Tribunal de grande instance de Paris, 18e chambre 2e section, 2 juillet 2015, n° 12/05209

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S (footnote: 1)

18° chambre

2e section

N° RG : 12/05209

N° MINUTE : 2

Assignation du :

27 Mars 2012

Contradictoire

JUGEMENT

rendu le 02 Juillet 2015

DEMANDERESSE

EURL PATRICIA D’ANTANT SARL exerçant sous l’enseigne “B C” […].

[…]

[…]

représentée par Maître Marie-Laurence SAINTURAT de la SCP SCP GUILLEMAIN SAINTURAT PANEPINTO, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant et postulant, vestiaire #P0102

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. BC VAUGIRARD

[…]

[…]

représentée par Me Philippe FROGER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, avocat plaidant et postulant, vestiaire #PC387

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Séverine MOUSSY, Vice-Président

Madame Z A, Vice-Président

Madame Laurence POISSENOT, Vice-Président

assistées de Marine QUEZEL-CRASAZ, Greffier

DEBATS

A l’audience du 21 Mai 2015

tenue en audience publique

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

en premier ressort

Sous la rédaction de Madame Z A

FAITS et PROCÉDURE

Par acte authentique en date du 2 avril 2001, Mme X aux droits de laquelle se trouve la S.A.R.L. BC Vaugirard, a donné à bail à la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL des locaux commerciaux dépendant d’un immeuble situé […], pour une durée de 9 ans à effet du 1er avril 2001 pour se terminer le 31 mars 2010.

La destination du bail est “commerce de l’art de la table, vaisselle et arts ménagers, petit mobilier et articles de décoration et tout équipement de la maison et de la personne”.

La S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL exploite le commerce sous l’enseigne “B C”.

Par acte d’huissier de justice en date du 11 septembre 2009, la S.A.R.L. BC Vaugirard a donné congé à la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL pour le 31 mars 2010 avec refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction.

Suivant ordonnance en date du 3 août 2001, le juge des référés a désigné M. D E en qualité d’expert. Ce dernier a été remplacé par M. F Y par ordonnance du 15 septembre 2011.

Par acte d’huissier de justice en date du 27 mars 2012, la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL a saisi le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir fixer le montant de l’indemnité d’éviction due par la S.A.R.L. BC Vaugirard à la somme de 1.200.000 euros, outre les indemnités de licenciement.

Le rapport d’expertise a été déposé le 23 octobre 2012.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 octobre 2013, la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL conclut aux fins de voir fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 1.060.000 euros, outre les frais de licenciement sur justificatifs, et aux fins de voir condamner la S.A.R.L. BC Vaugirard au paiement d’une somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, que l’avocat soussigné pourra recouvrer dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 janvier 2015, la S.A.R.L. BC Vaugirard conclut aux fins de voir fixer l’indemnité d’éviction due à la société locataire à la somme de 208.439,04 euros, aux fins de voir fixer l’indemnité d’occupation à la somme de 274.800 euros, de voir fixer l’indemnité d’éviction effectivement due par la S.A.R.L. BC Vaugirard à la somme de 86.611,08 euros.

La société bailleresse demande également que la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL soit condamnée à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et soit condamnée aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, que l’avocat soussigné pourra recouvrir dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile. Elle sollicite l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 janvier 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’expert a déposé son rapport le 23 octobre 2012. Il évalue l’indemnité d’éviction à la somme de 358.400 euros en tenant compte des frais de démontage et de réinstallation, à la somme de 278.000 euros sans tenir compte des frais de démontage et de réinstallation, à la somme de 272.000 euros dans l’hypothèse d’un transfert de fonds.

Il propose de fixer le montant de l’indemnité d’occupation à la somme annuelle de 52.920 euros.

Le refus de renouvellement signifié par la société bailleresse a ouvert droit au profit de la société locataire, d’une part, en vertu de l’article L 145-14 du code de commerce, à une indemnité d’éviction dont le principe n’est pas discuté en l’espèce et, d’autre part, selon l’article L 145-28 du même code, au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de cette indemnité.

En outre, le maintien dans les lieux justifie, d’après l’article précité, le versement à la société bailleresse d’une indemnité d’occupation à compter du 1er avril 2010 et jusqu’à la libération des locaux.

