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Sur la décision
| Référence : | TGI Toulouse, 4e ch. civ., 17 mai 2011, n° 09/00024 |
|---|---|
| Juridiction : | Tribunal de grande instance de Toulouse |
| Numéro(s) : | 09/00024 |
Texte intégral
MINUTE N° : 11/367
JUGEMENT DU : 17 Mai 2011
DOSSIER N° : 09/00024
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TOULOUSE
4e Chambre
JUGEMENT DU 17 Mai 2011
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors du délibéré
PRESIDENT : Mme X,
ASSESSEURS : Mme Y, juge rapporteur
Monsieur W AA AB, empêché
Siégeant en formation de juge rapporteur, dont avis a été donné sur l’audience et sans opposition des parties représentées.
GREFFIER lors du prononcé
Mme M N
DEBATS
à l’audience publique du 05 Avril 2011
JUGEMENT
Rendu après délibéré et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe par Mme Y, rédacteur.
DEMANDERESSE
Mme O P épouse Z
en son nom personnel et en qualité de réprésentante légale de ses enfants mineurs A et F Z,
[…]
représentée par la SCP CHARRIER- DE LAFORCADE – FURET, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant/postulant, vestiaire : 66
DEFENDERESSES
MINISTERE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES,
dont le […]
représentée par la SCP MERCIE-FRANCES-JUSTICE ESPENAN-BENOIDT VERLINDE, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant/postulant, vestiaire : 195
AGF
devenue ALLIANZ par substitution de nom,
dont le siège social est sis 78 allées AE Jaurès – 31000 TOULOUSE
représentée par la SCP BROCARD FAURE XUEREB, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 41
PARTIE INTERVENANTE
L’AGENT JUDICIAIRE DU TRÉSOR
représentée par la SCP MERCIE-FRANCES-JUSTICE ESPENAN-BENOIDT VERLINDE, avocats plaidant, vestiaire : 195
EXPOSE DU LITIGE
Un grave accident de la circulation est survenu le 29 mai 2005, sur la rocade toulousaine, à proximité de la sortie 14 dite Croix Daurade vers 4 h du matin .
Trois motards amis, M. Q Z, M. AE-R B et M. R D circulaient sur l’A 62 en direction de Bordeaux après avoir dîné ensemble à Labège et consommé de l’alcool et devaient se retrouver, en compagnie d’autres motards, dans une discothèque située à Toulouse .
Les trois motards roulaient en file indienne et à vive allure.
M. B a emprunté le premier la bretelle de sortie numéro 14 Croix Daurade et a dépassé par la droite un véhicule de police Renault Scénic, de couleur blanche, qui circulait sur la voie de droite de la rocade.
Peu de temps après, dans des conditions discutées entre les parties, une collision est intervenue entre une des motos et le véhicule de police et, presque immédiatement avant ou après cet accident, la troisième moto a chuté entraînant la chute de son pilote.
Les deux motards ont chuté sur la chaussée et ont été blessés .
M. Z, transporté à l’hôpital de Purpan par les services de secours y est décédé le lendemain à 12h 50 des suites du polytraumatisme causé par l’accident .
M. D ne conserve aucun souvenir des circonstances de l’accident.
Cet accident a eu lieu sans autre témoin direct retrouvé que les 2 policiers se trouvant dans le véhicule et les 2 motards et plusieurs automobilistes arrivés peu de temps après sur les lieux de l’accident ont été entendus par les services de police chargés de l’enquête préliminaire sous la direction du parquet.
M E, expert automobile, a été commis par les services enquêteurs et il a rédigé son rapport d’expertise le 18 juillet 2005.
Deux témoins, arrivés sur les lieux très peu de temps après l’accident, ont déclaré aux services de police avoir vu un véhicule les doublant sur la voie centrale rouler sur le corps du motard qui s’y trouvait.
Des prélèvements sanguins ont été pratiqués sur les conducteurs qui ont révélé la présence de 1,63 g d’alcool par litre de sang pour M. Z et de 2,16 g d’alcool par litre de sang pour M. D.
Le prélèvement effectué sur le conducteur du véhicule de police s’est révélé négatif.
*****
Madame O P épouse Z a, sans succès, sollicité à l’amiable auprès des services du Ministère de l’intérieur l’indemnisation de son préjudice et de celui de ses enfants mineurs, A Z né le […] et F Z née le […].
