Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 28 octobre 2016, n° 15/01227

  • Atteinte à la valeur patrimoniale de la marque·
  • Volonté de profiter de la notoriété d'autrui·
  • Fonction de garantie de qualité·
  • Fonction d'investissement·
  • Fonctions de la marque·
  • Contrefaçon de marque·
  • Fonction de publicité·
  • Publicité comparative·
  • Concurrence déloyale·
  • Marque de l'UE

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Conformément à la jurisprudence de la CJUE, il suffit pour qu’il y ait publicité comparative, qu’il existe une communication sous une forme quelconque faisant, même implicitement, référence à un concurrent ou aux biens et services qu’il offre. Il importe peu à cet égard, qu’il existe une comparaison entre les biens et les services offerts par l’annonceur et ceux du concurrent. La protection des marques connaît une exception, prévue par le droit de l’Union, en cas de publicité comparative. En effet, il peut être nécessaire, pour rendre effective la publicité comparative, d’identifier les produits ou services d’un concurrent en faisant référence à une marque dont ce dernier est titulaire. Une telle utilisation de la marque n’enfreint pas ce droit exclusif à condition d’être faite dans le respect des règles édictées. Pour être licite, la publicité comparative doit notamment présenter une comparaison objective de caractéristiques essentielles et pertinentes des biens ou services concernés, laquelle nécessite que les produits, objets de la comparaison, soient identifiés et qu’une vérification des caractéristiques mises en avant puisse être faite par les personnes auxquelles elle s’adresse. La publicité comparative en cause ne met pas le consommateur en mesure de vérifier l’exactitude des éléments de comparaison, puisqu’il est fait référence d’une part à 500 produits de grandes marques et d’autre part, à 1000 produits de grandes marques, de sorte que nécessairement les produits ne sont pas équivalents, ne serait-ce que par leur nombre. L’absence de précision, sur les éléments comparés ne permet pas une comparaison objective. Dans ces conditions, et même s’il est clair que le but de la campagne publicitaire était de souligner que des différences de prix pouvaient être constatées entre deux magasins de la même chaîne ,il y a lieu de considérer que, dans la mesure où aucune comparaison objective entre les produits vendus par les enseignes concurrentes n’était proposée par la publicité comparative litigieuse, celle-ci est trompeuse et n’est pas licite. La publicité litigieuse reproduit l’une des marques de l’Union européenne E. Leclerc et imite un certain nombre d’autres marques en reproduisant l’élément verbal Leclerc qui en constitue l’élément distinctif et dominant. Ces marques visent des produits de grande consommation que la défenderesse distribue également. Si l’usage des termes E. Leclerc dans la publicité en cause a bien pour but de désigner les magasins du réseau Leclerc, il est fait pour présenter cette enseigne et les produits et services vendus sous un jour dévalorisant par une publicité comparative illicite, sous-entendant que sa politique de prix n’est pas cohérente. Le message véhiculé par la publicité litigieuse porte ainsi atteinte à la fonction de communication et de publicité des marques de la demanderesse et doit être qualifié de contrefaçon.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 28 oct. 2016, n° 15/01227
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 15/01227
Publication : PIBD 2017, 1065, IIIM-103
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : LECLERC ; L E LECLERC ; CENTRE DISTRIBUTEUR E LECLERC ; CENTRE DISTRIBUTEUR LECLERC ; CENTRE DISTRIBUTEUR EDOUARD LECLERC ; E LECLERC ; E. LECLERC ; E. LECLERC L ; centre distributeur E. LECLERC
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1307790 ; 93452909 ; 1595540 ; 1295431 ; 1295432 ; 2700656 ; 2700664 ; 511972 ; 603839 ; 662767 ; 511970
Classification internationale des marques : CL01 ; CL02 ; CL03 ; CL04 ; CL05 ; CL06 ; CL07 ; CL08 ; CL09 ; CL10 ; CL11 ; CL12 ; CL13 ; CL14 ; CL15 ; cl16 ; CL17 ; CL18 ; CL19 ; CL20 ; CL21 ; CL22 ; CL23 ; CL24 ; CL25 ; CL26 ; CL27 ; CL28 ; CL29 ; CL30 ; CL31 ; CL32 ; CL33 ; CL34 ; CL35 ; CL36 ; CL37 ; CL38 ; CL39 ; CL10 ; CL41 ; CL42 ; CL43 ; CL44 ; CL45
Référence INPI : M20160542
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 28 octobre 2016

3e chambre 3e section N° RG : 15/01227

Assignation du 27 janvier 2015

DEMANDERESSE ASSOCIATION DES CENTRES DISTRIBUTEURSE.LECLERC agissant poursuites et diligences de M. Michel-Édouard LECLERC, Président de droit de l’association […] BP 40005 94200 IVRY SUR SEINE CEDEX représentée par Maître Gilbert PARLEANI de l’AARPI AMADIO P GAZAGNES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0036

