Tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 1re section, 10 mai 2016, n° 15/04547

  • Saucisse·
  • Risque·
  • Consommateur·
  • Enfant·
  • Produit·
  • Sociétés·
  • Expertise·
  • Tierce personne·
  • Producteur·
  • Avis

Chronologie de l’affaire

Commentaires sur cette affaire

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. En savoir plus

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S (footnote: 1)

5e chambre 1re section

N° RG :

15/04547

N° MINUTE :

Assignation du :

20 Février 2015

EXPERTISE

Docteur B C

Tel : 04.93.80.21.00

(Nice)

JUGEMENT

rendu le 10 Mai 2016

DEMANDEURS

Monsieur D X

[…]

[…]

[…]

Madame E F épouse X

[…]

[…]

[…]

représentés par Maître Alain BARBIER de la SCP BARBIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J042

DÉFENDERESSES

S.A.S HERTA

[…]

[…]

représentée par Maître Christian LAMBARD de la SELARL LAMBARD & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0169

S.A. ZURICH INSURANCE PL prise en sa qualité d’assureur de la société HERTA

[…]

[…]

représentée par Maître Christian LAMBARD de la SELARL LAMBARD & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,, vestiaire #P0169

CPAM DU RHONE

[…]

[…]

DÉFAILLANTE

CPAM DES ALPES MARITIMES

[…]

[…]

représentée par Maître Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0295

S.A. SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE

[…]

[…]

DÉFAILLANTE

S.A.S. GENERATION

[…]

[…]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

O P, vice-président

Michel REVEL, vice-président

G H, juge

assisté de M N, greffier,

DEBATS

A l’audience du 22 Mars 2016, tenue en audience publique Après clôture des débats, avis a été donné aux Avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 10 Mai 2016.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition

Réputé contradictoire

en premier ressort

Vu les dernières conclusions en date du 15 décembre 2015 de M. D X et de Mme E X, agissant tant personnellement qu’en leurs qualités de parents de leurs enfants mineurs Y, née le […], et I J, née le […], à la suite de l’assignation qu’ils ont fait délivrer, les 20, 23, 24 et 26 février 2015 à la société Herta, à l’assureur de cette dernière, la société Zurich Insurance ainsi qu’à la CPAM du Rhône et à la CPAM des Alpes-Maritime et enfin, aux sociétés Swisslife Prévoyance et Santé et Génération, au moyen desquelles ils exposent :

— que, le 29 mai 2012, lors d’un apéritif dans leur appartement de Lyon, leur fille Y a été victime d’un étouffement par absorption d’une petite saucisse de porc apéritive nommée “Knacki Ball” de la marque Herta qui a entraîné de très graves conséquences (quatre arrêts cardiaques, embolie pulmonaire, coma post-anoxique, diagnostic d’une abolition bilatérale de l’onde N20 ayant conduit à une proposition d’arrêt des soins thérapeutiques par l’équipe soignante refusée par ses parents puis amélioration inespérée de son état de santé même si subsiste un important handicap),

— que l’article 1386-4 du code civil fait peser sur le producteur une obligation de sécurité quant au produit de même que l’article L221- 1 du code de la consommation qui oblige le producteur à commercialiser des produits présentant la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et sans qu’il soit porté atteinte à la santé des personnes, l’appréciation de la défectuosité et de la sécurité étant également tributaire de l’information donnée dont la teneur est précisée à l’article L221-1-2 du code de la consommation et par la jurisprudence,

— que l’avis de la Commission de Sécurité des Consommateurs datant de 2005 invoqué en défense est antérieur à la jurisprudence ayant fixé les conditions d’une information propre à satisfaire aux obligations ci-dessus et n’est pas susceptible de prévaloir sur les textes sur lesquels se fonde la présente action, d’autant qu’au contraire d’autres produits, l’avis sur les petites saucisses apéritives est ambiguë sur le risque de suffocation pourtant bien réel,

