Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre section sociale, 2 juin 2017, n° 17/07437

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  • Vote·
  • Désignation

Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. sect. soc., 2 juin 2017, n° 17/07437
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 17/07437

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

1/4 social

N° RG :

17/07437

N° MINUTE :

Assignation du :

24 mai 2017

ANNULATION DECISION

E. G.

(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 2 juin 2017

DEMANDERESSE

Madame F-I B

[…]

[…]

représentée par Maître Sarra JOUGLA-YGOUF, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0875, Maître Andre BRUNEL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

DÉFENDEURS

[…]

[…]

[…]

Madame Y X

domiciliée C/o Fédération du Parti Socialiste de l’Hérault

[…]

[…]

représentés par Maître Cosima OUHIOUN de l’AARPI LAVAGNE OUHIOUN GUYON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B548

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Géraldine E, Vice-Présidente

Président de la formation

Madame Z A, Juge

Madame F-G H, Juge

Assesseurs

assistées de Mathilde C, Greffier lors des débats

DÉBATS

A l’audience du 30 mai 2017

tenue en audience publique

JUGEMENT

— Contradictoire.

— En premier ressort.

— Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— Signé par Géraldine E, Président et par Mathilde C, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 08 décembre 2016, Madame F-I B a été désignée comme candidate du Parti socialiste pour la deuxième circonscription du département de l’Hérault pour les élections législatives des 11 et 18 juin 2017.

Par courriel du 15 mai 2017, elle a été informée de ce que la commission nationale électorale du parti avait décidé que son investiture est « désormais caduque » et qu’ « un nouveau scrutin militant aura lieu le mercredi 17 mai ».

A la suite, Madame Y X a été investie en lieu et place de Madame B.

Dûment autorisée par ordonnance en date du 24 mai 2017, Madame B a, par acte d’huissier de justice délivré le même jour, fait citer le Parti socialiste et Madame X devant le tribunal de grande instance de Paris selon la procédure à jour fixe, lui demandant, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et au visa de l’article 4 de la Constitution du 04 octobre 1958, de l’article 7 de la loi 88-227 du 11 mars 1988, des articles 5.1.9, 4.3.3, 4.4.2.2 des statuts du Parti socialiste et 4.4.2.2 du règlement intérieur du Parti, de la décision du 8 décembre 2016 de l’investir ès qualités de candidate à la députation de la deuxième circonscription de l’Hérault et de la décision de la commission électorale nationale du Parti socialiste du 15 mai 2017 lui retirant l’investiture du parti, de :

— dire nulle et de nul effet la décision du 15 mai 2017 de la commission électorale nationale du Parti socialiste lui retirant l’investiture du parti pour les élections législatives des 11 et 18 juin 2017 ;

— condamner le Parti socialiste à publier, dans les vingt-quatre heures de la décision à intervenir, sous astreinte définitive de dix mille euros par jour de retard, un communiqué dans tous les journaux et organes de presse locaux informant de l’annulation de la décision du 15 mai 2017 et de son investiture ès qualités de candidate investie par le Parti socialiste sur la deuxième circonscription de l’Hérault ;

— condamner le Parti socialiste à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 29 mai 2017 et soutenues oralement à l’audience, le Parti socialiste demande au tribunal, au visa de l’article 7 de la loi du 11 mars 1988, des statuts et du règlement intérieur du Parti de :

— dire Madame B mal fondée en ses demandes ;

— l’en débouter ;

— la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de Maître Cosima OUHIOUN, avocat au barreau de Paris.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 29 mai 2017 et soutenues oralement à l’audience, Madame X demande au tribunal de :

— dire irrecevable l’action engagée par Madame B à son encontre ;

En tout état de cause,

— la mettre hors de cause ;

— débouter Madame B de son action, de ses moyens et prétentions ;

— condamner Madame B à lui payer 1.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

— condamner Madame B à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— la condamner aux dépens sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Cosima OUHIOUN, avocat au barreau de Paris.

MOTIFS

I – Sur la recevabilité de l’action de Madame B initiée à l’encontre de Madame X et la demande de mise hors de cause de cette dernière

Madame X, candidate finalement investie par le Parti socialiste à l’issue du vote des adhérents du 17 mai 2017 en exécution de la décision du Bureau national prise sur proposition de la commission électorale dont l’annulation est poursuivie, a été assignée par Madame B afin que la décision du tribunal lui soit opposable.