DÉFENDERESSE S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES ZAE Saint Guénault […] 91000 EVRY représentée par Maître Béatrice MOREAU-MARGOTIN de la SELARL JP KARSENTY JP ASSOCIES, avocats au barreau de PARlS, vestiaire #R0156

COMPOSITION DU TRIBUNAL Béatrice F. Premier Vice-Président Adjoint Carine G. Vice-Président Florence BUTIN. Vice-Présidente assistée de Marie-Aline P. Greffier

DEBATS À l’audience du 12 septembre 2016 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort EXPOSE DU LITIGE L’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ci-après ACD.Lec) est titulaire de diverses marques françaises, communautaires et internationales dans lesquelles figure le nom L :

- Marques françaises : marque verbale « Leclerc », n° 1307790 ; marque semi-figurative « E. Leclerc » n° 93452909

marque semi-figurative « Centre Distributeur E.Leclerc », n° 1595540

marque verbale « Centre Distributeur Leclerc », n° 1295431, marque verbale « Centre Distributeur Edouard Leclerc », n° 1295432,
- Marques communautaires : marque verbale LECLERC n°2700656 marque verbale E. LECLERC n°2700664
- Marques internationales ne désignant pas la France : marque verbale « LECLERC » n°511972, OMPI, marque semi-figurative « L. E. Leclerc » n°603839, OMPI, marque semi-figurative « E. Leclerc L+ » n°662767, OMPI, marque semi-figurative « Centre Distributeur E. Leclerc » n°511970, OMPI. L’ACD.Lec a justifié des certificats d’enregistrement et de renouvellement de ces différentes marques en cours de procédure ; elle soutient qu’il existe en tout état de cause un ensemble cohérent de marques « notoires » comportant le nom L. Au mois de décembre 2014, la société CARREFOUR Hypermarchés a diffusé une publicité, en particulier dans différents journaux mais aussi à la radio, visant à mettre en exergue des écarts de prix existants entre différents magasins à enseigne LECLERC et à proposer que Carrefour rembourse 2 fois la différence si le client trouvait un produit moins cher ailleurs.

Le message porté par les différents visuels était en particulier porté par les termes suivants : "Pas facile de savoir qui est le moins cher quand il y a d’aussi gros écarts de prix entre 2 magasins E. Leclerc de votre région. … Oui, vraiment pas facile" suivis d’encarts comportant :

- les lieux de deux magasins E. Leclerc dont l’un était plus cher que l’autre d’un pourcentage précisé (par exemple E.Leclerc La Seyne- sur-mer 24,9% plus cher que E. Leclerc de Vitrolles).

— la précision suivante « Relevés réalisés le 15/12/2014 sur 500 produits de grandes marques. Écarts moyens constaté sur 500 produits de grandes marques dont les prix ont été relevés par un organisme indépendant sur le site www.leclercdrive.fr »
- dans un encart rouge, les mots « Avec Carrefour, vous profitez de la garantie prix le plus bas surplus de 1.000 produits de grandes marques toute l’année et dans tous nos hypermarchés Carrefour. On vous remboursera 2 fois la différence si vous trouvez moins cher »,
- suivi du nom et du logo de Carrefour.

À titre d’exemple :

Estimant que cette campagne publicitaire constituait des faits de contrefaçon de la marque E. Leclerc sans être des publicités comparatives, TACD.Lec a fait délivrer le 24 décembre 2014 à la société Carrefour Hypermarchés une sommation de cesser cette publication, à laquelle cette dernière a répondu par lettre du 26 décembre 2014 en invoquant l’exception de publicité comparative. Dans cette réponse, la société Carrefour Hypermarchés s’étonnait de ce que l’ACD.Lcc soutienne que cette campagne ne constituerait pas une publicité comparative alors qu’un membre de son groupement lui avait demandé de justifier la publicité diffusée en Bretagne sur la base des dispositions de l’article L. 121-12 du code de la consommation (article devenu l’article L. 122-5), et expose que cette campagne constituait surtout une réponse à la publicité comparative visant les enseignes Carrefour et Carrefour Market du Groupe Carrefour qui avait été diffusée précédemment. Elle souligne enfin que la campagne diffusée dans les journaux visés par la demanderesse a cessé (elle n’aurait eu lieu que du 21 au 24 décembre 2014). La société Carrefour précise avoir assigné, avec la société CSF, la SA Coopérative Groupements d’achats des Centres L – SC GALEC devant le tribunal de commerce de Paris à bref délai, le 9 janvier 2015, pour actes de concurrence déloyale et pour solliciter diverses mesures

