Tribunal de grande instance de Paris, Référés, 9 mars 2018, n° 18/51548

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

N° RG :

18/51548

N° : 10

Assignation du :

03 Janvier 2018

ORDONNANCE EN LA FORME DES RÉFÉRÉS

rendue le 09 mars 2018

par F G, Premier Vice-Président adjoint au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de D E, Greffier.

DEMANDEUR

VILLE DE PARIS

[…]

[…]

représentée par Me Bruno MATHIEU, avocat au barreau de PARIS – #R0079

DEFENDEUR

Monsieur Y X

[…]

[…]

comparant en personne

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/004223 du 31/01/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)

DÉBATS

A l’audience du 16 Février 2018, tenue publiquement, présidée par F G, Premier Vice-Président adjoint, assistée de D E, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

Par acte du 3 janvier 2018, la Ville de Paris a assigné M. Y X en la forme des référés devant le président du tribunal de grande instance de Paris, au visa des articles 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 modifiée par la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, L631-7, L632-1 et L651-2 modifié par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 du code de la construction et de l’habitation, aux fins de voir :

— dire et juger que MonsieurPascal a commis une infraction aux dispositions de l’article L.651-2 du code de la construction et de l’habitation en louant pour de courte durée l’appartement situé au […] à Paris 19e – 1er étage, porte gauche (lots de copropriété 56 et 64) ;

— condamner M. X à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la Ville de Paris conformément à l’article L651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

— ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation du […], à Paris 19e – 1er étage porte fauche (lots de copropriété 56 et 64), sous astreinte de 142 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et pendant le délai qu’il plaira à Monsieur le Président de fixer ;

— se réserver la liquidation de l’astreinte ;

— condamner M. X au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par observations orales à l’audience du 16 février 2018, la Ville de Paris a maintenu l’ensemble de ses demandes.

Au soutien de ses demandes, la Ville de Paris verse le constat dressé par Mme A B-C, agent assermenté du service municipal du logement, notamment le 19 mai 2017 lors d’une visite de contrôle, établissant que M. X proposait les lots n°56 et 64 à la location de courte durée sur le site internet airbnb.com, que l’annonce comportait 10 photos et 33 commentaires de touristes et que le tarif de la nuitée était de 71 euros.

Sur cette base, la Ville de Paris estime le gain de la location à 70.219 euros et, plus précisément, un gain illégal retiré des locations de courte durée à 856 euros par mois, sur la base d’un taux d’occupation présumé de 75%, depuis octobre 2013 (date à laquelle M. X est devenu membre du site airbnb.com).

La Ville de Paris fait valoir que les lots visés ne constituent pas la résidence principale de M. X et que la location meublée de courte durée à une clientèle de passage, sans autorisation préalable, constitue un changement d’usage qui doit être sanctionné.

Elle sollicite donc le bénéfice de son exploit introductif d’instance.

Dans ses conclusions déposées et développées oralement à l’audience du 16 février 2018, M. Y X a demandé au juge de :

— débouter la partie demanderesse de toutes ses demandes ;

— condamner la Mairie de Paris au paiement de 260 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

M. X ne conteste pas avoir donné les lots n°56 et 64 à la location de courte durée, entre octobre 2015 et décembre 2017, alors que ces lots sont à usage d’habitation. Il conteste toutefois le montant des gains estimés par la Ville de Paris et verse les relevés locatifs dont il ressort qu’il a perçu une rémunération de 783 euros en 2015, 5.915 euros en 2016 et 9.192 euros en 2017.

Néanmoins, M. X conteste l’infraction qui lui est reprochée et fait valoir que le logement de l’immeuble sis […] à Paris 19e constitue sa résidence principale, ce qui l’autorisait à le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage un maximum de 120 jours par an. Il estime que, dans ces conditions, si le calcul de nombre de jours de location s’effectue sur une année civile, alors l’infraction ne saurait lui être reprochée, n’ayant loué son bien qu’un maximum de 117 jours sur une année civile. Il remarque que si un tel calcul s’effectuait sur la base d’une année glissante, l’incertitude quant au mode de calcul entre l’année glissante et l’année civile pose un problème d’imprévisibilité de la loi et donc de sécurité juridique de sorte qu’aucune infraction ne pourrait lui être reprochée.

L’avis du ministère public a été donné le 3 janvier 2018.

Conformément aux dispositions de l’article 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé du litige, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux conclusions développées oralement à l’audience.

SUR CE,

Sur le non-respect de l’article L631-7 du code de la construction et de l’habitationྭ:

L’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi 2014-366 du 24 mars 2014 dispose notamment :

«ྭ Les dispositions du présent titre sont d’ordre public.

