Tribunal judiciaire de Bobigny, 21 février 2022, n° 21/05303

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

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TRIBUNAL JUDICIAIRE

de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 21 FEVRIER 2022

AFFAIRE N° RG 21/05303 – N° Portalis DB3S-W-B7F-VIYR N° de MINUTE : 22/00225 Chambre 6/Section 4

Monsieur E Z […] 93110 ROSNY-SOUS-BOIS Représenté par Maître Antoine CHRISTIN de la SELARL ANTOINE CHRISTIN AVOCAT, avocats au barreau des HAUTS-DE-SEINE vestiaire :720

Madame X, F A […] 93110 ROSNY-SOUS-BOIS Représentée par Maître Antoine CHRISTIN de la SELARL ANTOINE CHRISTIN AVOCAT, avocats au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire :720

DEMANDEUR

C/

La Société MIC INSURANCE ( anciennement dénommée MILLENNIUM INSURANCE COMPAGNY LIMITED, en qualité d’assureur de la société ABM TRAVAUX) 13 Ragged Staff Wharf, Queensway Quay PO Box 1314 GIBRALTAR Société ayant pour souscripteur en France la société LEADER UNDERWRITING, dont le siège est situé […] Représentée par Me Fabien GIRAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0697

Monsieur G Y ( en qualité d’ancien gérant de la SARLU ABM TRAVAUX) […] Représenté par Maître Btissam DAFIA de la SELARL SELARL DAFIA & SEIZOVA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C1410

DEFENDEUR


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COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur M N-O, Vice-Président Assesseurs : Madame ROMI, Vice-Présidente, magistrat ayant fait rapport à l’audience
Madame COSNARD, Juge

Assistés aux débats de : Madame TCHICAYA Greffier,et au prononcé de Madame K, Greffier.

DEBATS

Audience publique du 13 décembre 2021 à cette date l’affaire a été mise en délibéré au 21 février 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par jugement contradictoire, et en premier ressort, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, par Monsieur M N-O , Vice-Président, assisté de Madame K, Greffier.

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EXPOSÉ DU LITIGE

Le 19 décembre 2018, Monsieur E Z et Madame X A ont acquis un pavillon d’habitation sis à ROSNY-SOUS-BOIS, […], pour un prix de 310.000 euros.

Ils y ont entrepris des travaux de rénovation selon devis accepté d’un montant total de 97.322,57 euros de la société ABM TRAVAUX, dont le gérant était Monsieur G Y, société assurée par la société MIC INSURANCE.

Le 19 octobre 2018, les consorts Z-A ont accepté le devis tout en indiquant à M. Y que son assurance ne comprenait pas le gros-œuvre, la charpente et l’étanchéité (alors que le devis comprenait de tels travaux) et qu’il devait en conséquence souscrire ces options de manière à assurer l’intégralité du chantier et leur permettre de souscrire de leur côté une assurance dommage-ouvrage.

Le 24 octobre 2018, les consorts Z-A ont vainement réitéré cette demande.

Les travaux ont débuté le 23 octobre 2018.

Le 16 janvier 2019, la société ABM TRAVAUX a adressé un devis complémentaire d’un montant de 1.210 euros qui a été accepté par les consorts Z-A.

Au total, ils ont payé à la société ABM TRAVAUX :

- le 23 octobre 2018, un acompte de 10.000 euros

- le 4 janvier 2019, un acompte de 71.420,13 euros

- le 29 janvier 2019, un paiement de 1.210 euros soit au total 82.530,13 euros

Les consorts Z-A ont constaté plusieurs désordres et notamment des traces d’humidité dans le salon.

Le 7 mars 2019, ils ont déclaré le sinistre auprès de la GMF, assureur habitation, après une première réunion le 2 mai 2019 et le dépôt de son rapport par le cabinet TEXA, l’assureur a payé le coût du dégât des eaux.

Les consorts Z-A ayant constaté des malfaçons et des non-façons, ils ont mandaté le cabinet d’expertise LAMY EXPERTISE afin d’identifier tous les problèmes afférents au chantier.

Le 17 mars 2019, ils ont réceptionné les travaux en l’état, sans réserve, tout en refusant de payer le solde de 15.902,44 euros.

Puis ils ont mandaté le BRT ZEITIN CONSEIL afin d’étudier la reprise de la poutre en plancher haut du rez-de-chaussée.

Ils ont finalement fait assigner les sociétés ABM TRAVAUX, MIC, GMF et M. Y en qualité d’ancien gérant de la SARL ABM TRAVAUX devant le président du TGI de BOBIGNY afin d’obtenir la désignation d’un expert.

Le 14 octobre 2019, une ordonnance désignant Monsieur H I du C, expert, a été rendue.