à propos de la campagne lancée par les magasins Leclerc avant la sienne. Il s’agissait d’une publicité comparative diffusée par la société GALEC visant les enseignes •CARREFOUR« , »CARREFOUR MARKET« , »GÉANT CASINO« , »CASINO« et »L. L" représentant le niveau de prix des différentes enseignes par une pile de pièces de monnaie, les piles correspondant aux enseignes Carrefour et Carrefour Market n’étant pas de même taille et la phrase "Qu’est-ce qui peut justifier de tels écarts de prix? Rien" figurant en dessous. Le jugement du tribunal de commerce du 26 mai 2015 rejetant l’ensemble des demandes formulées à propos de cette publicité a été frappé d’appel par la société Carrefour Hypermarchés et la société CSF. Cette procédure est toujours en cours. C’est dans ces conditions que l’ACD.Lec a, par acte d’huissier de justice du 27 janvier 2015, assigné à la société Carrefour Hypermarchés en contrefaçon et actes de parasitisme devant le tribunal de grande instance de Paris. Aux termes de ses dernières conclusions (n°3) notifiées par voie électronique le 20 avril 2016, l’ACD.Lec présente les demandes suivantes : Vu notamment les articles L. 713-2, L. 713-5, L. 716-1, L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, Vu les dispositions des articles 2 et 4 de la directive d’harmonisation exhaustive 2006/114, transposée dans les articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation (notamment L. 128-1, 2° et 3°, et L. 129-1, 2°), telles que ces dispositions européennes et nationales ont été interprétées pour droit par la Cour de Justice de l’Union européenne. Vu encore l’article 1382 du Code civil. Débouter la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS de sa demande tendant à voir prononcer l’irrecevabilité des demandes de l’ACD.Lec, Constater l’exceptionnelle notoriété des marques détenues par l’ACD.Lec, et en particulier celle des marques françaises 3865031, 99772849, 98765491, 1295432, 1307790, 1595541, 93/452909, internationales 1295431, 511970, 511972, 603839, 662767, et communautaires EM 2700656, 2700664,

Dire et juger que la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS ne peut invoquer à son profit l’exception de publicité comparative licite, et qu’elle a violé ensemble les dispositions des articles 2 et 4 de la directive 2006/114 d’harmonisation exhaustive, ainsi que celles des

articles L. 121-8 et L. 121-9 du Code de la consommation les transposant ; Dire et juger que la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS a fait un usage illicite des marques susvisées, et qu’elle est livrée à leur discrédit et à leur dénigrement, Condamner la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS à 2.000.000 €à titre de dommages et intérêts, au titre des actes de contrefaçon, Condamner ta société CARREFOUR HYPERMARCHÉS à 2.000.000 €pour faits de parasitisme, discrédit à {'encontre d’un concurrent, et usurpation de la notoriété d’autrui, En tout état de cause, autoriser l’ACD.LEC à publier, dans chacun des supports écrits suivants (Les Échos, Le Figaro, Le Journal du Dimanche, Le Parisien – Aujourd’hui en France, L’Opinion, Le Monde, Direct Matin, PQR 66), au jour de son choix après que la décision à intervenir soit devenue exécutoire, un encart d’une valeur de 5.000 € maximum par support, avec le message suivant : « Par jugement du (…) la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS a été condamnée pour faits de contrefaçon et de parasitisme commis au détriment de la marque E. Leclerc » ; Dire que la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS devra rembourser l’ACDLec du prix de ces insertions, sans délai, et sur simple présentation des factures ; Et condamner la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS à afficher sur la page d’accueil de son site accessible à l’adresse http://www.carrefour.fr/, le jugement à intervenir, pendant une durée d’un mois, sous astreinte définitive de 10.000 € par jour de retard, à compter du dixième jour suivant la signification d’une décision exécutoire ; Débouter la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS de sa demande de condamnation de l’ACD.Lec au paiement de la somme de 15.000 € en raison du caractère prétendument abusif de la procédure engagée, Condamner la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS à payer à l’ACD.Lec une somme de 20.000 €au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de l’instance, Prononcer l’exécution provisoire du jugement à intervenir ; Elle soutient que l’usage de la marque « E. Leclerc » faite par la société Carrefour Hypermarchés dans cette campagne publicitaire constitue une atteinte à ses droits sur ses marques dont il a été fait un usage prohibé par les articles L. 713-2 et L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle car elle ne peut pas bénéficier de l’exception de publicité

comparative licite, en l’absence de réunion des conditions impératives résultant du droit de l’Union. Elle souligne notamment que :

