Tribunal de grande instance de Paris, Expropriations, 4 juin 2015, n° 14/00219

  • Ville·
  • Prix·
  • Commissaire du gouvernement·
  • Droit de préemption·
  • Expropriation·
  • Biens·
  • Lot·
  • Valeur vénale·
  • Valeur·
  • Immeuble

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
TGI Paris, expropriations, 4 juin 2015, n° 14/00219
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 14/00219

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

Expropriations

N° RG : 14/00219

JUGEMENT

DU 4 JUIN 2015

DEMANDERESSE

VILLE DE PARIS

Agissant par son Maire en exercice

HOTEL DE VILLE

[…]

représentée par Maître Stéphane DESFORGES

de la SELARL LE SOURD DESFORGES,

avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire K0131

DÉFENDERESSE

S.C.I. Z DES ROSES

En la personne de son représentant légal

[…]

[…]

non comparante ni représenté

LE DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS,

exerçant les fonctions de commissaire du Gouvernement,

représenté par M. Yves LE PUIL,

* * *

OPÉRATION :

[…]

(droit de préemption urbain)

Christian GHIGO, vice-président au tribunal de grande instance de PARIS, Juge de l’expropriation, assisté de Arnaud FAURE, Greffier, désignés conformément aux articles R13-2 et R13-10 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

Après débats à l’audience publique du 7 avril 2015 au cours desquels ont été entendus les parties ou leurs représentants et le commissaire du Gouvernement, dans le développement de leur mémoire et en leurs observations, l’affaire a été mise en délibéré au 4 juin 2015 ;

* * *

Par requête en date du 8 octobre 2014 visée par le greffe le 13 octobre 2014, à laquelle était joint un mémoire, la Ville de Paris a saisi le juge de l’expropriation du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir fixer le prix du bien appartenant à la SCI Z DES ROSES, bien soumis au droit de préemption urbain constituant le lot 36 de l’immeuble en copropriété sis […] à Paris 18e arrondissement.

En vertu de la délibération n°DU-127 des 16 et 17 octobre 2006, le Conseil de Paris a institué le droit de préemption urbain sur les zones U du plan local d’urbanisme approuvé et sur les périmètres des plans de sauvegarde et de mise en valeur du Marais et du 7e arrondissement.

Par ailleurs, la délibération du 5 avril 2014 du Conseil de Paris a donné à Madame le Maire délégation de compétence pour l’exercice des droits de préemption définis par le code de l’urbanisme.

En application des dispositions des articles L.210-1 et suivants et L.211-5 et suivants du code de l’urbanisme, et sur le fondement de la délibération DLH 2011-89 des 28,29 et 30 mars 2011 adoptant le programme local de l’habitat pour la période comprise entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2016, ainsi que le cadre des actions mises en oeuvre par la Ville pour mener à bien ce programme, Madame le Maire de Paris a décidé d’exercer son droit de préemption sur le bien précité, en vue de réaliser une opération de conventionnement d’un logement social.

En application de l’article L.211-5 du code de l’urbanisme, le représentant légal de la SCI Z DES ROSES, Monsieur Y Z, a avisé la Ville de Paris par courrier du 30 juin 2014 de son intention d’aliéner le bien au prix de 150.000 euros.

Par lettre du 26 août 2014, la Ville de Paris a fait en réponse une offre d’acquisition concernant ledit bien moyennant le prix de 75.000 euros.

Par courrier du 27 septembre 2014, la SCI Z DES ROSES a indiqué maintenir son prix de vente initial.

Par ordonnance en date du 14 janvier 2015, le transport a été fixé au 4 mars 2015. L’audience en fixation du prix a été fixée au 7 avril 2015.

Il est fait référence expressément :

pour la Ville de Paris:

— au mémoire visé par le greffe le 13 octobre 2014,

pour la SCI Z DES ROSES:

— au mémoire en défense visé par le greffe le 7 novembre 2014,

— au mémoire en défense visé par le greffe le 4 mars 2015,

pour le commissaire du Gouvernement:

— aux conclusions en date du 16 février 2015, visées par le greffe le 20 février 2015,

— aux conclusions en date du 16 mars 2015, visées par le greffe le 23 mars 2015.

— aux conclusions en date du 31 mars 2015, visées par le greffe le 7 avril 2015.

Description des biens :

Les biens sont compris dans un ensemble immobilier construit sur une parcelle cadastrée […] située au nord-est de Paris, dans le 18e arrondissement, quartier La Chapelle.

Le quartier La Chapelle se présente sous la forme d’un quadrilatère, marqué par de fortes emprises SNCF, à l’est par les voies desservant la gare de l’Est et à l’ouest par les voies desservant la gare du Nord. Il est limité au nord par le boulevard périphérique et la commune de Saint Ouen, au sud par le 10e arrondissement et la ligne 2 du métro, aérienne à cet endroit.