— que les informations fournies par la société Herta sur son produit “Knacki Ball” sur son site internet quant à la sécurité sont inexistantes, singulièrement sur l’usage qui peut en être fait par les enfants en bas âge, que le pictogramme figurant sur l’emballage du produit lui-même est également insuffisant comme portant sur le risque anodin de déglutition sans mâchage préalable et en dissimulant le risque réel d’étouffement, cette seule mise en garde lacunaire étant impropre à justifier d’une véritable information sur les risques du produit, d’autant plus que ce dernier est vanté pour ses mérites festifs, le pictogramme d’un enfant barré n’étant pas plus satisfaisant,

— que l’argument d’une surveillance insuffisante de l’enfant apparaît déplacée en l’espèce dès lors que le risque réel n’était pas souligné et que la prise du produit par un enfant ne caractérise pas un tel défaut fautif de surveillance puisque cela constitue un usage qui peut être raisonnablement attendu, l’intervention rapide et exemplaire du père de l’enfant démontrant au contraire une surveillance adaptée, de sorte qu’au regard de l’état de santé de la jeune Y et en particulier de l’aide nécessaire d’une tierce personne objectivé par un certificat médical, ils sollicitent du tribunal, sur le fondement des articles 1386-1 1386-4 et L 221-1 et L221-1 du code de la consommation :

— qu’il déclare la société Herta responsable de l’accident dont a été victime Y le 29 mai 2012 en sa qualité de producteur d’un produit défectueux,

— qu’il la condamne, sous la garantie de son assureur, la société Zürich Insurance, à payer :

— la somme de 250 000 euros de provision sur l’indemnité à revenir à leur fille,

— à chacun des parents la somme de 20 000 de provision au titre de la souffrance subie par ricochet et du préjudice d’accompagnement et la somme de 10 000 euros à ce titre pour la soeur de Y, I J,

— qu’il instaure une mesure d’expertise médicale,

— qu’il condamne les sociétés Herta et Zürich Insurance à leur payer la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions en date du 14 septembre 2015 de la CPAM des Alpes-Maritime qui sollicite, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, que ses droits soient réservés dans l’attente du résultat de l’expertise et que les sociétés Herta et Zürich Insurance soient condamnées à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions en date du 29 décembre 2015 de la société Herta Sas et de la société Zürich Insurance PLC qui résistent à toutes ces demandes et sollicitent la condamnation de toute partie succombante à payer à la première d’entre elles la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles en exposant :

— que c’est à la victime qu’il appartient de démontrer le caractère défectueux d’un produit, de manière objective et abstraite, la simple implication de ce dernier dans un dommage étant insuffisante, que la mise en garde du consommateur sur les risques permet, en principe, d’exempter le produit de son caractère défectueux dès lors que l’information lui a été délivrée,

— que par un avis du 12 mai 2005 relatif aux risques de suffocation ou d’asphyxie par l’inhalation ou l’ingestion de petits objets par des enfants, la Commission de la Sécurité des Consommateurs a rappelé que c’est la proximité du produit avec l’enfant qui constitue un facteur de dangerosité et non ses qualités intrinsèques et qu’elle a rappelé sa recommandation de 1991 tendant à l’apposition d’un pictogramme indiquant que notamment les petites saucisses apéritives ne sont pas destinées aux enfants de moins de quatre ans, “qui tentent de les avaler sans les mâcher” et, à destination des consommateurs, que les enfants de cet âge ne doivent pas accéder au produit connu pour entraîner des risques de suffocation,

— que les termes de la mention apposée par la société Herta sur son produit sont exactement ceux recommandés par la Commission et qu’ils sont destinés à mettre en garde les parents sur les risques tenant à laisser les produits “Knacki Ball” à disposition des enfants non seulement sur le devant de l’emballage mais aussi sur l’opercule de la boîte et sur le couvercle, de sorte que l’information était parfaitement accessible et appropriée et en mesure de prévenir les risques prévisibles alors que la jeune Y était entourée d’adultes,

