO, la somme de 32.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— Condamner Y aux dépens qui pourront être directement recouvrés par Maître D E conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

— Ordonner l’exécution provisoire du jugement, en ce compris les dépens et la somme allouée au titre des frais irrépétibles.

A titre liminaire, la société X&CO se prévaut d’un intérêt à agir actuel nonobstant le retrait de la photographie litigieuse sur le coffret WONDERBOX et les modifications des caractéristiques visuelles des coffrets WONDERBOX, au motif que la situation passée laisse subsister un intérêt à agir.

Sur la contrefaçon, elle se prévaut de droits d’auteur sur la photographie originale d’une yourte figurant sur son coffret “séjour pittoresque”depuis janvier 2008 et relève que la présence de la photographie d’une yourte sur le coffret de sa concurrente constitue une contrefaçon par imitation du fait des ressemblances flagrantes existant entre les deux photographies.

Elle estime enfin que la société Y a commis des actes de parasitisme en reprenant indûment les éléments caractéristiques de la composition graphique de ses coffrets SMARTBOX d’une part et en copiant servilement les associations thèmes/couleurs utilisées sur les coffrets SMARTBOX d’autre part.

Elle expose que sa charte graphique repose sur la combinaison des trois éléments suivants: une couleur selon le thème du coffret, un bandeau blanc avec le titre du coffret et une photographie; que la société Y a adopté une charte graphique similaire à la fin de l’été 2008 alors que la présentation antérieure de ses coffrets était différente et que la totale rupture avec la charte antérieure, qui n’était nullement imposée par des impératifs techniques ou fonctionnels, démontre la reprise par Y des caractéristiques de la charte graphique des SMARTBOX; que l’adoption d’une nouvelle charte graphique le 8 juillet 2009, postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel de Paris, constitue un aveu de responsabilité et démontre le caractère déloyal des agissements de Y entre le 7 août 2008 et le 8 juillet 2009.

Elle soutient ensuite que sa concurrente a servilement copié les associations thèmes/codes couleurs des coffrets SMARTBOX, ce qui démontre la volonté de la défenderesse de se placer dans le sillage de la société X&CO et qui, cumulé avec la reprise de la charte graphique, caractérise le suivisme de Y.

Enfin, la société X&CO souligne le comportement parasitaire de la société Y à l’encontre du coffret SMARTBOX “séjour pittoresque” du fait de la reprise d’une photographie de yourte vue de l’intérieur alors que le choix de cette photographie n’est nullement dicté par le contenu du coffret, qui ne comprend que 5% d’offres de séjours en yourte et du fait de l’alignement de la défenderesse sur le prix pratiqué par la société X&CO.

Sur les mesures réparatrices de la contrefaçon, la société X&CO sollicite l’allocation de dommages et intérêts évalués d’après le manque à gagner qu’elle a subi et les bénéfices indûment réalisés par la société Y. Elle réclame une mesure d’expertise afin de lui permettre d’évaluer précisément son préjudice.

S’agissant des actes de parasitisme, elle se prévaut de son gain manqué et du trouble commercial lié à la perte d’un avantage concurrentiel.

Subsidiairement, elle estime que les demandes reconventionnelles sont infondées en l’absence d’abus du droit d’agir.

Elle relève que le présent tribunal, saisi dans un second temps de la demande formulée devant le tribunal de commerce de Nanterre, dispose de la faculté de se dessaisir d’office dans un souci de bonne administration de la justice.

En tout état de cause, elle conclut au débouté de la demande de parasitisme formée par la société Y, soutient que sa nouvelle charte se situe dans la continuité de sa précédente charte près diverses évolutions et qu’en toute hypothèse, la société Y a renoncé au bandeau blanc le 8 juillet 2009. Elle en déduit que les coffrets SMARTBOX ne peuvent dès lors être en concurrence avec les anciens coffrets.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique le 24 juin 2011, la société Y demande au tribunal de:

A titre principal :