[…] est desservie par les stations de […] (ligne 12) et la Chapelle (ligne 2).

Le quartier est actuellement en cours de rénovation, bénéficiant d’équipements publics récents mais conservant quelques poches d’habitat vétuste, ainsi que des marques de l’urbanisme des années soixante et soixante dix.

L’ensemble immobilier, édifié en 1860 comprend un corps de bâtiment en façade sur rue élevé sur caves, d’un rez-de-chaussée et de six étages, une cour de forme rectangulaire dans laquelle se trouve un appentis à droite, un corps de bâtiment en façade sur cour élevé sur caves, d’un rez-de-chaussée et de quatre étages.

Les bâtiments sont essentiellement dédiés à l’habitation avec la présence en rez-de-chaussée du bâtiment sur rue, de locaux d’activité constitués d’anciens ateliers.

Lors du transport sur les lieux en date du 4 mars 2015, il a été constaté que l’immeuble sis […] est dans un état d’entretien médiocre, les peintures des parties communes étant usées et défraîchies et les façades des bâtiments sur cour et sur rue étant à ravaler.

L’immeuble souffre également d’un manque d’équipement en l’absence d’ascenseur, de chauffage central, d’isolation thermique, de local commun pour vélos ou poussettes.

La SCI Z DES ROSES est propriétaire du lot n°36 correspondant à un appartement d’une superficie de 30,10 m2, composé d’un séjour, d’une chambre, d’une cuisine et droit au WC communs sur palier, situé au 5e étage du bâtiment sur rue.

Offre de la Ville de Paris :

La Ville de Paris offre un prix total de 75.000 euros en valeur vénale occupé, cave incluse, sur la base d’une valeur de 3.114 € le m2 affectée d’un coefficient de 0,8 pour abattement pour occupation, faisant valoir que le bien est occupé par un locataire.

Elle propose ainsi:

30,10 m2 x 3.114 € x 0,8 = 75.000 € en nombre rond.

Demande de la SCI Z DES ROSES :

La SCI Z DES ROSES considère que le prix proposé par la Ville de Paris est manifestement insuffisant et sur la base de plusieurs ventes récentes dans le quartier, elle sollicite la somme de 150.000 euros, soit 4.870 euros le m2.

Elle demande également la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civil, ainsi que la condamnation de la Ville de Paris à réparer tout dommage causé par le retard de cette transaction.

Conclusions du commissaire du gouvernement :

Le commissaire du gouvernement fait valoir que l’immeuble a fait l’objet d’une division en lots de copropriété par acte de Maître X, notaire, le 10 décembre 2010 puis d’une vente lot par lot. Des lots ont été acquis par préemption par la Ville de Paris et d’autres par la SCI Z DES ROSES.

L’acquisition des lots par la SCI Z DES ROSES a fait l’objet d’un acte notarié en date du 16 janvier2013, lequel a traité de l’acquisition de plusieurs lots pour un prix global de 621.400 €, le lot 36 étant estimé à 60.000 €.

Le commissaire du gouvernement expose que l’offre de la Ville de Paris est donc supérieure de 15.000 € à la valeur du bien estimée dans un acte notarié en date du 16 janvier 2013.

Il fait valoir, à partir des mutations retenues qu’une valeur vénale unitaire de 3.466 € au m2 peut être proposée sur des biens libres d’occupation, afin de tenir compte de la réalité des prix de marché.

Il ajoute que le bien de la SCI Z DES ROSES est occupé par un locataire régi par les dispositions de la loi n° 18/1360 du 1er septembre 1948, lesquelles étant très favorables aux locataires, grèvent fortement la valeur vénale du logement. Il justifie ainsi un abattement de 25% et propose donc une valeur vénale de:

3.466 € x 30,10 m2 x 0,75 = 78.245 euros.

MOTIVATION

Fixation du prix :

Selon l’article L.211-5 du code de l’urbanisme “Tout propriétaire d’un bien soumis au droit de préemption peut proposer au titulaire de ce droit l’acquisition de ce bien, en indiquant le prix qu’il en demande. Le titulaire doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de ladite proposition dont copie doit être transmise par le maire au directeur départemental des finances publiques.

A défaut d’accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation selon les règles mentionnées à l’article L.213-4.

En cas d’acquisition, l’article L.213-14 est applicable.

(….).”

Aux termes de l’article L.213-4 du code de l’urbanisme, “ A défaut d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment l’indemnité de remploi.

(…).

En l’espèce, à défaut d’accord amiable, il appartient à la juridiction de l’expropriation de fixer le prix du bien.