— que l’avis scrupuleusement suivi est bien antérieur et non postérieur à l’accident et savère conforme aux textes et à la jurisprudence, la Commission étant instituée par l’article L 224-1 du code de la consommation, qu’aucun défaut d’information ne saurait être reproché dans ces conditions à la société Herta alors que les parents de la jeune Y, qui l’entouraient alors qu’elle s’est saisie d’une “Knacki Ball” et s’est assise dans le canapé pour lire un livre, ont manqué à leur devoir de surveillance ;

Vu l’absence de constitution d’avocat pour la CPAM du Rhône, la société Swisslife Prévoyance et Santé et la société Génération ;

Vu l’ordonnance de clôture datée du 9 février 2016, l’affaire ayant été plaidée le 22 mars 2016 et mise en délibéré au 10 mai 2016 ;

MOTIFS

Sur la responsabilité

Les circonstances factuelles de l’accident dont a été victime la jeune Y, c’est-à-dire l’ingestion, au cours d’un apéritif à caractère familial et amical dans l’appartement des demandeurs, d’une petite saucisse apéritive nommée “Knacki ball” produite par la société Herta qui a entraîné une asphyxie totale d’environ 3 mn puis 20 mn de flux bas, conduisant à un arrêt cardiorespiratoire et à une encéphalopathie post anoxique – objectivées par la facturette d’achat de cet aliment le jour même, les déclarations constantes de ses parents et les attestations Buldrini et de Boissieu – ne sont pas contestées.

L’article 1386-1 du code civil dispose que “le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime”, tandis que les articles 1386-2 alinéa 1er et 1386-4 prévoient respectivement que “les dispositions du présent titre s’appliquent à la réparation du dommage qui résulte d’une atteinte à la personne” et qu’ “ un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation”, la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité reposant sur le demandeur selon l’article 1386-9.

En outre, l’article L221-1-2 du code de la consommation dispose que “le producteur fournit au consommateur les informations utiles qui lui permettent d’évaluer les risques inhérents à un produit pendant sa durée d’utilisation normale ou raisonnablement prévisible et de s’en prémunir, lorsque ces risques ne sont pas immédiatement perceptibles par le consommateur sans un avertissement adéquat.”

Le produit litigieux, composé de viande de porc, est présenté par son producteur sur son site internet comme “un amuse-bouche original”, “sous forme de savoureuses petites billes qui font “knack” quand on mord dedans et qui sont délicieusement tendres à l’intérieur”, “vous pouvez les présenter comme hors-d’oeuvre à l’apéritif, ou tout simplement les poser à table lorsque vous avez des invités”.

Selon les pièces versées aux débats en défense, il est disponible en pot de 200 g contenant 28 de ces “billes”, pot sur le côté duquel figure, à la verticale un pictogramme représentant une tête stylisée souriante barrée d’une croix avec la mention en langue française “ne pas donner ni laisser à la portée d’enfants de moins de 4 ans ; ils risqueraient d’avaler sans mâcher. Ne pas laisser les enfants jouer avec un pic KNACKI BALL” et sa traduction en néerlandais, le conditionnement comportant des cures-dents en plastique pour se saisir des dits aliments.

La société Herta et son assureur exposent, sans être contredits, qu’au-dessous du couvercle, lui-même vierge de toute information de sécurité, figure, depuis le mois de janvier 2009, un opercule en plastique reprenant la phrase ci-dessus entre les instructions de cuisson au micro-onde.

La Commission de Sécurité des Consommateurs a rendu, le 12 mai 2005, l’ “avis relatif aux risques de suffocation ou d’asphyxie par l’inhalation ou ingestion de petits objets par des enfants”, sans valeur normative, aux termes notamment duquel elle déclare être d’avis :

“- à destination des pouvoirs publics,

En ce qui concerne des corps végétaux tels que cacahuètes, pistaches, noix, noisettes, amandes ou d’autres produits tels que petites saucisses apéritives, petits saucissons à garder hors de portée des jeunes enfants

La commission ne peut que renouveler les recommandations formulées dans son avis du 3 juillet 1991 relatif au risque de suffocation des jeunes enfants présenté par les cacahuètes et autres graines comestibles afin que les emballages de ces produits portent de manière visible et lisible dans les conditions normales d’utilisation une mention (éventuellement accompagnée d’un dessin ou pictogramme) réalisée dans une taille et une couleur ne manquant pas d’attirer l’attention, indiquant que ces produits ne sont pas destinés aux enfants de moins de quatre ans, qui tentent de les avaler sans les mâcher.