SUR LE MONTANT DE L’INDEMNITÉ D’ÉVICTION

Selon le rapport d’expertise, les locaux sont situés rue de Vaugirard qui est une très longue artère. Le n° 317 se situe dans un tronçon compris entre la rue de la Convention et la place Adolphe Chérioux, où se trouvent de nombreux commerces, dont certains sont des enseignes nationales. Les immeubles environnants sont des immeubles anciens en très bon état, l’immeuble abritant le local commercial comprend 3 niveaux sur sous-sol, la façade est enduite et le ravalement est récent.

L’expert mentionne que la façade du commerce présente un linéaire de vitrine de 4,50 mètres et l’aire de vente est accessible par une porte vitrée à double vantail. Les lieux se composent de l’aire de vente, d’un bureau éclairé par une fenêtre sur cour accessible, depuis les parties communes. L’accès à la réserve au 1er étage se fait par un escalier hélicoïdal étroit, le sous-sol qui comprend deux caves voûtées reliées entre elles, en pierre apparente et dont le sol est cimenté est accessible par un escalier en bois depuis la boutique.

Sur l’indemnité principale.

Aux termes de l’article L 145-14 du code de commerce, l’indemnité d’éviction est destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l’entier préjudice résultant du défaut de renouvellement.

Il est usuel de mesurer les conséquences de l’éviction sur l’activité exercée afin de déterminer si cette dernière peut être déplacée sans perte importante de clientèle auquel cas l’indemnité d’éviction prend le caractère d’une indemnité de transfert ou si l’éviction entraînera la perte du fonds, ce qui confère alors à l’indemnité d’éviction une valeur de remplacement.

L’expert estime que le transfert est possible, dans un environnement équivalent. Cependant, ainsi que le souligne la société locataire, l’éviction entraînera la perte du fonds, faute de local disponible à proximité, ce qui n’a pas été démenti par la S.A.R.L. B.C. Vaugirard sur laquelle l’article L.145-14 du code de commerce fait reposer la charge de la preuve que le préjudice subi par le preneur évincé serait moindre.

L’éviction entraînera, dès lors, la perte du fonds dont la valeur est au moins égale à la valeur du droit au bail.

La S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL souligne que, compte tenu de l’importance des prix de marché dans ce second tronçon de la rue de Vaugirard à proximité du carrefour Vaugirard / Convention, la valeur du droit au bail est forcément supérieure à l’évaluation du fonds de commerce calculée en fonction des chiffres d’affaires et des résultats.

Il résulte de l’analyse des bilans des années 2008 à 2010 que le chiffre d’affaires moyen hors taxes des trois dernières années, qu’il est d’usage de retenir pour valoriser les fonds de commerce, s’est élevé à 312.706 euros soit 373.996,38 euros toutes taxes comprises. L’expert précise qu’il a sollicité le chiffre d’affaires 2011 auprès de la société locataire qui ne le lui a pas communiqué.

Il résulte des recherches de l’expert, que le pourcentage habituellement retenu pour les cessions dans cette branche d’activités se situe selon les barèmes entre 40 et 65 % du chiffre d’affaires toutes taxes comprises. Compte tenu de la qualité des produits, l’expert retient un coefficient de 55 % soit une valeur du fonds de commerce de 373.996 euros x 0,55 = 205.698 euros arrondis 205.700 euros.

L’expert n’a pas retenu la méthode de rentabilité qui consiste à appliquer un coefficient multiplicateur au résultat d’exploitation car il précise qu’il n’a pas pu séparer le résultat des deux commerces, celui de Paris et celui de Chartres, en l’absence de comptabilité analytique distincte.

La S.A.R.L. BC Vaugirard s’étonne que la société locataire n’ait pas produit le chiffre d’affaires pour l’année 2011 et demande, en l’absence de comptabilité analytique distincte entre les deux magasins situés à Paris et à Chartres, ce qui a contraint l’expert à recourir à une moyenne, que soit appliqué au chiffre d’affaires moyen un correctif de moins 20 % soit un chiffre d’affaires de 299.441,76 euros toutes taxes comprises arrondis à 300.000 euros auquel il convient d’appliquer un coefficient de 55 % ainsi que le propose l’expert. Selon la société bailleresse, la valeur du fonds de commerce s’élève, dès lors, à la somme de 300.000 euros x 55 % = 165.000 euros.