- il n’y est procédé à aucune comparaison de biens ou services, seule une variabilité des prix entre des magasins Leclerc étant présentée, aucune comparaison entre les produits de l’annonceur et ceux de son concurrent n’étant faite,
- il n’est fourni aucun renseignement sur les prix moyens pratiqués dans les magasins Carrefour,
- la proposition de remboursement en cas de différentiel négatif n’est pas une comparaison de deux offres et ne constitue qu’une offre future de la société Carrefour Hypermarchés,
- cette publicité a pour but d’entraîner le discrédit et le dénigrement des marques et signes des magasins E. Leclerc. Elle insiste sur le fait que la société Carrefour Hypermarchés a cherché à détourner les règles régissant la publicité comparative (Directives et jurisprudence de la CJUE) et soutient que la publicité litigieuse revêt un caractère contrefaisant au sens de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle et est illicite en application de l’article L. 713-5 du même code. Elle réclame la sanction des atteintes portées aux marques de l’ACD.Lec ainsi que réparation du comportement parasitaire de la défenderesse. Elle soutient enfin que son action ne peut pas être considérée comme abusive eu égard à la mauvaise foi de la défenderesse. Par ses conclusions en réponse n°4, notifiées par voie électronique le 3 juin 2016, la société Carrefour Hypermarchés, demande au tribunal de : À titre principal :
- DIRE ET JUGER que la publicité attaquée constitue une publicité comparative au sens du Code de la consommation et qu’aucune atteinte aux fonctions des marques dont est titulaire l’Association des CENTRES DISTRIBUTEURS E. LECLERC n 'est caractérisée ;
- DIRE ET JUGER qu’aucun acte de parasitisme n 'est imputable à la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS ; À titre subsidiaire : - DIRE ET JUGER que l’Association des CENTRES DISTRIBUTEURS E. LECLERC ne rapporte pas la preuve des préjudices qu’elle invoque au titre de la contrefaçon et du parasitisme En tout état de cause :
- DEBOUTER l’Association des CENTRES DISTRIBUTEURS E. LECLERC de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER l’Association des CENTRES DISTRIBUTEURS E. LECLERC à payer à la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS la

somme de 15.000 euros en réparation du préjudice résultant du caractère abusif de la présente procédure ;
- CONDAMNER l’Association des CENTRES DISTRIBUTEURS E. LECLERC à payer à la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle soutient qu’elle n’a pas porté atteinte aux marques de l’ACD.Lec dans la mesure où la publicité attaquée – qui visait à comparer deux politiques de prix différentes concernant des produits de grandes marques – répond aux critères d’application de la publicité comparative et est en outre licite au regard des dispositions des articles L. 121-8 à L. 121-10 (art. L. 122-1 et s. aujourd’hui), de sorte que la campagne menée ne peut pas être assimilée à un acte de contrefaçon. Elle soutient ensuite que, dans l’hypothèse où le tribunal considérerait que les conditions d’application de l’exception de publicité comparative ne sont pas réunies, il devrait constater que l’usage du signe « LECLERC » dans la publicité attaquée n’est ni contrefaisant (en ce qu’il ne porte pas atteinte à une fonction de la marque et que l’usage de la marque E.Leclerc était descriptive ou informative), ni constitutif d’une atteinte à une marque notoire, le préjudice allégué n’étant d’après elle pas établi ; elle insiste sur l’interdiction des dommages- intérêts punitifs et souligne qu’elle a cherché ainsi à limiter l’impact de la campagne virulente – qu’elle considère illicite – lancée par le GALEC’ peu de temps avant. Elle estime que la demanderesse ne caractérise pas les actes de parasitisme invoqués. Elle soutient qu’elle n’a pas cherché à profiter de la notoriété de la marque Leclerc mais bien de s’en démarquer : elle estime que l’ACD.Lec ne caractérise ni la faute qui lui serait imputable, ni la réalité du préjudice invoqué, ni le lien de causalité entre faute et préjudice ; elle conteste aussi les mesures sollicitées ainsi que l’importance des sommes réclamées, laquelle démontrerait l’intention de nuire qu’elle invoque au soutien de sa demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive : elle s’oppose à ce que l’exécution provisoire soit ordonnée. L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2016 et les plaidoiries fixées à l’audience du 12 septembre 2016. Pour un exposé complet de l’argumentation des parties il est, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées. MOTIFS : Il convient de relever que la société Carrefour Hypermarchés ne soutient plus l’irrecevabilité de l'ACD.Lec à agir, cette dernière ayant communiqué les certificats d’enregistrement et de renouvellement des marques invoquées.