 – à destination des fabricants, distributeurs ou importateurs d’œufs « surprise » :

Les notices des aliments contenant des produits non comestibles devraient mentionner que la consommation de ces produits n’est pas recommandée aux enfants de moins de 3 ans, en raison non seulement des risques d’ingestion ou d’inhalation des jouets, mais également des risques de suffocation liés au blocage des voies respiratoires par les coques.

- à destination des consommateurs :

Ceux-ci devraient veiller à ne jamais laisser des enfants de moins de 4 ans accéder à des produits alimentaires connus pour entraîner des risques de suffocation et spécialement les cacahuètes et autres graines comestibles, généralement servies au moment de l’apéritif.

Les consommateurs devraient être encouragés à suivre une formation aux gestes de premiers secours à effectuer en cas d’introduction accidentelle de corps étrangers dans l’organisme.

La commission souhaite également que l’information des consommateurs sur le risque asphyxique soit assurée par les associations de consommateurs et par l’Institut national de la consommation (INC).

La société Herta se prévaut de l’avertissement et de la mention du risque rapportée ci-dessus, conforme aux recommandations de l’avis selon elle, pour s’exonérer de sa responsabilité.

C’est cependant à juste titre que les demandeurs font valoir que l’expression du risque par la mention d’une simple possibilité de déglutition sans mâchage – non nécessairement préjudiciable si ce n’est sur le plan de la digestion – n’est pas frappant aux yeux du consommateur dès lors que c’est évidemment la suffocation des jeunes enfants qui constitue ce risque majeur et exige une mise en garde proportionnée.

En l’espèce, il ressort de la description du produit et de l’examen d’un produit similaire par un expert judiciaire qui, pour n’avoir pas été désigné dans le cadre du présent litige voit cependant le compte rendu judiciaire de ses conclusions soumis à la contradiction, qu’un enfant de 4 ans peut avaler cet aliment sans l’avoir préalablement mâché, soit par immaturité dentaire, rire, surprise ou position de la tête penchée en arrière, que la saucisse peut obstruer totalement les voies aériennes supérieures déterminant une asphyxie mécanique, que si le caractère légèrement gras de la saucisse peut favoriser l’expectation par une manoeuvre de Heimlich, on ne peut exclure que la consistance molle de la saucisse permette une adhésion supplémentaire à la paroi et un enfoncement légèrement profond.

L’objectivation de la dangerosité potentielle que présente le produit doit être mise en relation avec sa présentation délibérément ludique, sa confection participant plus à la confiserie qu’à la charcuterie traditionnelle, de sorte que l’attirance naturelle des enfants pour ce qui ressemble à un bonbon est exacerbée, d’autant qu’il peut être relevé que, tout comme la Commission de sécurité des Consommateurs a souligné que les cacahuètes, noix, pistaches et autres amandes, les saucisses apéritives ont vocation “à traîner sur les tables” comme y incite d’ailleurs expressément le site internet de la société Herta.

Il ressort ainsi de la dangerosité du produit pour les enfants en bas âge, de sa présentation ludique et de son mode de consommation particulièrement attractif pour lesdits enfants que les mentions, d’une part, en très petits caractères, de couleur noire à l’instar d’autres informations par exemple nutritives y figurant, placés verticalement sur le pot et accompagnés d’un pictogramme rieur et, d’autre part, de sa reproduction de manière anodine sur l’opercule et non sur le couvercle lui-même, et ce, entre les conseils de réchauffage, d’un simple risque “d’avaler sans mâcher” et non de suffocation ou d’étouffement n’alerte pas suffisamment le consommateur, dans une taille et une couleur ne manquant pas d’attirer réellement son attention, sur le risque grave encouru.