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Puis les consorts Z-A ont fait assigner le 27 mai 2021 au fond devant ce tribunal la société MIC et Monsieur G Y afin d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices, la société ABM TRAVAUX étant en liquidation judiciaire et clôturée pour insuffisance d’actif le 30 octobre 2020.

Dans leurs dernières conclusions signifiées par RPVA le 11 octobre 2021, Monsieur E Z et Madame X A demandent, sur le fondement de l’article 1792 du code civil, de constater que la garantie décennale de la société ABM TRAVAUX est engagée avec une action directe contre l’assureur de la société MIC.

Ils soutiennent que si le 17 mars 2019, date de la réception, ils avaient certes constaté plusieurs désordres c’était sans en mesurer l’ampleur et les conséquences. Ce n’est que le 9 avril 2019, après avoir reçu le rapport du cabinet LAMY EXPERTISE qu’ils ont pu réaliser la réalité des dommages. L’expert affirmant que compte tenu de l’ampleur des désordres et de la nature structurelle de nombre d’entre eux, ceux-ci portent atteinte à la destination des lieux, l’habitation.

Or la société ABM TRAVAUX a souscrit une assurance de responsabilité décennale et de responsabilité civile professionnelle auprès de la société MIC à effet du 2 mars 2016 jusqu’au 1er mars 2019. Les travaux dans leur pavillon ont débuté le 23 octobre 2018, ils s’estiment recevables à agir à l’encontre de la société MIC.

Sur la responsabilité contractuelle de droit commun de la société ABM TRAVAUX, ils invoquent la théorie des dommages intermédiaires et prétendent exercer leur action directe à l’encontre de la société MIC INSURANCE. La mise en jeu de ce régime suppose une faute contractuelle, un préjudice et un lien de causalité, le tiers lésé disposant alors d’un recours direct à l’encontre de l’assureur sur le fondement de l’article L.124-3 du code des assurances.

Ainsi, si la responsabilité décennale de la société ABM TRAVAUX et l’action directe afférente à l’encontre de la société MIC INSURANCE n’était pas retenue, la responsabilité contractuelle de droit commun de la société ABM TRAVAUX sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires s’appliquerait avec condamnation de la société MIC INSURANCE.

A défaut, ils soutiennent que M. Y a engagé sa responsabilité personnelle à leur égard en application de l’article L. 223-22 du code de commerce puisque sa faute les a privés de la possibilité d’être indemnisés par l’assureur.

Ils réclament donc de condamner la société MIC INSURANCE à les indemniser de leur préjudice matériel : VMC : 1.474 euros TTC Charpente : 29.620,50 euros TTC ou à tout le moins 21.920,25 euros TTC Étude de structures : 5.060,00 euros TTC ou à tout le moins 2.530 euros TTC Couverture : 67.539 euros TTC ou 50.178,80 euros TTC ou à tout le moins 41.423,80 euros TTC Maçonnerie : 58.590,40 euros TTC ou à tout le moins 56.496 euros TTC Planchers : 24.252,90 euros TTC ou à tout le moins 18.533,90 euros TTC Salle de bains : 9.419,30 euros TTC ou à tout le moins 8.099,30 euros TTC Peintures : 13.884,20 euros TTC Électricité : 25.168 euros TTC ou 14.168 euros TTC Plomberie : 7.315 euros TTC Menuiseries extérieures : 21.560 euros TTC ou à tout le moins 1.650 euros TTC

Soit 51.386,50 euros TTC ou à tout le moins 35.810,50 euros TTC Honoraires de maîtrise d’œuvre : 31.624,83 euros TTC


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À titre subsidiaire, ils sollicitent de condamner M. Y à les indemniser de leur préjudice matériel, à savoir : Charpente : 29.620,50 euros TTC ou à tout le moins 21.920,25 euros TTC Étude de structures : 5.060 euros TTC ou à tout le moins 2.530,00 euros TTC Maçonnerie : 58.590,40 euros TTC ou à tout le moins 56.496,00 euros TTC

Condamner in solidum la société MIC INSURANCE et Monsieur Y à les indemniser de leur préjudice matériel à savoir : Couverture : 67.539 euros TTC ou 50.178,80 euros TTC ou à tout le moins 41.423,80 euros TTC

Sur le préjudice de jouissance, les consorts Z-A demandent de condamner in solidum la société MIC INSURANCE et M. Y à leur payer 30.623,20 euros (21.923,20 euros + 8.700 euros) en réparation de ce préjudice arrêté au mois d’avril 2021 inclus, à parfaire au jour du démarrage des travaux de remise en état, outre leur privation de jouissance de six mois à venir.

Sur le préjudice moral, ils ajoutent de condamner in solidum la société MIC INSURANCE et M. Y à leur payer 12.800 euros chacun, soit 25.600 euros en réparation.