L’ACD.Lec soutient que la publicité litigieuse diffusée par la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS constitue un acte de contrefaçon de ses marques. Sur l’exception de publicité comparative : La publicité comparative est définie par l’article 2. c) de la Directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, comme « toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent ».

Les conditions de licéité de la publicité comparative, prévues par l’article 4 de cette directive, sont reprises dans l’article L. 121-8 (devenu l’article L. 122-1) du code de la consommation qui dispose - "Toute publicité gui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n’est licite que si : I ° Elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ; 2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif; 3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie." L’article suivant (art. L121-9, devenu art. L. 122-2) ajoute que : La publicité comparative ne peut : 1° Tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque de fabrique, de commerce ou de service, à un nom commercial, à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou à l’appellation d’origine ainsi qu’à l’indication géographique protégée d’un produit concurrent ; 2° Entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d’un concurrent ; 3° Engendrer de confusion entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l’annonceur et ceux d’un concurrent ; 4° Présenter des biens ou des services comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service bénéficiant d’une marque ou d’un nom commercial protégé. II résulte de la jurisprudence de la CJUE que la définition retenue de la publicité comparative est large et doit permettre de tenir compte des objectifs des directives (84/450/CEE et 2006/114/CE) à savoir stimuler la concurrence entre fournisseurs de biens et services dans l’intérêt des consommateurs en permettant de mettre en évidence de manière objective les avantages des différents produits comparables. Il suffit pour qu’il y ait publicité comparative, qu’il existe une communication sous une forme quelconque faisant, même implicitement référence à un concurrent ou aux biens et services qu’il

offre, et qu’il importe peu, à cet égard, qu’il existe une comparaison entre les biens et les services offerts par l’annonceur et ceux du concurrent (arrêt « Toshiba » C-l 12/99 du 25 octobre 2001). Le prix des produits offerts par les magasins concurrents peut constituer la caractéristique mise en avant par la publicité comparative. La protection des marques connaît une exception, dont se prévaut la défenderesse, prévue par le droit de l’Union, en cas de publicité comparative. En effet, comme le souligne le préambule de la Directive 2006/114/CE, il peut être nécessaire, pour rendre effective la publicité comparative, d’identifier les produits ou services d’un concurrent en faisant référence à une marque dont ce dernier est titulaire. Une telle utilisation de la marque n’enfreint en effet pas ce droit exclusif à condition d’être faite dans le respect des règles édictées. En l’espèce, la publicité litigieuse fait état de la marque E. Leclerc pour désigner, dans chaque visuel, deux magasins de cette enseigne dont les différences de prix de 500 produits de grandes marques sont indiquées en pourcentage, le message publicitaire ajoutant que Carrefour assure un prix inférieur, sous-entendu sur les mêmes produits, par le biais de « la garantie prix le plus bas Carrefour ». Cette publicité avait donc pour but de comparer des services offerts par deux concurrents, E. Leclerc et Carrefour, à savoir des politiques de prix, tant entre les magasins à enseigne E. Leclerc entre eux, qu’entre ces derniers et les magasins Carrefour. Elle constitue en conséquence une publicité comparative en ce qu’elle procède à une comparaison des produits et services offerts aux consommateurs par les deux concurrents. Il convient cependant d’en vérifier la licéité au regard des conditions rappelées par le code de la consommation et posées par la jurisprudence européenne. La publicité comparative, pour être licite, doit en particulier présenter une comparaison objective de caractéristiques essentielles et pertinentes des biens ou services concernés, laquelle nécessite que les produits objets de la comparaison soient identifiés et qu’une vérification des caractéristiques mises en avant puisse être faite par les personnes auxquelles elle s’adresse. En l’espèce, la défenderesse établit que le détail des prix relevés dans les magasins E. Leclerc visés par ses publicités, portant sur 500 produits de grandes marques, était accessibles sur son site internet ; elle produit un exemple de relevé des prix correspondant à la publicité concernant la région Bretagne, listant les prix relevés sur le site www.leclercdrive.fr dans les magasins E. Leclerc de Quimper et de Châteaulin. Ces listes, accessibles par internet, permettaient

effectivement de réaliser la comparaison entre les prix pratiqués par les différents magasins à enseigne E. Leclerc.