*****
Par exploits des 19 et 22 décembre 2008, Madame O Z, agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs A et F Z, a fait citer devant ce Tribunal le Ministère de l’Intérieur et la compagnie AGF, assureur du véhicule de M. D, aux fins de les condamner à l’indemnisation de leur préjudice moral et d’ordonner une expertise sur leur préjudice économique.
L’Agent Judiciaire du Trésor est intervenu volontairement à l’instance par conclusions du 8 avril 2009 en application de l’article 38 de la loi du 3 avril 1955 pour assurer la défense de l’État dont la responsabilité était mise en cause par les demandeurs.
Les parties ont conclu au fond .
La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 novembre 2010.
L’affaire a été retenue le 5 avril 2011 en formation collégiale et a été mise en délibéré au 17 mai suivant.
*****
Vu les dernières conclusions signifiées le 27 janvier 2010 par Madame Z, agissant en son nom et au nom de ses enfants mineurs A et F, qui demande au Tribunal au visa de la loi du 5 juillet 1985
— de dire et juger que les véhicules de M. D et des services de police nationale sont impliqués dans l’accident au cours duquel M. Z a été gravement blessé et des suites duquel il est décédé
— dire et juger que la compagnie Allianz et l’Agent Judiciaire du Trésor devront solidairement prendre en charge les conséquences dommageables de l’accident survenu le 29 mai 2005 et que le droit à indemnisation de Madame Z et de ses enfant mineurs est intégral
— d’allouer à Madame Z une somme de 25ྭ000 € au titre de son préjudice d’affection personnel et de 50ྭ000 € en réparation du préjudice moral de ses deux enfants mineurs
— d’allouer à Madame Z la somme de 186ྭ717,77 € en réparation de son préjudice économique, la somme de 40ྭ549,15 € en réparation du préjudice économique de A et la somme de 45ྭ534,12 € en réparation du préjudice économique de F
— de verser à Madame Z la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées par l’Agent Judiciaire du Trésor le 9 mars 2010 qui demande au Tribunal
— de mettre hors de cause le Ministère de l’intérieur de l’outre-mer et des collectivités territoriales et d’accueillir l’intervention de l’Agent Judiciaire du Trésor
— à titre principal, au visa de l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985, de constater que la preuve n’est pas rapportée de l’imputabilité du décès de M. Z au choc avec le véhicule de police et de dire et juger que la responsabilité de l’Agent Judiciaire du Trésor n’est donc pas établie
— à titre subsidiaire, au visa de l’article 6 de la loi du 5 juillet 1985, de dire et juger que M. Z a commis une faute, cause exclusive de son dommage, à tout le moins en relation avec celui-ci, de nature à exclure tout droit à indemnisation de ses ayants droit
— à titre encore plus subsidiaire, au visa de l’article 6 de la loi du 5 juillet 1985, de dire et juger que M. Z a commis une faute en relation avec son dommage de nature à limiter le droit à indemnisation de ses ayants droit
— de débouter en conséquence Madame Z de toutes ses demandes
— au visa de l’article 1382 du Code Civil, de constater que M. D, autre conducteur impliqué, a commis une faute à l’origine de l’accident et condamner la compagnie AGF devenue Allianz à garantir intégralement l’Agent Judiciaire du Trésor de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de Madame Z ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 25 mai 2010 par la compagnie AGF devenue Allianz par substitution de nom qui demande
— à titre principal
* de dire et juger qu’il est rapporté la preuve que la moto D n’est impliquée ni dans la réalisation de l’accident ni dans la réalisation des dommages corporels de M. Z et de débouter Madame Z de toutes ses demandes
* de dire et juger, au visa de l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985, que les fautes commises par M. Z sont de nature à exclure totalement l’indemnisation des préjudices et de débouter Madame Z de toutes ses demandes
— à titre subsidiaire
* de fixer le préjudice d’affection à 20ྭ000 € pour chacun des demandeurs et le préjudice économique aux sommes suivantes :
* Madame Z : 149ྭ088,60 €
* A Z : 32ྭ377,29 €
* F Z : 36ྭ357, 64 €
avec la réduction du droit à indemnisation qui sera appliquée ;
MOTIFS
Sur l’intervention volontaire de l’Agent Judiciaire du Trésor
En application de l’article 38 de la loi du 3 avril 1955, toute action portée devant les tribunaux de l’ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l’État créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l’impôt ou au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l’Agent Judiciaire du Trésor .