Contrairement à ce qu’indique la société bailleresse, les chiffres d’affaires retenus par l’expert pour les années 2008, 2009 et 2010 correspondent aux chiffres d’affaires réalisés dans le magasin étudié qui se trouve à Paris et peuvent être retenus. L’estimation du coefficient de 55 % accepté par la société bailleresse et non contesté par la société locataire est retenue. La société locataire n’a pas conclu sur la proposition de l’expert relative à la valeur du fonds de commerce.

Au regard de ces éléments, la valeur du fonds de commerce retenue est celle qui est proposée par l’expert soit 205.700 euros.

La valeur du droit au bail se calcule par la différence entre le montant de la valeur locative et le loyer qui aurait été perçu si le bail avait été renouvelé, cette différence étant elle-même affectée d’un coefficient multiplicateur au regard de l’intérêt des locaux pour l’activité exercée.

L’expert propose une surface pondérée de 84 m² qui n’est pas contestée par les parties et est retenue.

Afin d’évaluer le montant de la valeur locative de marché, l’expert propose une référence judiciaire de 700 euros le m² au mois de juin 2008 pour un commerce d’arts de la table situé […], trois références de loyers renouvelés postérieurs à 2008 s’élevant à 401 euros le m² pour un commerce situé 4 rue Bausset, à 464,90 euros le m² pour un commerce situé […] et à 458,52 euros le m² pour un magasin Jeff de Bruges situé […] ainsi qu’une référence de première location de 747 euros le m² pour un local plus petit situé […].

Au regard de ces références, il retient une valeur locative de marché de 750 euros le m². Il évalue la différence entre la valeur locative de marché et le loyer perçu en 2010 à 750 euros – 370 euros = 380 euros le m² soit pour 84 m² : 380 euros x 84 = 31.920 euros et applique un coefficient de situation égal à 7 correspondant à une très bonne situation soit une valeur de droit au bail de 31.920 euros x 7 = 223.440 euros arrondis à 223.400 euros.

Cependant, ainsi que le souligne la société locataire, le différentiel s’établit entre la valeur locative de marché et le loyer qu’aurait payé la société locataire si le bail avait été renouvelé et non, comme l’indique l’expert entre la valeur locative de marché et le loyer perçu en 2010.

La S.A.R.L. BC Vaugirard estime que la valeur locative de marché doit être fixée à 650 euros le m², en précisant que les offres collectées dans le quartier par l’expert font toutes référence, à l’exception d’une seule, à un prix unitaire inférieur à 700 euros.

Elle demande que le coefficient de capitalisation retenu soit 5,5 plus conforme à la réalité de l’emplacement du bien et qu’en conséquence, la valeur du droit au bail soit fixée à : 650 euros – 370 euros = 280 euros x 84 m² = 23.520 euros x 5,5 = 129.360 euros arrondis à 130.000 euros.

La S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL conteste le rapport d’expertise de M. Y sur l’évaluation de la valeur locative de marché en soulignant que ce dernier ne dispose pas de références de transaction récentes et qu’il convient de prendre en compte les références produites par M. G H dans le cadre d’un rapport d’expertise amiable qu’elle a fait diligenter.

Le fait pour la société locataire de produire un rapport amiable, s’il n’est pas nécessairement de nature à emporter la conviction du tribunal du bien fondé de ses explications, n’est pas de nature à fausser la loyauté des débats, dès lors qu’il s’agit d’une pièce régulièrement soumise à la contradiction. Il n’y a donc pas lieu d’écarter des débats le rapport établi par M. G H.

Ce dernier produit deux références de locations nouvelles soit un prix unitaire de 989 euros le m² au mois d’avril 2004 pour un magasin Picard Surgelés situé […] et un prix unitaire de 1.613 euros le m² au mois de mai 2009 pour un magasin de lingerie situé 325 rue de Vaugirard ainsi qu’un prix unitaire de 926 euros le m² au mois de d’avril 2006 pour un magasin de jeux vidéo situé […].

Le rapport d’expertise amiable mentionne également deux références de loyers décapitalisés, c’est-à -dire reconstitués après prise en compte des versements du droit au bail, qui peuvent être pris en considération pour le calcul des valeurs de droit au bail en matière d’indemnités d’éviction, soit un prix unitaire de 1.149 euros le m² au mois de mars 2009 pour une librairie située 296 rue de Vaugirard et un prix unitaire de 2.030 euros le m² au mois de janvier 2007 pour un magasin de restauration rapide situé […].