Toutefois cette possibilité d’accéder aux prix des produits relevés pendant une période donnée ne concernait que les magasins Leclerc identifiés dans les différents messages publicitaires selon la région concernée présentés comme les concurrents de CARREFOUR. En revanche, s’agissant des prix pratiqués, à la même époque, sur les mêmes produits par les magasins Carrefour, seule la « garantie prix le plus bas Carrefour » était avancée par la publicité. Par cette « garantie », la société Carrefour indique offrir à ses clients les prix les moins chers sur plus de 1.000 produits de grandes marques, toute l’année, en leur proposant de rembourser deux fois la différence de prix si le client trouve un produit identique moins cher dans un autre magasin concurrent situé à moins de 15 kM. La société Carrefour prétendait ainsi, par cette publicité, assurer un prix moins élevé que ses concurrents sur les mêmes produits de grandes marques. Or, s’il peut être envisagé que les 500 produits répertoriés dans les magasins E. Leclerc ou des produits équivalents étaient également vendus par Carrefour et faisaient partie des 1.000 produits sur lesquels cette enseigne proposait sa garantie prix le plus bas, le procédé présenté dans le message publicitaire nécessitait une vérification a posteriori des prix pratiqués par une démarche du consommateur. Ce dernier était ainsi invité, « pour bénéficier de cette Garantie, valable dans les hypermarchés à enseigne Carrefour, (… à…) en faire la demande dans un délai de 15 jours suivant (l ') achat, en présentant le ticket de caisse et un justificatif de prix pratiqué par le magasin concurrent… (qui) doit être situé à moins de 15 km de notre magasin et en France métropolitaine… ». La société CARREFOUR HYPERMARCHÉS n’apporte d’ailleurs pas la preuve des prix effectivement pratiqués par ses magasins, à l’époque de la campagne publicitaire litigieuse, sur les produits dont les prix avaient été relevés dans les magasins Leclerc. En outre, la publicité ne met pas en mesure le consommateur de vérifier l’exactitude des éléments de comparaison, puisqu’il est fait référence d’une part à 500 produits de grandes marques et d’autre part, à 1000 produits de grande marque, de sorte que nécessairement les produits ne sont pas équivalents, ne serait-ce que par leur nombre. L’absence de précision, sur les éléments comparés ne permet pas une comparaison objective. Dans ces conditions, et même s’il est clair que le but de cette campagne publicitaire était de souligner que des différences de prix pouvaient être constatées entre deux magasins de la même chaîne – E. Leclerc -, il y a lieu de considérer que, dans la mesure où aucune comparaison objective entre les produits vendus par les enseignes concurrentes n’était proposée par la publicité comparative litigieuse, celle-ci est trompeuse et n’est pas licite.

En conséquence, la société Carrefour Hypermarchés n’est pas fondée à invoquer l’exception de publicité comparative en l’espèce Sur la contrefaçon : L’ACD.Lec poursuit la contrefaçon de ses marques françaises, communautaires et internationales, en faisant en outre référence à la notoriété de ses marques. L’ACD/Lec fait référence à ses marques internationales « L. E. Leclerc » n°603839 OMPI, « Centre Distributeur E. Leclerc» n°511970 OMPI, « L » n°511972 OMPI, et « E. Leclerc L+ » n°662767 OMPI. Ces marques ne désignant pas la France, elles n’ont pas vocation à être invoquées sur ce territoire, en application du principe de territorialité des marques, de sorte que les demandes présentées par la demanderesse à leur sujet seront rejetées. Il y a lieu par ailleurs de relever que la demanderesse vise dans le dispositif de ses conclusions des marques françaises n°3865031, n°99772849 et 98765491. Elle n’évoque pourtant pas ces marques dans le corps de ses conclusions et ne produit aucune pièce les concernant. Ses demandes au regard de ces marques seront en conséquence rejetées. La demanderesse invoque également la protection de sa marque renommée ou notoire en application des dispositions de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle. Toutefois, ce texte qui prévoit une dérogation au principe de spécialité de la marque, ne s’applique que pour des produits non similaires. En l’espèce, la publicité litigieuse fait référence à des produits vendus tant par la demanderesse que par les défenderesses et qui sont similaires ou identiques à ceux objets du dépôt des marques E. Leclerc. En conséquence, la demande fondée sur ce texte doit être écartée.

L’article L 713-2 du code de la propriété industrielle dispose : " Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement,(…).

L’article L713-3 du même code ajoute que : "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public : a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;

b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement." L’article L 717-1 du code de la propriété industrielle prévoit que : « Constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9,10,11 et 13 du règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire. »

