Tribunal de grande instance de Paris, 11 décembre 2019, n° 19/01105

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 11 déc. 2019, n° 19/01105
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 19/01105

Texte intégral

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 1

1/1/2 resp profess du drt

N° RG : 19/01105

N° Portalis : 352J-W-B7D-COZ37

N° MINUTE :

Assignation du : 21 Janvier 2019

PAIEMENT

Expéditions exécutoires délivrées le :

JUGEMENT rendu le 11 Décembre 2019

DEMANDEURS

Madame C D épouse X […]

Monsieur E X […]

représenté par Maître Antoine CHRISTIN de la SELARL SALMON ET CHRISTIN ASSOCIES, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire n°720

DÉFENDEURS

Monsieur M-N A […]

Société MMA IARD venant aux droits de COVEA RISKS […]

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de COVEA RISKS […]

représentés par Maître M-Pierre LÉON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0406

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DÉCISION DU 11 DÉCEMBRE 2019 1/1/2 resp profess du drt N° RG : 19/01105 – N° Portalis 352J-W-B7D-COZ37

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Anne V, Première Vice-Présidente Adjointe Présidente de la formation
Monsieur P Q-R, Juge Monsieur F G de SAINT-MATHURIN, Juge Assesseurs

assistés de Fanny T, Greffière lors des débats

DEBATS

A l’audience du 13 Novembre 2019 tenue en audience publique

JUGEMENT

- Contradictoire

- En premier ressort

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

- Signé par Madame Anne V, Présidente, et par Madame Fanny T, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ELEMENTS DU LITIGE

Suivant acte authentique du 31 janvier 2005, M. E X, Mme C X, son épouse, MM. Y et H X et Mme I X ont acquis en copropriété un terrain constructible à Meudon (92) aux fins d’y ériger un immeuble d’habitation.

M. J X, investi d’un pouvoir accordé par les autres acheteurs, avait la qualité de maître de l’ouvrage et a, en cette qualité, signé un acte d’engagement avec la société EMCR pour un montant de 358.000 euros T.T.C le 24 mars 2007.

Un litige s’est élevé entre les parties, les consorts X se plaignaient de malfaçons et de l’abandon du chantier tandis que le constructeur sollicitait le paiement du solde du prix.

Le 17 novembre 2008, la société EMCR a fait assigner l’indivision X devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre en paiement de la somme de 110.556,60 euros.

Une expertise a été ordonnée et le rapport a été déposé le 11 février 2011.

Les consorts X étaient assistés de Me A.

Par jugement du 29 mai 2012, le tribunal de grande instance de Nanterre a retenu un partage de responsabilité par parts viriles entre la

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société EMCR et M. Y X et les a condamné à payer aux consorts X les sommes de :

- 110.084,59 euros au titre des travaux non réalisés,

- 17.500 euros au titre des retards d’exécution,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 8.000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens comprenant les frais d’expertise.

La société EMCR a interjeté appel et a été placée en liquidation judiciaire le 23 avril 2013.

Une déclaration de créance a été régularisée par les consorts X à hauteur des causes du jugement.

Le 18 octobre 2013, Me A a fait assigner en intervention forcée devant la cour d’appel de Versailles la société Axa France, assureur de la société EMCR.

Par arrêt du 9 mai 2016, la cour d’appel de Versailles a notamment :

- déclaré irrecevables en appel comme étant prescrites les demandes formées par les consorts X à l’encontre de la société EMCR et de la compagnie Axa France Iard,

- ordonné l’inscription au passif de la liquidation de la société EMCR, représentée par la SCP BTSG ès-qualités de liquidateur judiciaire, la créance chirographaire des consorts X se décomposant comme suit :

- 110.084,59 euros HT au titre des défauts d’exécution et reprises des travaux,

- 8.750 euros au titre des pénalités de retard,

- 8.000 euros au titre des frais irrépétibles.