La présente action a notamment pour objet de voir déclarer les services de l’État tenus à indemniser les consorts Z de leur préjudice .
L’intervention volontaire de l’Agent Judiciaire du Trésor sera en conséquence déclarée recevable et le Ministère de l’intérieur de l’outre-mer et des collectivités territoriales sera mis hors de cause.
1) Sur l’implication des véhicules dans l’accident
a) Sur la notion d’implication
L’article premier du chapitre premier de la loi du 5 juillet 1985 qui régit l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation dispose :
« les dispositions du présent chapitre s’appliquent, même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. »
Il est constant qu’un véhicule est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu’il est intervenu d’une manière ou d’une autre dans cet accident et il appartient la victime de rapporter la preuve de l’implication d’un véhicule dans l’accident.
La notion d’implication est distincte de la notion de causalité et il appartient au Tribunal de vérifier dans un premier temps si le véhicule est intervenu d’une manière ou d’une autre dans l’accident.
En cas d’implication du véhicule dans l’accident sera recherchée, dans un deuxième temps, l’imputabilité du dommage à l’accident .
b) Sur l’implication du véhicule de police Renault Scenic
L’implication du véhicule de police Renault Scénic dans l’accident dont a été victime M. Z le 29 mai 2005 est parfaitement établie par les procès-verbaux d’accident et par le procès-verbal d’expertise de M. E .
Elle n’est pas contestée par l’Agent Judiciaire du Trésor.
Contrairement à ce que soutient la demanderesse, l’expertise réalisée sur demande des enquêteurs et sous le contrôle du parquet par M. E, expert automobile près la Cour d’Appel de Toulouse, fait partie des éléments de l’enquête préliminaire alors même qu’elle n’a pas été établie contradictoirement .
Le véhicule de police est intervenu dans l’accident puisqu’il a été percuté à l’arrière par la moto de M. Z qui, à la suite du choc, a chuté sur la chaussée .
La trace d’une collision importante subie par le véhicule de police est parfaitement visible sur les constatations dressées par l’expert E qui décrit les dommages à l’arrière gauche du véhicule (bloc arrière de la caisse vrillé avec enfoncement de la structure, bouclier arrière, feu arrière gauche, vitre, hayon et plancher arrière hors d’usage, déformation importante de la caisse au niveau de la jupe arrière du plancher et du longeron arrière gauche, brancard latéral gauche de la caisse déformé au niveau de la porte arrière gauche qui ne ferme plus).
Le rapport d’expertise de M. E qui décrit précisément les dommages constatés sur les 2 motos appartenant à M. Z et à M. D permet de déterminer laquelle des deux motos a percuté le véhicule de police sur son arrière gauche :
— les dégâts constatés sur la moto Z correspondant à un choc avec le véhicule de police sont des déformations importantes des tubes de fourche avant, un déchirement de la jante alliage avant sur le flanc gauche, l’écrasement ou la destruction de l’ensemble des éléments avant (carénage optique ) .
La moto présente ainsi les signes d’un violent choc avant .
Les autres traces sont des traces de ripage de son flanc gauche.
— la moto de M. D présente au contraire, au vu des constatations de M. E, des chocs multiples sur son ensemble ainsi que des traces importantes de ripage sur son flanc gauche ; elle ne présente pas de déformations importantes correspondant à une collision avec le véhicule de police .
c) Sur l’implication de la moto de M. D
L’implication de la moto de M. D est également certaine puisqu’il n’est pas contestable que le véhicule de M. D est intervenu dans l’accident dont a été victime M. Z.
Cette implication résulte en effet d’une part des déclarations des témoins qui ont constaté à leur arrivée sur les lieux de l’accident la chute de M. D allongé sur la bande d’arrêt d’urgence de la bretelle de sortie ainsi que sa moto couchée sur la chaussée.
Les constatations sur les motos réalisées par M. E confirment d’autre part l’implication de la moto puisque l’expert a relevé sur la moto de M. Z
( constatations 6, 7,8 et 9 ) des traces d’impact et d’écrasement du silencieux supérieur droit avec notamment des marques de peinture rouge couleur Ducati qui, selon l’expert, attestent d’ une collision entre les deux motos.
L’expert a également constaté sur la partie inférieure du carénage de sabot de la moto de M. D des traces récentes de frottement avec arrachement de la peinture qui confirment la réalité d’un choc entre les deux motos.