Enfin, ils réclament de condamner in solidum la société MIC INSURANCE et M. Y à leur payer 30.000 euros à titre de contribution à leurs frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens de l’instance et de la procédure de référé-expertise, en ce compris le coût du rapport de l’expert judiciaire. Le tout avec exécution provisoire du jugement.

La société MIC conclut, par ses écritures signifiées par RPVA le 22 septembre 2021, que les désordres invoqués par les consorts Z-A et relevés dans le rapport d’expertise LAMY étaient visibles en cours de chantier, la mobilisation de la garantie décennale n’est donc pas possible.

Au surplus, la garantie « Responsabilité Civile Professionnelle » a pour objet de garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par l’assuré en raison des dommages causés aux tiers et ne concerne que la responsabilité délictuelle de l’assuré et non sa responsabilité contractuelle.

En outre les demandes des consorts Z-A visant à la reprise des travaux réalisés sont exclus selon les termes des conditions générales du contrat souscrit par la société ABM TRAVAUX auprès d’elle.

Par ailleurs le préjudice de jouissance et le préjudice moral invoqués par les consorts Z- A constituent un préjudice immatériel exclu des conditions générales du contrat souscrit par la société ABM TRAVAUX.

Ainsi, elle demande de débouter les consorts Z-A et toute autre partie de l’ensemble de leurs demandes à son encontre.

A titre subsidiaire, si ses garanties devaient être mobilisées, elle fait remarquer que la société ABM TRAVAUX avait uniquement souscrit les activités de peinture, électricité, plomberie – installations sanitaires-chauffages (à l’exclusion des capteurs solaires photovoltaïques intégrés), couverture et revêtement de surfaces en matériaux durs – chapes et sols coulés – marbrerie funéraire et que la société ABM TRAVAUX n’était pas garantie pour les activités de charpente, démolition, maçonnerie, menuiserie, pose de parquet flottant et agencement de suite.


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En conséquence, la mobilisation des garanties pour les activités non souscrites est impossible. Elle ajoute de limiter les condamnations aux travaux correspondant à des activités souscrites, soit la somme de 67.422,10 euros TTC :

installation du chantier : 3.000 euros HT, soit 3.300 euros TTC échafaudage : 19.090 euros HT, soit 20.999 euros TTC couverture : 15.193 euros HT, soit 18.231,60 euros TTC électricité : 12.880 euros HT, soit 15.456 euros TTC carrelage et faïence : 7.636 euros HT, soit 8.835,60 euros TTC chauffage électrique : 545 euros HT, soit 599,50 euros TTC.

Au surplus, constater que les demandes formulées par les consorts Z-A au titre de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral – non pris en charge- sont infondées, et que les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont disproportionnées.

Elle ajoute que les prétentions des consorts Z-A au titre des travaux de remise en état sont surévaluées, que la garantie « Responsabilité Civile Professionnelle » n’a pas vocation à couvrir les dommages résultant de tout arrêt de travaux survenant après l’expiration d’un délai de 30 jours à compter de la date de cessation d’activité du chantier.

Elle demande donc de limiter les sommes réclamées par les consorts Z-A au titre des travaux relevant des activités non souscrites aux sommes retenues par l’expert judiciaire, soit: charpente : 19.927,50 euros HT, soit 21.920,25 euros TTC plancher : 7.940 euros HT, soit 8.734 euros TTC menuiserie : 10.409 euros HT, soit 11.449,90 euros TTC maçonnerie : 15.360 euros HT soit 16.896 euros TTC étude de structures : 2.300 euros HT, soit 2.530 euros TTC démolition : 4.270 euros HT, soit 4.697 euros TTC.

Et de limiter l’indemnisation de leur préjudice de jouissance à 30 jours à compter de la date de cessation des travaux, et à défaut réduire à de plus justes proportions le montant qui serait alloué aux consorts Z-A au titre du préjudice de jouissance et d’un préjudice moral.

Au surplus, elle prétend à l’application des plafonds et franchises contractuelles prévues au contrat de la compagnie MIC INSURANCE.

Et enfin l’assureur sollicite de condamner les consorts Z-A et tout succombant, à lui verser 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, lesquels pourront être directement recouvrés par la SELARL GFG AVOCATS conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Monsieur G Y, dans ses conclusions signifiées par RPVA le 21 octobre 2021, sur le fondement de l’article L.223-22 du code de commerce, demande de débouter Madame A et Monsieur B de l’ensemble de leurs demandes car il affirme n’avoir pas commis de faute détachable de ses fonctions. Il entend rappeler que la responsabilité d’un dirigeant ne peut être engagée que si celui-ci a commis une faute « séparable ou détachable » de ses fonctions, cette faute n’étant caractérisée que si elle est intentionnelle et d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions.

Or, les demandeurs ne rapportent pas la preuve d’une telle faute ni de son élément intentionnel.