La cour, dans ses motifs, retient la prescription de l’action à l’encontre de l’assureur considérant que les consorts X savaient que la société Axa France était l’assureur depuis 2009.

Elle a, en outre, considéré que la somme devant revenir aux consorts X était de 136.288,29 euros mais a limité le dispositif au montant de la déclaration de créance.

C’est dans ces conditions que, par acte du 21 janvier 2019, les époux X ont fait assigner Me A et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d’engager la responsabilité civile professionnelle de leur ancien avocat.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 26 juin 2019, les époux X demandent au tribunal de condamner, in solidum et au bénéfice accordé de l’exécution provisoire, les défendeurs à leur payer :

- au titre de la perte de chance de recouvrer les sommes qui leur sont dues par la société EMCR en vertu de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 9 mai 2016 :

- la somme de 48.096,10 euros ;

- une somme correspondant au tiers des dépens de première instance en ce compris les frais d’expertise judiciaire exposés ;

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- 81.355,30 euros au titre de la perte de chance d’obtenir réparation de leurs préjudices subis de la part de M. Y X, ès-qualités de maître de l’ouvrage et maître d’oeuvre ;

- 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec faculté de distraction.

Les époux X élèvent critique à l’encontre de Me A pour trois manquements :

- l’absence de conseil d’assigner la société Axa France IARD dès la première instance : Les demandeurs se fondent sur l’arrêt de la cour d’appel de Versailles qui a considéré qu’il était possible d’assigner l’assureur dès 2009 et alors que Me A connaissait ou aurait dû connaître son identité ;

- l’insuffisance de la déclaration de créance ;

- l’absence d’assignation de M. Y X, ès-qualités de maître de l’ouvrage et maître d’oeuvre : Les époux X reprochent à leur avocat de ne pas leur avoir conseillé de poursuivre en paiement le maître d’ouvrage et d’oeuvre alors même que le principe de sa responsabilité était reconnu par les juridictions ; ils considèrent qu’il s’agit d’un conflit d’intérêt manifeste.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 2 août 2019, Me A et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles demandent au tribunal de débouter les époux X et de :

- les condamner reconventionnellement à leur payer les sommes de :

- 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- 5.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

- 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;

- subsidiairement, dire et juger que leur perte de chance ne pourrait s’apprécier dans la limite de la somme de 39.611,53 euros, et, plus subsidiairement, de celle de 45.249,43 euros et qu’elle devrait tenir compte de l’aléa inhérent à la perte invoquée.

Me A et ses assureurs dénient leur responsabilité considérant que :

- Me A a accompli toutes les diligences pour avoir connaissance du nom de l’assureur de la société EMCR et notamment dans le cadre de la procédure d’expertise et de liquidation judiciaire mais il n’en a appris l’identité que tardivement ; la garantie de la compagnie Axa était refusée et n’avait de toute façon pas vocation à s’appliquer ;

- si aucune demande en paiement n’a été formée à l’encontre de M. Y X, c’est en raison d’une décision collective de la famille X qui est restée très liée au long de l’affaire.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions signifiées par les parties pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

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La clôture de l’instruction a été fixée au 10 octobre 2019 par ordonnance rendue le même jour par le juge de la mise en état.

SUR CE,

La fonction de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu.

1. Sur la demande principale,

Chargé de représenter son client en justice, l’avocat agit en vertu d’un mandat ad litem.

Il est tenu de prendre toutes les initiatives utiles à l’affaire qui lui est confiée, de tenir son client informé de la procédure et d’assurer la défense de ses intérêts.

Aussi, appartient-il à un avocat de tout mettre en œuvre pour assurer la défense de son client, sauf à devoir réparer la perte de chance résultant de son manquement, dès lors qu’aurait disparu, de façon actuelle et certaine, une éventualité favorable sur le fondement de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable au litige.

Il convient d’examiner, successivement, les différents griefs élevés par les requérants.