La compagnie Allianz qui confond implication dans l’accident et imputabilité du dommage à l’accident est dans ces conditions mal fondée à contester l’implication dans l’accident du véhicule de son assuré M. D.
d) Sur l’implication d’un 3e véhicule dans l’accident
Il résulte des déclarations concordantes de Mademoiselle T G et de son passager U H que, circulant sur la voie de droite de l’A 62 et arrivant sur les lieux de l’accident qui venait de se produire, ils ont tous deux vu un véhicule circulant sur la voie du milieu rouler sur le corps du motard se trouvant sur la voie centrale .
Mademoiselle G, malgré sa visible émotion, a précisé qu’elle avait vu la voiture passer au niveau des cuisses, voire du bassin du motard; qu’elle a gardé l’image d’un corps qui se soulève au moment où la voiture lui roule dessus et entendu un bruit qui peut correspondre au choc du casque qui retombe sur la route .
Monsieur H a déclaré avoir vu le véhicule rouler sur le corps du motard et entendu un bruit sourd .
Le conducteur de ce 3e véhicule n’a pu être identifié puisqu’il n’a pas été interpellé après qu’il soit sorti de son véhicule pour dire quelques mots à ces deux témoins et aux automobilistes arrêtés par la suite ; il est reparti quelques instants après au volant de son véhicule .
L’implication d’un 3e véhicule dans l’accident est confirmée par le déplacement du corps du motard après qu’il ait chuté et se soit trouvé allongé sur la voie centrale qui a été constaté par Mademoiselle de Matos qui, survenue sur les lieux de l’accident, a déclaré avoir vu quelque chose de noir qui roulait vers elle ; qu’elle a cru à un pare choc perdu ; qu’elle s’est aperçue par la suite qu’il s’agissait d’un motard qui roulait sur la route .
Monsieur I, passager du véhicule de Mademoiselle de Matos a confirmé avoir vu quelque chose qui roulait sur la voie du milieu .
L’implication d’un 3E véhicule dans l’accident appartenant à une personne non identifiée est établie .
2) Sur l’imputabilité du dommage à l’accident
Il est constant qu’en cas d’accident complexe, lorsqu’un véhicule est impliqué dans un accident, l’imputation du dommage à cet accident est présumée : c’est au conducteur ou gardien du véhicule impliqué qu’il appartient de prouver que le dommage n’est pas imputable à l’accident dans lequel son véhicule est impliqué.
C’est ainsi qu’il appartient à l’Agent Judiciaire du Trésor et à la compagnie Allianz, assureur du véhicule de M. D, de démontrer que le dommage subi par M. Z n’est pas imputable à l’accident dans lequel le véhicule de police et la moto de M. D sont impliqués.
L’Agent Judiciaire du Trésor prétend qu’il ressort de l’enquête de police que M. Z n’a pas été mortellement blessé lors de la première collision puisqu’il était encore en vie après sa chute ayant suivi la collision avec le véhicule de police et qu’il est décédé ultérieurement de polytraumatismes et rappelle qu’alors qu’il gisait au sol il a été heurté par un autre véhicule non identifié qui a roulé sur le corps du motard.
S’il est exact que le décès de M. Z qui constitue le dommage dont Madame Z demande l’indemnisation n’est pas survenu immédiatement après sa chute causée par la collision avec le véhicule de police puisque les témoins le décrivent en vie et que M. Z n’est décédé à l’hôpital que plusieurs heures après l’accident, à 12h 50, pour autant l’Agent Judiciaire du Trésor ne démontre nullement que le décès de M. Z n’est pas imputable à sa collision avec le véhicule de police .
En effet, le médecin légiste le Docteur J qui a examiné le corps de M. Z le jour de son décès décrit les ecchymoses et les plaies visible sur son corps qui n’a pas été autopsié et conclut que la cause du décès est compatible avec un polytraumatisme.
Il mentionne une ecchymose de la lèvre, une absence de déformation du crâne décelable, une plaie de la régions latéro cervicale droite, ecchymotique, et des érosions sur le cou, une trace de ponction dans la région claviculaire gauche, pas de particularité sur le thorax, des incisions chirurgicales sur l’abdomen et une infiltration ecchymotique importante dans la région abdominale basse et à la face interne des cuisses, une augmentation de volume du pénis et du scrotum, des traces de ponction au pli des coudes et en regard du poignet gauche, des érosions sur les doigts, une plaie infiltrée hémorragique à la face interne du genou et une lésion de ripage sur la rotule, la jambe droite et le genou droit ainsi qu’une lésion érosive sur l’omoplate droite.