Le règlement européen CE n° 207/2009 prévoit au 1 er alinéa de l’article 9 que : «La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires : a) d’un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée, b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque, c) d’un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans la Communauté et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice". Ainsi que le rappelle la Cour de justice de l’Union européenne (ex. Affaire C-487/07 L’Oréal, §58), le droit exclusif prévu à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 a été octroyé afin de permettre au titulaire de la marque de protéger ses intérêts spécifiques en tant que titulaire de cette marque, c’est-à-dire d’assurer que cette dernière puisse remplir ses fonctions propres et que, dès lors, l’exercice de ce droit doit être réservé aux cas dans lesquels l’usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque (…) parmi lesquelles figurent non seulement la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service, mais également les autres fonctions de celle-ci, comme notamment celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d’investissement ou de publicité. L’ACD.Lec invoque la marque verbale communautaire « E.Leclerc » n°2700664 qui vise les classes n° 1 à 45, à savoir tant les produits de bricolage, jardinage, entretien, hygiène, électroménager, matériel audiovisuel, papeterie, ménage, que les vêtements, le linge de

maison, les jouets, que l’alimentation, les boissons, ou encore la librairie. Il est constant que la publicité litigieuse reproduit à l’identique cette marque pour viser les produits concernés par l’enregistrement et a été réalisée sans l’autorisation du propriétaire de la marque. La demanderesse invoque ensuite sa marque verbale « LECLERC » qui est enregistrée d’une part comme marque communautaire sous le n°2700656 et vise les classes n° 1 à 45 et, d’autre part comme marque française sous le n° 1 307790 qui vise les classes 1 à 35 et 39. La marque semi-figurative française « E. Leclerc » n°93452909 (pièce n°2-2) qui vise les classes 1 à 35,39, et 41 à 45, comprend, au-dessus du nom de l’enseigne, une lettre « L » à l’intérieur d’un cercle ; l’élément distinctif de cette marque est le nom de l’enseigne. Dans la marque semi-figurative française n° 1595540 (reproduite plus haut) les inscriptions « centre distributeur E. LECLERC » sont blanches, le trait horizontal séparant les deux lignes est orange, sur fond bleu. Le disque imprimé à droite est orange sur un carré blanc limité par un filet bleu. Les termes E. LECLERC sont en lettres majuscules et constituent l’élément distinctif du signe. La marque verbale française n° 1295432 (pièce n°2-5) comprend les mots CENTRE DISTRIBUTEUR EDOUARD LECLERC en lettres grasses majuscules. Les mots « centre distributeur » sont purement descriptifs de sorte que l’élément distinctif est le nom Edouard Leclerc, dont l’abréviation est E. Leclerc. Il convient de souligner qu’outre sa fonction principale d’identification et de garantie d’origine commerciale des produits et services visés par l’enregistrement, la marque a aussi une fonction de communication, d’investissement et de publicité. Dans la publicité, objet du présent litige, la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS a utilisé les termes E. Leclerc pour désigner son concurrent. Ce faisant, elle a reproduit la marque communautaire n°2700664 et imité les autres marques énumérées en reprenant au moins le terme « L » qui constitue l’élément distinctif dominant, pour viser les produits et services visés dans les enregistrements de ces marques à savoir des produits de grande consommation qu’elle distribue elle-même également.

Si l’usage des termes E. Leclerc dans la publicité litigieuse a bien pour but de désigner les magasins du réseau Leclerc, il est fait pour présenter cette enseigne et les produits et services vendus sous un jour dévalorisant par une publicité comparative illicite, sous-entendant, comme vu précédemment, que sa politique de prix n’est pas cohérente

puisqu’il y est affirmé qu’il n’est "pas facile de savoir qui est le moins cher quand il y a d’aussi gros écarts de prix entre 2 magasins E. Leclerc de votre région ". Cette critique est d’autant plus tendancieuse qu’elle passe sous silence les écarts de prix pouvant exister entre différents magasins de l’enseigne de l’annonceur (Carrefour) ainsi que cela était souligné dans la campagne diffusée précédemment par le GALEC. Le message véhiculé par la publicité litigieuse porte ainsi atteinte à la fonction de communication et de publicité des marques de la demanderesse et doit être qualifié de contrefaçon. Sur le comportement parasitaire : L’ACD.Lec soutient qu’elle a aussi subi un préjudice du fait du comportement parasitaire adopté par la société CARREFOUR HYPERMARCHES qui aurait cherché à valoriser sa campagne promotionnelle relative à son opération11 si vous trouvez moins cher…" en utilisant la marque notoire E. Leclerc, sans avoir égard aux conditions de licéité de la publicité comparative. Le parasitisme est caractérisé dès lors qu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. En l’espèce, les deux parties sont des acteurs importants du domaine de la grande distribution et jouissent d’une notoriété similaire. Si la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS a cherché, en diffusant la publicité litigieuse qui stigmatisait les différences de prix constatés entre des magasins à enseigne E. Leclerc situés à chaque fois dans la même région, à atténuer l’impact de la campagne lancée précédemment par le groupement d’achat des centres L (GALEC) qui mettait en exergue les différences de prix constatés, en particulier entre les magasins Carrefour et les magasins Carrefour Market, elle n’a pas voulu tirer profit de la notoriété de son concurrent. La demande au titre du parasitisme sera en conséquence rejetée.