Le présent titre s’applique aux locations de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur, ainsi qu’aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur. La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation.ྭ »

L’article L631-7 du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction issue de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 prévoit :

«ྭ La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L632-1.

Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article.ྭ »

L’article L651-2 du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 prévoit également :

«ྭ Toute personne qui enfreint les dispositions de L631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1 000 € par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l’administration peut procéder d’office, aux frais du contrevenant, à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessairesྭ ».

Au regard de l’objectif de ces textes, conçus pour lutter contre la pénurie de locaux offerts à la location aux individus et aux familles cherchant à se loger dans les zones géographiques concernées, la location de courte durée, épisodique, à l’usage d’une clientèle de passage pour des motifs de travail ou touristiques, correspond à un usage hôtelier, différent de l’usage d’habitation.

Il est constant que M. X est propriétaire, depuis le 5 avril 2007, d’un appartement situé au 1er étage d’un immeuble […], constituant les lots n°56 et 64.

* Sur la preuve de résidence principale

Il ressort des éléments versés aux débats que M. X est bien imposé au titre de la taxe d’habitation sur le logement litigieux. En outre, il était présent lors de la visite de contrôle de l’agent assermenté de la Ville de Paris. Il convient donc de considérer que l’appartement du 27 rue Secrétan à Paris 19e constitue bien sa résidence principale, la seule appréciation subjective de l’agent de la Ville de l’absence d’effets personnels de M. X dans l’appartement le jour de sa visite ne saurait suffire à en établir la preuve contraire.

* Sur la durée des locations

L’article L324-2-1 II du code du tourisme dispose :

«ྭII. – Toute personne qui se livre ou prête son concours contre rémunération, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plateforme numérique, à la mise en location d’un local meublé soumis au II de l’article L. 324-1-1 et aux articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation publie dans l’annonce relative au local, son numéro de déclaration, obtenu en application du II de l’article L. 324-1-1 du présent code.

Elle veille à ce que le logement proposé à la location ou à la sous-location ne soit pas loué plus de cent vingt jours par an par son intermédiaire lorsque le logement constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée. A cette fin, lorsqu’elle en a connaissance, elle décompte le nombre de nuits faisant l’objet d’une occupation, et en informe, à sa demande, annuellement, la commune du logement loué. Au-delà de cent vingt jours de location, le logement ne peut plus faire l’objet d’une offre de location par son intermédiaire jusqu’à la fin de l’année en cours.ྭ»

La Ville de Paris en poursuivant M. X au regard des 136 jours de location effectués entre mai 2016 et mai 2017 semble implicitement considérer qu’un tel décompte doit se faire au regard d’une année glissante.

Or, d’une part, il ressort de la réponse du ministre du logement au sénateur Navarro que, si la résidence principale doit se compter au regard de l’année glissante, la location d’un local meublé doit pour sa part se décompter au regard d’une année civile. D’autre part, si l’agent assermenté de la Ville de Paris n’a pas su répondre à cette question, le 3939 service public répond que le calcul s’opérait au regard de l’année civile.

Il résulte de ces éléments que le décompte des jours de location d’un meublé s’opère au regard d’une année civile, conformément à la réponse apportée par le ministère du logement, fondée sur l’article L324-2-1 du code du tourisme.

En l’espèce, M. X a loué son bien 10 jours au cours de l’année 2015, 92 jours au cours de l’année 2016 et 117 jours au cours de l’année 2017, de sorte qu’il n’a jamais dépassé la limite légale des 120 jours de location entraînant un changement d’usage au sens de l’article L631-7 du code de la construction et de l’habitation.

Par conséquent, la Ville de Paris échoue à rapporter la preuve de la commission de l’infraction qu’elle reproche à M. X.

La Ville de Paris sera donc déboutée de ses demandes tendant au constat de la commission d’une infraction et à la condamnation de M. X à une amende civile ainsi que de celle tendant à voir ordonner le retour à l’habitation.

Sur l’article 700 du code de procédure civileྭ:

La demande formée par M. X au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée, faute de justification de frais engagés.

Succombant à l’instance, la Ville de Paris sera condamnée à supporter la charge des dépens.

PAR CES MOTIFSྭ:

Statuant publiquement, en la forme des référés, par mise à disposition au greffe au jour du délibéré, par décision contradictoire et en premier ressort,

Déboutons la Ville de Paris de ses demandesྭ ;

Rejetons la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civileྭ;

Condamnons la Ville de Paris aux dépensྭ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.

Fait à Paris le 09 mars 2018

Le Greffier, Le Président,

D E F G

1:

2 Copies exécutoires

délivrées le:



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