La société locataire, reprenant les conclusions de M. H qui précise que le magasin est situé sur le second tronçon de la rue de Vaugirard sur un secteur, commercialement très actif, recherché par les enseignes nationales et bien desservi par les transports en commun, à mi-chemin entre les stations Vaugirard et Convention propose une valeur locative de marché de 1.500 euros le m².

La S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL demande que le coefficient retenu soit 8,5 pour tenir compte de l’excellente commercialité du secteur soit une valeur du droit au bail de 1.500 euros x 84 m² = 126.000 euros – 29.329 euros = 96.671 euros x 8,5 = 821.703, 5 euros arrondis à 821.700 euros.

Compte tenu des références proposées, de la destination des lieux, de la qualité de l’immeuble, de l’intérêt de l’emplacement et des caractéristiques des locaux sur lesquels porte le bail renouvelé, il sera retenu une valeur locative de marché de 1.100 euros le m².

Les lieux loués, si le bail avait été renouvelé, à défaut de motif de déplafonnement invoqué par le bailleur, auraient vu leur loyer fixé à la somme de 29.329 euros.

Le différentiel par an s’établit, dès lors, à la somme de (1.100 x 84 ) – 29.329 = 63.071 euros.

Le coefficient 7 retenu par l’expert est adapté à la qualité des lieux décrits, la proposition de la société locataire soit 8,5 correspondant à des locaux d’une très haute commercialité, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La valeur du droit au bail doit, par conséquent, être estimée à la somme de 63.071 euros x 7 = 441.497 euros arrondis à 441.500 euros.

La valeur du fonds étant inférieure à la valeur du droit au bail, c’est cette dernière qui sera retenue pour fixer le montant de l’indemnité principale.

Sur les indemnités accessoires.

Le fait que l’indemnité d’éviction prenne le caractère d’une indemnité de remplacement ne fait pas obstacle à l’appréciation des indemnités dites accessoires destinées à compenser le préjudice que subit le preneur évincé du fait de l’éviction.

Les frais de remploi sont destinés à permettre au locataire évincé de faire face aux frais qu’il devra débourser à l’occasion de l’achat d’un fonds d’une valeur équivalente. La proposition de l’expert de voir chiffrer l’indemnité de remploi à hauteur de 13 % de l’indemnité d’éviction, non contestée par les parties, est retenue soit 441.500 euros x 13 % = 57.395 euros.

L’expert ne retient pas le préjudice consécutif à la perte sur stock, ce que conteste la société locataire qui propose que soit retenue la somme de 15.000 euros. Cependant, ainsi que le souligne la société bailleresse, la société locataire ne démontre pas que l’éviction aura pour effet une perte de vente, le fait que ces articles soient “passés de mode ”ainsi que le craint la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL, n’ayant pas de lien avec l’éviction. Dès lors, aucune indemnité ne sera due à ce titre.

Le trouble commercial correspondant au trouble causé par le temps nécessaire à une nouvelle installation justifie l’attribution d’une indemnité spécifique. L’expert estime à trois mois la durée du trouble commercial et a recherché la marge brute pendant ces trois mois qu’il évalue à 96.688,70 euros pour un an et donc à la somme de 24.172 euros pour trois mois arrondis à 24.200 euros. Cette évaluation, non contestée, par les parties est retenue.

L’expert ne retient pas d’indemnité s’agissant des frais de réinstallation. Cependant, ainsi que la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL le rappelle, les frais de réinstallation doivent être pris en compte, tant dans l’hypothèse du remplacement du fonds de commerce que dans celle de son déplacement.

La S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL verse au débat la lettre en date du 1er mars 2012 que lui a adressé son franchiseur et qui confirme que le mobilier présent dans le magasin du […] ne peut être réutilisé dans un autre local; que les ratios communiqués par les magasins ayant ouvert ces dernières années permettent de déterminer un prix de revient au m² de 885 euros le m² hors taxes comprenant les aménagements, hors gros oeuvre et climatisation.

Les frais d’agencement que la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL devra effectuer dans les locaux où elle se réinstallera, qu’il s’agisse des nouveaux équipements nécessaires à l’exploitation ou des frais de rénovation des locaux justifient une indemnisation qu’il convient d’évaluer forfaitairement à la somme de 885 euros x 84 m² = 74.340 euros.