Sur les mesures réparatrices : En vertu de l’article L716-14 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, "/a juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée".

En vertu de l’article L717-2 du code de la propriété intellectuelle, les dispositions L716-8 à L716-15 du code de la propriété intellectuelle sont applicables aux atteintes portées au droit du propriétaire d’une marque communautaire. La notoriété de la marque E.Leclerc ou LECLERC et son attractivité sont établies. L’utilisation, par la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS des marques E. LECLERC sans son autorisation dans la campagne publicitaire litigieuse a porté atteinte à la valeur de cette marque, car elle fait une présentation dévalorisante des services proposés par cette enseigne et porte ainsi nécessairement atteinte à sa notoriété. Il résulte de l’attestation du directeur juridique de la société Arena Media Communications que la société Carrefour a acheté des espaces publicitaires à diverses régies permettant la diffusion de 148 messages radiophoniques sur 9 chaînes de radio les 22 et 23 décembre 2014,9 insertions dans des journaux nationaux le 22 décembre 2014 et 34 insertions dans la presse régionale aux mêmes dates. L’ACD.Lec invoque un préjudice d’attractivité commerciale. Toutefois, en l’absence d’éléments suffisants, le tribunal n’est pas en mesure de déterminer le préjudice commercial dont il est ainsi fait état. En revanche, l’atteinte à la valeur patrimoniale des sept marques retenues justifie une réparation. Dans le cadre de l’évaluation forfaitaire du préjudice, il y a lieu de tenir compte de ce que les sept marques de la demanderesse n’ont pas toutes la même visibilité et donc pas la même valeur. Compte tenu du contexte particulier des faits de l’espèce, qui s’inscrit dans le cadre de la concurrence que se font les parties qui tentent par tous les moyens d’attirer l’attention au détriment des autres acteurs du secteur, et du fait que la campagne litigieuse a été diffusée pendant une durée limitée, il y a lieu de condamner la défenderesse à verser à la demanderesse la somme de 100.000 euros au titre de l’atteinte portée à ses marques. Les préjudices de la demanderesse étant suffisamment réparés par les dommages et intérêts ainsi accordés, il ne sera pas fait droit à sa demande de publication judiciaire et d’affichage sur le site internet de la défenderesse. Sur les autres demandes : La demande principale de l’ACD.Lec étant accueillie, il n’y a pas lieu d’examiner la demande reconventionnelle pour procédure abusive formulée par la défenderesse. L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre

partie. La société CARREFOUR HYPERMARCHÉS, qui succombe, doit donc supporter la charge des dépens. L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. La somme de 8.000 € sera allouée à ce titre à la défenderesse. L’exécution provisoire n’étant pas justifiée au cas d’espèce, elle n’a pas lieu d’être ordonnée. PAR CES MOTIFS : Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort, Rejette les demandes présentées par PACD.Lec en contrefaçon des marques françaises n°3865031, n°99772849 et 98765491 et des marques internationales « L. E. Leclerc » n°603839 OMPI, « Centre Distributeur E. Leclerc» n°511970 OMPI, « L » n°511972 OMPI, et « E. Leclerc L+ » n°662767 OMPI. Dit que la publicité litigieuse diffusée par la société CARREFOUR HYPERMARCHES du 22 au 24 décembre 2014 est illicite ; DIT qu’en diffusant entre les 22 et 24 décembre 2014 la campagne publicitaire mentionnée dans l’assignation du 27 janvier 2015 qui vise l’élément verbal « E. LECLERC » ou « L » des marques suivantes : marque française verbale « L», n° 1307790, marque semi-figurative française « E. Leclerc » n°93452909, marque semi-figurative française «Centre Distributeur E.Leclerc» n° 1595540, marque verbale française «Centre Distributeur Leclerc» n° 1295431, marque verbale française «Centre Distributeur Edouard Leclerc» n° 1295432 marque communautaire verbale LECLERC n°2700656 marque communautaire verbale E. LECLERC n°2700664 la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS a commis des actes de contrefaçon au préjudice de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ACD.Lec) ; CONDAMNE la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS à payer à l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ACD.Lec) la somme de 100.000 € (cent mille euros) à titre de dommages-intérêts pour atteinte à ces marques;

REJETTE les demandes de publication ;

REJETTE les demandes présentées au titre du parasitisme ;

REJETTE la demande reconventionnelle pour procédure abusive ; REJETTE toute autre demande ; CONDAMNE la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS aux dépens : CONDAMNE la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS à payera l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ACD.Lec) une somme de 8.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

DIT n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 28 octobre 2016, n° 15/01227