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A défaut, si sa faute était reconnue, il sollicite de constater que les demandeurs ont participé à la réalisation de leur préjudice et que sa responsabilité ne peut être retenue. En effet, malgré leur parfaite connaissance de l’absence d’assurance complémentaire, ils ont choisi de maintenir la réalisation des travaux par la société ABM TRAVAUX.

En tout état de cause il demande de condamner la société MIC INSURANCE, son assureur, à le garantir de l’ensemble des condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Et de condamner les consorts Z- A à lui verser 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 26 octobre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la réception de l’ouvrage, les désordres et leur nature

L’article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

L’article 1792 du même code dispose que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

L’article 1792-1 précise qu’est réputé constructeur de l’ouvrage tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage, toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire, toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage.

L’article 1792-6 définit la réception comme l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. La garantie de parfait achèvement, à laquelle l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an, à compter de la réception, s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception. Les délais nécessaires à l’exécution des travaux de réparation sont fixés d’un commun accord par le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur concerné. En l’absence d’un tel accord ou en cas d’inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant. L’exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d’un commun accord, ou, à défaut, judiciairement. La garantie ne s’étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l’usure normale ou de l’usage.

La réception fait courir le délai de dix ans pendant lequel les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants doivent être engagées en application de l’article 1792-4-3.


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Il ressort de ceci que plusieurs régimes de responsabilité peuvent trouver application de façon alternative donc non cumulative.

En effet, à la réception si le désordre a été réservé, il doit faire l’objet d’une réparation au titre de la garantie de parfait achèvement.

S’il est apparent à la réception et non réservé, il est couvert par cette réception sans réserve. Ainsi, la réception exonère le locateur d’ouvrage de toute responsabilité ou de tout garantie, qu’elle que soit la nature, pour les défauts de conformité apparents qui n’ont pas fait l’objet de réserves à la réception, ce qui exclut toute responsabilité décennale ou même contractuelle.

Si le désordre n’était pas apparent ou qu’il ne s’est révélé par la suite dans son ampleur et ses conséquences, il relève soit de la garantie décennale s’il revêt les qualités exigées par l’article 1792 précité, ou biennale prévue par l’article 1792-3 du code civil pour les autres éléments d’équipement de l’ouvrage présentant un défaut de fonctionnement, à défaut il relève de la responsabilité contractuelle, par la théorie des dommages intermédiaires, avec dans ce cas nécessité de prouver la faute de l’entrepreneur.

Concernant le caractère apparent ou non d’un désordre, il est de jurisprudence constante que celui-ci s’apprécie au jour de la réception au regard,

- de l’ampleur et de ses conséquences, le maître de l’ouvrage peut demander sur le fondement de la garantie décennale à l’entrepreneur réparation des défauts qui, signalés à la réception ne se sont révélés qu’ensuite dans leur ampleur et leurs conséquences

- d’autre part, des compétences techniques du maître d’ouvrage dans le domaine de la construction et de ses capacités à constater l’existence du désordre.

Il incombe au tribunal de déterminer si les désordres étaient connus du maître de l’ouvrage avant la réception des travaux, ont été dénoncés lors de la réception ou s’ils ont été couverts par la réception.

En l’espèce, il ressort du document intitulé « procès-verbal de réception des travaux » rédigé de façon manuscrite par les consorts Z-A et signé par eux et par Monsieur Y le 17 mars 2019 que les maîtres de l’ouvrage constatent que les travaux exécutés ne correspondent pas au devis. Ils ont fait venir un expert pour « détecter les malfaçons » qui leur a indiqué que les reprises s’élèveraient à environ 30.000 euros. N’ayant plus confiance en l’entreprise ABM TRAVAUX, les maîtres de l’ouvrage choisissent qu’elle paye une autre entreprise pour effectuer les travaux. La société ABM TRAVAUX leur versera 4.000 euros, elle s’engage à réparer la fuite de la gouttière, effectuer le remplacement des tuiles ainsi que l’indication du piquet de terre et l’installation de bavettes dans un délai de 15 jours maximum. La somme sera restituée dans le cas où les travaux seront inférieurs à 20.000 euros.

Dans un document du 9 avril 2019, le cabinet d’expertise LAMY EXPERTISE, dépêché par les consorts Z-A sur les lieux, il est relevé :

-non respect du devis sur la pose de la charpente

-réserve sur la dimension des pannes

-défaut de pose en débord

-non façon en dessous de toiture

-absence de tuiles chatières

-défaut de fixation de tuiles

-défaut de pose de gouttières

-non façon sur les appuis de fenêtre

-défaut de pose des huisseries


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-réserve sur la réalisation d’un ceinturage

-absence de ravalement de façade

-défaut de planéité du plancher, absence de renforcement, défaut de maintien du parquet flottant

-défaut de finition au niveau des plinthes

-réserve sur l’installation de la baignoire (risque d’affaissement)

-défaut de mise en peinture

-défaut de mise en peinture sur le plafond de la cuisine

-présence de traces d’humidité sur le mur du salon

-électricité pas aux normes.