En conséquence et considérant que le défaut de surveillance parental allégué n’est pas démontré au regard de la faiblesse du risque annoncé et de la réaction quasi immédiate du père de Y qui tend au contraire à établir qu’elle n’était pas laissée à elle-même mais entourée d’adultes, il y a lieu de déclarer la société Herta responsable de l’accident du 29 mai 2012 et de la condamner, in solidum, avec son assureur, la société Zürich Insurance à en réparer l’intégralité des conséquences dommageables.

Sur les autres demandes

Le principe de la responsabilité étant retenu, il appartient au tribunal de faire droit à la demande de provision dans la mesure ou le quantum sollicité n’excède pas le montant prévisible des préjudices dont l’ampleur exacte doit être fixée au moyen de l’expertise médicale ordonnée, au vu notamment des pièces, elles-mêmes de nature médicale, versées aux débats par les demandeurs.

Plusieurs certificats médicaux et comptes rendus d’hospitalisation sont produits, de même qu’un rapport d’examen médical du docteur K-L Z, commis à la diligence du service médical de la MAAF, et daté du 11 janvier 2013.

Il en résulte en particulier que Y X a connu des périodes d’hospitalisation puis d’accueil en établissement de soins de suite et de rééducation somatique et cognitive.

Le docteur Z, qui n’est certes pas un expert judiciairement nommé, estime qu’au jour de l’examen, (décembre 2012) elle est toujours en période de déficit fonctionnel temporaire, la consolidation ne pouvant intervenir qu’à l’âge adulte, les souffrances endurées à 5,5/7, le dommage esthétique à 5/7, et que la présence et l’aide d’une tierce personne est nécessaire 24h/24h jusque vers l’âge de 5 ans (6 heures actives et 18h surveillance simple, puis 12 heures de surveillance nocturne, 3 à 4 heures d’activités, 8 heures de surveillance diurne) puis une forte nécessité postérieurement en fonction des modalités de prises en charge, le pronostic exact étant toutefois réservé eu égard aux progrès déjà accomplis qui sont soulignés par des éléments postérieurs notamment de l’orthophoniste.

En regard de ces éléments et de toutes les pièces produites mais aussi de la circonstance qu’après l’expertise ordonnée dans le présent jugement, Y devra faire l’objet d’une nouvelle expertise vraisemblablement et, à tout le moins, à sa majorité, il y a lieu de fixer le montant de la provision à valoir sur ses préjudices non soumis à recours, à la somme de 150 000 euros.

Toujours à titre de provision, il y a lieu de fixer le montant de celles revenant à chacun des parents à 10 000 euros et celle de la soeur de Y, I J, à 5 000 euros.

Il y a lieu d’ordonner une expertise médicale confiée à un neurologue, expert près la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans les termes du dispositif, après consignation d’une somme de 2 000 euros par M. X pour assurer l’efficacité de la mesure.

Les dépens doivent être mis à la charge de la société Herta et de son assureur, condamnés à payer à M. Et Mme X, personnellement et ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, l’équité commandant de ne pas prononcer d’autres condamnations de ce chef.

Il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, compatible avec la nature de l’affaire et opportune, qu’il n’est pas nécessaire, par ailleurs, de rendre opposables aux parties effectivement mises en cause.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré, statuant en audience publique, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort,

— Déclare la société Herta entièrement responsable des conséquences préjudiciables de l’accident de Y X, survenu le 29 mai 2012, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux ;

— Condamne la société Herta et la société Zürich Insurance, in solidum, à en réparer entièrement toutes les conséquences dommageables ;

— Condamne la société Herta et la société Zürich Insurance, in solidum, à payer :

— à M. et Mme X, ès qualités de représentant légaux de Y X, la somme de 150 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de ses préjudices personnels,

— à M. et Mme X, personnellement, à chacun la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice moral,

— à M. et Mme X, ès qualités de représentant légaux de I J X la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral,

- Ordonne une mesure d’expertise médicale et désigne à cet effet :

Docteur B C

[…]

Tel : 04.93.80.21.00 Télécopie : 04.93.3.86.95.