1.1. Sur le retard d’assignation de la société Axa France IARD,

La cour d’appel de Versailles a statué dans les termes suivants :

Les consorts X fondent leur action en intervention forcée de la société Axa France Iard sur l’article 555 du code de procédure civile, en raison de la liquidation judiciaire de son assurée, la société EMCR, qui constitue, selon eux, un élément nouveau. Ils soutiennent n’avoir eu connaissance du nom de cet assureur qu’une fois la liquidation judiciaire prononcée.

L’évolution du litige, au sens de l’article sus visé, suppose la révélation d’une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige d’un élément nouveau. Cet article doit être interprété de façon stricte eu égard au principe du double degré de juridiction.

Le jugement querellé a été rendu le 29 mai 2012. Le prononcé de la liquidation judiciaire de la société EMCR a eu lieu le 23 avril 2013 à la demande des consorts X qui l’ont assignée à cette fin le 11 février 2013, soit postérieurement à la décision dont appel.

L’acte d’engagement de la société EMCR par les consorts X en date du 24 mars 2007 ne comporte aucun élément au sujet de l’assurance contractée par cette entreprise.

Pour autant, il est établi à la lecture de l’assignation en date du 13 août 2009, délivrée à la SARL EMCR mais aussi à la compagnie

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Axa France Iard à la demande des consorts X que ces derniers savaient depuis cette date que la compagnie Axa France Iard était l’assureur de cette société.

Ils disposaient ainsi d’éléments suffisants pour apprécier l’opportunité d’assigner cet assureur en première instance.

L’intervention forcée d’un tiers n’étant pas destinée à réparer un oubli, une négligence ou une mauvaise appréciation des droits du demandeur en intervention, il y a lieu en conséquence de déclarer irrecevable l’action des consorts X à l’encontre de la compagnie Axa France Iard.

Les demandeurs considèrent qu’il s’en évince que, dès 2009, l’assignation de l’assureur était possible tandis que la défense fait valoir que Me A n’a eu connaissance du nom de l’assureur qu’au mois d’octobre 2013.

Il est établi que, dans le cadre de la procédure litigieuse, Me A n’a eu connaissance de l’identtié de l’assureur que lorsque Me B, liquidateur judiciaire de la société EMCR, a répondu à son interpellation le 4 octobre 2013.

Préalablement, les différentes demandes de Me A, notamment dans le cadre de l’expertise, pour obtenir le nom de l’assureur sont demeurées vaines.

Reste à déterminer si, comme l’a considéré la cour d’appel de Versailles, Me A et les consorts X connaissaient nécessairement la société Axa France Iard comme étant l’assureur pour l’avoir fait assigner en cette qualité le 13 août 2009.

Il s’avère, en réalité, que l’assignation du 13 août 2009 est une assignation en référé expertise délivrée à la société EMCR et son assureur mais à la seule demande de M. Y X pour un autre chantier et sans l’intervention de Me A.

Il s’ensuit que seul M. Y X détenait l’information et rien n’établit qu’il en a informé Me A.

En revanche, en vertu de son devoir de diligence, il appartenait à Me A d’accomplir les démarches et procédures utiles pour parvenir à prendre connaissance de l’assureur, dont il n’est pas nié qu’il était tout à fait opportun qu’il puisse être assigné.

Or, à cet égard, Me A ne justifie que de dires adressés à l’expert outre la demande formée, mais trop tardivement auprès du liquidateur judiciaire.

Il convient donc de retenir un manquement à l’obligation de diligence alors que Me A aurait manifestement pu engager des actions plus utiles et plus contraignantes pour identifier l’assureur de la société EMCR.

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Néanmoins, il revient aux demandeurs de démontrer que si l’assureur avait été assigné en temps utiles, il aurait été amené à garantir tout ou partie de la dette de la société EMCR.