De fait, il y a lieu de considérer que Madame X est intéressée par l’issue de cette procédure au regard non seulement des conséquences prêtées par Madame B au succès de ses prétentions, mais encore des mesures de publication de la décision qu’elle sollicite, justifiant son maintien dans la cause.

Par conséquent, Madame B doit être déclarée recevable en son action, la demande de mise hors de cause de Madame X étant rejetée.

II – Sur la demande d’annulation de la décision de la commission électorale du 15 mai 2017

Il est stipulé à l’article 5.1.2 des statuts du Parti socialiste que “le conseil national ou par délégation le Bureau national décide de l’organisation des opérations de désignation :

- il nomme une commission électorale dans le respect des principes posés aux articles 1.3.1 et suivants des statuts ;

- il fixe un calendrier qui s’applique à l’ensemble des organisations du parti. […]

L’article 5.1.3 intitulé “corps électoral pour les désignations de candidats” prévoit que “les candidats aux élections politiques sont désignés par l’ensemble des adhérents du parti en droit de voter selon les termes de l’article 3.1.1 des statuts et inscrits sur la liste électorale de la circonscription concernée. […]”

L’article 5.1.6 du règlement intérieur concerne le déroulement du scrutin.

Il est par ailleurs stipulé à l’article 5.1.9 des statuts, intitulé “ratification des candidatures”que “[…] pour les désignations nationales, régionales et européennes, et celles des premiers des socialistes dans les villes de plus de 20.000 habitants et les villes-préfectures, les candidatures ne sont définitives qu’après ratification en Conseil national, sauf en cas de nécessité par délégation par le bureau national.

L’article 5.2.2 des statuts intitulé “désignation des candidats pour les élections législatives”, précise encore que “les désignations des candidats pour les élections législatives sont adoptées en convention nationale sauf en cas de nécessité, par délégation par le bureau national”.

L’article 5.2.2 du règlement intérieur précise que “dans chaque circonscription de son ressort, la fédération organise une assemblée générale de présentation des candidats à l’investiture pour les élections législatives. Elle détermine également le nombre et les lieux de vote de la circonscription en accord avec les sections. Les adhérents du parti inscrits sur la liste électorale (conformément à l’article 5.1.3 du règlement intérieur national) se prononcent sur les candidatures simultanées des titulaires et de leurs suppléants, au jour indiqué par la circulaire prévue à l’article 5.1.2 des statuts, soit en assemblée générale de section, soit en assemblée générale de circonscription.

Le récolement des suffrages obtenus dans les sections ou dans les Assemblées générales de circonscription est opéré dans le bureau centralisateur, ouvert à tous les adhérents.

Si aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un second tour de scrutin, auquel peuvent se présenter les deux candidats arrivés en tête au premier tour. La convention fédérale arrête la liste des candidats proposés à l’investiture du parti.”

En l’espèce, au terme de la lettre circulaire nationale n° 1400, il a été décidé, s’agissant des élections législatives du mois de juin 2017, que le vote des adhérents aurait lieu le 8 décembre 2016 et que la convention nationale de ratification des investitures se réunirait le 17 décembre suivant.

Il n’est pas contesté que Madame F-I B, députée sortante de la deuxième circonscription de l’Hérault sous l’étiquette du Parti socialiste, a été désignée par le vote des adhérents le 8 décembre 2016 comme candidate présentée à l’investiture du Parti dans cette circonscription.

Il n’est pas non plus discuté que Madame B s’est présentée seule, n’ayant pas encore, à cette date, de suppléant.

De ce fait, la convention nationale réunie le 17 décembre 2016 n’a pu valider l’investiture de Madame B, qui n’en restait pas moins la candidate choisie par les adhérents du Parti au terme du scrutin du 8 décembre 2016.

Or, il ressort d’un communiqué versé aux débats, que le lundi 15 mai 2017 : “la commission électorale a arrêté que les candidats précédemment investis par le Parti socialiste qui ont dorénavant reçu l’investiture du mouvement la “République En Marche”, sont désormais désinvestis par le Parti socialiste. En outre, ces candidats verront se présenter face à eux des candidats choisis par le Parti socialiste, à l’exception de quelques circonscriptions dans lesquelles cela entraînerait presque assurément une victoire du Front national. Dans ces cas, en responsabilité, fidèle à sa tradition de barrage contre l’extrême droite et de retrait républicain, le Parti socialiste ne présentera pas de candidat. Ces décisions ont été validées à l’unanimité par le Bureau national qui s’est tenu ce même jour”.