L’expert évalue les frais de déménagement à la somme de 2.000 euros, ce qu’approuve la société bailleresse. Cependant, la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL produit deux devis de déménagement qui évaluent le coût de ce dernier à 7.000 euros. Cette évaluation est retenue.

Les frais de licenciement seront payés sur justificatifs.

L’expert retient une somme de 2.000 euros pour les frais divers correspondant à la réédition des cartes de visites, aux envois de mailings aux clients et aux fournisseurs et au coût des formalités au registre du commerce et des sociétés.Il y a lieu de retenir cette proposition.

L’indemnité d’éviction est donc constituée, outre l’indemnité principale, de la somme des différentes indemnités précitées soit de la somme totale, pour les indemnités accessoires, de 57.395 + 24.200 + 74.340 + 7.000 + 2.000 = 164.935 euros, outre les frais de licenciement.

L’indemnité d’éviction totale due à la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL s’élève, par conséquent, à la somme de 441.500 euros + 164.935 euros = 606.435 euros.

SUR L’INDEMNITÉ D’OCCUPATION

En application de l’article L 145-28 du code de commerce, le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction calculée d’après la valeur locative, tout en corrigeant cette dernière de tous éléments d’appréciation.

L’expert judiciaire retient une valeur de 700 euros le m² approuvée par la S.A.R.L. bail commercial Vaugirard et non contestée par la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL qui est retenue.

L’indemnité d’occupation annuelle s’élève à 700 euros x 84 m² = 58.800 euros par an, hors taxes et hors charges.

L’expert judiciaire applique, à juste titre, pour tenir compte de la précarité des conditions d’occupation de la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL, depuis la date d’effet du congé et des difficultés qui en résultent pour l’exploitation du fonds, un abattement de 10 % qui est retenu soit une indemnité d’occupation annuelle, hors taxes et hors charges, de : 58.800 euros x 0,90 = 52.920 euros.

SUR LES AUTRES DEMANDES.

La S.A.R.L. BC Vaugirard et la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL étant réciproquement créancière et débitrice l’une de l’autre, il y a lieu de constater que le paiement de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation s’opérera de plein droit par compensation.

L’existence du droit de repentir dont bénéficie la S.A.R.L. BC Vaugirard, en vertu de l’article L.145-58 du code de commerce, interdit qu’une condamnation soit prononcée pour assurer le paiement de l’indemnité d’éviction.

En raison du paiement par compensation de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation, il n’y a pas lieu de condamner la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL au paiement de cette dernière.

L’exercice du droit de repentir reconnu à la S.A.R.L. BC Vaugirard et le droit au maintien dans les lieux dont bénéficie la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL sont incompatibles avec l’exécution provisoire qui, en conséquence, ne sera pas ordonnée.

L’instance et l’expertise judiciaire ont eu pour cause la délivrance par la S.A.R.L. BC Vaugirard du congé refusant le renouvellement. Il lui appartient, en conséquence, d’en supporter les dépens, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire ainsi que le montant de l’indemnité allouée à la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qui est fixée à la somme de 4.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit que, par l’effet du congé comportant refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction signifié le 11 septembre 2009 par la SARL BC Vaugirard à la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL, le bail a pris fin le 31 mars 2010,

Dit que l’éviction entraîne la perte du fonds de commerce exploité par la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL dans les locaux appartenant à la S.A.R.L. BC Vaugirard et situés […] à paris 15e,

Fixe à la somme de 606.435 euros le montant de l’indemnité d’éviction toutes causes confondues, dû par la S.A.R.L. BC Vaugirard à la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL, outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatifs,

Dit que la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL est redevable à l’égard de la S.A.R.L. BC Vaugirard d’une indemnité d’occupation à compter du 1er avril 2010,

Fixe le montant de cette indemnité d’occupation à la somme annuelle de 52.920 euros, outre les taxes et charges,

Dit que la compensation entre le montant de l’indemnité d’éviction et le montant de l’indemnité d’occupation s’opérera de plein droit,

Condamne la S.A.R.L. BC Vaugirard à payer à la S.A.R.L. Patricia d’Antant EURL la somme de 4.000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.R.L. BC Vaugirard aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire et dit qu’ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris, le 2 juillet 2015.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Marine QUEZEL-CRASAZ Séverine MOUSSY

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