Ces constatations médicales ne permettent nullement d’exclure que la chute consécutive à la collision avec le service de police, collision particulièrement violente eu égard aux dégâts constatés sur le véhicule, ait pu causer le polytraumatisme des suites duquel est décédé M. Z.
Les pièces du dossier ne permettent pas plus d’affirmer que le décès est dû à l’intervention du troisième véhicule dans l’accident .
Seule une autopsie aurait pu donner plus de précisions sur les causes directes du décès et elle n’a pas été pratiquée .
En tout cas, la preuve n’est pas rapportée que le décès de M. D, intervenu 8 heures après la collision avec le véhicule de police, n’est pas imputable à cette collision.
De même, l’imprécision sur les circonstances de l’accident impliquant M. D et sur les conditions dans lesquelles M. D a percuté la moto de M. Z ne permet pas plus d’exclure l’imputabilité du décès de M. Z à la moto de M. D .
La compagnie Allianz qui se contente d’imputer à la collision avec le véhicule de police les dommages subis par M. Z ne démontre pas, alors qu’elle a la charge de cette preuve, que la collision entre les motos, qui est certaine, soit sans lien avec le polytraumatisme subi par M. Z.
Dans ces conditions, le Tribunal AA et juge que les dommages subis par M. Z, et notamment son décès, sont imputables tant à l’intervention du véhicule de police qu’à la motocyclette de M. D.
3 ) Sur les fautes de M. Z
L’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 dispose : « la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis ».
Il appartient au Tribunal de dire si, comme le soutiennent l’Agent Judiciaire du Trésor et la compagnie Allianz, M. Z a commis une faute qui a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages subis par ses ayants droits consécutivement à son décès.
Il est constant que la faute prévue à l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 doit s’apprécier en faisant abstraction du comportement de l’autre conducteur et doit avoir été en relation de cause à effet avec les dommages subis par la victime conducteur.
Les défendeurs stigmatisent 3 fautes qu’aurait commises M. Z qui sont de nature à exclure l’indemnisation des dommages subis, à savoir sa vitesse excessive, sa manoeuvre effectuée en violation des règles de circulation et son imprégnation alcoolique.
Avant de les examiner, il est nécessaire de statuer sur les circonstances de l’accident telles qu’elles sont présentées par Madame Z .
a ) Sur les circonstances de l’accident
Madame Z émet en effet l’hypothèse selon laquelle son époux a heurté le véhicule de police alors que ce dernier effectuait une marche arrière sur la rocade.
Cette hypothèse est avancée par la demanderesse sur la foi des déclarations effectuées par M. B devant les services de police lequel a déclaré qu’après avoir doublé le véhicule de police par la droite pour s’engager sur la bretelle de sortie alors que le véhicule de police n’avait pas de gyrophare et circulait à moins de 100 kmh, il a constaté, une fois arrêté au feu de la sortie Croix Daurade, dans son rétroviseur, la présence d’un gyrophare bleu à travers la végétation alors que le véhicule de police semblait être à l’arrêt.
Contrairement à ce que soutient Madame Z, cette déclaration de M. B n’est pas contradictoire avec celle des autres témoins de l’accident puisque les policiers ont déclaré avoir été percutés par la moto entre une et deux secondes
après avoir été doublés par la moto de M. B ; qu’ils ont confirmé qu’au moment où M. B les a doublés, le gyrophare du véhicule n’était pas en fonctionnement ; que ce n’est qu’après être sorti du véhicule et après avoir constaté la présence du corps du motard sur la voie centrale de circulation que le conducteur du véhicule de police a mis en action le gyrophare du véhicule, puis a effectué une marche arrière pour protéger le corps du motard ; que cette déclaration des policiers est conforme à celle des témoins G et H arrivés en premier sur les lieux, qui ont vu le véhicule de police sur la bande d’arrêt d’urgence sans gyrophare allumé ; que Mlle de Matos qui a vu rouler le corps du motard confirme qu’à son arrivée la voiture de police était arrêtée avec le gyrophare et qu’elle a vu la voiture de police faire une marche arrière et se mettre en protection devant le motard ; que son passager M. I a indiqué qu’il avait vu la voiture de police se mettre à reculer en zigzaguant pour se placer derrière le corps avec un véhicule qui “ avait le gyrophare ” ; son deuxième passager M. K confirme qu’il a vu le véhicule de police faire marche arrière sans pouvoir donner indication sur le gyrophare .