En application de cette décision, la section 7 de l’Hérault du Parti socialiste a, le même jour, adressé un courriel à Madame B, l’informant de ce qu'“un nouveau vote d’investiture pour l’élection législative dans la 2ème circonscription de l’Hérault a été décidé par la commission nationale d’investiture”, devant avoir lieu le mercredi 17 mai de 17h à 22h. Il lui était ainsi signifié que sa désignation au terme du scrutin des adhérents n’était plus opérante, le message ajoutant qu’elle pouvait néanmoins à nouveau déposer sa candidature.

S’il ne s’agit pas à proprement parler d’une “désinvestiture” puisque Madame B n’était pas encore définitivement investie, la commission électorale du Parti socialiste, validée en cela par le bureau national, a néanmoins invalidé le scrutin des adhérents la désignant comme candidate présentée à l’investiture. Le fait que la commission électorale propose une décision approuvée par le bureau ne prive pas d’objet la demande d’annulation de Madame B.

Certes, cette décision, que l’on peut qualifier de politique, n’est pas une sanction disciplinaire au sens des dispositions statutaires et réglementaires, rendant nécessaire la saisine de la commission des conflits dont les sanctions (l’avertissement, le blâme, la suspension temporaire et l’exclusion temporaire ou définitive) sont limitativement énumérées à l’article 4.4.2.3 du règlement intérieur. L’article 4.4.2.2 des statuts, relatif au caractère contradictoire des débats ayant lieu en son sein, de même que l’article 4.3.3 concernant la procédure de sanction devant le Conseil national des candidats investis en cas d’indiscipline caractérisée, qui renvoie à l’article 4.4.2.2, ne sont pas applicables aux faits de l’espèce.

Pour autant, il est constant que toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci doit respecter les droits de la défense, parmi lesquels le principe du contradictoire.

Il s’agit nécessairement d’une décision faisant grief à Madame B puisqu’elle remet en cause sa désignation pour un motif venant sanctionner son comportement, qui s’avère être le soutien qu’elle a pu manifester au mouvement “En Marche” ou à tout le moins qu’elle s’est abstenue d’exprimer en faveur de la candidature socialiste à l’élection présidentielle, la contraignant ainsi à se soumettre à nouveau au vote des adhérents du Parti.

Or, il n’est pas contesté que Madame B n’a été ni prévenue de la tenue de la réunion, ni informée des motifs justifiant une telle procédure et encore moins invitée à présenter ses observations relativement aux griefs pouvant justifier la remise en cause du résultat du scrutin du 8 décembre 2016. De ce fait, le principe du contradictoire n’a pas été respecté.

Le bien-fondé ou non de la décision est indifférent à ce stade, s’agissant d’une considération strictement procédurale.

Par conséquent, il sera fait droit à la demande de Madame B tendant à obtenir l’annulation de la décision de la commission électorale du Parti socialiste du 15 mai 2017 la concernant.

Si Madame B obtient gain de cause dans les termes de son assignation, il échet toutefois de souligner, s’agissant de la portée de la décision, qu’elle n’a sollicité ni l’annulation de la décision prise le même jour par le Bureau national, organe décisionnaire, ni celle de la décision du mouvement investissant Madame X, qui conservent donc toute leur vigueur.

III – Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

C’est à bon droit que Madame B a mis dans la cause Madame X, afin que la décision rendue lui soit opposable dans la mesure où elle est intéressée par le sort de cette procédure.

Par conséquent, à défaut de démontrer le caractère abusif d’une telle action, cette dernière sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

IV – Sur les demandes annexes

Compte-tenu de la nature de la décision, la mesure de publication sollicitée n’apparaît pas justifiée. Elle sera rejetée.

Succombant à titre principal, le Parti socialiste sera condamné aux dépens de l’instance.

Supportant les dépens, il sera condamné à payer à Madame B la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame X sera déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

Déclare l’action de Madame F-I B à l’égard de Madame Y X recevable et dit n’y avoir lieu à mettre cette dernière hors de cause ;

Annule la décision prise le 15 mai 2017 par la commission nationale électorale du Parti socialiste concernant Madame F-I B ;

Rejette la demande de publication de la présente décision ;

Déboute Madame Y X de sa demande de dommages-intérêts ;

Condamne le Parti socialiste aux dépens de l’instance ;

Condamne le Parti socialiste à payer à Madame F-I B la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Madame Y X de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’exécution provisoire de la décision.

Fait et jugé à Paris le 2 juin 2017

Le Greffier Le Président

M. C G. E

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