Il faut considérer que de ces documents il ressort que parmi les désordres existant à la réception, certains étaient visibles et décelables par un maître de l’ouvrage même profane, il s’agit :

-absence de ravalement de façade

-défaut de finition au niveau des plinthes

-défaut de mise en peinture

-défaut de mise en peinture sur le plafond de la cuisine

-présence de traces d’humidité sur le mur du salon

Ces désordres apparents et non réservés sont purgés en application de l’article 1792-6 du code civil, de sorte que les consorts Z-A ne peuvent plus agir que sur les malfaçons et non façons non apparentes à la réception.

Certains désordres ont fait l’objet de réserves lors de la réception, il s’agit :

-fuite de la gouttière

-remplacement des tuiles

-piquet de terre

-installation de bavettes.

Ils doivent être réparés au titre de la garantie de parfait achèvement, si c’est la réparation en nature qui est sollicitée, ou au titre de la responsabilité de droit commun sinon.

Il convient d’examiner le rapport d’expertise judiciaire afin de voir quels désordres se sont révélés après la réception et leur régime juridique. Il appert que certains désordres ont également fait l’objet de reprises.

Selon l’expert judiciaire Monsieur H I du C dans son rapport du 2 avril 2021, « c’est la totalité des travaux entrepris par la société ABM TRAVAUX qui est concernée par les désordres, à l’exception des travaux réalisés au rez-de-chaussée, à savoir essentiellement l’aménagement de la cuisine »

Sur la base du rapport de la société BIG (Bureau d’Études & d’Ingénierie Générale) désigné en qualité de sapiteur, les travaux de la société ABM TRAVAUX ont eu pour effet d’aggraver les désordres préexistants sur la structure du bâtiment du fait de la surélévation, de l’intervention sur le refend central, trémies, charpente etc…

L’expert a considéré qu’en raison de l’ampleur des désordres et de la nature structurelle de nombre d’entre eux, ils portent atteinte à la destination des lieux, à savoir l’habitation.

Il a relevé que la totalité des travaux réalisés contrevient aux règles de l’art et aux DTU. Cela concerne aussi bien le DTU 20.1 concernant la maçonnerie que les règles ETICS concernant l’isolation ITE ou la norme NF C 15-100 concernant l’installation électrique.


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Il impute les non-conformités aux règles de l’art et aux documents contractuels à la société ABM TRAVAUX en sa qualité de professionnel.

Les désordres, malfaçons, non-façons et non-conformités justement relevés par l’expert sont les suivants,

Défaut d’installation de la VMC Le devis prévoit un poste « Fourniture et pose VMC », sans détail descriptif ni locaux raccordés, pour un montant de 800,50 euros HT. L’installation n’a été ni fournie, ni posée.

Il s’agit d’un désordre non-apparent à la réception et rendant l’ouvrage impropre à sa destination, la responsabilité décennale de la société ABM TRAVAUX est engagée.

Non-respect du devis sur la fourniture et la pose de la charpente Le devis prévoit au lot charpente :

- dépose d’une charpente traditionnelle avec évacuation en décharge

- fourniture et mise en œuvre d’une charpente à 2 pans, charpente traditionnelle Il est constaté que au moins trois pannes faîtières et intermédiaires sont des bois de récupération non neufs. Le rapport du cabinet LAMY EXPERTISE indique que « les pannes nous paraissent sous proportionnées en section et ne pas être d’une seule longueur ». Idem en ce qui concerne les arbalétriers. Les pannes ont été sectionnées à leur extrémité. L’expert émet des réserves concernant le mode d’assemblage.

Défaut de pose en débord Le devis prévoit au lot Charpente des débords de 50 cm en façades. Il est constaté que ce débord est de 15 cm maximum au droit des façades en pignons

Non façon en dessous de toiture Le devis prévoit au lot Charpente que les sous-faces des débords soient traitées en lambris sapin et planche de rives. Il est constaté que le débord est laissé brut, sans habillage des sous-face en lambris et sans planche de rive aux abouts des pannes.

Couverture Absence de tuiles chatières mais ce point a été réglé. Défaut de fixation des tuiles L’assemblage des tuiles de rive est défaillant.

Écusson de faîtage La fixation des deux écussons n’est pas satisfaisante.

L’expert constate que, d’une manière générale, les travaux de couverture ont été très mal exécutés, pureaux mal alignés, colmatage en about de gouttière au plâtre.