Au cas présent, Me A fait valoir que cette garantie n’était pas acquise dès lors que :

- la garantie “dommages” ne pouvait s’appliquer en l’absence de dommage matériel au sens du contrat qui excluait notamment la finition des travaux,

- les garanties après réception, tant légales que contractuelles, était inapplicables en l’absence de réception,

- le volet “responsabilité civile après livraison pour préjudice causé à autrui” était tout autant inapplicable.

Les consorts X ne démontrent pas en quoi la cour aurait pu passer outre cet argumentaire et, partant, ils n’établissent pas qu’il existait une chance certaine que la société Axa France puisse garantir la société EMCR.

Il n’y a donc pas de lien de causalité entre la faute commise par l’avocat et l’indemnisation sollicitée.

1.2. Sur la déclaration de créance,

Il résulte suffisamment de la déclaration de créance et de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles que Me A fait preuve d’imprudence en ne déclarant pas à la liquidation la totalité des demandes faites en première instance à l’encontre de la société EMCR et en se limitant aux causes du jugement de première instance alors qu’un appel était pendant.

Cela étant, les demandeurs font valoir que la liquidation judiciaire est impécunieuse et qu’ils n’ont pu recouvrer aucune somme en sorte que, quand bien même, une déclaration de créance plus ample serait intervenue, la situation actuelle serait inchangée.

Ce manquement doit être écarté comme n’ayant entraîné aucun dommage.

1.3. Sur l’absence de demande en paiement à l’encontre de M. Y X,

Il est établi que dans le rapport d’expertise déposé le 11 février 2011, les conclusions faisaient valoir une responsabilité conjointe de la société EMCR et de M. Y X ès-qualités de maître de l’ouvrage et de maître d’oeuvre.

Pourtant, il apparaît que Me A n’a, à aucun moment, indiqué aux autres consorts X qu’il se trouvait en conflit d’intérêt et qu’il était opportun, pour eux, d’engager la responsabilité de M. Y X.

Me A n’a pas davantage délivré de conseil en ce sens après la décision du tribunal de grande instance de Nanterre qui a pourtant explicitement considéré que la responsabilité du maître d’oeuvre était retenue pour 50 %, analyse confirmée par la cour d’appel de Versailles.

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Les dénégations de Me A, lequel se borne à indiquer qu’il a délivré oralement les conseils utiles, sont inopérantes.

Il s’ensuit que Me A n’a pas utilement conseillé l’intégralité de ses clients et s’est maintenu, à tort, dans un conflit d’intérêt.

Et il n’est pas contesté que toute action à l’encontre de M. Y X postérieure au dessaisissement de Me A était prescrite.

Reste que la responsabilité du professionnel du droit est une responsabilité de droit commun qui suppose la preuve d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre l’une et l’autre.

Il en résulte, notamment, que le préjudice invoqué doit être certain, qu’il s’agisse du préjudice entier ou d’une perte de chance.

Ainsi, lorsque le manquement a eu pour conséquence de priver une partie d’une action, il revient à celle-ci, non pas de se borner à établir la perte, mais de démontrer la réalité de la perte de chance, réelle et sérieuse, laquelle doit résulter de la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, celle d’obtenir gain de cause.

Il revient ainsi au tribunal d’évaluer les chances de succès de l’action en reconstituant le procès tel qu’il aurait pu se dérouler devant les juridictions, ce à l’aune des dispositions légales qui avaient vocation à s’appliquer, au regard des prétentions et demandes respectives des parties ainsi que des pièces en débat.

En toute hypothèse, la réparation de la perte de chance doit être mesurée en considération de l’aléa jaugé et ne saurait être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

Dans un premier temps, il convient de déterminer si, correctement conseillés, les requérants auraient souhaité engager la responsabilité de M. Y X.

Les défendeurs font valoir que M. K X, frère du demandeur et de M. Y X a attesté qu’au cours d’une réunion, l’ensemble des demandeurs avait fait le choix de ne pas engager la responsabilité du second.

Les époux X contestent cette attestation et produisent l’attestation d’un autre membre de la fratrie qui indique que les relations, depuis 2011, étaient conflictuelles en sorte qu’ils n’auraient pas hésité à agir.