Ce prix sera fixé en recherchant la valeur vénale à ce jour des biens, la valeur vénale étant déterminée d’après les données du marché immobilier par comparaison avec des prix de vente constatés à l’occasion de mutations similaires, présentant des caractéristiques comparables, notamment au regard de l’emplacement et de la date, ces transactions reflétant le jeu normal de l’offre et de la demande à un moment donné.

Situation d’occupation :

Le bien est occupé par un locataire en vertu d’un bail renouvelable prenant effet le 1er juillet 1984, sous les conditions de la loi n° 18/1360 du 1er septembre 1948, moyennant un loyer de 564 € par trimestre.

Le prix sera donc fixé en valeur vénale occupé.

Analyse des termes de comparaison proposés par les parties :

Termes proposés par la Ville de Paris :

La Ville de Paris propose cinq termes de comparaison pourvus des références de publicité pour des ventes d’immeubles en 2011 dans le 18e arrondissement de Paris.

Ces ventes d’immeubles entiers en 2011 ne pourront être retenues au regard de la surface beaucoup plus petite du lot de copropriété à évaluer et de l’ancienneté des mutations.

Termes proposés la SCI Z DES ROSES:

La SCI Z DES ROSES propose neuf références extraites de la base notariale “Bien”, mais ces termes de référence, peu précis et non pourvus de référence de publicité ne pourront ainsi être retenus.

Termes proposés par le commissaire du gouvernement :

Le commissaire du gouvernement fait état des termes de comparaison précis et pourvus des références de publicité.

— Vente du 16 octobre 2014 publiée 2014P04494,

[…]

logement d’une surface de 28 m2 au 5e étage dans un immeuble de 1884,

Prix : 67.500 €, soit 2.700 € / m².

— Vente du 1er juillet 2014 publiée 2014P03215,

[…]

logement d’une surface de 28 m2 au rez-de-chaussée dans un immeuble de 1860,

Prix : 105.720 €, soit 3.775 € / m².

— Vente du 18 décembre 2013 publiée 2014P00110,

[…]

logement d’une surface de 12,10 m2 au 3e étage dans un immeuble de 1860,

Prix : 38.290 €, soit 3.164 € / m².

— Vente du 25 août 2014 publiée 2014P03767,

[…]

logement d’une surface de 24 m2 au 2e étage dans un immeuble de 1850,

Prix : 90.000 €, soit 3.750 € / m².

— Vente du 18 novembre 2014 publiée 2014P05123,

[…]

logement d’une surface de 17 m2 au 3e étage dans un immeuble de 1850,

Prix : 65.000 €, soit 3.823 € / m².

— Vente du 29 août 2014 publiée 2014P03966,

[…]

logement d’une surface de 24 m2 au 4e étage dans un immeuble de 1973,

Prix : 86.000 €, soit 3.583 € / m².

Ces six termes font apparaître une valeur moyenne de :

(2.700 + 3.775 + 3.164 + 3.750 + 3.823 + 3.583 ) / 6 = 3.466 € le m2.

Ainsi, au vu de ces éléments de comparaison, la valeur unitaire de 3.466 € le m2 apparaît réaliste afin de tenir compte des prix de marché.

Par ailleurs, le bien est occupé par un locataire en vertu d’un bail selon les conditions de la loi n° 18/1360 du 1er septembre 1948. Le bien ne peut donc être vendu que loué, sans réelle possibilité d’occupation par l’acquéreur qui ne dispose pas de perspectives de rentabilité locative.

Ainsi, au regard de ces éléments et de l’état d’entretien médiocre des parties communes, il y a lieu de retenir une réfaction de 25 % sur la valeur libre du bien, conformément aux conclusions du commissaire du gouvernement.

Le prix du bien se présente dès lors comme suit :

3.466 € x 30,10 m2 x 0,75 = 78.245 euros.

Sur les autres demandes :

La demande visant à condamner la Ville de Paris à réparer tout dommage causé par le retard de cette transaction sera rejetée comme étant peu précise et non fondée.

Les dépens seront supportés par la Ville de Paris exerçant son droit de préemption;

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la somme qu’il détermine en tenant compte de l’équité;

En l’espèce, il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats de condamner la Ville de Paris à payer à la SCI Z DES ROSES la somme de 1.000 €;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort,

Fixe le prix d’acquisition du bien appartenant à la SCI Z DES ROSES, bien soumis au droit de préemption urbain constituant le lot 36 de l’immeuble en copropriété sis […] à Paris 18e arrondissement, en valeur occupé , à la somme de 78.245 euros ;

Condamne la Ville de Paris à payer à la SCI Z DES ROSES la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la Ville de Paris aux dépens.

Fait à PARIS, le quatre juin deux mil quinze.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXPROPRIATION

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Paris, Expropriations, 4 juin 2015, n° 14/00219