Mail : linglesakis@orange.fr

avec pour mission de :

— convoquer toutes les parties figurant dans la procédure par lettre recommandée avec avis de réception et leurs avocats respectifs par lettre simple, procéder à leur audition contradictoire,

— se faire communiquer par des tiers, tous documents et pièces utiles à la réalisation de sa mission, à charge pour l’expert de communiquer aux avocats des parties les pièces directement obtenues, afin qu’elles en aient contradictoirement connaissance,

— procéder en tant que de besoin, à l’audition de tous les tiers concernés par le présent litige, à charge pour lui de reprendre les déclarations ainsi obtenues dans son rapport d’expertise,

— se faire assister en cas de nécessité de tout praticien de son choix dans une spécialité médicale distincte de la sienne,

— procéder à l’examen de Y X, noter ses doléances et celles de ses parents et les observations éventuelles des défendeurs, consigner les constatations effectuées,

— dire si les lésions constatées sont la conséquence de l’accident ou/et d’un état antérieur ou postérieur étranger aux faits ;

Dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser si cet état :

— était révélé avant l’accident,

— a été aggravé ou a été révélé par lui,

— s’il entraînait un déficit fonctionnel avant l’accident, dans l’affirmative, estimer le taux d’incapacité alors existant,

— si en l’absence de l’accident, il aurait entraîné un déficit fonctionnel, dans l’affirmative, dire dans quel délai et à concurrence de quel taux ;

[…]

— déterminer la ou les période(s) pendant laquelle/lesquelles Y X a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire , dans l’incapacité :

— d’une part d’exercer totalement ou partiellement sa scolarité

— et , d’autre part , de poursuivre ses activités personnelles habituelles du fait d’une perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante,

Précisez en tant que de besoin l’existence d’un :

— préjudice esthétique temporaire

— préjudice d’agrément temporaire (difficulté ou impossibilité de pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs qui était régulièrement pratiquée avant le fait générateur du dommage )

— préjudice sexuel temporaire.

En cas d’incapacité partielle, en préciser le taux et la durée

— se prononcer sur la nécessité pour Y X d’être assistée, avant la consolidation, d’une tierce personne (à évaluer en nombre d’heures ou jours par semaine ou mois selon les besoins qui seront précisés (aide ménagère, habillage, courses, déplacements etc..) indépendamment de toute assistance familiale et hors périodes d’hospitalisation)

— Donner un avis sur l’importance des souffrances endurées en en qualifiant l’importance sur une échelle croissante de 1 à 7.

CONSOLIDATION

— Proposer la date de consolidation des lésions (date à laquelle les lésions ont cessé d’évoluer et tous les soins ayant été prodigués et toutes les ressources de la technique médicale utilisées, il n’est plus possible d’attendre de leur continuation une amélioration, en sorte que l’état de la victime présente un état définitif et permanent par rapport aux connaissances actuelles de la science médicale) ;

Si la consolidation n’est pas acquise, indiquer le délai à l’issue duquel un nouvel examen devra être réalisé et évaluer provisoirement, dans la suite de la mission, les préjudices qui peuvent l’être

[…]

— dire s’il résulte des faits, un déficit fonctionnel permanent et le chiffrer en pourcentage (il s’agit de la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux (si des douleurs permanentes (c’est-à-dire chroniques) existent) et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales)

— dire si l’état de Y X est susceptible de modifications, en aggravation ou en amélioration, dans l’affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, ainsi que sur la nature des soins, traitements et interventions éventuellement nécessaires dont le coût provisionnel sera alors chiffré et les délais dans lesquels il devra y être procédé seront alors précisés,

— dire si malgré son incapacité permanente, Y X est au plan médical apte physiquement et intellectuellement à reprendre dans les conditions antérieures ou autres (à préciser en ce cas l’impact du dommage) , l’activité professionnelle ou scolaire exercée et donner des éléments le cas échéant sur l’incidence professionnelle de manière générale en raison de la survenance du handicap.