1. Déclarer X&CO irrecevable en son action à l’encontre de Y faute d’intérêt à agir ;

2. En conséquence, débouter X&CO de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire:

3. Dire que Y n’a ni commis d’actes de contrefaçon, ni d’actes de parasitisme à l’égard de X&CO ;

4. Débouter X&CO de l’ensemble de ses demandes ;

A titre reconventionnel :

5. Condamner X&CO à payer à Y la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêt pour abus de droit d’agir ;

6. Déclarer recevable la demande reconventionnelle de Y relative aux actes de parasitisme et de concurrence déloyale commis par X&CO au préjudice de Y;

7. Dire que X&CO a commis des actes de parasitisme en reprenant dans sa nouvelle charte graphique 2009, les éléments essentiels de la charte graphique des coffrets-cadeaux de Y ;

8. En conséquence, condamner X&CO à payer à Y la somme forfaitaire de 30.000 euros à parfaire au titre du gain manqué et du trouble commercial subi par Y;

9. Interdire à X&CO de fabriquer, distribuer, commercialiser et faire la promotion de ses coffrets-cadeaux SMARTBOX utilisant la charte graphique 2009, sous quelque forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir ;

10. Ordonner à X&CO le retour ou le retrait du marché de l’ensemble de ses coffrets-cadeaux SMARTBOX utilisant la charte graphique 2009, et de tout document commercial ou publicitaire portant une reproduction des produits incriminés, sous astreinte de 300 euros par jour de retard par produit, à compter du prononcé du jugement à intervenir ;

11. Ordonner la destruction de l’ensemble des coffrets-cadeaux SMARTBOX utilisant la charte graphique 2009 en circulation sur le marché ;

12. Ordonner la publication de décision à venir dans deux journaux nationaux aux frais de X&CO ainsi que la diffusion sur les sites internet http://www.smartbox.com/fr/ et http://www.weekendesk.fr/ pendant une durée de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir sur leur page d’accueil en haut et en caractère TIMES 16, du bandeau publicitaire suivant :

« PUBLICATION JUDICIAIRE : Par jugement du (…), le Tribunal de grande instance de PARIS a condamné X&CO à (…), aux dépens, à la somme de (…) euros à titre de dommages et intérêts et de (…) euros au titre de l’article 700 C. Proc. Civ., ainsi qu’à la publication judiciaire du jugement dans deux journaux nationaux et sur la page d’accueil des sites internet pendant une durée de deux mois http://www.smartbox.com/fr/ et http://www.weekendesk.fr/ aux motifs que

X&CO (SMARTBOX) a repris la charte graphique de Y (WONDERBOX) commettant, de ce fait, un acte de parasitisme et de concurrence déloyale au préjudice cette dernière » ;

En tout état de cause :

13. Condamner X&CO aux dépens, dont distraction au profit de la SCP WOOG & ASSOCIES en application de l’article 699 du Code de procédure civile ;

14. Condamner X&CO à payer à la Y la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Y soutient que la société X&CO mène une stratégie commerciale et judiciaire pour évincer du marché tout concurrent et rester seul titulaire du concept des coffrets cadeaux.

A titre principal, elle soulève l’irrecevabilité de l’action de la société X&CO pour défaut d’intérêt né et actuel à agir en l’absence de tout préjudice démontré et du fait des modifications apportées par la société Y tant de la photographie arguée de contrefaçon que des caractéristiques visuelles de ses coffrets antérieurement à l’introduction de la présente instance.

La société Y conteste par ailleurs toute contrefaçon de droits d’auteur et argue de la sortie quasiment concomitante des coffrets concurrents comportant la photographie de yourte. Elle soutient qu’elle a retiré du marché les coffrets argués de contrefaçon ; que la société X&CO a changé de visuel pour ses coffrets “séjour pittoresque”, que les couleurs des coffrets constituent une différence majeure et que la photographie revendiquée ne présente aucune originalité.

Elle conclut en outre à l’absence de parasitisme à défaut d’imitation de la charte graphique de la demanderesse et prétend qu’elle a été la première à associer des couleurs et des thèmes, la société X&CO se contentant de la suivre en la matière. Elle observe que la demanderesse fait régulièrement évoluer les couleurs de ses coffrets et qu’elle ne peut se prévaloir d’aucune constance dans la charte graphique qu’elle revendique.