Tous ces témoignages confirment que c’est après la collision que le véhicule de police a allumé son gyrophare et effectué une marche arrière en vue de protéger le corps du motard et ses déclarations ne sont nullement contraires aux observations faites par M. B qui après avoir constaté la présence d’un véhicule de police sans gyrophare a aperçu un gyrophare allumé alors qu’il était arrêté au feu situé à l’extrémité de la bretelle de sortie Croix Daurade .
Ce gyrophare correspond à celui du véhicule de police allumé après la collision avant de faire une marche arrière pour protéger le corps du motard .
Enfin, et même s’il ne s’agit pas de propos directement tenus aux services de police enquêteurs mais de propos rapportés par Mademoiselle G, le conducteur du troisième véhicule impliqué dans l’accident a déclaré à Mlle G qui l’a rapporté dans son procès-verbal d’audition lui avoir expliqué “qu’il y avait trois motards qui roulaient très vite et un qui a percuté la voiture de police ”.
Il convient de dire en conséquence que l’ hypothèse soutenue par Madame Z n’est pas conforme à la réalité du dossier qui démontre au contraire, comme le Tribunal l’a indiqué dans le paragraphe sur l’implication du véhicule de police, que la moto de Monsieur Z est entrée en collision avec le véhicule de police qui se trouvait dans le sens normal de circulation sur la voie de droite de la rocade .
b) Sur la vitesse excessive
La vitesse excessive de M. Z dans les instants qui ont précédé l’accident est certifiée par tous les témoins entendus par les services de police et qui se trouvaient sur l’autoroute A 62 quand ils ont été doublés par les trois motos de Messieurs Z, B et D :
— M. AC Y AD déclare que les motards roulaient à très vive allure,
— Mlle de Matos qui est entrée sur la rocade au niveau de la bretelle d’accès 15 décrit 3 motos la dépasser voie de gauche à très vive allure en file indienne et précise, sur interrogation, qu’ils passaient “ comme des balles ”; elle a fait ce constat très peu de temps avant d’arriver sur les lieux de l’accident puisqu’elle venait d’entrer sur la rocade ; que juste après les avoir perdus de vue, son passager lui a indiqué « à la fin de la soirée il en restera un ou deux » ; qu’un quart de seconde après qu’il ait fini cette phrase, elle a vu quelque chose noir qui roulait vers elle et il s’agissait du corps de M. Z
— M. I, passager du véhicule de Mlle de Matos, gendarme adjoint confirme que, juste après être entré sur la rocade, il a vu trois motos les dépasser à très vive allure sur la voie de gauche en file indienne et il pense qu’elles devaient rouler entre 200 et 220 kmh et il confirme les déclarations rapportées par Mademoiselle de Matos sur le sort des motards à la fin de soirée
— M. K, autre passager de Mlle de Matos, a confirmé la vitesse excessive des trois motos en file indienne sur la voie de gauche en précisant qu’elles roulaient très vite et qu’à son avis ils devaient être à plus de 160 kmh ; que très rapidement après la réflexion sur la vitesse des motos, il a aperçu la présence d’un motard allongé sur la voie du milieu
— Mademoiselle G a indiqué aux policiers qu’alors qu’elle roulait à une vitesse d’environ 90 kmh, elle a vu trois motos qui l’ont dépassée très très vite en file indienne
— M. H, passager du véhicule G, a également indiqué que les trois motos les avaient dépassés par la gauche à très très vive allure.
M. E, dans son rapport d’expertise évalue la vitesse de M. Z au moment de la collision avec le véhicule de police à 165 kmh en précisant qu’il s’agit d’une vitesse minimale .
Ce rapport de M. E est critiqué par Madame Z qui rappelle que M. E a pris la précaution d’écrire dans son rapport que compte tenu du peu d’éléments fiables dans le dossier il avait été contraint d’élaborer la méthodologie des calculs des vitesses sur la base d’interprétations effectuées à partir des auditions examinées .
Si le Tribunal ne peut retenir qu’avec certitude, M. Z roulait effectivement au moment de l’accident à la vitesse minimale de 165 kmh, en tout cas, il fait le constat que la vitesse calculée par M. L, expert automobile, régulièrement désigné dans des affaires d’accident , à hauteur de 165 kmh est vraisemblablement celle à laquelle circulait M. Z au moment de l’accident eu égard, à la vitesse particulièrement excessive relevée par tous les témoins et aux dégradations constatées sur les véhicules de police et sur la moto.