Les désordres des travaux de charpente et de couverture font partie de la garantie décennale, puisque rendant l’ouvrage impropre à sa destination, et n’étaient pas décelables à la réception, à l’exception du remplacement des tuiles, du piquet de terre et de l’installation de bavettes qui ont fait l’objet de réserves et rentrent dans la garantie de parfait achèvement si c’est la réparation en nature qui est sollicitée, ou au titre de la responsabilité de droit commun sinon.


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Chéneau et gouttières Il apparaît que cet ouvrage a été repris depuis par la réalisation d’un chéneau (deux factures de la société M. D), afin de reprendre les eaux pluviales des deux maisons mitoyennes, ce chéneau est superposé à l’ancien chéneau de la maison mitoyenne. L’ouvrage est habillé au droit des façades arrière sur jardins par une pièce en zinc. Le chéneau est en charge, mais surtout il apparaît, au vu des importantes infiltrations au droit du mur du rez-de-chaussée, comme n’assurant pas sa fonction d’étanchéité.

Ce dommage est de nature décennale, rendant l’ouvrage impropre à sa destination.

Maçonnerie Non façon sur les appuis de fenêtre La fenêtre de la salle de bains, créée sur la façade arrière ne comporte pas d’appui de fenêtre débordant, conformément à l’art. 6.4.5 du DTU 20.1. C’est également le cas pour les 4 baies en façade sur rue.

Défaut de dimensionnement sur un appui de fenêtre La fenêtre de la chambre sur façade arrière, dont on constate que l’appui a été repris pour être rallongé.

Défaut de pose des huisseries Les deux fenêtres de la façade sur rue semblent avoir été récupérées et reposées. Il est constaté que ces fenêtres présentent une différence d’alignement de 5,5 cm, la fenêtre oscillo-battante de la salle de bains en PVC se manœuvre difficilement. La porte de la pièce en extension donnant sur le jardin ne s’ouvre pas, cette porte est voilée. L’expert constate également que le parquet au seuil de cette porte a gonflé sous l’effet de ce qui apparaît comme des infiltrations, et conclut à un défaut d’étanchéité au seuil de la porte.

Réserve sur la réalisation d’un ceinturage Le devis prévoit au lot maçonnerie : Élévation hauteur de 1 m mur de la maison, sur les 2 murs porteurs de la maison, coffrage. Fourniture et pose ferraillage pour ceinturage, pose agglo épaisseur 20x20 à la hauteur de 1 m en hauteur sur les côtés . Il s’agit du chaînage incliné conformément aux dispositions de l’article 6.2.3 du DTU 20.1. Absence de ceinturage au droit du pignon ouest.

Ces désordres sont de nature décennale puisque rendant l’ouvrage impropre à sa destination.

Absence de ravalement de façade Le ravalement a été réalisé sur la seule façade sur rue mais pas sur la façade arrière, ni sur le pignon ouest. Le devis prévoit au chapitre Façade, un isolant thermique et : « fourniture et mise en œuvre d’un enduit hydraulique mono couche projeté ou manuelle, en finition écrasée, teinte ton pierre », sans qu’on sache quelles façades sont concernées.

Ce poste relevé par l’expert LAMY était visible n’a pas fait l’objet de réserve et est purgé par l’absence de réserve à la réception, comme déjà dit ci-avant.

Planchers Défaut de planéité du plancher, absence de renforcement, défaut de maintien du parquet flottant.

Ces désordres sont de nature décennale puisque rendant l’ouvrage impropre à sa destination.


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Défaut de finition au niveau des plinthes

- finitions de pose des plinthes Ce poste relevé par l’expert LAMY n’a pas fait l’objet de réserve et est purgé, comme déjà dit ci- avant.

Salle de bains Réserve sur l’installation de la baignoire (risque d’affaissement) Il est constaté que la baignoire repose sur des profilés métalliques, eux-mêmes fixés au sol par de fines tiges filetées. Il est par ailleurs constaté que le sol sous cette baignoire n’est pas carrelé, de sorte que l’étanchéité du sol n’est pas assurée, d’autant qu’il n’a manifestement pas été mis en œuvre de système d’étanchéité liquide.

Ces désordres sont de nature décennale puisque rendant l’ouvrage impropre à sa destination.

Peintures Défaut de mise en peinture sur le plafond de la cuisine, l’expert considérant qu’il s’agit d’un défaut mineur.

Ce poste relevé par l’expert LAMY était apparent à la réception, n’a pas fait l’objet de réserve et est purgé, comme déjà dit ci-avant.

Présence de traces d’humidité sur le mur dans le salon Suite aux travaux de reprise de la couverture et du chéneau, les consorts Z- A déclarent que les infiltrations ont cessées.

Électricité L’électricité n’est pas aux normes. Il a été constaté au droit d’une ouverture dans un coffrage au sous-sol la présence de câbles électriques qui semblent être préexistants et/ou avoir été remaniés (présence de dominos de raccordement)

Ces désordres sont de nature décennale dans la mesure où l’installation peut se révéler dangereuse.