La société Y soutient que la dernière évolution de sa charte graphique provient non pas d’un comportement parasitaire à l’égard de la demanderesse mais de l’évolution des besoins des clients.

Sur l’absence de reprise des caractéristiques de la charte graphique SMARTBOX, la défenderesse fait valoir tout d’abord que la société X&CO ne démontre ni l’antériorité, ni l’originalité de la charte composée d’un bandeau blanc, d’une couleur et d’une photographie, qui se retrouve d’ailleurs chez la plupart des acteurs du marché.

Elle soutient ensuite qu’aucun risque de confusion n’est caractérisé en raison des différences pouvant exister entre les formes des coffrets concurrents, leur typographie, les photographies, la présence évidente des marques de chacune des parties, la différence de prix et la présentation en magasin des produits sur des linéaires différents.

S’agissant de la reprise de l’association couleur/thème, la société Y estime qu’elle a été la première à l’utiliser et que la société X&CO ne démontre aucune constance dans cette association.

Elle nie enfin tout parasitisme dans l’usage d’une photographie de la yourte vue de l’intérieur pour son coffret “nuit insolite”.

La société Y conclut donc au débouté des mesures réparatrices sollicitées faute pour la demanderesse d’établir un quelconque préjudice.

A titre reconventionnel, elle argue du caractère abusif de la présente procédure constitué par le nombre de procédures intentées par la société X&CO à son encontre et de l’absence de préjudice actuel résultant de l’adoption d’une nouvelle charte graphique des deux parties.

Elle soulève l’irrecevabilité de l’exception de litispendance qui n’a pas été soulevée in linmine litis par la société X&CO et conclut à la compétence exclusive du juge de la mise en état pour statuer sur cette exception.

Elle prétend au contraire que la nouvelle charte graphique de la société X&CO depuis 2008 constitue un parasitisme de sa propre charte, qui a entraîné un préjudice commercial et un gain manqué.

La clôture de la procédure est intervenue à l’audience du 28 juin 2011, date à laquelle le jugement a été mis en délibéré au 1er juillet 2011.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action

En vertu de l’article 31 du code de procédure civile, “l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention…”.

En l’espèce, la société Y dénie à la société X&CO un intérêt à agir au motif que les faits argués de contrefaçon et la prétendue reprise fautive des caractéristiques visuelles des coffrets de la société X&CO ont cessé.

Cependant, la société X&CO bénéficie d’un intérêt légitime à agir à l’encontre de la société Y pour des faits passés dont elle prétend qu’ils lui ont causé un préjudice, l’intérêt légitime ne se confondant pas avec le bien fondé de l’action ni avec la persistance d’un préjudice.

Il y a donc lieu de déclarer la société X&CO recevable en son action.

Sur la contrefaçon de droits d’auteur

En vertu de l’article L 112-1 du code de la propriété intellectuelle, sont protégés les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit , quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Si en vertu de l’article L 112-2 9° du même code, sont considérées notamment comme œuvres de l’esprit les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de technique analogue, une photographie, à l’instar de toute création, n’est protégée par le droit d’auteur qu’à la condition que, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, elle soit originale.

Lorsque la protection au titre du droit d’auteur est contestée en défense, l’originalité d’une œuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.

En l’espèce, la société X&CO se prétend investie de droits d’auteurs sur une photographie représentant une yourte traditionnelle qu’elle produit sans en expliciter l’originalité, laquelle est déniée par la société Y.

Le tribunal constate que la photographie litigieuse représente en élément central une yourte nomade traditionnelle avec notamment une porte fermée orange et des décorations bleues en bas sur le pourtour de la yourte, laquelle est implantée dans un cadre naturel composé d’herbe, d’arbres en arrière-plan et d’un ciel bleu. Des pas japonais alignés en direction de la porte de l’habitation sont visibles en premier plan.

Cependant, la construction de la photographie ne démontre aucun parti pris esthétique et ne porte aucune empreinte de la personnalité de son auteur, elle se contente au contraire de représenter une vue extérieure d’une yourte installée dans un décor naturel sur lequel le photographe n’a aucune emprise.