— se prononcer sur la nécessité pour la victime d’être assistée par une tierce personne de manière définitive (selon le besoin lié au déficit fonctionnel permanent, sans réduction en cas d’assistance familiale) ; dans l’affirmative, préciser si cette tierce personne doit ou non être spécialisée, ses attributions exactes (notamment s’il s’agit d’une tierce personne active et/ou passive) ainsi que les durées respectives d’intervention de l’assistant spécialisé et de l’assistant non spécialisé ; donner à cet égard toutes précisions utiles (le cas échéant en décrivant une journée type d’intervention des tierces personnes)

— Donner un avis détaillé sur le préjudice d’agrément entendu comme la difficulté ou l’impossibilité définitive pour Y X de continuer à s’adonner ou de s’adonner aux sports et activités de loisir spécifiques (à préciser) pratiqués avant la survenance du dommage,

— Donner un avis sur l’importance des atteintes esthétiques définitives sur une échelle croissante de 1 à 7,

— indiquer s’il existe un préjudice sexuel définitif, dans l’affirmative, préciser de quel ordre (atteinte anatomique , atteinte aux fonctions sexuelles (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir) atteinte aux fonctions de reproduction) en qualifiant l’importance de ces préjudices sur une échelle croissante de 1 à 7

Indiquer s’il existe un préjudice d’établissement ( perte d’espoir et de chance normale de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap)

Indiquer s’il existe un préjudice exceptionnel, non pris en compte dans les postes ci dessus,

DIT que l’expert :

— sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du nouveau code de procédure civile,

— adressera par lettre recommandée avec avis de réception un pré-rapport aux avocats des parties, lesquels disposeront d’un délai de quatre semaines à compter du jour de la réception de ce pré-rapport, pour faire valoir auprès de l’expert, sous formes de dires, leurs questions et observations,

— répondra de manière précise et circonstanciée à ces dires qui devront être annexés au rapport définitif qui sera établi à l’issue de ce délai de quatre semaines et dans lequel devra figurer impérativement:

— le nom des personnes convoquées aux opérations d’expertise en précisant pour chacune d’elle la date d’envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation,

— le nom des personnes présentes à chacune des réunions d’expertise,

— la date de chacune des réunions tenues,

— la liste exhaustive de toutes les pièces par lui consultées,

— les déclarations des tiers éventuellement entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leur lien éventuel avec les parties,

— le cas échéant, l’identité du technicien dont il s’est adjoint le concours, ainsi que les constatations et avis de celui-ci (lesquels devront également figurer dans le pré-rapport),

— les dates d’envoi à chacun des avocats du pré-rapport puis du rapport définitif,

DIT que l’expert déposera l’original et une copie de son rapport définitif au greffe de la 5e chambre 1re section de ce Tribunal et en enverra un exemplaire à l’avocat de chacune des parties avant le 23 décembre 2016 , délai de rigueur, sauf prorogation expresse accordée par le juge de la mise en état chargé du contrôle des expertises ;

FIXE à la somme de 2 000€ le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise, qui devra être consignée par M. Et Mme X ès qualités à la régie du Tribunal de Grande Instance de Paris (escalier D – Entresol 1) au plus tard le 20 juin 2016 ;

DIT que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation des experts sera caduque et privée de tout effet,

DESIGNE le juge de la mise en état de la 5e chambre 1re section pour assurer le contrôle des expertises ;

RENVOIE l’affaire pour conclusions des demandeurs en ouverture de rapport au 31 janvier 2017, à 13h30, salle d’audience de la 5e chambre ;

Condamne la société Herta et la société Zürich Insurance, in solidum, à payer à M. et Mme X, ès qualités, la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— Dit n’y avoir lieu à d’autres condamnations au titre des frais irrépétibles ;

— Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

— Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

— Condamne la société Herta et la société Zürich Insurance, in solidum, aux entiers dépens recouvrés par la SCP Barbier et associés en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 10 Mai 2016

Le Greffier Le Président

M N O P

FOOTNOTES

1:

Expéditions

exécutoires

délivrées le :

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 1re section, 10 mai 2016, n° 15/04547