Structure du plancher Le rapport du cabinet LAMY EXPERTISE ayant préconisé le recours à un bureau d’études techniques concernant le renforcement du plancher, les consorts Z-A ont consulté le bureau d’études ZEITIN CONSEIL. Celui-ci a remis une note en date du 17 avril 2019 suite à sa visite de la veille, note dans laquelle il conclut que la poutre a une flèche inacceptable, il faut la renforcer avec reprise d’un poteau et du mur porteur au sous-sol. Il s’agit de la poutre au droit de l’ouverture entre les deux pièces du rez-de-chaussée. Il est en effet constaté que cette poutre présente une flèche qui n’a pas été mesurée. L’expert note que cette poutre et cette ouverture étaient manifestement préexistantes (moulures conservées). Il n’en demeure pas moins qu’il a été constaté que les solives du plancher haut, perpendiculaires aux façades, portent sur cette poutre dont la section évaluée à 10 cm environ.

Or, l’entreprise qui intervient sur un ouvrage déjà affecté d’un vice décennal sans le réparer engage sa garantie décennale.


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Moisissures au sous-sol Il s’agit des importantes moisissures constatées au droit du mur extérieur. Il apparaît qu’un doublage a été posé sur cette paroi.

Ces désordres sont de nature décennale.

Malfaçons et désordres de la plomberie Concernant la salle de bains, il s’agit d’une contrepente de l’évacuation de la vasque. Concernant le ballon d’eau chaude et les canalisations, les désordres allégués n’ont pas fait l’objet de constatations. Les problèmes concernant l’évacuation du lave-linge au sous-sol avaient été solutionnés.

Porte donnant sur le jardin Il s’agit de la porte de la pièce en extension donnant sur le jardin qui, selon le devis (achat porte salon sur terrasse) a été remplacée. Il est constaté que cette porte ne s’ouvre pas, vraisemblablement voilée.

Ceci est un désordre couvert par la garantie de bon fonctionnement en application de l’article 1792-3 du code civil.

Sur la reprise des désordres

Il a été communiqué à l’expert un devis global de reprises des travaux d’un montant de 292.822, 50 euros HT l’expert a repris les chiffres indiqués ou a fait des remarques -en expliquant précisément son avis- sur les montants parfois surévalués pour arriver à une diminution globale d’un montant de 85.000 HT.

Eu égard au devis fourni par les demandeurs et aux remarques de l’expert, le chiffrage des travaux retenu par la présente juridiction est le suivant :

VMC : 1.340 euros HT Charpente : 19.927,50 euros HT Étude préalable de structure : 2.500 euros HT Reprise du chéneau : 2.959,10 euros HT + 5.000 euros HT ( selon 2 factures les travaux ayant dû être réalisés en urgence ) Couverture : 15.193 euros HT Plâtrerie : 13.255 euros HT Isolation thermique et phonique : 9.210 euros HT Maçonnerie : 16.896 euros HT Menuiseries : 8.909 euros HT Planchers : 7.940 euros HT SDB ( baignoire) : 7.363 euros HT Électricité : 12.880 euros HT Plomberie : 6.650 euros HT Porte du jardin : 1.500 euros HT

Soit un sous-total de 131.522,60 euros HT

De plus il convient de prendre en compte les frais d’installation du chantier, d’échafaudage, de démolition et de dépose et repose du chauffage électrique pour un montant global de 32.555 euros HT justement réévalué par l’expert judiciaire.

Au total 164.077,60 euros HT


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Auquel il faut appliquer le coût des honoraires d’un maître d’œuvre de 9 % comme réclamé en demande, soit 164.077,60 x 9 % = 178.844, 60 euros

avec la TVA de 10 % soit 196.730 euros TTC au titre des travaux de reprise.

Sur le recours contre l’assureur

En application de l’article L.124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L’assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n’a pas été désintéressé, jusqu’à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l’assuré.

En l’espèce, l’assuré la société ABM TRAVAUX a fait l’objet d’une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actifs.

Quoiqu’il en soit, les consorts Z-A sont recevables à agir contre son assureur en application de l’article précité.

La société ABM TRAVAUX a contracté le 11 février 2016 une assurance auprès de la société MIC INSURANCE intitulée « Assurances responsabilité civile et décennale des entreprises du bâtiment ». Il n’est pas contesté que la période couverte par le contrat inclut le chantier litigieux. Au titre des activités assurées figurent de façon limitative les activités suivantes « Peinture, Électricité,Plomberie-installations sanitaires-chauffage (à l’exclusion des capteurs solaires photovoltaïques intégrés), revêtement de surface en matériaux durs-chapes et sols coulés- marbrerie funéraire. » Seuls ces postes peuvent faire l’objet d’un recours des consorts Z-A contre l’assureur au titre de la garantie décennale soit,

SDB ( baignoire) : 7.363 euros HT Électricité : 12.880 euros HT Plomberie : 6.650 euros HT

Sous total de 26.893 euros HT

Auquel il faut appliquer une quote part de 7.000 euros HT pour la préparation et l’installation du chantier, soit 33.893 euros HT auquel il faut ajouter 9 % de frais de maîtrise d’oeuvre.