Par conséquent, la société X&CO ne peut invoquer la protection par le droit d’auteur de la photographie arguée de contrefaçon et sera déclarée irrecevable à agir en contrefaçon.

Sur le parasitisme

Le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous réserve de l’absence de faute préjudiciable à un exercice paisible et loyal du commerce tenant, notamment, à la captation parasitaire des investissements d’autrui.

Le parasitisme économique est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir faire, d’un travail intellectuel et d’investissements, indépendamment de tout risque de confusion.

Au soutien de sa demande, la société X&CO se prévaut de trois agissements fautifs commis par la société Y:

— la reprise évidente des éléments caractéristiques composant la charte graphique des coffrets de SMARTBOX;

— la reprise des associations de thèmes/couleurs des coffrets SMARTBOX;

— le comportement parasitaire de la société Y à l’encontre du coffret SMARTBOX “séjour pittoresque”.

* sur la reprise des éléments de la charte graphique

La société X&CO indique qu’afin de fidéliser sa clientèle et de lui permettre d’identifier facilement et rapidement ses produits, elle a, dès le début de son activité en 2003, développé et décliné une charte graphique identique pour tous ses coffrets, composée d’une couleur, d’un bandeau blanc avec le titre du coffret et d’une photographie.

Le tribunal relève que la société demanderesse ne revendique aucune charte graphique précise. En particulier, elle ne décrit pas l’emplacement des éléments revendiqués sur ses coffrets.

Il ressort des échantillons de coffrets communiqués, datés entre 2003 et 2008 qui sont de forme carrée, que la présentation du coffret se décompose de la façon suivante: une large bande blanche est positionnée en partie supérieure horizontale du coffret et représente la moitié de la surface. La partie inférieure est composée en partie gauche d’un carré de couleur et en partie droite d’une photographie, ces deux éléments variant selon le thème du coffret.

Dans le bandeau blanc est inscrit le thème du coffret dans une typographie de la même couleur que le carré de couleur et la mention [COFFRET CADEAU] est inscrite au-dessus du thème.

La société X&CO reproche à la défenderesse d’avoir, à la fin de l’été 2008, adopté une nouvelle charte graphique reprenant de manière flagrante les éléments caractéristiques de sa propre charte, à savoir une seule couleur par coffret, un bandeau blanc avec le titre du coffret et une photographie illustrant le thème du coffret.

Or, les coffrets pour lesquels la demanderesse se plaint de parasitisme sont des coffrets rectangulaires présentés en hauteur, avec en partie haute, sur les deux-tiers de la surface, une couleur dans laquelle est insérée une photographie de forme ronde entourée d’un liseré blanc et en partie basse, un bandeau blanc représentant le dernier tiers de la surface et comprenant le thème du coffret écrit dans la même couleur qu’au-dessus et la description du thème en noir.

Il ressort de la comparaison visuelle des coffrets à laquelle s’est livrée le tribunal que malgré des éléments communs (couleur, photographie, bandeau blanc), les coffrets opposés ne révèlent aucune inspiration commune en raison des différence prépondérantes permettant l’individualisation des produits et la société X&CO succombe à rapporter la preuve que le coffret WONDERBOX a copié ou s’est inspiré de sa charte graphique.

Au contraire, il résulte des débats que les coffrets de la société Y combinaient avant l’été 2008 une photographie et une couleur et l’insertion d’une bande blanche ne suffit pas à caractériser un acte de parasitisme, d’autant que l’emplacement, la proportion et la forme de cette bande ne sont pas les mêmes que sur les produits de la société X&CO et que certains coffrets de la défenderesse pour la saison 2006-2007 présentaient déjà une bande horizontale blanche insérée en surimpression sur la photographie de présentation du thème.

De plus, les trois éléments combinés (couleur, photographie, bandeau blanc), qui présentent un caractère banal et dont la société X&CO ne démontre pas qu’ils sont un signe d’individualisation de ses produits aux yeux de la clientèle ni qu’ils ont une quelconque valeur économique, ne peuvent faire l’objet d’un monopole au profit de la société demanderesse qui ne revendique ni ne bénéficie d’aucun droit privatif sur ceux-ci.