En conséquence, le Tribunal retient qu’au moment de la collision avec le véhicule de police M. Z roulait à vitesse évidemment excessive puisque dépassant manifestement la vitesse maximale autorisée à l’époque sur cette partie de la rocade, à savoir 110 kmh .
c ) Sur le défaut de maîtrise
Il appartenait à Monsieur Z, en application de l’article R 413 – 17 du Code de la Route II, de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l’état de la chaussée, des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles .
Il résulte des déclarations des policiers victimes de l’accident et du rapport de l’expert Mialhé que Monsieur Z a manqué de maîtrise de sa vitesse puisqu’il n’a pu freiner suffisamment alors qu’il se déportait sur la droite pour regagner la sortie 14 de la rocade .
Il n’a pas anticipé la présence du véhicule de police sur la voie de droite et n’a pas su régler sa vitesse en fonction de cet obstacle prévisible, s’agissant d’un véhicule circulant à vitesse normale sur la voie de droite .
d ) Sur l’imprégnation alcoolique
Il est démontré que, lors de l’accident, Monsieur Z présentait dans le sang un taux d’alcool dépassant la limite autorisée par la loi puisqu’après l’accident a été relevée dans son sang la présence d'1, 63 g d’alcool par litre de sang, soit du double de la concentration d’alcool dans le sang minimale pour constituer le délit de conduite sous l’influence de l’alcool prévu à l’article L 234 – 1 du Code de la Route ( 0, 80 g par litre ) .
e ) Sur le lien de causalité entre ces fautes avec l’accident
Le fait pour Monsieur Z d’avoir conduit à vitesse très excessive et de n’avoir pas maîtrisé cette vitesse est directement en lien avec la collision avec le véhicule de police et avec celle qui a suivi avec la moto de Monsieur D .
Monsieur Z qui se trouvait sur la voie de gauche ou sur la voie du milieu n’a pas maitrisé sa vitesse excessive et a de ce fait percuté l’arrière de la Renault Scenic et ce défaut de maîtrise a été facilité par son imprégnation alcoolique qui a amoindri ses réflexes et diminué sa vigilance .
Les 3 fautes conjuguées commises par Monsieur Z sont la cause exclusive de l’accident puisque les pièces versées aux débats ne permettent de retenir aucune autre cause, que ce soit dans les conditions de circulation particulièrement fluide à cette heure de la nuit, ou dans le comportement du conducteur du véhicule de police .
Quant au comportement de Monsieur D, les pièces de la procédure ne permettent pas d’expliquer dans quelles conditions ce dernier a chuté avant de
percuter la moto de Monsieur Z ce qui ne permet pas de retenir l’attitude de Monsieur D comme en relation causale avec l’accident .
En conséquence, il convient de faire application de l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 et de dire que les fautes de Monsieur Z ont pour effet d’exclure l’indemnisation des dommages de ses ayants droit .
Madame Z sera déboutée de toutes ses demandes et, en l’absence de toute condamnation , il convient de déclarer sans objet la demande de relevé et garantie par la cie Allianz formée par l’Agent Judiciaire du Trésor .
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal par jugement contradictoire, en premier ressort par mise à disposition au greffe
Déclare recevable l’intervention volontaire de l’Agent Judiciaire du Trésor ;
Prononce la mise hors de cause du Ministère de l’Intérieur, de l’outre mer et des collectivités territoriales ;
Déclare le véhicule de police Renault Scenic et la moto de Monsieur R D impliqués dans l’accident du 29 mai 2005 qui a causé le polytraumatisme à la suite duquel Monsieur Q Z est décédé ;
AA que les fautes commises par Monsieur Q Z lors de l’accident du 29 mai 2005 ont pour effet d’exclure l’indemnisation de ses ayants droit ;
Déboute Madame Z de toutes ses demandes formées tant à titre personnel qu’en qualité de représentante légale de ses enfants A et V Z ;
Déclare sans objet la demande de relevé et garantie formée par l’Agent Judiciaire du Trésor contre la cie Allianz ;
Condamne Madame Z aux dépens .
Ainsi jugé au Palais de Justice de Toulouse le 17 mai 2011.
La Greffière La Présidente
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