Pour un total de 36.943,37 euros HT, avec la TVA de 10 %, 40.637,70 euros, somme à laquelle sera condamnée la société MIC INSURANCE en sa qualité d’assureur de la société ABM TRAVAUX pour les préjudices matériels.

Concernant les préjudices de jouissance et moral, l’assureur soutient que ces préjudices ne sont pas couverts par sa police, laquelle ne couvrirait que les préjudices pécuniaires, à savoir un préjudice impliquant un débours ou la perte d’un bénéfice.

Il ressort des pièces produites que la société MIC INSURANCE couvre les préjudices immatériels consécutifs aux dommages matériels garantis.

Un dommage immatériel, c’est-à-dire qui n’est ni matériel ni corporel, n’est donc garanti, au titre de la présente police d’assurance, que s’il comporte une dimension pécuniaire, en ce qu’il induit


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une dépense ou provoque un manque à gagner. À défaut de provoquer une conséquence pécuniaire, un tel dommage ne relève pas de la garantie souscrite.

Ne sont donc pas indemnisables par l’assurance les préjudices de jouissance et moral.

Sur le recours contre le gérant

En application de l’article L.223-22 du code de commerce, les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

En application de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, les consorts Z-A reprochent au dirigeant de la société ABM TRAVAUX de ne pas avoir souscrit une assurance qui couvrait l’intégralité de ses activités ce qui leur a fait perdre le droit d’être intégralement indemnisés par son assureur.

En effet, la liste limitative des activités couvertes par la société MIC INSURANCE soit « Peinture, Électricité,Plomberie-installations sanitaires-chauffage (à l’exclusion des capteurs solaires photovoltaïques intégrés), revêtement de surface en matériaux durs-chapes et sols coulés-marbrerie funéraire. » n’incluant pas tous les postes du chantier effectués chez eux par la société ABM TRAVAUX ils ne seront indemnisés qu’à hauteur des activités couvertes comme il a été vu ci-avant.

Ils avaient d’ailleurs signalé par deux fois ceci à Monsieur Y qui n’y a pas remédié.

Ainsi la faute du dirigeant qui devait assurer, s’agissant d’une assurance obligatoire et dont le défaut constitue une infraction pénalement réprimée, son entreprise pour la totalité des travaux qu’elle effectuait est avérée. Cette faute est d’une particulière gravité et séparable de ses fonctions de gérant. Il ne peut en rien s’en exonérer en arguant de la connaissance de ce fait par les maîtres de l’ouvrage alors que, particulièrement vigilants sur ce point, ils lui avaient demandé, dans deux courriels produits, de souscrire l’assurance idoine.

Le préjudice certain en résultant est l’absence de couverture assurantielle pour une partie des dommages soit la somme de : 196.730 euros – 40.637,70 euros = 156.092,30 euros.

En revanche, l’assurance ne couvrant pas les préjudices de jouissance et moral, la faute de Monsieur Y ne leur a pas causé de préjudice sur ce point et celui-ci n’est pas responsable en sa qualité de gérant de l’entreprise de leurs préjudices immatériels.

En conséquence, Monsieur G Y sera condamné à payer à Monsieur E Z et Madame X A la somme de 156.092,30 euros en réparation de leur préjudice.

Sur les demandes au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la société MIC INSURANCE et Monsieur G Y, qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens, ainsi qu’à payer à Monsieur E Z et Madame X A une somme au titre des frais irrépétibles fixée, en équité, à 10.000 euros.


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L’exécution provisoire est de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant par jugement mis à disposition au greffe contradictoire en premier ressort,

CONDAMNE la société MIC INSURANCE à payer à Monsieur E Z et Madame X A la somme de 40.637,70 euros au titre de la réparation des dommages matériels,

RETIENT la faute de Monsieur G Y et le condamne à payer à Monsieur E Z et Madame X A la somme de 156.092,30 euros en réparation de leur préjudice,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE in solidum la société MIC INSURANCE et Monsieur G Y à payer à Monsieur E Z et Madame X A la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la société MIC INSURANCE et Monsieur G Y aux dépens, comprenant notamment les frais du référé expertise et ceux de l’expertise judiciaire,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier

Le Greffier Le Président

J K L M N O

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Tribunal judiciaire de Bobigny, 21 février 2022, n° 21/05303