Il s’ensuit que l’identité graphique des deux sociétés concurrentes est propre à chacune et qu’aucun acte de parasitisme n’est établi à l’encontre de la société Y.

* sur la reprise des associations thèmes/couleurs

La demanderesse soutient que pour ses coffrets « Rêve d’exception », « Turbo », « Adrénaline », « Sports et aventures », « Séjour spa et bien-être », « Escapade gastronomique », « A la découverte des vins », « Tables d’ici et d’ailleurs », « Chambre d’hôte prestige », et « Nuit insolite » , la société Y a servilement copié les associations thèmes/codes couleurs des coffrets SMARTBOX « Rêve et délices » (dorée), « Sensation » (rouge), « Initiation sportive » (orange), « Séjour sportif » (orange foncé), « Séjour bien-être » (lilas), « Escapade gourmande » (vert), « Dégustation » (rouge bordeaux), « Saveurs du monde» (rouge foncé), « Chambre d’hôte prestige » (vert) et « Séjour Pittoresque » (vert), ce qui démontrerait une volonté manifeste de se placer dans le sillage des SMARTBOX et constituerait un acte de parasitisme flagrant.

La société Y fait valoir à juste titre que la société X&CO n’a jamais utilisé de codes couleurs par thèmes et qu’elle change régulièrement de couleurs, ce qui démontre que l’association des thèmes et des couleurs n’a aucune valeur économique pour la demanderesse et qu’elle n’est pas déterminante dans l’esprit de la clientèle.

En toute hypothèse, la société Y rapporte la preuve qu’elle utilisait antérieurement à l’été 2008 des couleurs différentes selon le thème des coffrets, notamment rouge pour « Turbo», jaune/doré pour « Rêve d’exception », orange ou rouge pour « Adrénaline ».

Il est par ailleurs établi que l’ensemble des acteurs sur le marché des coffrets cadeaux utilisent des couleurs différentes en fonction des thèmes et que l’emploi de couleurs spécifiques telles que bordeaux pour le coffret “découverte du vin” ou vert pour les séjours à la compagne est évident et ne saurait revêtir une valeur économique individualisée procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir faire, d’un travail intellectuel ou d’investissements de la société X&CO.

Il s’ensuit que la demanderesse succombe dans l’administration de la preuve d’actes de parasitisme à l’encontre de la société Y dans l’utilisation de différentes couleurs en fonction des thèmes.

* Sur le comportement parasitaire de la société Y à l’encontre du coffret “séjour pittoresque”

La demanderesse soutient que le maintien par la société Y de la photographie d’une yourte, même vue de l’intérieur, en présentation du coffret “nuit insolite”, qui est directement concurrent de son coffret “séjour pittoresque”, est fautif.

Cependant, le séjour en yourte faisant partie des offres proposées dans le coffret cadeau litigieux, il ne peut être reproché à la société Y d’avoir commercialisée un coffret avec une photographie de l’intérieur d’une yourte, évoquant le caractère insolite des offres, d’autant que le coffret “séjour pittoresque” de la société X&CO présentait en 2006-2007 une maison en forêt, en 2007-2008 la photographie d’une roulotte, en 2008 une photographie de maison au bord de l’eau, à la fin de l’année 2008 seulement la photographie de la yourte, au début de l’année 2009 une maison en pierre au bord de l’eau, ce qui démontre que l’illustration figurant sur le coffret est substituable et que la représentation d’une yourte n’a pas de valeur économique particulière.

La société X&CO sera donc déboutée de l’ensemble de ses demandes de parasitisme et des mesures réparatrices sollicitées de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive

L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

L’existence d’autres procédures judiciaires entre les parties ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi de la demanderesse dans son action et la présente instance introduite après une décision définitive rendue en référé sur une partie des mêmes faits n’est pas fautive, en l’absence d’autorité de la chose jugée au principal des décisions rendues en référé, le demandeur ayant le droit de solliciter, après une instance en référé, une décision au fond.