Les attestations produites sont de faible portée probatoire mais, au regard du montant des sommes en jeu, il y lieu de considérer qu’il n’est pas établi que les époux X auraient nécessairement renoncé à cette question en raison du seul lien familial.

S’agissant des chances d’obtenir la condamnation de M. Y X, la cour d’appel de Versailles a considéré :

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Il n’est pas contesté que M. Y X cumulait sur le chantier les qualités de maître de l’ouvrage et de maître d’oeuvre, disposant d’une mission complète de conception et d’exécution, ainsi que de bureau de contrôle.

Après avoir réuni à quatre reprises les parties, analysé les 534 désordres et griefs, et répondu de façon circonstanciée aux dires, l’expert a constaté et conclu :

- que la société EMCR était l’auteur de nombreuses malfaçons et non conformités contractuelles, avait passé des commandes à ses fournisseurs ne respectant pas les stipulations du marché, ce qu’elle ne conteste pas,

- qu’aucun compte-rendu n’a été rédigé pendant neuf mois, que quatorze mois après la fin du délai contractuel, les travaux n’étaient pas achevés, que les malfaçons parfaitement visibles en cours d’exécution des travaux qui auraient dû être traitées ne l’ont pas été et que M. X n’a pas pris les mesures qui s’imposaient, n’a ni surveillé, ni contrôlé, ni dirigé le chantier alors que cela relevait de sa mission.

Il résulte de ces éléments, corroborés par les productions des parties que le tribunal, à bon droit, a retenu dans sa motivation, un partage de responsabilité à hauteur de 50 % pour la société EMCR et 50 % pour M. Y X.

Il n’est ni allégué ni prouvé que d’autres conclusions que celles de l’expert et d’autres analyses que celles du tribunal de grande instance de Nanterre et de la cour d’appel de Versailles auraient pu être retenues.

La chance d’obtenir la condamnation de M. X était certaine et pour les mêmes montants que ceux portés à la liquidation judiciaire de la société EMCR soit, pour les époux X, un tiers des sommes suivantes :

- 144.859,82 euros HT au titre des défauts d’exécution et reprises des travaux,

- 8.750,00 euros au titre des pénalités de retard,

- 8.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les frais d’expertise.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, de l’aléa tenant à l’engagement de l’action et à l’appréciation des juges, il y a lieu de dire que la chance perdue sera intégralement réparée par l’octroi d’une somme de 40.000 euros.

Me A et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, lesquelles ne dénient pas leur garantie, doivent être tenues in solidum au paiement de cette somme.

Cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement en application des dispositions de l’article 1231-7 du code civil.

2. Sur les demandes reconventionnelles,

Le droit d’agir, s’il est l’expression d’une liberté fondamentale et d’un pouvoir légal, n’est pas pour autant un droit discrétionnaire.

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Il peut ainsi dégénérer en abus et justifier, à ce titre, réparation sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

La solution apportée au litige démontre que la saisine du présent tribunal par les requérants ne caractérise aucun abus.

Les défendeurs ne démontrent par ailleurs aucunement l’existence et l’ampleur d’un quelconque préjudice moral.

Les demandes reconventionnelles doivent être, conséquemment, rejetées.

3. Sur les demandes accessoires,

Succombant en leurs prétentions, les défendeurs doivent être condamnés in solidum aux dépens et à payer aux demandeurs une somme de 5.000 euros sur le fondement des articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire est nécessaire.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL,

Condamne in solidum Me M-N A et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à M. E X et Mme C D épouse X la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;

Déboute Me M-N A et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leurs demandes reconventionnelles ;

Condamne in solidum Me M-N A et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues à l’article 699 du code de procédure civile ;

Les condamne in solidum à payer à M. E X et Mme C D épouse X la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’exécution par provision du présent jugement ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 11 Décembre 2019

Le Greffier Le Président

F. T A. V

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