Enfin, le maintien des demandes malgré le retrait de la vente des coffrets attaqués, postérieurement à l’assignation devant le présent tribunal, ne saurait constituer une faute dès lors qu’au jour de l’introduction de l’instance, la société X&CO avait un intérêt à agir.

La société défenderesse sera donc déboutée de sa demande à ce titre, faute pour elle de rapporter la preuve d’une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de la société demanderesse, qui a pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits et d’établir l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense.

Sur la demande reconventionnelle de parasitisme

La société X&CO avait soulevé dans ses dernières conclusions précédant le jugement du 10 juin 2011 une exception de connexité de cette demande reconventionnelle qui a déjà été formulée devant le le tribunal de commerce de Nanterre, saisi par assignation du 20 août 2008.

Cependant, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 20 juin 2011, elle renonce à cette exception et laisse au juge la faculté de la relever d’office.

Or, ainsi que l’a pertinemment soulevé la société Y, l’exception de connexité, qui constitue une exception de procédure relève de la compétence exclusive du juge de la mise en état en vertu de l’article 771 du code de procédure civile et il n’y a dès lors pas lieu pour le tribunal statuant au fond de soulever d’office ce moyen.

La société Y prétend que la nouvelle charte graphique de la société X&CO, qui reprend une photographie au centre du coffret, une bande blanche sur toute la partie inférieure et l’inscription du nom du coffret dans la bande blanche constitue un acte de parasitisme et de concurrence déloyale à son égard.

Or, si les coffrets cadeaux SMARTBOX présentent les éléments ainsi décrits par la société Y, la réalisation de la présentation des coffrets litigieux comporte des différences de mise en forme telles qu’elles excluent tout risque de confusion entre les coffrets concurrents, notamment par l’utilisation de la photographie sur la majeure partie de la surface du coffret, en position supérieure, la photographie étant rectangulaire avec le coin supérieur gauche tronqué pour laisser apparaître sur fond blanc la marque “Smartbox” ,

tandis que les coffrets WONDERBOX présentent principalement sur un fond coloré une photographie en cercle en partie centrale, placée à gauche sur un fond coloré laissant apparaître en partie inférieure les caractéristiques du coffret.

.

En toute hypothèse, la succession des chartes graphiques de l’une et l’autre partie démontre qu’aucune valeur économique ni aucun pouvoir attractif n’est attaché à la présentation des coffrets, faute d’une quelconque constance dans les éléments adoptés et le tribunal relève que la nouvelle charte de la société X&BOX adoptée en 2009 a coexisté avec la nouvelle charte de la société Y, laquelle a justement abandonné le bandeau blanc le 8 juillet 2009 et retenu un unique fond coloré sur lequel s’inscrit une photographie cerclée de blanc.

Il en résulte que les visuels des coffrets cadeaux opposés ne constituent pas un élément d’identification stable et qu’aucun acte de suivisme n’est établi ; la demande de parasitisme formée à titre reconventionnel par la société Y doit être rejetée et il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes subséquentes d’indemnisation et de publication judiciaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société X&CO qui succombe en l’ensemble de ses demandes, doit être condamnée aux entiers dépens de l’instance, qui pourront être directement recouvrés par la SCP WOOG&ASSOCIES conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle doit en outre être condamnée à payer à la société Y la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la nature de la présente décision, il n’y a pas lieu d’en ordonner l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

par jugement rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DIT que la société X&CO est recevable en son action;

DIT que la société X&CO est irrecevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur sur la photographie illustrant le coffret “séjour pittoresque” commercialisé en 2008;

DEBOUTE la société X&CO de sa demande en parasitisme ;

DEBOUTE la société Y de ses demandes reconventionnelles en procédure abusive et parasitisme ;

CONDAMNE la société X&CO aux entiers dépens de l’instance, qui pourront être directement recouvrés par la SCP WOOG&ASSOCIES ;

CONDAMNE la société X&CO à payer à la société Y la somme de 8 000 euros (HUIT MILLE EUROS) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la présente décision ;

Ainsi fait et jugé à Paris le premier juillet deux mil onze.

Le Greffier Le Président

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 1er juillet 2011, n° 09/14571